Language of document : ECLI:EU:C:2025:559

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 10 juillet 2025 (1)

Affaire C483/23

D,

A,

B,

C,

T

contre

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Comitato di Sicurezza Finanziaria,

Agenzia del Demanio

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie)]

« Renvoi préjudiciel — Politique étrangère — Mesures restrictives prises à l’encontre de la Fédération de Russie pour ses actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine — Règlement (UE) nº 269/2014 — Gel des fonds ou des ressources économiques placés dans un trust — Reconnaissance d’un trust constitué dans une juridiction offshore — Constituant d’un trust désigné à l’annexe I du règlement no 269/2014 — Propriété, possession et détention des ressources économiques et des fonds du trust — Contrôle des ressources économiques et des fonds du trust — Trust associé à une personne sanctionnée »






1.        Le présent renvoi préjudiciel a pour toile de fond l’adoption de mesures restrictives de gel des ressources économiques et de fonds, prises par l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie afin de réprimer les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

2.        En résumé, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les mesures de gel peuvent s’étendre aux biens ou aux ressources économiques apportés à un trust (2) par une personne (le constituant du trust) nommément désignée dans la liste figurant à l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 (3).

3.        La Cour est appelée à déterminer dans quelle mesure un trust peut servir d’instrument aux fins de contourner l’application des mesures restrictives. La réponse impliquera de tenir compte de la complexité et de la souplesse des trusts, construction juridique que certains États membres, mais pas tous, accueillent dans leur droit interne.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit international. La convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance

4.        L’article 2 de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (4) dispose :

« Aux fins de la présente Convention, le terme “trust” vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant – par acte entre vifs ou à cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé.

Le trust présente les caractéristiques suivantes :

a)       les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee ;

b)       le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une autre personne pour le compte du trustee ;

c)       le trustee est investi du pouvoir et chargé de l’obligation, dont il doit rendre compte, d’administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.

Le fait que le constituant conserve certaines prérogatives ou que le trustee possède certains droits en qualité de bénéficiaire ne s’oppose pas nécessairement à l’existence d’un trust. »

5.        L’article 6, premier alinéa, énonce :

« Le trust est régi par la loi choisie par le constituant. Le choix doit être exprès ou résulter des dispositions de l’acte créant le trust ou en apportant la preuve, interprétées au besoin à l’aide des circonstances de la cause ».

6.        En vertu de son article 11 :

« Un trust créé conformément à la loi déterminée par le chapitre précédent sera reconnu en tant que trust.

La reconnaissance implique au moins que les biens du trust soient distincts du patrimoine personnel du trustee et que le trustee puisse agir comme demandeur ou défendeur, ou comparaître en qualité de trustee devant un notaire ou toute personne exerçant une autorité publique.

Dans la mesure où la loi applicable au trust le requiert ou le prévoit, cette reconnaissance implique notamment :

a)       que les créanciers personnels du trustee ne puissent pas saisir les biens du trust ;

b)       que les biens du trust soient séparés du patrimoine du trustee en cas d’insolvabilité ou de faillite de celui-ci ;

c)       que les biens du trust ne fassent pas partie du régime matrimonial ni de la succession du trustee ;

d)       que la revendication des biens du trust soit permise, dans les cas où le trustee, en violation des obligations résultant du trust, a confondu les biens du trust avec ses biens personnels ou en a disposé. Toutefois, les droits et obligations d’un tiers détenteur des biens du trust demeurent régis par la loi déterminée par les règles de conflit du for. »

B.      Le droit de l’Union

1.      Le règlement no 269/2014

7.        L’article 1er du règlement no 269/2014 dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

d)       “ressources économiques”, les avoirs de toute nature, corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers, qui ne sont pas des fonds, mais qui peuvent être utilisés pour obtenir des fonds, des biens ou des services ;

e)       “gel des ressources économiques”, toute action visant à empêcher l’utilisation de ressources économiques afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque ;

f)       “gel des fonds”, toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation, manipulation de fonds ou accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l’utilisation, y compris la gestion de portefeuilles ;

g)       “fonds”, les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, et notamment, mais pas exclusivement :

[...] ».

8.        En vertu de son article 2 (5) :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes, ou aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, énumérés à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes physiques ou morales, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucuns fonds ni aucune ressource économique ne sont mis, directement ou indirectement, à la disposition des personnes physiques ou morales, entités ou organismes, ou des personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, énumérés à l’annexe I, ni dégagés à leur profit. »

9.        Aux termes de l’article 9 :

« Il est interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les mesures énoncées à l’article 2. »

2.      Le règlement dexécution 2022/336

10.      Conformément à l’article 1er du règlement d’exécution 2022/336, « [l]es personnes et l’entité dont la liste figure à l’annexe du présent règlement sont ajoutées à la liste figurant à l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 ».

3.      La directive (UE) 2015/849

11.      L’article 3 de la directive (UE) 2015/849 (6) dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

6)      “bénéficiaire effectif”, la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent le client et/ou la ou les personnes physiques pour lesquelles une transaction est exécutée, ou une activité réalisée, et qui comprend au moins :

[...]

b) dans le cas des fiducies/trusts, toutes les personnes suivantes :

i)      le ou les constituants ;

ii)      le ou les fiduciaires/trustees ;

iii)      le ou les protecteurs, le cas échéant ;

iv)      les bénéficiaires ou, lorsque les personnes qui seront les bénéficiaires de la construction ou de l’entité juridique n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes dans l’intérêt principal de laquelle la construction ou l’entité juridique a été constituée ou opère ;

v)      toute autre personne physique exerçant le contrôle en dernier ressort sur la fiducie/le trust par propriété directe ou indirecte ou par d’autres moyens ;

c)       pour les entités juridiques telles que les fondations, et les constructions juridiques similaires à des fiducies/trusts, la ou les personnes physiques occupant des fonctions équivalentes ou similaires à celles visées au point b) ;

[...] ».

C.      Le droit italien

1.      Le décret législatif 109/2007

12.      L’article 3 du décret législatif 109/2007 (7) a institué le Comitato di Sicurezza Finanziaria (comité de sécurité financière, Italie), organe du Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie) qui adopte les mesures de gel décidées par l’Organisation des Nations Unies, l’Union européenne et le ministère de l’Économie et des Finances.

13.      L’article 5 contient l’interdiction du transfert, de la disposition ou de l’utilisation des ressources gelés, ainsi que l’interdiction d’affecter, directement ou indirectement, des fonds ou des ressources économiques aux entités désignées ou à leur avantage.

2.      Le décret législatif 90/2017

14.      Selon le libellé repris dans la décision de renvoi, l’article 2, paragraphe 1, du décret législatif 90/2017 (8), a modifié l’article 22, paragraphe 5, du décret législatif 231/2007 dans les termes suivants :

« Les administrateurs de trusts exprès, régis par la loi no 364 du 16 octobre 1989, ainsi que les personnes exerçant des droits, pouvoirs et facultés équivalents dans des constructions juridiques voisines, pour autant qu’ils soient établis ou résident sur le territoire de la République italienne, se procurent et conservent des informations appropriées, exactes et à jour sur les personnes titulaires de droits sur le trust ou l’institution juridique voisine, c’est-à-dire les informations relatives à l’identité du constituant ou des constituants, de l’administrateur ou des administrateurs, du protecteur ou des protecteurs ou de toute autre personne [agissant] pour le compte de l’administrateur, le cas échéant, des bénéficiaires ou classes de bénéficiaires et des autres personnes physiques exerçant le contrôle sur le trust ou sur l’institution juridique voisine et de toute autre personne physique exerçant, en dernier ressort, le contrôle sur les biens apportés au trust ou à l’institution juridique voisine au moyen de la propriété directe ou indirecte ou par d’autres moyens ».

3.      La loi no 364/1989

15.      Par cette loi no 364/1989 (9), la République italienne a ratifié la convention de La Haye de 1985.

II.    Les faits, le litige et les questions préjudicielles

16.      Les trusts tels que celui qui fait l’objet du litige ne donnent lieu à aucune publicité et il n’existe pas de registre public contenant leur structure et leurs modifications. Il y a dès lors lieu de prendre en considération, comme éléments factuels de la présente affaire, ceux exposés par la juridiction de renvoi, complétés, le cas échéant, par ceux résultant des pièces versées au dossier et des investigations des autorités italiennes.

17.      Sous réserve de la vérification finale qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi d’effectuer, la Cour doit se baser sur les faits ainsi établis pour répondre utilement aux questions qui lui sont posées.

18.      Les sociétés requérantes B, A, C et D exercent des activités commerciales en Italie, où elles ont établi leur siège (10). Leur capital est détenu par une société des Bermudes (11), dont les actifs ont été apportés à un trust par une personne physique (le constituant) (12).

19.      Le trust a été constitué par acte du 18 juillet 2007. Il est régi par la loi des Bermudes, territoire d’outre-mer britannique. Le trust prévoit un trustee (13) (d’abord la société H, puis la société T) (14) et un protecteur, qui est une personne physique tierce (15). Les titulaires de ces fonctions ont changé au fil du temps. Le directeur général de la société H (société agissant en qualité de trustee jusqu’au 1er avril 2021) était également protecteur du trust depuis 2014. Auparavant, le rôle de protecteur avait été assumé par une personne qui avait toute la confiance du constituant (16).

