ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR
23 juillet 2025 (*)
« Référé – Pourvoi – Articles 278 et 279 TFUE – Demande de sursis à exécution – Demande de suspension des effets des dispositions d’un règlement annulées par le Tribunal de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1925/2006 – Interdiction et mise sous contrôle de certaines substances et préparations contenant des dérivés hydroxyanthracéniques – Règlement (UE)°2021/468 – Article 1er, point 1, première et deuxième mentions, et point 2, première et deuxième mentions – Urgence »
Dans l’affaire C‑54/25 P-R,
ayant pour objet une demande de sursis à exécution au titre des articles 278 et 279 TFUE, introduite le 26 février 2025,
Commission européenne, représentée par Mmes S. Delaude, I. Galindo Martín, B. Rous Demiri et F. van Schaik, en qualité d’agents,
partie requérante au pourvoi,
l’autre partie à la procédure étant :
Ortis SA, établie à Bütgenbach (Belgique), représentée par Me A. de Brosses, avocat,
partie demanderesse en première instance et dans la présente procédure,
LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,
l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par sa demande en référé, Ortis SA demande à la Cour d’ordonner la suspension des effets de l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, et point 2, première et deuxième mentions, du règlement (UE) 2021/468 de la Commission, du 18 mars 2021, modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les espèces végétales contenant des dérivés hydroxyanthracéniques (JO 2021, L 96, p. 6) (ci‑après les « dispositions litigieuses du règlement 2021/468 »).
2 Cette demande est présentée parallèlement au pourvoi, introduit le 27 janvier 2025 par la Commission européenne, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2024, Ortis/Commission (T‑271/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:804), qui a annulé les dispositions litigieuses du règlement 2021/468.
Le cadre juridique
Le règlement no 1925/2006
3 L’article 8 du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (JO 2006, L 404, p. 26), tel que modifié par le règlement (UE) 2017/1203 de la Commission, du 5 juillet 2017 (JO 2017, L 173, p. 9) (ci-après, le « règlement no 1925/2006 »), intitulé « Substances faisant l’objet d’interdictions, de restrictions ou sous contrôle communautaire », dispose, à son paragraphe 2 :
« De sa propre initiative ou sur la base des informations communiquées par les États membres, la Commission peut prendre la décision, destinée à modifier des éléments non essentiels de ce règlement, après une évaluation dans chaque cas par [l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)] des informations disponibles, en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 14, paragraphe 3, d’inscrire, si nécessaire, la substance ou l’ingrédient à l’annexe III. En particulier :
a) si un effet nocif pour la santé a été identifié, la substance et/ou l’ingrédient la contenant est inscrit :
i) soit à l’annexe III, partie A, et son adjonction à des aliments ou son utilisation dans la fabrication d’aliments est interdite ;
ii) soit à l’annexe III, partie B, et son adjonction à des aliments ou son utilisation dans la fabrication d’aliments n’est autorisée que dans les conditions qui y sont spécifiées ;
b) si la possibilité d’effets nocifs pour la santé est identifiée, mais qu’il subsiste une incertitude scientifique, la substance est inscrite à l’annexe III, partie C.
Pour des raisons d’urgence impérieuse, la Commission peut appliquer la procédure d’urgence visée à l’article 14, paragraphe 4, pour inscrire la substance ou l’ingrédient à l’annexe III, partie A ou B. »
4 L’annexe III du règlement no 1925/2006, intitulée « Substances dont l’utilisation dans les aliments fait l’objet d’une interdiction, de restrictions ou est sous contrôle communautaire », prévoit :
« Partie A – Substances interdites :
[...]
Partie B – Substances faisant l’objet de restrictions
Partie C – Substances sous contrôle communautaire
[...] »
Le règlement 2021/468
5 Les considérants 8 à 11 du règlement 2021/468 énoncent :
« (8) Étant donné que les extraits peuvent contenir de l’aloe-émodine et de l’émodine, l’[EFSA] a estimé que les dérivés hydroxyanthracéniques [(ci-après les “DHA”)] devraient être considérés comme génotoxiques et cancérogènes, sauf s’il existe des données spécifiques établissant que ce n’est pas le cas, et que les extraits contenant des [DHA] posent un problème de sécurité bien que l’incertitude persiste. L’[EFSA] n’a pas été en mesure de recommander, pour les [DHA], une dose journalière ne suscitant pas d’inquiétude pour la santé humaine.
