CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME LAILA MEDINA
présentées le 5 juin 2025 (1)
Affaire C‑704/23 P
Tigran Khudaverdyan
contre
Conseil de l’Union européenne
« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Inscription du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/ PESC – Interprétation – Notion d’“homme d’affaires influent” – Comportement personnel spécifique en termes d’influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie – Notion de “secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie” »
I. Introduction
1. Les présentes conclusions concernent un pourvoi formé par M. Tigran Khudaverdyan (2), tendant à l’annulation de l’arrêt du 6 septembre 2023, Khudaverdyan/Conseil (T‑335/22, EU:T:2023:500) (3). Par cet arrêt, le Tribunal a rejeté le recours du requérant visant à faire annuler, sur le fondement de l’article 263 TFUE :
– la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87I, p. 44), et le règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil du 15 mars 2022 mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87I, p. 1) (4),
– la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149, et le règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (5), et
– la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 134), et le règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 1) (6) ;
en ce que ces actes inscrivent son nom sur les listes qui leur sont annexées. Par ces actes, le Conseil de l’Union européenne a interdit au requérant l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres et a gelé tous ses fonds et ses ressources économiques sur ce même territoire.
2. Cette affaire porte sur l’un des premiers pourvois formés devant la Cour concernant les mesures restrictives que le Conseil a adoptées en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie (7). Elle permet à la Cour, réunie en grande chambre, d’établir l’interprétation et d’examiner la légalité du critère énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), et à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC (8), telle que modifiée par la décision (PESC) 2022/329 (9), ainsi qu’à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement (UE) no 269/2014 (10), tel que modifié par le règlement (UE) 2022/330 (11). Ce critère, communément appelé « critère g) », prévoit l’inscription sur la liste des femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.
3. Le requérant soutient notamment que le Tribunal a retenu une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée (12), en ce qu’il a conclu, en substance, que le respect du critère qui y est énoncé n’exige pas que le Conseil démontre un comportement ou une contribution spécifiques de la part de la personne dont le nom est inscrit sur la liste, en particulier en termes d’influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie, ni qu’il établisse un lien avec le régime de ce pays. Il soutient également que ce critère n’est pas apte à réaliser les objectifs de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 telle que modifiée et considère que le Conseil a violé le principe de la charge de la preuve à cet égard.
4. Cette affaire est liée aux affaires C‑696/23 P, C‑711/23 P, C‑35/24 P et C‑111/24 P, qui portent sur les pourvois formés, respectivement, par M. Dmitry Alexandrovich Pumpyanskiy, M. Viktor Filippovich Rashnikov, M. Dmitry Arkadievich Mazepin et M. German Khan contre les arrêts du Tribunal qui confirment leur inscription sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, telle que modifiée. Les conclusions dans ces affaires sont également présentées aujourd’hui, je m’y concentre sur les questions portant spécifiquement sur l’interprétation et la légalité du critère d’inscription sur la liste figurant dans cette disposition que la Cour m’a demandé d’examiner, à la lumière, notamment, des principaux arguments communs invoqués par les requérants.
II. Les faits et la procédure
A. Les antécédents du litige
5. Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 18 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins des présentes conclusions, ils peuvent être résumés par référence aux faits suivants, non contestés.
6. Le requérant est un homme d’affaires de nationalité arménienne.
7. Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145. À la même date, il a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement no 269/2014. Ces deux actes concernent des mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
8. Le 25 février 2022, le Conseil a adopté la décision 2022/329 modifiant la décision 2014/145, ainsi que le règlement 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014, qui ont notamment modifié les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.
9. L’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (13), interdit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à un critère en substance identique à celui qui est énoncé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette décision. Cette dernière disposition prévoit, quant à elle, le gel des fonds et des ressources économiques appartenant notamment à des personnes physiques répondant à ce critère.
10. Plus précisément, l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, est libellé comme suit :
« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant : [...]
g) à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,
[...] »
11. Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (14), impose l’adoption de mesures de gel des fonds et en définit les modalités en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. L’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié reprend pour l’essentiel les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée.
12. Le 15 mars 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté les actes en cause. Le nom du requérant a été ajouté à la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié, aux motifs suivants :
« [le requérant] est le directeur exécutif de Yandex – l’une des principales entreprises de technologie en Russie, spécialisée dans les produits et services intelligents alimentés par l’apprentissage automatique. L’ancien directeur de l’information de Yandex a accusé la société d’être un “élément essentiel dans la dissimulation d’informations” vis-à-vis des Russes au sujet de la guerre en Ukraine. En outre, la société a régulièrement alerté les utilisateurs russes recherchant des nouvelles concernant l’Ukraine sur son moteur de recherche sur des informations non fiables circulant sur internet, après que le gouvernement russe a menacé les médias russes concernant ce qu’ils publient.
Le 24 février 2022, [le requérant] a participé à la réunion des oligarques au Kremlin avec [le président Poutine] pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle rapproché des oligarques proches [du président Poutine] et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. En outre, il est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »
13. Le 16 mars 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2022, C 121 I, p. 1) un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes initiaux.
