ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
2 juillet 2025 (*)
« Politique commerciale – Dumping – Importations d’acide gras originaire d’Indonésie – Droit antidumping définitif – Article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 – Poursuite de l’enquête après le retrait de la plainte – Article 1er, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 – Article 3, paragraphe 6, du règlement 2016/1036 – Analyse du préjudice – Article 21, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 – Analyse de l’intérêt de l’Union – Erreur manifeste d’appréciation – Erreur de droit »
Dans l’affaire T‑165/23,
Arkema France, établie à Colombes (France), représentée par Me S. Dumon-Kappe, avocate,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. L. Di Masi, G. Luengo et J. Zieliński, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. L. Madise et P. Nihoul (rapporteur), juges,
greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,
vu la phase écrite de la procédure, notamment l’ordonnance de jonction de l’exception d’irrecevabilité au fond du 27 septembre 2023,
vu la mesure d’instruction du 10 octobre 2024 et l’annexe 14 de la version confidentielle de la réponse de KLK Emmerich GmbH au questionnaire antidumping destiné aux producteurs de l’Union européenne déposée par la Commission au greffe du Tribunal le 24 octobre 2024,
à la suite de l’audience du 13 novembre 2024, à laquelle la requérante n’a pas participé,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Arkema France, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2023/111 de la Commission, du 18 janvier 2023, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide gras originaire d’Indonésie (JO 2023, L 18, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).
Antécédents du litige
2 La requérante est une société de droit français faisant partie du groupe chimique français Arkema, actif dans le secteur de la chimie de spécialité et des matériaux de performance. Elle est utilisatrice d’acides gras présentant une chaîne carbonée de C10 (ci-après le « C10 »), auxquels s’appliquent les droits antidumping institués par le règlement attaqué.
Sur la procédure antidumping
3 À la suite d’une plainte déposée le 18 octobre 2021 (ci-après la « plainte ») par la Coalition contre le commerce déloyal de l’acide gras (ci-après la « plaignante ») au titre de l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), tel que modifié (ci-après le « règlement de base »), la Commission européenne a ouvert une enquête antidumping concernant les importations dans l’Union européenne d’acide gras originaire d’Indonésie (ci-après le « produit concerné »). L’avis d’ouverture de l’enquête a été publié le 30 novembre 2021 (JO 2021, C 482, p. 5).
4 L’enquête relative aux pratiques de dumping et au préjudice a porté sur la période allant du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles pour l’évaluation du préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier 2018 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).
5 La requérante a été identifiée en tant qu’utilisateur dans le résumé de la plainte, publié sur le site de la Commission.
6 Le 22 décembre 2021, la requérante a été enregistrée en tant que partie intéressée à la procédure. Par courriel du même jour, elle a indiqué qu’elle ne souhaitait pas jouer un rôle actif dans la procédure ni prendre position. En particulier, la requérante n’a pas répondu au questionnaire antidumping (ci-après le « questionnaire ») adressé aux utilisateurs.
7 Le 1er août 2022, la Commission a informé les parties intéressées des faits et des considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer des droits antidumping définitifs sur les importations du produit concerné (ci-après l’« information finale »). Ce document contenait les premières conclusions de la Commission constatant l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité et proposait d’appliquer des droits antidumping allant de 23,1 % à 49,9 %.
8 Le 24 août 2022, la plaignante a retiré sa plainte. La Commission a toutefois décidé de poursuivre l’enquête.
9 Des informations complémentaires ont été publiées le 4 octobre 2022 (ci-après l’« information finale additionnelle ») et le 28 novembre 2022 (ci-après la « seconde information finale additionnelle »).
10 La requérante n’a pas déposé d’observations sur l’information finale ni sur les informations complémentaires mentionnées au point 9 ci-dessus.
11 Le 18 janvier 2023, la Commission a adopté le règlement attaqué, instituant des droits antidumping définitifs allant de 15,2 % à 46,4 % sur les importations d’acide gras originaire d’Indonésie. Ce règlement a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 janvier 2023 et est entré en vigueur le lendemain de sa publication.
Sur la procédure antisubventions
12 À la suite d’une seconde plainte déposée par la plaignante le 31 mars 2022 (ci-après la « plainte antisubventions »), en application du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55), la Commission a ouvert une enquête antisubventions concernant les importations d’acide gras originaire d’Indonésie le 13 mai 2022 (ci-après l’« enquête antisubventions »).
13 Le 3 octobre 2022, la plaignante a informé la Commission du retrait de la plainte antisubventions. Par la décision d’exécution (UE) 2023/617 du 17 mars 2023 (JO 2023, L 80, p. 99), la Commission a clos l’enquête antisubventions.
Conclusions des parties
14 Par son recours, déposé le 28 mars 2023, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter l’exception d’irrecevabilité et déclarer le recours recevable ;
– annuler le règlement attaqué ;
– condamner la Commission aux dépens.
15 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
Sur la recevabilité
16 La Commission soutient que la requérante n’a pas qualité pour agir, dès lors qu’elle n’est pas directement concernée par le règlement attaqué au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce que ce règlement n’affecte pas sa situation juridique.
17 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).
18 En l’espèce, il y a lieu, dans un souci de bonne administration de la justice, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par la requérante au fond, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité du recours soulevée par la Commission, le recours étant, pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.
Sur le fond
19 À l’appui de son recours, la requérante soulève en substance trois moyens, respectivement tirés :
– le premier, d’une violation de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt de l’Union ;
– le deuxième, d’une violation des principes généraux d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime résultant du traitement des enquêtes antidumping et antisubventions après le retrait des plaintes à l’origine de ces enquêtes ;
– le troisième, d’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base du fait de l’absence de préjudice causé par le dumping et d’une erreur manifeste d’appréciation.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt de l’Union
20 Dans le premier moyen, divisé en deux branches, la requérante invoque une violation de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base et une double erreur manifeste d’appréciation viciant les conclusions du règlement attaqué sur l’intérêt de l’Union.
– Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits résultant de la poursuite de l’enquête après le retrait de la plainte en raison de l’absence de prise en compte de l’ensemble des intérêts de l’Union et de l’opposition des différents acteurs dans l’enquête
21 Dans la première branche, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation des faits résultant de la poursuite de l’enquête antidumping après le retrait de la plainte. Elle considère que la décision de poursuivre cette enquête repose sur une appréciation erronée de l’intérêt de l’Union, en ce que la Commission n’a pas tenu compte de l’opposition des utilisateurs et d’un producteur européen à l’institution des mesures.
22 À cet égard, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement de base, « [l]orsque la plainte est retirée, la procédure peut être close, à moins que cette clôture ne soit pas dans l’intérêt de l’Union ».
23 Selon la jurisprudence, il ressort de cette disposition que, lorsque le retrait d’une plainte intervient, les institutions ont la faculté – et non l’obligation – de mettre fin à la procédure, étant entendu qu’elles ne peuvent toutefois pas le faire si l’intérêt de l’Union s’y oppose. Par conséquent, sur un plan strictement formel, les institutions ne sont pas tenues d’invoquer le fait que la poursuite de la procédure est dans l’intérêt de l’Union. En effet, cette disposition n’oblige expressément les institutions à tenir compte de l’intérêt de l’Union que dans l’hypothèse où elles envisagent de clore la procédure à la suite du retrait de la plainte (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, point 221, et du 11 juillet 2013, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, T‑469/07, EU:T:2013:370, point 87).
24 En l’espèce, la Commission a décidé de poursuivre la procédure antidumping après le retrait de la plainte. Par conséquent, en vertu de l’article 9, paragraphe 1, du règlement de base et de la jurisprudence rappelée au point 23 ci-dessus, elle n’était pas tenue de vérifier si la poursuite de cette procédure était dans l’intérêt de l’Union.
25 En tout état de cause, les autres arguments invoqués à l’appui de cette branche ne sont pas fondés.
26 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de s’être appuyée sur la coopération limitée des utilisateurs au stade initial de l’enquête pour conclure que les mesures antidumping auraient un impact limité sur les coûts de production de ceux-ci, en renvoyant à cet égard aux considérants 441, 443, 454, 456, 458 et 471 du règlement attaqué, alors que douze utilisateurs européens ayant participé à l’enquête auraient fait valoir leur forte opposition auxdites mesures. En outre, selon la requérante, l’absence de réponse au questionnaire ne devait pas pénaliser les utilisateurs ayant apporté des éléments concrets par un autre canal, ces derniers n’étant pas tenus de communiquer les informations prévues par le questionnaire.
