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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 juin 2025 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Coopération des autorités de police et autres services répressifs des États membres – Prétendus traitements illicites de données à caractère personnel – Méconnaissance des exigences de forme – Article 76, sous d), du règlement de procédure – Absence de préjudice moral subi du fait d’Europol – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑506/24,

FL, représenté par Me J. Reisinger, avocat,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), représentée par Mes S. van den Brande, S. Raes et P. Van Muylder, avocats,

et

Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, en qualité d’agent, assisté de Mes G. Ziegenhorn, M. Kottmann et T. Shulman, avocats,

parties défenderesses,

soutenues par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme M. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, J. Martín y Pérez de Nanclares et Mme M. Stancu, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 268 TFUE, le requérant, FL, demande, en substance, réparation, à hauteur de 15 000 euros, du préjudice moral qu’il estime avoir subi du fait d’actes commis par l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), par l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) et par certains États membres.

 Antécédents du litige

2        Selon ses affirmations, le requérant fait l’objet d’une procédure pénale aux Pays-Bas en raison d’accusations de blanchiment de capitaux et de trafic de stupéfiants qui se fonderaient sur des informations résultant de l’exploitation de données issues de téléphones portables équipés d’un logiciel dénommé « Exclu » qui permettait un échange de communications chiffrées de bout en bout par l’intermédiaire d’un serveur situé en Allemagne.

3        Dans le courant de l’année 2022, les autorités néerlandaises ont adopté une décision d’enquête européenne au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale (JO 2014, L 130, p. 1), adressée aux autorités allemandes afin que ces dernières interceptent les données et métadonnées chiffrées transmises sur le serveur « Exclu » situé en Allemagne.

4        À partir du 3 octobre 2022, les autorités allemandes ont collecté des données sur le serveur « Exclu » situé en Allemagne.

5        Le 21 décembre 2022, Europol a reçu un ensemble de données à des fins d’analyse opérationnelle. Les informations issues de cette analyse ont été partagées, moyennant l’autorisation des autorités néerlandaises, avec les autorités nationales souhaitant produire des données issues du serveur « Exclu » en tant qu’éléments de preuve dans le cadre de procédures pénales.

6        Le 3 février 2023, la collecte des données sur le serveur « Exclu » a pris fin à l’issue de différentes arrestations et perquisitions par les autorités nationales concernées qui ont conduit à la désactivation du serveur « Exclu ».

 Conclusions des parties

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner Eurojust et Europol à lui verser un montant de 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi résultant, premièrement, de sa détention provisoire, deuxièmement, de « la publicité », troisièmement, d’une position de défense déficiente et, quatrièmement, du fait que ses données à caractère personnel sont « tombées entre de mauvaises mains » ;

–        condamner Eurojust et Europol aux dépens.

8        Eurojust et Europol concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit ou non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

9        Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours et de condamner le requérant aux dépens.

 En droit

10      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

11      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

12      Il y a lieu de comprendre des écritures du requérant que, selon lui, Eurojust ou Europol et des États membres ont réalisé des opérations de traitement illicite de ses données à caractère personnel, ce qui lui aurait causé un préjudice moral qu’il évalue à 15 000 euros.

13      En substance, le requérant soutient, tout d’abord, que les autorités allemandes ont illégalement collecté les données à caractère personnel des utilisateurs du service de communication « Exclu » sur le serveur situé en Allemagne, ensuite, que ces données ont été irrégulièrement transmises à Eurojust ou Europol, notamment à des fins de stockage et d’analyse, et, enfin, que lesdites données ont illégalement servi d’éléments de preuve dans le cadre d’une procédure pénale prétendument ouverte contre lui par les autorités néerlandaises.

14      C’est dans ce contexte que, dans le petitum de la requête, le requérant demande la réparation du préjudice moral résultant, premièrement, de sa détention provisoire, deuxièmement, de « la publicité », troisièmement, d’une position de défense déficiente et, quatrièmement, du fait que ses données à caractère personnel sont « tombées entre de mauvaises mains ».

 Sur le recours en tant qu’il est dirigé contre Eurojust

15      Eurojust conteste la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre elle. À l’appui de sa fin de non-recevoir, elle fait notamment valoir que le requérant n’a pas identifié le comportement prétendument illicite qui lui est reproché. En particulier, elle conteste avoir réalisé une quelconque opération de traitement des données à caractère personnel du requérant.

16      Le requérant conteste cette argumentation. Il soutient que les allégations d’Eurojust sont « dénuées de pertinence » aux fins d’apprécier la recevabilité de son recours. Selon lui, le fait qu’elle ait organisé des réunions de coordination et facilité la coopération transfrontalière suffit à établir sa participation aux enquêtes contre les utilisateurs du service de communication « Exclu ».

