DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)
21 juillet 2025 (*)
« Recours en annulation – Politique économique et monétaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement – Dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Incompétence manifeste partielle – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑600/17,
Remolcadores Nosa Terra, SA, établie à Vigo (Espagne),
Grupo Nosa Terra 2000, SLU, établie à Vigo,
Hospital Povisa, SA, établie à Vigo,
Industrias Lácteas Asturianas, SA, établie à Madrid (Espagne),
représentées par Me J. Otero Novas, avocat,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par Mmes P. Němečková, A. Steiblytė et A. Manzaneque Valverde, en qualité d’agents, assistées de Me J. Rivas Andrés, avocat,
et
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes H. Ehlers, M. Fernández Rupérez, A. Lapresta Bienz et M. J. Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, F. Fernández de Trocóniz Robles, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,
parties défenderesses,
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere (rapporteur) et D. Petrlík, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– la décision de suspension de la procédure du 27 juin 2018,
– la mesure d’organisation de la procédure du 24 octobre 2024 invitant les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer pour la présente affaire des arrêts du 4 octobre 2024, Aeris Invest/Commission et CRU (C‑535/22 P, EU:C:2024:819), et du 4 octobre 2024, García Fernández e.a./Commission et CRU (C‑541/22 P, EU:C:2024:820), et les réponses de ces dernières,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Remolcadores Nosa Terra, SA, Grupo Nosa Terra 2000, SLU, Hospital Povisa, SA et Industrias Lácteas Asturianas, SA, demandent l’annulation de la décision (UE) 2017/1246 de la Commission, du 7 juin 2017, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español SA (JO 2017, L 178, p. 15, et rectificatif JO 2017, L 320, p. 31, ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Les requérantes détenaient des actions de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.
3 Dans le cadre de la procédure de résolution de Banco Popular, le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation, en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.
4 Le 6 juin 2017, la Banque centrale européenne (BCE) a réalisé une évaluation sur la situation de défaillance avérée ou prévisible de Banco Popular, après consultation du CRU, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014.
5 La BCE, prenant en compte, en particulier, les sorties excessives de dépôts, la rapidité à laquelle la trésorerie avait été perdue par la banque et l’incapacité de celle-ci à générer d’autres liquidités, a considéré qu’il existait des éléments objectifs indiquant que Banco Popular ne serait probablement pas en mesure, dans un proche avenir, de s’acquitter de ses dettes ou autres engagements à l’échéance. La BCE a conclu que la défaillance de Banco Popular était réputée avérée ou, en tout état de cause, prévisible dans un proche avenir, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 4, sous c), du règlement no 806/2014.
6 Le 6 juin 2017, le conseil d’administration de Banco Popular a informé la BCE qu’il était arrivé à la conclusion que la banque était en situation de défaillance prévisible.
7 Également le 6 juin 2017, un cabinet évaluateur indépendant a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.
8 Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement no 806/2014.
9 Selon l’article 1er du dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution à compter de la date de la résolution.
10 Ainsi, le CRU a considéré, premièrement, que Banco Popular était en situation de défaillance avérée ou prévisible, deuxièmement, qu’il n’existait pas de perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent la défaillance de Banco Popular dans un délai raisonnable et, troisièmement, qu’une mesure de résolution sous la forme d’un instrument de cession des activités de Banco Popular était nécessaire dans l’intérêt public. À cet égard, le CRU a indiqué que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, à savoir assurer la continuité des fonctions critiques de la banque et éviter les effets négatifs significatifs sur la stabilité financière.
11 Le CRU a décidé de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular en application de l’article 21 du règlement no 806/2014 et d’appliquer l’instrument de cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur.
12 Le CRU a décidé d’annuler 100 % des actions de Banco Popular, de convertir et de déprécier la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular en « nouvelles actions II ». Au terme d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), les « nouvelles actions II » ont été transférées à Banco Santander, SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Par la suite, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular le 28 septembre 2018, dans le cadre d’une fusion par absorption.
