Recours introduit le 20 février 2025 – Sanoma Media Finland/Commission
(Affaire T-141/25)
Langue de procédure : l’anglais
Parties
Partie requérante : Sanoma Media Finland Oy (Helsinki, Finlande) (représentants : D. Geradin et K. Bania, avocats)
Partie défenderesse : Commission européenne
Conclusions
La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
annuler dans son intégralité la décision de la Commission du 21 novembre 2024, publiée le 20 décembre 2024, concernant l’aide d’État SA.62830 (2021/FC) – aide d’État de la Finlande en faveur de l’organisme public de radiodiffusion YLE (ci-après la « décision attaquée »), dans laquelle il est indiqué que l’aide d’État en faveur des services de vidéos à la demande (VOD) et de formation en ligne fournis par Yleisradio Oy (ci-après « YLE ») constitue une aide d’État existante, dans la mesure où la Commission refuse d’enquêter sur la question de savoir si le financement public des services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE est constitutive d’une nouvelle aide qui est détachable du régime initial, malgré les difficultés sérieuses qu’elle a rencontrées pour déterminer la nature de l’aide ;
annuler dans son intégralité la décision attaquée, dans laquelle il est précisé que la définition des attributions d’YLE couvre les services de VOD et de formation en ligne et que la loi no 1380 du 22 décembre 1993 relative à la société de radiodiffusion finlandaise (ci-après la « loi relative à YLE ») a valablement chargé YLE de fournir des services de VOD et de formation en ligne, dans la mesure où elle conclut à tort que les attributions d’YLE sont suffisamment claires pour inclure les services de VOD et de formation en ligne et que la loi relative à YLE la charge légitimement de fournir des services de VOD et de formation en ligne ;
annuler dans son intégralité la décision attaquée, dans la mesure où la Commission n’évalue pas si le mécanisme de surveillance d’YLE est apte à garantir que les services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE répondent à ses attributions ;
annuler dans son intégralité la décision attaquée dans laquelle il est précisé que les services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE n’entraînent pas un impact disproportionné sur le marché, dans la mesure où la Commission n’évalue pas si le mécanisme de surveillance financière est apte à empêcher une surcompensation au titre des services contestés et où elle conclut à tort que leurs effets sur la concurrence sont limités ;
annuler dans son intégralité la décision attaquée où il est précisé que la définition des attributions d’YLE couvre les services de VOD et de formation en ligne et que la loi relative à YLE la charge de fournir des services de VOD et de formation en ligne, et qui ne comporte aucune évaluation des mécanismes qui ont été mis en place afin de garantir une surveillance adéquate et empêcher une surcompensation, dans la mesure où elle n’applique pas les règles de bonne pratique établies dans sa communication sur la radiodiffusion, sans le justifier de manière objective, violant le principe de confiance légitime ;
condamner la Commission aux dépens de la partie requérante conformément à l’article 134 du règlement de procédure du Tribunal, y compris les dépens liés à toute partie intervenante éventuelle.
Moyens et principaux arguments
À l’appui du recours, la partie requérante invoque les moyens suivants.
Premier moyen tiré de ce que la Commission a commis une erreur dans son appréciation, étant donné qu’elle n’a pas ouvert une procédure d’enquête au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, malgré les difficultés sérieuses qu’elle a rencontrées pour qualifier l’aide d’aide existante.
Par son premier moyen, la partie requérante conteste la décision de la Commission de ne pas ouvrir la phase formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Malgré une jurisprudence très bien établie qui oblige la Commission à ouvrir la phase formelle d’examen lorsqu’elle a des doutes sérieux dans le cadre de l’évaluation de la mesure d’aide contestée, y compris pour qualifier l’aide d’aide existante, la Commission s’est abstenue à tort de le faire.
La partie requérante invoque deux éléments de preuve pour démontrer que l’évaluation de l’information dont disposait la Commission au cours de l’examen préliminaire aurait dû faire naître des doutes en ce qui concerne la qualification de l’aide en question d’aide existante, à savoir a) la motivation de la décision attaquée, et b) la longueur de l’examen préliminaire.