17      En vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du 11 mars 2021, Techniplan/Commission, T‑426/20, non publiée, EU:T:2021:129, point 19 et jurisprudence citée).

18      Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant la réparation de dommages prétendument causés par une institution de l’Union européenne doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 66 et jurisprudence citée).

19      En l’espèce, le requérant recherche l’engagement de la responsabilité non contractuelle d’Eurojust sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE, lus en combinaison avec l’article 46, paragraphe 1, du règlement (UE) 2018/1727 du Parlement européen et du Conseil, du 14 novembre 2018, relatif à Eurojust et remplaçant et abrogeant la décision 2002/187/JAI du Conseil (JO 2018, L 295, p. 138), aux termes duquel Eurojust peut être tenue responsable des dommages causés à une personne du fait d’un traitement de données non autorisé ou incorrect « dont [elle] est l’auteur[e] ».

20      Il ressort du libellé clair et précis de l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2018/1727 que, contrairement à ce que soutient le requérant, Eurojust peut voir sa responsabilité non contractuelle engagée seulement pour les traitements de données à caractère personnel dont elle est l’auteure. Par cette disposition, le législateur de l’Union a exclu la possibilité d’engager la responsabilité d’Eurojust du fait des États membres ou du fait d’Europol, contrairement à ce qu’il a prévu s’agissant de cette dernière agence à l’article 50, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/794 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2016, relatif à Europol et remplaçant et abrogeant les décisions du Conseil 2009/371/JAI, 2009/934/JAI, 2009/935/JAI, 2009/936/JAI et 2009/968/JAI (JO 2016, L 135, p. 53).

21      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que les éléments essentiels de fait permettant d’identifier les opérations de traitement des données à caractère personnel du requérant auxquelles Eurojust se serait livrée ne ressortent aucunement du texte de la requête elle-même, de sorte que le recours ne répond pas aux exigences rappelées aux points 17 et 18 ci‑dessus.

22      Contrairement à ce que soutient le requérant, le fait qu’Eurojust conteste avoir procédé à un traitement de ses données à caractère personnel n’est pas « dénué de pertinence » aux fins d’apprécier la recevabilité de son recours. En effet, conformément à la jurisprudence citée aux points 17 et 18 ci‑dessus, il lui appartient d’identifier les opérations de traitement de ses propres données à caractère à personnel auxquelles cette agence se serait livrée.

23      À cet égard, le simple fait qu’Eurojust ait organisé des réunions de coordination et facilité la coopération transfrontalière ne permet pas d’inférer qu’elle a collecté, reçu, stocké, transmis ou analysé des données à caractère personnel du requérant et, à l’une de ces occasions, effectué un traitement non autorisé ou incorrect de ses données à caractère personnel au sens de l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2018/1727.

24      Au vu de ce qui précède, il doit être considéré que le requérant n’a pas fourni les éléments essentiels de fait permettant d’identifier le comportement d’Eurojust susceptible d’engager sa responsabilité non contractuelle sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE, lus en combinaison avec l’article 46, paragraphe 1, du règlement 2018/1727.

25      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable en tant qu’il est dirigé contre Eurojust.

 Sur le recours en tant qu’il est dirigé contre Europol

 Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre Europol

26      Au soutien de sa fin de non-recevoir, Europol fait valoir que le requérant n’a fourni aucune explication et encore moins d’éléments de preuve concernant l’existence ou l’étendue du préjudice moral allégué, le comportement prétendument illicite qui lui est reproché et le lien de causalité entre ce prétendu comportement et ce préjudice allégué.

27      Le requérant conteste cette argumentation.

28      En l’espèce, même si la requête n’est pas structurée autour des trois conditions cumulatives auxquelles est subordonné l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, elle contient les éléments qui permettent d’identifier le comportement reproché à Europol et aux États membres intervenus dans le cadre d’une coopération avec elle, la nature et le caractère du préjudice allégué ainsi que les raisons pour lesquelles le requérant estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et ce préjudice (voir points 12 à 14 ci-dessus).

29      Ces indications, bien que sommaires en ce qui concerne notamment le préjudice moral allégué, peuvent être regardées comme étant suffisantes pour satisfaire aux exigences rappelées aux points 17 et 18 ci‑dessus.

30      Quant à la circonstance mise en avant par Europol selon laquelle le requérant n’aurait produit aucune preuve concluante de l’étendue ou de l’existence du préjudice moral qu’il allègue, elle relève de l’appréciation du bien-fondé du recours et non de sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T‑99/98, EU:T:2003:181, point 30).

31      La fin de non-recevoir soulevée par Europol doit, par conséquent, être rejetée.

 Sur le bien-fondé du recours en tant qu’il est dirigé contre Europol

32      Le requérant reproche, en substance, aux autorités allemandes et néerlandaises ainsi qu’à Europol d’avoir réalisé des opérations de traitement illicite de ses données à caractère personnel, ce qui lui aurait causé un préjudice moral qu’il évalue à hauteur d’un montant de 15 000 euros.