27 Ensuite, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision 2013/81/UE de la Commission, du 13 février 2013, clôturant la procédure antidumping concernant les importations de phosphore blanc, également connu sous le nom de phosphore jaune ou élémentaire, originaire de la République du Kazakhstan (JO 2013, L 43, p. 38), les intérêts des utilisateurs européens auraient conduit à ce que la Commission clôture la procédure sans imposer de mesures antidumping. Or, la présente affaire serait proche de celle ayant donné lieu à ladite décision pour les raisons suivantes :
– l’importance de l’acide gras en tant que matière première dans le processus de production des utilisateurs et la spécificité du produit qu’ils fabriquent à partir de cette matière première ;
– l’absence de nécessité des mesures définitives imposées sur les acides gras, car le préjudice n’était pas important, comme cela est démontré dans le troisième moyen et par l’augmentation du prix de vente des producteurs de l’Union survenue entre 2020 et la période d’enquête ;
– l’effet disproportionné de ces mesures, car seule une partie des utilisateurs peut absorber les augmentations de coûts et les facteurs d’atténuation ne sont pas possibles pour les utilisateurs ;
– le caractère satisfaisant du degré de participation à l’enquête, quatre utilisateurs ayant répondu au questionnaire et plus d’une douzaine d’importateurs et d’utilisateurs s’étant prononcés contre l’adoption des mesures.
28 Par ailleurs, il ressortirait du livre vert de la Commission du 6 décembre 2006, intitulé « L’Europe dans le monde – Les instruments de défense commerciale de l’Europe dans une économie mondiale en mutation » [COM(2006) 763 final], que l’intérêt de l’Union ne tiendrait pas suffisamment compte de l’impact des mesures sur les entreprises importatrices qui ont délocalisé une partie de leur production en dehors de l’Union et la pratique décisionnelle de la Commission donnerait plus de poids aux intérêts de l’industrie de l’Union affectée qu’aux intérêts des autres industries.
29 À cet égard, premièrement, il est de jurisprudence constante que la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit, notamment des dispositions du règlement de base, et non sur le fondement d’une prétendue pratique décisionnelle antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, RFA International/Commission, C‑56/19 P, EU:C:2021:102, point 79 et jurisprudence citée). En outre, lorsque les institutions disposent d’une marge d’appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, comme dans le domaine des mesures antidumping, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique antérieure, laquelle peut être modifiée par ces institutions dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2021, Puma e.a./Commission, T‑781/16, non publié, EU:T:2021:328, points 105, 143 et 160 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Roland/Commission, T‑132/18, non publié, EU:T:2021:329, points 110, 111 et 152 et jurisprudence citée).
30 Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’irrecevabilité soulevée par la Commission concernant l’argumentation relative à la pratique administrative antérieure invoquée au motif qu’elle serait vague et non assortie de citations précises, cette pratique antérieure est dépourvue de pertinence pour apprécier la légalité du règlement attaqué et, en particulier, la poursuite de la procédure après le retrait de la plainte.
31 Deuxièmement, le passage du livre vert de la Commission du 6 décembre 2006, intitulé « L’Europe dans le monde – Les instruments de défense commerciale de l’Europe dans une économie mondiale en mutation », dont se prévaut la requérante ne reflète que l’opinion émise par certains opérateurs économiques non précisément identifiés. Il est donc également dépourvu de pertinence.
32 Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte, il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans ledit acte (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, EU:T:2019:831, point 110 et jurisprudence citée).
33 En outre, en vertu de l’article 21, paragraphe 7, du règlement de base, l’information soumise à la Commission concernant l’intérêt de l’Union n’est prise en compte que lorsqu’elle est étayée par des éléments de preuve concrets qui fondent sa validité. Si de tels éléments de preuve ne sont pas disponibles, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée à la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 231).
34 S’agissant de l’opposition des utilisateurs à l’institution des mesures, il convient d’abord de relever que la requérante n’a pris aucune part à l’enquête et n’a donc, durant celle-ci, exprimé aucune opposition aux mesures antidumping, ni apporté le moindre élément concret permettant d’établir l’absence d’intérêt de l’Union à instituer des mesures antidumping.
35 Ensuite, il ressort du règlement attaqué, d’une part, que, sur les seize utilisateurs ayant soumis des observations pendant l’enquête, seulement quatre, appartenant à deux groupes, ont coopéré en répondant au questionnaire, ce que la requérante reconnaît, et ces quatre utilisateurs ne représentaient qu’une très faible proportion de leur secteur. En effet, ils ont représenté ensemble l’achat de 4 à 7 % des ventes totales de l’industrie de l’Union, de 6 à 9 % des importations totales en provenance d’Indonésie et de 2 à 4 % des importations totales en provenance d’autres pays durant l’enquête (voir considérants 52, 57, 432, 434, 443, 455 et 479 du règlement attaqué).
36 D’autre part, les douze autres utilisateurs qui ont soumis des observations à la suite de l’information finale, mais qui n’ont pas répondu au questionnaire, n’ont pas étayé leurs allégations par des éléments de preuve concrets au sens de l’article 21 du règlement de base et la Commission a, pour cette raison, rejeté ces allégations (voir considérants 441, 443, 452, 454, 456, 458 et 471 du règlement attaqué).
37 N’ont ainsi coopéré à l’enquête aucun des grands groupes multinationaux qui fabriquent un grand nombre de produits finis en utilisant le produit concerné comme matière première essentielle, pour lesquels la Commission n’a pas été en mesure d’établir la quantité d’acide gras utilisée par les sites de production ni l’importance de ce produit dans leurs coûts de fabrication (voir considérants 446 et 454 du règlement attaqué). N’ont pas non plus coopéré quatre entreprises et groupes de plus petite taille ayant acheté de plus petites quantités du produit concerné (voir considérant 456 dudit règlement).
38 La requérante soutient toutefois que les utilisateurs n’avaient pas l’obligation de répondre au questionnaire ni de communiquer les informations demandées dans celui-ci, qu’ils devaient simplement apporter des éléments de preuve concrets au sens de l’article 21 du règlement de base et que l’absence de réponse au questionnaire ne devait pas pénaliser les utilisateurs qui avaient apporté de tels éléments par un autre canal que cette réponse.
39 Or, la requérante ne précise pas quels utilisateurs ont apporté des preuves concrètes ni en quoi ont consisté ces preuves. Elle ne fournit ainsi pas le moindre élément susceptible de remettre en cause la plausibilité des constatations effectuées aux considérants 441, 443, 452, 454, 456, 458 et 471 du règlement attaqué, rappelées au point 36 ci-dessus.
40 Par ailleurs, la Commission s’est essentiellement appuyée sur les trois éléments suivants pour montrer que les utilisateurs, et particulièrement les grands groupes multinationaux, ne seraient pas affectés de manière disproportionnée par l’institution des mesures (voir considérants 438, 448, 454, 459, 469, 478, 482 et 483 du règlement attaqué) :
– la capacité des utilisateurs à répercuter au moins une partie de l’augmentation des coûts sur leurs clients et à absorber la partie non répercutée (voir considérants 438 et 478 dudit règlement) ;
– la capacité de l’industrie de l’Union et des importations en provenance de pays tiers, dont la Malaisie, à garantir un approvisionnement suffisant du marché de l’Union (voir considérants 407, 408, 410, 411, 413, 442, 466 et 467 dudit règlement) ;
– la mise en balance de l’augmentation des prix avec le risque d’interruption de l’activité de l’Union (voir considérant 439 dudit règlement).
41 En outre, il ressort du considérant 456 du règlement attaqué que, si les informations communiquées par les quatre utilisateurs de plus petite taille ayant coopéré à l’enquête montraient que ceux-ci étaient susceptibles d’être davantage affectés par les mesures, car les acides gras représentaient une part plus importante de leurs coûts totaux et les ventes des produits en aval respectifs avaient une rentabilité limitée, l’incidence des mesures sur l’ensemble des utilisateurs serait atténuée par les trois circonstances suivantes :
– les utilisateurs ne vendent pas exclusivement des produits contenant des acides gras ;
– la majorité de l’acide gras acheté provenait soit de l’industrie de l’Union, soit de pays tiers, ce qui signifie qu’il était attendu que les augmentations de prix pour ces achats soient inférieures à celles pour les achats réalisés auprès de producteurs-exportateurs indonésiens ;
– les produits finis fabriqués avec de l’acide gras étaient souvent exportés en dehors de l’Union, ce qui signifie que des régimes de perfectionnement en douane seraient mis à disposition pour réduire l’incidence des mesures.
42 La requérante n’apporte aucun élément susceptible de remettre en cause l’appréciation de la Commission rappelée aux points 40 et 41 ci-dessus.
43 En particulier, l’allégation générale selon laquelle les mesures imposées ont un effet disproportionné, car seule une partie des utilisateurs peut absorber les augmentations de coûts et les facteurs d’atténuation ne sont pas possibles pour les utilisateurs, n’est pas suffisamment étayée.
44 Par ailleurs, la Commission fait valoir que la requérante est une société multinationale. La requérante se contente à cet égard d’alléguer que c’est le groupe Arkema qui est une multinationale et que le recours n’est pas introduit par ce groupe. Elle n’a toutefois pas communiqué le moindre élément à même d’établir qu’elle ne faisait pas partie de la catégorie des grands utilisateurs ni a fortiori que l’appréciation relative au caractère non disproportionné des mesures pour elle ou sa catégorie d’utilisateurs était manifestement erronée.