14. Le 6 avril 2022, le requérant a sollicité du Conseil qu’il lui donne accès aux documents ayant servi de base à l’adoption des mesures restrictives le concernant. Le Conseil a déféré à cette demande le 13 avril 2022.
15. Le 30 mai 2022, le requérant a introduit une demande de réexamen auprès du Conseil.
16. Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2023.
17. Le 1er novembre 2022, le requérant a demandé le réexamen des premiers actes de maintien.
18. Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les seconds actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023.
B. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
19. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 juin 2022, le requérant a demandé l’annulation des actes en cause. En outre, le 25 novembre 2022 et le 14 avril 2023, le requérant a présenté des mémoires en adaptation de la requête afin de modifier ses conclusions pour y inclure une demande d’annulation des premiers et des seconds actes de maintien.
20. À l’appui de son recours, le requérant soulevé quatre moyens, tirés, en substance, premièrement, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, du non‑respect du principe de proportionnalité et du principe de non‑discrimination et, quatrièmement, d’une violation des droits fondamentaux. De plus, dans ses deux mémoires en adaptation, le requérant a soulevé un cinquième moyen, dirigé contre les premiers et les seconds actes de maintien et tiré de la violation du droit d’être entendu et de la violation, par le Conseil, de son obligation de réexaminer sa décision.
21. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours du requérant en citant, notamment, les motifs suivants.
22. Premièrement, en ce qui concerne l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, le Tribunal a considéré que le critère qui y est énoncé implique la notion d’influence liée à l’exercice d’une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, sans autre condition concernant un lien avec le régime de ce gouvernement. Selon le Tribunal, par ce critère, le Conseil entendait en effet exploiter l’influence que la catégorie de personnes ciblée est susceptible d’exercer sur le régime russe, en les poussant à faire pression sur ce gouvernement pour qu’il modifie sa politique. La notion d’« homme d’affaires influent » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (15).
23. Selon le Tribunal, cette interprétation est corroborée par le fait que l’objectif des mesures restrictives est d’accroître le coût des actions visant à compromettre l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Cet objectif implique également que, par l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », ce sont les secteurs économiques et non les hommes d’affaires qui sont visés (16).
24. Deuxièmement, en ce qui concerne le bien-fondé du motif d’inscription retenu dans les actes en cause, le Tribunal a considéré que le Conseil était pleinement fondé à conclure que le requérant était un homme d’affaires influent, ce que celui-ci ne contestait d’ailleurs pas et ce qui pouvait également se déduire de l’importance économique de la société Yandex (17). Le Tribunal a, en outre, considéré que le Conseil avait apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de démontrer que le requérant avait une activité dans un secteur économique, le secteur des technologies de l’information et des communications, qui constituait une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie (18).
25. Troisièmement, le Tribunal a rejeté le moyen soulevé par le requérant tiré de ce que le fait de lui appliquer le critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée enfreignait le principe de proportionnalité. À cet égard, le Tribunal a relevé que, au regard de l’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause, les conséquences négatives résultant de leur application au requérant n’étaient pas manifestement démesurées (19). Selon le Tribunal, le fait que le requérant n’ait pas eu un rôle direct dans des actions menées à l’encontre de l’Ukraine était sans pertinence, puisqu’il ne s’était pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait qu’il était un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée (20).
III. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
26. Par son pourvoi, présenté devant la Cour le 16 novembre 2023, le requérant conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– annuler l’arrêt attaqué ;
– annuler les actes en cause ;
– ordonner la réparation du préjudice moral qu’il a subi du fait de l’adoption de ces actes ;
– condamner le Conseil aux dépens.
27. Dans le mémoire en réponse qu’il a déposé le 31 janvier 2024, le Conseil demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner le requérant aux dépens.
28. Une audience s’est tenue le 11 février 2025, au cours de laquelle le requérant et le Conseil ont répondu aux questions pour réponse orale posées par la Cour, notamment en ce qui concerne l’interprétation de l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » (« leading businesspersons » dans la version en langue anglaise) utilisée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée.
IV. Analyse
29. À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque quatre moyens et soutient, en substance :
– premièrement, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée et qu’il a erronément appliqué cette disposition au requérant ;
– deuxièmement, que le Tribunal a méconnu la portée du contrôle juridictionnel ;
– troisièmement, que le Tribunal a mal interprété et mal appliqué le principe de proportionnalité ; et
– quatrièmement, que le Tribunal a violé les droits fondamentaux du requérant.
30. La Cour m’a demandé d’examiner les arguments concernant spécifiquement l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifié, en particulier ceux qui font l’objet de la première branche du premier moyen du pourvoi. Elle m’a en outre demandé d’analyser les arguments du requérant concernant le caractère approprié de ce critère pour réaliser les objectifs de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 telle que modifiée. Ces arguments figurent essentiellement dans la troisième branche du premier moyen du pourvoi et dans le troisième moyen du pourvoi. Mon analyse portera sur ces questions principales, sur lesquelles, à la demande de la Cour, les parties ont concentré leur argumentation orale durant l’audience.