20.      Les bénéficiaires du trust étaient, à l’origine, le constituant et des membres de sa famille. Le trustee et le protecteur apparaissaient également comme bénéficiaires depuis la constitution du trust jusqu’en 2014. À la suite de l’adoption par l’Union de sanctions à l’encontre de la Russie en raison de l’annexion de la Crimée, l’acte constitutif du trust a été modifié le 28 décembre 2014. Le constituant et deux autres membres de sa famille sont restés bénéficiaires. Il a été prévu que le protecteur pouvait discrétionnairement révoquer et remplacer le trustee, que le constituant pouvait ajouter d’autres protecteurs, et que le trustee, avec le consentement du protecteur, pouvait ajouter des bénéficiaires, mais pour autant qu’il s’agisse de personnes non sanctionnées par l’Union.

21.      Par acte du 19 décembre 2017, le trustee et le protecteur (17) ont déterminé quelles personnes sanctionnées par l’Union devaient être considérées comme exclues du trust. En conséquence, la sœur et un neveu du constituant ont été exclus des bénéficiaires du trust.

22.      Le 19 juin 2019, le directeur général d’une société fiduciaire établie en Suisse (la société T) a été nommé protecteur du trust, puis désigné comme trustee le 1er avril 2021.

23.      Le constituant a été exclu des bénéficiaires par acte du 7 février 2022, vingt-et-un jours avant l’inscription de son nom à l’annexe I du règlement no 269/2014, effectuée en vertu de la décision (PESC) 2022/337 et du règlement d’exécution 2022/336.

24.      Le protecteur initial est resté l’unique bénéficiaire après la modification du trust du 7 février 2022, lors de laquelle le constituant a été exclu du cercle des bénéficiaires. À l’heure actuelle, le gouvernement italien est dans l’incapacité de déterminer avec certitude quels sont les bénéficiaires du trust. Lors de l’audience, les avocats des sociétés requérantes ont indiqué qu’il s’agit d’institutions caritatives.

25.      Les sociétés B, A, C et D disposaient de comptes ouverts auprès d’une succursale d’une banque à Milan (Italie). Entre le 17 avril 2013 et le 7 juin 2017, ces sociétés ont indiqué à l’établissement bancaire que leur bénéficiaire effectif était le constituant du trust.

26.      Le 14 mars 2022, le comité de sécurité financière du ministère de l’Économie et des Finances a notifié aux sociétés B, A, C et D que, conformément à l’article 2 du règlement no 269/2014 et au décret législatif 109/2007, il avait ordonné le gel des parts sociales et des biens appartenant à ces sociétés, au motif qu’ils étaient « attribuables indirectement [au constituant] ».

27.      Le 11 mai 2022, les sociétés B, A, C et D ainsi que la société T (le trustee) ont contesté devant le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) la mesure de gel adoptée.

28.      Dans le litige devant cette juridiction :

–        Les sociétés requérantes font valoir, en substance, que les biens gelés sont étrangers à la sphère d’influence de la personne désignée à l’annexe I du règlement no 269/2014, c’est-à-dire du constituant du trust. Par l’apport de la société faîtière au trust, celle-ci a été dissociée du patrimoine du constituant. En vertu de l’acte constitutif et de la législation applicable, il n’existe aucun pouvoir (direct ou indirect) de gestion et de contrôle attribuable au constituant, qui ne peut plus exercer son influence.

–        Les autorités italiennes font valoir, au contraire, que l’apport à un trust, en ce qu’il est dépourvu d’effet translatif, n’entraîne pas une rupture complète de la relation entre le constituant et les biens apportés. Celles-ci invoquent également la directive 2015/849, dont l’article 3, point 6, sous b), i), inclut les constituants de trust dans la catégorie des « bénéficiaires effectifs ». Elles observent en outre que, même si le constituant n’est plus bénéficiaire du trust, celui-ci pourrait « retrouver » la propriété ou la disposition des biens dans le cas où ils ne seraient pas transférés à l’échéance aux bénéficiaires (par exemple, en cas de renonciation de ces personnes ou de dissolution anticipée du trust).

29.      Dans ce contexte, le Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) adresse à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2, paragraphe 1, du règlement [no 269/2014] doit-il être interprété en ce sens qu’une mesure de gel peut aussi être adoptée à l’égard de biens ou ressources apportés à un trust par un constituant mentionné à l’annexe I dudit règlement (personne désignée ou inscrite sur la liste), qui doit être considéré comme la personne à laquelle les biens ou les ressources appartiennent ?

2)      En cas de réponse négative, l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 doit-il être interprété en ce sens qu’une mesure de gel peut aussi être adoptée à l’égard de biens ou ressources apportés à un trust par un constituant mentionné à l’annexe I dudit règlement (personne désignée ou inscrite sur la liste), qui doit être considéré comme une personne associée à celle à laquelle les biens ou les ressources appartiennent ?

3)      En cas de réponse négative, l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 doit-il être interprété en ce sens qu’une mesure de gel peut aussi être adoptée à l’égard de biens ou ressources apportés à un trust par un constituant mentionné à l’annexe I dudit règlement (personne désignée ou inscrite sur la liste), qui doit être considéré comme une personne qui contrôle le bien ou les ressources ? »

III. La procédure devant la Cour

30.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2023.

31.      Des observations écrites ont été déposées par les sociétés requérantes, les gouvernements belge, français, italien, néerlandais et finlandais, ainsi que par la Commission européenne.

32.      Les sociétés requérantes, les gouvernements belge, allemand et italien ainsi que la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 8 mai 2025.

IV.    Appréciation

33.      Avant de proposer une réponse aux questions préjudicielles (18), j’estime qu’une brève analyse de l’institution du trust et des règles auxquelles sont soumis les trusts constitués selon le droit des Bermudes est nécessaire à une meilleure compréhension du litige.

A.      Considérations générales sur les trusts

34.      Le trust est une figure juridique développée dans les pays de common law, dont les contours ne sont pas toujours faciles à déterminer et dont l’acceptation dans d’autres États a suscité des controverses (19).

35.      Le droit de l’Union ne comporte pas de réglementation spécifique des trusts. La Cour s’est toutefois référée aux trusts dans des litiges relatifs à la fiscalité et au marché intérieur. Dans l’arrêt Trustees of the P Panayi Accumulation & Maintenance Settlements (20), celle-ci a souligné ces trois caractéristiques du trust :

–        Dans les pays de common law, le terme trust vise en principe une opération triangulaire, par laquelle le fondateur du trust transmet des biens à une personne, le trustee, pour qu’il les gère selon l’acte constitutif du trust au profit d’une tierce personne (le bénéficiaire).

–        La propriété des biens qui le constituent se partage entre la propriété juridique et la propriété économique (« legal ownership and economic ownership »), qui reviennent, respectivement, au trustee et au bénéficiaire.

–        Bien qu’un trust soit reconnu par la loi et produise des effets juridiques, il est dépourvu de personnalité juridique propre et doit agir par l’intermédiaire de son trustee. Les biens qui constituent le trust ne rentrent pas dans le patrimoine du trustee, qui doit gérer ces biens « en tant que patrimoine séparé, distinct de son propre patrimoine ». L’obligation essentielle du trustee est de respecter les conditions et les charges stipulées dans l’acte constitutif du trust et le droit de manière générale.

36.      Cette caractérisation du trust (21) correspond, en substance, à celle de la convention de La Haye de 1985, dont j’ai précédemment reproduit l’article 2.

37.      La conception du trust qui découle de l’article 2 de la convention de La Haye de 1985 est large (22) et a été conçue en ce sens afin d’inclure les trusts du droit anglo-saxon et les constructions similaires des pays dotés de systèmes de droit civil (23), tels que le fidéicommis, la fiducie ou le treuhand allemand. De cette manière, les pays de common law s’assuraient la reconnaissance des trusts dans des États ayant des systèmes de droit civil (où les trusts n’existaient pas) et ces derniers s’assuraient la reconnaissance de leurs constructions voisines dans les pays de common law (24).

38.      La convention de La Haye de 1985 est entrée en vigueur en janvier 1992 et seuls treize États et territoires d’outre-mer y sont partie (25).

39.      Le trust implique la création de « masses distinctes » (26) des titulaires des biens, dans l’exercice de l’autonomie de la volonté de son créateur (constituant). Ces masses distinctes, dont la gestion incombe aux trustees, sont, en principe, inaccessibles aux créanciers des constituants, des trustees et des bénéficiaires, à quelques rares exceptions près (27).

40.      Le trust suppose la séparation de la propriété, de l’administration et du bénéfice économique afférents à un bien. Il permet donc de dissocier la titularité du bien, l’exploitation de la propriété et la responsabilité patrimoniale (28).

41.      En raison de ces caractéristiques (le pragmatisme dans leur conception, leur nature de masse distincte, leur immunité à l’égard des créanciers, la souplesse lors de leur constitution et la confidentialité dont ils peuvent bénéficier), les trusts ont été utilisés tant pour atteindre des objectifs légitimes (29) que pour éluder l’impôt, blanchir de l’argent ou contourner des sanctions internationales (30).

42.      En effet, certains trusts peuvent être qualifiés de purement apparents (« sham trust »), lorsque ceux qui interviennent dans leur constitution visent à donner une fausse impression aux tiers, en masquant que le constituant reste, en réalité, le propriétaire des biens apportés au trust.