45 Quant à l’argument selon lequel les mesures définitives n’étaient pas nécessaires, car le préjudice n’était pas important, du fait de l’augmentation du prix de vente des producteurs de l’Union survenue entre 2020 et la période d’enquête, il y sera répondu dans le cadre du troisième moyen.
46 En deuxième lieu, la requérante considère que, dans la mesure où la plaignante a initialement soutenu les mesures définitives, le retrait de la plainte participe à la démonstration de l’absence de préjudice. En outre, ce retrait et celui de la plainte antisubventions montreraient que l’industrie de l’Union ne nécessitait pas de protection.
47 Par ailleurs, le producteur européen KLK Emmerich GmbH (ci-après « KLK ») se serait opposé aux mesures les 15 et 19 août 2022 (ci-après, prises ensemble, les « observations de KLK sur l’information finale »). Les observations de KLK sur l’information finale devraient être appréciées dans le contexte global de l’intérêt de l’Union marqué par l’opposition aux mesures des importateurs et des utilisateurs européens, d’autant que KLK a coopéré à l’échantillonnage et à l’évaluation du préjudice de l’industrie de l’Union. Cette opposition de KLK et des utilisateurs démontrerait que l’institution des mesures n’était pas dans l’intérêt de l’Union.
48 À cet égard, premièrement, le motif justifiant le retrait de la plainte, à savoir « l’influence des parties prenantes », sans plus de précision, n’établit pas de lien avec des éléments probants relatifs à l’absence de préjudice résultant du dumping. Il en est d’autant plus ainsi que, deux jours avant ce retrait, la plaignante a déposé six pages d’observations sur l’information finale dans lesquelles elle réitérait la nécessité d’instituer des droits antidumping, en insistant en particulier sur l’existence et l’ampleur des conséquences préjudiciables du dumping constaté dans l’information finale, et en exposant que l’intérêt de l’Union l’exigeait.
49 Ainsi, le retrait de la plainte est dépourvu de caractère probant.
50 Deuxièmement, KLK a estimé, dans ses observations du 15 août 2022, que l’Europe avait besoin d’importations en provenance d’Asie, que l’institution de droits antidumping proches de 50 % créerait des turbulences et qu’elle considérait équitable et approprié de réduire significativement ces droits.
51 Ensuite, dans ses observations du 19 août 2022, KLK a fait part de son opposition à l’institution de mesures antidumping, les considérant comme allant à l’encontre de ses propres intérêts, de ceux de ses clients et de ceux de l’Union. D’une part, ce producteur a ainsi avancé que des droits antidumping pourraient mettre en péril l’activité de ses clients, car ils entraîneraient une augmentation des prix de l’acide gras qui s’ajouterait à la crise énergétique et aux restrictions d’approvisionnement. D’autre part, il a fait valoir que l’Europe devait maintenir un environnement compétitif pour les acides gras dans l’intérêt de toutes les parties prenantes et qu’il était en capacité de rester compétitif et rentable avec les importations indonésiennes.
52 La Commission a écarté les observations de KLK sur l’information finale après avoir relevé qu’elles n’étaient étayées par aucun élément de preuve (voir considérant 68 du règlement attaqué).
53 Les observations de KLK sur l’information finale sont effectivement de simples allégations qui n’ont été accompagnées d’aucune pièce. En outre, il convient de relever qu’elles précédaient celles de la plaignante du 22 août 2022 réaffirmant, au nom de l’industrie de l’Union, sa position en faveur de l’intérêt de l’Union à l’institution des droits antidumping. Les observations de KLK sur l’information finale ne reflétaient donc pas la position défendue alors par la plaignante.
54 En tout état de cause, il ne ressort pas des observations de KLK du 15 août 2022 que ce producteur considérait que l’institution de droits antidumping allait à l’encontre de l’intérêt de l’Union, KLK ne contestant que le niveau de ces droits.
55 Enfin, à la suite d’une mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal le 10 octobre 2024, la Commission a produit la version intégrale de l’annexe 14 de la réponse de KLK au questionnaire adressé aux producteurs de l’Union (ci-après l’« annexe 14 de la réponse de KLK au questionnaire »). Dans ce document, ce producteur a soutenu en substance que les droits envisagés étaient absolument nécessaires, en contradiction avec ce qu’indiquent ses observations sur l’information finale.
56 Cette contradiction n’est pas contestée par la requérante dans les observations qu’elle a déposées le 27 novembre 2024 sur l’annexe 14 de la réponse de KLK au questionnaire.
57 Il résulte de ce qui précède qu’aucun élément du dossier ne montre que les observations de KLK sur l’information finale s’appuyaient sur des éléments de preuve concrets au sens de l’article 21, paragraphe 7, du règlement de base.
58 Troisièmement, la plainte antisubventions concerne une procédure distincte de celle ayant donné lieu au règlement attaqué et la plaignante n’a, en tout état de cause, indiqué aucune justification au retrait de cette plainte. Par conséquent, le retrait de la plainte antisubventions est dépourvu de pertinence dans le cadre du recours.
59 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission était d’autant moins tenue d’imposer des droits antidumping à la suite du retrait de la plainte qu’elle avait décidé de ne pas imposer de mesures provisoires.
60 À cet égard, il ressort du règlement de base que la possibilité d’instituer des droits antidumping définitifs n’est pas conditionnée par l’institution préalable de droits provisoires. En vertu de l’article 9, paragraphe 4, dudit règlement, l’institution de droits définitifs repose en effet uniquement sur une constatation définitive des faits montrant l’existence d’un dumping préjudiciable et que l’intérêt de l’Union nécessite une action conformément à l’article 21 de ce règlement.
61 Par conséquent, la décision de la Commission de ne pas instituer de droits provisoires n’altérait en rien son pouvoir d’imposer des droits antidumping définitifs.
62 Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi l’erreur manifeste d’appréciation qu’elle invoque. La première branche doit donc être rejetée.
– Sur la seconde branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des intérêts des utilisateurs
63 Dans la seconde branche, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation des intérêts des utilisateurs, en ce que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte de leurs arguments. Elle se prévaut de :
– l’absence de substituabilité de certains types d’acide gras provenant d’Indonésie, tels que le C10, qui sont inexistants ou difficiles à trouver sur le marché européen ;
– l’augmentation exponentielle des prix malaisiens des acides gras à la suite de l’institution des droits antidumping ;
– l’absence de prise en considération des intérêts des utilisateurs de petite et moyenne taille.
64 À titre liminaire, la Commission considère que cette branche est inopérante, au motif qu’elle n’avait pas à prendre en compte l’intérêt de l’Union dans la mesure où elle a décidé de poursuivre l’enquête après le retrait de la plainte.
65 À cet égard, dans cette branche, la requérante dirige exclusivement ses critiques sur les passages du règlement attaqué consacrés à l’appréciation de l’intérêt de l’Union au titre de l’article 21 du règlement de base, effectuée après l’établissement du dumping et du préjudice en résultant, pour déterminer si des droits antidumping définitifs devaient être institués. Par conséquent, cette branche ne se rattache pas à la décision de poursuivre l’enquête à la suite du retrait de la plainte et donc à l’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement de base. La présente branche est donc opérante.
66 La Commission estime par ailleurs que cette branche est partiellement irrecevable et qu’elle n’est pas fondée.
67 En premier lieu, la requérante soutient que certains types d’acide gras provenant d’Indonésie ne sont pas substituables et sont inexistants ou difficiles à trouver sur le marché européen. Elle cite l’exemple du C10, qui ne pourrait être obtenu qu’à partir d’une matière première, le noyau d’huile de palme, qui serait absente du marché européen. En outre, les importations de cet acide gras provenant d’autres pays seraient limitées. Enfin, l’existence de capacités inutilisées de l’industrie de l’Union et une augmentation des investissements ne garantiraient pas que ces capacités soient utilisées pour des marchés captifs.
68 Premièrement, la Commission estime que l’argument tiré des difficultés d’approvisionnement du C10 est irrecevable, car il s’agit d’un élément de fait qui n’a pas été porté à sa connaissance pendant la procédure administrative.
69 À cet égard, il convient de relever que la requérante allègue que certains acides gras tels que le C10 ne peuvent être obtenus qu’à partir du noyau d’huile de palme, soit une matière première qui serait inexistante sur le marché européen, et renvoie à cet égard à la troisième page de l’une de ses présentations, non datée, sur les huiles végétales.
70 Or, d’une part, ce passage mentionne en substance les principaux lieux d’exportation de l’huile de palme en général, et non spécifiquement ceux du noyau d’huile de palme, et il en ressort que l’huile de palme est principalement importée dans l’Union depuis l’Indonésie, mais qu’une production significative existe également dans plusieurs autres États tiers, notamment en Malaisie.