13 Le 7 juin 2017, à 6 h 30, la Commission européenne a adopté la décision attaquée approuvant le dispositif de résolution, dont le considérant 4 indique ce qui suit :
« La Commission est d’accord avec le dispositif de résolution. Elle est notamment d’accord avec les raisons que le CRU avance pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public conformément à l’article 18, paragraphe 5, du règlement (UE) no 806/2014. »
Conclusions des parties
14 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater qu’elles ont le droit de percevoir une somme équivalente à la valeur de leurs actions de Banco Popular compte tenu de la valeur patrimoniale de celle-ci à la date du 6 juin 2017 ou d’être indemnisées de cette somme, majorée des intérêts légaux à compter du 7 juin 2017 ;
– annuler ou compléter la décision attaquée ;
– condamner le CRU et l’« Union européenne » à leur fournir, en langue espagnole, le texte intégral du dispositif de résolution, le rapport de valorisation et tout autre document sur le fondement duquel ce dispositif a été adopté ainsi que l’estimation du CRU concernant l’indemnisation qui doit leur être versée du fait de la résolution de Banco Popular ;
– une fois la communication de ces documents effectuée, d’une part, leur accorder un délai égal ou supérieur à trois mois à compter de la réception de ces documents pour qu’elles puissent communiquer au CRU leur avis sur le montant qui doit leur être versé et que ce dernier se prononce sur ce montant dans une décision susceptible de recours et le leur verse, majoré des intérêts ; d’autre part, à titre subsidiaire, rouvrir le délai de recours pour leur permettre de contester le dispositif de résolution, délai qui ne commencera à courir que deux mois après cette communication ;
– condamner la Commission et le CRU aux dépens.
15 La Commission et le CRU concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
16 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
17 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.
Sur la compétence du Tribunal
18 Par leur premier chef de conclusions, les requérantes demandent à ce que le Tribunal constate qu’elles sont en droit de percevoir une somme équivalente à la valeur des actions de Banco Popular qu’elles détenaient.
19 À cet égard, il convient de relever qu’une telle demande implique une constatation ou une déclaration de la part du Tribunal.
20 Il suffit de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir arrêt du 13 septembre 2018, DenizBank/Conseil, T‑798/14, EU:T:2018:546, point 135 et jurisprudence citée).
21 À titre surabondant, il suffit de relever que, les requérantes ne soulevant aucune argumentation de nature à établir que les conditions d’engagement de la responsabilité de la Commission ou du CRU, au titre de l’article 340 TFUE, seraient remplies, cette demande ne saurait être comprise comme étant une demande indemnitaire.
22 En toute hypothèse, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, EU:T:2002:174, point 134 et jurisprudence citée ; ordonnance du 4 février 2021, Germann Avocats/Commission, T‑352/18, non publiée, EU:T:2021:64, point 109 et jurisprudence citée, et arrêt du 1er septembre 2021, KN/CESE, T‑377/20, EU:T:2021:528, point 222 et jurisprudence citée).
23 Par leur deuxième chef de conclusions, les requérantes demandent, notamment, à ce que le Tribunal complète la décision attaquée.
24 Il suffit de relever que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’est pas compétent pour procéder à la modification de la décision attaquée ni pour la compléter. Conformément à l’article 264 TFUE, le Tribunal a uniquement la possibilité d’annuler l’acte contesté (voir arrêt du 9 avril 2019, Sopra Steria Group/Parlement, T‑182/15, EU:T:2019:228, point 52 et jurisprudence citée).
25 Par leurs troisième et quatrième chefs de conclusions, les requérantes demandent, en substance, à ce que le Tribunal enjoigne au CRU et à l’« Union européenne » de leur fournir, en langue espagnole, un certain nombre de documents et, une fois cette communication effectuée, de leur accorder un délai pour qu’elles puissent communiquer au CRU leur avis sur le montant qui doit leur être versé et, à titre subsidiaire, de rouvrir le délai de recours pour leur permettre de contester le dispositif de résolution.
26 À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union, même lorsqu’elles ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts [voir arrêt du 6 novembre 2024, Crédit agricole e.a./Commission (Obligations suprasouveraines, souveraines et d’agences), T‑386/21 et T‑406/21, EU:T:2024:776, point 65 et jurisprudence citée].
27 Il s’ensuit que le recours doit être examiné uniquement en ce qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée.
Sur la demande d’annulation de la décision attaquée
28 À l’appui de leur demande d’annulation de la décision attaquée, les requérantes soulèvent, en substance, trois moyens, tirés, premièrement, de la violation du droit de propriété, deuxièmement, de la violation des droits de la défense et, troisièmement, d’un détournement de pouvoir.