43.      Le risque de détournement de cette construction est plus élevé lorsqu’il s’agit de trust constitués dans certaines juridictions conformément à la législation d’un État tiers (31), lesquels doivent être reconnus conformément à la convention de La Haye de 1985 (32). Dans ce type de trust, les caractéristiques du trust sont « adaptées » aux besoins et aux souhaits du constituant (33).

44.      Le mauvais usage des trusts explique que la directive 2015/849 les ait traités lors de la règlementation des mesures destinées à prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. L’article 3, point 6, de cette directive inclut parmi les « bénéficiaires effectifs » des biens toutes les personnes intervenant dans un trust (constituant, trustee, protecteur, bénéficiaire) ainsi que toute autre personne physique exerçant le contrôle en dernier ressort sur le trust par propriété directe ou indirecte ou par d’autres moyens.

45.      S’agissant des mesures restrictives imposées dans le cadre du règlement no 269/2014, diverses analyses ont démontré l’utilisation de trusts par les personnes inscrites sur la liste figurant à l’annexe I de celui-ci afin de contourner leur application (34). Au moins une situation de ce type a donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 8 mai 2024 (35).

B.      Le trust en droit des Bermudes

46.      Le litige au principal ne saurait être dissocié de la reconnaissance en Italie, par application de la convention de La Haye de 1985, d’un trust constitué conformément au droit des Bermudes. Par conséquent, les règles de fond applicables à ce trust sont celles des Bermudes.

47.      Les règles des Bermudes relatives aux trusts sont fondées sur le droit anglais et sont reprises dans une législation spécifique : le Trust (Special Provisions) Act de 1989 et le Trustee Act de 1975, réformés à plusieurs reprises, en combinaison avec le Trust (Regulation of Trust Business) Act de 2011 et l’Exemption Order de 2002 (36).

48.      Selon la section 2, sous-section 2, du Trust (Special Provision) Act de 1989, le trust présente, dans les Bermudes, les caractéristiques suivantes :

–        les biens du trust constituent une masse distincte, qui ne fait pas partie du patrimoine du trustee ;

–        le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une autre personne qu’il désigne ;

–        le trustee est investi du pouvoir et chargé de l’obligation d’administrer et de disposer des biens du trust en faveur des bénéficiaires, selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.

49.      La section 2, sous-section 3, ajoutée lors d’une réforme de 2014, permet au constituant d’être co-bénéficiaire du trust ainsi que co-trustee (37). Aucune de ces deux circonstances n’entraîne l’invalidité du trust, n’empêche le trust de produire des effets selon ses termes, ni ne déclenche l’incorporation des biens du trust au patrimoine du constituant (section 2A, sous-section 1).

50.      Le droit des Bermudes offre donc une grande souplesse aux trusts et favorise et protège considérablement la position des constituants.

C.      La première question préjudicielle

1.      Précision liminaire

51.      La juridiction de renvoi souhaite savoir s’il est possible d’adopter une mesure de gel des biens et des ressources économiques apportés à un trust par un constituant (désigné dans la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014) « qui doit être considéré comme la personne à laquelle les biens ou les ressources appartiennent ».

52.      Les autorités italiennes affirment que le constituant est le bénéficiaire effectif de la société mère et que celle-ci demeure sous son contrôle. Les avocats des sociétés requérantes contestent cette appréciation (38).

53.      Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, en tant que fait pertinent pour le litige, si le constituant a apporté au trust les actifs de la société mère (dont le siège est établi aux Bermudes) à laquelle appartiennent les sociétés dont les biens et les ressources ont été gelés.

54.      Aux fins de la réponse préjudicielle, la Cour ne peut que se baser sur cette circonstance (l’apport au trust des actifs de la société mère). Cette conclusion résulte d’au moins deux facteurs :

–        D’une part, les sociétés opérant en Italie ont reconnu, entre le 17 avril 2013 et le 7 juin 2017, que leur bénéficiaire effectif était le constituant du trust.

–        D’autre part, la juridiction de renvoi affirme que la personne physique inscrite à l’annexe I du règlement no 269/2014 (le constituant) a constitué le trust, auquel elle a apporté la société mère qui contrôle les sociétés requérantes. La juridiction de renvoi constate donc que le constituant a apporté au trust les biens et les ressources économiques en cause. Cette prémisse étant fixée, elle souhaite savoir si le constituant maintient une relation avec ces biens et ressources en qualité de propriétaire (première question préjudicielle) (39).

2.      Réponse à la question

55.      La controverse étant centrée en ces termes, je dois me pencher sur l’argument avancé par le gouvernement allemand lors de l’audience et sur lequel les autres parties et intervenants se sont également prononcés.

56.      Selon le gouvernement allemand, des mesures restrictives ne peuvent être imposées aux sociétés contrôlées par le constituant du trust que si ces sociétés sont expressément inscrites sur la liste des personnes, entités et organismes figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014. Le gouvernement allemand étaye cette thèse par des arguments similaires à ceux retenus dans l’arrêt Melli Bank/Conseil (40), que la Cour n’a, selon moi, pas corroborés par la suite (41).

57.      L’argument du gouvernement allemand pourrait éventuellement être accepté pour les sociétés dans lesquelles des personnes soumises à des mesures restrictives détiennent des participations non majoritaires (contrôle partiel). En revanche, il ne serait être retenu lorsqu’il s’agit d’appliquer des mesures restrictives à des sociétés qui appartiennent intégralement à la personne inscrite à l’annexe I du règlement no 269/2014 ou qui sont contrôlées par elle.

58.      Dans le cas de sociétés entièrement détenues (ou contrôlées) par une personne physique inscrite sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014, j’estime que l’insertion des dénominations de chacune de ces sociétés dans cette liste n’est pas nécessaire aux fins de l’application de l’article 2 du règlement no 269/2014. Leur inclusion rendrait le travail du législateur de l’Union extrêmement difficile et nuirait à la rapidité et à l’effet de surprise qui doivent présider à l’application des mesures restrictives (42).

59.      Il suffit, selon moi, que l’intégralité du capital d’une société soit détenue (ou contrôlée) par la personne physique désignée dans la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 pour que cet actif soit repris, sans plus, dans la catégorie de tous les fonds et ressources économiques de cette personne physique susceptibles d’être gelés (43).

60.      La disposition déterminante aux fins de répondre à la première question préjudicielle est l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 : « [s]ont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes, ou aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, énumérés à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes physiques ou morales, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent ».

61.      Cette disposition a une portée très large, tant d’un point de vue objectif (biens et ressources susceptibles d’être gelés) que subjectif (personnes physiques ou morales dont le lien avec ces biens se traduit par leur propriété, leur possession, leur détention ou leur contrôle). La définition de « gel des ressources économiques » et celle de « gel des fonds », figurant aux points e) et f) de l’article 1er du règlement no 269/2014, sont également très larges.

62.      L’objectif du législateur de l’Union, lorsqu’il définit aussi largement le lien entre la personne (à l’encontre de laquelle la mesure restrictive est adoptée) et les biens, est d’obtenir le gel de tous les fonds et ressources économiques de la personne. La mesure empêchera celle‑ci de tirer (de ces fonds et de ces ressources) des avantages économiques et de recourir à des instruments lui permettant d’échapper à son impact (44).

63.      Il s’agit de savoir si, dans une affaire telle que celle en cause, le constituant du trust qui apporte à celui-ci certains biens ou ressources économiques dont il était jusqu’alors propriétaire continue à entretenir avec ceux-ci l’une des relations juridiques qui, en vertu du règlement no 269/2014, déterminent leur gel obligatoire.

64.      En toute logique, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer quelle est exactement la position du constituant du trust dans le présent litige. La configuration des trusts étant très hétérogène, souple et variable, une appréciation au cas par cas s’impose. L’opacité et le manque de publicité des trusts rendent certainement plus difficile cette appréciation. Bien que celle-ci relève de la compétence de la juridiction de renvoi, la Cour peut lui fournir quelques indications utiles.

65.      L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 ne définit pas certaines notions juridiques, mais les énumère, et ne renvoie pas non plus à d’autres règles de l’Union ou aux droits nationaux. Il s’agit donc de notions autonomes du droit de l’Union, qui requièrent une interprétation uniforme applicable dans tous les États membres.

66.      Aux fins de cette interprétation uniforme, il convient de s’attacher au libellé de la disposition, à son contexte et à l’objectif de la réglementation dont elle fait partie (45).

3.      Critère littéral

67.      L’interprétation littérale de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 ne s’impose pas avec évidence en raison des différences entre les versions linguistiques (46). Certaines emploient quatre types de relations (la version en langue italienne utilise les termes « appartenenti a, posseduti, detenuti o controllati » et celle en langue française les termes « appartenant aux, possèdent, détiennent, contrôlent »), tandis que d’autres réduisent ces relations au nombre de trois (la version en langue espagnole parle uniquement de « propiedad, tenencia o control »).

68.      Selon moi, il n’y a pas antinomie, mais complémentarité, entre ces versions linguistiques. Toutes comprennent au moins trois modalités de relation entre les personnes et les biens ou ressources économiques à geler : la propriété (« appartenant à » ; « belonging to » ; « appartenenti à ») ; la possession ou la simple détention (« possèdent », « détiennent » ; « owned », « held » ; « posseduti », « detenuti »), et le contrôle (« contrôlent » ; « controlled » ; « controllati »).

