ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
16 juillet 2025 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale Aba – Marque de l’Union européenne figurative antérieure ABA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »
Dans l’affaire T‑553/24,
Abacus Research AG, établie à Wittenbach (Suisse), représentée par Mes T. Schmitz et P. Perrey, avocats,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
American Bar Association, établie à Chicago, Illinois (États-Unis), représentée par Mes M. Zintler, F. Stoll et N. Schmidt-Hamkens, avocats,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović et L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Abacus Research AG, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 août 2024 (affaire R 402/2024-1) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 22 octobre 2020, la requérante a désigné l’Union européenne dans son enregistrement international du signe verbal Aba.
3 Les produits et les services pour lesquels la protection de l’enregistrement international a été demandée relevaient des classes 9, 42 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Logiciels ; produits logiciels » ;
– classe 42 : « Conception, développement, élaboration (conception), programmation, mise à jour et maintenance de logiciels ; services de conseillers en matière de conception, développement, élaboration (conception), programmation, mise à jour et maintenance de logiciels ; recherches dans le domaine des logiciels ; location et mise à disposition de logiciels ; services d’authentification d’utilisateur au moyen de la technologie d’authentification unique pour applications logicielles en ligne ; informatique en nuage ; services d’un programmeur informatique ; services de protection contre les virus informatiques ; sauvegarde électronique de données, stockage électronique de données ; hébergement de serveurs ; location de serveurs web ; plateforme informatique en tant que service [PaaS] ; logiciel-service [SaaS] » ;
– classe 45 : « Octroi de licences de logiciels (services juridiques) ».
4 Le 23 février 2021, l’intervenante, American Bar Association, a formé opposition à l’enregistrement international en cause pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.
5 L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure no 18105745, demandée le 8 août 2019 et enregistrée le 6 mars 2020 :

désignant les produits et les services relevant, notamment, des classes 9 et 45 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :
– classe 9 : « Applications mobiles téléchargeables proposant des actualités, informations et publications électroniques dans le domaine du droit ; balados téléchargeables dans le domaine du droit ; livres électroniques téléchargeables sur des thèmes légaux pour avocats et clients juridiques » ;
– classe 45 : « Services d’informations judiciaires ; fourniture d’actualités, informations et commentaires dans le domaine du droit, à savoir actualités, informations et commentaires juridiques par le biais d’un site web et de flux de médias sociaux ; services de recherche en politique publique, à savoir, recherche de problèmes touchant le système juridique aux États-Unis et à l’étranger ».
6 Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
7 Le 18 décembre 2023, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
8 Le 16 février 2024, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.
9 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours.
10 La chambre de recours a, tout d’abord, considéré que les produits et services couverts par la marque contestée étaient identiques ou similaires à un degré variant de moyen à élevé aux produits et services désignés par la marque antérieure. Elle a, ensuite, relevé que le public pertinent était composé du grand public et de professionnels et estimé que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude visuelle, étaient identiques d’un point de vue phonétique et ne pouvaient pas être comparés sur le plan conceptuel.
11 Dans ces conditions, la chambre de recours, précisant que la marque antérieure présentait un caractère distinctif intrinsèque moyen, a considéré, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion, que la majorité du public pertinent pouvait être amenée à penser que les produits et services couverts par les signes en conflit provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Elle a donc conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.
Conclusions des parties
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
13 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse où une audience serait organisée.
14 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
15 La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.
16 Elle soutient, en substance, que tout risque de confusion est exclu en l’espèce, en raison de l’absence de similitude entre les produits et les services en cause, du caractère distinctif inférieur à la moyenne de la marque antérieure et des différences importantes entre les signes en conflit.
17 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
18 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.
19 Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].
20 Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].
Sur le public pertinent
21 La chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était celui de l’ensemble de l’Union. Elle a également constaté que les produits en cause, compris dans la classe 9, s’adressaient à la fois au grand public et à des clients professionnels ayant des connaissances ou une expertise spécifiques. Elle a également considéré que les services compris dans les classes 42 et 45 s’adressaient au public professionnel faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne.
