Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 3 juillet 2025 (demandes de décision préjudicielle du Wojskowy Sąd Okręgowy w Warszawie - Pologne) – procédures pénales contre P.B. (C-646/23), R. S. (C-661/23)
(Affaires jointes C-646/23 1 et C-661/23 2 , Lita et Jeszek 3 )
(Renvoi préjudiciel – État de droit – Indépendance de la justice – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Principe d’inamovibilité des juges – Juge militaire reconnu inapte au service militaire professionnel – Réglementation nationale imposant la mise à la retraite anticipée de ce juge)
Langue de procédure : le polonais
Juridiction de renvoi
Wojskowy Sąd Okręgowy w Warszawie
Parties dans les procédures pénales au principal
P.B. (C-646/23), R. S. (C-661/23)
en présence de : Prokuratura Rejonowa w Lublinie (C-646/23), Prokuratura Rejonowa Warszawa-Ursynów w Warszawie (C-661/23)
Dispositif
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la mise à la retraite anticipée d’office, à compter de l’entrée en vigueur de cette réglementation, d’un juge militaire déclaré inapte au service militaire professionnel, dans des circonstances où, tout d’abord, ladite réglementation n’explique pas les raisons qui justifient l’introduction de ses dispositions ni n’indique aucun intérêt public auquel ces dernières répondraient, ensuite, la même réglementation ne s’applique pas aux procureurs militaires déclarés inaptes au service militaire professionnel, alors que ces deux catégories de magistrats étaient auparavant soumises aux mêmes règles, et n’affecte en fait qu’un seul juge, tout en s’inscrivant dans une série de mesures, prises à l’égard de ce juge, ayant le caractère de sanction et, enfin, aucune voie de recours juridictionnel n’est ouverte audit juge pour contester la mesure de mise à la retraite anticipée d’office dont il fait ainsi l’objet.
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et le principe de primauté du droit de l’Union
doivent être interprétés en ce sens que :
ils imposent à une juridiction nationale et à toute autre autorité de l’État membre concerné de laisser inappliquée une réglementation nationale qui impose la mise à la retraite anticipée d’un juge, lorsque cette réglementation a été adoptée en violation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, ce qui implique que le juge mis à la retraite en application de ladite réglementation doit être réintégré dans ses fonctions. Les organes judiciaires compétents en matière de détermination et de modification de la composition des formations de jugement sont tenus d’assurer cette réintégration.
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE
doit être interprété en ce sens que :
une juridiction nationale qui décide de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la Cour est en droit de suspendre provisoirement l’application d’une réglementation nationale prévoyant la mise à la retraite anticipée d’office du juge unique qui la compose, et ce jusqu’au prononcé de sa décision prise à la suite de la réponse de la Cour, quand bien même, en vertu du droit national, elle n’aurait pas le pouvoir d’ordonner une telle suspension. Cette suspension provisoire implique que le juge visé par la mesure de mise à la retraite d’office doit pouvoir poursuivre l’examen des autres affaires dont il était saisi à la date de prise d’effet de cette mesure.
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1 JO C, C/2024/1084.
1 JO C, C/2024/1085.
1 Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.