69.      Les notions de propriété et de possession sont proches et étroitement liées, car elles impliquent une relation juridique directe entre les personnes et leurs biens, tandis que le contrôle peut être plus indirect. Toutes ces catégories se rejoignent toutefois pour élargir le lien qu’une personne peut avoir avec les biens, au-delà de leur simple titularité, afin d’ordonner qu’ils soient gelés (47).

4.      Critères contextuel et téléologique

70.      Pour déterminer si, aux fins de l’application du règlement no 269/2014, les biens ou les ressources économiques placés dans un trust restent la propriété du constituant ou sont détenus (possédés) par lui, il convient de se référer à l’objectif de ce règlement et à son articulation avec d’autres instruments du droit de l’Union.

71.      Du point de vue de la finalité dudit règlement, l’interprétation que je proposerai est conforme à l’objectif des règles adoptées par l’Union visant à imposer des mesures restrictives à des personnes liées aux dirigeants russes en raison de l’agression contre l’Ukraine (48). Cet objectif serait mis en échec si le recours à des constructions juridiques qui, par des techniques plus ou moins sophistiquées, permettraient à ces personnes d’échapper à l’application efficace de telles mesures, devait être autorisé.

72.      Le critère d’interprétation téléologique préconise donc une interprétation extensive des catégories figurant à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, apte à réaliser le gel des avoirs correspondant aux personnes énumérées à son annexe I.

73.      L’analyse systématique doit partir du fait que, en général, les trusts permettent une séparation ou une déconnexion entre la titularité légale et la titularité effective (49) des actifs. La complexité structurelle et l’opacité de ces constructions rendent délicate l’identification des bénéficiaires effectifs des biens placés dans un trust et demandent des efforts plus importants pour déterminer la véritable nature de la relation couverte par cette institution juridique. En outre, le risque d’utilisation abusive des trusts augmente lorsque le trust a été constitué dans une juridiction étrangère (50).

74.      Il sera donc indispensable de tenir compte des règles spécifiques du droit de l’Union sur l’éventuel contournement des mesures restrictives par les trusts ou des constructions juridiques similaires. Du point de vue systématique, les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux adoptées par l’Union peuvent également être utiles. J’analyse les unes et les autres ci-après.

a)      Le trust comme moyen de contourner les mesures restrictives

75.      L’article 9 du règlement no 269/2014 interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet de contourner les mesures restrictives de gel des ressources économiques et des fonds prises à l’encontre des personnes physiques et morales inscrites à l’annexe I de ce règlement.

76.      Comme je l’ai déjà exposé, les trusts peuvent être utilisés relativement facilement pour éviter le gel de ressources économiques et de fonds. C’est ce que constate la Commission dans le guide à l’intention des opérateurs économiques sur le contournement des sanctions à l’encontre de la Russie (51).

77.      Cette circonstance explique l’adoption de règles spécifiques du droit de l’Union visant à empêcher l’emploi des trusts comme moyen de contourner l’application des mesures restrictives :

–        Dans la décision no 2014/512/PESC (52), l’article 1er undecies, paragraphes 1 et 2, interdit d’enregistrer, de fournir un siège statutaire, une adresse commerciale ou administrative ainsi que des services de gestion à un trust ou à toute construction juridique similaire ayant comme constituant ou bénéficiaire plusieurs catégories de personnes (dont des ressortissants russes ou des résidents de Russie, ainsi que des personnes morales ou des entités établies en Russie ou contrôlées directement ou indirectement par des ressortissants russes). Cette disposition interdit également à ces personnes d’agir en qualité de trustee ou dans une fonction similaire.

–        L’article 3, paragraphe 1, de la directive (UE) 2024/1226 (53) établit des règles minimales pour la définition des infractions pénales et des sanctions en cas de violation des mesures restrictives de l’Union. En vertu de cette disposition, constitue une infraction pénale le contournement d’une mesure restrictive de l’Union (54) en utilisant, transférant à un tiers ou disposant d’une autre façon des fonds ou des ressources économiques appartenant à une personne, une entité ou un organisme désignés ou que ceux-ci possèdent, détiennent ou contrôlent, directement ou indirectement, qui doivent être gelés en vertu d’une mesure restrictive de l’Union, afin de dissimuler ces fonds ou ces ressources économiques. À mon sens, cette infraction a été conçue, entre autres, pour lutter contre l’utilisation de trust et de constructions juridiques similaires en tant qu’instrument permettant de contourner les mesures restrictives.

b)      Règles en matière de blanchiment de capitaux

78.      Les dispositions du droit de l’Union qui visent à prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, bien qu’adoptées en dehors du cadre particulier des mesures restrictives, facilitent l’interprétation systématique et téléologique de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 en ce qui concerne les trusts.

79.      En effet, le contournement des mesures restrictives peut être réalisé en utilisant les mêmes artifices, montages et techniques juridiques que ceux visés par la directive 2015/849. Celle-ci vise à éviter que des flux d’argent illicite puissent nuire à l’intégrité, à la stabilité et à la réputation du secteur financier de l’Union et menacer son marché intérieur ainsi que le développement international (55).

80.      L’une des notions clés de la directive 2015/849 (56) est celle de « bénéficiaire effectif » des biens. Or, son article 3, point 6, sous b) (57), impose de qualifier de « bénéficiaires effectifs », dans le cas des trusts, cinq catégories de personnes dont, en premier lieu, le ou les constituants. Cette même obligation s’étend, selon l’article 31, paragraphe 1, de cette directive, telle que modifiée par la directive 2019/2177, aux constructions juridiques qui présentent une structure ou des fonctions similaires à celles des trusts.

81.      Il est vrai que l’article 3 de la directive 2015/849 intègre ces définitions aux fins de l’application de cette directive et que sa finalité se limite à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Or, dans une perspective systématique du droit de l’Union, l’identification du constituant d’un trust en tant que « bénéficiaire effectif » des biens (58) peut servir à interpréter les notions analogues de la législation visant à lutter contre un autre comportement tout aussi illégitime que le blanchiment de capitaux, à savoir celui d’avoir apporté un soutien matériel ou financier actif aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de l’agression contre l’Ukraine (59).

c)      Conclusion intermédiaire

82.      En résumé, l’interprétation systématique et téléologique de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, à la lumière d’autres dispositions relatives à ce type de mesures restrictives et des règles plus générales en matière de blanchiment de capitaux, permet d’affirmer que le constituant d’un trust peut, en principe, relever des situations juridiques visées par cette disposition.

83.      Sur la base de cette prémisse, il conviendra d’évaluer les circonstances de fait de chaque trust et des personnes qui y interviennent afin de déterminer s’il a été utilisé comme une voie de contournement des mesures restrictives. Cette appréciation, je le répète, relève de la compétence du juge national, auquel la Cour peut donner les indications que je suggère ci-après.

5.      Relation entre le constituant et les ressources économiques apportées au trust

84.      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier la relation que le constituant maintient avec les actifs apportés au trust et de déterminer si cet instrument a pu être utilisé pour contourner les mesures restrictives imposées en application du règlement no 269/2014.

85.      Le litige au principal soulève un cas de figure classique du droit international privé, à savoir la reconnaissance en Italie, en vertu des dispositions de la convention de La Haye de 1985, d’un trust constitué conformément au droit des Bermudes.

86.      Le droit applicable au trust est celui des Bermudes, ce qui n’est pas contesté par les parties. L’article 6 de la convention de La Haye de 1985 énonce que « [l]e trust est régi par la loi choisie par le constituant » et son article 8 que cette loi « régit la validité du trust, son interprétation, ses effets ainsi que l’administration du trust ».

87.      Il y a donc lieu de se rapporter aux conditions que la convention de La Haye de 1985 impose pour la reconnaissance des trusts, en particulier celles contenues dans ses articles 2 et 11. Cette dernière disposition oblige l’Italie à reconnaître un certain nombre d’effets aux trusts dans la mesure où la loi des Bermudes les prévoit.

88.      À mon sens, le droit italien et la jurisprudence de ce pays en matière de trusts, dont la juridiction de renvoi fait état dans son ordonnance, ne peuvent faire abstraction du fait que les règles de fond applicables au trust sont, en l’espèce, celles des Bermudes. C’est conformément à celles-ci qu’il convient d’apprécier, comme une question factuelle, la relation entre le constituant et les biens du trust.

89.      Selon la section 2, sous-section 2, du Special Provision Act de 1989, les trusts présentent, dans les Bermudes, les caractéristiques habituelles de cette institution. La réglementation bermudienne est toutefois très souple et protectrice du constituant, auquel elle confère une série de prérogatives qui, selon moi, lui permettent de rester le « bénéficiaire effectif » des biens apportés au trust.

90.      Parmi ces prérogatives, qui n’empêchent pas la constitution d’un trust (60), reconnues par la législation des Bermudes (61), la juridiction de renvoi peut prendre en compte (et vérifier si elles ont été mises en œuvre par le constituant) les suivantes :

–        Le constituant a la faculté de révoquer tout ou partie du trust. Dans ce cas, les biens feraient à nouveau partie du patrimoine du constituant (62). Comme le fait valoir le gouvernement italien, cette disposition légale démontre que le constituant a le « bénéfice effectif » des biens du trust.