33      Europol conteste cette argumentation.

34      Conformément aux conditions découlant de l’article 340 TFUE, auquel l’article 50, paragraphe 1, du règlement de 2016/794 fait référence, dans le cas où la personne lésée introduit un recours contre Europol, la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à cette agence, la réalité du préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2024, Kočner/Europol, C‑755/21 P, EU:C:2024:202, point 73 et jurisprudence citée).

35      En l’occurrence, il convient d’examiner d’abord la condition relative à la réalité du préjudice moral allégué.

36      À cet égard, selon la jurisprudence, en toute circonstance, il incombe à la partie mettant en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque (voir arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 62 et jurisprudence citée).

37      Plus particulièrement, il appartient à la partie requérante de prouver que le préjudice dont elle demande réparation dans le cadre d’un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union l’atteint personnellement (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2021, Löning/Commission, C‑176/21 P, non publiée, EU:C:2021:697, point 19) et qu’il est réel et certain (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑481/07 P, non publié, EU:C:2009:461, point 36 et jurisprudence citée).

38      Il en découle que la condition relative à la réalité du préjudice subi ne saurait être regardée comme étant remplie par l’invocation des dommages subis par d’autres utilisateurs du service de communication « Exclu » du fait des opérations de traitement de données dénoncées dans le présent recours.

39      En l’espèce, il doit être relevé d’emblée que, d’une part, le requérant se borne à alléguer, aux points 3, 4 et 120 de la requête, qu’il a subi un préjudice moral du fait d’actes commis notamment par Europol et, d’autre part, les quatre chefs de préjudice moral visés dans le petitum de la requête ne sont étayés par aucune preuve.

40      Or, de simples allégations non étayées ne répondent pas aux conditions fixées par la jurisprudence rappelée aux points 36 et 37 ci-dessus pour que puisse être retenue la responsabilité non contractuelle d’Europol dans les conditions prévues à l’article 50, paragraphe 1, du règlement 2016/794.

41      Premièrement, en ce qui concerne la détention provisoire du requérant évoquée uniquement dans le petitum de la requête, celui-ci ne fournit aucune preuve du fait qu’il aurait été placé en détention.

42      Deuxièmement, à supposer que le préjudice résultant de la « publicité » puisse être compris comme visant le préjudice découlant de la publicité dont ferait l’objet la procédure pénale menée contre lui, il suffit de constater que le requérant n’a produit aucun document attestant de l’existence de cette procédure pénale ou permettant d’apprécier si son affaire a fait l’objet d’une quelconque publicité et a fortiori d’une publicité indue.

43      Troisièmement, en ce qui concerne le préjudice moral qui résulterait d’une position de défense déficiente, le requérant n’a produit aucun élément de preuve de nature à étayer les difficultés qu’il aurait rencontrées pour assurer sa défense dans le cadre de la procédure prétendument ouverte contre lui. En outre, il n’a pas non plus fourni de preuve de nature à démontrer que les accusations formulées dans le cadre de cette procédure se fonderaient sur ses données à caractère personnel collectées sur le serveur « Exclu ».

44      Quatrièmement, en ce qui concerne le préjudice moral qui résulterait du fait que ses données à caractère personnel sont « tombées entre de mauvaises mains », il suffit d’observer que le requérant n’a fourni aucun élément de nature à prouver que ses données à caractère personnel, qu’il a d’ailleurs omis de produire dans la présente procédure, étaient « tombées entre de mauvaises mains ».

45      À cet égard, il convient d’observer que le requérant s’est borné à produire quatre annexes à la requête sans établir le lien entre celles-ci et le préjudice moral allégué. Or, il n’appartient pas au Tribunal de compléter l’argumentation développée par le requérant dans la requête, en recherchant et en identifiant, dans les annexes de celle-ci, des éléments de preuve susceptibles d’étayer l’existence et l’étendue du préjudice moral qu’il prétend avoir subi (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2025, Commission e.a./Carpatair, C‑244/23 P à C‑246/23 P, EU:C:2025:87, point 77).

46      Au demeurant, ces annexes ne sont manifestement pas de nature à démontrer l’existence et l’étendue du préjudice moral allégué. En effet, les annexes A.2 et A.3 de la requête sont des documents concernant une enquête visant le service de communication chiffrée « Sky-ECC », dont le requérant n’a pas expliqué le lien avec le service de communication chiffrée « Exclu » qu’il a prétendument utilisé. De même, l’annexe A.4 de la requête est un courriel d’un tiers adressé au bureau du procureur national néerlandais, manifestement sans lien avec le requérant.

