DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
30 avril 2025 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale Vagisan – Marques nationales verbales antérieures VAGISIL – Cause de nullité relative – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Accord sur le retrait du Royaume-Uni de l’Union et de l’Euratom – Fin de la période de transition au cours de la procédure juridictionnelle »
Dans l’affaire T‑679/20,
Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel, établie à Bielefeld (Allemagne), représentée par Mes M. Breuer et F. von der Decken, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et V. Ruzek, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Combe International LLC, établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Mes M. Kinkeldey, S. Brandstätter et S. Clotten, avocats,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. W. Valasidis (rapporteur) et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : Mme R. Ukelyte, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– l’ordonnance de jonction de l’examen de la demande de non-lieu à statuer au fond du 1er juillet 2021,
– l’ordonnance du 7 avril 2022, Dr. August Wolff/EUIPO – Combe International (Vagisan) (T‑679/20, non publiée, EU:T:2022:232) rejetant le recours incident de l’intervenante comme irrecevable,
– la décision du 19 janvier 2023 de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 juin 2024, EUIPO/Indo European Foods (C‑801/21 P, EU:C:2024:528),
– la réattribution de l’affaire à un nouveau juge rapporteur,
– la mesure d’organisation de la procédure du 28 juin 2024 invitant les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt du 20 juin 2024, EUIPO/Indo European Foods (C‑801/21 P, EU:C:2024:528), et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal le 16 juillet 2024,
à la suite des audiences des 8 novembre 2022 et 25 novembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 septembre 2020 (affaire R 2459/2019-4) (ci-après la « décision attaquée »).
I. Antécédents du litige
2 Le 18 novembre 2011, la requérante a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 10985168 de la marque verbale Vagisan. Cet enregistrement international a été notifié à l’EUIPO le 2 février 2012, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001, du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].
3 Les produits pour lesquels la marque a été enregistrée relevaient, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 3 : « Savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions capillaires ; tous les produits précités étant destinés à l’hygiène intime, à la sécheresse vaginale et à la flore vaginale » ;
– classe 5 : « Produits pharmaceutiques ; produits hygiéniques à usage médical ; substances diététiques à usage médical ; tous les produits précités étant destinés à l’hygiène intime, à la sécheresse vaginale et à la flore vaginale ».
4 Le 2 décembre 2017, l’intervenante, Combe International LLC, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque contestée.
5 La demande en nullité était fondée notamment sur des marques antérieures espagnole, italienne, polonaise et portugaise ainsi que sur les marques antérieures suivantes :
– la marque du Royaume-Uni verbale VAGISIL, déposée et enregistrée le 6 février 1985 sous le numéro 1235127 et renouvelée jusqu’au 6 février 2026, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Produits de toilette non médicinaux ; savons ; déodorants à usage personnel ; antitranspirants ; préparations non médicinales pour le soin de la peau et du corps ; talc pour la toilette et poudres cosmétiques pour le corps » ;
– la marque du Royaume-Uni verbale VAGISIL, déposée le 24 février 2006, enregistrée le 25 août 2006 sous le numéro 2414935 et renouvelée jusqu’au 24 février 2026, désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits et substances médicamenteux, pharmaceutiques et hygiéniques ; serviettes hygiéniques ; serviettes ; lingettes ; disques ; tampons ; culottes et protège-slips ; lingettes ; serviettes et lingettes imprégnées de lotions pharmaceutiques ; lingettes médicinales pour l’hygiène féminine ».
6 La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était notamment celle visée à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.