A. Sur la première branche du premier moyen du pourvoi
31. Aux termes de la première branche du premier moyen du pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal a mal interprété le critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée. En substance, il reproche au Tribunal d’avoir considéré que cette disposition n’exige pas que le Conseil démontre un comportement spécifique de la part de la personne dont le nom est inscrit sur la liste, notamment en termes d’influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie, ni qu’il établisse un lien avec le régime de ce pays.
32. Comme il ressort du point 10 des présentes conclusions, l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée prévoit le gel de tous les fonds et ressources économiques appartenant, possédés, détenus ou contrôlés par « des femmes et hommes d’affaires influents [...] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».
33. Les arguments du requérant requièrent l’examen de l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée retenue par le Tribunal en ce qui concerne, premièrement, l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » (leading businesspersons dans la version en langue anglaise) et, deuxièmement, l’expression « ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie ».
1. L’interprétation de l’expression « femmes et hommes d’affaires influents »
34. Selon une jurisprudence constante, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie. C’est en particulier le cas lorsque les termes d’une disposition du droit de l’Union ne comportent aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, ce qui, en l’espèce, est le cas de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée (21).
35. Premièrement, en ce qui concerne l’interprétation littérale de l’expression « leading businesspersons », utilisée dans la version en langue anglaise des actes en cause, il est communément admis que cette expression fait référence aux personnes qui travaillent dans le milieu des affaires, typiquement à un poste de direction au sein d’une société. De plus, le mot « business » renvoie à l’exercice d’une activité économique ou commerciale. L’expression « leading businesspersons » figurant à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée fait donc référence à des personnes qui exercent une activité économique ou commerciale dans une société dont ils sont propriétaires ou dans laquelle ils occupent un poste important (22).
36. Par ailleurs, l’adjectif anglais « leading » est synonyme de « très important, de premier plan » (23). Dans la mesure où l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » est suivie, à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, de l’expression « ayant une activité dans des secteurs économiques », la notion d’influence doit être comprise comme visant l’importance de l’homme d’affaires concerné dans son secteur d’activité et l’influence que cette personne est susceptible d’exercer au sein de ce secteur, ce qui correspond, en substance, au constat que fait le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué. De plus, comme ce dernier l’indique au point 80, la qualité de « leading businessperson » d’un homme d’affaires, peut être établie à la lumière, notamment, de son statut professionnel, de l’importance de ses activités économiques, de l’ampleur de ses possessions capitalistiques ou de ses fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles il exerce ces activités (24).
37. Dès lors, d’un point de vue littéral, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant, en substance, au point 83 de l’arrêt attaqué que, afin d’établir qu’une personne est un homme d’affaires influent au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, le Conseil est uniquement tenu de démontrer que la personne concernée exerce une activité économique ou commerciale et qu’elle est considérée être, conformément aux éléments décrits au point 80 de l’arrêt attaqué, un homme d’affaires très important, voire le plus important, du secteur économique lequel il exerce son activité, de telle sorte qu’il est à même d’exercer une influence dans ce secteur.
38. Il est vrai que dans certaines versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, les termes « femmes et hommes d’affaires » sont accompagnés d’un qualificatif correspondant au terme « influent » (influential en anglais) et non au terme « leading » utilisé dans la version en langue anglaise.
39. Je rappelle toutefois, à cet égard, que, selon la jurisprudence constante de la Cour, la formulation utilisée dans l’une ou dans quelques-unes des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition. Les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (25).
40. En l’espèce, je constate que, conformément aux explications fournies par le Conseil au cours de l’audience, douze versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, accompagnent l’expression « femmes et hommes d’affaires » d’un qualificatif équivalent au terme anglais « leading » (important) (26). À côté de ces versions, certaines autres versions utilisent un terme qui peut être traduit par « prééminent » ou « principal » (prominent ou principal en anglais) ce qui, d’un point de vue sémantique, reflète le terme anglais « leading » (27). Les considérations énoncées aux points 35 et 36 des présentes conclusions, en ce qui concerne l’interprétation de l’expression « leading businesspersons » sont dès lors pleinement applicables à toutes ces versions.
41. Les versions en langue française, lettone et lituanienne sont les seules où l’expression « femmes et hommes d’affaires » de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée est accompagnée d’un adjectif correspondant à « influent ». Cela étant dit, même dans ces langues, l’adjectif « influent » désigne notamment, et principalement, la qualité de celui qui est « important » (28). Par conséquent, afin d’assurer l’interprétation et l’application uniformes de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 39 des présentes conclusions, les versions en langue française, lettone et lituanienne de l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » doivent être interprétées de la même manière que la majorité des versions linguistiques de cette disposition, c’est-à-dire en ce sens qu’elles font référence à l’importance de l’homme d’affaires dans le secteur économique dans lequel il a une activité et au sein duquel il est susceptible d’exercer une influence.
42. Il découle des considérations qui précédent que, d’un point de vue littéral, l’argument du requérant selon lequel l’expression « femmes et homme d’affaires influents », telle qu’elle figure à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée exige du Conseil qu’il démontre un comportement spécifique de la part de la personne dont le nom est inscrit sur la liste, en particulier en ce qui concerne son influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie, ou qu’il établisse un lien avec le régime de ce pays, n’est pas fondé.