47      En outre, il ressort du point 45 de la réplique que le requérant possède un procès-verbal qui permettrait d’identifier ses données à caractère personnel qui auraient été collectées sur le serveur « Exclu » et dont l’utilisation dans la procédure pénale ouverte contre lui aurait porté atteinte à sa vie privée, mais qu’il n’entend pas produire ce procès-verbal dans la présente procédure pour des raisons de « protection de [s]a vie privée ».

48      À cet égard, d’une part, il doit être rappelé que, selon l’article 76, sous f), du règlement de procédure, la requête doit contenir les preuves et offres de preuve, s’il y a lieu. D’autre part, aux termes de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires et les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

49      Il découle de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure qu’il n’appartient pas au Tribunal de demander la production de pièces ou de procéder à une instruction d’office du dossier afin de suppléer les carences des parties en matière d’administration de la preuve (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T‑99/98, EU:T:2003:181, point 74 et jurisprudence citée).

50      En outre, à supposer que le point 45 de la réplique puisse être interprété comme une offre de preuve, le requérant n’a pas justifié le retard dans la présentation de cette offre, de sorte que celle-ci est tardive et, donc, irrecevable.

51      En tout état de cause, étant donné que le requérant reproche à Europol d’avoir procédé à des opérations de traitement illicite de ses données à caractère personnel, il ne saurait être argué que lesdites données présentent un caractère confidentiel à l’égard de cette dernière. Partant, rien n’indique que le droit à la protection de la vie privée du requérant faisait obstacle à ce qu’il produise ces données dans la requête, celles-ci n’étant au demeurant pas confidentielles à l’égard du Tribunal.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant n’a pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe de prouver l’existence et l’étendue du préjudice moral dont il recherche réparation auprès d’Europol.

53      Certes, même en l’absence d’éléments de preuve de nature à démontrer l’existence et l’étendue d’un préjudice moral, la condition relative à l’existence d’un tel préjudice peut être satisfaite si la partie requérante établit qu’un préjudice moral découlait nécessairement du comportement reproché (arrêt du 12 décembre 2024, DD/FRA, C‑130/22 P, EU:C:2024:1018, point 111).

54      En l’espèce, une telle démonstration fait défaut.

55      En effet, le requérant n’a pas produit ses propres données à caractère personnel qui, selon lui, auraient fait l’objet d’un traitement illicite et il n’a fourni aucun élément de nature à établir que ces données ont été en possession des autorités allemandes ou néerlandaises ou encore d’Europol.

56      Or, Europol ne saurait voir sa responsabilité non contractuelle engagée en l’absence d’éléments de preuve permettant au Tribunal d’identifier les données à caractère personnel ayant prétendument fait l’objet d’opérations de traitement illicite et d’évaluer si et dans quelle mesure le préjudice moral allégué découlait nécessairement de ces opérations.

57      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation du requérant tirée de l’arrêt du 5 mars 2024, Kočner/Europol (C‑755/21 P, EU:C:2024:202).

58      Aux termes de l’article 50, paragraphe 1, du règlement 2016/794, lu à la lumière du considérant 57 de ce règlement, toute personne physique ayant subi un préjudice du fait d’une opération de traitement de données illicite a le droit d’obtenir réparation du préjudice subi, soit d’Europol conformément à l’article 340 TFUE, soit de l’État membre où le fait préjudiciable s’est produit conformément à son droit national. La personne physique forme un recours contre Europol devant la Cour de justice de l’Union européenne ou contre l’État membre devant une juridiction nationale compétente de cet État membre.

59      Le législateur a établi ce régime de responsabilité solidaire d’Europol et des États membres notamment pour répondre aux difficultés auxquelles peut être exposée une personne physique pour déterminer si le préjudice subi du fait d’un traitement illicite de ses données à caractère personnel est la conséquence d’une action d’Europol ou d’un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2024, Kočner/Europol, C‑755/21 P, EU:C:2024:202, points 75 et 76).

60      En revanche, l’article 50, paragraphe 1, du règlement 2016/794 ne saurait être lu comme exonérant une personne qui s’estime lésée par un traitement illicite de ses données à caractère personnel des conditions découlant de l’article 340 TFUE, auquel cette disposition se réfère, notamment la condition relative à la réalité du préjudice allégué.

61      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la condition relative à la réalité du préjudice allégué n’est pas remplie.

62      Partant, le recours doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit en tant qu’il est dirigé contre Europol, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, ces conditions étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2022, KN/Parlement, T‑401/21, EU:T:2022:736, point 34 et jurisprudence citée).

63      Il convient, en conséquence, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions d’Eurojust et d’Europol. Par ailleurs, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable en tant qu’il est dirigé contre l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust).

2)      Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit en tant qu’il est dirigé contre l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol).

3)      FL supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Eurojust et Europol.

4)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 26 juin 2025.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

J. Svenningsen


*      Langue de procédure : le néerlandais.