Language of document : ECLI:EU:T:2025:821

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

3 septembre 2025 (*)

« Services numériques – Règlement (UE) 2022/2065 – Désignation d’une très grande plateforme en ligne – Exception d’illégalité – Article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065 – Sécurité juridique – Égalité de traitement – Proportionnalité – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑348/23,

Zalando SE, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes R. Briske, K. Ewald, L. Schneider et J. Trouet, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Bundesverband E-Commerce und Versandhandel Deutschland eV (bevh), établie à Berlin, représentée par Mes R. van der Hout et V. Lemonnier, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. Armati, L. Wildpanner et M. P.-J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. U. Rösslein, M. Menegatti et Mme G. Bartram, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. E. Sitbon, N. Brzezinski et M. Moore, en qualité d’agents,

et par

European Information Society Institute o.z. (EISi), établie à Košice (Slovaquie), représentée par Me M. Husovec, avocat,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), présidente, MM. E. Buttigieg, G. Hesse, I. Dimitrakopoulos et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 6 mars 2025,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Zalando SE, demande l’annulation de la décision C(2023) 2727 final de la Commission, du 25 avril 2023, désignant sa plateforme Zalando comme une très grande plateforme en ligne au titre de l’article 33, paragraphe 4, du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante exploite une boutique en ligne accessible notamment sur le site Internet « www.zalando.de » ainsi qu’aux adresses URL correspondantes portant des noms de domaine de premier niveau d’autres pays. Cette boutique commercialise des articles de mode ainsi que des produits de beauté. Les clients de cette boutique peuvent acheter des produits qui sont soit vendus directement par la requérante, dans le cadre d’un service de vente dénommé « Zalando Retail », soit vendus par des vendeurs tiers participant au programme intitulé « Partner Programm ».

3        Le 17 février 2023, la requérante a publié, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil, du 19 octobre 2022, relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) (JO 2022, L 277, p. 1), deux nombres sur son site Internet « www.zalando.de », correspondant au nombre mensuel moyen de destinataires actifs dans l’Union européenne (ci-après le « NMM ») de la plateforme Zalando. D’une part, elle a indiqué que le NMM de cette plateforme, prise dans son ensemble (c’est-à-dire comprenant Zalando Retail et le Partner Programm), était de 83,341 millions. D’autre part, elle a indiqué que, dans la mesure où la valeur brute des produits commercialisés dans le cadre du Partner Programm correspondait à 37 % de la valeur brute de l’ensemble des produits commercialisés sur ladite plateforme, le NMM de cette plateforme correspondait à 37 % de 83,341 millions et s’élevait, en conséquence, à 30,836 millions.

4        Le 22 février 2023, d’une part, la Commission européenne a communiqué à la requérante ses conclusions préliminaires selon lesquelles la plateforme Zalando remplissait les conditions pour être désignée comme une très grande plateforme en ligne au titre de l’article 33, paragraphe 4, du règlement 2022/2065. Plus particulièrement, elle a considéré qu’il convenait de tenir compte de l’ensemble des destinataires actifs de cette plateforme, et non uniquement de la proportion de ces derniers correspondant à la proportion de la valeur brute des ventes générées dans le cadre du Partner Programm. Elle en a déduit que le NMM était supérieur au seuil de 45 millions visé à l’article 33, paragraphe 1, dudit règlement.

5        D’autre part, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne, au titre de l’article 33, paragraphe 4, du règlement 2022/2065, de son intention de désigner la plateforme Zalando comme une très grande plateforme en ligne.

6        Le 27 février 2023, la République fédérale d’Allemagne a informé la Commission qu’elle n’avait pas d’observations à formuler.

7        Le 1er mars 2023, la requérante a présenté ses observations sur les conclusions préliminaires de la Commission. Elle a relevé que cette dernière ne devait tenir compte des destinataires de la plateforme Zalando que pour autant que cette plateforme constituait une « plateforme en ligne » au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065. Elle a relevé, à cet égard, que la plateforme Zalando ne constituait une plateforme en ligne qu’en ce qui concernait le Partner Programm. Elle a ainsi considéré que la Commission ne devait tenir compte que de la proportion des destinataires correspondant à la proportion de la valeur brute des ventes générées par des vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm. Elle en a déduit que le NMM de la plateforme Zalando était de 30,836 millions et qu’il était donc inférieur au seuil de 45 millions visé à l’article 33, paragraphe 1, dudit règlement.

8        Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il ressortait notamment du considérant 77 et de l’article 3, sous b) et p), du règlement 2022/2065 que la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » incluait l’ensemble des destinataires utilisant effectivement la plateforme concernée, notamment en étant exposé à des informations diffusées sur celle-ci, et qu’elle ne se limitait pas à ceux qui y effectuaient des transactions. Or, à cet égard, elle a constaté que les produits commercialisés directement par la requérante étaient affichés conjointement avec ceux commercialisés par les vendeurs tiers, sans qu’il fût possible, sur l’interface, de les distinguer. Elle a ainsi relevé que les produits commercialisés par les vendeurs tiers et par la requérante pouvaient être présentés sur les mêmes pages Internet et que lorsque les vendeurs tiers et la requérante commercialisaient un même produit, mais dans des tailles ou des couleurs différentes, l’identité du vendeur n’apparaissait qu’au moment où le destinataire du service choisissait la taille ou la couleur dudit produit.

9        Par conséquent, la Commission a constaté qu’il n’était pas possible d’identifier, parmi les destinataires du service, ceux qui n’étaient exposés qu’aux informations relatives aux produits de la requérante et ceux qui n’étaient exposés qu’aux informations relatives aux produits des vendeurs tiers. Elle en a déduit que la requérante avait dû, pour cette raison, calculer le nombre de 30,836 millions à partir du nombre de 83,341 millions et se fonder sur le critère tenant à la proportion de la valeur des ventes générées par les vendeurs tiers. Toutefois, elle a considéré que ce critère n’était pas approprié dans la mesure où il conduisait à exclure des destinataires du service qui, alors qu’ils avaient été exposés à des informations provenant de vendeurs tiers, n’avaient finalement pas acheté de produits ou avaient uniquement acheté des produits directement commercialisés par la requérante. Elle a ainsi relevé que le NMM de la plateforme Zalando était de 83,341 millions et non de 30,836 millions, de sorte que cette plateforme devait être désignée comme une très grande plateforme en ligne au sens de l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065.