43. Deuxièmement, en ce qui concerne l’interprétation contextuelle, je souhaiterais rappeler d’emblée que le critère d’inscription sur la liste ciblant les « femmes et hommes d’affaires influents », tel qu’il est mentionné à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée a été introduit pour la première fois par la décision 2022/329. Cette dernière décision a été adoptée le 25 février 2022, soit le lendemain du jour où le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et où les forces armées russes ont commencé à attaquer ce pays (29).
44. En outre, il importe de souligner que, avant d’être modifié par la décision 2022/329, l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 comportait déjà un critère d’inscription sur la liste qui permettait, en substance, de cibler des personnes susceptibles d’exercer une influence individuelle sur le gouvernement de la Fédération de Russie. C’était, notamment, le cas de l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la décision 2014/145, qui faisait essentiellement référence aux personnes physiques apportant un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables d’actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou qui tiraient avantage de ces décideurs. Ce critère a été maintenu dans la décision 2014/145 modifiée, ce qui suggère, selon moi, qu’il serait redondant, et dès lors illogique d’un point de vue contextuel, d’interpréter l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette décision en ce sens qu’il exigerait la preuve d’un comportement tendant à influencer le gouvernement de la Fédération de Russie et d’un lien avec le régime de ce pays, comme le soutient le requérant.
45. C’est pourquoi, sans préjudice des autres considérations que j’exposerai dans la suite des présentes conclusions, j’estime que l’interprétation contextuelle de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée n’étaye pas l’argumentation du requérant.
46. Troisièmement, en ce qui concerne l’interprétation téléologique, l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, fait partie du cadre juridique qui a établi un ensemble inédit de mesures restrictives tendant, comme le Tribunal l’a justement rappelé au point 81 de l’arrêt attaqué, à exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie en accroissant le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
47. Ce sont là, en effet, les objectifs des mesures restrictives adoptées contre la Russie, tels qu’ils ont été identifiés, en substance, dans l’arrêt du 25 juin 2020, VTB Bank/Conseil (C‑729/18 P, EU:C:2020:499, point 59) (30) qui cite également l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 123) (31). Ces deux arrêts portent sur l’interprétation de mesures restrictives sectorielles prises eu égard aux actions de la Fédération de Russie déstabilisant la situation en Ukraine, qui ont précédé l’attaque de ce pays par les forces armées russes le 24 février 2022 (32). Toutefois, les objectifs identifiés par la Cour dans ces arrêts demeurent valables pour interpréter les mesures restrictives individuelles en cause en l’espèce, compte tenu du fait que les mesures restrictives tant sectorielles qu’individuelles ont été adoptées dans le cadre d’une riposte commune à une situation qui a continué à se détériorer depuis cette attaque, comme l’indiquent explicitement les considérants 10 et 11 de la décision 2022/329 (33).
48. Dans ce contexte, je considère, conformément à la conclusion énoncée par le Tribunal au point 81 de l’arrêt attaqué, que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’adoption de mesures restrictives à l’égard des hommes d’affaires influents visés à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée exerce une pression maximale sur le gouvernement de la Fédération de Russie afin que celui-ci mette fin à son agression militaire sur le territoire ukrainien. En effet, ces hommes d’affaires influents jouent un rôle central dans le maintien de la rentabilité des secteurs économiques dans lesquels ils ont une activité et qui renforcent en définitive les ressources financières dont dispose le gouvernement de la Fédération de Russie pour mener ses actions et ses politiques. Par conséquent, en affectant l’activité des hommes d’affaires influents concernés, les mesures restrictives en cause en l’espèce sont susceptibles de limiter les revenus que le gouvernement de la Fédération de Russie obtient des secteurs pertinents de son économie, ce qui accroît le coût de ses actions militaires et limite sa capacité à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
49. Il en découle qu’il existe un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement de la Fédération de Russie et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce lien existe même en l’absence de constatation d’un comportement spécifique de la personne dont le nom est inscrit sur la liste, notamment en termes d’influence sur le gouvernement de la Fédération de Russie, ou en l’absence de lien entre cette personne et le régime gouvernant ce pays.
50. L’interprétation téléologique de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée n’impose donc pas de reconsidérer les interprétations textuelle et contextuelle de cette disposition qui ont été exposées aux points 42 et 45 des présentes conclusions. Au contraire, elle soutient le point de vue selon lequel l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » utilisée dans cette disposition exige uniquement du Conseil qu’il démontre que la personne concernée exerce une activité économique ou commerciale, et qu’elle est considérée être, à tout le moins, un homme d’affaires très important dans son secteur d’activité et donc susceptible d’y exercer une influence
51. Compte tenu de ce qui précède, aucune des méthodes d’interprétation définies par la Cour dans sa jurisprudence afin d’établir le sens d’une disposition de droit de l’Union ne requiert, comme le soutient le requérant, qu’il existe un comportement de la personne ciblée tendant à influencer le gouvernement de la Fédération de Russie ou un lien avec celui-ci afin de pouvoir qualifier cette personne de « femme ou homme d’affaires influent » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée.
