Language of document : ECLI:EU:C:2025:530

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 3 juillet 2025 (1)

Affaire C453/24 [Hadenov] (i)

Procédure pénale

contre

BC,

en présence de

Sofiyska gradska prokuratura

[demande de décision préjudicielle formée par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision-cadre 2005/214/JAI – Reconnaissance mutuelle des sanctions pécuniaires – Article 7, paragraphe 2, sous g) – Motif de non-reconnaissance et de non-exécution – Information de l’intéressé de son droit de former un recours contre la décision imposant une sanction pécuniaire et du délai pour le faire – Article 7, paragraphe 3 – Obligation de consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission »






I.      Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6 ainsi que de l’article 7, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (2), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 (3).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée par le Bezirkshauptmannschaft Neusiedl am See (autorité administrative du district de Neusiedl am See, Autriche) (ci-après le « BHM ») afin d’obtenir la reconnaissance et l’exécution, en Bulgarie, d’une sanction pécuniaire infligée à BC en Autriche en raison d’un défaut de paiement au péage d’une autoroute.

3.        Conformément à l’article 6 de la décision-cadre 2005/214, les autorités compétentes de l’État membre d’exécution sont tenues de reconnaître une décision qui a été transmise conformément à l’article 4 de cette décision-cadre, sans qu’aucune autre formalité soit requise, et doivent prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution, sauf si l’autorité compétente décide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution prévus à l’article 7 de ladite décision-cadre.

4.        Le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie), qui est la juridiction de renvoi, envisage d’appliquer le motif de non-reconnaissance et de non-exécution facultatif énoncé à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214.

5.        Selon cette disposition, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution peut refuser de reconnaître et d’exécuter la décision imposant une sanction pécuniaire s’il est établi que, selon le certificat prévu à l’article 4 de cette décision-cadre, l’intéressé, dans le cas d’une procédure écrite, n’a pas été informé, conformément à la législation de l’État membre d’émission, personnellement ou par un représentant, compétent en vertu de la législation nationale, de son droit de former un recours et du délai pour le faire.

6.        Cependant, l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214 dispose que, avant de décider, sur la base notamment de ce motif, de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter une décision, en tout ou en partie, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution doit consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission par tous les moyens appropriés et, le cas échéant, doit solliciter sans tarder toute information nécessaire.

7.        Par ses questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser l’objet et la portée de cette obligation de consultation ainsi que la répartition des compétences entre les autorités de l’État membre d’émission et de l’État membre d’exécution.

II.    Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

8.        Le 24 novembre 2023, le BHM a rendu une décision infligeant à BC, ressortissant bulgare, une sanction pécuniaire d’un montant de 350 euros (ci-après la « décision du 24 novembre 2023 ») pour une infraction à plusieurs dispositions du Bundesstrassen Mautgesetz 2002 (loi relative aux péages sur les routes fédérales) (4), du 16 juillet 2002. Cette décision est devenue définitive le 12 janvier 2024.

9.        Le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a été saisi par le BHM en vue de la reconnaissance et de l’exécution de la décision du 24 novembre 2023, en tant qu’autorité compétente pour l’exécution en application de la décision-cadre 2005/214.

10.      Il ressort du certificat (5) accompagnant cette décision, transmis à cette juridiction, que l’affaire a fait l’objet d’une procédure écrite et que, conformément à la législation autrichienne, BC a été informé, personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant compétent, de son droit de former un recours ainsi que du délai pour le faire et qu’il n’a pas formé de recours dans le délai imparti. Ce certificat est accompagné de la décision du 24 novembre 2023, en langues bulgare et allemande, indiquant l’infraction, l’amende imposée, le mode et le délai de recours contre cette amende, à savoir deux semaines. Il ressort de la façon dont est rédigée cette décision qu’elle a été envoyée afin d’être signifiée à la personne sanctionnée.

11.      Cependant, ledit certificat contient également la mention « sans accusé de réception ».

12.      La juridiction de renvoi déduit de cette mention qu’il n’y a pas de preuve que la décision du 24 novembre 2023 a effectivement été signifiée à BC. En outre, cette juridiction a, lors de la procédure de reconnaissance et d’exécution de cette décision, établi que BC a déclaré aux autorités communales bulgares deux adresses : une « adresse permanente », qui est celle indiquée dans le certificat et dans ladite décision, et une « adresse actuelle ». Or, BC n’aurait été joignable à aucune de ces deux adresses et ne serait pas non plus en contact avec l’avocat qui lui a été commis d’office.

13.      Cet avocat s’oppose à la reconnaissance et à l’exécution de la décision du 24 novembre 2023, en soulignant notamment que cette décision n’a pas été signifiée à BC et que cette personne n’a pas pu exercer son droit de former un recours contre ladite décision.