 Conclusions des parties

10      La requérante et Bundesverband E-Commerce und Versandhandel Deutschland eV (bevh) concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission et le Parlement européen concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      Le Conseil de l’Union européenne et European Information Society Institute o.z. (EISi) concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante soulève, en substance, trois moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’article 3, sous g) et i), et de l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, le deuxième, de l’exception d’illégalité de l’article 33, paragraphes 1 et 4, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement, et, le troisième, de la violation de l’article 296 TFUE.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’article 3, sous g) et i), et de l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065

14      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 1 et 2, l’article 3, sous g) et i), et l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065 en considérant, à tort, que la plateforme Zalando était une très grande plateforme en ligne. Ce moyen est composé de deux branches. Par la première branche, la requérante fait valoir que ladite plateforme ne constitue pas une plateforme en ligne, un service d’hébergement ou un service intermédiaire. Par la seconde branche, elle considère que le NMM de cette plateforme était inférieur à 45 millions.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce que la plateforme Zalando ne constitue pas une plateforme en ligne, un service d’hébergement ou un service intermédiaire

15      Dans la première branche du premier moyen, la requérante, soutenue par bevh, fait valoir que son service Zalando Retail ne constitue pas un service intermédiaire au sens de l’article 3, sous g), du règlement 2022/2065, ni, a fortiori, un service d’hébergement ou une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous g) et i), de ce règlement. Elle ajoute que la vente de produits par des vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm ne relève pas non plus des notions de « service intermédiaire », de « service d’hébergement » ou de « plateforme en ligne » dès lors qu’elle contrôle systématiquement et, le cas échéant, modifie la description et les images des produits fournis par ces vendeurs tiers. Elle en déduit que la Commission a désigné, à tort, la plateforme Zalando comme une très grande plateforme en ligne.

16      La Commission, soutenue par EISi, conteste l’argumentation de la requérante.

17      L’article 2, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 dispose que ce règlement s’applique aux services intermédiaires proposés aux destinataires du service dont le lieu d’établissement est situé dans l’Union ou qui sont situés dans l’Union, quel que soit le lieu d’établissement des fournisseurs de ces services intermédiaires.

18      L’article 2, paragraphe 2, du règlement 2022/2065 dispose que ce règlement ne s’applique pas aux services qui ne sont pas des services intermédiaires ou aux exigences imposées à l’égard de services qui ne sont pas des services intermédiaires, que ces services soient ou non fournis par le biais d’un service intermédiaire.

19      L’article 3, sous g), du règlement 2022/2065 dispose que les services intermédiaires correspondent à certains services de la société de l’information, à savoir à certains services prestés normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire du service. Cet article précise que, parmi les services intermédiaires, figurent notamment les services d’hébergement consistant à stocker des informations fournies par un tel destinataire à sa demande.

20      Aux termes de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065, une plateforme en ligne est un service d’hébergement qui, à la demande d’un destinataire du service, stocke et diffuse au public des informations. Il est toutefois précisé qu’un service d’hébergement n’est pas une plateforme en ligne lorsque l’activité de stockage et de diffusion au public des informations ne constitue qu’« une caractéristique mineure et purement accessoire d’un autre service ou une fonctionnalité mineure du service principal qui, pour des raisons objectives et techniques, ne peut être utilisée sans cet autre service, et pour autant que l’intégration de cette caractéristique ou de cette fonctionnalité à l’autre service ne soit pas un moyen de contourner l’applicabilité du[dit] règlement ».

21      Il s’ensuit que, ainsi que l’indique le considérant 13 du règlement 2022/2065, une plateforme en ligne au sens de ce règlement ne constitue qu’une « sous-catégorie » au sein de la catégorie plus large des services d’hébergement qui, eux-mêmes, ne constituent qu’une sous-catégorie de services intermédiaires. Le considérant 13 dudit règlement précise également qu’une plateforme en ligne peut être un réseau social ou une plateforme en ligne permettant aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des professionnels (ci-après une « place de marché »).

22      L’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 prévoit que les obligations figurant dans la section 5 du chapitre III de ce règlement s’appliquent aux plateformes en ligne qui ont un NMM égal ou supérieur à 45 millions et qui sont désignées comme de très grandes plateformes en ligne en vertu de l’article 33, paragraphe 4, du règlement 2022/2065.

23      Selon l’article 33, paragraphe 4, du règlement 2022/2065, la Commission adopte une décision désignant une plateforme en ligne comme une très grande plateforme en ligne lorsque son NMM est égal ou supérieur au nombre visé à l’article 33, paragraphe 1, de ce règlement. Il ajoute que la Commission prend cette décision sur la base des données communiquées par le fournisseur de la plateforme en ligne concernée, en vertu notamment de l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement, ou de toute autre information à la disposition de la Commission.

24      Par ailleurs, l’article 3, sous b), du règlement 2022/2065 précise qu’un destinataire du service est une personne physique ou morale utilisant un service intermédiaire, notamment pour rechercher une information ou la rendre accessible.

25      Dans ces conditions, il convient de relever qu’il résulte du règlement 2022/2065 que, pour désigner la plateforme Zalando comme une très grande plateforme en ligne au titre de l’article 33, paragraphe 4, de ce règlement, la Commission devait, au préalable, établir que cette plateforme constituait une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous i), dudit règlement et donc qu’elle constituait un service d’hébergement figurant parmi les services intermédiaires visés par l’article 3, sous g), du règlement en question.

26      À cet égard, il est constant entre les parties que la vente directe de produits par la requérante dans le cadre du service Zalando Retail ne relève pas d’un service d’hébergement figurant parmi les services intermédiaires visés par le règlement 2022/2065, dès lors que ce service ne stocke pas d’informations fournies par un destinataire du service, mais uniquement des informations provenant de la requérante elle-même.

27      En revanche, il y a lieu de constater que, dans le cadre du Partner Programm, la requérante utilise les informations de vendeurs tiers pour commercialiser leurs produits. Elle explique ainsi, dans la requête, que ces vendeurs lui fournissent des images des produits concernés et qu’ils rédigent eux-mêmes la description de ces derniers. Le fait qu’elle vérifie, par la suite, que ces images et ces descriptions sont conformes à ses exigences commerciales, qu’elle les modifie ou les complète en conséquence implique simplement qu’elle est susceptible, d’une part, de modifier la manière dont sont présentées les informations provenant des vendeurs tiers et, d’autre part, de diffuser ses propres informations en plus de celles provenant de ces derniers. Toutefois, une telle circonstance ne remet pas en cause le fait que ces informations proviennent, au moins pour partie, desdits vendeurs.

28      En effet, en premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du règlement 2022/2065, ni même de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1), modifiée par ledit règlement, que le stockage et la diffusion d’informations, au sens de l’article 3, sous i), de ce règlement, excluent le stockage et la diffusion d’informations dont la présentation aurait été modifiée ou complétée par le fournisseur de la plateforme en ligne.

29      À cet égard, il résulte du terme même « information », utilisé dans le règlement 2022/2065, que celui-ci vise notamment les photographies fournies par des vendeurs tiers concernant leurs produits ainsi que les informations figurant dans les descriptions de ces derniers, et pas uniquement le texte de ces descriptions tel qu’il a été rédigé par lesdits vendeurs. Au demeurant, il convient également de relever, à l’instar de ce que l’avocat général Saugmandsgaard Øe a indiqué dans ses conclusions dans les affaires jointes YouTube et Cyando (C‑682/18 et C‑683/18, EU:C:2020:586, note en bas de page no 134), que la notion d’« informations » doit être comprise largement s’agissant des services d’hébergement au sens de la directive 2000/31. Ainsi, il est possible, pour la requérante, de communiquer des informations provenant des vendeurs tiers tout en amendant la rédaction de leurs textes afin de les rendre conformes à ses exigences commerciales, dont l’objectif se limite à « garantir une expérience d’achat unique qui se détache par rapport à celles pouvant être vécues auprès des concurrents ».