71 D’autre part, la requérante concède qu’une entreprise espagnole produit le C10 et que celui-ci est distribué par une société allemande. Elle affirme toutefois avoir décidé de ne pas se fournir auprès de cette société, car cette production de C10 serait faible en volume et de mauvaise qualité. Or, une telle décision commerciale de la requérante ne saurait faire la preuve de l’absence de disponibilité du C10 sur le marché européen, d’autant qu’aucun élément n’est apporté pour établir les prétendus faibles volumes et la moindre qualité de cette production européenne.
72 Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité soulevée par la Commission (voir point 68 ci-dessus), il convient de constater que les allégations de la requérante concernant le C10 ne sont pas fondées.
73 Deuxièmement, concernant les allégations relatives aux autres types d’acide gras provenant d’Indonésie qui seraient eux aussi inexistants ou difficiles à trouver sur le marché européen, la requérante ne précise pas les types d’acide gras auxquels elle fait référence et se contente de renvoyer aux allégations à cet égard des utilisateurs Unilever Europe BV, Henkel Global Supply Chain BV, groupe NYCO et Stéarinerie Dubois Fils et du producteur PT Ecogreen Oleochemicals figurant aux considérants 460, 461 et 463 du règlement attaqué. Elle n’apporte toutefois pas le moindre élément concret et probant au soutien de ces allégations, susceptible de remettre en cause la plausibilité des appréciations de la Commission figurant aux considérants 465 à 472 dudit règlement pour répondre à ces arguments.
74 En particulier, d’une part, la Commission a relevé dans le règlement attaqué que :
– il ressortait des données fournies par la plaignante, et qu’elle avait vérifiées, qu’il existait environ 250 000 tonnes de capacités inutilisées dans l’Union au cours de la période d’enquête, ce qui représentait environ 20 % des capacités totales de l’Union ; or, ce volume de capacités inutilisées excédait celui des importations en provenance d’Indonésie au cours de cette période (voir considérants 219, 220, 407 et 466 dudit règlement) ;
– les investissements dans l’industrie de l’Union avaient été restreints au cours de la période considérée et ceux des entreprises retenues dans l’échantillon s’étaient poursuivis, mais avaient été limités à des projets qui ne visaient pas l’augmentation des capacités et la suppression des obstacles à la production ; l’institution des mesures réduirait la pression sur les prix subie par l’industrie et permettrait à ces entreprises de fixer des prix à un niveau permettant de relever la rentabilité à des taux acceptables ; la production et les ventes pourraient être augmentées pour approvisionner l’Union grâce à l’amélioration des conditions du marché ; l’industrie serait également apte à mobiliser des capitaux pour augmenter sa capacité (voir considérant 467 dudit règlement) ;
– si des problèmes d’approvisionnement étaient attendus au cours de la période considérée lorsqu’une industrie avait subi un préjudice important affectant ses prix de vente, entraînant une faible rentabilité et une incapacité à mobiliser des capitaux pour investir, l’institution des mesures créerait de meilleures conditions de marché pour l’industrie de l’Union et serait en mesure d’accroître la production et d’améliorer la quantité et la gamme d’acides gras qu’elle fournissait sur le marché (voir considérant 468 dudit règlement).
75 À cet égard, la requérante avance qu’il n’y avait pas de garantie que les capacités inutilisées et l’augmentation des investissements soient employées pour des marchés captifs, sans toutefois apporter le moindre élément susceptible d’étayer cet argument spéculatif.
76 D’autre part, la Commission a considéré que les produits indonésiens et ceux de l’industrie de l’Union étaient particulièrement interchangeables et que le fait que certains utilisateurs n’aient pas été en mesure de fournir certains types de produits, à des moments donnés dans les conditions de marché applicables durant la période considérée, ne signifiait pas que les problèmes d’approvisionnement subsisteraient après l’institution des mesures (voir considérant 471 du règlement attaqué).
77 La requérante conteste à cet égard le caractère « particulièrement interchangeable » des produits indonésiens et de ceux de l’industrie de l’Union retenu au considérant 471 du règlement attaqué, en soutenant que la Commission a confirmé, aux considérants 477 et 481 dudit règlement, que certains types d’acide gras étaient inexistants ou difficiles à trouver sur le marché européen, et tout en soulignant que la Commission avait relevé, aux considérants 471 et 477 dudit règlement, le caractère temporaire des problèmes d’approvisionnement induits par les droits antidumping institués et le fait que l’industrie européenne avait des capacités inutilisées et qu’elle s’attendait à une augmentation des investissements pour accroître ces capacités de production. Or, ces motifs vont à l’encontre de la thèse défendue par la requérante.
78 En deuxième lieu, la requérante invoque une augmentation exponentielle des prix des importations en provenance de Malaisie conduisant à ce que les utilisateurs n’aient pas de sources fiables d’approvisionnement à court et moyen terme pendant la période de rétablissement de l’industrie de l’Union. Elle soutient que :
– cette augmentation a atteint 20 % entre 2020 et la période d’enquête ;
– à la suite de l’adoption des mesures définitives, les prix malaisiens des produits importés, qui représentaient plus de 70 % des importations de pays tiers, augmenteraient considérablement, en s’alignant sur les prix indonésiens augmentés de la marge de dumping.
79 Par ailleurs, la requérante fait valoir que l’institution des mesures a notamment considérablement augmenté les prix du C10 d’origine malaisienne.
80 La Commission soulève l’irrecevabilité de l’argument relatif à l’augmentation des prix des importations en provenance de Malaisie après l’enquête, au motif qu’il s’agit d’un élément de fait qui n’a pas été porté à sa connaissance pendant la procédure administrative.
81 À cet égard, premièrement, les allégations relatives à une augmentation généralisée du prix des acides gras en provenance de Malaisie à la suite de l’institution des mesures antidumping ne sont pas étayées. L’augmentation de ces prix relevée dans le règlement attaqué, dont se prévaut la requérante, concerne en effet une période antérieure à l’institution desdites mesures, à savoir jusqu’à la fin de la période d’enquête, le 30 septembre 2021, soit un an, trois mois et 20 jours avant l’institution des droits antidumping. Cette augmentation des prix malaisiens ne saurait donc établir que la hausse de ces prix se poursuivrait après l’imposition de ces mesures.
82 Deuxièmement, l’augmentation alléguée du prix du C10 en provenance de Malaisie à la suite de l’institution desdites mesures n’est pas non plus démontrée par le rapport d’Independent Comodity Intelligence Services (ICIS) du 1er mars 2023 produit par la requérante. Ce rapport montre au contraire que, à la suite de l’institution des droits antidumping, ces prix ont légèrement baissé.
83 Ainsi, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée (voir point 80 ci-dessus), il convient de constater que l’argument tiré de l’augmentation des prix malaisiens n’est pas fondé.
84 En troisième lieu, la requérante critique la présomption selon laquelle l’imposition de droits n’entraînerait pas de conséquences importantes pour les grands secteurs utilisateurs, car ces derniers seraient capables d’absorber toutes les augmentations de coût ne pouvant pas être répercutées. En outre, cette position révélerait une absence de prise en considération des utilisateurs de petite ou moyenne taille et une vision théorique et irréaliste de leurs relations commerciales. La requérante invoque sur ce point que :
– les utilisateurs de petite ou moyenne taille n’étant pas en position de force se verront appliquer des prix strictement fixés ne pouvant pas être aisément modifiés ;
– ces utilisateurs n’auront pas la possibilité de répercuter, au moins à court terme, l’augmentation importante des coûts d’acquisition de l’acide gras, du fait des droits antidumping, sur leurs prix de revente, la Commission ayant constaté dans le règlement attaqué que seuls les grands secteurs consommateurs d’acide gras seraient capables d’absorber toutes les augmentations de coût ne pouvant pas être répercutées sur les clients ; or, les utilisateurs de petite ou moyenne taille méritent au moins le même niveau de protection que les grands utilisateurs bénéficiant d’une plus grande marge pour répercuter des coûts additionnels dus à l’adoption des mesures définitives ;
– ces utilisateurs ne disposent pas nécessairement d’autorisations de perfectionnement actif.
85 À cet égard, premièrement, il ressort du règlement attaqué que les critiques des grands utilisateurs à l’égard des mesures ont été rejetées, tout d’abord, faute pour ces entreprises d’avoir apporté des éléments concrets établissant que l’intérêt des utilisateurs commandait de ne pas imposer des mesures (voir considérants 441, 443, 446, 452 et 454 dudit règlement). Or, la requérante n’apporte pas non plus le moindre élément concret en ce sens.
86 Ensuite, la Commission a relevé que les données publiques relatives aux résultats financiers et à la rentabilité des grands utilisateurs permettaient de conclure que les droits antidumping n’affecteraient pas de manière disproportionnée cette catégorie d’utilisateurs (voir considérants 448 et 454 du règlement attaqué).
