Language of document : ECLI:EU:C:2025:617

Affaire C600/23

Royal Football Club Seraing

contre

Fédération internationale de football association (FIFA) e.a.

[demande de décision préjudicielle, introduite par Cour de cassation (Belgique)]

 Arrêt de la Cour(grande chambre) du 1 août 2025

« Renvoi préjudiciel – Article 19, paragraphe 1, TUE – Obligation des États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Possibilité de recourir à l’arbitrage – Arbitrage entre particuliers – Arbitrage imposé – Décision d’un organe d’une fédération sportive internationale infligeant une sanction – Sentence du Tribunal arbitral du sport (TAS) confirmée par une décision d’une juridiction d’un État tiers – Voie de recours contre la sentence arbitrale – Réglementation nationale conférant, à cette sentence arbitrale, l’autorité de la chose jugée entre les parties et une force probante à l’égard des tiers – Pouvoirs et obligations des juridictions nationales devant lesquelles est invoquée ladite sentence arbitrale – Contrôle effectif de la conformité d’une telle sentence arbitrale aux principes et aux dispositions relevant de l’ordre public de l’Union »

1.        États membres – Obligations – Établissement des voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective – Droit à un recours effectif – Contrôle juridictionnel de sentences arbitrales portant sur des questions relatives au droit de l’Union – Nécessité d’un contrôle effectué par une juridiction répondant aux exigences découlant de l’article 267 TFUE et propre à assurer le respect des principes et des dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union

(Art. 19, § 1, 2d al., TUE ; art. 45, 56, 63, 101, 102 et 267 TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

(voir points 69-89)

2.        États membres – Obligations – Établissement des voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective – Droit à un recours effectif – Sentence du Tribunal arbitral du sport rendue dans le cadre d’un litige lié à l’exercice d’un sport en tant qu’activité économique – Contrôle juridictionnel d’une telle sentence arbitrale – Portée – Réglementation nationale conférant à cette sentence arbitrale, sur le territoire d’un État membre, l’autorité de la chose jugée entre les parties au litige et la force probante attachée à une telle autorité à l’égard des tiers – Absence de contrôle préalable, par une juridiction de cet État membre habilitée à saisir la Cour à titre préjudiciel, de la conformité de ladite sentence aux principes et aux dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union – Inadmissibilité

(Art. 19, § 1, 2d al., TUE ; art. 267 TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 47)

(voir points 90-96, 98-125 et disp.)

Résumé

Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Cour de cassation belge, la Cour, réunie en grande chambre, se prononce sur le contrôle juridictionnel au regard du droit de l’Union européenne dont doivent pouvoir faire l’objet, devant les juridictions des États membres, des sentences prononcées au titre de mécanismes d’arbitrage mis en place par les associations sportives internationales. Plus particulièrement, elle précise la relation entre le système de règlement des différends devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), instauré par la Fédération internationale de football association (FIFA), et le principe de protection juridictionnelle effective, dans le contexte d’une réglementation nationale conférant à une sentence arbitrale, confirmée par une décision d’une juridiction d’un État tiers, l’autorité de la chose jugée entre les parties au litige et une force probante à l’égard des tiers. Le RFC Seraing (ci-après le « club ») est un club de football établi en Belgique et affilié à l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA). Ce club a conclu deux contrats avec Doyen Sports Investment Ltd (ci-après « Doyen »), une société établie à Malte ayant pour activité économique l’assistance financière aux clubs de football en Europe. En vertu de ces contrats, Doyen est devenue propriétaire d’une partie des droits économiques (1) détenus par le club sur quatre joueurs déterminés.