14.      Le fait qu’il n’y ait pas de preuve que BC a été dûment informé de la décision du 24 novembre 2023 et le constat de la juridiction de renvoi selon lequel BC n’habite pas à l’adresse à laquelle cette décision a été envoyée conduisent cette juridiction à considérer que l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214 est applicable. En effet, BC n’aurait pas été informé personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant mandaté de la décision du 24 novembre 2023 et de son droit de former un recours contre cette décision.

15.      Par ailleurs, l’absence d’information dans le certificat sur la signification effective de cette décision impliquerait également, selon la juridiction de renvoi, que l’article 20, paragraphe 3, de cette décision-cadre (6) n’a pas été respecté en ce qui concerne le droit d’être informé sur l’accusation, que la personne sanctionnée tire de l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (7), ainsi qu’en ce qui concerne le droit de participer à une éventuelle procédure judiciaire, après la phase écrite de la procédure, que la personne sanctionnée tire de l’article 8, paragraphe 6, de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (8).

16.      Toutefois, étant donné que le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214 est facultatif, la juridiction de renvoi, estime avoir le choix entre deux façons de procéder. Premièrement, elle pourrait refuser de reconnaître et d’exécuter la décision du 24 novembre 2023, ce qui entraverait le mécanisme de coopération judiciaire en matière pénale et favoriserait l’impunité. Deuxièmement, elle pourrait reconnaître et exécuter cette décision, ce qui porterait atteinte aux droits que BC tire du droit de l’Union.

17.      La juridiction de renvoi se demande, dès lors, s’il serait possible de procéder d’une troisième façon afin de respecter tous les intérêts protégés, dans un premier temps, en garantissant le droit de la personne sanctionnée de former un recours et de participer personnellement à la procédure subséquente ainsi que, dans un second temps, en reconnaissant la décision imposant une sanction pécuniaire si celle-ci n’est pas annulée à la suite du recours introduit, le cas échéant, par cette personne.

18.      Plus précisément, cette juridiction propose de coopérer avec l’autorité ayant émis cette décision afin qu’un droit de recours soit accordé à la personne sanctionnée, étant donné que cette personne a été privée de ce droit en raison de l’absence de signification effective de ladite décision.

19.      En pratique, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution contacterait l’autorité compétente de l’État membre d’émission pour lui demander si, eu égard au fait que la décision imposant une sanction pécuniaire n’a pas été dûment signifiée, la personne sanctionnée a le droit de former un recours contre cette décision soit en tant que recours initial si cette autorité considère que le délai de recours n’a pas commencé à courir, soit en raison d’un relevé de forclusion.

20.      En premier lieu, en cas de réponse affirmative de l’autorité compétente de l’État membre d’émission précisant, le cas échéant, le délai dans lequel cette personne peut former un recours, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution pourrait, en utilisant tous les moyens que son droit national met à sa disposition, signifier dûment à ladite personne la décision imposant une sanction pécuniaire, en l’informant de ce délai de recours. Le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214 ne serait alors plus applicable.

21.      L’autorité compétente de l’État membre d’exécution pourrait suspendre la procédure pendante devant elle dans l’attente de l’issue du recours introduit par la personne sanctionnée. Si cette personne n’introduit pas de recours ou si ce recours est rejeté, cela aura pour conséquence de faire disparaître l’obstacle à la reconnaissance et à l’exécution de la décision imposant une sanction pécuniaire.

22.      En second lieu, dans l’hypothèse où l’autorité compétente de l’État membre d’émission répondrait à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution qu’il n’y a plus de possibilités de recours, cette autorité pourrait être amenée à appliquer le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214.

23.      Selon la juridiction de renvoi, cette approche contribuerait à renforcer l’efficacité de la coopération entre les autorités compétentes des États membres ainsi que la protection des droits que les personnes sanctionnées tirent du droit de l’Union. Une telle approche serait également conforme au principe de reconnaissance mutuelle (9).

24.      Cette juridiction précise que le droit bulgare impose à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution d’informer la personne concernée sur la décision imposant une sanction pécuniaire et ensuite d’entendre cette personne (10). De plus, le droit bulgare permet à cette autorité de demander des informations complémentaires à l’autorité ayant émis cette décision sans imposer de limitations quant à la portée d’une telle demande (11). En outre, le droit bulgare impose à la juridiction bulgare compétente de consulter cette autorité avant de refuser de reconnaître la décision imposant une sanction pécuniaire (12).

25.      Par ailleurs, le droit bulgare impose à la juridiction bulgare compétente d’informer la personne sanctionnée de ses droits dans le cadre de la procédure nationale de reconnaissance de la décision imposant une sanction pécuniaire (13). Tout en précisant que cette obligation n’est pas destinée à être appliquée à la procédure de sanction qui a déjà été menée dans l’État membre d’émission, la juridiction de renvoi considère qu’il est possible d’interpréter cette obligation de manière extensive. Ainsi, sur la base d’une demande expresse de l’autorité ayant émis la décision imposant une sanction pécuniaire, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution pourrait informer la personne sanctionnée sur les droits dont elle dispose dans le cadre de la procédure d’émission de cette décision, en particulier sur les possibilités de former un recours contre ladite décision.