(9) Eu égard aux effets nocifs graves sur la santé qui sont associés à l’utilisation dans les denrées alimentaires d’aloe-émodine [et] d’émodine [...] et étant donné qu’aucune dose journalière ne suscitant pas d’inquiétude pour la santé humaine n’a pu être fixée pour les [DHA], il convient d’interdire ces substances. Par conséquent, il y a lieu d’inscrire l’aloe-émodine [et] l’émodine [...] à l’annexe III, partie A, du [règlement no 1925/2006].
(10) Pendant la fabrication, les [DHA] peuvent être éliminés des préparations végétales au moyen d’une série de procédés de filtrage qui permettent d’obtenir des produits qui ne contiennent que des traces de ces substances sous forme d’impuretés.
(11) Étant donné que l’utilisation dans les denrées alimentaires de Rheum, Cassia et Rhamnus et de leurs préparations peut avoir des effets nocifs sur la santé, mais que l’incertitude scientifique persiste quant à savoir si de telles préparations contiennent les substances énumérées à l’annexe III, partie A, du [règlement no 1925/2006], il convient de placer ces substances sous contrôle de l’Union [européenne] et, par conséquent, de les inscrire à l’annexe III, partie C, du [règlement no 1925/2006]. »
6 L’article 1er du règlement 2021/468 prévoit :
« L’annexe III du [règlement no 1925/2006] est modifiée comme suit :
1) Dans la partie A, les mentions suivantes sont insérées dans l’ordre alphabétique :
“Aloe-émodine et toutes les préparations dans lesquelles cette substance est présente” ;
“Émodine et toutes les préparations dans lesquelles cette substance est présente” ;
[...]
2) Dans la partie C, les mentions suivantes sont insérées dans l’ordre alphabétique :
“Préparations à partir de racines ou de rhizomes de Rheum palmatum L, de Rheum officinale Baillon et de leurs hybrides contenant des [DHA]” ;
“Préparations à partir de feuilles ou de fruits de Cassia senna L contenant des [DHA]” ;
[...] »
Les antécédents du litige
7 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 17 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés dans les termes qui suivent.
8 La requérante est une société établie en Belgique, qui fabrique et commercialise des compléments alimentaires composés de séné (Cassia angustifolia Vahl) et de rhubarbe (Rheum palmatum L ou Rheum officinale Baillon).
9 Le 29 juin 2016, la Commission a demandé à l’EFSA d’évaluer les informations disponibles sur la sécurité d’utilisation des DHA de toutes sources dans les denrées alimentaires. Elle a également invité cette autorité à recommander une dose journalière pour les DHA ne suscitant pas d’inquiétudes quant à d’éventuels effets nocifs sur la santé pour la population en général et, le cas échéant, pour les sous-groupes vulnérables de celle-ci. Les DHA forment une catégorie de substances chimiques à structure hétérogène et différente et sont naturellement présents dans différentes espèces végétales, telles que certaines espèces d’Aloe ainsi que dans certains fruits et légumes. Ils sont largement utilisés dans les compléments alimentaires et les médicaments à base de plantes pour leur effet laxatif.
10 Le 22 novembre 2017, l’EFSA a adopté un avis scientifique, intitulé « Safety of hydroxyanthracene derivates for use in food » (Sécurité des dérivés hydroxyanthracéniques utilisés dans l’alimentation), dont les conclusions sont reprises au point 6 de l’arrêt attaqué comme suit :
« “[L]es hydroxyanthracènes, l’émodine, l’aloe-émodine et la substance de structure apparentée qu’est la dantrone [se sont] révélés génotoxiques in vitro. Les extraits d’Aloe se sont également révélés génotoxiques in vitro, en raison, très probablement – au moins partiellement –, selon les conclusions du groupe d’experts, des [DHA] qu’ils contiennent. Toutefois, le groupe d’experts a également noté que les extraits d’Aloe appauvris en hydroxyanthracènes contenaient un ou plusieurs composants génotoxiques supplémentaires.