87 En outre, la Commission a écarté les arguments des grands utilisateurs en considérant que la capacité de production de l’industrie de l’Union permettrait de remplacer les importations indonésiennes et de couvrir la quasi-totalité de la demande de l’Union (voir considérant 442 du règlement attaqué).
88 La requérante n’apporte aucun élément susceptible de mettre en cause la plausibilité des appréciations de la Commission retenues aux considérants 442, 448 et 454 du règlement attaqué.
89 Deuxièmement, les critiques de la requérante sur l’appréciation des conséquences des droits antidumping sur les plus petits utilisateurs, catégorie à laquelle elle n’appartient pas (voir point 44 ci-dessus), ne sont soutenues par aucun élément concret et ne sont donc pas de nature à remettre en cause la plausibilité des appréciations relatives à l’intérêt de cette catégorie d’utilisateurs.
90 Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas établi l’erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt des utilisateurs. Il convient donc de rejeter la seconde branche.
91 Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes généraux d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime résultant du traitement des enquêtes antidumping et antisubventions après le retrait des plaintes à l’origine de ces enquêtes
92 Dans le deuxième moyen, premièrement, la requérante invoque une violation du principe d’égalité de traitement du fait de la poursuite de l’enquête antidumping jusqu’à son terme, alors que l’enquête antisubventions a été close. D’une part, la différence de traitement des deux enquêtes ne serait pas justifiée par la Commission, alors que les éléments macro et microéconomiques sur la base desquels l’existence du préjudice était fondée étaient les mêmes pour les deux enquêtes. La même analyse sur l’absence de préjudice dans l’enquête antisubventions aurait donc dû s’appliquer à l’enquête antidumping.
93 D’autre part, la définition de l’industrie de l’Union, les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, la période d’enquête et la période de préjudice ayant été identiques dans les deux enquêtes, les analyses de la portée du produit, du préjudice, du lien de causalité et de l’intérêt de l’Union effectuées dans le cadre des deux enquêtes auraient dû être considérées mutatis mutandis comme identiques.
94 Deuxièmement, la Commission aurait violé le principe de protection de la confiance légitime en décidant de ne pas clore l’enquête sans imposer de mesures. Sa pratique habituelle aurait été de nature à créer une confiance légitime, notamment chez les utilisateurs, dans le fait que, à la suite du retrait de la plainte, elle classerait sans suite l’enquête que l’industrie européenne ne jugeait plus nécessaire. En outre, il ressortirait de l’information finale additionnelle et de la seconde information finale additionnelle que la Commission était alors encore en train d’évaluer les commentaires des utilisateurs.
95 À titre liminaire, ce moyen correspond à la troisième branche du premier moyen de la requête. Pour les motifs exposés au point 99 ci-dessous, le Tribunal estime nécessaire de traiter l’argumentation relative à cette branche comme un moyen autonome.
96 La Commission considère que ce moyen n’est pas recevable, car il s’agit d’un moyen nouveau et sans lien avec les dispositions du règlement de base dont la violation est invoquée dans le premier moyen.
97 À cet égard, il est de jurisprudence constante qu’une erreur commise dans la requête en ce qui concerne la désignation des dispositions sur lesquelles est fondé un grief ne saurait entraîner l’irrecevabilité de ce grief, dès lors que l’objet de la demande ainsi que les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels la demande est fondée sont exposés dans la requête avec suffisamment de clarté pour que la partie adverse et le juge de l’Union puissent identifier sans difficulté cette règle [voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 47 et jurisprudence citée ; du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 21 et jurisprudence citée, et du 23 novembre 2017, Aurora/OCVV – SESVanderhave (M 02205), T‑140/15, EU:T:2017:830, point 38 et jurisprudence citée].
98 En outre, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.
99 En l’espèce, il ressort de manière suffisamment claire et compréhensible de la requête que la troisième branche du premier moyen se fonde sur la violation des principes généraux d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime et que ces principes constituent une base juridique distincte de celle sur laquelle reposent les deux premières branches de ce moyen, à savoir l’article 9, paragraphe 1, et l’article 21 du règlement de base. Cette argumentation a permis à la Commission de se défendre et n’empêche pas le Tribunal d’y répondre. Ladite branche constitue donc en substance un moyen autonome.
100 Ce moyen ne saurait être qualifié de moyen nouveau au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans la mesure où il repose sur une argumentation qui a été suffisamment et intégralement étayée dans la requête (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2017, Voigt/Parlement, T‑618/15, EU:T:2017:821, point 39 et jurisprudence citée).
101 Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir.
102 En premier lieu, concernant la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que la décision de clore la procédure antisubventions a été adoptée le 17 mars 2023, soit près de sept mois après que la Commission a annoncé, le 24 août 2022, qu’elle poursuivait l’enquête antidumping en dépit du retrait de la plainte, et près de deux mois après l’adoption du règlement attaqué. La question de la contradiction d’approche alléguée entre les deux procédures ne se posait donc pas lorsque le règlement attaqué a été adopté et ne s’est, le cas échéant, matérialisée que lorsque la décision postérieure clôturant la procédure antisubventions a été prise.
103 En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, le respect du principe d’égalité de traitement interdit, d’une part, de traiter différemment des situations similaires et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, sauf si des raisons objectives justifient un tel traitement (voir arrêts du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 65 et jurisprudence citée, et du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 156 et jurisprudence citée).
104 Dans le cadre de l’application des dispositions du règlement de base, les institutions de l’Union sont soumises au respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des parties intéressées (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 157 et jurisprudence citée).
105 En l’espèce, les procédures antidumping et antisubventions n’avaient pas le même objet et étaient régies par un cadre juridique distinct (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2023, Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics et Jushi Egypt for Fiberglass Industry/Commission, T‑480/20, EU:T:2023:90, point 54). La première, gouvernée par le règlement de base, portait sur l’existence d’un dumping préjudiciable à l’industrie de l’Union causé par les producteurs-exportateurs indonésiens d’acide gras et a conduit à l’institution de droits antidumping définitifs pour remédier à ce préjudice.
106 La seconde, régie par le règlement 2016/1037, concernait l’existence éventuelle de subventions à l’exportation accordées par les pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation du produit importé dans l’Union dont auraient pu bénéficier ces producteurs-exportateurs indonésiens et qui auraient pu préjudicier à l’industrie de l’Union. De telles subventions auraient pu conduire à l’institution de droits compensateurs, qui sont des mesures distinctes des droits antidumping et qui obéissent à des règles de calcul différentes.
107 Ces deux procédures ne constituaient donc pas des situations similaires au sens de la jurisprudence rappelée au point 103 ci-dessus imposant d’être traitées de la même manière.
108 En outre, la requérante n’explique pas en quoi la différence invoquée entre la poursuite de la procédure antidumping jusqu’à son terme et la clôture de la procédure antisubventions sans instituer de droits compensateurs aurait donné lieu à un traitement différencié des parties intéressées. En particulier, il n’est ni démontré ni même invoqué que cette différence purement procédurale aurait conduit à ce que certains utilisateurs soient traités différemment par rapport à d’autres.
109 La violation du principe d’égalité de traitement n’est donc pas établie.
110 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument selon lequel l’identité du contexte factuel des deux procédures justifiait un traitement identique de celles-ci et devait conduire à ce que soit retenue dans l’enquête antidumping l’analyse menée dans l’enquête antisubventions ayant permis de constater une absence de préjudice.
111 À cet égard, il convient de relever que l’enquête antidumping a révélé l’existence d’un préjudice, alors qu’aucune conclusion n’a été arrêtée sur cette question dans l’enquête antisubventions. En effet, il ressort uniquement de l’information finale relative à cette dernière enquête et de la décision clôturant celle-ci que la Commission, en se fondant sur l’article 14, paragraphe 1, du règlement 2016/1037, reprenant dans les mêmes termes l’article 9, paragraphe 1, du règlement de base, et sur le point 87 de l’arrêt du 11 juillet 2013, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil (T‑469/07, EU:T:2013:370), a constaté que l’enquête antisubventions n’avait révélé aucun élément démontrant que sa clôture ne serait pas dans l’intérêt de l’Union et en a conclu qu’elle devait être close.
112 Il convient d’ajouter que, dans les observations qu’elle a déposées le 27 novembre 2024, mentionnées au point 56 ci-dessus, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans l’enquête antisubventions, des arguments invoqués sur la question des distorsions sur les matières premières qui sont exposés dans l’annexe 14 de la réponse de KLK au questionnaire. La requérante invoque ces observations au soutien de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement et prétend que cette question constitue un élément nouveau.
113 À cet égard, il suffit de relever que la procédure antisubventions est distincte de celle ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué et que, par conséquent, l’argumentation rappelée au point 112 ci-dessus est inopérante.
114 Par conséquent, l’argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être rejeté.
115 En second lieu, selon une jurisprudence constante, la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées. Toutefois, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Il en est notamment ainsi dans le domaine des mesures de défense commerciale, où ces institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 28 juin 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publié, EU:T:2019:454, point 83 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 187 et jurisprudence citée).
