DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)
22 mai 2025 (*)
« Recours en annulation – Décision de la Chambre de recours des écoles européennes – Procédure disciplinaire – Nature juridique des écoles européennes – Compétence de première et dernière instance de la chambre de recours des écoles européennes – Incompétence manifeste »
Dans l’affaire T‑652/24,
GT, représentée par Me P. Georgountzos, avocat,
partie requérante,
contre
Chambre de recours des écoles européennes,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre),
composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen et Mme T. Perišin, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, GT, demande l’annulation de la décision de la Chambre de recours des écoles européennes du 11 novembre 2024, confirmant la décision du secrétaire général des écoles européennes du 10 juin 2024, par laquelle celle-ci a été révoquée de son poste d’enseignante détachée à l’École européenne [confidentiel](1).
Antécédents du litige
2 Le 30 août 2021, la requérante a été détachée, par les autorités nationales compétentes, auprès de l’École européenne [confidentiel], pour une durée de deux ans à partir de septembre 2021.
3 Par une décision du 4 février 2023, figurant dans le rapport relatif à sa période probatoire, le secrétaire général des écoles européennes (ci-après le « secrétaire général ») a notifié à la requérante la décision de prolonger son détachement pour une durée supplémentaire de trois ans.
4 Le 10 juillet 2023, le directeur de l’École européenne [confidentiel] a informé la requérante de sa décision d’engager une procédure disciplinaire à son encontre en vertu des articles 75 et 76 du statut des membres du personnel détaché des écoles européennes, pour manquement à ses devoirs de discrétion et de loyauté envers l’institution. La procédure disciplinaire a été clôturée, le 21 septembre 2023, par la notification d’un avertissement écrit.
5 Par une lettre du 12 décembre 2023, la requérante a été informée de l’ouverture d’une seconde procédure disciplinaire à son égard, à la suite d’allégations de mauvais traitements envers ses élèves.
6 Le 25 avril 2024, le directeur de l’École européenne [confidentiel] a saisi le secrétaire général d’une demande de révocation de la requérante à l’issue de la seconde procédure disciplinaire, en vertu de l’article 76, point 3, paragraphe 2, du statut du personnel détaché des écoles européennes.
7 Par la procédure écrite no 2024/16 initiée le 23 mai 2024 et clôturée le 6 juin 2024, le Conseil d’inspection des cycles maternel et primaire a approuvé la mesure disciplinaire à l’encontre de la requérante.
8 Le 10 juin 2024, par une lettre recommandée et courriel avec accusé de réception, le secrétaire général a informé la requérante de sa décision de la révoquer de ses fonctions d’enseignante détachée.
9 Le 18 juin 2024, la requérante a saisi la Chambre de recours des écoles européennes (ci-après la « chambre de recours »), afin d’obtenir l’annulation de la décision du secrétaire général du 10 juin 2024.
10 Par décision du 11 novembre 2024, la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et l’a condamnée aux dépens.
Conclusions de la requérante
11 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision de la chambre de recours du 11 novembre 2024 ;
– ordonner la suspension des effets de ladite décision.
En droit
12 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque ce dernier est manifestement incompétent pour connaître d’un recours, il peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
13 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.
14 Par le présent recours, la requérante demande l’annulation, par le Tribunal, de la décision de la chambre de recours du 11 novembre 2024, confirmant la décision du secrétaire général du 10 juin 2024, par laquelle la requérante a été révoquée de son poste d’enseignante détachée à l’École européenne [confidentiel].
15 Il y a lieu de rappeler que les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 256 TFUE, tel que précisé par l’article 51 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En application de ces dispositions, le Tribunal est compétent pour connaître des recours introduits au titre de l’article 263 TFUE, à l’encontre des seuls actes des institutions, des organes ou des organismes de l’Union européenne.
16 Or, la convention portant statut des écoles européennes du 21 juin 1994 (JO 1994, L 212, p. 3) crée un système sui generis qui réalise, au moyen d’un accord international, une forme de coopération entre les États membres et entre ceux-ci et l’Union (voir arrêt du 21 décembre 2023, Scuola europea di Varese, C‑431/22, EU:C:2023:1021, point 52 et jurisprudence citée).
17 Les écoles européennes constituent ainsi une organisation internationale qui, malgré les liens fonctionnels qu’elle entretient avec l’Union, reste formellement distincte de celle-ci et de ses États membres (voir ordonnance du 18 juin 2020, JT/Secrétaire général des écoles européennes et Chambre de recours des écoles européennes, T‑42/20, non publiée, EU:T:2020:278, point 14 et jurisprudence citée).
18 Il s’ensuit que, ni le secrétaire général des écoles européennes, ni la chambre de recours instituée par celles-ci ne sauraient être assimilés à une institution, un organe ou un organisme de l’Union au sens de l’article 263 TFUE (voir ordonnance du 18 juin 2020, JT/Secrétaire général des écoles européennes et Chambre de recours des écoles européennes, T‑42/20, non publiée, EU:T:2020:278, point 15 et jurisprudence citée).
19 De surcroît, aux termes de l’article 27, paragraphe 2, de la convention portant statut des écoles européennes du 21 juin 1994 « [l]a chambre de recours a compétence exclusive de première et dernière instance pour statuer, après épuisement de la voie administrative, sur tout litige relatif à l’application de la présente convention aux personnes qui y sont visées, à l’exclusion du personnel administratif et de service, et portant sur la légalité d’un acte faisant grief fondé sur la convention ou sur des règles arrêtées en application de celle-ci, pris à leur égard par le conseil supérieur ou le conseil d’administration d’une école dans l’exercice des attributions qui leur sont conférées par la présente convention ».
20 Par ailleurs, l’article 80, paragraphe 1, du statut du personnel détaché des écoles européennes, adopté par le Conseil supérieur des écoles européennes sur la base de l’article 12, paragraphe 1, de la convention portant statut des écoles européennes du 21 juin 1994, dispose que « [l]a chambre de recours a compétence exclusive de première et de dernière instance pour statuer sur tout litige entre les organes de direction des Écoles et les membres du personnel portant sur la légalité d’un acte leur faisant grief ».
21 Par conséquent, la contestation de la décision du secrétaire général du 10 juin 2024 ne pouvait être portée, après épuisement de la voie administrative, que devant la chambre de recours, procédure suivie par la requérante, ladite chambre étant une juridiction statuant en premier et dernier ressort dans un cas comme celui de l’espèce, sans qu’aucune autre stipulation de la convention portant statut des écoles européennes du 21 juin 1994 ne prévoie que les décisions de celle-ci puissent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du 18 juin 2020, JT/Secrétaire général des écoles européennes et Chambre de recours des écoles européennes, T‑42/20, non publiée, EU:T:2020:278, points 17 et 18).
22 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours pour cause d’incompétence manifeste, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la partie défenderesse.
Sur les dépens
23 La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté pour cause d’incompétence manifeste.
2) La requérante supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 22 mai 2025.