22 Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces constatations, au demeurant non contestées par la requérante.
Sur la comparaison des produits et des services
23 Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].
24 La requérante soutient que les produits et services désignés par la marque demandée et compris dans les classes 9, 42 et 45 au sens de l’arrangement de Nice ne sont ni identiques ni similaires aux produits et services désignés par la marque antérieure.
25 L’EUIPO et l’intervenante conteste les arguments de la requérante.
Sur les produits contestés de la classe 9
26 La chambre de recours a estimé, au point 16 de la décision attaquée, que les produits désignés par la marque demandée et compris dans la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice couvrent, en tant que catégories plus larges, les « applications mobiles téléchargeables proposant des actualités, informations et publications électroniques dans le domaine du droit » compris dans ladite classe désignés par la marque antérieure. Elle en a conclu que les produits en cause étaient identiques.
27 La requérante soutient que, par une telle appréciation, la chambre de recours considère que les produits en cause sont similaires au motif que « le droit antérieur couvre les ordinateurs [et que] les produits ou services désignés par le signe demandé sont susceptibles d’utiliser les ordinateurs ». Selon la requérante, une telle appréciation est erronée, car la similitude ne saurait, en substance, être fondée sur la seule utilisation d’une technologie similaire, conformément à l’arrêt du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX) (T‑336/03, EU:T:2005:379, points 61 et 69).
28 La prémisse sur laquelle se fonde la requérante repose toutefois sur une lecture inexacte de la décision attaquée. La chambre de recours n’a pas considéré que la marque antérieure « couvr[ait] les ordinateurs » et que la marque demandée désignait des produits « susceptibles d’utiliser les ordinateurs ».
29 Il suffit en effet de relever que la chambre de recours, ainsi qu’il ressort des points 16 à 18 de la décision attaquée, a estimé que les applications mobiles couvertes par la marque antérieure étaient identiques aux logiciels et aux produits logiciels désignés par la marque demandée parce que les produits désignés par la marque antérieure étaient également des logiciels. La chambre de recours s’est donc fondée sur la nature des produits en cause, et non sur une utilisation commune d’ordinateurs sous une forme ou une autre, pour conclure que ces produits étaient identiques.
30 Contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a donc pas considéré, pour conclure à leur identité, que les produits couverts par la marque demandée et compris dans la classe 9 utilisaient la même technologie que les produits désignés par la marque antérieure et compris dans la même classe. La requérante ne peut ainsi utilement se prévaloir de la jurisprudence invoquée à l’appui de son argument.
31 En outre, lorsque les produits ou les services couverts par la marque antérieure sont inclus dans une indication générale ou une large catégorie visée par la marque demandée, ces produits ou services doivent être considérés comme identiques [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 29 et jurisprudence citée].
32 Or, en l’espèce, les applications mobiles, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 18 de la décision attaquée, sont des logiciels conçus spécifiquement pour les appareils électroniques mobiles, tels que les téléphones portables ou les tablettes tactiles. Elles sont donc incluses dans la catégorie plus large des « logiciels » visée par la marque demandée. En application de la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, les produits désignés par les marques en conflit compris dans la classe 9 sont donc identiques.
33 La requérante ajoute cependant en substance que, en matière de logiciels, pour lesquels la destination revêtirait une « importance primordiale », il n’aurait pas été « justifié de se fonder uniquement sur le libellé » desdits produits. En l’espèce, les produits en cause ne seraient pas identiques, car ils auraient des finalités différentes et s’adresseraient à des utilisateurs différents. Alors que les produits concernés désignés par la marque antérieure auraient une finalité juridique et s’adresseraient principalement aux consommateurs américains, les produits couverts par la marque demandée n’auraient pas pour finalité de transmettre des connaissances juridiques mais des connaissances sur le produit logiciel lui-même. En outre, ils s’adresseraient principalement aux utilisateurs européens. Une similitude « légère » pourrait tout au plus être retenue.