116 En l’espèce, la Commission n’a pris aucune mesure ni adopté aucun comportement qui aurait pu laisser prévoir qu’elle clôturerait la procédure antidumping à la suite du retrait de la plainte sans imposer de mesures antidumping.
117 Premièrement, l’article 9, paragraphe 1, du règlement de base confère à la Commission une marge d’appréciation pour décider de la poursuite d’une enquête initiale à la suite du retrait de la plainte (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:206, point 116).
118 Deuxièmement, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission n’est pas pertinente pour examiner la légalité du règlement attaqué (voir point 29 ci-dessus). En outre, compte tenu de la marge d’appréciation dont dispose la Commission, l’existence d’une pratique antérieure ne la prive pas de la possibilité de modifier ultérieurement cette pratique (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, EU:T:1998:184, points 68 et 69).
119 La seule pratique antérieure de la Commission ne pouvait donc pas faire naître une confiance légitime dans la clôture de la procédure antidumping à la suite du retrait de la plainte.
120 Troisièmement, la Commission avait annoncé le jour du retrait de la plainte, le 24 août 2022, son intention de poursuivre la procédure en dépit de ce retrait et ni l’information finale additionnelle ni la seconde information finale additionnelle, respectivement adoptées le 4 octobre et le 28 novembre 2022, n’ont mentionné une quelconque intention de sa part de clore la procédure antidumping à la suite dudit retrait. Ces deux derniers documents ont en effet uniquement porté sur une modification du calcul de la marge de dumping et du niveau des droits antidumping, ainsi que, pour le premier, sur une révision de la marge de préjudice, à la suite d’observations de deux producteurs-exportateurs échantillonnés accueillies par la Commission. En outre, celle-ci a précisé dans ces deux documents qu’elle continuait d’examiner les autres observations formulées par les parties intéressées et qu’elle y répondrait en temps voulu.
121 La requérante n’a donc pas établi que la Commission lui avait fourni, en tant que partie intéressée, des assurances concernant la clôture de la procédure antidumping à la suite du retrait de la plainte.
122 L’argument tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit donc être rejeté.
123 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base du fait de l’absence de préjudice causé par le dumping et d’une erreur manifeste d’appréciation
124 Dans le troisième moyen, la requérante invoque une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, en ce que la Commission n’a pas établi que l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important en raison des importations du produit concerné.
125 Premièrement, la plupart des indicateurs de l’industrie analysés dans le règlement attaqué ne présenteraient aucun préjudice important et démontreraient, au contraire, des performances positives et saines des producteurs européens d’acides gras, ce qu’aurait confirmé la Commission. La requérante invoque à cet égard :
– une augmentation de la production d’acides gras des producteurs de l’Union, qui est passée de 862 055 tonnes en 2020 à 872 185 tonnes pendant la période d’enquête ;
– une augmentation de la capacité de production de ces producteurs, qui est passée de 1 097 798 tonnes en 2020 à 1 118 314 tonnes pendant la période d’enquête ;
– une augmentation de leur part de marché, qui est passée de 70,6 % en 2020 à 70,8 % pendant la période d’enquête ;
– une augmentation de 28 % de leur prix de vente intérieur, qui est passé de 861 euros en 2020 à 1 101 euros pendant la période d’enquête ; si cette hausse absorbait à hauteur de 23 % l’augmentation des coûts de l’énergie, les 5 % restants expliqueraient une rentabilité de 2,5 % pendant la période d’enquête ;
– une diminution significative du stock d’acides gras des producteurs de l’Union, passant de 23 708 tonnes en 2020 à 19 013 pendant la période d’enquête ; cette diminution suggérerait que la production et les ventes d’acides gras ont été bien absorbées par le marché européen ;
– une augmentation significative du bénéfice net de ces producteurs passant de – 2,1 % en 2020 à 2,5 % pendant la période d’enquête, qui a été le plus élevé jamais enregistré pendant la période considérée ;
– une augmentation significative des flux de trésorerie des producteurs de l’Union, qui sont passés de 1 239 176 euros en 2020 à 22 774 816 euros pendant la période d’enquête, et de leur rendement sur investissement, qui est passé de – 4,4 % en 2020 à 12,1 % pendant la période d’enquête.
126 La requérante invoque, à titre de comparaison, l’évolution des indicateurs relatifs aux bénéfices, aux pertes, aux prix et au rendement des investissements constatée par la Commission dans une affaire antidumping antérieure.
127 Deuxièmement, selon la requérante, il n’y a pas eu d’augmentation notable des importations en provenance d’Indonésie en termes absolus ou relatifs, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, et l’augmentation de ces importations n’a pas eu d’impact sur le volume des ventes de l’industrie de l’Union. Lesdites importations n’auraient donc causé aucun préjudice matériel à cette industrie.
128 La requérante se prévaut à cet égard du niveau plus élevé de l’augmentation des importations dans l’Union qui avait été constaté dans trois affaires antidumping antérieures.
129 En outre, en l’espèce, les pertes subies par l’industrie de l’Union seraient dues à des facteurs indépendants desdites importations, à savoir la hausse des coûts de fabrication et l’absence de sources de matières premières.
130 La Commission aurait ainsi commis une erreur d’appréciation en surévaluant l’impact négatif des importations d’acide gras en provenance d’Indonésie sur l’industrie de l’Union.
131 La requérante conteste à cet égard l’application à l’industrie de l’Union de l’objectif d’une marge bénéficiaire cible de 6 %, alors que l’impact du dumping ne peut pas être qualifié d’« important » au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base. Or, cette industrie aurait atteint un taux de rentabilité pendant la période d’enquête (2,5 %) supérieur à ce qu’il était au début de la période concernée (1,9 %) quand elle ne subissait pas encore de préjudice en raison de l’augmentation des volumes d’importations depuis l’Indonésie. La requérante invoque, à titre de comparaison, l’évolution du niveau de rentabilité de l’industrie de l’Union constatée dans une précédente affaire antidumping.
132 Troisièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir ignoré l’opposition de KLK à l’imposition des mesures, ce producteur ayant admis ne pas avoir été lésé de manière significative par les importations du produit concerné. Sa protection par les institutions l’Union n’aurait donc pas été nécessaire.
133 En outre, le retrait de la plainte laisserait entendre que l’industrie de l’Union ne subit aucun préjudice. Les producteurs de l’Union auraient ainsi renoncé à la protection de l’Union, ce qui montrerait la viabilité du secteur et sa capacité à résister aux importations indonésiennes. En outre, l’imposition des mesures aurait un impact très négatif sur leurs clients utilisateurs d’acide gras, ce qui ne serait pas dans l’intérêt de l’industrie de l’Union à long terme.
134 La Commission conteste l’argumentation de la requérante comme étant non fondée.
135 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.
136 Selon une jurisprudence bien établie, la détermination d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Par conséquent, dans le cadre d’une procédure antidumping, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation portant sur la détermination de l’existence d’un tel préjudice ainsi que sur les facteurs qui en sont la cause. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15 et jurisprudence citée, et du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 137 et jurisprudence citée).
137 Par ailleurs, il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir arrêt du 22 septembre 2021, Severstal/Commission, T‑753/16, non publié, EU:T:2021:612, point 173 et jurisprudence citée).
138 Aux fins de déterminer ce préjudice, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base prévoit qu’il convient, sur le fondement d’éléments de preuve positifs, de procéder à un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de leur effet sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ainsi que de leur incidence sur l’industrie de l’Union.
139 L’article 3, paragraphe 3, du règlement de base énonce les facteurs à prendre en compte pour déterminer ce volume et ces prix, tout en précisant qu’un ou plusieurs de ces facteurs ne sauraient constituer à eux seuls une base de jugement déterminante (voir arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 141 et jurisprudence citée).
140 En vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, d’une part, s’agissant du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, il doit être examiné s’il y a eu une augmentation notable de ces importations, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. D’autre part, s’agissant de l’effet desdites importations sur les prix, il doit être examiné s’il y a, pour ces importations, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.
141 Concernant l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union, il résulte de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base qu’il incombe aux institutions de l’Union d’évaluer tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituant pas nécessairement une base de jugement déterminante. Cette disposition donne ainsi à ces institutions un pouvoir discrétionnaire dans l’examen et l’évaluation des différents indices (voir arrêt du 28 septembre 2023, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑123/21 P, EU:C:2023:708, point 142 et jurisprudence citée).
142 L’article 3, paragraphe 5, du règlement de base prévoit qu’un examen de l’incidence des importations sur l’industrie de l’Union doit comporter une évaluation de tous ces facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, dont :
– l’importance de la marge de dumping effective ;
– la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ;
– les facteurs qui influent sur les prix dans l’Union ;
– les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement.
