DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)
13 juin 2025 (*)
« Clause compromissoire – Programme-cadre pour la recherche et l’innovation ‟HORIZON Actions de recherche et innovation” (HORIZON‑CL6‑2023‑BIODIV‑01) – Convention de subvention – Suspension de paiement à la suite d’un audit financier – Disparition de l’objet du recours – Non-lieu à statuer »
Dans l’affaire T‑609/24,
GK, représentée par Mes S. Pappas et A. Pappas, avocats,
partie requérante,
contre
Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere et K. Kecsmár (rapporteur), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante, GK, demande la constatation, premièrement, du fait que l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) a manqué à ses obligations contractuelles au titre de la convention de subvention no 101135088 (ci-après la « convention ») en interdisant au Consiglio nazionale delle ricerche (CNR, Conseil national de la recherche, Italie), agissant en tant que coordinateur (ci-après le « coordinateur ») pour le compte d’un consortium auquel elle appartenait, de transférer en sa faveur un préfinancement initial d’un montant de 122 118,75 euros (ci-après le « préfinancement initial ») aux fins de la mise en œuvre du projet intitulé « Stratégies de sélection et de lutte intégrée des organismes nuisibles visant à réduire la dépendance à l’égard des pesticides chimiques dans la vigne » (ci-après le « projet Shield4Grape »), deuxièmement, du fait qu’elle était en droit de recevoir ladite somme, à compter du 22 janvier 2024 ou, à titre subsidiaire, à compter du moment où la REA avait versé cette dernière sur le compte bancaire du coordinateur et, troisièmement, du fait que la REA est tenue de lui verser des intérêts de retard au taux de 8 % pour chaque jour où elle a empêché le transfert de cette même somme et jusqu’au jour où elle retirera l’instruction donnée au coordinateur.
Antécédents du litige
2 La requérante est un centre de recherche créé en 2008, dont l’activité se concentre sur la recherche appliquée et technologique ainsi que sur le conseil technique.
3 En novembre 2023, dans le cadre du règlement (UE) 2021/695 du Parlement européen et du Conseil, du 28 avril 2021, portant établissement du programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » et définissant ses règles de participation et de diffusion, et abrogeant les règlements (UE) no 1290/2013 et (UE) no 1291/2013 (JO 2021, L 170, p. 1), la REA et le coordinateur ont conclu la convention pour mettre en œuvre le projet Shield4Grape.
4 La convention, entrée en vigueur le 9 novembre 2023, prévoit notamment que le projet Shield4Grape doit être achevé dans un délai de 36 mois, à compter du 1er février 2024. Elle prévoit également que, pour fournir un fonds de trésorerie aux bénéficiaires, parmi lesquels figure la requérante, la REA doit verser un préfinancement initial au plus tard 30 jours après son entrée en vigueur ou 10 jours avant la date de démarrage du projet, la date la plus tardive étant retenue. La requérante a souscrit à cette convention le 10 novembre 2023, ce qui lui aurait permis de disposer d’un budget prévisionnel s’élevant à 271 375 euros, dont un préfinancement initial de 122 118,75 euros. À ce titre, elle s’attendait à recevoir, à la fin du mois de janvier 2024, ledit préfinancement initial.
5 À la suite de courriels échangés avec le coordinateur au cours des mois de janvier et de mars 2024, la requérante a reçu de ce dernier, le 22 mars 2024, l’information selon laquelle la REA avait donné instruction au coordinateur de ne pas lui verser le préfinancement initial aux motifs que la REA devait vérifier l’éligibilité des coûts qu’elle avait déclarés dans le cadre d’autres projets financés par l’Union en cours et que des contrôles, des examens, des audits ou des enquêtes supplémentaires étaient nécessaires.
6 Par lettre de préinformation du 18 avril 2024, la REA a informé la requérante de son intention de suspendre tous les paiements en attente et à venir et de mettre fin à la participation de celle-ci à six projets, dont le projet Shield4Grape, en raison d’une enquête la concernant diligentée par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Ladite lettre informait également la requérante de la possibilité de faire part de ses observations dans un délai de 90 jours à compter de la réception de cette lettre.