34 Il convient, à cet égard, de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la comparaison des services ou des produits doit porter sur le libellé des services ou des produits visés par la marque demandée et les marques antérieures, et non sur les services ou les produits pour lesquels ces marques sont effectivement utilisées. Il n’en irait autrement que dans l’hypothèse qui n’est pas invoquée en l’espèce où, à la suite d’une demande au sens de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage des marques antérieures ne serait rapportée que pour une partie des services ou des produits pour lesquels elles sont enregistrées [voir arrêt du 19 janvier 2017, Morgan & Morgan/EUIPO – Grupo Morgan & Morgan (Morgan & Morgan), T‑399/15, non publié, EU:T:2017:17, point 37 et jurisprudence citée].
35 Dans ces conditions, la chambre de recours a pu à bon droit comparer les produits en cause en se fondant uniquement sur le libellé desdits produits tels qu’ils étaient visés par la marque demandée et la marque antérieure. Elle pouvait également conclure que lesdits produits étaient identiques après avoir relevé, sans erreur d’appréciation, que les produits désignés par la marque demandée compris dans la classe 9 couvraient, en tant que catégories plus larges, les produits couverts par la marque antérieure compris dans cette même classe.
Sur les services contestés de la classe 42
36 La chambre de recours a considéré, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, que les services compris dans la classe 42 désignés par la marque demandée étaient similaires à un degré moyen aux « applications mobiles téléchargeables proposant des actualités, informations et publications électroniques » compris dans la classe 9 couverts par la marque antérieure. Elle a constaté à cet égard que les services en cause étaient « fondamentaux pour créer et maintenir » les applications mobiles et a conclu à l’existence d’un lien de complémentarité très fort entre les services et les produits en cause. La chambre de recours a estimé, en outre, que ces derniers étaient susceptibles d’être fournis par les mêmes entreprises et de s’adresser au même public.
37 La requérante soutient, tout d’abord, que la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation du caractère complémentaire des services et des produits en cause, car elle n’a pas tenu compte de la circonstance selon laquelle ses objectifs commerciaux sont « totalement différents » de ceux de l’intervenante.
38 Il convient de rappeler que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée].
39 L’existence d’un lien de complémentarité ne s’apprécie pas, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, en fonction de l’objectif commercial poursuivi par les marques en conflit, mais compte tenu de l’usage respectif desdits produits et services.
40 La chambre de recours n’avait donc pas à tenir compte des objectifs commerciaux de la requérante pour apprécier le caractère complémentaire des services et des produits en cause.
41 Ensuite, il convient, d’une part, de relever que les produits désignés par la marque antérieure relevant de la classe 9, ne sont pas, contrairement à ce qu’affirme la requérante, des informations et des actualités dans le domaine juridique mais des applications mobiles téléchargeables, c’est-à-dire des logiciels spécialement conçus pour les appareils électroniques mobiles, tels que les téléphones portables ou les tablettes tactiles.
42 Il y a lieu, d’autre part, de souligner que les services relevant de la classe 42 couverts par la marque demandée concernent, pour l’essentiel, la programmation, la maintenance, la mise à jour, la location ainsi que la protection des logiciels contre les virus informatiques, la sauvegarde et le stockage de données. De tels services peuvent être utilisés ou fournis de manière associés avec les produits désignés par la marque antérieure. En particulier, les fabricants de logiciels fournissent généralement un logiciel à leur client ainsi qu’un service de maintenance et de mise à jour de ce logiciel. Ces services sont donc par hypothèse importants, voire indispensables, pour l’utilisation des logiciels dont font partie les applications mobiles téléchargeables désignées par la marque antérieure, y compris celles, comme en l’espèce, proposant des actualités, des informations et des publications électroniques dans le domaine du droit.
43 La circonstance, à cet égard, que les produits désignés par la marque antérieure compris dans la classe 9 sont destinés à apporter à leurs utilisateurs des informations et des actualités dans le domaine du droit est donc sans incidence sur l’appréciation du caractère complémentaire des services relevant de la classe 42 couverts par la marque demandée et de ces mêmes produits.