7 Le 11 septembre 2019, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité.
8 Le 30 octobre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.
9 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Premièrement, en suivant l’approche de la division d’annulation, elle s’est fondée uniquement sur les deux marques verbales antérieures du Royaume-Uni VAGISIL, nos 1235127 et 2414935, aux fins d’apprécier l’existence d’un risque de confusion. Elle a, par ailleurs, précisé que l’intervenante pouvait se prévaloir des droits antérieurs protégés au Royaume-Uni jusqu’à la fin de la période de transition fixée dans l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait »). Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que le territoire pertinent pour l’appréciation du risque de confusion était celui du Royaume-Uni. Troisièmement, elle a relevé que les produits en cause s’adressaient au public féminin et aux professionnels, dont le niveau d’attention variait de supérieur à la moyenne à élevé. Quatrièmement, elle a considéré, d’une part, que les produits relevant de la classe 3, couverts par la marque contestée, étaient identiques aux produits couverts par les marques verbales antérieures et, d’autre part, que les produits relevant de la classe 5, couverts par la marque contestée, étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires à un degré moyen à ceux couverts par les marques antérieures. Cinquièmement, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient moyennement similaires sur les plans visuel et phonétique et faiblement similaires sur le plan conceptuel. Compte tenu du degré moyen de similitude visuelle et phonétique, de l’identité ou de la similitude, à tout le moins, moyenne des produits en cause ainsi que du caractère distinctif intrinsèque moyen des marques antérieures, elle a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.
II. Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– annuler la décision de la division d’annulation du 11 septembre 2019 ;
– condamner l’EUIPO et, le cas échéant, l’intervenante, aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO.
11 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours ou, à titre subsidiaire, de rejeter le recours et de condamner la requérante aux dépens.
12 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante et l’EUIPO aux dépens.
III. En droit
A. Sur le droit applicable ratione temporis
13 Conformément à l’article 3, paragraphe 4, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989 (JO 2003, L 296, p. 22), tel que modifié le 12 novembre 2007, la date à laquelle l’enregistrement international désignant l’Union est obtenu correspond à la date d’introduction, auprès de l’office qui en a été saisi, de la demande d’enregistrement de la marque dont la protection est recherchée sur tout le territoire des parties à l’arrangement de Madrid.
14 Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 18 novembre 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).
15 Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures aux articles 60, paragraphe 1, sous a), et 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme visant les articles 53, paragraphe 1, sous a), et 8, paragraphe 1, sous b), de teneur identique, du règlement no 207/2009.
B. Sur la demande de non-lieu à statuer
16 Le 29 mars 2021, l’EUIPO a demandé au Tribunal de constater qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours. En substance, il soutient que, dans la mesure où la chambre de recours a accueilli la demande en nullité sur la base de deux marques antérieures du Royaume-Uni, l’expiration de la période de transition prévue dans l’accord de retrait privait d’objet la procédure de nullité et le recours devant le Tribunal. Selon l’EUIPO, à compter de la fin de la période de transition, la marque contestée ne produirait aucun effet juridique sur le territoire du Royaume-Uni, et les deux marques antérieures, invoquées à l’appui de la demande en nullité, ne constitueraient plus des « marques enregistrées dans un État membre », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009. En outre, aucun conflit futur ne pourrait émerger entre les marques antérieures et la marque contestée, puisque cette dernière ne serait pas protégée au Royaume-Uni, tandis que les marques antérieures seraient exclusivement protégées au Royaume-Uni.
17 Lors de l’audience, l’EUIPO a précisé que, depuis la fin de la période de transition, le 1er janvier 2021, la décision attaquée était devenue caduque dans la mesure où elle portait sur un conflit qui avait cessé d’exister.
18 Si, dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe du Tribunal le 26 avril 2021, la requérante a déclaré ne pas s’opposer à la demande de non-lieu à statuer de l’EUIPO, elle a toutefois indiqué, lors de l’audience, qu’elle conservait un intérêt à voir annuler la décision attaquée.
19 Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe du Tribunal le 28 avril 2021, l’intervenante a contesté l’existence d’un non-lieu à statuer. En particulier, elle a fait valoir que l’EUIPO avait omis de prendre en considération, dans sa demande de non-lieu à statuer, la création automatique, le 1er janvier 2021, de la marque du Royaume-Uni no UK00810985168 Vagisan issue de la marque contestée, et dont la validité dépendait de la validité de cette dernière.