143 Enfin, conformément à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, la démonstration que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice doit être apportée sur la base des éléments de preuve présentés en relation avec le paragraphe 2 de cet article, ce qui implique de démontrer que le volume ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 dudit article ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 de celui‑ci et que cet impact peut être considéré comme important.
144 En premier lieu, il ressort de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 6, du règlement de base que la Commission doit fonder son analyse du préjudice sur des éléments économiques positifs et suffisamment probants. Cette analyse est donc nécessairement casuistique. La Commission ne peut ainsi pas être liée par sa pratique antérieure, relative à des affaires dont le contexte factuel était nécessairement différent (voir point 29 ci-dessus).
145 Par ailleurs, il ressort de ces dispositions que les facteurs que la Commission doit prendre en compte pour déterminer s’il existe un préjudice sont exclusivement de nature économique. Aucun élément de nature procédurale, tel que le retrait d’une plainte, n’est évoqué dans lesdites dispositions sur la caractérisation du préjudice. De surcroît, il convient de rappeler que, en l’espèce, le bref motif justifiant le retrait de la plainte n’a pas permis d’établir de lien avec cette question, et ce alors que, deux jours avant ce retrait, la plaignante avait déposé des observations détaillées réitérant la nécessité d’instituer des droits antidumping en insistant en particulier sur l’existence et l’ampleur des conséquences préjudiciables du dumping constaté dans l’information finale (voir point 48 ci-dessus). Pour l’ensemble de ces raisons, le retrait de la plainte est dépourvu de caractère probant dans le cadre de l’examen de l’existence du préjudice.
146 Enfin, la Commission a écarté les observations de KLK sur l’information finale après avoir relevé à juste titre qu’elles n’étaient étayées par aucun élément de preuve (voir considérant 68 du règlement attaqué et point 52 ci-dessus). En outre, ces observations vont à l’encontre de celles qui ont été déposées ultérieurement par la plaignante au nom de l’industrie de l’Union (voir points 48 et 145 ci-dessus).
147 En tout état de cause, les observations de KLK sur l’information finale n’excluent pas l’existence d’un préjudice causé par les importations du produit concerné. En particulier, celles du 19 août 2022 portent sur la propre capacité de KLK à surmonter ce préjudice en l’absence de mesures antidumping et, plus largement, sur l’absence d’intérêt à instituer de telles mesures (voir point 51 ci-dessus). Or, à supposer que KLK disposait de cette capacité, ce producteur n’a pas démontré que c’était aussi le cas pour le reste de l’industrie de l’Union.
148 Par conséquent, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, le retrait de la plainte et les observations de KLK sur l’information finale sont dépourvus de pertinence pour déterminer si étaient réunis en l’espèce les facteurs et indices économiques pertinents requis par l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 6, du règlement de base pour caractériser l’existence du préjudice et une éventuelle erreur manifeste d’appréciation à cet égard.
149 En deuxième lieu, en ce qui concerne les indicateurs économiques invoqués (voir point 125 ci-dessus), premièrement, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, l’analyse du préjudice doit tenir compte de l’ensemble de la période considérée et pas seulement de la période d’enquête [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, non publié, EU:T:2012:532, point 93].
150 En l’espèce, les tendances positives alléguées des indicateurs invoqués ne concernent pas la totalité de la période considérée, qui s’étend du 1er janvier 2018 à la fin de la période d’enquête, c’est-à-dire jusqu’au 30 septembre 2021. Elles portent en effet uniquement sur la fin de la période considérée, entre 2020 et la fin de la période d’enquête.
151 La requérante ne conteste donc pas l’existence d’un préjudice à l’industrie de l’Union causé par les importations du produit concerné en 2018 et en 2019.
152 Deuxièmement, il ressort du règlement attaqué que la Commission a fondé l’évaluation du préjudice sur des données macroéconomiques fournies par la plaignante dans sa réponse au questionnaire et sur des données microéconomiques fournies par les quatre producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon dans leurs réponses au questionnaire (voir considérant 212 dudit règlement) et qu’elle a vérifié ces deux séries de données dans les locaux de la plaignante et de ces quatre producteurs (voir considérant 53 dudit règlement).
153 Troisièmement, il ressort du règlement attaqué que la production, la capacité de production et la part de marché des producteurs de l’Union (voir point 125, premier à troisième tirets, ci-dessus) ont tous diminué au cours de la période considérée :
– le volume de production a constamment chuté entre 2018 et 2020, passant de 936 063 tonnes en 2018, à 924 837 tonnes en 2019 et à 862 055 tonnes en 2020 ; au cours de la période d’enquête, c’est-à-dire entre le 1er octobre 2020 et le 30 septembre 2021, elle n’a que légèrement augmenté, pour atteindre 872 185 tonnes, ce qui restait inférieur au niveau de 2018 et 2019 (voir considérant 219 du règlement attaqué) ;
– la capacité de production a suivi la même tendance ; en 2018, elle s’élevait à 1 161 964 tonnes, a été réduite à 1 134 616 tonnes en 2019, puis à 1 097 798 en 2020 ; au cours de la période d’enquête, elle a atteint 1 118 314 tonnes, ce qui restait toutefois inférieur au niveau de 2018 et 2019 (voir considérant 219 dudit règlement) ;
– la part de marché de l’industrie de l’Union, incluant l’usage captif, est passée de 74,1 % en 2018, puis a chuté à 72,8 % en 2019 et à 70,6 % en 2020, pour augmenter de 0,2 point au cours de la période d’enquête et atteindre 70,8 %, ce qui, là encore, était inférieur à ce qu’elle était en 2018 et 2029 ; par ailleurs, la part de marché de l’industrie de l’Union sur le marché libre (hors usage captif) a reculé de près de 4 points au cours de la période considérée, passant de 72,1 % en 2018 à 68,3 % au cours de la période d’enquête ; en outre, cette part de marché a aussi diminué au cours de la période d’enquête par rapport à 2020, passant de 68,4 à 68,3 % (voir considérants 224 et 288 dudit règlement).
154 À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l’industrie de l’Union est important, il n’est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative. D’autre part, la seule circonstance que certains facteurs de préjudice se soient améliorés durant la période considérée ne signifie pas pour autant que l’industrie de l’Union n’ait pas subi un préjudice important (voir arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 93 et jurisprudence citée).
155 Quatrièmement, s’agissant de l’évolution des prix de vente de l’industrie de l’Union invoquée (voir point 125, quatrième tiret, ci-dessus), il ressort du considérant 236 du règlement attaqué que les prix de vente unitaires sur le marché libre de l’Union ont baissé entre 2018 et 2020, passant de 879 euros par tonne en 2018 à 770 euros par tonne en 2019, puis ont remonté à 861 euros par tonne en 2020 pour atteindre 1 101 euros par tonne au cours de la période d’enquête.
156 En outre, les pourcentages mentionnés par la requérante relatifs à l’évolution du bénéfice net, et donc à la rentabilité de l’industrie de l’Union (voir point 125, quatrième et sixième tirets, ci-dessus), se fondent sur le considérant 244 du règlement attaqué, dont il ressort que cette rentabilité a baissé entre 2018 et 2020. Elle s’élevait à 1,9 % en 2018 et est devenue négative au titre des deux années suivantes, chutant à – 0,5 % en 2019, puis à – 2,1 % en 2020. Elle est ensuite remontée à 2,5 % au cours de la période d’enquête.
157 Or, il résulte du considérant 256 du règlement attaqué, d’une part, que l’enquête a révélé que l’évolution positive des prix de vente était liée à l’augmentation significative des prix des matières premières au cours de la période considérée. D’autre part, les résultats obtenus au cours de cette période sont restés à un niveau insuffisant pour assurer la viabilité de l’industrie de l’Union à moyen et long terme.
158 À cet égard, la Commission a considéré que la rentabilité de l’industrie de l’Union avait été affectée négativement par les importations indonésiennes faisant l’objet du dumping tout au long de la période considérée, qu’elle avait subi des pertes en 2019 et en 2020 et que le pic de rentabilité de 2,5 % atteint au cours des neuf mois de la période d’enquête l’avait été dans un contexte de perturbations importantes de la chaîne d’approvisionnement sur le marché due à la pandémie de COVID-19 et affectant gravement les exportations indonésiennes vers l’Union (voir considérants 244, 266 et 267 du règlement attaqué).
159 En outre, la Commission a constaté que l’industrie de l’Union n’avait pas atteint un niveau de rentabilité conforme aux conditions normales de concurrence sur le marché tout au long de la période considérée et qu’elle n’avait ainsi pas relevé ses prix à un niveau lui permettant de couvrir ses coûts et d’atteindre une marge bénéficiaire cible de 6 %, telle que prescrite par l’article 7, paragraphe 2 quater, du règlement de base (voir considérants 257, 265 et 268 du règlement attaqué).
160 La Commission a également relevé qu’aucun élément de preuve n’avait été apporté pour démontrer qu’un tel niveau de rentabilité était manifestement inapproprié pour l’industrie en cause (voir considérants 265 et 268 du règlement attaqué).