44 Dès lors, les consommateurs pouvaient, en l’espèce, penser que la responsabilité de la fabrication des produits désignés par la marque antérieure et relevant de la classe 9 ou de la fourniture des services couverts par la marque demandée relevant de la classe 42 incombait à la même entreprise.
45 Dans ces conditions, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les services de la classe 42 désignés par la marque demandée étaient des services fondamentaux pour la création et la maintenance des applications mobiles visées par la marque antérieure.
46 Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte, pour apprécier la similitude des services et des produits en cause, de la jurisprudence selon laquelle « il ne suffit pas qu’un produit fonctionne avec des logiciels pour qu’il y ait similitude avec le produit logiciel ». Elle souligne à cet égard et en substance que la circonstance qu’une entreprise propose différents types de logiciels ne suffit pas à présumer leur origine commune eu égard à la variété de logiciels présents sur le marché.
47 En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la motivation de la décision attaquée, telle qu’elle est reprise au point 36 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas comparé des logiciels couverts par la marque demandée avec d’autres logiciels désignés par la marque antérieure mais des services destinés au développement et à la maintenance de logiciels avec un certain type de logiciels, à savoir des applications mobiles. La jurisprudence dont se prévaut la requérante et reprise au point 46 ci-dessus, est donc sans incidence sur l’appréciation effectuée par la chambre de recours entre les services de la classe 42 couverts par la marque demandée et les produits de la classe 9 désignés par la marque antérieure.
48 Compte tenu de tout ce qui précède, et alors qu’il n’est pas contesté que les services et les produits en cause peuvent être fournis par les mêmes entreprises et s’adresser au même public, c’est sans erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que ces mêmes produits et services devaient être considérés, compte tenu de leur caractère complémentaire, comme similaires à un degré moyen.
Sur les services contestés de la classe 45
49 Après avoir relevé que les services contestés « [o]ctroi de licences de logiciels (services juridiques) » relevant de la classe 45 couverts par la marque demandée concernent la concession de licences de logiciels relatives au secteur des services juridiques, la chambre de recours a estimé, au point 21 de la décision attaquée, que lesdits services et « les services d’informations judiciaires (autrement dit les services d’informations juridiques) », relevant de la classe 45 et désignés par la marque antérieure, étaient des services juridiques et partageaient le même public, les mêmes canaux de distribution et étaient fournis par les mêmes entreprises. Elle en a déduit que les services couverts par les signes en conflit compris dans la classe 45 présentaient un degré élevé de similitude.
50 Pour contester cette appréciation, la requérante soutient que les services en cause ne sont pas similaires. Les services relevant de la classe 45 couverts par la marque demandée devraient « s’entendre de prestations permettant d’utiliser des droits de propriété intellectuelle détenus par un tiers dans des conditions d’usage et de rémunération prévues par des contrats de licence ». De tels services pourraient donc être rendus « sans faire appel » aux services d’informations judiciaires désignés par la marque antérieure et compris dans la même classe.
51 En l’espèce, il convient, tout d’abord, de relever que les services désignés par la marque demandée relevant de la classe 45 concernent, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée, la concession de licences de logiciels. La concession de licences de logiciels est l’acte contractuel par lequel sont concédés les droits permettant l’utilisation, la diffusion ou la modification de programmes informatiques. Les services contestés impliquent donc, par définition, ainsi que le relève la chambre de recours, la rédaction, l’analyse, l’application de « contrats […] qui définissent les droits et obligations liés à l’utilisation de logiciels ».
52 Il y a lieu, ensuite, de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les services d’informations judiciaires couverts par la marque antérieure et relevant de la classe 45 sont des services d’informations juridiques. De tels services, ainsi que l’observe à juste titre la chambre de recours, sont destinés à mettre à disposition de leurs utilisateurs des informations et des analyses sur des questions juridiques.
53 Dans ces conditions, et indépendamment du fait que les droits concédés dans le cadre des services contestés relevant de la classe 45 sont des droits d’auteur, de sorte que l’octroi de licences de logiciels, couvert par la marque demandée, « perme[t] d’utiliser des droits de propriété intellectuelle », ainsi que le relève la requérante, il convient de considérer que les services contestés, comme les services d’informations juridiques antérieurs, sont des « services juridiques », puisqu’ils fournissent, les uns comme les autres, des informations et des analyses juridiques sur des questions juridiques.