26.      Afin d’étayer la solution qu’elle suggère, la juridiction de renvoi mentionne la jurisprudence de la Cour dont il découle que l’article 6 de la directive 2012/13 ne s’oppose pas à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le délai de deux semaines pour former opposition contre une ordonnance pénale commence à courir à compter de sa signification au mandataire de la personne qui en fait l’objet, pour autant que, dès que cette personne en a pris connaissance, celle-ci dispose effectivement d’un délai de deux semaines pour former opposition contre cette ordonnance, le cas échéant à la suite ou dans le cadre d’une procédure de relevé de forclusion (14). En effet, cette juridiction relève que, dans cette situation, la personne condamnée a le droit de demander et d’obtenir que la forclusion soit relevée. Selon ladite juridiction, le mécanisme qu’elle propose pourrait être suffisamment efficace si les autorités autrichiennes considèrent qu’il est possible d’interpréter le droit autrichien de la même manière ou de manière similaire.

27.      La juridiction de renvoi précise encore que, dans la mesure où la Cour a déjà indiqué, en ce qui concerne la directive 2012/13, que celle-ci ne règle pas les modalités selon lesquelles l’information sur l’accusation doit être communiquée à la personne poursuivie (15), rien ne s’opposerait à ce que l’autorité compétente de l’État membre d’exécution aide l’autorité compétente de l’État membre d’émission concernant la communication obligatoire des informations à la personne sanctionnée.

28.      La Cour aurait, en outre, admis qu’il est possible d’informer la personne poursuivie de l’accusation seulement à l’étape de l’exécution d’une décision de justice définitive en mettant l’accent sur le droit de la défense après cette information (16).

29.      Toutefois, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si le rôle que pourrait ainsi jouer l’autorité compétente de l’État membre d’exécution dans la fourniture d’informations à la personne sanctionnée est compatible avec la décision-cadre 2005/214.

30.      En effet, cette juridiction relève que cette décision-cadre ne contient pas d’indications en ce sens. En particulier, elle constate que la procédure de consultation prévue à l’article 7, paragraphe 3, de ladite décision-cadre concerne la collecte de certaines informations et ne vise pas des mesures destinées à effectuer une communication d’informations qui n’a pas eu lieu jusqu’alors.

31.      Dans ces conditions, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« L’obligation de reconnaissance prévue à l’article 6 de la décision-cadre 2005/214, la possibilité de consultation prévue à l’article 7, paragraphe 3, de cette décision-cadre, ainsi que le principe requérant d’éviter l’impunité, peuvent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent à l’autorité compétente pour l’exécution, après avoir constaté que le motif facultatif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), [...] de [ladite] décision-cadre est applicable :

a)      de consulter, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la [même] décision‑cadre, l’autorité ayant émis la décision, afin de déterminer si la personne sanctionnée dispose encore d’une possibilité de former un recours contre la décision imposant une sanction pécuniaire ;

b)      en cas de réponse affirmative, de signifier la décision imposant une sanction pécuniaire à la personne sanctionnée et d’informer cette dernière sur son droit de former un recours ;

c)      d’attendre l’issue du recours éventuel et de prendre celle-ci en considération lorsqu’elle rend la décision au fond ? »

32.      Des observations écrites ont été déposées par la Commission européenne.

III. Analyse

33.      La juridiction de renvoi doit se prononcer sur la reconnaissance et l’exécution d’une décision imposant une sanction pécuniaire au titre de la décision-cadre 2005/214. Cette juridiction part du constat selon lequel le motif facultatif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre est susceptible d’être applicable en raison de mentions contradictoires figurant dans le certificat prévu à l’article 4 de ladite décision-cadre. Ainsi, ladite juridiction peut soit refuser de reconnaître et d’exécuter une telle décision, soit reconnaître et exécuter cette dernière malgré ce constat.

34.      Avant de se prononcer, la juridiction de renvoi souhaiterait cependant savoir si la décision-cadre 2005/214 peut être interprétée de façon à lui permettre, en tant qu’autorité compétente de l’État membre d’exécution, de remédier au vice affectant la signification de la décision en cause, qui est susceptible de conduire à l’application du motif facultatif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre. En particulier, cette juridiction s’interroge sur les modalités et la portée de l’assistance qu’elle peut fournir à l’autorité compétente de l’État membre d’émission afin de faire disparaître ce motif.

A.      Sur la première question préjudicielle

35.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de dire pour droit si l’article 6 ainsi que l’article 7, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214 doivent être interprétés en ce sens que l’obligation de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission qui pèse sur l’autorité compétente de l’État membre d’exécution avant que celle-ci puisse décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter une décision infligeant une sanction pécuniaire, dans le cas d’une procédure écrite, peut concerner l’existence d’une possibilité pour la personne sanctionnée de former un recours contre cette décision en vertu de la législation de l’État membre d’émission.