161 Ensuite, la Commission a estimé que le niveau de bénéfices réalisé par l’industrie de l’Union tout au long de la période considérée avait été insuffisant pour atteindre le niveau d’investissement requis dans ce secteur et rester compétitive, alors que ladite industrie desservait une clientèle diversifiée, dont les besoins étaient en constante évolution (voir considérants 258 et 269 du règlement attaqué).
162 D’une part, la Commission a relevé que les investissements réalisés par cette industrie avaient été limités au cours de la période considérée en raison de son niveau de rentabilité négatif ou faible tout au long de cette période. D’autre part, au cours de cette même période, les dépenses d’amortissement ne représentaient qu’environ 2 % du coût de production, alors qu’une augmentation des dépenses d’amortissement à la suite des investissements à 4 % du coût de production permettrait à l’industrie de l’Union d’atteindre le seuil de rentabilité dans le scénario selon lequel elle parviendrait à maintenir les prix plus élevés de la période d’enquête, ce qui était hautement improbable compte tenu des raisons pour lesquelles les prix avaient augmenté au cours de cette période (voir considérant 269 du règlement attaqué).
163 Cinquièmement, s’agissant des flux de liquidité (voir point 125, dernier tiret, ci-dessus), qui représentent la capacité des producteurs de l’Union à autofinancer leurs activités, la Commission a considéré qu’ils avaient évolué de manière comparable au rendement sur le chiffre d’affaires et qu’ils avaient diminué de 16 % durant la période considérée. Ces flux ont même atteint un niveau négatif en 2020 et, s’ils ont augmenté au cours de la période d’enquête, ils étaient encore nettement inférieurs à leur niveau de 2018 (voir considérants 244, 251, 264 et 306 du règlement attaqué).
164 Sixièmement, les pourcentages relatifs au rendement des investissements de l’industrie de l’Union mentionnés par la requérante (voir point 125, dernier tiret, ci-dessus) se fondent sur le considérant 244 du règlement attaqué, dont il ressort que ce rendement a constamment et significativement baissé entre 2018 et 2020, passant de 9 % en 2018 à 0,6 % en 2019, puis tombant à – 4,4 % en 2020. Ce rendement a ensuite atteint 12,1 % au cours de la période d’enquête.
165 La Commission a toutefois relevé à cet égard que le niveau de rendement des investissements de l’industrie de l’Union était insuffisant et compromettait l’aptitude future de cette industrie à mobiliser des capitaux et, par conséquent, sa survie à moyen et long terme (voir considérants 253 et 254 du règlement attaqué).
166 Force est de constater que la requérante n’a pas apporté d’éléments susceptibles de remettre en cause la plausibilité des appréciations de la Commission relatives aux indicateurs de performance rappelées aux points 157 à 163 et 165 ci-dessus et, en particulier, au fait que la tendance positive de certains de ces indicateurs à la fin de la période considérée était insuffisante pour que l’industrie de l’Union parvienne à une rentabilité suffisante pour garantir sa survie à moyen et long terme.
167 La requérante n’a pas non plus soumis le moindre élément montrant que le niveau de rentabilité de l’industrie de l’Union retenu par la Commission, qui n’avait jamais été atteint durant la période considérée, était manifestement inapproprié.
168 Septièmement, concernant l’évolution du niveau des stocks (voir point 125, cinquième tiret, ci-dessus), la Commission a relevé que, si les stocks avaient diminué de 23 % durant la période considérée, l’industrie des acides gras adaptait principalement sa production au nombre de commandes et que ces stocks avaient été maintenus à un niveau faible tout au long de la période en raison de la détérioration de la qualité des produits ou des changements de spécification. Elle en a conclu que cet indicateur était moins pertinent et qu’il n’était donc pas indispensable dans l’analyse du préjudice (voir considérants 225, 243 et 255 du règlement attaqué).
169 La requérante n’a pas apporté d’éléments remettant en cause la plausibilité de l’appréciation de la Commission relative à la moindre pertinence du niveau des stocks dans la détermination du préjudice.
170 En troisième lieu, concernant l’absence alléguée d’augmentation notable des importations en provenance d’Indonésie, d’une part, la requérante fait valoir que :
– le volume de ces importations a augmenté de 13 % entre 2018 et la période d’enquête et que, en particulier, elles ont augmenté de 11 % entre 2018 et 2019, mais elles sont ensuite restées stables entre 2019 et la période d’enquête ;
– cette augmentation de 11 % en 2019, représentant un accroissement des importations entre 2018 et 2019 de 25 384 tonnes, est insignifiante par rapport à la consommation totale de l’Union qui s’élevait à 1 295 034 tonnes en 2019.
171 D’autre part, la requérante soutient que la croissance des importations en provenance d’Indonésie n’a eu aucun impact sur le volume des ventes de l’industrie de l’Union, dès lors que :
– en 2019, ces importations ont augmenté, mais les ventes de l’industrie de l’Union sont restées au même niveau qu’en 2018 ;
– le ralentissement de ces ventes n’a eu lieu qu’en 2020 et pendant la période d’enquête, c’est-à-dire à une période où les importations en provenance d’Indonésie n’avaient pas augmenté.
172 À cet égard, la requérante ne conteste pas le fait que, durant la période considérée, le volume des importations faisant l’objet du dumping a cru de plus de 11 % et que la part de marché du marché libre détenue par ces importations a constamment augmenté, passant de 17,1 % en 2018 à 20,3 % au cours de la période d’enquête, soit une augmentation au cours de la période considérée de 3,2 points (voir considérants 201 à 203 du règlement attaqué). Or, dans le même temps, la production de l’industrie de l’Union a chuté de près de 7 % (voir considérants 219 et 221 dudit règlement et point 153, premier tiret, ci-dessus).
173 L’argument tiré du caractère prétendument insignifiant de l’augmentation des importations indonésiennes entre 2018 et 2019 au regard de la consommation totale de l’Union en 2019 est donc insuffisant pour remettre en cause l’appréciation du caractère notable de l’augmentation desdites importations sur la totalité de la période considérée.
174 En outre, d’une part, il ressort du règlement attaqué que les ventes de l’industrie de l’Union ont constamment chuté entre 2018 et la période d’enquête, y compris entre 2018 et 2019, et ont au total reculé de près de 9 % sur le marché de l’Union (usage captif compris) et de plus de 10 % sur le marché libre au cours de la période considérée (voir considérants 224, 226 et 227 dudit règlement).
175 D’autre part, au cours de la période considérée, la part de marché de l’industrie de l’Union sur le marché libre n’a cessé de reculer, passant de 72,1 % en 2018 à 68,3 % durant la période d’enquête (voir considérants 201 et 224 dudit règlement).
176 Quant à l’allégation selon laquelle les pertes de l’industrie de l’Union étaient dues à des facteurs indépendants des importations en provenance d’Indonésie, tels que la hausse des coûts de fabrication et l’absence de sources de matières premières, elle n’est pas démontrée. La requérante s’appuie en effet sur les considérants 206, 239, 256 et 282 du règlement attaqué. Or, il ressort de ces considérants que c’est l’augmentation mondiale des prix des matières premières entre 2020 et la période d’enquête ayant accru les coûts qui constitue la principale raison des hausses de prix de l’Union et de la légère amélioration de la rentabilité de l’industrie de l’Union, qui n’était toutefois pas suffisante pour assurer la viabilité de cette industrie à moyen et long terme.
177 Les arguments avancés par la requérante ne permettent donc pas de remettre en cause l’appréciation selon laquelle, au cours de la période considérée, premièrement, l’augmentation des importations en provenance d’Indonésie a été notable, deuxièmement, ces importations ont eu un impact significatif sur l’industrie de l’Union, en l’occurrence en détériorant sensiblement ses performances économiques et en mettant en péril sa viabilité à moyen et long terme, et, troisièmement, ont causé un préjudice important à cette industrie.
178 Par conséquent, l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que la violation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base invoquées ne sont pas établies.
179 Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen.
180 Le recours doit donc être rejeté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.
Sur les dépens
181 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Arkema France est condamnée aux dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juillet 2025.
V. Di Bucci | | M. van der Woude |
Table des matières
Antécédents du litige
Sur la procédure antidumping
Sur la procédure antisubventions
Conclusions des parties
En droit
Sur la recevabilité
Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, du règlement de base ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt de l’Union
– Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits résultant de la poursuite de l’enquête après le retrait de la plainte en raison de l’absence de prise en compte de l’ensemble des intérêts de l’Union et de l’opposition des différents acteurs dans l’enquête
– Sur la seconde branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des intérêts des utilisateurs
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes généraux d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime résultant du traitement des enquêtes antidumping et antisubventions après le retrait des plaintes à l’origine de ces enquêtes
Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 1 er, paragraphe 1, et de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base du fait de l’absence de préjudice causé par le dumping et d’une erreur manifeste d’appréciation
Sur les dépens