En outre, il a été démontré que l’aloe-émodine était génotoxique chez les souris, que l’extrait de feuilles entières d’Aloe était cancérogène pour les rats et qu’il existait des preuves de cancérogénicité de la dantrone, qui est un analogue structural, chez les deux espèces de rongeurs. Étant donné que les extraits p[ouvai]ent contenir de l’aloe–émodine et de l’émodine, le groupe d’experts a estimé que les [DHA] devraient être considérés comme génotoxiques et cancérogènes, sauf s’il exist[ait] des données spécifiques établissant que ce n’[était] pas le cas, comme pour la rhéine, et que les extraits contenant des [DHA] pos[ai]ent un problème de sécurité [malgré] l’incertitude persist[ante]. Le groupe d’experts n’a pas été en mesure de formuler des avis sur une absorption alimentaire de [DHA] qui ne suscit[ait] pas de préoccupations quant aux effets nocifs [sur] la santé pour la population en général et, le cas échéant, pour les sous-groupes vulnérables de la population.” »
11 Le 22 juin 2018, sur le fondement de ces conclusions, la Commission a présenté une proposition initiale de règlement en vue d’une discussion avec un groupe d’experts sur les compléments alimentaires et les aliments enrichis.
12 Le 4 mars 2020, un projet de règlement a été soumis à une consultation publique afin d’offrir à toutes les parties intéressées la possibilité de donner leur avis. Il prévoyait, d’une part, d’interdire notamment l’adjonction à des aliments ou l’utilisation dans la fabrication d’aliments de l’« aloe-émodine et [de] tous les extraits dans lesquels cette substance est présente » ainsi que de l’« émodine et [de] tous les extraits dans lesquels cette substance est présente » et, d’autre part, la mise sous contrôle de l’Union, notamment, des « extraits de racine, de rhizome de Rheum palmatum L, de Rheum officinale Baillon et de leurs hybrides contenant des [DHA] ».
13 Le 18 mars 2021, la Commission a adopté le règlement 2021/468, par lequel elle a notamment, à l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, de celui-ci, inscrit l’aloe-émodine et l’émodine ainsi que toutes les préparations dans lesquelles ces substances sont présentes à l’annexe III, partie A, du règlement no 1925/2006. En outre, à l’article 1er, point 2, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468, la Commission a inscrit les préparations à partir de racines ou de rhizomes de Rheum palmatum L, de Rheum officinale Baillon et de leurs hybrides contenant des DHA ainsi que les préparations à partir de feuilles ou de fruits de Cassia senna L contenant des DHA à l’annexe III, partie C, du règlement no 1925/2006.
Les conclusions des parties
14 Ortis demande la Cour :
– de suspendre les effets des dispositions litigieuses du règlement 2021/468 jusqu’à ce que la Cour statue sur le pourvoi et
– de condamner la Commission aux dépens.
15 La Commission demande à la Cour :
– de rejeter la demande en référé et
– de réserver les dépens.
Sur la demande de référé
16 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 60, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi contre un arrêt du Tribunal n’a pas, en principe, d’effet suspensif. Toutefois, l’article 60, second alinéa, de ce statut dispose que, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi prévu à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci, sans préjudice de la faculté pour une partie de saisir la Cour, en vertu des articles 278 et 279 TFUE, d’une demande tendant à la suspension des effets du règlement annulé ou à la prescription de toute autre mesure provisoire (ordonnance du vice-président de la Cour du 7 juillet 2016, Commission/Bilbaína de Alquitranes e.a., C‑691/15 P-R, EU:C:2016:597, point 16).
17 Conformément à l’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, une mesure provisoire ne peut être accordée par le juge des référés que s’il est établi que son octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris), et qu’elle est urgente, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’elle soit édictée et produise ses effets dès avant la décision au fond. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée lorsque l’une de ces conditions fait défaut [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 11 avril 2024, Vivendi/Commission, C‑90/24 P(R), EU:C:2024:318, point 56].
18 En l’espèce, il convient d’examiner d’emblée la condition relative à l’urgence.
Argumentation
19 En ce qui concerne la condition relative à l’urgence, Ortis soutient que, si les dispositions litigieuses du règlement 2021/468 n’étaient pas suspendues jusqu’à ce que la Cour statue sur le pourvoi, elle subirait un préjudice grave et irréparable consistant en une atteinte à son image et en une perte de revenus de nature à entraîner sa disparition.