52. Enfin, en ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée ne respecte pas le principe de sécurité juridique, il est important de relever que, outre le fait que cet argument n’est pas étayé, il découle de la jurisprudence constante de la Cour que le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce que les normes du droit de l’Union recourent à une notion juridique abstraite, ni comme imposant qu’une telle norme mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle s’applique, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance (34).
53. Selon moi, même s’il n’est évidemment pas possible de déterminer à l’avance toutes les hypothèses dans lesquelles l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée s’applique, l’interprétation proposée ci-dessus, qui confirme l’interprétation retenue par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, énonce des critères suffisamment précis pour permettre de déterminer les cas dans lesquels la notion de « femmes et hommes d’affaires influents » peut être appliquée.
54. Par conséquent, j’estime qu’on ne saurait considérer que le Tribunal a commis d’erreur de droit ou qu’il a violé le principe de sécurité juridique dans son interprétation de l’expression « femmes et hommes d’affaires influents » utilisée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée.
2. L’interprétation de l’expression « ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus »
55. À titre liminaire, il convient de rappeler que, au point 82 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que par l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » utilisée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, ce sont les secteurs économiques dans lesquels les hommes d’affaires influents ont une activité, et non les hommes d’affaires eux-mêmes, qui sont visés. Cela signifie que, afin de pouvoir appliquer cette disposition, le Conseil doit seulement prouver que ces secteurs économiques fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie ; il n’est pas exigé qu’il démontre l’existence d’un comportement de la part de la personne concernée ou un lien entre cette personne et le régime russe. Selon le Tribunal, cette interprétation est conforme aux objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause en l’espèce.
56. À la lumière de la jurisprudence citée au point 39 des présentes conclusions, il me faut relever d’emblée que le libellé de la plupart des versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée plaide contre l’argument invoqué par le requérant.
57. C’est le cas de la version en langue anglaise, dans laquelle l’ordre des différents éléments du libellé de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée suggère que le Tribunal a interprété correctement l’expression « providing a substantial source of revenue » (« fournissent une source substantielle de revenus ») comme se rapportant aux termes « economics sectors » (« des secteurs économiques ») qui la précèdent immédiatement. Si le Conseil avait voulu indiquer que la source de ces revenus devait être les femmes et hommes d’affaires influents eux-mêmes, il aurait raisonnablement renversé l’ordre de ces deux groupes de mots afin que le sens apparaisse de manière plus évidente, aucune raison linguistique ne l’empêchant de le faire.
58. En outre, dans la plupart des versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, un pronom relatif est inséré entre les termes « secteurs économiques » et « fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » (35). Dans ces cas, le lien entre les deux éléments est encore plus évident, puisque l’expression « fournissent une source substantielle de revenus » est alors nécessairement une proposition subordonnée relative complétant le groupe nominal « secteurs économiques ».
59. En tout état de cause, en ce qui concerne ces versions dont le requérant soutient qu’elles sont ambiguës, il est important de relever, dans une perspective contextuelle, que, dans la mesure où l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée lie le mot « revenus » (dans la version en langue anglaise « revenue », c’est-à-dire « recettes ») à un gouvernement national en tant que bénéficiaire de ces revenus, l’interprétation la plus précise de ce terme veut que la source de ces revenus soit un secteur économique plutôt qu’un homme d’affaires individuel (36). En anglais, ce terme est habituellement entendu en ce sens sur le plan macroéconomique en matière de finances publiques. De plus, il est clair que si le Conseil avait voulu que la source substantielle de revenus provienne d’un homme d’affaires influent, les termes « ayant une activité dans des secteurs économiques » auraient été superflus et n’auraient pas été insérés dans l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée puisque, par définition, les hommes d’affaires sont actifs, directement ou indirectement, dans un secteur économique.
60. En outre, l’interprétation téléologique de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée me semble conforter cette interprétation contextuelle. En effet, dans la mesure où l’adoption des mesures restrictives tend, comme cela a été déjà expliqué (37), à limiter les moyens financiers dont dispose le gouvernement de la Fédération de Russie pour qu’il mette fin à sa politique de déstabilisation et d’agression de l’Ukraine, cet objectif peut être atteint plus efficacement en érodant les revenus provenant d’un secteur économique, envisagé dans son ensemble, plutôt que ceux provenant de la contribution individuelle d’une femme ou d’un homme d’affaires influent.
61. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur, notamment au point 82 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a conclu que, à la lumière de l’objectif des mesures restrictives en cause en l’espèce, la source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie doit provenir des secteurs économiques dans lesquels les femmes et hommes d’affaires influents ont une activité et non de ces femmes et hommes d’affaires eux-mêmes.
62. Il est vrai que le considérant 11 de la décision 2022/329 indique que « [e]u égard à la gravité de la situation, le Conseil estime qu’il convient de modifier les critères de désignation de façon à inclure les personnes et entités qui apportent un soutien au gouvernement de la Fédération de Russie ». Selon moi, le simple fait que ce considérant fasse référence non seulement à des personnes mais également à des entités montre bien qu’il ne saurait être compris comme se référant uniquement aux « femmes et hommes d’affaires influents » mais qu’il doit être lu comme une allusion à une notion plus large, à savoir l’intégralité d’un secteur économique, qui comprend toutes les personnes et entités qui y ont une activité.