20 Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 43 et jurisprudence citée, et ordonnance du 30 avril 2020, Chypre/EUIPO, C‑608/18 P, C‑609/18 P et C‑767/18 P, non publiée, EU:C:2020:347, points 27 et 28 et jurisprudence citée).
21 Il convient également de rappeler que l’accord de retrait, adopté le 17 octobre 2019 et entré en vigueur le 1er février 2020, prévoit, en son article 126, une période de transition du 1er février au 31 décembre 2020. Depuis l’expiration de cette période de transition, le retrait du Royaume-Uni de l’Union produit ses pleins effets. Depuis le 1er janvier 2021, les marques antérieures du Royaume-Uni ont donc perdu le statut de marques antérieures, c’est-à-dire de « marques enregistrées dans un État membre », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001].
22 L’article 54, paragraphe 1, sous a) et paragraphe 5, sous a), de l’accord de retrait prévoit que les titulaires d’une marque de l’Union européenne enregistrée jusqu’au 31 décembre 2020 disposeront automatiquement d’une marque du Royaume-Uni constituée du même signe, couvrant les mêmes produits et services et disposant de la même date de dépôt ou de priorité que celle de la marque de l’Union européenne. Il résulte, en outre, du paragraphe 3 de cet article que, si une marque de l’Union européenne est déclarée nulle ou frappée de déchéance dans l’Union au terme d’une procédure administrative ou judiciaire en cours le dernier jour de la période de transition, le droit correspondant au Royaume-Uni est, en principe, déclaré nul ou frappé de déchéance.
23 L’article 127 de l’accord de retrait prévoit que, sauf dispositions contraires, pendant la période de transition, le droit de l’Union continue à s’appliquer sur le territoire du Royaume-Uni. En revanche, à compter du 1er janvier 2021, la législation de l’Union dans le domaine des marques ne s’applique plus au Royaume-Uni et à son territoire, sauf si et dans la mesure où la poursuite de son application est explicitement prévue par l’accord de retrait.
1. Sur la persistance de l’objet du litige
24 Le présent litige porte sur la légalité de la décision attaquée dans laquelle la chambre de recours, pour des raisons d’économie de procédure, a examiné la demande en nullité uniquement au regard des marques antérieures du Royaume-Uni, même si cette demande était fondée sur d’autres marques (voir point 5 ci-dessus). La décision attaquée, adoptée le 3 septembre 2020, est intervenue durant la période de transition, c’est-à-dire à une date à laquelle, en l’absence de dispositions contraires dans l’accord de retrait, la législation de l’Union dans le domaine des marques continuait de s’appliquer au Royaume-Uni et, partant, les marques antérieures du Royaume-Uni continuaient à bénéficier de la même protection que celle dont elles auraient bénéficié en l’absence de retrait du Royaume-Uni de l’Union, et ce jusqu’à la fin de la période de transition.
25 En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée n’a pas été formellement retirée et que la fin de la période de transition n’a pas eu pour effet de faire disparaître rétroactivement cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2024, EUIPO/Indo European Foods, C‑801/21 P, EU:C:2024:528, point 61).
26 Par conséquent, malgré la fin de la période de transition, intervenue au cours de l’instance devant le Tribunal, le litige conserve son objet.
2. Sur la persistance de l’intérêt à agir
27 Selon une jurisprudence constante, l’existence d’un intérêt à agir suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la personne qui l’a introduit (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 juin 2024, EUIPO/Indo European Foods, C‑801/21 P, EU:C:2024:528, point 80).
28 La persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65).
29 En l’espèce, il est constant que la requérante a un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée, qui lui est défavorable. En effet, il ressort du point 65 de la décision attaquée ainsi que du point 1 du dispositif de cette dernière que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation, qui avait accueilli la demande en nullité introduite par l’intervenante et avait déclaré nulle la marque contestée. Partant, si le Tribunal annulait la décision attaquée, la confirmation de la déclaration de nullité de la marque contestée serait invalidée et il appartiendrait à l’EUIPO de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal. En revanche, si le présent recours était rejeté, la nullité de la marque de la requérante prendrait effet, sous réserve d’un éventuel pourvoi, à compter de la date de ce rejet.