30      Au surplus, il convient de constater que les données relatives aux offres de produits commercialisés par des vendeurs tiers constituent des « informations », ainsi que l’a déjà jugé la Cour s’agissant de la directive 2000/31 dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, points 110 et 111). Ainsi que le relève la Commission, un tel constat ressort notamment de la définition de « contenu illicite » énoncée dans le règlement 2022/2065. Plus particulièrement, il résulte de l’article 3, sous h), dudit règlement, tel qu’interprété à la lumière du considérant 12 de celui-ci, que la notion de « contenu illicite » couvre les informations relatives à la vente de produits ou à la fourniture de services illégaux, qu’il s’agisse notamment de la vente de produits non conformes ou contrefaits ou de la vente de produits ou de la fourniture de services en violation du droit en matière de protection des consommateurs. Par suite, le seul référencement d’un produit aux fins de sa commercialisation est susceptible de constituer un contenu illicite, notamment lorsque ce produit est illégal, et doit, par conséquent, être regardé comme constituant une information au sens dudit règlement. Il s’ensuit que les offres de produits de vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm doivent être regardées comme étant des informations fournies par des destinataires du service au sens de l’article 3, sous i), de ce même règlement.

31      En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du considérant 18 et des articles 7 et 8 du règlement 2022/2065, qui ont trait à la responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires, que le législateur de l’Union a entendu exclure de la notion de « fournisseurs de plateformes en ligne » ceux qui procédaient à un contrôle des informations provenant des destinataires du service avant leur diffusion.

32      En effet, le considérant 18 du règlement 2022/2065 indique qu’un fournisseur de services intermédiaires qui « joue un rôle actif de nature à lui permettre de connaître ou de contrôler » des informations fournies par le destinataire des services ne devrait pas bénéficier des exemptions de responsabilité prévues par ce règlement. À cet égard, l’article 6 dudit règlement, intitulé « Hébergement », prévoit une exemption de responsabilité lorsque le fournisseur du service n’a pas effectivement connaissance de l’activité illégale ou du contenu illicite. L’article 7 du même règlement précise toutefois que les fournisseurs de services intermédiaires ne sont pas réputés ne pas pouvoir bénéficier de cette exemption de responsabilité « du simple fait qu’ils procèdent de leur propre initiative, de bonne foi et avec diligence, à des enquêtes volontaires ou prennent d’autres mesures destinées à détecter, à identifier et à retirer des contenus illicites ».

33      Par ailleurs, l’article 8 du règlement 2022/2065 dispose que les « fournisseurs de services intermédiaires ne sont soumis à aucune obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent ».

34      Ainsi, bien que le règlement 2022/2065 n’oblige pas les fournisseurs de plateforme en ligne à contrôler les informations qu’ils stockent, il envisage néanmoins expressément la possibilité que ces fournisseurs procèdent, de leur propre initiative, au contrôle desdites informations pour déterminer leur responsabilité. Par conséquent, ledit règlement ne saurait être interprété comme excluant le fait que lesdits fournisseurs puissent procéder à de tels contrôles.

35      Au surplus, il convient de relever que le considérant 41 du règlement 2022/2065 précise que « [l]es obligations de diligence sont indépendantes de la question de la responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires, qui doit donc être appréciée séparément ». Ainsi, les dispositions relatives à la responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires, dont les articles 7 et 8 dudit règlement font partie, ne sauraient être utilisées afin de déterminer si la requérante devait être soumise aux obligations de diligence, prévues dans le cadre du chapitre III de ce même règlement, y compris celles imposées aux fournisseurs des très grandes plateformes en ligne au titre de l’article 33, paragraphe 1, du règlement en question. Par voie de conséquence, les dispositions relatives à la responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires ne sauraient être utilisées afin de déterminer si la plateforme Zalando devait être désignée comme une très grande plateforme en ligne.

36      En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la jurisprudence de la Cour relative aux exemptions de responsabilité dont pouvaient bénéficier les fournisseurs de services d’hébergement visés à l’article 14 de la directive 2000/31 ne permet pas de préciser la notion de « service intermédiaire » au sens de l’article 3, sous g), du règlement 2022/2065.

37      En effet, l’article 14 de la directive 2000/31 prévoit qu’un prestataire de services d’hébergement peut ne pas être responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service notamment lorsqu’il n’a pas effectivement connaissance de l’« activité ou de l’information illicites ».

38      Or, la Cour a certes jugé, dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474, points 112 et 113), que, pour que le prestataire d’un service sur Internet puisse relever du champ d’application de l’article 14 de la directive 2000/31, il était « essentiel qu’il soit un “prestataire intermédiaire” au sens voulu par le législateur dans le cadre de la section 4 du chapitre II de cette directive ». Elle a ainsi jugé que le prestataire d’un service sur Internet n’était pas un tel prestataire intermédiaire lorsque, au lieu de se limiter à une fourniture neutre de ce service au moyen d’un traitement purement technique et automatique des données fournies par ses clients, il jouait un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle de ces données.

39      Toutefois, d’une part, la Cour a précisé que, pour interpréter l’article 14 de la directive 2000/31, elle avait tenu compte de son contexte et des objectifs de cette directive (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, point 111). Elle a ainsi relevé que la section 4 du chapitre II de ladite directive, dont fait partie son article 14, était intitulée « Responsabilité des prestataires intermédiaires » et visait à restreindre les cas de figure dans lesquels, conformément au droit national applicable en la matière, la responsabilité des prestataires de services intermédiaires pouvait être engagée (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, point 107). Par suite, en limitant la notion de « prestataire intermédiaire », la Cour a entendu également limiter la portée des exemptions de responsabilité dont pouvaient bénéficier les prestataires des services en cause.

40      D’autre part, la Cour s’est référée au précédent arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google (C‑236/08 à C‑238/08, EU:C:2010:159, points 112 à 116), pour définir la notion de « prestataire intermédiaire » au sens de la section 4 du chapitre II de la directive 2000/31. Or, il résulte de cet arrêt que l’interprétation de cette notion se fonde sur le considérant 42 de cette directive, selon lequel « [l]es dérogations en matière de responsabilité prévues [notamment par l’article 14 de cette directive] ne couvrent que les cas où l’activité du prestataire de services dans le cadre de la société de l’information est limitée au processus technique d’exploitation », étant précisé que « [c]ette activité revêt un caractère purement technique, automatique et passif ».