63. En outre, il est important de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, même si les considérants d’un acte de l’Union sont importants à des fins d’interprétation et peuvent clarifier les intentions de l’auteur de l’acte, ils n’ont pas de valeur juridique contraignante et ne sauraient être invoqués ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (38).
64. En l’espèce, puisque les méthodes d’interprétation que la Cour a définies dans sa jurisprudence afin de déterminer le sens d’une disposition du droit de l’Union portent à conclure que l’expression « source substantielle de revenus » doit être rattachée aux « secteurs économiques » et non aux « femmes et hommes d’affaires influents », la teneur du considérant 11 de la décision 2020/329 ne saurait remettre cette interprétation en question.
65. Enfin, le requérant soutient, en substance, que l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, en ce qui concerne, en particulier, l’expression « source substantielle de revenus » implique que le comportement ou la contribution personnelle de l’homme d’affaires concerné est absolument sans importance. À cet égard, il suffit toutefois de répéter que l’interprétation des différents éléments de cette disposition plaide contre la position selon laquelle le Conseil serait tenu de démontrer autre chose que le fait que la personne concernée exerce une activité économique ou commerciale et qu’elle est considérée être, à tout le moins, une femme ou un homme d’affaires très important dans le secteur dans lequel il, ou elle, a une activité et qu’il, ou elle, est donc susceptible d’y exercer une influence.
66. Compte tenu des considérations qui précèdent, je suis d’avis qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans son interprétation de l’expression « fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » telle qu’elle est énoncée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée comme le soutient le requérant.
B. Sur la troisième branche du premier moyen du pourvoi et le troisième moyen du pourvoi
67. Par la troisième branche du premier moyen du pourvoi et le troisième moyen du pourvoi, le requérant soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation de l’aptitude du critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser les objectifs de cette disposition et qu’il a mal appliqué la charge de la preuve qui repose sur le Conseil. Il affirme que l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée qui a été retenue par le Tribunal conduit à une situation où les personnes sont sanctionnées pour ce qu’elles sont, et non pour ce qu’elles font ou devraient faire. Enfin, en l’espèce, il se demande en quoi l’application du critère énoncé dans cette disposition pourrait affecter l’État russe. Le requérant soutient également que le Conseil n’a nullement démontré qu’il serait à même d’exercer effectivement une pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie afin que ce dernier modifie sa politique.
68. Le Conseil conteste cette argumentation.
69. Selon la jurisprudence constante de la Cour, dans leur contrôle juridictionnel des mesures restrictives, les juridictions de l’Union doivent reconnaître au Conseil un large pouvoir d’appréciation pour établir les critères généraux définissant les catégories de personnes susceptibles d’être soumises à de telles mesures (39). Cela s’explique généralement par le fait que, même si l’article 24, paragraphe 1, TUE et l’article 275, deuxième alinéa, TFUE confèrent compétence, par voie de dérogation, aux juridictions de l’Union dans le domaine spécifique de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), ces juridictions ne peuvent remplacer les choix politiques ou stratégiques qu’effectue le Conseil lorsqu’il adopte des mesures restrictives (40). Le niveau de l’examen que les juridictions de l’Union peuvent effectuer lors de leur contrôle juridictionnel est dès lors limité (41).
70. Néanmoins, cela ne signifie pas que le Conseil peut agir de manière arbitraire. S’il en allait autrement, la dérogation prévue à l’article 24, paragraphe 1, TUE et à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE serait privée d’effet utile (42). Selon la jurisprudence constante de la Cour, la légalité d’une mesure doit être contrôlée à la lumière du principe de proportionnalité (43), ce qui signifie, en substance, que sa légalité ne peut être affectée que si la mesure est manifestement inappropriée au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre (44).
71. À cet égard, j’aimerais rappeler, d’emblée, que, dans sa jurisprudence, la Cour a déjà eu l’occasion de confirmer un critère formulé en des termes similaires à celui en cause en l’espèce. Je fais référence à l’arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil (C‑241/19 P, EU:C:2020:545) (45) qui concernait le critère énoncé à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255/PESC (46), dans sa version modifiée par la décision (PESC) 2015/1836 (47). Par ces dispositions, le Conseil avait interdit l’entrée sur le territoire des États membres et gelé tous les fonds et les ressources économiques de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » dans le contexte de la répression violente subie par la population civile de ce pays.
72. Il est important de relever que, dans cet arrêt, la Cour a souligné, à la lumière du considérant 5 de la décision 2013/255, telle que modifiée (48), que l’économie syrienne était étroitement contrôlée par le régime syrien et que les milieux d’affaires et ce régime avaient développé une relation d’interdépendance. Dans ce cadre, le cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires exerçant leurs activités en Syrie n’était en mesure de maintenir son statut que grâce aux liens étroits qu’il entretenait avec le régime syrien. Par conséquent, la seule circonstance d’appartenir à cette catégorie de personnes suffisait pour permettre de prendre les mesures nécessaires, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’un lien entre la qualité de femme ou d’homme d’affaires influent et le régime syrien (49).
