Language of document : ECLI:EU:T:2025:729

Affaire T105/23

Iceland Foods Ltd

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

 Arrêt du Tribunal (septième chambre) du 16 juillet 2025

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale ICELAND – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

1.      Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit – Notion

[Règlement du Conseil no 40/94, art. 7, § 1, c)]

(voir points 22-24)

2.      Marque de l’Union européenne – Définition et acquisition de la marque de l’Union européenne – Motifs absolus de refus – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit ou d’un service – Appréciation du caractère descriptif d’un signe – Noms géographiques

[Règlement du Conseil no 40/94, art. 7, § 1, c)]

(voir points 25-28, 46, 80)

3.      Marque de l’Union européenne – Renonciation, déchéance et nullité – Causes de nullité absolue – Marques composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir à désigner les caractéristiques d’un produit ou d’un service – Marque désignant le nom d’un pays – Marque verbale ICELAND

[Règlement du Conseil no 40/94, art. 51, § 1, a), et 7, § 1, c)]

(voir points 30, 36-39, 47-55, 61-63, 68, 69, 75, 79, 81)

Résumé

Par ses arrêts, le Tribunal se prononce sur le caractère descriptif de deux signes reprenant le nom d’un pays européen (ICELAND) et rejette les recours formés contre les décisions de la grande chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) au motif que ces signes sont descriptifs de l’origine géographique des produits et services qu’ils visent ou de leurs caractéristiques.

Iceland Foods Ltd, la requérante, a présenté à l’EUIPO des demandes d’enregistrement pour le signe verbal ICELAND et le signe figuratif Iceland pour plusieurs produits et services, respectivement le 19 avril 2002 et le 12 février 2013. Par la suite, deux demandes en nullité des marques en cause ont été présentées devant la division d’annulation de l’EUIPO pour certains des produits et des services couverts par ces marques (1). La division d’annulation a accueilli ces demandes en nullité pour l’ensemble des produits et services concernés.

La requérante a alors formé deux recours contre chacune des décisions de la division d’annulation. Par décisions du 15 décembre 2022, la grande chambre de recours a rejeté ces recours (ci-après les « décisions attaquées »). Cette dernière a considéré que les marques contestées étaient perçues par le public pertinent, à savoir le grand public anglophone de l’Union européenne, comme une indication selon laquelle les produits et les services désignés par celles-ci provenaient d’Islande et qu’elles devaient être considérées comme étant descriptives (2). Après avoir constaté qu’il suffisait qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que les signes ne puissent pas être enregistrés comme marque de l’Union européenne, la grande chambre de recours a considéré que, en tout état de cause, si les marques contestées devaient également être examinées sous l’angle de leur caractère distinctif (3), il serait inévitablement considéré qu’elles en étaient dépourvues (4).

La requérante a donc saisi le Tribunal de recours contre chacune des décisions attaquées (5).

Appréciation du Tribunal

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que sont exclus deux types d’enregistrement de noms géographiques. Le premier concerne l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernés et qui, dès lors, présentent un lien avec celle-ci aux yeux des milieux intéressés. Le second se rapporte à l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles-ci en tant qu’indications de provenance géographique de la catégorie de produits ou de services concernés.

En outre, le Tribunal constate que l’appréciation du caractère descriptif des marques contestées nécessite la prise en compte d’un ensemble de facteurs pertinents tels que la connaissance de l’Islande et de ses caractéristiques et le lien entre les catégories de produits et de services et les marques contestées.

À cet égard, il relève que les marques contestées désignent le nom d’un pays, situé en Europe, composé d’un territoire certes relativement peu peuplé, mais doté d’une superficie plus grande que celle de certains États membres de l’Union et de l’Espace économique européen (EEE).

Le Tribunal relève ainsi que le mot « Iceland » était connu par une partie significative du public pertinent, composé du grand public anglophone de l’Union.

Par ailleurs, le Tribunal confirme que les éléments de preuve sur lesquels la grande chambre de recours s’est fondée établissent que, premièrement, l’Islande était un pays respectueux de l’environnement, en raison notamment des multiples centrales à énergie géothermique et hydraulique, deuxièmement, que l’Islande était une destination touristique prisée et, troisièmement, que l’Islande proposait une large gamme de produits et de services, tout en entretenant, en rapport avec ceux-ci, des relations commerciales importantes avec les pays de l’EEE.

