Language of document : ECLI:EU:C:2025:450

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

12 juin 2025 (*)

« Pourvoi – Règlement (CE) no 1907/2006 (REACH) – Agence européenne des produits chimiques (ECHA) – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑804/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 novembre 2024,

Polynt SpA, établie à Scanzorosciate (Italie), représentée initialement par Me C. Mereu, avocat, et Me I. Zonca, advocaat, puis par Me Mereu, avocat, et Me M. Grassi, advocaat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Agence européenne des produits chimiques (ECHA),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. T. von Danwitz, vice‑président de la Cour, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. R. Norkus, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Polynt SpA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 septembre 2024, Polynt/ECHA (T‑29/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:618), par lequel celui‑ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la chambre de recours de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 9 novembre 2021, relative au contrôle de conformité de son dossier d’enregistrement pour la substance acide 1,3-dioxo-2-benzofurane-5-carboxylique avec nonane-1-ol, rejetant son appel formé contre la décision de suivi du 30 juin 2020 relative au contrôle de conformité, adoptée à la suite de la décision de contrôle de conformité du 18 décembre 2017.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’ECHA est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les trois moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a, aux points 50 à 68 de l’arrêt attaqué, commis deux erreurs de droit. En premier lieu, le Tribunal aurait considéré à tort que l’article 50, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 136, p. 3, ci-après le « règlement REACH »), impose un délai pour la notification de la cessation de fabrication d’une substance et aurait interprété de manière erronée l’expression « further information », figurant dans la version en langue anglaise de cet article 50, paragraphe 2. En second lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant que la justification par références croisées ne constitue pas « une nouvelle information substantielle » qui implique l’adoption d’une nouvelle décision. À cet égard, la requérante soutient qu’est erronée l’interprétation du Tribunal selon laquelle la notification de la cessation de fabrication d’une substance ne peut être effectuée que lors de la réception du projet de décision initiale de conformité, et non lors de celle du projet de décision de suivi. Selon la requérante, est également erronée l’interprétation du Tribunal selon laquelle la décision de suivi constitue non pas une « nouvelle décision », mais une simple continuation de la même procédure unique, car la seule fonction de la décision de suivi est de vérifier si le déclarant s’est conformé à la décision initiale de conformité. La requérante fait valoir que la question soulevée par le premier moyen est importante en ce qu’une décision de la Cour sur le pourvoi permettrait de déterminer la portée du droit de cesser la fabrication d’une substance dans le contexte d’une évaluation de nouvelles informations substantielles fournies par les demandeurs.

8        Par ses deuxième et troisième moyens, pris ensemble, la requérante soutient que, s’agissant du principe de la force majeure, le Tribunal a, aux points 124 à 147 de l’arrêt attaqué, interprété de manière erronée les arguments qu’elle avait avancés, a dénaturé les éléments de preuve figurant dans le dossier, a recouru à un raisonnement illogique et contradictoire, a appliqué et/ou interprété de manière erronée la jurisprudence ainsi que le principe de la force majeure et n’a pas motivé sa décision. À cet égard, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a, en substance, pas compris les motifs étayant son argumentation selon laquelle un cas de force majeure a empêché la réalisation de l’essai requis par l’ECHA. En particulier, elle prétend que le Tribunal n’a pas compris qu’elle ne pouvait, ni ne peut, effectuer l’essai sur une substance similaire ni que des documents versés au dossier établissaient cette circonstance. La requérante fait valoir que la question soulevée par les deuxième et troisième moyens est importante en ce qu’une décision de la Cour sur le pourvoi permettrait de déterminer la pertinence d’un cas de force majeure dans le contexte des obligations découlant du règlement REACH.

 Appréciation de la Cour

9        À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 2 avril 2025, Jacob Cohen Company/EUIPO, C‑34/25 P, EU:C:2025:252, point 10).

10      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 2 avril 2025, Jacob Cohen Company/EUIPO, C‑34/25 P, EU:C:2025:252, point 11).

11      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la partie requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 2 avril 2025, Jacob Cohen Company/EUIPO, C‑34/25 P, EU:C:2025:252, point 12).

12      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C‑774/24 P, EU:C:2025:190, point 15).

13      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée au point 7 de la présente ordonnance, tirée de l’interprétation erronée de l’article 50, paragraphe 2, du règlement REACH et de la constatation erronée que la justification par références croisées ne constitue pas « une nouvelle information substantielle » qui implique l’adoption d’une nouvelle décision, il convient de relever que, si la requérante invoque des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle se limite à les énoncer et à présenter des arguments d’ordre général, sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi. En effet, la requérante se borne à indiquer que le présent pourvoi permettrait à la Cour de préciser la portée du droit de cesser la fabrication d’une substance dans le contexte d’une évaluation de nouvelles informations substantielles fournies par les demandeurs.

14      En second lieu, s’agissant de l’argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, tirée, en substance, de l’interprétation erronée des arguments de la requérante, de la dénaturation des éléments de preuve figurant dans le dossier, de l’application et/ou de l’interprétation erronée de la jurisprudence ainsi que du principe de la force majeure et de l’absence de motivation de l’arrêt attaqué, force est de constater que les explications fournies par la requérante ne sont pas suffisamment claires et précises pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consistent les erreurs prétendument commises par le Tribunal.

15      En outre, concernant plus précisément, premièrement, l’argumentation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas tenu compte des documents versés au dossier qui auraient établi une situation de force majeure, la requérante cherche, en réalité, à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal relativement aux éléments de preuve produits devant lui. Or, une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 17 janvier 2022, AM.VI. et Quinam/EUIPO, C‑599/21 P, EU:C:2022:32, point 18).

16      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante invoque une prétendue dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, il convient de relever qu’un tel grief ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que tel et même à le supposer fondé, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 17 janvier 2022, AM.VI. et Quinam/EUIPO, C‑599/21 P, EU:C:2022:32, point 19).

17      Troisièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative à la violation, par le Tribunal, du principe de la force majeure et à la méconnaissance, par le Tribunal, de la jurisprudence, il y a lieu de relever que, sans préjudice de la place accordée à ce principe au sein de l’ordre juridique de l’Union, cette argumentation ne répond pas aux exigences énoncées au point 11 de la présente ordonnance. En effet, la requérante se borne à indiquer que le présent pourvoi permettrait à la Cour de déterminer la pertinence d’un cas de force majeure dans le contexte des obligations découlant du règlement REACH, sans expliquer à suffisance ni, en tout état de cause, démontrer en quoi l’erreur de droit alléguée soulèverait des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi.

18      Quatrièmement, dans la mesure où la requérante invoque l’absence de motivation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de souligner qu’une telle argumentation n’est pas susceptible, en principe, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 14 mars 2025, Eurosemillas/OCVV, C‑774/24 P, EU:C:2025:190, point 17 et jurisprudence citée). En outre, il convient de relever que la requérante n’explique pas les raisons pour lesquelles l’absence de motivation alléguée soulève une telle question.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Polynt SpA supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.