30 Par conséquent, la circonstance que la période de transition, prévue aux articles 126 et 127 de l’accord de retrait, a pris fin au cours de la présente procédure ne fait pas disparaître l’intérêt de la requérante à obtenir l’annulation de la décision attaquée.
31 Par ailleurs, dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait le recours en annulant la décision attaquée et où l’EUIPO retirerait, en conséquence, la déclaration de nullité de la marque contestée, le droit de marque du Royaume-Uni no UK00810985168 Vagisan, dont la validité est liée à celle de la marque contestée, demeurerait valide, en application de l’article 54, paragraphe 3, de l’accord de retrait.
32 Partant, la demande de non-lieu à statuer présentée par l’EUIPO doit être rejetée.
C. Sur le fond
33 La requérante invoque, dans la requête, un moyen unique, tiré de la violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Dans son mémoire complémentaire du 12 janvier 2021, la requérante a présenté un moyen nouveau, tiré de l’échéance de la période de transition, prévue dans l’accord de retrait, lequel sera traité en tant que second moyen. Il convient d’examiner d’abord ce second moyen, dont la recevabilité n’est pas contestée.
1. Sur le second moyen, tiré de l’échéance de la période de transition, prévue dans l’accord de retrait
34 La requérante a fait valoir que, à compter de l’expiration de la période de transition, les marques antérieures, invoquées à l’appui de la demande en nullité, ne bénéficiaient plus de la protection de l’Union et que, par conséquent, à compter du 1er janvier 2021, la demande en nullité fondée sur ces marques était dénuée de fondement. Lors de l’audience de plaidoiries, la requérante a indiqué que, par ce moyen, elle contestait la légalité de la décision attaquée, car les marques antérieures avaient perdu leur statut de marque enregistrée dans un État membre après l’introduction du recours contre la décision attaquée.
35 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
36 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO et ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée ; arrêt du 3 décembre 2015, TrekStor/OHMI – Scanlab (iDrive), T‑105/14, non publié, EU:T:2015:924, point 15]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).
37 Partant, le fait que la période de transition a expiré le 1er janvier 2021, à savoir postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, est dénué de pertinence pour contrôler la légalité de cette décision.
38 Le second moyen doit donc être rejeté comme inopérant.
2. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009
39 La requérante fait valoir, en substance, qu’il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Elle conteste l’analyse de la chambre de recours portant, premièrement, sur le caractère distinctif des marques antérieures, deuxièmement, sur la similitude des signes en conflit et, troisièmement, sur le risque de confusion.
40 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
41 Conformément à la lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur la demande du titulaire d’une marque antérieure, la marque de l’Union européenne enregistrée est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
42 Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].
43 Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêts du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO, C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 47, et du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42].
44 À titre liminaire, il convient de rappeler que la chambre de recours a constaté que les produits concernés, visés au point 3 ci-dessus, s’adressaient au public féminin et aux professionnels, dont le niveau d’attention variait de supérieur à la moyenne à élevé. Elle a également estimé que les produits en cause étaient soit identiques, soit similaires. La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours qu’aucun élément du dossier ne permet, au demeurant, de remettre en cause.
a) Sur la comparaison des signes
45 L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne les similitudes visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).
46 En l’espèce, avant de traiter la question de la similitude des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu d’examiner l’appréciation des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit effectuée par la chambre de recours.
1) Sur les éléments distinctifs et dominants
47 Aux fins de déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 27 février 2008, Citigroup/OHMI – Link Interchange Network (WORLDLINK), T‑325/04, non publié, EU:T:2008:51, point 66].
48 Il y a également lieu de relever que, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 25), il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il identifiera des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 51, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 57].
49 En l’espèce, les marques antérieures sont constituées de l’élément verbal « vagisil », tandis que la marque contestée est composée de l’élément verbal « vagisan ».