Les procédures disciplinaire et arbitrale menées en Suisse

Le 4 septembre 2015, la commission de discipline de la FIFA a adopté une décision dans laquelle elle a, notamment, déclaré que, en concluant les contrats concernés, le club avait violé le Règlement du Statut et du Transfert des joueurs (ci-après le « RSTJ ») (2) et a imposé des sanctions disciplinaires à ce club. Le recours interne déposé par le club ayant été rejeté, ce dernier a introduit, le 9 mars 2016, un recours en annulation contre cette décision de rejet devant le TAS, en invoquant l’illégalité des dispositions sur lesquelles se basent cette décision et les sanctions disciplinaires infligées. À cet égard , le club a soutenu, entre autres, que le RSTJ, en ce qu’il édicte une interdiction totale des pratiques dites de « third-party influence » et de « third-party ownership », assortie de sanctions disciplinaires, viole le droit de l’Union et, plus particulièrement, la liberté de circulation des travailleurs, la liberté de prestation de services et la liberté des mouvements de capitaux, garanties respectivement par les articles 45, 56 et 63 TFUE, ainsi que les règles de concurrence énoncées aux articles 101 et 102 TFUE.

Le 9 mars 2017, le TAS a rendu une sentence arbitrale (ci-après la « sentence du TAS ») dans laquelle il a notamment confirmé l’applicabilité de ces dispositions du droit de l’Union au litige et écarté l’existence de leur violation.

Le 15 mai suivant, le club a introduit un recours contre la sentence du TAS devant le Tribunal fédéral (Suisse), qui a été rejeté par arrêt du 20 février 2018.

La procédure judiciaire menée en Belgique

Le 3 avril 2015, Doyen et l’association de droit belge qui dirige le club ont cité la FIFA, l’Union des associations européennes de football (UEFA) et l’URBSFA devant le tribunal de commerce francophone de Bruxelles (Belgique). Le 8 juillet 2015, le club est intervenu volontairement à la procédure en demandant notamment à cette juridiction de constater la non-conformité de l’interdiction totale des pratiques susmentionnées aux articles 45, 56, 63, 101 et 102 TFUE. Le 17 novembre 2016, le tribunal de commerce francophone de Bruxelles a rendu un jugement dans lequel il s’est déclaré sans juridiction pour connaître des différentes demandes du club.

L’appel de ce jugement, interjeté par le club devant la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), a été rejeté le 12 décembre 2019. Cette juridiction a jugé, d’une part, que les moyens avancés par le club selon lesquels le RSTJ viole le droit de l’Union avaient déjà été soulevés par ce dernier devant le TAS dans le cadre du litige l’opposant à la FIFA et avaient été rejetés dans la sentence du TAS. Or, selon la cour d’appel de Bruxelles, la sentence du TAS doit être considérée, en vertu de la réglementation belge applicable (3), comme ayant les mêmes effets qu’une décision d’un tribunal dans les relations entre les parties, comme devant, partant, se voir reconnaître l’autorité de la chose jugée à compter de son prononcé, et comme étant passée en force de chose jugée à compter du rejet, par le Tribunal fédéral, du recours introduit contre celle-ci. D’autre part, la cour d’appel de Bruxelles a relevé, en substance, que, dès lors qu’une décision juridictionnelle ou une sentence arbitrale se voit reconnaître l’autorité de la chose jugée dans les relations entre les parties au litige, elle doit, à l’égard des tiers à ce litige auxquels elle est opposable, se voir accorder la force probante qui s’attache à une telle autorité. En l’occurrence, selon cette juridiction, la sentence du TAS a force probante à l’égard de l’URBSFA, qui n’était pas partie au litige ayant opposé le club et la FIFA devant le TAS.

Le club a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, en soulevant notamment le moyen tiré de la violation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 267 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

Dans ces conditions, la juridiction de renvoi demande à la Cour si ces dispositions du droit de l’Union s’opposent à ce que, sur le territoire d’un État membre, une sentence arbitrale, d’une part, se voie conférer l’autorité de la chose jugée dans les relations entre les parties au litige, dans le cas où la conformité de cette sentence au droit de l’Union n’a pas été contrôlée au préalable par une juridiction nationale habilitée à saisir la Cour à titre préjudiciel, et, d’autre part, se voie reconnaître, du fait de cette autorité de la chose jugée, une force probante dans les relations entre les parties au litige et les tiers.