41      Il s’ensuit que l’interprétation donnée par la Cour de la notion de « prestataire intermédiaire » se limite, ainsi qu’elle l’a expressément indiqué, « au sens voulu par le législateur dans le cadre de la section 4 du chapitre II de [la] directive [2000/31] » (arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a., C‑324/09, EU:C:2011:474, point 112) et que cette interprétation ne saurait être utilisée aux fins de l’application du règlement 2022/2065 qui prévoit, ainsi qu’il a été relevé aux points 31 à 35 ci-dessus, son propre régime de responsabilité. Il en est d’autant plus ainsi que l’article 89, paragraphe 1, dudit règlement a supprimé la section 4 du chapitre II de la directive 2000/31 qui faisait l’objet de l’interprétation de la Cour.

42      Par ailleurs, à supposer que la requérante ait entendu faire valoir, lors de l’audience, qu’il résultait du considérant 19 du règlement 2022/2065 que la jurisprudence de la Cour relative à la directive 2000/31 devait être « transposée » aux fins de l’interprétation de ce même règlement, il convient de relever que ce considérant porte sur les différences entre trois catégories de services intermédiaires, à savoir ceux relatifs aux activités de simple transport, de mise en cache et d’hébergement. Ainsi, si le législateur de l’Union a considéré que ces trois catégories de services intermédiaires devaient faire l’objet de règles spécifiques, conformément à la jurisprudence de la Cour, il n’a pas indiqué que la notion de « services intermédiaires », que la Cour avait définie en se référant au considérant 42 de la directive 2000/31, devait être maintenue aux fins de l’application du règlement 2022/2065.

43      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la plateforme Zalando stocke et diffuse des informations fournies par des destinataires du service à la demande de ces derniers dans le cadre du Partner Programm.

44      En outre, il n’est pas allégué qu’une telle activité de stockage et de diffusion ne constitue qu’« une caractéristique mineure et purement accessoire d’un autre service ou une fonctionnalité mineure d’un service principal qui, pour des raisons objectives et techniques, ne peut être utilisée sans cet autre service ». Au contraire, la requérante indique elle-même que les ventes réalisées dans le cadre du Partner Programm représentent 37 % de la valeur brute des produits commercialisés sur la plateforme Zalando.

45      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la plateforme Zalando est une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065 pour autant que des vendeurs tiers y commercialisent des produits dans le cadre du Partner Programm. C’est, au demeurant, ce qu’avait également indiqué la requérante dans ses observations sur les conclusions préliminaires de la Commission, ainsi qu’il a été relevé au point 7 ci-dessus.

46      Il s’ensuit que la plateforme Zalando constitue également un service intermédiaire et un service d’hébergement au sens de l’article 3, sous g), iii), du règlement 2022/2065.

47      Ce constat ne saurait être remis en cause par les autres arguments de la requérante.

48      En effet, premièrement, la requérante soutient que, compte tenu des contrôles qu’elle opère, les informations qu’elle reçoit des vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm devraient être traitées de la même manière que les photographies qu’elle pourrait recevoir d’un photographe qu’elle aurait engagé aux fins de la vente directe de ses propres produits dans le cadre du service Zalando Retail.

49      Toutefois, il suffit de relever que, conformément à l’article 3, sous i) et k), du règlement 2022/2065, une plateforme en ligne est un service d’hébergement stockant et diffusant au public des informations « à la demande du destinataire du service ayant fourni ces informations ». Or, d’une part, ainsi que l’a reconnu la requérante lors de l’audience, le photographe tel que décrit dans son exemple n’est pas un destinataire de la plateforme Zalando, dès lors qu’il n’est pas une personne utilisant cette plateforme au sens de l’article 3, sous b), dudit règlement. D’autre part, les photographies prises par ce photographe ne sont pas stockées et diffusées sur ladite plateforme à sa demande, mais à l’initiative de la requérante.

50      Ainsi, à la différence des vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm, le photographe, dans l’exemple de la requérante, ne fait pas usage d’une plateforme en ligne, au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065. Il s’ensuit que la différence de traitement entre les photographies prises par un photographe et celles fournies par les vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm résulte de l’économie même dudit règlement et qu’elle n’est, en conséquence, pas susceptible d’entacher d’illégalité la décision attaquée.

51      Deuxièmement, la requérante soutient qu’il résulte de l’arrêt du 22 décembre 2022, Louboutin (Usage d’un signe contrefaisant sur un marché en ligne) (C‑148/21 et C‑184/21, EU:C:2022:1016), qu’elle « fait usage », au titre de l’article 9, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), des marques commercialisées par les vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm. En effet, elle précise, à cet égard, que la présentation des offres est identique dans le cadre du service Zalando Retail et dans le cadre du Partner Programm et qu’elle est, en conséquence, responsable des éventuelles atteintes au droit des marques résultant de la commercialisation des produits dans le cadre du Partner Programm.

52      Toutefois, il suffit de constater que la question de savoir si la requérante fait usage des marques commercialisées par les vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 est dénuée de pertinence pour déterminer si la plateforme Zalando constitue ou non une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065.

53      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que le NMM de la plateforme Zalando est inférieur à 45 millions

54      Dans la seconde branche du premier moyen, la requérante, soutenue par bevh, fait grief à la Commission d’avoir considéré, à tort, que la plateforme Zalando avait un NMM supérieur à 45 millions. Elle précise que, conformément à l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065, la Commission ne devait tenir compte que des destinataires actifs de cette plateforme, à savoir les destinataires du service qui avaient été effectivement exposés aux informations provenant des vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm, et non de ceux qui avaient été exposés aux informations fournies par elle-même dans le cadre du service Zalando Retail. Elle considère ainsi que, en l’absence d’autres moyens permettant d’identifier ces destinataires actifs, il convenait de déterminer leur nombre en tenant compte de la proportion des ventes réalisées par les vendeurs tiers et de constater, en conséquence, que le NMM de ladite plateforme ne s’élevait qu’à 30,836 millions.

55      La Commission, soutenue par EISi, conteste l’argumentation de la requérante.

56      Aux termes de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065, un destinataire actif d’une plateforme en ligne est un destinataire du service qui a été en contact avec une plateforme en ligne, soit en demandant à la plateforme en ligne d’héberger des informations, soit en étant exposé aux informations hébergées par la plateforme en ligne et diffusées via son interface en ligne.

57      En outre, il résulte de l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065 que la Commission désigne comme de très grandes plateformes en ligne les plateformes en ligne qui ont un NMM égal ou supérieur à 45 millions, en se fondant, notamment, sur les données communiquées par les fournisseurs de ces plateformes en vertu de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement ou sur toute autre information à la disposition de la Commission.

58      Enfin, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065 prévoit que, au plus tard le 17 février 2023 et au moins tous les six mois par la suite, les fournisseurs publient pour chaque plateforme en ligne, dans une section de leur interface en ligne accessible au public, des informations relatives à la moyenne mensuelle des destinataires actifs du service dans l’Union, calculée sous forme de moyenne au cours des six derniers mois et conformément à la méthodologie établie dans les actes délégués visés à l’article 33, paragraphe 3, dudit règlement, lorsque ces actes délégués ont été adoptés.