7 La requérante ayant demandé la communication du rapport final de l’OLAF, la REA a répondu, par lettre du 28 mai 2024, qu’elle suspendait la procédure contradictoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur cette demande.
8 Par courriel du 10 septembre 2024, la requérante a demandé à la REA d’annuler l’instruction que cette dernière avait donnée au coordinateur de ne pas lui verser le préfinancement initial. La REA a accusé réception dudit courriel par un courriel du 16 septembre 2024.
Conclusions des parties
9 Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que la REA a manqué à ses obligations contractuelles au titre de la convention ;
– dire qu’elle était en droit de recevoir la somme correspondant au montant du préfinancement initial ;
– dire que la REA est tenue de lui verser des intérêts de retard au taux de 8 % jusqu’au retrait de l’instruction donnée au coordinateur de ne pas lui verser le préfinancement initial ;
– condamner la REA aux dépens.
10 Dans sa demande de non-lieu à statuer, la REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer ;
– condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
11 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 mars 2025, la requérante a transmis ses observations sur la demande de non-lieu à statuer introduite par la REA. Si elle souscrit à l’argumentation selon laquelle le présent recours a perdu son objet, la requérante conclut toutefois à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la REA aux dépens.
En droit
12 En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.
13 En l’espèce, la REA ayant demandé qu’il soit constaté que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.
14 Il ressort d’une jurisprudence bien établie que l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).
15 En l’espèce, d’une part, dans sa demande de non-lieu à statuer, la REA indique qu’elle a proposé au coordinateur de verser à la requérante le préfinancement initial et que, à la suite dudit versement, elle a versé à la requérante des intérêts de retard.
16 À cet égard, en effet, il y a lieu de relever qu’il ressort des pièces annexées à la demande de non-lieu à statuer que, le 26 février 2025, le coordinateur a confirmé à la REA avoir passé, suivant la proposition de cette dernière, un ordre de virement pour le paiement à la requérante du préfinancement initial ainsi que d’un préfinancement additionnel d’un montant de 81 412,50 euros.
17 Il ressort également des pièces annexées à la demande de non-lieu à statuer que la REA a versé à la requérante des intérêts de retard, calculés conformément à l’article 22.5.1 de la convention, d’un montant de 10 117,45 euros.
18 En outre, dans sa demande de non-lieu à statuer, la REA indique que, en procédant au calcul des intérêts de retard, elle a tenu compte de la circonstance selon laquelle le coordinateur n’avait pu procéder au versement du préfinancement initial qu’à la fin du mois de février 2025, alors que la proposition lui en avait été faite le 12 décembre 2024, et que, pour cette raison, elle a calculé ces intérêts sur une période allant jusqu’au 28 février 2025.
19 D’autre part, il y a lieu de relever que, dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la requérante reconnaît que son recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu pour le Tribunal de statuer sur ses deuxième et troisième chefs de conclusions, dans la mesure où la REA a autorisé le coordinateur à procéder au versement du préfinancement initial et lui a versé des intérêts de retard.
20 Par son premier chef de conclusions, la requérante entendait faire constater que la REA avait manqué à ses obligations découlant de la convention en donnant instruction au coordinateur de ne pas procéder au versement du préfinancement initial. Dans la mesure où la requérante a obtenu satisfaction par le versement dudit préfinancement, à la suite de la proposition faite en ce sens au coordinateur par la REA, ainsi que par le paiement d’intérêts de retard par cette dernière, il y a lieu de constater que l’analyse de son premier chef de conclusions ne serait pas susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice.
21 Dans ces conditions, il convient de considérer que le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.
Sur les dépens
22 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.
23 Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que tant l’introduction du présent recours que la cause du non-lieu peuvent être considérées comme ayant été occasionnées par le comportement de la REA (voir, en ce sens, ordonnance du 13 janvier 2025, Illumina/Commission, T‑1190/23, non publiée, EU:T:2025:41, point 27).
24 Dans ces conditions, il convient de condamner la REA à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
ordonne :
1) Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.
2) L’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par GK.
Fait à Luxembourg, le 13 juin 2025.