29 À titre liminaire, il y a lieu de relever, premièrement, que les requérantes soutiennent que l’annulation demandée s’appuie sur l’inapplication en Espagne des dispositions de droit dérivé sur lesquelles se fondent le dispositif de résolution et la décision attaquée. Elles font valoir que toute mesure ou décision des organes de l’Union n’est valide, en ce qui concerne l’Espagne, que dans la mesure où elle respecte les dispositions de la constitution espagnole. À l’appui de leur demande d’annulation, les requérantes invoquent à plusieurs reprises des dispositions de la constitution et de la législation espagnoles ainsi que des décisions des juridictions espagnoles.
30 Or, il est de jurisprudence bien établie que le principe de la primauté du droit de l’Union impose à toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux différentes normes de l’Union, le droit des États membres ne pouvant affecter l’effet reconnu à ces différentes normes sur le territoire desdits États. Il résulte de cette jurisprudence que, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne sauraient porter atteinte à l’unité et à l’efficacité du droit de l’Union [voir arrêt du 22 février 2022, RS (Effet des arrêts d’une cour constitutionnelle), C‑430/21, EU:C:2022:99, points 50 et 51 et jurisprudence citée].
31 Selon une jurisprudence constante, le droit né du traité UE et du traité FUE ne peut, en raison de sa nature, se voir judiciairement opposer des règles de droit national quelles qu’elles soient, sans que soit mise en cause la base juridique de l’Union elle-même. Dès lors, une disposition nationale ne saurait être invoquée utilement au soutien d’un recours en annulation dirigé contre un acte de l’Union (voir arrêt du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, point 61 et jurisprudence citée).
32 Dès lors, les requérantes ne sauraient valablement prétendre que le règlement no 806/2014 sur lequel se fondent le dispositif de résolution et la décision attaquée ne serait pas applicable en Espagne, ni que la validité de ces derniers devrait être appréciée au regard de la constitution ou de la législation espagnoles.
33 Deuxièmement, dans la requête, les requérantes soulèvent des arguments visant les décisions adoptées par l’autorité de résolution espagnole, FROB, dans le cadre de l’exécution du dispositif de résolution.
34 Les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 256 TFUE, tel que précisé par l’article 51 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En application de ces dispositions, le Tribunal est compétent pour connaître des recours introduits, au titre de l’article 263 TFUE, à l’encontre des seuls actes des institutions, des organes ou des organismes de l’Union.
35 Or, les décisions adoptées par le FROB revêtent un caractère purement national et ne sont pas imputables à l’Union.
36 Il suffit de relever que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître des recours visant à obtenir l’annulation de décisions purement nationales (voir, par analogie, ordonnance du 14 juillet 1998, Glasoltherm/Commission e.a., C‑399/97, EU:C:1998:362, point 9). En effet, selon une jurisprudence bien établie, il n’appartient qu’aux juridictions nationales compétentes de contrôler la validité des mesures nationales d’exécution des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1996, Branco/Commission, T‑271/94, EU:T:1996:103, point 53).
37 Partant, le Tribunal n’est pas compétent pour examiner les arguments des requérantes en ce qu’ils visent les décisions d’exécution adoptées par le FROB.
Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit de propriété
38 Les requérantes font valoir que l’adoption du dispositif de résolution a conduit à une violation de leur droit de propriété consacré par l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le CRU les a privées de la valeur de leurs actions sans indemnisation, ce qui constituerait une « expropriation ». Elles auraient droit au versement d’une indemnité d’un montant équivalent à la valeur réelle de leurs actions.
39 Selon une jurisprudence constante, le droit de propriété garanti par l’article 17, paragraphe 1, de la Charte n’est pas une prérogative absolue et son exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Par conséquent, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à la condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti [voir arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 488 et jurisprudence citée, du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 391 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 159 et jurisprudence citée].
40 En premier lieu, il convient de rappeler que, comme indiqué aux points 9 et 10 ci-dessus, dans le dispositif de résolution, le CRU a constaté que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 étaient remplies et que la résolution était nécessaire et proportionnée à la réalisation de deux objectifs visés à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 806/2014. Le CRU a indiqué que la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité n’aurait pas permis d’atteindre ces objectifs dans la même mesure. Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle était d’accord avec le dispositif de résolution et notamment avec les raisons que le CRU avait avancées pour justifier la nécessité d’une mesure de résolution dans l’intérêt public.
41 À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que le dispositif de résolution en ce qu’il visait à préserver ou à rétablir la situation financière de Banco Popular et notamment en ce qu’il constituait une alternative à sa liquidation répondait à un objectif d’intérêt général au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, à savoir garantir la stabilité des marchés financiers [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 502, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 405].