Appréciation de la Cour

Sur la protection juridictionnelle effective des particuliers au sein de l’Union, en ce compris en cas de recours à l’arbitrage

À titre liminaire, la Cour rappelle, d’une part, que l’obligation énoncée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE implique que toutes les instances relevant du système juridictionnel des États membres qui sont susceptibles d’être appelées, en tant que « juridictions » au sens du droit de l’Union, à interpréter ou à appliquer ce droit satisfont aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective. D’autre part, le droit à un recours effectif garanti à l’article 47 de la Charte requiert, notamment, que ces juridictions puissent procéder à un contrôle juridictionnel effectif des actes, mesures ou comportements dont il est soutenu, dans le cadre d’un litige donné, qu’ils ont porté atteinte aux droits ou aux libertés que le droit de l’Union confère à un justiciable. Cependant , aucune de ces deux dispositions n’implique que les justiciables disposent d’une voie de recours directe ayant pour objet, à titre principal, de mettre en cause une mesure donnée, pour autant qu’il existe par ailleurs, dans le système juridictionnel national concerné, une ou plusieurs voies de recours leur permettant d’obtenir, à titre incident, un contrôle juridictionnel effectif de cette mesure et assurant ainsi le respect des droits et des libertés que le droit de l’Union leur garantit.

Par ailleurs, l’ordre juridique instauré par les traités ne s’oppose pas, par principe, à ce que des particuliers qui relèvent de cet ordre juridique au titre de l’exercice d’une activité économique, sur le territoire de l’Union, soumettent les litiges qui sont susceptibles de les opposer dans le cadre de cet exercice à un mécanisme d’arbitrage. Ainsi, des particuliers ont la possibilité de conclure une convention qui soumet, dans des termes clairs et précis, tout ou partie des litiges liés à celle-ci à un organe arbitral, en lieu et place de la juridiction qui aurait été compétente pour se prononcer sur ces litiges en vertu des dispositions applicables en l’absence d’une telle convention. Cependant, à partir du moment où le mécanisme d’arbitrage instauré ou désigné par une telle convention est appelé à être mis en œuvre sur le territoire de l’Union dans le cadre de litiges liés à l’exercice d’une activité économique sur ce territoire, ce mécanisme doit être conçu et mis en œuvre de manière à assurer, d’une part, sa compatibilité avec les principes structurant l’architecture juridictionnelle de l’Union et, d’autre part, le respect effectif de l’ordre public de l’Union. À cette fin , les sentences rendues par l’organe arbitral doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel propre à garantir la protection juridictionnelle effective (4), ce contrôle pouvant cependant valablement revêtir un caractère limité.

Dans ce contexte, il ne saurait être admis que, en recourant à l’arbitrage, des particuliers puissent s’affranchir des principes et des dispositions du droit primaire ou dérivé de l’Union qui revêtent un caractère essentiel pour l’ordre juridique institué par les traités ou une importance fondamentale pour l’accomplissement des missions confiées à l’Union. Au contraire, le respect de ces principes et de ces dispositions, qui font partie de l’ordre public de l’Union, s’impose aux particuliers pour autant que leurs conditions d’application respectives soient réunies dans un cas d’espèce donné. Dans cette mesure, le respect de cet ordre public constitue un complément essentiel du réseau structuré de principes, de règles et de relations juridiques mutuellement interdépendantes liant l’Union et les États membres ainsi que ceux-ci entre eux. Les libertés garanties par les articles 45, 56 et 63 TFUE font partie de l’ordre public de l’Union. Ces trois articles, qui sont d’effet direct, constituent des fondements du marché intérieur comportant un espace sans frontières intérieures visé à l’article 26 TFUE.

Sur le contrôle juridictionnel des sentences rendues par le TAS dans le cadre de litiges liés à l’exercice d’un sport en tant qu’activité économique sur le territoire de l’Union

Tout d’abord , la Cour indique que les mécanismes d’arbitrage auxquels les associations sportives internationales telles que la FIFA soumettent le règlement des litiges susceptibles de les opposer, ou d’opposer les associations nationales qui en sont membres, aux particuliers relevant de leur compétence respective, qu’il s’agisse d’entreprises ou de sportifs, se caractérisent, en raison des statuts et des prérogatives de ces associations sportives, par un ensemble d’éléments qui leur sont propres.