–        Le constituant conserve le pouvoir de donner des instructions contraignantes en ce qui concerne l’achat, la détention, la vente ou d’autres opérations de commerce ou d’investissement portant sur des biens du trust, ou quant à tout investissement ou tout réinvestissement de ces biens, ainsi qu’aux fins de l’exercice de tout pouvoir ou droit découlant de ces biens.

–        Le constituant a la possibilité de désigner, ajouter, révoquer ou remplacer tout trustee ou protecteur du trust.

–        Le constituant a la faculté d’ajouter, supprimer ou exclure un bénéficiaire ou une catégorie de bénéficiaires, ainsi que la possibilité d’être lui-même co-bénéficiaire du trust.

91.      La somme de ces caractéristiques montre que le constituant d’un trust régi par le droit des Bermudes peut conserver avec les biens et ressources économiques qu’il a apportés à celui-ci une relation susceptible de faire de lui un « bénéficiaire effectif » des actifs apportés. Une telle relation relève de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, aux fins de l’application d’une mesure de gel à ces biens et ressources.

92.      Ce qui a été exposé jusqu’à présent me permet de suggérer la réponse suivante à la première question préjudicielle : rien ne s’oppose à ce que, en fonction des clauses spécifiques de l’acte constitutif, ou des modifications qui y sont apportées, et du droit applicable à un trust déterminé, les ressources économiques et les fonds placés dans ce trust continuent d’être considérés comme appartenant au constituant ou comme étant détenus par lui aux fins de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014.

D.      La deuxième question préjudicielle

93.      Comme la réponse que je propose à la première question de la juridiction de renvoi est affirmative, il n’est pas nécessaire d’analyser la deuxième question préjudicielle, posée dans l’hypothèse où la réponse à la première question serait négative. Je le ferai, malgré tout, à titre subsidiaire.

94.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 serait applicable alors que le constituant du trust n’a pas la qualité de propriétaire du bien apporté audit trust, au motif que ce bien appartiendrait à une autre personne « associée » au constituant.

95.      Selon la juridiction de renvoi, les termes « personnes physiques [...] qui leur sont associé[e]s » pourraient viser « des situations, comme celle du cas d’espèce, dans lesquelles le bien, tout en n’étant plus placé au nom de la personne inscrite à l’annexe I [du règlement no 269/2014], conserve avec cette personne un lien significatif, au moins jusqu’à ce qu’il soit transféré aux bénéficiaires ».

96.      La juridiction de renvoi ajoute que, « [d]ans le cas du trust, la personne associée serait, de toute évidence, [le trustee], qui administre les biens apportés dans l’intérêt du constituant. La validité continue du programme inscrit dans l’acte constitutif ne change rien au fait que ce programme a été voulu par le constituant afin de réaliser un intérêt qui lui est propre et que les administrateurs du trust [...] ont été choisis par le constituant ou, en tout état de cause, par des personnes désignées à l’origine par le constituant dans l’acte constitutif ».

97.      Il découle de ces considérations que, pour la juridiction de renvoi, il peut exister entre le constituant et le trustee un lien juridique significatif permettant de les qualifier tous deux de personnes associées, au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014.

98.      Le critère de l’« association » est fréquemment utilisé dans des actes du Conseil relatifs à des mesures restrictives, mais n’est pas défini en tant que tel et sa signification dépend des différents contextes et circonstances. Il peut être compris comme visant des personnes physiques ou morales unies, en général, par des intérêts communs, sans qu’il soit nécessaire qu’elles exercent une activité économique partagée. Habituellement, cette notion impliquera l’existence d’un lien qui va au‑delà d’une relation familiale (63).

99.      Or, comme le soulignent la Commission et plusieurs gouvernements intervenus à la procédure, l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 exige, lorsqu’il fait référence aux « personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés », que ceux-ci soient « énumérés à l’annexe I ».

100. L’inscription à l’annexe I du règlement no 269/2014 est donc indispensable à l’adoption d’une mesure de gel de fonds et de ressources économiques à l’égard de l’« associé » d’une personne physique ou morale (64).

101. Il est toutefois permis de se demander si exiger que les personnes associées figurent également sur les listes de l’annexe I est cohérent avec les objectifs sous-jacents à l’élargissement du champ d’application personnel des mesures restrictives, au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014.

102. Dans cette perspective, on comprend l’interprétation proposée par le gouvernement italien, selon laquelle l’inscription d’une personne à l’annexe I du règlement no 269/2014 permet sans aucun doute l’application automatique des mesures restrictives, mais ces dernières peuvent également être mises en œuvre en démontrant l’existence de la relation associative, même en l’absence d’une telle inscription.

103. Bien que cette interprétation soit attrayante, le libellé de la disposition ne l’admet pas de lege lata : le lien d’association requiert l’inscription expresse de la personne ou de l’entité associée à l’annexe 1 du règlement no 269/2014.

104. Le trust en cause comporte, selon la juridiction de renvoi, l’association entre le constituant et le trustee, mais ce dernier ne figure pas à l’annexe I du règlement no 269/2014.

105. En l’absence d’une telle inclusion expresse, le lien étroit entre le constituant et le trustee ou le protecteur devrait être canalisé au travers des notions de propriété ou de possession, analysées dans la réponse à la première question préjudicielle, ou de contrôle, que j’aborderai dans la réponse à la troisième question.

106. Par conséquent, je considère que la mesure de gel pourra être adoptée à l’égard de ressources économiques ou de fonds apportés à un trust si la personne « associée » est elle-même énumérée à l’annexe I du règlement no 269/2014.

E.      La troisième question préjudicielle

107. Toujours à titre subsidiaire, la juridiction de renvoi souhaite savoir, pour le cas où la réponse aux première et deuxième questions serait négative, si l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 serait applicable dans la mesure où le constituant contrôle les biens ou les ressources qu’il a apportés au trust.

108. Étant donné que j’ai suggéré de répondre par l’affirmative à la première question, il n’est pas nécessaire d’aborder la troisième question. Cela étant, je le ferai malgré tout, dans l’éventualité où la Cour adopterait une position différente par rapport à la question initiale.

109. L’inclusion, dans l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, du terme « contrôle » des fonds et des ressources économiques complète les critères relatifs à la propriété et à la possession de ces mêmes biens ou ressources. Son inclusion est motivée par l’intention du législateur de l’Union de fermer le cercle des situations potentielles et d’éviter ainsi le contournement des mesures restrictives.

110. Le critère du contrôle des actifs permet de surmonter l’utilisation d’artifices et de montages juridiques par lesquels le titulaire des biens ou des ressources transfère leur propriété à des tiers, mais continue de décider de leur utilisation et de leur affectation. En outre, ce critère est particulièrement approprié pour empêcher l’utilisation de trusts constitués sous des juridictions étrangères comme voie de contournement des mesures restrictives de l’Union.

111. La Commission et le Conseil ont fourni des orientations interprétatives aux autorités compétentes des États membres pour la mise en œuvre des mesures restrictives de gel. Concrètement, la Commission a indiqué un certain nombre de facteurs ou de critères (65) à prendre en compte pour déterminer si une entité est contrôlée par une autre personne ou entité, c’est-à-dire pour savoir si cette dernière peut exercer et exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de la première entité (66).

112. Je me concentrerai sur l’analyse de certains de ces critères qui me semblent pertinents. Leur application aux trusts ne sera pas toujours possible, mais certains sont utiles pour déterminer si le constituant conserve le contrôle des fonds et des ressources économiques qu’il a apportés au trust. C’est à nouveau à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra in fine de déterminer si tel est le cas en l’espèce.

113. Le premier de ces critères est « le pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de gestion ou de surveillance » de la personne morale ou de l’entité contrôlée. Dans les trusts, et en fonction de leur configuration, le constituant contrôle ceux qui y interviennent : il nomme et peut changer le trustee, de même qu’il peut nommer et changer le protecteur. En d’autres termes, l’« ombre projetée », ou longa manus, du constituant lui permettra, selon les circonstances, d’exercer son influence sur ceux qui administrent le trust, lesquels dépendront de la volonté du constituant pour rester en fonction.

114. Il en va de manière analogue du critère de l’« influence sur la stratégie d’entreprise, la politique opérationnelle, les plans d’entreprise, l’investissement, la capacité, le financement, les ressources humaines et les questions juridiques ». Le constituant peut prédéterminer ces éléments dans l’acte constitutif, qui lie le trustee lors de la gestion et de l’administration des actifs du trust. En outre, il est courant que le constituant désigne un trustee ayant sa confiance absolue, de sorte que rien n’empêche qu’il lui indique des consignes d’administration du trust sans devoir leur donner une quelconque publicité. Le constituant peut, en outre, inclure dans l’acte constitutif l’obligation de se faire fournir périodiquement des informations sur l’administration du trust.

115. Comme je l’ai déjà indiqué, le droit des Bermudes confère de larges pouvoirs au constituant d’un trust, qui peut le co-administrer avec le trustee et changer la personne ou la société qu’il désigne pour exercer cette fonction. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si, en l’espèce, il existe de telles circonstances, révélatrices du contrôle du constituant sur la gestion des biens du trust.

116. Un indice supplémentaire (et indirect) du contrôle exercé par le constituant est que les ressources économiques et les biens du trust sont affectés à des activités dont le constituant est lui-même, de facto, le principal ou unique destinataire ou bénéficiaire (67).