73. Je remarque néanmoins que, bien que les critères soient formulés de manière similaire, l’application du critère énoncé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée présente une différence importante par rapport au critère figurant dans la décision 2013/255, telle que modifiée. En effet, dans le cas des mesures restrictives adoptées à la suite de l’attaque de l’Ukraine par les forces armées russes, l’inscription sur la liste de femmes et d’hommes d’affaires influents ne fait pas référence à un lien d’interdépendance existant entre le milieu des affaires de la Fédération de Russie et le régime de ce pays. En fait, ces femmes et hommes d’affaires ne sont pas ciblés en raison de leur association étroite avec les dirigeants politiques de la Russie mais plutôt en raison de leur activité dans un secteur économique qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie (50).
74. La Cour devra donc se prononcer sur la légalité du critère énoncé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée dans ces circonstances. Plus précisément, la Cour devra apprécier la légalité de ce critère en l’absence d’obligation faite au Conseil de démontrer, premièrement, un lien direct ou indirect entre la personne ciblée et les actions et politiques du gouvernement de la Fédération de Russie en ce qui concerne l’Ukraine et, deuxièmement, un comportement spécifique de la part de la femme ou l’homme d’affaires influent concerné allant au-delà de la simple influence que son activité professionnelle est susceptible d’exercer sur l’économie de la Fédération de Russie et, partant, sur les revenus perçus par le gouvernement de la Fédération de Russie.
75. En ce qui concerne la première de ces questions, j’attire l’attention de la Cour sur l’arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128), dans lequel elle a confirmé un critère d’inscription ciblant des personnes ou des entités sans exiger la preuve d’un lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire à laquelle cet ensemble de mesures restrictives faisait référence. Dans cet arrêt, la Cour a considéré, en substance, que, même en l’absence d’un tel lien, ces personnes et entités pouvaient être inscrites sur la liste dès lors qu’elles étaient susceptibles de favoriser la prolifération nucléaire en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique (51).
76. Selon moi, il existe des motifs sérieux justifiant d’appliquer à la présente affaire les déclarations antérieures de la Cour. En effet, comme je l’ai indiqué dans mes conclusions dans l’affaire Timchenko/Conseil (C‑703/23 P, EU:C:2025:274, point 50), les raisons qui sous-tendent cette jurisprudence ont trait à la volonté de faire cesser les actions qu’elles ciblent en réduisant les moyens financiers disponibles à cette fin, indépendamment de leur origine et, en particulier, du point de savoir s’il existe un lien entre la personne visée et les actions et politiques du gouvernement concerné. En l’espèce, les activités économiques des femmes et hommes d’affaires influents ciblés par les mesures restrictives en cause sont essentiels au financement du budget du gouvernement de la Fédération de Russie. Dès lors, la question de savoir si ces femmes et hommes d’affaires sont liés, directement ou indirectement, à ce gouvernement ou aux actions et politiques de ce dernier à l’égard de l’Ukraine, est dépourvue de pertinence.
77. En ce qui concerne la seconde question, l’argument du requérant repose sur la circonstance que, jusqu’à présent, la jurisprudence de la Cour a porté sur des affaires dans lesquelles le comportement de la personne visée avait entraîné son inscription sur la liste des personnes ou entités faisant l’objet de mesures restrictives, ce comportement étant une condition préalable pour que lui soit imputée la situation que ces mesures entendaient viser. Durant l’audience, le requérant a affirmé, en substance, que la Cour n’a jamais confirmé un critère d’inscription reposant sur le seul fondement du statut professionnel de la personne concernée, à savoir le critère des femmes et hommes d’affaires actifs dans des secteurs économiques lucratifs.
78. Je dois souligner que, même à supposer que les observations du requérant soient correctes, cela ne signifierait pas nécessairement qu’un critère d’inscription qui ne requiert pas de comportement personnel de la part des personnes visées aux fins de leur inscription sur la liste devrait être jugé illégal. En effet, ainsi que je l’ai rappelé au point 69 des présentes conclusions, le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives, ce qui signifie qu’une mesure ne doit être infirmée que si elle est manifestement inappropriée au regard de l’objectif que le Conseil entend poursuivre.
79. À cet égard, il me faut relever, à titre liminaire, que le requérant ne remet pas en cause la légitimité de l’objectif poursuivi par le critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, un objectif que le Tribunal a défini au point 81 de l’arrêt attaqué comme étant d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (52). Il conteste cependant l’aptitude de l’inscription d’hommes d’affaires influents visée à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser ces objectifs.
80. Je considère toutefois qu’il convient de rejeter les arguments du requérant pour les raisons exposées ci-dessous.
81. En premier lieu, comme je l’ai déjà indiqué dans la première partie des présentes conclusions, les femmes et hommes d’affaires influents peuvent être visés parce qu’ils exercent leur activité professionnelle dans des secteurs clés de l’économique russe, dans la mesure où le résultat de ces activités est étroitement lié au financement du budget du gouvernement de la Fédération de Russie. En substance, leur imposer des mesures restrictives rend l’exercice de leurs activités plus difficile, ce qui est susceptible d’affecter l’économie de la Russie (53) et, partant, contribue à accroître le coût de l’agression militaire contre l’Ukraine. On peut donc en conclure qu’il existe un lien logique entre le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement de la Fédération de Russie et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie pour qu’elle mette fin à cette agression.
