ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR
1er juillet 2025 (*)
« Pourvoi – Demande d’intervention – Article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne – Intérêt à la solution du litige – Organisation syndicale – Admission »
Dans l’affaire C‑835/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 décembre 2024,
PT, représentée par Me S. Orlandi, avocat,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant :
Commission européenne, représentée par Mmes A. Baeckelmans et G. Niddam, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme X. Chamodraka, en qualité d’agents,
partie intervenante en première instance,
LE PRÉSIDENT DE LA COUR
vu la proposition de Mme I. Ziemele, juge rapporteur,
l’avocat général, M. A. Biondi, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, PT demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 septembre 2024, PT/Commission (T‑788/22, EU:T:2024:655), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à la condamnation de la Commission européenne au remboursement du montant correspondant aux droits à pension nationaux acquis préalablement à son entrée au service de l’Union européenne et transférés vers le régime des pensions des institutions de l’Union (ci‑après le « RPIUE ») au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe VIII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.
2 Par acte déposé au greffe de la Cour le 23 avril 2025, l’Union Syndicale Fédérale/European Public Service Union – Cour de Justice (USF/EPSU‑CJ), une organisation syndicale représentative du personnel de la Cour de justice de l’Union européenne, au sens de l’article 10 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, affiliée à l’Union Syndicale Fédérale (USF), a, sur le fondement de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que des articles 130 et 190 du règlement de procédure de la Cour, demandé à être admise à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de PT.
3 À la suite de la signification aux parties par le greffier de la Cour, conformément à l’article 131, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, de la demande d’intervention introduite par l’USF/EPSU-CJ, le Conseil de l’Union européenne et la Commission ont déposé des observations sur cette demande dans le délai imparti et ont indiqué qu’elles s’en remettent à la sagesse de la Cour.
Sur la demande d’intervention
4 En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis à la Cour, autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union européenne ou entre ces États, d’une part, et lesdites institutions, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.
5 Selon une jurisprudence constante, la notion d’« intérêt à la solution du litige », au sens de cette disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme étant un intérêt direct et actuel porté au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme étant un intérêt à l’égard des moyens soulevés ou des arguments invoqués. En effet, les termes « solution du litige » renvoient à la décision finale demandée, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt ou de l’ordonnance à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 21 juillet 2023, WhatsApp Ireland/Comité européen de la protection des données, C‑97/23 P, EU:C:2023:608, point 11 et jurisprudence citée).
6 À cet égard, il convient, notamment, de vérifier si le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et si son intérêt à l’issue du litige est certain. En principe, un intérêt à la solution du litige n’est considéré comme étant suffisamment direct que dans la mesure où cette solution est de nature à modifier la position juridique du demandeur en intervention (ordonnance du président de la Cour du 21 juillet 2023, WhatsApp Ireland/Comité européen de la protection des données, C‑97/23 P, EU:C:2023:608, point 12 et jurisprudence citée).
7 Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante qu’une association professionnelle représentative, ayant pour objet la protection des intérêts de ses membres, peut être admise à intervenir lorsque le litige soulève des questions de principe de nature à affecter lesdits intérêts. Dès lors, l’exigence tenant à ce qu’une telle association dispose d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige doit être considérée comme étant remplie lorsque cette association établit qu’elle se trouve dans une telle situation, et ce indépendamment de la question de savoir si la solution du litige est de nature à modifier la position juridique de l’association en tant que telle (ordonnances du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 8, et du 21 juillet 2023, WhatsApp Ireland/Comité européen de la protection des données, C‑97/23 P, EU:C:2023:608, point 13).
8 Une telle interprétation large du droit d’intervention en faveur des associations professionnelles représentatives vise à permettre de mieux apprécier le cadre dans lequel les affaires soumises au juge de l’Union se présentent tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure. À la différence des personnes physiques et morales agissant pour leur propre compte, les associations professionnelles représentatives sont susceptibles de demander à intervenir dans un litige soumis à la Cour non pas pour défendre des intérêts individuels, mais pour défendre les intérêts collectifs de leurs membres. En effet, l’intervention d’une telle association offre une perspective d’ensemble de ces intérêts collectifs, affectés par une question de principe dont dépend la solution du litige, et est ainsi de nature à permettre à la Cour de mieux apprécier le cadre dans lequel une affaire lui est soumise (ordonnance du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 9 et jurisprudence citée).
9 Ainsi, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si, premièrement, elle est représentative d’un nombre important de personnes exerçant leur activité dans le secteur concerné, deuxièmement, son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, troisièmement, l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et donc, quatrièmement, les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnance du président de la Cour du 10 mars 2023, Illumina/Commission, C‑611/22 P, EU:C:2023:205, point 10).