Pour cette raison, dans le cas où ces litiges sont liés à l’exercice d’un sport en tant qu’activité économique sur le territoire de l’Union, la possibilité, pour les particuliers concernés, d’obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la compatibilité des sentences rendues dans le cadre de ces litiges avec les principes et les dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union revêt une importance toute particulière. En effet, compte tenu des statuts et des prérogatives des associations sportives telles que la FIFA, le recours à de tels mécanismes d’arbitrage doit être considéré comme étant unilatéralement imposé par de telles associations à ces particuliers. Même si, d’un point de vue formel, l’application d’un mécanisme de ce type à un particulier peut nécessiter la conclusion d’une convention avec celui-ci, la conclusion de cette convention et l’insertion dans cette dernière d’une clause stipulant le recours à l’arbitrage sont, en réalité, imposées au préalable par une réglementation adoptée par l’association concernée et applicable à ses membres et aux personnes affiliées à ces membres, voire à d’autres catégories de personnes. Le caractère obligatoire des mécanismes d’arbitrage de ce type est étroitement lié à leur vocation à s’appliquer à des litiges opposant, d’une part, une association sportive disposant de pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction sui generis et particulièrement étendus, et, d’autre part, un ensemble général et indéterminé de personnes morales ou physiques soumises à l’exercice de ces pouvoirs dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle.

Certes, ce recours imposé à l’arbitrage peut se justifier dans son principe, compte tenu de l’autonomie juridique dont disposent les associations sportives internationales et eu égard aux responsabilités qui sont les leurs, par la poursuite d’objectifs légitimes tels que ceux consistant à assurer le traitement uniforme des litiges liés à la discipline sportive relevant de leur compétence ou à permettre l’interprétation et l’application cohérentes des règles applicables à cette discipline. Toutefois, cette autonomie juridique ne saurait justifier que la mise en œuvre des pouvoirs détenus par de telles associations aboutisse à limiter la possibilité pour les particuliers de se prévaloir des droits et des libertés que le droit de l’Union leur confère et qui font partie de l’ordre public de l’Union. Or, cette exigence implique elle-même que le respect de ces droits et de ces libertés puisse faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif, à plus forte raison quand le recours à l’arbitrage est imposé aux particuliers concernés.

Ensuite, en ce qui concerne les exigences auxquelles doit répondre le contrôle juridictionnel des sentences rendues par l’organe arbitral (5), la Cour précise, en premier lieu , que, dans tous les cas où une sentence a été rendue dans le cadre d’un litige lié à l’exercice d’un sport en tant qu’activité économique sur le territoire de l’Union et où il n’a pas été prévu de voie de recours directe contre cette sentence devant une juridiction d’un État membre, il doit exister une possibilité pour les particuliers concernés d’obtenir, à titre incident, à leur demande ou d’office, de la part de toute juridiction d’un État membre susceptible de connaître d’une telle sentence de quelque manière que ce soit, un contrôle juridictionnel effectif portant sur la compatibilité de cette sentence avec les principes et les dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union.

En deuxième lieu, les juridictions des États membres qui sont appelées à effectuer un tel contrôle doivent, dans le cas où une telle sentence comporte, comme en l’occurrence, une interprétation ou une application des principes ou des dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union et qui confèrent des droits ou des libertés aux particuliers, pouvoir contrôler l’interprétation qui a été faite de ces principes ou de ces dispositions, les conséquences juridiques qui ont été attachées à cette interprétation en ce qui concerne leur application au cas d’espèce et la qualification juridique qui a été donnée, au regard de ladite interprétation, aux faits tels que constatés et appréciés par l’organe arbitral.

En troisième lieu, ces juridictions ne sauraient se limiter à constater, le cas échéant, qu’une telle sentence est incompatible, en totalité ou en partie, avec des principes ou des dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union. Au contraire, elles doivent également pouvoir tirer, dans le cadre de leurs compétences respectives et conformément aux dispositions nationales applicables, toutes les conséquences juridiques qui s’imposent en cas de constat d’une telle incompatibilité. À défaut, le contrôle juridictionnel opéré ne serait, en effet, pas effectif, en ce qu’il pourrait laisser perdurer cette incompatibilité.