42 En outre, selon l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif aux principes généraux régissant la résolution, les actionnaires de l’établissement soumis à une procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes.
43 Le Tribunal a déjà jugé que la décision, dans le dispositif de résolution, de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular dont étaient titulaires les parties requérantes était la conséquence du fait que les actionnaires d’une entité doivent supporter les risques inhérents à leurs investissements et du fait que, cette entité faisant l’objet d’une mesure de résolution en raison de sa défaillance, ils doivent en supporter les conséquences économiques (arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 495, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 466).
44 Le Tribunal a considéré que les mesures de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres de Banco Popular contenues dans le dispositif de résolution s’inscrivaient dans l’objectif d’intérêt général visant à garantir la stabilité des marchés financiers (arrêt du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 503).
45 D’une part, il y a lieu de constater que les requérantes ne contestent pas que les conditions prévues par l’article 18 du règlement no 806/2014 justifiant l’adoption du dispositif de résolution étaient remplies. D’autre part, les requérantes ne soulèvent pas d’arguments visant à établir que la dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres décidées par le CRU, qui est la mesure susceptible de porter atteinte à leur droit de propriété, ne seraient pas conformes aux dispositions de l’article 21 du règlement no 806/2014 et que la Commission n’aurait donc pas dû approuver cette mesure.
46 Il en ressort que les requérantes n’ont soulevé aucun argument de nature à remettre en cause, d’une part, le fait que la décision du CRU de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular était conforme aux conditions prévues par le règlement no 806/2014 et, d’autre part, le fait que cette décision était nécessaire à la poursuite d’un objectif général susceptible de justifier une restriction au droit de propriété.
47 En second lieu, il convient de relever que le règlement no 806/2014 prévoit un mécanisme d’indemnisation des actionnaires et des créanciers d’une entité faisant l’objet d’une mesure de résolution, sur le fondement du principe énoncé à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, qui établit qu’aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité soumise à une procédure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité (arrêt du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 510).
48 Afin de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’entité concernée avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 prévoit qu’une valorisation est réalisée postérieurement à la résolution. Selon l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014, cette valorisation établit s’il existe une différence entre le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et les créanciers si l’établissement avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise et le traitement réel dont ils ont fait l’objet dans le cadre de la résolution [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 511, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 413].
49 Si, à la suite de cette valorisation, il est établi que les actionnaires ou créanciers ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité, l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU peut recourir au Fonds de résolution unique (FRU) pour les dédommager [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 512, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 414].
50 Le Tribunal a déjà constaté qu’il s’ensuit que le règlement no 806/2014 met en place un mécanisme visant à garantir aux actionnaires ou aux créanciers de l’entité soumise à une résolution une juste indemnité conformément aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 513, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 415].
51 Le fait que les requérantes n’aient pas obtenu d’indemnisation à la date du dispositif de résolution ne suffit pas pour établir une violation de leur droit de propriété dans la mesure où l’article 17, paragraphe 1, de la Charte ne prévoit pas un versement d’une indemnité concomitant à la restriction du droit de propriété, mais un versement en temps utile [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 515, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 416].
52 En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la valeur de leur investissement ne doit pas être calculée au regard de la situation précédant l’adoption du dispositif de résolution, mais correspond à sa valeur dans l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, ce qui correspond à une situation de liquidation de Banco Popular [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 523, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 423].
53 Il y a donc lieu de considérer que l’application en l’espèce du principe prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, mentionné au point 48 ci-dessus, selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité, garantit aux requérantes une juste indemnité conforme aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 522, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 428].
54 Il ressort de l’ensemble de ce qui précède, premièrement, que les requérantes ne contestent pas que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies en l’espèce, deuxièmement, que, en leur qualité d’actionnaires de Banco Popular, elles devaient assumer le risque de leurs investissements et, troisièmement, que le règlement no 806/2014 prévoit le versement éventuel d’une indemnité en application du principe selon lequel aucun créancier ne peut être plus mal traité.
55 Partant, comme le Tribunal l’a déjà jugé, il y a lieu de conclure que la décision de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular dans le dispositif de résolution ne constitue pas une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance même du droit de propriété des requérantes, mais doit être considérée comme une restriction à leur droit de propriété justifiée et proportionnée, conformément aux dispositions de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte [arrêts du 1er juin 2022, Del Valle Ruíz e.a./Commission et CRU, T‑510/17, EU:T:2022:312, point 540 ; du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 429, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 471].