50 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « vagi », commun aux signes en conflit, serait immédiatement perçu par le public pertinent comme une référence au mot anglais « vagina », sous une forme tronquée, ou, à tout le moins, comme faisant allusion à la destination des produits en cause. Il posséderait donc un caractère distinctif faible. Elle a estimé que, malgré son faible caractère distinctif, cet élément participait de manière significative à l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit en raison de sa longueur et du fait qu’il est placé en premier, et que le public pertinent attribuerait à cet élément au moins autant d’importance qu’à la partie finale des signes en conflit. En outre, elle a considéré que les suffixes « sil » et « san » des signes en cause n’avaient pas de signification particulière pour le public pertinent.
51 La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’élément verbal « vagi » des signes en conflit, en dépit de son caractère distinctif faible, aurait autant d’importance que leurs terminaisons « sil » ou « san ». Selon elle, l’attention du public pertinent serait attirée par ces terminaisons.
52 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
53 À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a constaté, sans être contredite par la requérante, que, eu égard au fait que les produits en cause sont destinés à l’hygiène intime féminine, le public pertinent était susceptible de comprendre l’élément commun « vagi » des signes en conflit comme une référence au mot anglais « vagina » et donc comme faisant allusion à la destination de ces produits.
54 Partant, comme l’a indiqué à juste titre la chambre de recours, l’élément « vagi » ne possède qu’un caractère distinctif faible. En revanche, les éléments « sil » et « san » des signes en conflit n’ont aucune signification pour le public pertinent.
55 Cependant, la circonstance que l’élément commun « vagi » pourra être perçu comme faisant allusion à la destination des produits en cause ne signifie pas nécessairement qu’il sera négligeable dans l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit. Il convient en effet de rechercher si d’autres éléments de ces signes apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 49 et jurisprudence citée].
56 À cet égard, il importe de prendre en considération le fait que l’élément verbal « vagi » est placé au début des signes en conflit et présente une longueur significative et qu’il se compose de deux syllabes alors que les terminaisons « sil » et « san » ne sont constituées que d’une seule syllabe. Dans ce contexte, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’attention du public se concentrerait sur ces terminaisons.
57 Dès lors, malgré son faible caractère distinctif, l’élément « vagi », commun aux marques en conflit, doit néanmoins être pris en compte dans l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit.
2) Sur la comparaison visuelle et phonétique
58 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel dès lors qu’ils coïncidaient par la présence du groupe de lettres « vagis » et qu’ils avaient ainsi en commun cinq de leurs sept lettres, placées dans le même ordre. Elle a considéré que, le consommateur n’ayant que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, la circonstance que les deux dernières lettres étaient différentes ne suffisait pas à neutraliser la similitude visuelle créée par les cinq lettres en commun.
59 La chambre de recours a également considéré que la coïncidence de la partie initiale des deux marques antérieures avec la partie initiale de la marque contestée se retrouvait sur le plan phonétique, de telle sorte qu’il existait un degré moyen de similitude à cet égard entre les signes en conflit. Elle a, en outre, relevé que ces signes présentaient la même structure syllabique et qu’ils étaient prononcés avec la même intonation et le même rythme par le public pertinent.
60 La requérante conteste ces appréciations de la chambre de recours. Elle fait valoir que les signes en conflit sont différents sur les plans visuel et phonétique ou, tout au plus, similaires à un degré très faible. Selon elle, les signes en conflit coïncident seulement par l’élément verbal « vagi », dont le caractère distinctif est faible. Partant, l’attention du public se porterait sur les différences entre les signes, à savoir les éléments finaux « san » et « sil ».
61 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
62 S’agissant de la comparaison visuelle, il convient de rappeler que l’argumentation de la requérante selon laquelle l’attention du public se focaliserait sur la terminaison des signes en conflit a été écartée (voir point 56 ci-dessus). Par ailleurs, il y a lieu de constater, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, que les signes en conflit sont composés de sept lettres, dont les cinq premières sont identiques et placées dans le même ordre. Ces signes diffèrent, en revanche, par leurs deux dernières lettres. Toutefois, la différence créée par les deux lettres divergentes des marques en conflit ne suffit pas à compenser la similitude visuelle découlant de la présence commune des autres lettres.