59      En l’espèce, premièrement, la requérante a publié, le 17 février 2023, dans une section de son interface en ligne accessible au public, des informations relatives à la moyenne mensuelle des destinataires actifs du service dans l’Union. D’une part, elle a indiqué que le NMM de la plateforme Zalando, prise dans son ensemble (c’est-à-dire comprenant Zalando Retail et le Partner Programm), était de 83,341 millions. D’autre part, elle a indiqué que, dans la mesure où la valeur brute des produits commercialisés dans le cadre du Partner Programm correspondait à 37 % de la valeur brute de l’ensemble des produits commercialisés sur cette plateforme, le NMM, correspondant à 37 % de 83,341 millions, était de 30,836 millions.

60      Deuxièmement, il convient de constater, à l’instar de la Commission, qu’il ressort de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065 que, pour être qualifié de destinataire actif d’une plateforme en ligne, le destinataire du service doit seulement avoir été en contact avec cette plateforme, notamment en étant exposé aux informations hébergées par la plateforme en ligne et diffusées via son interface en ligne. Ainsi, il résulte de cette disposition que la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » ne se limite pas aux personnes ayant conclu une transaction sur la plateforme Zalando. Elle inclut, au contraire, toutes les personnes qui ont été « exposées » aux informations fournies par les vendeurs tiers, y compris en prenant connaissance du nom des produits commercialisés par ces derniers, de leur fabricant, de leur description et de leur photographie.

61      Cette interprétation de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065 est par ailleurs confirmée par le considérant 77 de ce règlement, lequel précise qu’un destinataire peut être exposé à des informations simplement « en les regardant ou en les écoutant » et que « l’utilisation active ne se limite pas à interagir avec des informations en cliquant dessus, en les commentant, en les affichant en lien, en les partageant, en procédant à des achats ou en effectuant des transactions sur une plateforme en ligne ».

62      À cet égard, contrairement à ce que soutient la requérante, le considérant 77 du règlement 2022/2065 ne saurait être regardé comme étant dénué de pertinence aux fins de l’interprétation de l’article 3, sous p), de ce règlement. En effet, il convient de rappeler que le préambule d’un acte de l’Union est susceptible de préciser le contenu des dispositions de cet acte et fournit des éléments d’interprétation qui sont de nature à apporter des éclaircissements sur la volonté de l’auteur dudit acte, bien qu’il n’ait pas de valeur juridique contraignante et qu’il ne puisse être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens contraire à leur libellé (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2024, LEA, C‑10/22, EU:C:2024:254, point 51 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, il convient de relever que ledit considérant se borne à préciser le contenu dudit article, sans y déroger ou le contredire, ainsi que l’a reconnu au demeurant la requérante lors de l’audience, dès lors qu’un destinataire actif peut être « en contact » avec des informations et « exposé » à celles-ci, y compris lorsqu’il n’interagit pas avec elles.

63      Troisièmement, il y a lieu de noter que, ainsi que l’explique la requérante, pour certains produits commercialisés à la fois par cette dernière et par des vendeurs tiers, « la présentation des produits est toujours uniforme et indépendante de l’identité du vendeur en cause ». Elle précise alors qu’« il n’existe qu’une seule page de détails du produit contenant des informations et des images identiques » et que le consommateur ne connaît l’identité du vendeur que lorsqu’il sélectionne les spécifications du produit en cause, telles que sa taille pour des vêtements par exemple.

64      À cet égard, si la requérante soutient que, « dans la majorité des cas », les informations relatives aux produits commercialisés à la fois par cette dernière et par des vendeurs tiers proviennent d’elle et non de ces derniers, il y a lieu de relever qu’elle ne soutient pas que cela serait systématique.

65      En outre, il ne peut être exclu que des consommateurs prennent connaissance des informations relatives à des produits commercialisés exclusivement par des vendeurs tiers avant de finalement choisir d’acheter un autre produit vendu directement par la requérante.

66      Dans ces conditions, il convient de relever que le nombre des destinataires actifs, au sens de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065, ne saurait être déterminé en fonction de la proportion des ventes générées par les vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm. Par suite, il y a lieu de considérer que la requérante et bevh ne sont pas fondées à considérer que la plateforme Zalando avait un NMM s’élevant à 30,836 millions et, par voie de conséquence, que ce NMM était inférieur au seuil de 45 millions visé à l’article 33, paragraphe 1, dudit règlement.

67      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065 prévoit que, pour être qualifié de destinataire actif d’une plateforme en ligne, celui-ci doit être effectivement exposé à des informations, et non seulement qu’il ait pu être exposé à celles-ci. En effet, il suffit de constater que, conformément à l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement, il appartenait à la requérante d’identifier elle-même les personnes qui avaient été effectivement exposées auxdites informations. Dans la mesure où la requérante fait valoir qu’elle n’était pas en mesure de distinguer, parmi les 83,341 millions de personnes retenues aux fins du calcul du NMM, celles qui avaient été effectivement exposées aux informations provenant des vendeurs tiers de celles qui n’avaient pas été exposées à ces informations, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à considérer que l’ensemble desdites personnes étaient réputées avoir été effectivement exposées auxdites informations. Il s’ensuit que la Commission était également fondée à considérer que le NMM de la plateforme Zalando s’élevait à 83,341 millions.

68      Par ailleurs, pour autant que la requérante considère que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité au motif que, selon le raisonnement retenu par la Commission dans cette décision, la plateforme Zalando aurait été désignée comme une très grande plateforme en ligne, y compris dans l’hypothèse où « 99,99 % des informations » diffusées au public provenaient d’elle, il suffit de constater qu’elle n’allègue pas que cette hypothèse correspondrait effectivement à la réalité. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point 44 ci-dessus, elle soutient que les ventes réalisées dans le cadre du Partner Programm représentent 37 % de la valeur brute des produits commercialisés sur la plateforme Zalando, ce qui suggère que les informations provenant des vendeurs tiers représenteraient une part significative des informations diffusées sur celle-ci.

69      En outre, la requérante ne précise pas la raison pour laquelle la diffusion d’informations provenant des vendeurs tiers, qui, dans son exemple, ne représenteraient que 0,01 % des informations diffusées sur la plateforme Zalando, ne constituerait pas une caractéristique mineure ou purement accessoire de cette plateforme au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065.

70      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’exception d’illégalité de l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement

71      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante excipe de l’illégalité de l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement. Ce moyen est composé de trois branches.

72      Par la première branche, la requérante soutient, en substance, que l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de sécurité juridique.