20 À cet égard, Ortis fait valoir que l’interdiction d’utiliser l’aloe-émodine et l’émodine dans les denrées alimentaires qui résulte de ces dispositions litigieuses implique l’arrêt de la commercialisation des compléments alimentaires de sa gamme « Fruits & Fibres ». En effet, il serait impossible de démontrer l’absence d’aloe-émodine et d’émodine dans ces compléments alimentaires, parce que ces substances peuvent être naturellement présentes dans les racines de rhubarbe à partir desquelles ils sont fabriqués. En outre, les méthodes d’analyse appliquées pour vérifier la présence desdites substances ne donneraient pas de résultats stables.
21 Ortis indique que la vente desdits compléments alimentaires génère, selon les années, entre 60 et 68 % de son chiffre d’affaires et de sa marge brute réalisée sur ses ventes. En outre, l’arrêt de leur commercialisation affecterait la quasi-totalité de ses clients qui, à plus de 96 %, se fourniraient dans cette gamme de produits.
22 Ortis soutient qu’une telle situation la conduirait rapidement à une cessation de paiement. En effet, en tant qu’entreprise familiale, elle ne disposerait pas du soutien financier d’un groupe et sa santé financière serait déjà fragile. En outre, sa trésorerie ne serait pas significative, les lignes de crédit dont elle disposerait ne permettraient de couvrir que 28 jours de pertes d’exploitation et le recours à de nouveaux crédits serait exclu. Quant aux revenus attendus des livraisons déjà effectuées de produits de la gamme « Fruits & Fibres » ainsi que des autres gammes de produits, ils seraient également insuffisants pour couvrir ses coûts.
23 Ortis ajoute qu’elle ne pourrait pas non plus faire face à ses échéances financières en développant des produits de substitution. À cet égard, elle fait valoir que l’interdiction des produits « Fruits & Fibres » n’était pas prévisible jusqu’à l’été 2023, lorsque des autorités nationales de sécurité alimentaire ont décelé la présence des DHA, et que le développement et la mise sur le marché d’une nouvelle gamme de produits impliquent un processus lent, coûteux et au résultat incertain.
24 La Commission soutient que la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite.
25 En particulier, sur le site Internet d’Ortis, il n’apparaîtrait pas clairement que les produits les plus vendus de celle-ci soient les cinq produits de la gamme « Fruits & Fibres Regular », ceux-ci n’étant pas mentionnés dans la liste des « meilleures ventes » affichée sur ce site Internet.
26 En outre, il ressortirait de la demande en référé qu’Ortis avait des difficultés à dégager des profits avant même les rappels et retraits de produits ordonnés par les autorités de contrôle nationales au cours des années 2023 et 2024. Quant aux projections financières, exposées aux points 38 à 41 de la demande en référé, elles seraient établies par rapport à une situation distincte de pertes d’exploitation résultant de dégâts matériels ou de disparition des biens de l’entreprise concernée.
27 La Commission se réfère également à l’ordonnance du vice-président de la Cour du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission [C‑170/16 P(R), EU:C:2016:462], pour faire valoir que, dans le cadre d’un marché hautement réglementé et susceptible d’une intervention rapide des autorités compétentes, lorsque des risques pour la santé publique apparaissent, il incombe aux entreprises concernées de se prémunir des conséquences de celle-ci par une politique appropriée.
Appréciation
28 Selon une jurisprudence constante, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour établir l’existence d’un tel préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue. Il suffit que celui‑ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 60 et jurisprudence citée).
29 En outre, le juge des référés doit postuler, aux seules fins de l’appréciation de l’urgence et sans que cela implique une quelconque prise de position de sa part quant au bien-fondé des griefs soulevés au fond par le demandeur en référé, que ces griefs sont susceptibles d’être accueillis. En effet, le préjudice grave et irréparable dont la survenance probable doit être établie est celui qui résulterait, le cas échéant, du refus d’accorder les mesures provisoires sollicitées dans l’hypothèse où le recours au fond aboutirait par la suite (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 61 et jurisprudence citée).
30 S’il est exact que, pour établir l’existence de ce préjudice, il n’est certes pas nécessaire d’exiger que la survenance et l’imminence de celui-ci soient établies avec une certitude absolue et qu’il suffit que ledit préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 29 avril 2025, Advanz Pharma/Commission, C‑859/24 P(R), EU:C:2025:315, point 44 et jurisprudence citée].