117. Le contrôle se manifeste également dans les possibilités qu’a le constituant de mettre en place des mécanismes de surveillance supplémentaires. En particulier, il peut désigner un protecteur du trust qui veille à la bonne gestion des ressources et des fonds. Enfin, le fait de prévoir la révocation du trust lorsque les objectifs de l’acte constitutif ne sont pas atteints confère au constituant un contrôle de dernier recours.

118. En somme, le droit des Bermudes, en particulier à la suite de la réforme en 2014 du Trusts (Special Provisions) Act de 1989, confère des prérogatives remarquables au constituant, qui peut se réserver d’importants pouvoirs pour contrôler le trust.

119. J’ajoute que, comme le suggère la juridiction de renvoi (68), les changements intervenus dans le trust litigieux depuis sa constitution, même s’ils visent à diminuer les pouvoirs du constituant, semblent dépendre de la volonté de celui-ci et révéler, une fois de plus, ses pouvoirs de contrôle. Ces changements ne modifieraient pas, mais confirmeraient, la capacité du constituant de contrôler, directement ou indirectement, les biens qu’il a apportés au trust, en remplaçant les trustees ou les protecteurs par d’autres personnes ayant sa confiance.

120. Rien n’empêche donc le constituant de maintenir, au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, un contrôle sur les fonds et les ressources économiques qu’il apporte à un trust, en exerçant une influence déterminante (69) sur ceux-ci. Je le répète, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de vérifier si tel est le cas en l’espèce.

V.      Conclusion

121. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre au Tribunale Amministrativo Regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie) de la manière suivante :

« L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, tel que modifié par le règlement (UE) no 476/2014 du Conseil, du 12 mai 2014, et mis en œuvre par le règlement d’exécution (UE) 2022/336 du Conseil, du 28 février 2022,

doit être interprété en ce sens que :

rien ne s’oppose à ce que, en fonction des clauses spécifiques de l’acte constitutif, ou des modifications qui y sont apportées, et du droit applicable à un trust déterminé, les ressources économiques et les fonds placés dans ce trust continuent d’être considérés comme appartenant au constituant ou comme étant simplement détenus par lui aux fins de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014. »


1      Langue originale : l'espagnol.


2      J’adopterai le terme anglais « trust » de préférence à d’autres, qui renvoient à des figures proches, mais pas nécessairement coïncidentes (par exemple, les fideicommis).


3      Règlement du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié par le règlement (UE) no 476/2014 du Conseil, du 12 mai 2014 (JO 2014, L 137, p. 1), et mis en œuvre par le règlement d’exécution (UE) 2022/336 du Conseil, du 28 février 2022 (JO 2022, L 58, p. 1). Le constituant du trust a été inclus dans la liste figurant à l’annexe I en vertu de la décision (PESC) 2022/337 du Conseil, du 28 février 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 59, p. 1), et du règlement d’exécution 2022/336.


4      Ci-après la « convention de La Haye de 1985 ». Texte en langue française disponible à l’adresse suivante : https://assets.hcch.net/docs/d25c1c92-a3224d049f8e-ede0a63eaa25.pdf.


5      Libellé résultant de la modification introduite par le règlement no 476/2014.


6      Directive du Parlement Européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73), telle que modifiée par la directive (UE) 2019/2177 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2019 (JO 2019, L 334, p. 155).


7      Decreto legislativo n. 109 – Misure per prevenire, contrastare e reprimere il finanziamento del terrorismo e l’attività dei Paesi che minacciano la pace e la sicurezza internazionale, in attuazione della direttiva 2005/60/CE (décret législatif no 109 – Mesures de prévention, de lutte et de répression du financement du terrorisme et de l’activité des pays qui menacent la paix et la sécurité internationale, en transposition de la directive 2005/60/CE), du 22 juin 2007 (GURI no 172, du 26 juillet 2007).


8      Decreto legislativo n. 90 – Attuazione della direttiva (UE) 2015/849 relativa alla prevenzione dell’uso del sistema finanziario a scopo di riciclaggio dei proventi di attività criminose e di finanziamento del terrorismo e recante modifica delle direttive 2005/60/CE e 2006/70/CE e attuazione del regolamento (UE) n. 2015/847 riguardante i dati informativi che accompagnano i trasferimenti di fondi e che abroga il regolamento (CE) n. 1781/2006 [décret législatif no 90 – transposition de la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/70/CE et transposition du règlement (UE) no 2015/847 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et abrogeant le règlement (CE) no 1781/2006], du 25 mai 2017 (GURI no 140, du 19 juin 2017 – supplément ordinaire no 28).


9      Legge n. 364 – Ratifica ed esecuzione della convenzione sulla legge applicabile ai trusts e sul loro riconoscimento, adottata a L’Aja il 1° luglio 1985 (loi no 364 – ratification et exécution de la convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, adoptée à La Haye le 1er juillet 1985), du 16 octobre 1989 (GURI no 261, du 8 novembre 1989 – supplément ordinaire no 84).


10      Les sociétés B et A, possèdent, conjointement avec la société chypriote N, de luxueuses demeures à Arzachena, sur la Costa Smeralda, en Sardaigne (Italie). La société C se consacre à la location de voitures et la société D à la fourniture de services touristiques. Jusqu’à l’adoption de la mesure de gel, les demeures susmentionnées avaient été systématiquement louées au constituant du trust, de manière exclusive.


11      Les sociétés requérantes le reconnaissent dans leurs observations écrites (point 1) : « les parts sociales [des quatre sociétés] sont détenues intégralement par leur société mère, qui a son siège aux Bermudes ».


12      Également appelé « settlor ». Sur la relation du constituant avec les actifs apportés à la société mère, voir points 51 à 54 des présentes conclusions.


13      J’adopte cette dénomination plutôt que celle de fideicommissaire. Le trustee, comme je l’expliquerai ci-après, gère et administre les biens apportés au trust, conformément aux dispositions de l’acte de constitution, et transfère aux bénéficiaires les biens apportés une fois le trust éteint ou conformément à celui-ci.


14      Selon les indications fournies par le gouvernement italien dans ses observations écrites (points 4 et 10), la société T a assumé la fonction de trustee à compter du 1er avril 2021, en remplacement de la société H qui l’occupait auparavant.


15      Le protecteur a pour fonction de veiller à la bonne exécution du programme prévu dans le cadre du trust.


16      Cette personne a occupé, entre 2006 et 2013, le poste d’administrateur délégué d’une société russe, appartenant au constituant du trust, active dans les secteurs de l’acier et de l’exploitation minière. Depuis 2013, cette personne est administrateur délégué d’une autre société russe qui contrôle les sociétés dont le constituant du trust et les membres de sa famille sont les principaux actionnaires.


17      Une autre personne de confiance du constituant a exercé la fonction de protecteur entre 2014 et 2021.


18      Dans ses observations écrites, le gouvernement italien avait soulevé l’irrecevabilité du renvoi préjudiciel, sur le fondement de l’article 275 TFUE. Lors de l’audience, il a toutefois expressément renoncé à son exception d’irrecevabilité, à la lumière de la jurisprudence établie par la Cour dans l’arrêt du 10 septembre 2024, Neves 77 Solutions (C‑351/22, EU:C:2024:723, point 39).


19      Hayton, David, « Trust in Private International Law », Recueils de cours, Académie de droit international, 2013, p. 9 à 98 ; Hayton, D. et autres (éditeurs), Principles of European Trust Law, Kluwer, 1999 ; Noseda, F., « Unpacking the trust concept : closing the common law-civil law gap », Trust & Trustees, 2024, p. 1 à 9.


20      Arrêt du 14 septembre 2017, Trustees of the P Panayi Accumulation & Maintenance Settlements (C‑646/15, EU:C:2017:682, points 3 à 5).


21      L’article X.—1:201 des Principes, définitions et règles types de droit privé européen. Projet de cadre commun de référence (Draft Common Frame of Reference, DCFR), donne la définition suivante : « Le trust est une relation juridique dans le cadre de laquelle une personne, le trustee, est tenue d’administrer ou d’aliéner un ou plusieurs actifs (le fonds du trust), selon les termes qui régissent cette relation juridique (les termes du trust), au profit d’une autre personne, le bénéficiaire, ou dans l’intérêt public ».


22      L’article 3 de la convention de La Haye de 1985 limite cependant l’application de celle-ci aux trusts créés volontairement et dont la preuve est apportée par écrit.


23      Von Overbeck, A. E., « Rapport explicatif sur la Convention de La Haye de 1985 relative au trust », Actes et documents de la Quinzième session (1984), tome II, Trusts – loi applicable et reconnaissance, La Haye, Imprimerie Nationale, 1985, p. 370 à 415.


24      La convention de La Haye de 1985 n’avait pas pour objectif d’introduire la figure du trust dans les pays qui l’ignoraient, mais seulement d’encourager sa reconnaissance.