Le Tribunal note également qu’il convient de tenir compte d’un ensemble de circonstances, présentes à la date de la demande d’enregistrement de la marque en cause, y compris en tenant compte d’une approche prospective, et de ne pas se limiter à la seule question de la « renommée » dont jouissait l’Islande auprès du public pertinent, ou dont elle était susceptible de jouir dans le futur, en lien avec les produits et les services désignés par les marques contestées. De surcroît, les différentes caractéristiques de l’Islande sont importantes afin de déterminer dans quelle mesure la provenance géographique des produits ou services en cause est susceptible d’être pertinente, aux yeux des milieux intéressés, pour l’appréciation de la qualité ou d’autres caractéristiques des produits ou services concernés. Pour ces mêmes raisons, le Tribunal juge que la grande chambre de recours a, à juste titre, tenu compte de la prospérité économique, incluant l’appréciation du produit intérieur brut, de la main-d’œuvre qualifiée ou encore de la présence d’industries différentes, dès lors que ces critères pouvaient permettre de déterminer si l’Islande était susceptible de devenir connue ou réputée en tant que lieu de provenance géographique pour les produits et les services en cause.

Ensuite, s’agissant des produits comprenant des denrées alimentaires d’origine végétale et animale et des liquides destinés à la consommation humaine, le Tribunal estime que les marques contestées possèdent un caractère descriptif à l’égard de ces produits. Ainsi, à la date de l’enregistrement des marques contestées, l’Islande produisait et exportait de tels produits et était susceptible d’en produire d’autres, si bien que lorsqu’un de ces produits est commercialisé sous l’une des marques contestées, il peut être perçu comme provenant de ce pays. Par ailleurs, à supposer que l’exportation actuelle des denrées alimentaires par l’Islande ne constitue pas une part relativement importante de ses exportations en général, le Tribunal considère que cette allégation ne permet pas de remettre en cause le lien descriptif entre les marques et les produits visés dans la mesure où elle ne tient pas compte d’une vision prospective du lien pouvant raisonnablement être établi entre les marques contestées et les produits visés.

Enfin, le Tribunal constate que la grande chambre de recours s’est livrée à une analyse détaillée du caractère descriptif des marques contestées au regard de l’ensemble des produits et services en cause. De plus, s’agissant de la marque figurative Iceland (6), il ajoute que ni la typographie ni la couleur de la marque contestée ne lui donne un effet inhabituel ou frappant. En effet, l’élément verbal de cette marque est représenté dans une police de lettres blanches standard, sans aucune particularité typographique. Si, certes, il est placé sur un fond rectangulaire rouge, orange et jaune, dont l’effet jaune et orange donne l’impression d’un aspect quelque peu délavé, le fond coloré, notamment en couleurs orange et jaune, est, en substance, courant dans la publicité ou sur les emballages, de sorte que le consommateur le considère comme un élément décoratif. Dans ces circonstances, les éléments figuratifs de la marque contestée en question servaient uniquement à mettre en évidence l’élément verbal de ladite marque et n’en modifiaient aucunement le contenu descriptif véhiculé par ce dernier élément.

En ce qui concerne l’article 12, sous b), du règlement no 40/94 (7) portant sur la limitation des effets de la marque qui permettrait l’utilisation du nom « Iceland » aux entités islandaises, le Tribunal rappelle que cette disposition vise notamment à régler les problèmes qui se posent lorsqu’une marque composée en tout ou en partie d’un nom géographique a été enregistrée et ne confère pas aux tiers l’usage d’un tel nom en tant que marque, mais se borne à assurer qu’ils peuvent l’utiliser de manière descriptive, à savoir en tant qu’indication relative à la provenance géographique, à condition que l’utilisation en soit faite conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale. En outre, la circonstance selon laquelle l’article 12, sous b), du règlement no 40/94 assure que tout opérateur économique puisse librement utiliser des indications relatives aux caractéristiques de produits et de services ne permet pas d’assurer la protection de l’intérêt général sous-jacent à l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement. Bien au contraire, cette circonstance met en évidence l’intérêt à ce que la cause, par ailleurs absolue, de nullité énoncée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement no 40/94 soit effectivement appliquée à tout signe pouvant désigner une caractéristique des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée.


1      Les produits et services relèvent des classes 7, 11, 16, 29 à 32 et 35 et des classes 29, 30 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957.


2      Au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lui-même remplacé par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).


3      Au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94, précité, devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009, précité, lui-même remplacé par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001, précité.


4      L’allégation des demandeurs en nullité, selon laquelle les marques en cause étaient contraires à l’ordre public [au sens des dispositions combinées de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 (devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001) et de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 40/94 (devenu article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001)], a été rejetée par la grande chambre de recours comme étant irrecevable, en raison de sa présentation tardive. Ainsi, cette question n’a été examinée ni par la chambre de recours ni, par la suite, par le Tribunal.


5      Affaires Iceland Foods/EUIPO – Íslandsstofa (Promote Iceland) e.a. (ICELAND) (T‑105/23) portant sur la marque verbale ICELAND et Iceland Foods/EUIPO – Icelandic Trademark (Iceland) (T‑106/23) portant sur la marque figurative Iceland.


6      Arrêt du 16 juillet 2025, Iceland Foods/EUIPO – Icelandic Trademark (Iceland) (T‑106/23, EU:T:2025:730).


7      Devenu article 12, sous b), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 14, sous b), du règlement 2017/1001.