31 À cet égard, il convient d’ores et déjà de constater qu’Ortis n’a pas respecté cette exigence en ce qui concerne le préjudice d’atteinte à son image, allégué au point 34 de la demande en référé. En effet, elle ne fournit pas dans cette demande d’indications de nature à démontrer la probabilité de celui-ci.
32 Quant au préjudice de mise en péril de sa viabilité financière, également allégué par Ortis et résultant de la perte de revenus causée par l’arrêt de la commercialisation de ses produits de la gamme « Fruits & Fibres », il convient, en premier lieu, de constater que l’article 1er, point 2, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468, qui a modifié la partie C de l’annexe III du règlement no 1925/2006, relative aux substances sous contrôle, n’a pas pour effet d’interdire la commercialisation de produits contenant de telles substances. Dès lors, l’article 1er, point 2, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468 ne saurait être à l’origine de ce préjudice.
33 Il s’ensuit que la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite pour ce qui concerne la demande de suspension de cette disposition.
34 S’agissant de l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468, qui a inscrit l’aloe-émodine et l’émodine ainsi que toutes les préparations dans lesquelles ces substances sont présentes à l’annexe III, partie A, du règlement no 1925/2006, son exécution immédiate a pour effet d’interdire l’utilisation de ces substances et préparations dans les denrées alimentaires.
35 Or, aux points 15 et 16 de la demande en référé, Ortis fait valoir notamment, sans que cela soit contesté par la Commission, que les compléments alimentaires relevant de sa gamme « Fruits & Fibres » comportent de telles substances, parce qu’elles sont naturellement présentes dans les racines de rhubarbe Rheum palmatum L, Rheum officinale Baillon à partir desquelles ces produits sont fabriqués, dont la fonction physiologique est d’améliorer le transit intestinal. À ce point 16, Ortis précise que ce constat est confirmé par « diverses analyses » et elle renvoie notamment au rapport d’essai du 18 mai 2021, qu’elle a fait réaliser pour le produit « Frutta & Fibre Classico », figurant à l’annexe A.5.9 de ses écritures dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ayant donné lieu à l’arrêt attaqué.
36 Il ressort également du dossier soumis à la Cour, et en particulier des points 6 à 9 de la demande de référé ainsi que des points 16 à 22 des observations de la Commission, que les autorités belges, françaises et luxembourgeoises, compétentes pour effectuer les contrôles officiels des denrées alimentaires en application des articles 137 et 138 du règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2017, concernant les contrôles officiels et les autres activités officielles servant à assurer le respect de la législation alimentaire et de la législation relative aux aliments pour animaux ainsi que des règles relatives à la santé et au bien-être des animaux, à la santé des végétaux et aux produits phytopharmaceutiques, modifiant les règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) no 999/2001, (CE) no 396/2005, (CE) no 1069/2009, (CE) no 1107/2009, (UE) no 1151/2012, (UE) no 652/2014, (UE) 2016/429 et (UE) 2016/2031, les règlements du Conseil (CE) no 1/2005 et (CE) no 1099/2009 ainsi que les directives du Conseil 98/58/CE, 1999/74/CE, 2007/43/CE, 2008/119/CE et 2008/120/CE, et abrogeant les règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) no 854/2004 et (CE) no 882/2004, les directives du Conseil 89/608/CEE, 89/662/CEE, 90/425/CEE, 91/496/CEE, 96/23/CE, 96/93/CE et 97/78/CE ainsi que la décision 92/438/CEE du Conseil (JO 2017, L 95, p. 1), se sont fondées sur l’interdiction d’utiliser l’aloe-émodine et l’émodine dans les denrées alimentaires résultant du règlement 2021/468, pour adopter, au cours des années 2023 et 2024, des décisions de rappels et de retraits de produits de la gamme « Fruits & Fibres » d’Ortis. Au point 20 de ses observations, la Commission se réfère également à une décision de l’autorité de contrôle de sécurité alimentaire belge, du 16 mai 2024, par laquelle cette autorité a également demandé à Ortis de mettre en place un « plan d’action » afin de prouver la conformité au règlement no 1925/2006 de tous ses lots et compléments alimentaires contenant un extrait de rhubarbe Rheum palmatum L et/ou Rheum officinale Baillon ainsi que leurs hybrides.
37 Eu égard aux éléments qui précèdent, il paraît dès lors probable que, ainsi que l’allègue Ortis, l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468 interdise à celle-ci de commercialiser sa gamme de produits « Fruits & Fibres ».