25      Parmi les États parties qui mettent en œuvre la convention figurent cinq États membres de l’Union (Chypre, l’Italie, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas). La France a signé la convention, mais ne l’a pas ratifiée, et l’Union n’y est pas partie. Le Royaume-Uni et les Bermudes, en tant que territoire d’outre-mer britannique, y sont cependant parties. Outre d’autres États dotés de systèmes de common law (Australie, Canada et États-Unis, qui l’ont signée mais pas encore ratifiée), sont également parties à cette convention des États ou micro-États opérant en tant que centres financiers (le Liechtenstein, Monaco, le Panama, Saint-Marin et la Suisse). Les États parties dans lesquels la convention s’applique peuvent être consultés à l’adresse suivante : https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/status-table/?cid=59.


26      Terme employé à l’article 2 de la convention de la Haye de 1985.


27      Le bien est soustrait à l’action des créanciers personnels tant du constituant que du trustee et du bénéficiaire. Les créanciers du bénéficiaire ne peuvent saisir que les droits de ce dernier à l’égard du trust, et ce uniquement lorsqu’il ne s’agit pas d’un trust dit discretionary, protective ou spendthrift. S’agissant de la gouvernance de ce patrimoine distinct, c’est-à-dire des relations entre le constituant, le trustee et le bénéficiaire, le trust est régi par des règles plus ou moins proches de celles qui régissent les contrats de mandat, de commission et d’agence.


28      Voir Hansmann, H., et Mattei, U., « The Functions of Trust Law : A Comparative Legal and Economic Analysis », New York University Law Review, vol. 73, 1998, p. 434.


29      Transférer l’administration d’un actif à un tiers en vue d’organiser une succession ; protéger les biens de mineurs ou de certaines catégories de membres de la famille ou d’adultes vulnérables ; administrer collectivement un bien pour un groupe de sociétés de capitaux ; financer un projet caritatif au travers d’un intermédiaire chargé de collecter des fonds ; ainsi que réaliser des investissements en vue de financer des dépenses futures (par exemple, les frais relatif aux études ou la pension de retraite). Voir GAFI et Egmont Group, Concealment of Beneficial Ownership, juillet 2018, disponible en langue anglaise, espagnole, arabe et portugaise à l’adresse suivante : https://www.fatf-gafi.org/content/fatf-gafi/en/publications/Methodsandtrends/Concealment-beneficial-ownership.html.


30      Voir travaux du Groupe d’action financière (GAFI) et, en particulier, GAFI, Lignes directrices pour une approche fondée sur le risque. Transparence et bénéficiaires effectifs des constructions juridiques, Paris, 2024, disponible à l’adresse suivante : https://www.fatf-gafi.org/content/dam/fatf-gafi/translations/guidance/Lignes-directrices-transparence-b%C3 %A9n%C3 %A9ficiaires-effectifs-constructions-juridiques.pdf.coredownload.inline.pdf.


31      GAFI et Egmont Group, Concealment of Beneficial Ownership, juillet 2018, point 50.


32      La doctrine parle de « offshore-inspired trusts » et met en évidence l’utilisation inappropriée des trusts pour éluder l’impôt et blanchir des capitaux. Voir, entre autres, Samet, I., « On trust, hypocrisy and conscience », The Cambridge Law Journal, vol. 83, issue 1, 2024, p. 158 à 183 ; Dagan, H., et Samet, I., « What’s Wrong with Massively Discretionary Trusts », Law Quarterly Review, vol. 138, 2022, p. 624 ; et Smith, L., « Massively Discretionary Trusts », Trusts & Trustees, vol. 25, 2019, p. 397.


33      Même les juristes de certaines juridictions offshores font de la publicité pour ce type d’avantages, comme on peut le voir, par exemple, dans « Best Offshore Trust Jurisdiction – a Comparison », disponible sur le site https://www.offshorecorporation.com/trust/.


34      Selon le rapport de la Multilateral Repo Task Force « Global Advisory on Russian Sanctions Evasion », 9 mars 2023, p. 3, disponible à l’adresse suivante : https://finance.ec.europa.eu/system/files/202303/230309-repo-global-advisory_en.pdf, « specifically, REPO members have discovered trust arrangements that may have been designed to thwart sanctions enforcement. These arrangements may indicate that everyone involved in the trust —including law firms, grantors (also defined as protectors), trustees, settlors, and beneficiaries— may be involved in sanctions evasion. In some instances, sanctioned Russians individuals and entities and their proxies may involve relatives and close associates in these legal structures and arrangements to further obfuscate their ownership or relation to the assets. It is not uncommon for these legal entities and arrangements to be located in jurisdictions that are tax or corporate formation havens, which may afford a degree of secrecy to Russian elites and their proxies » (traduction libre : « en particulier, les membres du REPO ont découvert des montages de trusts qui pourraient avoir été conçus pour contrecarrer l’application des sanctions. Ces montages peuvent indiquer que toutes les personnes impliquées dans le trust – y compris les cabinets d’avocats, les grantors (également définis comme protecteurs), les trustees, les constituants et les bénéficiaires – peuvent être impliquées dans le contournement des sanctions. Dans certains cas, les individus et entités russes sanctionnés et leurs mandataires peuvent impliquer des parents et de proches associés dans ces structures et montages juridiques afin de masquer davantage leur propriété ou leur lien avec les actifs. Il n’est pas rare que ces entités et montages juridiques soient localisés dans des juridictions qui sont des paradis fiscaux ou en matière de constitution de sociétés, ce qui peut offrir un certain degré de secret aux élites russes et à leurs mandataires »).


35      Arrêt Ismailova/Conseil (T‑234/22, EU:T:2024:287, points 136 à 153). Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi connu sous le numéro d’affaire C‑506/24 P, actuellement pendant.


36      Les textes actualisés de ces normes sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.bermudalaws.bm/search/*/SPContentType :%C7 %82 %C7 %82436f6e736f6c696461746564204c6177.


37      Section 2, sous-section 3, telle que modifiée par 2014:22 s.2, en vigueur depuis le 16 juillet 2014 : « The reservation or grant by the settlor of certain rights and powers, and the fact that the trustee may himself have rights as a beneficiary, are not necessarily inconsistent with the existence of a trust » (traduction libre : « Le fait que le constituant se réserve ou accorde certains droits et certains pouvoirs et le fait que le trustee puisse lui-même avoir des droits en tant que bénéficiaire ne sont pas nécessairement incompatibles avec l’existence d’un trust »).


38      Selon les avocats des sociétés requérantes, la société mère est elle-même détenue par la société T, société fiduciaire de droit suisse ayant son siège en Suisse et actuellement trustee du trust.


39      Voir, en particulier, demande de décision préjudicielle, section 4, sixième alinéa : « La question posée par le présent renvoi préjudiciel concerne la possibilité de considérer néanmoins les biens, les ressources et les relations juridiques faisant l’objet de l’apport comme “appartenant” au constituant, bien qu’il n’en soit ni utilisateur ou gérant ni bénéficiaire final, ou appartenant à une personne “associée” au constituant ou, en dernière analyse, comme “contrôlés” par le constituant lui-même, ce qui permettrait d’appliquer, à des biens apportés à un trust par un constituant désigné (inscrit sur la liste), les mesures de gel prévues à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 ».


40      Arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil (T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 146).


41      Arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P, EU:C:2012:137, points 76 et suivants).


42      La nécessité d’inclure dans la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 les sociétés intégralement détenues (ou contrôlées) par une personne physique conduirait à ce que cette même règle s’étende à d’autres types d’actifs, de sorte que tous les biens dont cette personne a la propriété ou le contrôle devraient également être identifiés et inscrits sur les listes. Cette interprétation de l’article 2 du règlement no 269/2014 doit logiquement être rejetée.


43      Lors de l’audience, le gouvernement allemand a reconnu que le gel des actifs d’une société non inscrite sur la liste figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 était envisageable lorsque ces actifs sont, à leur tour, possédés, détenus ou contrôlés par une personne qui y est bel et bien inscrite.


44      La Cour a indiqué, au point 56 de l’arrêt du 11 novembre 2021, Bank Sepah (C‑340/20, EU:C:2021:903), que pour atteindre les buts des mesures restrictives, il est non seulement légitime, mais également indispensable que les définitions des notions de « gel des fonds » et de « gel des ressources économiques » revêtent une interprétation large parce qu’il s’agit « d’empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et d’exploiter les failles du système ».


45      Arrêts du 16 janvier 2025, VB II (Information sur le droit à un nouveau procès) (C‑400/23, EU:C:2025:14, point 40), et du 30 novembre 2021, LR Ģenerālprokuratūra (C‑3/20, EU:C:2021:969, point 79).


46      Les versions en langue anglaise (« belonging to, owned, held, controlled »), allemande (« Eigentum », « Besitz », « gehalten », « kontrolliert »), française (« appartenant aux, possèdent, détiennent, contrôlent »), italienne (« appartenenti a, posseduti, detenuti, controllati »), portugaise (« pertencentes, na posse ou que se encontram à disposição ou sob controlo »), roumaine (« aparțin, se află în proprietatea ori posesia sau sunt controlate ») et néerlandaise (« toebehoren aan, eigendom, bezit, zeggenschap ») utilisent quatre termes différents. La version en langue espagnole ne mentionne que trois termes : « propiedad », « tenencia » y « control ». En outre, les versions en langue allemande et espagnole ne contiennent pas de terme clairement équivalent à « appartenenti a », lequel est présent dans les versions en langue anglaise, portugaise et française.