1.      Sur la recevabilité

36.      La Commission estime que cette question présente un caractère hypothétique et est donc irrecevable. Elle relève que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution est tenue de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission avant de décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter la décision imposant une sanction pécuniaire. Or, la juridiction de renvoi aurait déjà constaté l’existence du motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre, ce qu’elle ne pourrait pas faire tant qu’elle n’a pas consulté l’autorité compétente de l’État membre d’émission. Cela conduit la Commission à douter de la pertinence de la première question aussi longtemps que cette autorité n’a pas été consultée.

37.      À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire au principal, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (17).

38.      Il s’ensuit que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa propre responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (18).

39.      En l’occurrence, il me paraît découler clairement des explications fournies par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle qu’elle souhaite, par sa première question, obtenir des précisions sur l’objet et la portée de l’obligation de consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission prévue à l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214 en vue de pouvoir prendre position, une fois cette consultation effectuée, sur l’application éventuelle du motif de non-reconnaissance et de non-exécution figurant à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre. Cette question ne saurait donc, à mon avis, être considérée comme étant irrecevable.

2.      Sur le fond

40.      À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort en particulier de ses articles 1er et 6 ainsi que de ses considérants 1 et 2, la décision-cadre 2005/214 a pour objectif de mettre en place un mécanisme efficace de reconnaissance et d’exécution transfrontalière des décisions infligeant à titre définitif une sanction pécuniaire à une personne physique ou à une personne morale à la suite de la commission de l’une des infractions énumérées à l’article 5 de celle-ci (19).

41.      En effet, cette décision-cadre vise, sans procéder à l’harmonisation des législations des États membres portant sur le droit pénal, à garantir l’exécution des sanctions pécuniaires au sein de ces États grâce au principe de reconnaissance mutuelle (20).

42.      Le principe de reconnaissance mutuelle, qui sous-tend l’économie de la décision-cadre 2005/214, implique, en vertu de l’article 6 de cette dernière, que les États membres sont en principe tenus de reconnaître une décision infligeant une sanction pécuniaire qui a été transmise conformément à l’article 4 de cette décision-cadre, sans qu’aucune autre formalité soit requise, et de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution, les motifs de refus de reconnaissance ou d’exécution d’une telle décision devant être interprétés d’une manière restrictive (21).

43.      Concernant ces motifs, l’article 7 de ladite décision-cadre énumère explicitement, à ses paragraphes 1 et 2, les motifs de non-reconnaissance et de non-exécution des décisions relevant de son champ d’application.

44.      Par ailleurs, conformément à l’article 3 de la décision-cadre 2005/214, celle-ci ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés à l’article 6 TUE. C’est pourquoi l’article 20, paragraphe 3, de cette décision-cadre prévoit également que la reconnaissance et l’exécution d’une décision infligeant une sanction pécuniaire peuvent être refusées par l’autorité compétente de l’État membre d’exécution en cas de violation des droits fondamentaux ou des principes juridiques fondamentaux, définis par l’article 6 TUE (22).

45.      Par conséquent, lorsque le certificat visé à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214, accompagnant la décision infligeant une sanction pécuniaire, donne à penser que des droits fondamentaux ou des principes juridiques fondamentaux définis à l’article 6 TUE ont pu être violés, les autorités compétentes de l’État membre d’exécution peuvent refuser de reconnaître et d’exécuter une telle décision en présence de l’un des motifs de non-reconnaissance et de non-exécution énumérés à l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette décision-cadre ainsi qu’en vertu de l’article 20, paragraphe 3, de celle-ci (23).

46.      Ainsi, les destinataires d’une décision relevant du champ d’application de la décision-cadre 2005/214 sont fondés à se prévaloir des droits fondamentaux consacrés, en particulier, à l’articles 47, deuxième alinéa, et à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et les autorités des États membres doivent, en conséquence, assurer le respect de ces droits (24).

47.      Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi met l’accent sur l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214, en vertu duquel l’autorité compétente de l’État membre d’exécution peut refuser de reconnaître et d’exécuter une décision s’il est établi que, selon le certificat prévu à l’article 4 de cette décision-cadre, l’intéressé, dans le cas d’une procédure écrite, n’a pas été informé, conformément à la législation de l’État membre d’émission, personnellement ou par un représentant, compétent en vertu de la législation nationale, de son droit de former un recours et du délai pour le faire.

48.      La Cour a relevé que la décision-cadre 2005/214 ne prévoit pas la manière concrète dont le destinataire d’une décision, au sens de l’article 1er, sous a), de cette décision-cadre, lui infligeant une sanction pécuniaire doit être informé de celle-ci (25). Selon la Cour, en renvoyant ainsi à la législation des États membres, le législateur de l’Union a laissé à ceux-ci le soin de décider de la manière d’informer l’intéressé de son droit de former un recours, du délai pour le faire ainsi que du moment où un tel délai commence à courir, pour autant que la notification est effective et que le respect du droit à une protection juridictionnelle effective et l’exercice des droits de la défense sont garantis (26).