63 Partant, la chambre de recours a dûment pris en compte tant les similitudes que les différences existant entre les signes en conflit et a constaté, à juste titre, que les signes en conflit étaient visuellement similaires à un degré moyen.
64 S’agissant de la comparaison phonétique, force est de constater que les signes en conflit comprennent chacun trois syllabes, la prononciation des deux premières syllabes « va » et « gi » étant identique. La prononciation de ces signes ne diffère que par la troisième syllabe, respectivement « sil » et « san », qui commence dans les deux cas par la consonne « s ».
65 Ainsi la similitude phonétique des signes en conflit résulte de la prononciation identique des deux premières syllabes communes « va » et « gi », de la présence de la consonne « s » dans la prononciation de la troisième syllabe, ainsi que du rythme et de l’intonation commune dans la prononciation de ces signes.
66 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.
67 Les conclusions énoncées aux points 63 et 66 ci-dessus ne sauraient être remises en cause par l’argument de la requérante tiré de la méconnaissance de la pratique décisionnelle de l’EUIPO. En effet, ainsi que la requérante le reconnaît d’ailleurs elle-même, l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque espèce et n’est pas lié par des décisions antérieures adoptées dans d’autres affaires. La légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009 et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. En outre, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 39 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’une telle argumentation est inopérante.
68 En tout état de cause, il y a lieu de relever que, à la différence de la présente affaire, celle ayant donné lieu à la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 8 mai 2020 (affaire R 1576/2019-4), invoquée par la requérante, concerne une situation dans laquelle les signes en conflit se différenciaient par l’élément figuratif placé dans la partie supérieure du signe antérieur ainsi que par la longueur des éléments verbaux qui les composaient, à savoir sept lettres dans le signe antérieur et neuf lettres dans le signe contesté. En outre, les terminaisons des éléments verbaux « vagisil » et « vaginelle » étaient visuellement distinctes, malgré la présence de la lettre « l », occupant des positions différentes dans les signes en conflit.
69 Il y a lieu d’ajouter que ces conclusions ne sont pas non plus remises en cause par l’arrêt du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE) (T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463), invoqué par la requérante lors de l’audience, dans lequel le Tribunal a constaté que le degré de similitude sur les plans visuel et phonétique des signes concernés était faible. En effet, dans cette affaire, le Tribunal a estimé que les suffixes de chacun des signes concernés, à savoir « lium » et « nove », bien qu’ayant le même nombre de lettres, étaient totalement différents, de telle sorte qu’ils différaient radicalement sur les plans visuel et phonétique, alors que, en l’espèce, les suffixes « sil » et « san » débutent par la consonne « s » et, donc, ne diffèrent pas radicalement l’un de l’autre.
70 La présente affaire se distingue également de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 15 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – Bio-tec Biologische Naturverpackungen (BIOPLAST BIOPLASTICS FOR A BETTER LIFE) (T‑2/20, non publié, EU:T:2020:493), invoquée par la requérante. Dans cette dernière, les signes concernés différaient notablement par la présence, dans le signe faisant l’objet de la demande de marque, d’éléments figuratifs et d’une expression comportant cinq mots qui n’étaient pas négligeables, alors que, en l’espèce, les signes en conflit ne sont composés que d’un élément verbal.
3) Sur la comparaison conceptuelle
71 Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré qu’aucun des signes en conflit n’avait de signification dans son ensemble. Néanmoins, il existe, selon ladite chambre, une similitude conceptuelle faible entre ces signes en raison de la présence de l’élément faiblement distinctif « vagi ».
72 Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation qui, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience, n’est pas contestée.
73 S’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle les suffixes « sil » et « san » sont conceptuellement différents l’un de l’autre, puisque l’élément verbal « san » de la marque contestée serait compris par le public pertinent comme correspondant à l’abréviation du mot latin « sanitas », il suffit de relever que cet argument n’a nullement été développé ni étayé par des éléments de preuve. Il doit, dès lors, être écarté.
b) Sur le caractère distinctif des marques antérieures
74 Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques antérieures étaient dénuées de signification dans leur ensemble par rapport aux produits qu’elles désignaient et qu’elles présentaient donc un caractère distinctif intrinsèque moyen.