73      Par les deuxième et troisième branches, la requérante soutient que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole, respectivement, le principe d’égalité de traitement et le principe de proportionnalité.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de ce que l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de sécurité juridique

74      Dans la première branche du deuxième moyen, la requérante, soutenue par bevh, fait valoir que l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de sécurité juridique au motif que la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » n’est pas suffisamment précise et que la désignation comme très grande plateforme en ligne n’est, en conséquence, pas suffisamment prévisible.

75      La Commission, soutenue par le Parlement, le Conseil et EISi, conteste l’argumentation de la requérante.

76      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de sécurité juridique exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence [arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, point 68, et du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, point 46]. Ce principe s’impose avec une rigueur particulière en présence d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières (voir arrêt du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 52 et jurisprudence citée), comme c’est le cas du règlement 2022/2065.

77      Toutefois, le principe de sécurité juridique n’exige pas que chaque norme écarte tout doute quant à son interprétation. Ce qui importe au contraire est de savoir si l’acte juridique en cause souffre d’une telle ambiguïté qu’elle ferait obstacle à ce que l’on puisse lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens de la disposition (conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire FCD et FMB, C‑106/14, EU:C:2015:93, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31). Ainsi, il ne saurait être porté atteinte au principe de sécurité juridique au seul motif que le juge de l’Union doive recourir à des méthodes d’interprétation autre que l’interprétation littérale d’une disposition de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Irish Ferries, C‑570/19, EU:C:2021:664, point 167).

78      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, la circonstance qu’une disposition ne prescrive pas de méthode ou de procédé concrets ne signifie pas pour autant que celle-ci méconnaît le principe de sécurité juridique (voir arrêt du 22 février 2022, Stichting Rookpreventie Jeugd e.a., C‑160/20, EU:C:2022:101, point 43 et jurisprudence citée). En effet, dans une telle circonstance, il appartient à l’autorité ou aux opérateurs concernés de choisir une méthode fiable susceptible d’assurer le respect de l’exigence découlant de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2019, Planta Tabak, C‑220/17, EU:C:2019:76, point 33).

–       Considérations liminaires

79      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » a vocation à s’appliquer à une grande variété de situations. En effet, il résulte de l’article 3, sous i), et du considérant 13 du règlement 2022/2065 que la notion de « plateforme en ligne » inclut aussi bien des réseaux sociaux que des places de marché. La requérante reconnaît en outre l’existence d’une « grande diversité des plateformes en ligne » qui « diffèrent [...] par la nature des services qu’elles proposent ». Ainsi, la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » doit pouvoir s’adapter à différents types de plateformes en ligne susceptibles d’exposer différents types de contenus, dont des contenus sonores et visuels, selon des modalités différentes, par exemple, par l’utilisation d’un site Internet ou d’une application, ou en conditionnant, ou non, l’accès à ces contenus à une inscription préalable et à l’ouverture d’un compte.

80      Dans ces conditions, il convient de considérer qu’un certain degré d’incertitude quant au sens et à la portée de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » est inhérent à celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31).

–       Sur l’existence de différentes méthodes pour calculer le NMM des plateformes en ligne

81      La requérante et bevh font valoir que, compte tenu de l’imprécision de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne », la Commission et les fournisseurs de plateformes en ligne ont, en pratique, adopté différentes méthodes pour calculer le NMM de celles-ci.

82      En premier lieu, la requérante suggère que des fournisseurs sous-estimeraient le NMM de leurs plateformes en ligne.

83      Ainsi, premièrement, la requérante allègue que des fournisseurs de plateformes en ligne n’ont pas tenu compte des adresses de protocole Internet (adresses IP) qui, bien qu’étant situées dans l’Union, n’étaient pas dans un État membre dans lequel ces fournisseurs étaient actifs ou dans lequel leurs produits pouvaient être livrés. Elle ajoute, à cet égard, que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 se borne à faire référence aux destinataires actifs dans l’Union, sans préciser s’il s’agit de ceux ayant leur domicile ou leur résidence habituelle dans l’Union ou de ceux entretenant un autre « lien territorial » avec cette dernière.

84      À cet égard, d’une part, il convient de relever que l’argument de la requérante semble se fonder sur la version allemande de l’article 2, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 selon laquelle ce règlement s’applique notamment aux services intermédiaires proposés à des destinataires du service, tels que des personnes physiques, qui ont leur « Sitz » (domicile) dans l’Union. Or, les autres versions linguistiques de cette disposition se bornent à exiger que ces destinataires du service soient « situés » dans l’Union, sans autres précisions.

85      Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques (arrêts du 21 mars 2024, Cobult, C‑76/23, EU:C:2024:253, point 25, et du 17 janvier 2023, Espagne/Commission, C‑632/20 P, EU:C:2023:28, point 40).

86      Dans ces conditions, il convient de considérer que seul le lieu où se trouvent les destinataires du service en question lorsqu’ils sont exposés aux informations hébergées par la plateforme en ligne est pertinent, indépendamment du lieu de leur domicile ou de leur résidence habituelle. Ainsi, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, il ne ressort pas des différentes versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, prises dans leur ensemble, que le législateur de l’Union devait définir la notion de « domicile » aux fins de l’application de cette disposition. Au demeurant, il résulte du point 41 de la requête que la requérante avait correctement interprété ladite disposition pour calculer le NMM de la plateforme Zalando dans la mesure où elle n’avait tenu compte que du lieu à partir duquel les sites Internet et les applications relatifs à cette plateforme avaient été consultés.

87      D’autre part, aucune des versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 ne permet d’exclure les destinataires du service au motif que, bien qu’étant situés dans l’Union, ils seraient dans un État membre dans lequel le fournisseur de la plateforme en ligne n’est pas actif ou dans lequel ses produits ne peuvent pas être livrés.

88      Il s’ensuit que, ainsi que le relève la Commission, le comportement décrit par la requérante pour calculer le NMM d’une plateforme en ligne méconnaît le règlement 2022/2065. Par conséquent, le fait, à le supposer établi, que certains fournisseurs de plateformes en ligne aient adopté un tel comportement ne permet pas d’établir une violation du principe de sécurité juridique en raison de l’imprécision de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » dans ledit règlement.

89      Deuxièmement, la requérante affirme que des fournisseurs de plateformes en ligne ne tiennent compte que des destinataires actifs sur leurs sites Internet, mais non sur leurs applications correspondantes. Par ailleurs, elle soutient que des fournisseurs de plateformes en ligne, sur lesquelles tant leurs contenus que ceux de vendeurs tiers sont accessibles, ne tiennent compte que des « destinataires de contenus tiers », y compris lorsque ces fournisseurs présentent leurs propres contenus sur la même interface. Elle prétend également que des fournisseurs de plateformes en ligne ne tiennent pas compte des destinataires actifs qui n’acceptent pas l’utilisation de témoins de connexion (cookies). En outre, elle suggère que les fournisseurs de plateformes en ligne, qui ne peuvent être utilisées que par des personnes inscrites, mais dont le contenu est accessible par des personnes non inscrites, ne tiendraient pas compte de ces dernières. Enfin, elle fait valoir que des fournisseurs de plateformes en ligne assimilent des destinataires actifs à des robots lorsqu’ils restent inactifs pendant 30 minutes et que, en conséquence, ces fournisseurs n’en tiennent pas compte aux fins du calcul du NMM.