47      Voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 69) : « L’utilisation par le règlement no 961/2010 des termes “détenu” et “sous son contrôle” répond à la nécessité de permettre au Conseil de prendre des mesures efficaces contre toutes les personnes, entités ou organismes liés à des sociétés impliquées dans la prolifération nucléaire. Il en résulte que la détention ou le contrôle peuvent être directs ou indirects. En effet, si ce lien devait être établi uniquement sur la base de la détention ou du contrôle direct desdites personnes, les mesures pourraient être contournées par une multitude de possibilités de contrôle contractuelles ou factuelles, qui conféreraient à une société des possibilités tout aussi étendues qu’une détention ou un contrôle direct d’exercer une influence sur d’autres entités ». La Cour a poursuivi en affirmant (au point 70) que la notion de « société détenue ou contrôlée par une autre entité » n’a pas, dans le domaine des mesures restrictives, la même portée que celle visée, en général, par le droit des sociétés, lorsqu’il s’agit d’identifier la responsabilité commerciale d’une société qui se trouve juridiquement placée sous le contrôle décisionnel d’une autre entité commerciale.


48      Selon les termes de la Cour, « l’importance des objectifs poursuivis par les actes litigieux, à savoir la protection de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la promotion d’un règlement pacifique de la crise dans ce pays, qui s’inscrivent [...] dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs ». Arrêts du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150), et du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil (C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, point 85).


49      L’article 3, point 6, sous b), de la directive 2015/849 utilise la notion de « bénéficiaire effectif » des biens placés dans un trust.


50      Document COM(2020) 560 final, du 16 septembre 2020, Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil évaluant si les États membres ont dûment identifié et soumis aux obligations énoncées dans la directive (UE) 2015/849 l’ensemble des fiducies/trusts et des constructions juridiques similaires régis par leur droit, p. 4.


51      Commission européenne, Guidance for EU operators : Implementing enhanced due diligence to shield against Russia sanctions circumvention, 7 septembre 2023, p. 9. La Commission voit un indice clair de contournement (« red flag ») dans « l’utilisation de structures complexes de sociétés ou de trust liées à des pays amicaux envers la Russie ou dont la complexité n’est pas justifiée par le profil commercial du client. Recours à des montages de trust ou à des structures complexes de sociétés impliquant des sociétés offshore ». Document disponible à l’adresse suivante : https://finance.ec.europa.eu/system/files/202312/guidance-eu-operators-russia-sanctions-circumvention_en.pdf.


52      Décision du Conseil, du 31 juillet 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (JO 2014, L 229, p. 13), telle que modifiée par la Décision (PESC) 2022/884 du Conseil, du 3 juin 2022 (JO 2022, L 153, p. 128).


53      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 24 avril 2024, relative à la définition des infractions pénales et des sanctions en cas de violation des mesures restrictives de l’Union et modifiant la directive (UE) 2018/1673 (JO L, 2024/1226). Son délai de transposition dans les droits nationaux a expiré le 20 mai 2025.


54      Le considérant 15 de cette directive affirme ce qui suit : « Un exemple de plus en plus répandu de comportement visant à contourner les mesures restrictives de l’Union est la pratique des personnes, entités et organismes désignés consistant à utiliser, transférer à un tiers ou à disposer de toute autre manière des fonds ou des ressources économiques appartenant à ces personnes, entités ou organismes désignés, ou que ceux-ci possèdent, détiennent ou contrôlent, directement ou indirectement, afin de dissimuler ces fonds ou ressources économiques. [...] Ce comportement visant à contourner les mesures restrictives de l’Union devrait, par conséquent, constituer une infraction pénale au titre de la présente directive. »


55      Arrêts du 18 avril 2024, Citadeles nekustamie īpašumi (C‑22/23, EU:C:2024:327, point 32), et du 17 novembre 2022, Rodl & Partner (C‑562/20, EU:C:2022:883, point 34).


56      La directive 2015/849 s’appliquera jusqu’au 10 juillet 2027, date à partir de laquelle elle sera remplacée par le règlement (UE) 2024/1624 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mai 2024, relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (JO L, 2024/1624), et par la directive (UE) 2024/1640 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mai 2024, relative aux mécanismes à mettre en place par les États membres pour prévenir l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant la directive (UE) 2019/1937 et modifiant et abrogeant la directive (UE) 2015/849 (JO L, 2024/1640).


57      Voir transcription de cette disposition au point 11 des présentes conclusions.


58      Je rappelle que les sociétés requérantes ont informé l’établissement bancaire avec lequel elles opéraient que leur bénéficiaire effectif était le constituant du trust.


59      Voir, à cet égard, les motifs d’inscription à l’annexe I du règlement no 269/2014, tels qu’ils sont exposés dans la décision (PESC) 2022/337.


60      Section 2, sous-section 3, telle que modifiée par 2014:22 s.2, en vigueur depuis le 16 juillet 2014 : « The reservation or grant by the settlor of certain rights and powers, and the fact that the trustee may himself have rights as a beneficiary, are not necessarily inconsistent with the existence of a trust » (traduction libre : « Le fait que le constituant se réserve ou accorde certains droits et certains pouvoirs et le fait que le trustee puisse lui-même avoir des droits en tant que bénéficiaire ne sont pas nécessairement incompatibles avec l’existence d’un trust »).


61      Les prérogatives du constituant du trust sont mentionnées dans la section 2A, sous‑section 2, du Trust (Special Provision) Act 1989, en tant que « reserved powers » (« pouvoirs réservés »).


62      La juridiction de renvoi devra trancher la question de savoir si, dans l’hypothèse où le trust a été conçu comme étant irrévocable, il subsiste une quelconque possibilité de se prévaloir de cette disposition réglementaire lorsque, par exemple, les objectifs de l’acte constitutif ne sont pas atteints.


63      S’agissant du régime de mesures restrictives instituées à l’encontre du Myanmar, la Cour a considéré qu’une personne physique ne saurait faire l’objet de mesures restrictives pour la seule raison de son lien familial avec des personnes elles-mêmes visées par de telles mesures et indépendamment de son comportement personnel (arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, EU:C:2012:138, point 66). L’avocate générale Medina, dans ses conclusions dans l’affaire Timchenko/Conseil (C‑703/23 P, EU:C:2025:273, point 48), indique que, pour pouvoir être qualifiées d’« associées » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, in fine, de la décision 2014/145 (modifiée), les personnes physiques concernées par ledit article doivent « présente[r] un lien allant au-delà d’une simple relation familiale », de sorte que, lorsque deux personnes sont liées par une telle relation, « l’existence objective d’une imbrication d’intérêts communs » doit être établie. Dans ces affaires, les personnes associées étaient nommément inscrites sur les listes des règlements concernés.


64      Selon la Commission, Consolidated FAQs on the implementation of Council Regulation N o 833/2014 and Council Regulation N o 269/2014, 14 mai 2024, p. 22, « strictly speaking, only the persons and entities who/which appear under the column “Name” in Annex I to Council Regulation (EU) 269/2014 are directly subject to an asset freeze and a prohibition to make funds and economic resources available to them or for their benefit. However, these restrictions can affect transactions with natural or legal persons, entities or bodies associated with them, some of which happen to be mentioned in the “Identifying information” and/or “Reasons” columns of Annex I to Council Regulation (EU) 269/2014 » (traduction libre : « À strictement parler, seules les personnes et entités qui figurent dans la colonne “Nom” de l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil sont directement soumises à un gel des avoirs et à l’interdiction de mettre des fonds et des ressources économiques à leur disposition ou de les dégager à leur profit. Cela étant, ces restrictions peuvent affecter les transactions avec des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui leur sont associés, dont certains se trouvent être mentionnés dans les colonnes “Informations d’identification” et/ou “Motifs de l’inscription” de l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil »)


65      Commission européenne, Avis sur l’article 2, paragraphe 2, du règlement (UE n o 268/2014 du Conseil, document C(2021) 4223 final, du 8 juin 2021. Ces facteurs coïncident substantiellement avec ceux indiqués par le Conseil, Mesures restrictives (sanctions) – Mise à jour des meilleures pratiques de l’UE en ce qui concerne la mise en œuvre effective de mesures restrictives, du 27 juin 2022, point 62, disponible à l’adresse suivante : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST105722022-INIT/fr/pdf.


66      Dans le contexte de l’application des mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran, la Cour a affirmé, au point 75 de l’arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, EU:C:2019:694), qu’une société pouvait être qualifiée de « société détenue ou contrôlée par une autre entité », dès lors que cette dernière se trouve dans une situation dans laquelle elle est en mesure d’influencer les choix de la société concernée, même en l’absence de tout lien juridique, de propriété ou de participation dans le capital, entre l’une et l’autre de ces deux entités économiques.


67      Si une société dont l’objet est la propriété d’une demeure de luxe est apportée au trust et que cette demeure est exclusivement louée au constituant, nous sommes en présence d’un fait révélateur du contrôle que ce dernier exerce lui-même sur la société et sur la demeure.


68      Demande de décision préjudicielle, point 4, dernier alinéa.


69      Voir, par analogie, arrêts du 31 mai 2018, Ernst & Young (C‑633/16, EU:C:2018:371, point 45), et du 4 mars 2020, Marine Harvest /Commission (C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 49), dans lesquels la notion de « contrôle » est définie comme « la possibilité, conférée par des droits, des contrats ou d’autres moyens, d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise ». Aux fins de cette définition, la Cour a tenu compte de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1).