Language of document : ECLI:EU:T:2025:520

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

15 mai 2025 (*)

« Intervention – Règlement d’exécution (UE) 2023/2660 de la Commission – Renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate – Demande de réexamen interne – Recours en annulation contre la décision de la Commission déclarant la demande infondée – Intérêt à la solution du litige – Demande de confidentialité »

Dans l’affaire T‑578/24,

Deutsche Umwelthilfe eV, établie à Radolfzell (Allemagne),

Aurelia Stiftung, établie à Berlin (Allemagne),

représentées par Me R. Klinger et Me C. Douhaire, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes A. C. Becker, D. Milanowska, et par MM. M. ter Haar et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, l’association Deutsche Umwelthilfe e.V. et la fondation Aurelia Stiftung, demandent l’annulation de la décision de la Commission européenne Ares(2024)4619143, du 26 juin 2024 (ci-après la « décision attaquée ») par laquelle celle-ci a rejeté la demande de réexamen interne qu’elles avaient introduite conformément à l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), visant le règlement d’exécution (UE) 2023/2660 de la Commission, du 28 novembre 2023, renouvelant l’approbation de la substance active glyphosate conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil et modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO L, 2023/2660, 29.11.2023) (ci-après le « règlement litigieux »).

 Procédure

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 mars 2025, Bayer Agriculture BV a demandé à être admise à intervenir au soutien de la Commission.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2025, les requérantes se sont opposées à la demande d’intervention de Bayer Agriculture, au motif qu’elle n’avait aucun intérêt juridique direct et actuel à la solution du litige.

 En droit

4        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne pouvant justifier d’un intérêt à la solution d’un litige soumis au Tribunal, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions de l’Union européenne ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, a le droit d’intervenir audit litige.

5        Il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’« intérêt à la solution du litige » au sens dudit article 40, deuxième alinéa, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens et aux arguments soulevés (voir ordonnance du 18 mai 2022, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T‑7/19, non publiée, EU:T:2022:336, point 7 et jurisprudence citée). En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt (voir ordonnance du 17 décembre 2018, Google et Alphabet/Commission, T‑612/17, non publiée, EU:T:2018:1010, point 13 et jurisprudence citée). Il convient, notamment, de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (ordonnance du 30 novembre 2016, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission, T‑630/15, non publiée, EU:T:2016:763, point 15).

6        En principe, un intérêt à la solution du litige ne saurait être considéré comme suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (voir ordonnance du 20 octobre 2020, Deutsche Telekom/Commission, T‑64/20, non publiée, EU:T:2020:524, point 17 et jurisprudence citée).

7        Il incombe au demandeur en intervention d’apporter les éléments nécessaires pour prouver qu’il satisfait aux conditions exposées aux points 5 et 6 ci-dessus (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2018, E‑Control/ACER, T‑332/17, non publiée, EU:T:2018:294, point 16 et jurisprudence citée).

8        En l’espèce, à l’appui de sa demande, Bayer Agriculture fait valoir, en substance, qu’elle est responsable de la fabrication, de la fourniture et de la distribution de la substance active glyphosate et des herbicides composés de ladite substance. En cas d’annulation de la décision attaquée, il appartiendrait à la Commission de prendre les mesures d’exécution nécessaires en vertu de l’article 266 TFUE et, le cas échéant, de procéder une nouvelle fois à l’évaluation de la demande de renouvellement de l’approbation du glyphosate. Ceci pourrait conduire au retrait du règlement litigieux. Une révocation de l’approbation du glyphosate entraînerait l’annulation des autorisations nationales considérées et empêcherait par conséquent Bayer Agriculture de continuer à exercer les activités actuellement autorisées.

9        Il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a rejeté la demande de réexamen interne introduite par les requérantes contre le règlement litigieux, qui a renouvelé l’approbation de la substance active glyphosate pour une période de dix ans, jusqu’au 15 décembre 2033.

10      Par leur recours en l’espèce, les requérantes demandent l’annulation de la décision attaquée, par laquelle la Commission a rejeté leur demande de réexamen du règlement litigieux. Elles reprochent à la Commission, en substance, de ne pas avoir suffisamment pris en compte les effets du glyphosate sur la biodiversité, les insectes et les eaux, dans le cadre de son examen de la demande de renouvellement de l’approbation de cette substance.

11      Certes, il n’appartient pas au juge de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Ainsi, il n’appartient au Tribunal ni d’adresser des injonctions à la Commission, en cas d’annulation de la décision attaquée, ni de procéder au retrait du règlement litigieux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T-108/17, EU:T:2019:215, point 30 et jurisprudence citée).

12      Toutefois, en cas d’accueil de ce recours, conformément à l’article 266, premier alinéa, TFUE, il appartiendrait à la Commission de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt, afin de remédier aux irrégularités qui seraient constatées dans la prise en compte des effets précités. Ces mesures pourraient aboutir, le cas échéant, à des conclusions différentes de celles qui ont justifié l’adoption du règlement litigieux et, éventuellement, au retrait de ce règlement par la Commission.

13      Il s’ensuit que, dans la mesure où Bayer Agriculture soutient que l’annulation de la décision attaquée pourrait avoir des conséquences sur le renouvellement de l’approbation de la substance active « glyphosate », celle-ci a un intérêt direct et actuel à ce que la décision attaquée soit maintenue.

14      Ainsi, Bayer Agriculture a justifié de son intérêt à la solution du litige. Par conséquent, il y a lieu d’admettre sa demande d’intervention.

15      Les requérantes ont indiqué leur intention de demander que certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication à Bayer Agriculture. Un délai sera fixé aux requérantes pour déposer une demande de traitement confidentiel et produire, aux fins de la communication, une version non confidentielle des actes de procédure en question.

16      La communication à Bayer Agriculture des actes signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties principales sera limitée à une version non confidentielle, conformément à l’article 144, paragraphes 5 et 7, du règlement de procédure. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Bayer Agriculture BV est admise à intervenir dans l’affaire T578/24, au soutien des conclusions de la Commission européenne.

2)      Un délai sera fixé à Deutsche Umwelthilfe e.V. et Aurelia Stiftung pour déposer une demande de traitement confidentiel et produire, aux fins de la communication à Bayer Agriculture, une version non confidentielle des actes de procédure en question.

3)      Le greffier communiquera à Bayer Agriculture une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties principales.

4)      Un délai sera fixé à Bayer Agriculture pour présenter ses objections éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

5)      Un délai sera également fixé à Bayer Agriculture pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, à la suite d’une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

6)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 mai 2025.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

R. da Silva Passos


*      Langue de procédure : l’allemand.