90      Toutefois, il convient de noter que les comportements ainsi décrits par la requérante méconnaissent ici aussi le règlement 2022/2065, ce que cette dernière a, au demeurant, reconnu lors de l’audience, et qu’ils ne sont, en conséquence, pas susceptibles de démontrer l’insuffisance de précision dudit règlement.

91      En effet, d’une part, le considérant 77 du règlement 2022/2065 précise qu’un destinataire du service « ne devrait, dans la mesure du possible, être comptabilisé qu’une seule fois », que ce règlement « n’impose pas aux fournisseurs de plateformes en ligne [...] d’effectuer un pistage spécifique des personnes en ligne » et que ces fournisseurs peuvent, lorsqu’ils « sont en mesure » de le faire, « exclure du décompte les utilisateurs automatisés tels que les robots ou les récupérateurs d’informations (“scrapers”) sans autre traitement des données à caractère personnel ni pistage ». Toutefois, il ne saurait en être déduit que ces fournisseurs pourraient, aux fins du calcul du NMM, ne pas tenir compte de certains destinataires actifs au motif que certains refuseraient l’utilisation de cookies et qu’il y aurait lieu de ne pas comptabiliser les robots.

92      Au contraire, il résulte du considérant 77 du règlement 2022/2065 que les fournisseurs de plateformes en ligne peuvent être amenés à comptabiliser des robots lorsqu’ils ne sont pas en mesure de les exclure sans autre traitement des données à caractère personnel ni pistage, ainsi qu’à compter plusieurs fois un même destinataire actif, bien que l’objectif soit, « dans la mesure du possible », de ne compter les destinataires actifs qu’une seule fois. Ainsi, ces fournisseurs peuvent, dans certaines circonstances, être amenés à surestimer le NMM de leur plateforme en ligne, conformément audit règlement. En revanche, celui-ci ne les autorise pas à sous-estimer ledit nombre. Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 78 ci-dessus, il appartient notamment auxdits fournisseurs de choisir une méthode fiable susceptible d’assurer le respect de l’exigence de ne pas sous-estimer le nombre en question.

93      Le fait, invoqué par la requérante, que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 mentionne le NMM et non le nombre mensuel moyen de consultations de la plateforme en ligne concernée n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, cette disposition, telle qu’interprétée à la lumière du considérant 77 de ce règlement, ne conduit pas à comptabiliser l’ensemble de ces consultations, bien qu’elle puisse conduire à surestimer le nombre de destinataires actifs de la plateforme en ligne concernée.

94      D’autre part, ainsi qu’il a été rappelé au point 60 ci-dessus, pour être qualifié de destinataire actif d’une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065, le destinataire du service doit seulement avoir été en contact avec cette plateforme, notamment en étant exposé aux informations hébergées par celle-ci et diffusées via son interface en ligne.

95      Il s’ensuit qu’un fournisseur de plateforme en ligne ne peut pas exclure, aux fins du calcul du NMM, les destinataires du service qui, bien qu’ils aient été exposés aux informations hébergées par celle-ci, n’y sont pas inscrits, n’y ont pas conclu de transaction, sont restés inactifs un certain temps, ont refusé l’utilisation de cookies ou ont accédé à la plateforme à partir d’une application.

96      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que des fournisseurs de plateformes en ligne craignent de comptabiliser plusieurs fois un même destinataire actif s’ils se fient au seul nombre de consultations de leurs plateformes en ligne. Elle ajoute qu’ils évaluent de façon différente le nombre de ces doublons. Toutefois, de telles circonstances ne sont pas de nature à établir une violation du principe de sécurité juridique en raison de l’imprécision de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » dans le règlement 2022/2065.

97      En troisième lieu, la requérante fait valoir que des fournisseurs ne publient pas le NMM de leurs plateformes en ligne, mais qu’ils se contentent d’indiquer que ce nombre est inférieur à 45 millions au motif que l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065 ne leur imposerait que de publier des « informations relatives à la moyenne mensuelle des destinataires actifs », et non le NMM en tant que tel. Toutefois, une telle circonstance n’est pas de nature à établir une violation du principe de sécurité juridique en raison de l’imprécision de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » dans ledit règlement.

98      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que les fournisseurs de plateformes en ligne ne comptabilisent, aux fins du calcul du NMM, que les destinataires du service qui restent suffisamment longtemps sur celles-ci. Elle précise que la durée minimale retenue varie entre 3 et 45 secondes selon le fournisseur concerné et que le choix de cette durée est susceptible d’avoir une incidence significative sur le calcul du NMM de leurs plateformes en ligne.

99      À cet égard, il n’est certes pas contesté que le NMM d’une plateforme en ligne est susceptible de varier selon qu’est retenue une durée minimale de 3 secondes ou de 45 secondes durant laquelle les destinataires du service doivent rester sur cette plateforme pour être comptabilisés en tant que destinataires actifs.

100    Toutefois, le considérant 77 du règlement 2022/2065 précise que le calcul du NMM, et donc du nombre de personnes exposées aux informations hébergées par une plateforme en ligne, peut dépendre « de la nature du service et de la manière dont les destinataires du service interagissent avec celui-ci ». Ainsi, la circonstance que ce règlement ne fixe pas, de façon abstraite et pour l’ensemble des plateformes en ligne, la durée minimale que doivent retenir les fournisseurs de ces plateformes aux fins du calcul du NMM ne suffit pas à établir qu’il ne permet pas de déterminer le NMM d’une plateforme en ligne en particulier, compte tenu des caractéristiques propres à cette dernière.

101    Au surplus, il y a lieu de noter, à l’instar de la Commission, que la requérante n’allègue pas qu’il lui était impossible de déterminer, en l’espèce, la durée minimale en cause pour calculer le NMM de la plateforme Zalando. Au contraire, il ressort de son argumentation qu’elle avait retenu une durée minimale de 10 secondes, y compris s’agissant du nombre de 83,341 millions finalement retenu par la Commission. En outre, elle ne développe aucune argumentation tendant à démontrer que, eu égard aux caractéristiques de cette plateforme, une telle durée ne permettait pas de considérer qu’un destinataire du service avait pu être exposé aux informations provenant des vendeurs tiers et que cette durée avait été choisie de manière arbitraire dans le seul but de se conformer à l’obligation de publication visée à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065.