56 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.
57 Premièrement, les requérantes ne sauraient valablement affirmer que la charge de la résolution aurait dû être supportée par l’ensemble des contribuables et non par les seuls actionnaires et créanciers affectés.
58 En effet, le Tribunal a déjà jugé qu’une telle solution, consistant en l’octroi d’une aide d’État, serait contraire aux objectifs de la résolution qui vise à limiter les coûts supportés par les contribuables. Il convient de rappeler que, selon l’article 14, paragraphe 2, sous c), du règlement no 806/2014, un des objectifs de la résolution est de protéger les ressources de l’État par une réduction maximale du recours à un soutien financier public exceptionnel (arrêt du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 229).
59 En outre, il convient de rappeler que, dans le cas d’une entité faisant l’objet d’une mesure de résolution, l’application du principe selon lequel les actionnaires sont les premiers à supporter les pertes, visé à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, ainsi que l’exercice du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres, prévu à l’article 22, paragraphe 1, de ce règlement, sont la conséquence du fait que les actionnaires d’une entité supportent les risques inhérents à leurs investissements et les conséquences économiques liées à la résolution de l’entité dont la défaillance est avérée ou prévisible (arrêt du 4 octobre 2024, Aeris Invest/Commission et CRU, C‑535/22 P, EU:C:2024:819, point 235).
60 Deuxièmement, les requérantes relèvent que la situation de Banco Popular résultait, non d’un problème de solvabilité, mais d’une absence de liquidité qui aurait pu être résolue par l’injection de capitaux par les « fonds européens » lors de l’augmentation de capital qui avait été envisagée par Banco Popular. Elles relèvent qu’il aurait été possible d’envisager une augmentation de capital de Banco Popular à laquelle Banco Santander aurait souscrit.
61 Il suffit de constater que cet argument est purement spéculatif en ce qu’il s’appuie sur l’hypothèse que l’augmentation de capital qui avait été envisagée par Banco Popular antérieurement à l’adoption du dispositif de résolution aurait pu se réaliser. En outre, les requérantes n’expliquent pas à quel type de mesures relevant de la compétence du CRU ou de la Commission elles font référence, ni quels sont les « fonds européens » qui auraient pu participer à cette augmentation de capital et sur quel fondement ils auraient pu le faire.
62 En tout état de cause, il convient de relever qu’une augmentation de capital s’appuie sur l’hypothèse que le manque de liquidité de Banco Popular aurait été dû à une décapitalisation. Or, il suffit de rappeler que le manque de liquidité de Banco Popular résultait d’une fuite massive des dépôts causée par une perte de confiance des déposants et que seule une mesure susceptible de générer rapidement suffisamment de liquidités pour permettre à Banco Popular de faire face à ses échéances le 7 juin 2017 devait être considérée comme une solution alternative viable. Les requérantes n’ont pas démontré que tel aurait été le cas de l’augmentation de capital qu’elles invoquent, laquelle, par ailleurs, est purement hypothétique et aurait été, en tout état de cause, postérieure à cette date (arrêt du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 194).
63 Partant, les requérantes n’expliquent pas de quelle manière cette augmentation de capital aurait pu se concrétiser dans un délai suffisamment bref pour permettre un apport de liquidités susceptible d’éviter la défaillance de Banco Popular, ni de quelle manière elle aurait été en mesure d’endiguer les fuites de dépôts et de restaurer la position de liquidité de Banco Popular à long terme. Les requérantes n’ont donc pas démontré qu’une augmentation de capital constituait une solution alternative viable à la résolution de Banco Popular (arrêt du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 206).
64 Enfin, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous b), du règlement no 806/2014, dans le cadre du dispositif de résolution, lors de l’utilisation des instruments de résolution, le CRU peut recourir au FRU uniquement dans la mesure nécessaire à l’application effective des instruments de résolution aux fins, notamment, d’accorder des prêts à l’établissement soumis à une procédure de résolution. Il en ressort clairement que cette possibilité ne peut être envisagée que dans le cadre d’une mesure de résolution et ne constitue en aucun cas une mesure alternative à celle-ci (arrêts du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 227, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 694).