49.      Dans ce contexte, la Cour a rappelé que le respect du droit à une protection juridictionnelle effective exige non seulement la garantie d’une réception réelle et effective des décisions, c’est-à-dire leur notification à leur destinataire, mais également qu’une telle notification permette à ceux-ci de connaître de manière précise les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à leur égard, ainsi que les voies de recours contre une telle décision et le délai imparti à cet effet, afin qu’ils soient en mesure de défendre de manière effective leurs droits et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de contester en justice ladite décision (27).

50.      En cas de doutes, qui peuvent résulter, comme dans la présente affaire, de mentions pouvant apparaître comme étant contradictoires dans le certificat prévu à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214, il appartient à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de vérifier, au regard des circonstances de l’espèce, si l’intéressé a effectivement été informé, conformément à la législation de l’État membre d’émission, de son droit de former un recours et du délai pour le faire (28). Cette vérification doit être effectuée auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’émission selon la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 3, de cette décision-cadre.

51.      À cet égard, je rappelle que cette disposition prévoit que, dans les cas visés notamment à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution est tenue, avant de décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter la décision imposant une sanction pécuniaire, de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission par tous les moyens appropriés et, le cas échéant, de solliciter sans tarder toute information nécessaire. Afin d’assurer l’effet utile de cette décision-cadre et, notamment, le respect des droits fondamentaux, l’autorité compétente de l’État membre d’émission est tenue de fournir ces informations (29).

52.      Dans le cadre de la présente affaire, l’obligation de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission, que doit mettre en œuvre l’autorité compétente de l’État membre d’exécution lorsqu’elle envisage de refuser la reconnaissance et l’exécution d’une décision imposant une sanction pécuniaire, doit viser à obtenir des éléments permettant de lever l’incertitude quant au point de savoir si cette décision a bien été signifiée conformément à la législation nationale de l’État membre d’émission avec l’indication du droit de former un recours et du délai pour le faire.

53.      En effet, pour considérer que la personne sanctionnée a été en mesure d’exercer un recours contre la décision lui imposant une sanction pécuniaire, cette personne doit avoir eu connaissance du contenu de cette décision, ce qui suppose que celle-ci lui ait été dûment signifiée.

54.      Je relève, en outre, que, afin de définir la notion de « décision », l’article 1er, sous a), de la décision-cadre 2005/214 se réfère notamment à « toute décision infligeant à titre définitif une sanction pécuniaire à une personne physique ou morale » (30). La circonstance que cette disposition requiert le caractère « définitif » de la décision imposant une sanction pécuniaire souligne l’importance particulière accordée au caractère inattaquable de cette décision. Cela exclut, à l’évidence, les décisions faisant ou pouvant faire l’objet d’un recours (31).

55.      La condition relative au caractère définitif de la décision imposant une sanction pécuniaire doit donc être satisfaite afin que cette décision puisse être reconnue et exécutée dans l’État membre d’exécution (32). Ainsi, au moment de la demande, par l’autorité compétente de l’État membre d’émission, visant à la reconnaissance et à l’exécution d’une telle décision, la personne sanctionnée ne doit plus disposer de la possibilité de former un recours contre cette décision.

56.      Or, je relève que, en fonction de ce que prévoit la législation de l’État membre d’émission, l’absence d’information de la personne sanctionnée en ce qui concerne son droit de former un recours contre la décision lui infligeant une sanction pécuniaire et le délai pour le faire est susceptible de remettre en cause le caractère définitif de cette décision, dans la mesure où cette personne pourrait se voir reconnaître la possibilité de former un recours contre ladite décision à partir du moment où elle a connaissance de cette information, le cas échéant à la suite d’une demande visant à obtenir un relevé de forclusion. En effet, il convient de préciser qu’une telle demande, qui relève exclusivement de la compétence des autorités de l’État membre d’émission, aurait pour objet de rétablir ladite personne dans son droit d’exercer un recours après l’expiration du délai prévu par la loi pour l’exercice de ce droit (33).

57.      Eu égard à son lien avec la condition relative au caractère définitif de la décision imposant une sanction pécuniaire, je considère que l’autorité compétente de l’État membre d’exécution doit avoir la possibilité de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission sur cet aspect.

58.      Je propose donc à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 6 ainsi que l’article 7, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214 doivent être interprétés en ce sens que l’obligation de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission qui pèse sur l’autorité compétente de l’État membre d’exécution avant que celle-ci puisse décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter une décision infligeant une sanction pécuniaire, dans le cas d’une procédure écrite, peut concerner l’existence d’une possibilité pour la personne sanctionnée de former un recours contre cette décision en vertu de la législation de l’État membre d’émission.