10 Il convient d’appliquer cette jurisprudence mutatis mutandis afin d’examiner si une organisation syndicale, telle que l’USF/EPSU-CJ, peut être admise à intervenir au soutien des conclusions de PT.
11 En premier lieu, il est constant que l’USF/EPSU-CJ est reconnue en tant qu’organisation syndicale représentative au sein de la Cour de justice de l’Union européenne, au sens de l’article 10 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.
12 En deuxième lieu, il ressort des statuts de l’Union Syndicale Fédérale (USF), à laquelle l’USF/EPSU-CJ est affiliée, que l’USF a pour objet social, notamment, de défendre les intérêts professionnels de ses membres.
13 En troisième lieu, il convient de relever que la Cour est susceptible de statuer, dans le cadre de la présente procédure, sur la question de l’éventuel enrichissement sans cause de l’Union. Cet enrichissement découlerait, selon PT, du refus de remboursement du montant correspondant aux droits à pension nationaux acquis préalablement à son entrée au service de l’Union et transférés vers le RPIUE, non pris en compte, selon PT, pour la liquidation de ses droits à pension, lorsque la pension d’ancienneté est calculée conformément à la règle du minimum vital, prévue à l’article 77, quatrième alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne.
14 Or, la question du droit au remboursement du montant correspondant aux droits à pension nationaux acquis préalablement à l’entrée au service de l’Union et transférés vers le RPIUE, lorsque les droits à pension de l’agent sont calculés conformément à la règle du minimum vital, constitue une question de principe.
15 Enfin, en quatrième lieu, l’arrêt de la Cour à intervenir dans la présente affaire est, en ce qu’il porte sur le droit au remboursement du montant correspondant aux droits à pension nationaux acquis préalablement à l’entrée au service de l’Union et transférés vers le RPIUE, susceptible d’affecter les intérêts des membres de l’USF/EPSU-CJ se trouvant actuellement, ou pouvant à l’avenir se trouver, dans une situation analogue à celle de PT.
16 Il s’ensuit que les quatre conditions visées au point 9 de la présente ordonnance sont remplies et que l’USF/EPSU-CJ doit être regardée comme ayant établi à suffisance de droit qu’elle a, en l’espèce, un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions de PT visant à l’annulation de l’arrêt du 25 septembre 2024, PT/Commission (T‑788/22, EU:T:2024:655), et, partant, un intérêt à la solution du litige soumis à la Cour dans le cadre du présent pourvoi, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
17 Il y a lieu dès lors d’admettre, conformément à cette disposition et à l’article 131, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, l’intervention de l’USF/EPSU-CJ au soutien des conclusions de PT.
Sur les droits procéduraux de l’intervenante
18 La demande d’intervention étant admise, l’USF/EPSU-CJ recevra communication, en application de l’article 131, paragraphe 3, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de ce règlement, de tous les actes de procédure signifiés aux parties, en l’absence de demande de ces dernières tendant à ce que certaines pièces ou certains documents soient exclus de cette communication.
19 Cette demande ayant été présentée dans le délai d’un mois prévu à l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’USF/EPSU-CJ pourra, conformément à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, présenter un mémoire en intervention dans un délai d’un mois suivant la communication visée au point précédent, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 51 dudit règlement.
20 Enfin, l’USF/EPSU-CJ pourra présenter des observations orales si une audience de plaidoiries est organisée.
Sur les dépens
21 Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.
22 En l’espèce, la demande d’intervention de l’USF/EPSU-CJ étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens liés à son intervention.
Par ces motifs, le président de la Cour ordonne :
1) L’Union Syndicale Fédérale/European Public Service Union – Cour de Justice (USF/EPSU-CJ) est admise à intervenir dans l’affaire C‑835/24 P au soutien des conclusions de PT.
2) Une copie de tous les actes de procédure sera signifiée à l’Union Syndicale Fédérale/European Public Service Union – Cour de Justice (USF/EPSU-CJ) par les soins du greffier.
3) L’Union Syndicale Fédérale/European Public Service Union – Cour de Justice (USF/EPSU-CJ) dispose d’un délai d’un mois, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours et prenant cours à la date de la signification visée au point 2 du présent dispositif, pour présenter un mémoire en intervention.
4) Les dépens liés à l’intervention de l’Union Syndicale Fédérale/European Public Service Union – Cour de Justice (USF/EPSU-CJ) sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 1er juillet 2025.
A. Calot Escobar | | K. Lenaerts |