75 La requérante estime, en substance, que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié le degré distinctif intrinsèque des marques antérieures. Selon elle, ces marques ne présentent qu’un caractère distinctif faible dans la mesure où l’élément verbal « vagi » possède également un caractère distinctif faible.
76 L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.
77 À cet égard, il résulte du point 54 ci-dessus que l’élément « vagi » est doté d’un caractère distinctif faible pour les produits en cause. En revanche, l’élément « sil » n’a aucune signification en rapport avec les produits en cause.
78 Il s’ensuit que, contrairement à la conclusion de la chambre de recours, les marques antérieures possèdent un caractère distinctif intrinsèque faible.
79 Toutefois, l’erreur commise par la chambre de recours quant au caractère distinctif des marques antérieures est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée pour les motifs exposés au point 89 ci-après.
c) Sur l’appréciation globale du risque de confusion
80 L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].
81 Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les éléments de similitude entre deux signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un caractère distinctif faible, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui‑même faible [voir arrêt du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée].
82 La chambre de recours a considéré que, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle et phonétique entre les signes en conflit, de l’identité ou de la similitude, à tout le moins moyenne, des produits en cause et du caractère distinctif intrinsèque moyen des marques antérieures, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, même si le public pertinent faisait preuve d’un niveau d’attention « plus élevé ».
83 La requérante soutient que la chambre de recours a procédé à une pondération erronée des facteurs pertinents dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, y compris des conditions de commercialisation. Selon elle, l’élément verbal « vagi » des signes en conflit présentant un caractère distinctif faible, son impact sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui-même faible. Elle fait également valoir que le faible caractère distinctif des marques antérieures, le niveau d’attention moyen ou élevé du public pertinent et les différences, ou tout au plus, un « très faible » degré de similitude entre les signes en conflit excluaient tout risque de confusion.
84 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
85 Premièrement, il ressort des développements qui précèdent que les produits en cause sont soit identiques soit similaires.
86 Deuxièmement, les signes en conflit présentent, sur les plans visuel et phonétique, un degré de similitude moyen (voir points 63 et 66 ci-dessus). La circonstance que l’élément « vagi » fait allusion à la destination des produits en cause ne peut avoir pour effet d’exclure les similitudes existant entre ces signes résultant de cet élément commun auxdits signes et de l’identité de leur structure, de leur rythme et de leur intonation. En effet, les signes en conflit ont en commun cinq lettres sur un total de sept, placées dans le même ordre (« v », « a », « g », « i » et « s »). De plus, l’attention du public pertinent ne sera pas attirée par la terminaison différente des signes en conflit (« il » et « an »), alors qu’aucune différence conceptuelle ne contribuera à distinguer ces signes.
87 Troisièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle, compte tenu des conditions de commercialisation des produits en cause, l’aspect visuel jouerait un rôle particulièrement important pour l’appréciation du risque de confusion, il suffit de rappeler que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle.
88 Quatrièmement, ainsi qu’il a été constaté au point 78 ci-dessus, les marques antérieures présentent un caractère distinctif faible.
89 Or, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément, parmi d’autres, intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, le Tribunal peut estimer qu’il existe un risque de confusion, notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés (voir arrêt du 8 novembre 2016, BSH/EUIPO, C‑43/15 P, EU:C:2016:837, point 63 et jurisprudence citée).
90 Eu égard à tous les facteurs mentionnés aux points 85 à 89 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion.
91 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son ensemble.
IV. Sur les dépens
92 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
93 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) La demande de non-lieu à statuer est rejetée.
2) Le recours est rejeté.
3) Dr. August Wolff GmbH & Co. KG Arzneimittel est condamnée aux dépens.
Marcoulli | Valasidis | Spangsberg Grønfeldt |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2025.
Signatures