B.      Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles

59.      Par ces questions, qu’il convient selon moi d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de dire pour droit si l’article 6 ainsi que l’article 7, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’il résulte de la consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission, d’une part, que la décision infligeant une sanction pécuniaire, dans le cas d’une procédure écrite, n’a pas été signifiée conformément à la législation de cet État membre avec l’indication du droit de former un recours ainsi que du délai pour le faire et, d’autre part, que la personne sanctionnée peut encore disposer, en vertu de la législation dudit État membre, d’une possibilité de former un recours contre cette décision à partir du moment où elle en a connaissance, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution est habilitée à signifier ladite décision à cette personne en l’informant de son droit de former un recours et du délai pour le faire ainsi qu’à suspendre la procédure de reconnaissance et d’exécution de la même décision dans l’attente de l’issue d’un recours éventuel contre celle-ci.

60.      Ainsi, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la décision-cadre 2005/214 peut être interprétée de façon à permettre à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de remédier à un éventuel vice affectant la signification de la décision infligeant une sanction pécuniaire, susceptible de conduire cette autorité à se prévaloir du motif de non-reconnaissance et de non-exécution figurant à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre. Dans cette optique de régularisation d’une situation correspondant aux prévisions de cette disposition, dans laquelle la personne sanctionnée n’a pas été informée de son droit de former un recours et du délai pour le faire, cette juridiction cherche à savoir, en particulier, si et dans quelle mesure elle peut fournir à l’autorité compétente de l’État membre d’émission une assistance à cet égard.

61.      En somme, ladite juridiction souhaite savoir quel rôle elle peut jouer, en tant qu’autorité compétente de l’État membre d’exécution, afin d’informer la personne sanctionnée de son droit de former un recours et du délai pour le faire, lorsque l’information initiale, telle qu’elle a été indiquée dans le certificat prévu à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214, a été défaillante.

62.      À titre liminaire, je rappelle que, dans la perspective de la mise en œuvre potentielle du motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214, la consultation imposée par l’article 7, paragraphe 3, de cette décision-cadre vise à permettre à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de vérifier, au regard des circonstances de l’espèce, si, au vu des doutes suscités par les mentions figurant dans le certificat, l’intéressé a effectivement été informé, conformément à la législation de l’État membre d’émission, de son droit de former un recours et du délai pour le faire. Il incombe alors à l’autorité compétente de l’État membre d’émission de fournir à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution les informations nécessaires à cet égard.

63.      Si les informations recueillies permettent de lever les doutes suscités par les mentions figurant dans le certificat, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution ne pourra pas se prévaloir du motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214. Cette autorité est alors tenue, conformément au principe de reconnaissance mutuelle qui sous-tend l’économie de cette décision-cadre, de reconnaître la décision infligeant une sanction pécuniaire qui a été transmise conformément à l’article 4 de ladite décision-cadre, sans qu’aucune autre formalité soit requise, et doit prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour son exécution (34).

64.      En l’occurrence, je rappelle que, selon la juridiction de renvoi, il ressort du certificat prévu à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214, transmis à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution, que, conformément à la législation autrichienne, BC a été informé, personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant compétent, de son droit de former un recours ainsi que du délai pour le faire et qu’il n’a pas formé de recours dans le délai imparti. Ce certificat est accompagné de la décision du 24 novembre 2023, en langues bulgare et allemande, indiquant l’infraction, l’amende imposée, le mode et le délai de recours contre cette amende, à savoir deux semaines. De plus, il ressort de la façon dont cette décision est rédigée qu’elle a été envoyée afin d’être signifiée à la personne sanctionnée. Eu égard à ces éléments et conformément au principe de confiance mutuelle, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution devrait, à mon avis, présumer que la personne sanctionnée a été informée de son droit de former un recours et du délai pour le faire, de sorte que le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 7, paragraphe 2, sous g), de cette décision-cadre ne serait, sauf preuve contraire, pas applicable.

65.      En revanche, si la consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission confirme les doutes de l’autorité compétente de l’État membre d’exécution et révèle ainsi que la décision infligeant une sanction pécuniaire n’a pas été signifiée conformément à la législation de l’État membre d’émission avec l’indication du droit de former un recours ainsi que du délai pour le faire, cette autorité dispose alors, au titre de l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214, de la faculté de refuser de reconnaître et d’exécuter cette décision.

66.      Dans l’hypothèse où la consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission fait apparaître, en outre, que la personne sanctionnée pourrait se voir reconnaître la possibilité de former un recours contre la décision lui infligeant une sanction pécuniaire à partir du moment où elle a connaissance de cette décision, au besoin à la suite d’une demande visant à obtenir un relevé de forclusion, c’est cette autorité qui est compétente pour régulariser, le cas échéant, la situation (35).

67.      Comme la Commission l’a relevé, à juste titre, dans ses observations écrites, rien dans la décision-cadre 2005/214 ne suggère que celle-ci conférerait à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution la compétence d’intervenir dans la communication d’informations à la personne sanctionnée relatives à son droit de former un recours afin de remédier à l’absence de communication de telles informations de la part de l’autorité compétente de l’État membre d’émission.