82. En outre, même si l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée n’indique pas spécifiquement les secteurs qui fournissent des revenus substantiels au gouvernement de la Fédération de Russie, il convient de rappeler que la formulation de cette expression relève également du large pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil lorsqu’il définit les critères généraux applicables dans un régime de mesures restrictives. L’application de la notion définie par cette expression à un cas particulier peut être déterminée au cas par cas, pour autant qu’elle soit soumise au contrôle des juridictions de l’Union (54).
83. En second lieu, comme l’exige la jurisprudence de la Cour (55), l’appréciation du caractère approprié de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée doit tenir dûment compte du contexte dans lequel cette décision a été adoptée. À cet égard, j’invite la Cour à garder à l’esprit, non seulement les circonstances extraordinaires et évolutives dans lesquelles les mesures restrictives en cause ont été adoptées, mais également les effets cumulés que toutes les mesures prises contre la Fédération de Russie après son attaque de l’Ukraine, considérées dans leur ensemble, devaient déployer.
84. À cet égard, il convient de relever, premièrement, que les mesures restrictives en cause ont été adoptées dans un contexte extraordinaire d’extrême urgence, auquel il est fait référence aux considérants 3 à 10 de la décision 2022/329. Ces mesures faisaient partie intégrante d’une série de mesures d’une envergure inédite adoptées par le Conseil de manière rapide, unie, graduée et coordonnée (56). Comme le Conseil l’a relevé à juste titre au cours de l’audience, l’Union européenne a réagi vigoureusement face à une violation d’obligations erga omnes imposées par le droit international afin de contrecarrer, avec toutes les mesures n’impliquant pas l’usage de la force dont elle disposait, l’agression militaire de l’Ukraine par la Fédération de Russie (57).
85. Deuxièmement, le considérant 5 de la décision 2022/329 précise que, selon le Conseil, toute agression militaire de la part de la Russie contre l’Ukraine doit avoir des conséquences massives et un coût sévère, y compris un large éventail de mesures restrictives sectorielles et individuelles adoptées en coordination avec les partenaires. En conséquence, il convient de garder à l’esprit que le caractère approprié des mesures restrictives en cause dépend non seulement de leur effet sur un seul groupe d’individus, comme les femmes et hommes d’affaires influents visés par l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée mais également de l’effet cumulatif de l’ensemble des mesures adoptées par le Conseil pour affaiblir la base économique de la Russie et compromettre la capacité de la Fédération de Russie à continuer à financer et à faire la guerre.
86. Il en résulte que le critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, combiné au contexte dans lequel ces mesures ont été adoptées et à la gravité particulière de la situation que le Conseil a mise en évidence dans la décision 2022/329, conforte la conclusion selon laquelle les mesures restrictives adoptées contre les femmes et hommes d’affaires influents ne sont pas manifestement inappropriées au regard de leur objectif.
87. En conséquence, j’estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a confirmé l’aptitude du critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser les objectifs de cette disposition.
88. Pour le reste, dans la mesure où le requérant affirme qu’il est difficile de déterminer comment les personnes inscrites sur la liste devraient agir afin de pas être y inscrites sur la liste ou d’en être retirées, il est important de relever que les femmes et hommes d’affaires importants peuvent être retirés de la liste s’ils peuvent démontrer qu’ils ont quitté la fonction sur laquelle leur inscription était fondée. À nouveau, si une telle fonction peut justifier l’inscription initiale, cela ne peut aboutir à ce que la situation de la personne concernée soit pérenne et que le réexamen périodique de son inscription soit privé d’effet utile, à moins que le Conseil puisse toujours démontrer qu’il existe un risque de contournement, mais cette question n’a pas été soulevée spécifiquement en l’espèce.
89. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de conclure qu’aucun des arguments avancés par le requérant n’est susceptible de démontrer que le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation de l’aptitude du critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser les objectifs de cette disposition ni qu’il a mal appliqué la charge de la preuve qui repose sur le Conseil à cet égard.
90. Il y a dès lors lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen du pourvoi ainsi que le troisième moyen du pourvoi dans la mesure où ils portent sur les arguments du requérant relatifs à l’aptitude du critère de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser les objectifs de cette disposition.
V. Conclusion
91. À la lumière de l’analyse exposée dans les présentes conclusions, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi en ce qui concerne la première et la troisième branche du premier moyen du pourvoi ainsi que le troisième moyen du pourvoi, dans la mesure où ils portent sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, ainsi que sur les arguments relatifs à l’aptitude de du critère énoncé à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée à réaliser les objectifs de cette disposition.
92. Je ne me prononce pas sur les autres moyens soulevés par le requérant ni sur la question de savoir laquelle des parties doit être condamnée aux dépens en application de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.