38 En deuxième lieu, il importe de relever que le préjudice mentionné au point 32 de la présente ordonnance constitue un préjudice purement financier.
39 À cet égard, il convient de rappeler que le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. Cette partie est ainsi tenue de fournir, pièces justificatives à l’appui, les éléments de preuve et d’information permettant d’établir une image fidèle et globale de sa situation financière [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 29 avril 2025, Advanz Pharma/Commission, C‑859/24 P(R), EU:C:2025:315, point 45 et jurisprudence citée].
40 Ces exigences sont notamment applicables à un préjudice d’ordre financier, qui ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur le fondement des articles 268 et 340 TFUE [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 29 avril 2025, Advanz Pharma/Commission, C‑859/24 P(R), EU:C:2025:315, point 46 et jurisprudence citée].
41 Ainsi, lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [ordonnance du vice-président de la Cour du 29 avril 2025, Advanz Pharma/Commission, C‑859/24 P(R), EU:C:2025:315, point 47 et jurisprudence citée].
42 Il importe d’ajouter que, dans le cadre de cette appréciation, le juge des référés doit pouvoir prendre en compte la situation financière des actionnaires de l’entreprise, sur la base de pièces justificatives permettant d’évaluer celle-ci, afin de vérifier s’il est probable que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ne peut pas être évitée par l’intervention de ces derniers (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 30 novembre 2021, Land Rheinland-Pfalz/Deutsche Lufthansa, C‑466/21 P-R, EU:C:2021:972, point 55).
43 En effet, les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales, qui la contrôlent ou sont membres du même groupe. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 20 avril 2012, Fapricela/Commission, C‑507/11 P(R), EU:C:2012:231, point 34 et jurisprudence citée].
44 Il appartient, dès lors, à la partie qui se prévaut du risque de mise en péril de sa viabilité financière de fournir des éléments de preuve permettant au juge des référés d’établir une image fidèle et globale de sa situation financière ainsi que de celle des actionnaires qui la contrôlent (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 17 mars 2023, LE/Commission, C‑781/22 P-R, EU:C:2023:226, points 27 et 28 ainsi que jurisprudence citée). Ces indications doivent être concrètes et précises ainsi qu’étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 20 avril 2012, Fapricela/Commission, C‑507/11 P(R), EU:C:2012:231, point 35 et jurisprudence citée].
45 En l’espèce, Ortis précise en particulier que les ventes de produits de la gamme « Fruits & Fibres » concernés représentent près des deux tiers de son chiffre d’affaires et qu’une telle perte de revenus l’empêcherait de couvrir ses coûts, ce qui entraînerait rapidement sa cessation de paiement.
46 S’agissant de ce préjudice, il convient de relever, tout d’abord, que les projections financières indiquées aux points 38 à 41 de la demande en référé, pour calculer le montant des coûts fixes qui devraient continuer à être couverts par Ortis en cas d’arrêt de la commercialisation de ces produits, apparaissent établies sur la base d’un contrat d’assurance qui a été souscrit par cette société pour faire face à une situation de pertes d’exploitation liée à des dégâts matériels de ses biens ou à la disparition de ceux-ci, par exemple à la suite d’un incendie. Or, la situation visée par ce contrat d’assurance est différente de celle en cause en l’espèce, dans laquelle la commercialisation de certains des produits de l’entreprise concernée est probablement interdite.
47 Ensuite, la seule circonstance qu’Ortis ne serait pas en mesure de couvrir ses coûts en cas d’arrêt de la commercialisation de ses produits de la gamme « Fruits & Fibres », à la supposer établie, ne suffit pas pour démontrer qu’une telle situation entraînerait nécessairement l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. En effet, il importe que cette société démontre également qu’elle ne pourrait pas disposer, sur la base de ses propres réserves financières, de prêts octroyés par des établissements bancaires ou d’un soutien financier de ses actionnaires, des fonds nécessaires pour éviter cette procédure (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 30 novembre 2021, Land Rheinland-Pfalz/Deutsche Lufthansa, C‑466/21 P-R, EU:C:2021:972, point 54).
48 À cet égard, Ortis a certes donné des indications pour faire valoir que sa trésorerie, les lignes de crédit dont elle dispose et les revenus des produits « Fruits & Fibres » déjà livrés ainsi que les revenus attendus d’autres gammes de produits ne suffiraient pas à couvrir ses coûts.