65 Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
Sur le deuxième moyen, tiré de violation des droits de la défense
66 Les requérantes font valoir que la résolution de Banco Popular se fonde sur la valorisation 2 concernant la valeur éventuelle de Banco Popular en cas de liquidation dans le cadre d’une procédure de faillite. Le dispositif de résolution n’indiquerait pas à quelle valeur a abouti cette valorisation. Elles s’interrogent sur la possibilité de priver les actionnaires de leurs valeurs mobilières au motif que leurs actions valaient zéro euro sur la base d’un rapport « provisoire ». Elles soutiennent que le FROB, après avoir consulté le CRU, a refusé de leur communiquer la valorisation 2. Elles ajoutent que les informations relatives à Banco Popular, à ses filiales, à ses activités et à ses actifs, qui ont été transmises à plusieurs banques dans le cadre de la procédure de vente initiée par le FROB, ne seraient pas confidentielles à l’égard des actionnaires et des créanciers affectés par la résolution de Banco Popular.
67 D’une part, il y a lieu de relever que les requérantes ne font pas valoir un refus du CRU de leur communiquer la valorisation 2 ou d’autres documents figurant dans le dossier de résolution. En effet, elles ne prétendent pas avoir présenté au CRU une demande visant à ce que des documents leur soient communiqués, mais invoquent uniquement une décision émanant du FROB.
68 D’autre part, les requérantes ne précisent pas quelles sont les explications figurant dans le dispositif de résolution qui seraient insuffisantes pour en comprendre la portée. Elles n’indiquent pas quelle partie du raisonnement suivi par le CRU dans le dispositif de résolution ou par la Commission dans la décision attaquée ne serait pas suffisamment claire. Les requérantes n’ont donc pas établi que l’accès à la valorisation 2 ou à d’autres documents était nécessaire à l’exercice de leurs droits de la défense.
69 Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes repose sur une compréhension erronée de la méthodologie utilisée dans la valorisation 2. En effet, la valorisation 2 comporte deux parties, une première contenant la valorisation provisoire de Banco Popular et une seconde consistant en une simulation de scénario de liquidation. La première partie vise à déterminer la valeur économique de Banco Popular dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. La seconde partie a pour objet de déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole (arrêts du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 333, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 603).
70 Le CRU a adopté le dispositif de résolution en prenant en compte la première partie de la valorisation 2 contenant la valorisation des actifs et du passif de Banco Popular proprement dite. En revanche, l’évaluateur ayant précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade, la seconde partie de la valorisation 2 correspond à une première simulation, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014. La valorisation définitive visant à déterminer si les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité, au titre de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, a été réalisée postérieurement à la résolution (arrêts du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 334, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 604).
71 Or, dans la première partie de la valorisation 2, sur laquelle s’est fondé le CRU pour adopter le dispositif de résolution, l’évaluateur a pris en compte la valeur de cession de Banco Popular et non une valeur de liquidation (arrêts du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU, T‑523/17, EU:T:2022:313, point 337, et du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 605).
72 Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la valeur de liquidation de Banco Popular ne figurait pas dans le dispositif de résolution est inopérant.
73 De plus, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des points 48 à 51 ci-dessus que le dispositif de résolution ne fixe pas définitivement la valeur des actions de Banco Popular, laquelle dépend de la valorisation définitive qui est effectuée au titre de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, postérieurement à la résolution.
74 En outre, les requérantes n’expliquent pas quelle serait la pertinence pour contester le dispositif de résolution et la décision attaquée des documents fournis par le FROB à différentes banques dans le cadre de la procédure de vente que ce dernier avait lancée.
75 À cet égard, il convient de rappeler que l’évaluation figurant dans la valorisation 2 concerne la valeur de cession de Banco Popular, laquelle correspond à ce qu’un acquéreur potentiel serait disposé à payer pour Banco Popular dans les circonstances existant à la date de l’adoption du dispositif de résolution. Il s’agit donc de la valeur économique de Banco Popular et non pas de sa valeur comptable (arrêt du 1er juin 2022, Aeris Invest/Commission et CRU, T‑628/17, EU:T:2022:315, point 343).
76 De plus, il convient de relever que la Cour a considéré que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit, dans l’arrêt du 1er juin 2022, Eleveté Invest Group e.a./Commission et CRU (T‑523/17, EU:T:2022:313), en jugeant que les parties requérantes ne pouvaient pas invoquer un droit d’accès aux versions intégrales du dispositif de résolution litigieux, de la valorisation 2 et d’autres documents préparatoires, dans la mesure où ces versions intégrales contenaient des informations confidentielles (arrêt du 4 octobre 2024, García Fernández e.a./Commission et CRU, C‑541/22 P, EU:C:2024:820, point 117).