68.      L’autorité compétente de l’État membre d’exécution ne doit donc pas empiéter sur les compétences de l’autorité compétente de l’État membre d’émission. C’est à cette seconde autorité qu’il incombe, après que la première a sollicité des informations en application de l’article 7, paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214, de remédier, le cas échéant, à l’absence d’information de la personne ayant fait l’objet d’une décision lui infligeant une sanction pécuniaire, relative à son droit de former un recours contre cette décision et au délai pour le faire.

69.      Il ressort, à cet égard, du libellé même de l’article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214 que l’information de la personne sanctionnée sur son droit de former un recours et sur le délai pour le faire doit être effectuée conformément à la législation de l’État membre d’émission. Cette référence à la législation de l’État membre d’émission traduit le fait que cette information doit être effectuée par l’autorité compétente de l’État membre d’émission, conformément à sa propre législation. Cette phase relative à la procédure d’imposition de la sanction, qui est régie par la législation de l’État membre d’émission, doit ainsi être distinguée de la phase relative à la procédure d’exécution de la décision imposant une sanction pécuniaire qui, comme l’indique l’article 9 de cette décision-cadre, est régie par la législation de l’État membre d’exécution. Conformément à la répartition des compétences entre les autorités compétentes de ces deux États membres, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution ne dispose d’aucune compétence pour se substituer à l’autorité compétente de l’État membre d’émission en informant elle-même la personne sanctionnée de son droit de former un recours et du délai pour le faire.

70.      J’ajoute que, dans l’hypothèse visée par la juridiction de renvoi, à savoir celle dans laquelle la personne sanctionnée disposerait, en vertu du droit de l’État membre d’émission, d’un nouveau droit de recours à compter de la connaissance effective de la décision lui infligeant une sanction pécuniaire et userait de ce droit, la reconnaissance et l’exécution de cette décision donneraient lieu à une nouvelle procédure qui nécessiterait l’envoi d’un nouveau certificat contenant des informations actualisées. Cela exclut la solution proposée par cette juridiction consistant à suspendre la procédure initiale visant à la reconnaissance et à l’exécution de cette décision dans l’attente de l’issue d’un recours éventuel contre ladite décision.

71.      Il s’ensuit que, selon moi, contrairement à ce que suggère la juridiction de renvoi, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution n’est pas habilitée, en vertu de la décision-cadre 2005/214, à signifier à la personne sanctionnée la décision lui infligeant une sanction pécuniaire en l’informant de son droit de former un recours et du délai pour le faire ainsi qu’à suspendre la procédure de reconnaissance et d’exécution de cette décision dans l’attente de l’issue d’un recours éventuel contre celle-ci.

72.      Pour finir, je précise que, malgré le défaut d’habilitation de l’autorité compétente de l’État membre d’exécution pour procéder aux opérations décrites au point précédent des présentes conclusions, il serait conforme à l’objectif visant à renforcer la reconnaissance mutuelle des décisions infligeant des sanctions pécuniaires que la coopération entre les autorités de cet État membre et celles de l’État membre d’émission se poursuive si nécessaire afin que la personne sanctionnée puisse disposer effectivement des informations adéquates. Dans cette perspective, les autorités compétentes de l’État membre d’émission pourraient solliciter l’assistance des autorités compétentes de l’État membre d’exécution, en particulier si cette personne se trouve sur le territoire de ce dernier (36).

IV.    Conclusion

73.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie) de la manière suivante :

L’article 6 ainsi que l’article 7, paragraphe 2, sous g), et paragraphe 3, de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009,

doivent être interprétés en ce sens que :

1)      l’obligation de consulter l’autorité compétente de l’État membre d’émission qui pèse sur l’autorité compétente de l’État membre d’exécution avant que celle-ci puisse décider de ne pas reconnaître et de ne pas exécuter une décision infligeant une sanction pécuniaire, dans le cas d’une procédure écrite, peut concerner l’existence d’une possibilité pour la personne sanctionnée de former un recours contre cette décision en vertu de la législation de l’État membre d’émission ;

2)      lorsqu’il résulte de la consultation de l’autorité compétente de l’État membre d’émission, d’une part, que la décision infligeant une sanction pécuniaire, dans le cas d’une procédure écrite, n’a pas été signifiée conformément à la législation de cet État membre avec l’indication du droit de former un recours ainsi que du délai pour le faire et, d’autre part, que la personne sanctionnée peut encore disposer, en vertu de la législation dudit État membre, d’une possibilité de former un recours contre cette décision à partir du moment où elle en a connaissance, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution n’est pas habilitée à signifier ladite décision à cette personne en l’informant de son droit de former un recours et du délai pour le faire ainsi qu’à suspendre la procédure de reconnaissance et d’exécution de la même décision dans l’attente de l’issue d’un recours éventuel contre celle-ci.


1      Langue originale : le français.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


2      JO 2005, L 76, p. 16.


3      JO 2009, L 81, p. 24, ci-après la « décision-cadre 2005/214 ».


4      BGBl. I, 109/2002.


5      Voir article 4 et annexe de la décision-cadre 2005/214


6      Aux termes de cette disposition, chaque État membre peut, lorsque le certificat visé à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214 donne à penser que des droits fondamentaux ou des principes juridiques fondamentaux définis par l’article 6 TUE ont pu être violés, s’opposer à la reconnaissance et à l’exécution de la décision imposant une sanction pécuniaire. La procédure prévue à l’article 7, paragraphe 3, de cette décision-cadre est applicable dans cette situation.