49 Cependant, Ortis n’a fourni aucune information précise, étayée par des pièces justificatives, permettant de confirmer son allégation, au point 50 de la demande en référé, selon laquelle le recours à de nouveaux crédits serait, dans un tel contexte, exclu.
50 Enfin, s’il ressort de l’annexe 14 de la demande en référé que les deux actionnaires principaux d’Ortis détiennent, chacun, 43,8880 % du capital de celle‑ci, Ortis n’a pas donné d’informations sur la capacité financière de ces derniers permettant d’apprécier s’ils pourraient prendre les mesures financières nécessaires pour éviter l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité le temps que la Cour statue sur le pourvoi. Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée aux points 42 à 44 de la présente ordonnance, de telles informations sont nécessaires au juge des référés pour apprécier le risque d’insolvabilité de cette entreprise. En l’espèce, elles apparaissent d’autant plus essentielles que, ainsi qu’il ressort en particulier du point 35 de la demande en référé, Ortis est détenue par la même famille depuis deux générations, ce qui permet de présumer l’attachement particulier de celle-ci à la pérennité de ladite entreprise.
51 Il résulte, par conséquent, de ce qui précède qu’Ortis n’a pas démontré à suffisance la probabilité que l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ne pourrait pas être évitée avant que la Cour ne statue sur le pourvoi et n’a donc pas établi qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice financier grave et irréparable.
52 En troisième lieu, à supposer même qu’il ne puisse pas être exclu qu’un tel préjudice se produise, il convient également de tenir compte de la circonstance que cette entreprise opère sur le marché des denrées alimentaires qui, comme le relève la Commission, est hautement réglementé [voir, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 108].
53 Or, la Cour a jugé que, dans le cadre d’un marché hautement réglementé et susceptible d’une intervention rapide des autorités compétentes lorsque des risques pour la santé publique apparaissent, pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles, il incombe aux entreprises concernées, sauf à devoir supporter elles-mêmes le préjudice résultant d’une telle intervention, de se prémunir contre les conséquences de celle-ci par une politique appropriée [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 109, ainsi que ordonnance du vice-président de la Cour du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), EU:C:2016:462, point 29].
54 En l’espèce, dans son avis scientifique du 9 octobre 2013, relatif à la justification scientifique d’une allégation de santé relative aux DHA et à l’amélioration de la fonction intestinale, l’EFSA a estimé que ces substances dans les denrées alimentaires pouvaient améliorer la fonction intestinale, mais a déconseillé leur usage prolongé et leur consommation à des doses élevées en raison d’éventuels problèmes de sécurité comme le danger de déséquilibre électrolytique, de dysfonctionnement intestinal et de dépendance aux laxatifs. En outre et surtout, dans son avis scientifique du 22 novembre 2017, qui portait sur l’évaluation de la sécurité d’utilisation desdites substances dans les denrées alimentaires, cette autorité a constaté que les DHA que sont, notamment, l’aloe-émodine et l’émodine, étaient génotoxiques et cancérogènes et n’a pas été en mesure de recommander une dose journalière ne suscitant pas d’inquiétude pour la santé humaine.
55 Dans ce contexte, Ortis pouvait raisonnablement anticiper, à tout le moins au plus tard avec ce dernier avis, publié le 23 janvier 2018, le fait que la Commission prendrait, selon toute probabilité, la décision d’interdire l’utilisation des mêmes substances dans les denrées alimentaires par leur inscription à la partie A de l’annexe III du règlement no 1925/2006.
56 Quant à l’éventuelle présence de telles substances dans les compléments alimentaires contenant de la rhubarbe (Rheum palmatum L et Rheum officinale Baillon), le considérant 11 du règlement 2021/468 fait état de « l’incertitude scientifique » qui persistait à cet égard, de sorte que les préparations à partir de Rheum palmatum L et de Rheum officinale Baillon n’ont pas été interdites, mais ont été placées sous contrôle de l’Union par leur inscription à la partie C de l’annexe III du règlement no 1925/2006. Néanmoins, au regard de ces indications, Ortis pouvait également raisonnablement anticiper le risque de la présence d’aloe-émodine et d’émodine dans des produits fabriqués à partir de ces préparations.