54 En outre, puisque la rédaction ou la mise en œuvre de licences de logiciels nécessitent de délivrer des analyses sur des questions juridiques, les services contestés relevant de la classe 45 désignés par la marque demandée peuvent, contrairement à ce que prétend la requérante, « faire appel » à la catégorie plus large des services d’informations juridiques, relevant de la même classe et désignés par la marque antérieure, lesquels consistent également dans la rédaction d’analyses juridiques.
55 Enfin, la requérante n’apporte pas le moindre élément pour contester utilement la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les services en cause empruntent les mêmes canaux de distribution, s’adressent au même public professionnel « qui utilise des logiciels spécialisés pour son travail dans le secteur juridique » et sont susceptibles d’être fournis par les mêmes entreprises.
56 Dans ces conditions, la chambre de recours a pu considérer, sans erreur d’appréciation, que pour de tels motifs, dont il ne ressort pas du dossier qu’ils auraient été inexacts, les services couverts par la marque demandée et relevant de la classe 45 étaient similaires à un degré élevé aux services désignés par la marque antérieure et compris dans la même classe.
57 Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de conclure que la chambre de recours a pu, à bon droit, considérer que les produits et les services désignés par les marques en conflit étaient soit identiques, soit similaires à un degré variant de moyen à élevé.
Sur la comparaison des signes
58 L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).
59 En l’espèce, les signes à comparer sont, d’une part, la marque verbale demandée composée du mot « aba », d’autre part, la marque figurative antérieure composée de l’élément verbal « aba », reproduit en lettres majuscules à caractère gras et de couleur bleue, dans lequel les traverses des lettres « A » sont remplacées par des triangles de couleurs différentes.
60 À cet égard, la chambre de recours a tout d’abord relevé que l’élément verbal « aba » de la marque antérieure n’avait aucune signification pour la majorité du public pertinent. Elle a ensuite considéré que la stylisation des lettres de la marque antérieure était courante et que les traverses des lettres « A » remplacées par des triangles de couleur seront perçus comme de simples éléments ornementaux. La chambre de recours a ajouté que le public prêtera davantage attention à l’élément verbal des signes en conflit qu’aux éléments figuratifs de la marque antérieure. Elle a conclu que les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude visuelle, étaient phonétiquement identiques et que la comparaison conceptuelle n’était pas possible, car les signes en conflit n’avaient aucune signification pour le public pertinent.
61 La requérante soutient, en substance, que les signes en conflit ne sont pas similaires ou sont tout au plus similaires à un degré moyen ou inférieur à la moyenne, en raison du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure et de son élément verbal « aba », qui serait purement descriptif.
62 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
63 Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure, il convient de rappeler que la prise en compte du caractère distinctif de la marque antérieure n’est pertinente que dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2014, OHMI/riha WeserGold Getränke, C‑558/12 P, EU:C:2014:22, points 42 à 45, et du 19 mai 2010, Ravensburger/OHMI – Educa Borras (EDUCA Memory game), T‑243/08, non publié, EU:T:2010:210, point 27]. Ledit argument est donc inopérant dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes en conflit.
64 Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré du caractère purement descriptif de l’élément verbal « aba », il y a lieu de relever que la requérante n’apporte aucun élément permettant d’établir que cet élément serait « aisément » perçu par le public pertinent comme l’acronyme de l’association intervenante « American Bar Association » ou que la connaissance de l’anglais américain jouerait un rôle déterminant en l’espèce. Partant, la requérante ne saurait utilement soutenir que la chambre de recours aurait dû donner un « poids moindre » à cet élément verbal dans son analyse des signes en conflit. Elle ne saurait non plus soutenir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que cet élément n’avait aucune signification pour le public pertinent.