7      JO 2012, L 142, p. 1. Cette disposition prévoit que les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation.


8      JO 2016, L 65, p. 1. Selon cette disposition, l’article 8 de cette directive, qui est consacré au droit d’assister à son procès, s’entend sans préjudice des règles nationales qui prévoient que la procédure ou certaines parties de celles-ci sont menées par écrit, pour autant que le droit à un procès équitable soit respecté.


9      La juridiction de renvoi se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (Reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires) (C‑671/18, EU:C:2019:1054, points 31, 33 et 44).


10      Voir article 16, paragraphe 4, du Zakon za priznavane, izpalnenie i izprashtane na aktove za konfiskatsia ili otnemane i reshenia za nalagane na finansovi sanktsii (loi relative à la reconnaissance, l’exécution et la transmission d’actes de confiscation ou de saisie et de décisions imposant des sanctions pécuniaires) (DV no 15, du 23 février 2010, ci-après la « loi relative à la reconnaissance »).


11      Voir article 16, paragraphe 5, de la loi relative à la reconnaissance.


12      Voir article 32, paragraphe 3, de la loi relative à la reconnaissance.


13      Voir article 32, paragraphe 4, de la loi relative à la reconnaissance.


14      Voir arrêts du 22 mars 2017, Tranca e.a. (C‑124/16, C‑188/16 et C‑213/16, EU:C:2017:228, points 47, 48 et 51), ainsi que du 14 mai 2020, Staatsanwaltschaft Offenburg (C‑615/18, EU:C:2020:376, points 60 et 77).


15      Cette juridiction renvoie aux arrêts du 15 octobre 2015, Covaci (C‑216/14, EU:C:2015:686, point 62), et du 6 octobre 2021, Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (C‑338/20, ci-après l’« arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty », EU:C:2021:805, point 33).


16      La juridiction de renvoi se réfère, à cet égard, à l’arrêt du 22 mars 2017, Tranca e.a. (C‑124/16, C‑188/16 et C‑213/16, EU:C:2017:228, points 47 et 51).


17      Voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2021, LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) [C‑136/20, ci-après l’« arrêt LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) », EU:C:2021:804, point 29 et jurisprudence citée].


18      Voir, notamment, arrêt LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) (point 30 et jurisprudence citée).


19      Voir, notamment, arrêts LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) (point 36 et jurisprudence citée), ainsi que Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 22 et jurisprudence citée).


20      Voir, notamment, arrêts LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) (point 37 et jurisprudence citée), ainsi que Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 23 et jurisprudence citée).


21      Voir, notamment, arrêts LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) (point 38 et jurisprudence citée), ainsi que Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 24 et jurisprudence citée).


22      Voir, notamment, arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 26 et jurisprudence citée).


23      Voir, notamment, arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 27 et jurisprudence citée).


24      Voir arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 30).


25      Voir arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 32).


26      Voir, notamment, arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 33 et jurisprudence citée).


27      Voir, notamment, arrêt Prokuratura Rejonowa Łódź-Bałuty (point 34 et jurisprudence citée).


28      Voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (Reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires) (C‑671/18, EU:C:2019:1054, point 42).


29      Voir, notamment, arrêt LU (Recouvrement d’amendes de circulation routière) (point 50 et jurisprudence citée).


30      Italique ajouté par mes soins.


31      Voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution) (C‑314/18, EU:C:2020:191, point 52 et jurisprudence citée).


32      Dans la rubrique g), point 1, du certificat prévu à l’article 4 de la décision-cadre 2005/214, l’autorité compétente de l’État membre d’émission doit indiquer la date à laquelle la décision imposant la sanction pécuniaire a été rendue à titre définitif. Dans la rubrique h), point 1, sous a), de ce certificat, cette autorité doit cocher la case indiquant que cette décision a été rendue à titre définitif.


33      Voir, par analogie, arrêt du 7 juillet 2016, Lebek (C‑70/15, EU:C:2016:524, point 42).


34      Voir arrêt du 5 décembre 2019, Centraal Justitieel Incassobureau (Reconnaissance et exécution des sanctions pécuniaires) (C‑671/18, EU:C:2019:1054, point 43).


35      Il faut, dans de telles circonstances, envisager la possibilité pour l’État membre d’émission de demander la cessation de l’exécution en application de l’article 12 de la décision-cadre 2005/214.


36      La Commission évoque, à cet égard, la possibilité pour les autorités compétentes de l’État membre d’émission d’introduire une demande d’entraide judiciaire sur la base de l’article 5 de la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne, établie, conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, par l’acte du Conseil, du 29 mai 2000 (JO 2000, C 197, p. 3).