57 En tout état de cause, depuis le rapport d’essai du 18 mai 2021, demandé par Ortis pour le produit « Frutta & Fibre Classico », mentionné au point 35 de la présente ordonnance, qui a révélé la présence d’aloe-émodine et d’émodine, celle-ci était consciente du fait que la conformité des produits de cette gamme avec le règlement no 1925/2006 posait question. Il ressort également de la demande en référé que cette société admet explicitement sa connaissance du problème dans le rapport de gestion de l’administrateur-délégué d’Ortis pour l’exercice 2023, figurant à l’annexe 35 de la demande en référé, dans lequel celle-ci admet être soumise à un « contexte réglementaire incertain » du fait que l’un des principaux ingrédients entrant dans la composition de l’une des gammes de produits avait été « mis en observation par une réglementation européenne publiée en mars 2021, et pourrait, à terme, voir son utilisation limitée, voire interdite ».
58 S’agissant des mesures prises par Ortis pour anticiper ce risque, celle-ci soutient, au point 67 de la demande en référé, qu’elle s’est engagée depuis l’année 2020 dans un processus de recherche et de développement d’un produit de substitution. Cependant, elle renvoie, à cet égard, à un avenant d’une convention relative à un partenariat d’innovation technologique conclu entre la Région wallonne, des universités et des entreprises, figurant à l’annexe 48 de la demande en référé, qui ne donne pas d’indications explicites sur le fait que cette entreprise se serait engagée activement dans la recherche d’un tel produit.
59 En outre, Ortis fait valoir que la découverte d’un procédé d’extraction permettant d’éliminer la présence d’aloe-émodine et d’émodine dans un produit fabriqué à partir d’un extrait de rhubarbe pourrait être vain compte tenu d’un projet, établi par la Commission, de modification du règlement no 1925/2006, figurant à l’annexe 51 de la demande en référé, pour inscrire la rhubarbe Rheum palmatum L, Rheum officinale Baillon et leurs hybrides contenant des DHA à la partie A de l’annexe III du règlement no 1925/2006. Cependant, il importe de constater qu’une telle décision, si elle devait être prise, ferait partie des évolutions réglementaires que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 53 de la présente ordonnance, l’entreprise doit également anticiper par une politique appropriée. Elle serait d’ailleurs considérée comme étant raisonnablement prévisible depuis l’inscription des préparations à partir de racines ou de rhizomes de Rheum palmatum L, de Rheum officinale Baillon ainsi que de leurs hybrides contenant des DHA à la partie C de l’annexe III du règlement no 1925/2006 par le règlement 2021/468.
60 Enfin, aux points 71 et 72 de la demande en référé, Ortis se réfère à la longueur de la procédure d’autorisation d’un médicament à usage humain et au fait qu’un tel médicament ne peut être vendu qu’en pharmacie, mais sans expliciter les raisons pour lesquelles un complément alimentaire de substitution qu’elle commercialiserait à la place des produits relevant de la gamme « Fruits & Fibres » devrait recevoir une telle qualification.
61 Il convient, dès lors, de constater qu’Ortis n’a pas démontré avoir pris les mesures appropriées pour se prémunir du risque de l’interdiction de la commercialisation de ces produits du fait de la présence d’aloe-émodine et d’émodine, telles qu’une diversification de son offre permettant de réduire sa dépendance économique alléguée à l’égard desdits produits ou la recherche active de solutions permettant d’éviter leur risque de non-conformité avec la réglementation européenne.
62 Par conséquent, Ortis doit supporter le préjudice prétendument subi en raison de l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468, nonobstant l’éventuel caractère grave et irréparable de celui-ci [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), EU:C:2016:462, point 44].
63 Dès lors, la condition relative à l’urgence n’étant pas non plus satisfaite en ce qui concerne l’article 1er, point 1, première et deuxième mentions, du règlement 2021/468 et, partant, en ce qui concerne l’ensemble des dispositions litigieuses de ce règlement, il convient de rejeter la demande en référé, sans qu’il soit besoin d’examiner l’existence d’un fumus boni juris ni, par voie de conséquence, de procéder à la mise en balance des intérêts en présence.
Sur les dépens
64 Conformément à l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, il sera statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui mettra fin à l’instance.
Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 23 juillet 2025.
Le greffier | | Le vice-président |
A. Calot Escobar | | T. von Danwitz |