65 En conséquence, en l’absence de tout autre argument que celui tiré de l’absence de caractère distinctif de la marque antérieure ou de son élément verbal, il convient de conclure que la chambre de recours a pu considérer à bon droit que les signes en conflit, coïncidant par leur élément verbal, étaient similaires à un degré élevé sur le plan visuel, les éléments figuratifs, compte tenu de leur police et de leur absence de caractère distinctif, ne jouant à cet égard qu’un rôle secondaire.
66 De même, la chambre de recours a également pu conclure, à bon droit, que les éléments figuratifs de la marque antérieure n’étant pas prononcés, les signes en conflit étaient identiques sur le plan phonétique et que, en l’absence de signification de l’élément verbal commun « aba », aucune comparaison conceptuelle n’était possible en l’espèce.
Sur le risque de confusion
67 L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].
68 La chambre de recours, après avoir considéré que la marque antérieure était pourvue d’un caractère distinctif seulement moyen, a rappelé que les services et les produits en cause étaient similaires ou identiques, et a estimé que les différences existantes entre les signes en conflit ne permettaient pas de neutraliser leurs impressions d’ensemble similaires, nonobstant le niveau d’attention élevé du public pertinent et la circonstance que ces marques étaient composées de signes courts. Dans ces conditions et compte tenu du principe d’interdépendance des facteurs à prendre en compte et du souvenir imparfait de l’image que le public pertinent garde en mémoire dans la comparaison des marques, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.
69 La requérante soutient en substance que, compte tenu du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure, du degré d’attention élevé du public pertinent et de l’absence de similitude des services et produits en cause, les différences visuelles sont suffisantes pour écarter tout risque de confusion entre les marques en conflit.
70 L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.
71 En l’espèce, il convient, tout d’abord, de relever que la requérante ne démontre pas, ainsi qu’elle le prétend, que la marque antérieure serait dotée d’un caractère distinctif faible, car elle serait descriptive. Ainsi qu’il a été précisé au point 64 ci-dessus, elle n’apporte aucun élément à l’appui de son affirmation selon laquelle son élément verbal « aba » serait perçu comme l’abréviation de l’association intervenante. Une telle constatation vaut également pour la marque antérieure en tant que telle qui ne se différencie de son élément verbal que par des éléments figuratifs secondaires, dont la requérante ne prétend pas qu’ils seraient compris comme renvoyant à ladite association.
72 La requérante ne saurait donc soutenir que, pour ce motif, la marque antérieure serait descriptive, puisque le public s’attendrait « à ce que des informations et des messages soient proposés sous ce signe dans le domaine juridique, c’est-à-dire précisément les produits et les services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée ».
73 Il y a lieu, ensuite, de souligner que la circonstance selon laquelle le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention élevé lors de son examen ne signifie pas qu’il examinera dans le moindre détail la marque demandée, ou qu’il la comparera minutieusement à la marque antérieure. En effet, et ainsi que l’a souligné à juste titre la chambre de recours, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, il n’en demeure pas moins que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [voir arrêt du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 54 et jurisprudence citée].
74 Enfin, contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort de l’examen effectué aux points 23 à 57 ci-dessus, que la chambre de recours a pu considérer à bon droit que les produits et les services désignés par les marques en conflit étaient soit identiques, soit similaires à un degré variant de moyen à élevé.
75 Dans ces conditions et en l’absence de tout autre argument de nature à remettre en cause l’appréciation globale de la chambre de recours, il convient de conclure que celle-ci a pu estimer à juste titre, au point 55 de la décision attaquée, que la majorité du public pertinent pourra être amenée à penser que les produits et les services en cause, identiques ou similaires, désignés par les signes en conflit, également similaires, proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liés économiquement.
76 Compte tenu de tout ce qui précède, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.
77 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen unique soulevé par la requérante au soutien de ses conclusions étant écarté, il y a lieu de rejeter le recours.
Sur les dépens
78 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
79 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens que dans l’hypothèse où une audience serait organisée, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Abacus Research AG est condamnée aux dépens exposés par American Bar Association.
3) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.
Marcoulli | Tomljenović | Spangsberg Grønfeldt |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2025.
V. Di Bucci | | M. van der Woude |