77 Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
Sur le troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir
78 Les requérantes indiquent qu’il découle du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, l’obligation d’utiliser les pouvoirs des autorités ou des organismes uniquement pour les fins concrètes pour lesquelles ces pouvoirs ont été octroyés. Le fait de s’éloigner de ces objectifs ou toute autre illégalité commise constitueraient un détournement de pouvoir. Elles soutiennent qu’elles ont exposé des faits et des comportements qui ne peuvent s’expliquer par la recherche des objectifs poursuivis par le législateur. À cet égard, les requérantes considèrent que le déroulement des faits, à savoir l’adoption du dispositif de résolution et de la décision attaquée ainsi que la vente de Banco Popular à Banco Santander par le FROB le même jour, le 7 juin 2017, ne serait pas « croyable » et étayerait les allégations de détournement de pouvoir.
79 La Commission fait valoir que ce moyen est irrecevable sur le fondement de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, dans la mesure où les requérantes n’expliquent pas dans la requête en quoi consisterait le détournement de pouvoir invoqué.
80 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêts du 8 mars 2023, Assaad/Conseil, T‑426/21, EU:T:2023:114, point 181 et jurisprudence citée, et du 11 septembre 2024, CQ/Cour des comptes, T‑386/19, EU:T:2024:613, point 464 et jurisprudence citée).
81 Selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, qu’il a été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause a été conféré ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêts du 8 décembre 2020, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑620/18, EU:C:2020:1001, point 82 et jurisprudence citée, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 208 et jurisprudence citée).
82 Or, dans la requête, les requérantes n’invoquent aucun élément permettant d’établir que la Commission aurait adopté la décision attaquée dans un autre objectif que celui d’approuver le dispositif de résolution conformément aux objectifs prévus par le règlement no 806/2014, ni n’indiquent ce que pourrait être cet autre objectif.
83 De même, elles ne soulèvent aucun argument visant à établir quel autre objectif que l’un de ceux prévus par le règlement no 806/2014 le CRU aurait poursuivi en adoptant le dispositif de résolution.
84 En outre, il y a lieu de rappeler, comme indiqué au point 37 ci-dessus, que le Tribunal n’est pas compétent s’agissant des agissements du FROB.
85 Par ailleurs, s’agissant de la célérité de la procédure de résolution, il suffit de relever qu’elle est prévue par le règlement no 806/2014 et ne saurait constituer un détournement de procédure. En particulier, l’article 18, paragraphe 7, du règlement no 806/2014 prévoit que la Commission doit approuver le dispositif de résolution dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la transmission de celui-ci par le CRU.
86 Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle la résolution de Banco Popular constituerait un détournement de pouvoir dans la mesure où Banco Popular aurait pu procéder à une augmentation de capital, à laquelle Banco Santander aurait pu souscrire pour 7 milliards d’euros, il suffit de rappeler qu’il s’agit d’un argument purement spéculatif dans la mesure où une telle augmentation de capital, qui ne dépendait ni du CRU ni de la Commission, n’a pas été effectuée avant l’adoption du dispositif de résolution.
87 Il s’ensuit que ce moyen est simplement énoncé sans être étayé par une argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, et qu’il doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
88 Partant, la demande d’annulation de la décision attaquée doit être rejetée dans son ensemble comme étant manifestement dépourvue de tout fondement en droit.
89 Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par le Royaume d’Espagne, Banco Popular et Banco Santander.
Sur les dépens
90 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
91 Les requérantes ayant succombé dans leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et le CRU, conformément aux conclusions de ceux-ci.
92 En application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens afférents à sa demande d’intervention. Banco Santander ayant succédé à titre universel à Banco Popular le 28 septembre 2018, elle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Banco Popular afférents à leurs demandes d’intervention.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre)
ordonne :
1) Le recours est rejeté.
2) Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention du Royaume d’Espagne, de Banco Santander, SA et de Banco Popular Español, SA.
3) Remolcadores Nosa Terra, SA, Grupo Nosa Terra 2000, SLU, Hospital Povisa, SA et Industrias Lácteas Asturianas, SA sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et le Conseil de résolution unique (CRU).
4) Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens afférents à sa demande d’intervention.
5) Banco Santander supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Banco Popular Español afférents à leurs demandes d’intervention.
Fait à Luxembourg, le 21 juillet 2025.