En ce qui concerne la motivation, il ressort de la jurisprudence pertinente que le caractère insuffisant ou incomplet de l’analyse effectuée par la Commission lors de l’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses. La parie requérante soutient que, dans la présente affaire, la Commission a effectué un examen insuffisant et incomplet de la mesure litigieuse. Elle a estimé que la mise en place des services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE ne constituait pas une modification significative de l’étendue des activités d’YLE, constituant ainsi une aide existante. La Commission est parvenue à cette conclusion sans utiliser le critère juridique correct. Concrètement, afin de déterminer si la fourniture des services de VOD et de formation en ligne par YLE relève du régime d’aides existant, la Commission a évalué si les attributions d’YLE sont définies clairement d’une manière qui couvre les services contestés, et si la loi relative à YLE la charge valablement de fournir les services contestés. Sur la base d’un faisceau d’indices suffisamment concordants qui examine a) comment le critère juridique applicable pour une définition claire et une attribution valable a déterminé l’issue dans d’autres affaires similaires à l’encontre de la mesure contestée, et b) comment le critère juridique applicable s’applique aux services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE, la partie requérante démontre que la Commission ne pouvait pas parvenir à la conclusion que la mesure contestée constitue une aide existante sans ouvrir la procédure formelle d’examen ;
en ce qui concerne la durée de la phase préliminaire d’examen, elle s’est élevée à 44 mois dans la présente affaire. Si une telle durée ne saurait, à elle seule, conduire à la conclusion que la procédure d’examen préliminaire a donné lieu à des difficultés sérieuses, elle doit être examinée à la lumière de la nécessité d’analyser la législation en cause et le dossier relatif à l’aide financière accordée à YLE depuis 1993, du nombre de demandes d’information et de la quantité de correspondance, ainsi que de l’organisation de plusieurs réunions. Combinée à ces éléments, la durée témoigne de l’existence de difficultés sérieuses concernant la qualification de la mesure attaquée par la partie requérante.
Deuxième moyen tiré de ce que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a examiné si l’aide constitue une aide nouvelle et si une telle aide est compatible avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État, violant ainsi l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Par son deuxième moyen, la partie requérante conteste directement le bien-fondé de l’évaluation de la mesure contestée. Bien que la Commission prétende que la décision attaquée se limitait à évaluer si l’aide est une aide existante ou nouvelle, elle a, en réalité, évalué des éléments qui déterminent la compatibilité de la mesure contestée avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Conformément à la jurisprudence pertinente, l’aide attribuée aux services contestés serait compatible avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État si a) ces services étaient clairement définis dans l’attribution de service public (définition claire) ; b) YLE était explicitement chargée par l’État membre de fournir ces services et qu’un organisme indépendant surveillait effectivement le respect des attributions (attribution et surveillance adéquates), et c) la fourniture des services contestés n’a pas affecté de manière disproportionnée la concurrence (critère de proportionnalité).
Dans la présente affaire, la Commission a procédé à une évaluation incomplète de la question de savoir si les attributions d’YLE sont définies de manière claire, de sorte qu’elles puissent couvrir ses services de VOD et de formation en ligne. De même, la Commission a procédé à une évaluation incomplète de la question de savoir si la loi relative à YLE et sa mise en œuvre ont valablement chargé YLE de la fourniture de services de VOD et de formation en ligne, et elle n’a, en définitive, pas évalué si le mécanisme de surveillance d’YLE est compatible avec les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Enfin, la Commission n’a en définitive pas examiné si le mécanisme mis en place est approprié pour garantir qu’YLE ne bénéficie pas d’une surcompensation au titre de ses services de VOD et de formation en ligne. De même, la Commission a tenté d’évaluer si les services de VOD et de formation en ligne fournis par YLE ont, en pratique, un impact disproportionné sur la concurrence. Son évaluation est cependant entachée d’erreurs de droit et de fait.
Troisième moyen tiré de ce que, en refusant d’ouvrir une enquête, et en évaluant la compatibilité du régime d’aides dont bénéficie YLE d’une manière qui va à l’encontre de sa communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État 1 et de sa pratique administrative, la Commission a violé le principe de confiance légitime.
Au cours des dernières décennies, la Commission a reçu de nombreuses plaintes concernant l’expansion des organismes publics de radiodiffusion dans de nouveaux marchés des médias. Dans ces affaires, qui comprennent des affaires concernant la fourniture de services de VOD et de formation en ligne, la Commission a) a enquêté de manière approfondie sur les régimes concernés, b) a émis des préoccupations s’agissant de leur compatibilité avec les règles de l’Union relatives aux aides d’État, en se fondant sur les critères établis par sa propre pratique administrative et sur sa communication concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (c’est-à-dire les règles de conduite qui établissent la manière dont la Commission évalue les mesures d’aide en faveur des organismes publics de radiodiffusion), et c) a obtenu des engagements de la part des États membres concernés, y compris des engagements mettant en place des restrictions sur la fourniture de services de VOD et de formation en ligne. La Commission adopte une approche diamétralement opposée en ce qui concerne la mesure octroyée en faveur d’YLE, sans fournir de justification objective. Par conséquent, la décision attaquée viole le principe de confiance légitime, qui exige que les règles juridiques soient claires et précises et vise à assurer que les situations et relations juridiques régies par le droit de l’Union restent prévisibles.
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1 Communication de la Commission concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO 2009, C 257, p. 1).