En dernier lieu, toute juridiction nationale saisie d’un litige régi par le droit de l’Union doit disposer du pouvoir d’accorder les mesures provisoires qui permettent de garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir sur le fond, y compris dans le cas où cette juridiction adresse une demande de décision préjudicielle à la Cour et sursoit à statuer dans l’attente de la réponse de celle-ci. En outre, une telle juridiction doit écarter les règles de droit national qui s’opposent à ce pouvoir. Par conséquent, d’une part, les particuliers concernés doivent avoir la possibilité de demander à toute juridiction nationale valablement saisie de la question de savoir si une sentence arbitrale est compatible avec les principes et les dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union de leur accorder des mesures provisoires dans l’attente de la décision à intervenir sur le fond. D’autre part, toute juridiction nationale compétente pour se prononcer sur une telle question doit écarter toute règle émanant d’un État membre ou, à plus forte raison, d’une association sportive qui interdit aux particuliers concernés de lui demander de leur accorder de telles mesures provisoires ou qui s’oppose d’une autre manière à ce qu’elle puisse leur accorder de telles mesures. Il s’ensuit, enfin, que, dans le cas où les dispositions nationales qui sont applicables à un litige donné forment éventuellement obstacle à la pleine efficacité de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, la juridiction nationale compétente doit, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation conforme de ces dispositions nationales, les écarter de sa propre autorité. Cette obligation s’impose, notamment, dans le cas où les dispositions nationales applicables empêchent la juridiction nationale compétente de procéder, à titre incident, à un contrôle effectif de la compatibilité d’une sentence arbitrale rendue par le TAS, dans le cadre d’un litige lié à l’exercice d’un sport en tant qu’activité économique sur le territoire de l’Union, avec les principes et les dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union. Dès lors , ladite obligation s’impose, en particulier, en présence de dispositions et de règles nationales conférant l’autorité de la chose jugée à une telle sentence arbitrale dans les relations entre les parties, d’une part, et une force probante à celle-ci dans les relations entre les parties et les tiers, d’autre part, sans que cette sentence arbitrale ait fait l’objet, au préalable, d’un contrôle ayant permis à une juridiction relevant de l’État membre concerné, habilitée à saisir la Cour à titre préjudiciel, de vérifier, de façon effective, si elle est compatible avec les principes et les dispositions faisant partie de l’ordre public de l’Union. À cet égard, c’est l’attribution même d’une telle autorité et, par voie de conséquence, d’une telle force à ladite sentence arbitrale, qui, dans un tel contexte, intervient en violation de l’exigence de protection juridictionnelle effective visée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la Charte.


1      Ces droits économiques visent à refléter la valeur financière des joueurs. Ils sont liés aux droits fédératifs qu’un club obtient en engageant un joueur donné, tels que le droit d’enregistrer ce joueur ou le droit de le faire jouer. Leur exercice permet au club qui les détient de percevoir les sommes dues, par exemple, en cas de prêt ou de transfert dudit joueur, au titre de l’exploitation ou de la cession de ses droits d’image ou encore en raison de la rupture du contrat de celui-ci.


2      Ce règlement, adopté par la FIFA le 22 mars 2014 et entré en vigueur le 1er août 2014, édicte à ses articles 18bis, intitulé « Influence d’une tierce partie sur des clubs », et 18ter, intitulé « Propriété des droits économiques des joueurs par des tiers », une interdiction des pratiques de third-party influence et de third-party ownership.


3      Articles 24 et 28, et article 1713, paragraphe 9, du code judiciaire belge, tel que modifié par la loi portant dispositions diverses en matière de justice, du 21 décembre 2018 (Moniteur belge du 31 décembre 2018, p. 106560).


4      À laquelle les particuliers concernés ont droit, en vertu de l’article 47 de la Charte, et que les États membres ont l’obligation d’assurer dans les domaines couverts par le droit de l’Union, conformément à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.


5      Pour permettre aux juridictions nationales compétentes de garantir aux particuliers la protection juridictionnelle effective à laquelle ils ont droit, en vertu de l’article 47 de la Charte, et que les États membres ont l’obligation d’assurer dans les domaines couverts par le droit de l’Union, conformément à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.