102    En cinquième lieu, bevh fait valoir que certains destinataires actifs ne sont pas nécessairement exposés aux informations hébergées par la plateforme en ligne, de sorte que des « ajustements » doivent pouvoir être opérés par les fournisseurs de plateformes en ligne afin de calculer le NMM de celles-ci. Elle relève d’ailleurs que la Commission admet que la requérante pouvait procéder à de tels ajustements en l’espèce, notamment afin de ne pas comptabiliser plusieurs fois un même destinataire actif ou de ne pas comptabiliser des « utilisations involontaires » de la plateforme Zalando n’impliquant pas une exposition effective aux contenus hébergés sur celle-ci. Toutefois, elle fait valoir que le règlement 2022/2065 ne liste pas de manière exhaustive les ajustements qui seraient autorisés. Elle fait ainsi grief au législateur de l’Union d’avoir défini la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » en se référant à la notion d’« exposition », alors que celle-ci est également imprécise.

103    À cet égard, d’une part, il résulte de l’article 3, sous p), du règlement 2022/2065 qu’un destinataire actif d’une plateforme en ligne est soit la personne qui demande à cette plateforme d’héberger des informations, soit la personne qui est exposée à ces informations via l’interface de ladite plateforme. Il s’ensuit que pour être comptabilisé en tant que destinataire actif de la plateforme Zalando, un consommateur devait, en l’espèce, nécessairement avoir été exposé aux informations hébergées sur cette plateforme à la demande des vendeurs tiers. Ainsi, contrairement à ce que soutient bevh, il n’est pas possible d’identifier, parmi les destinataires actifs, les consommateurs qui n’auraient pas été exposés auxdites informations. Par conséquent, s’il était possible d’« ajuster » le nombre de consultations ou celui de destinataires du service afin de déterminer le nombre de consommateurs devant être comptabilisés en tant que destinataires actifs de cette plateforme, il n’y avait pas lieu d’ajuster le nombre de destinataires actifs afin de calculer le NMM de celle-ci.

104    D’autre part, il convient de relever que les ajustements invoqués par bevh tendaient, en réalité, à éviter de compter plusieurs fois un même destinataire actif ou de compter des personnes se trouvant involontairement sur la plateforme Zalando sans être effectivement exposées aux informations provenant des vendeurs tiers. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient bevh, il ne saurait en être déduit que la Commission aurait reconnu que des destinataires actifs pouvaient ne pas être exposés à des informations provenant des vendeurs tiers. Enfin, bevh n’étaye pas son affirmation selon laquelle la notion d’« exposition » ne serait pas suffisamment précise, notamment eu égard aux explications figurant au considérant 77 du règlement 2022/2065.

105    En sixième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a elle-même utilisé des méthodes différentes pour calculer le NMM de la plateforme Zalando. Ainsi, elle relève que la Commission a, par une décision du 27 septembre 2023, postérieure à la décision attaquée, fixé le montant de la redevance de surveillance qu’elle devait payer au titre de l’article 43 du règlement 2022/2065. Elle constate que la Commission a alors considéré que le NMM de ladite plateforme ne s’élevait qu’à 47,5 millions, et non plus à 83,341 millions comme elle l’avait indiqué dans la décision attaquée. De manière analogue, elle constate un écart important entre les données publiées par d’autres fournisseurs de très grandes plateformes en ligne au titre de l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement et celles retenues par la Commission aux fins du calcul de cette redevance.

106    À cet égard, premièrement, il y a lieu de noter que l’article 43 du règlement 2022/2065 dispose notamment que les fournisseurs de services intermédiaires désignés comme de très grandes plateformes en ligne doivent verser une redevance de surveillance à la Commission. Le montant total de cette redevance correspond, chaque année, à l’estimation des frais que cette dernière devra supporter pour mener à bien les missions que lui confie ledit règlement.

107    En outre, l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué (UE) 2023/1127 de la Commission, du 2 mars 2023, complétant le règlement 2022/2065 en fixant, dans le détail, la méthode et les procédures afférentes aux redevances de surveillance imposées par la Commission aux fournisseurs de très grandes plateformes en ligne et de très grands moteurs de recherche en ligne (JO 2023, L 149, p. 16), prévoit que le montant de base de la redevance de surveillance doit être réparti entre les fournisseurs des services intermédiaires concernés en fonction, notamment, du NMM de ces derniers. Cette disposition prévoit également que la Commission peut se fonder notamment sur le NMM publié au titre de l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement par le fournisseur de la très grande plateforme en ligne en cause ou sur « toute autre information » disponible au 31 août de l’année pour laquelle ladite redevance doit être versée.

108    En conséquence, il convient de relever que l’article 4 du règlement 2023/1127 prévoit expressément la possibilité, pour la Commission, de s’appuyer sur d’autres sources d’information comme des données provenant d’entreprises tierces et, ainsi, de retenir un NMM différent, aux fins du calcul du montant de base de la redevance de surveillance, de celui publié par la requérante le 17 février 2023 au titre de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, aux fins de la désignation de la plateforme Zalando comme une très grande plateforme en ligne. À cet égard, il résulte du point 67 ci-dessus que la Commission était fondée à retenir, dans la décision attaquée, le NMM de 83,341 millions qui avait été publié par la requérante au titre de cette dernière disposition.

109    Deuxièmement, la Commission a certes indiqué, dans la décision du 27 septembre 2023 ainsi que dans sa communication à la requérante, préalable à cette décision et visée à l’article 6, paragraphe 3, du règlement 2023/1127, qu’elle avait préféré se fonder sur les données provenant d’entreprises tierces plutôt que sur celles provenant de la requérante afin de déterminer le NMM de la plateforme Zalando. Elle a indiqué que le choix de se fonder sur des données d’entreprises tierces était justifié afin de pouvoir adopter une méthode commune de calcul pour l’ensemble des 19 services intermédiaires soumis à la redevance de surveillance en 2023 et, ainsi, en répartir le montant équitablement entre les fournisseurs de ces services, conformément au principe d’égalité de traitement. Elle a alors considéré que le NMM de la plateforme Zalando ne s’élevait plus qu’à 47,5 millions.

110    Toutefois, il convient de constater que la Commission a également reconnu que les données d’entreprises tierces n’étaient que des estimations, par nature, moins fiables que les données issues des plateformes elles-mêmes, ce qui n’est pas contesté par la requérante. Or, indépendamment de la légalité de la décision du 27 septembre 2023, qui ne fait pas l’objet du présent recours, il y a lieu de relever que le fait, pour la Commission, de s’être fondée sur les données les plus fiables pour déterminer le NMM dans la décision attaquée n’est pas de nature à établir que la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » n’est pas suffisamment précise au titre du principe de sécurité juridique. Il s’ensuit qu’un tel fait n’est pas non plus de nature à remettre en cause la légalité de cette dernière décision, d’autant plus que la Commission a également retenu un NMM supérieur à 45 millions dans la décision du 27 septembre 2023.

111    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la requérante et bevh ne sont pas fondées à soutenir que l’existence de différentes méthodes pour calculer le NMM des plateformes est de nature à établir que l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de sécurité juridique.

–       Sur les autres arguments de la requérante et de bevh

112    En premier lieu, la requérante relève que l’article 33, paragraphe 3, du règlement 2022/2065 prévoit que « la Commission peut adopter des actes délégués […] pour compléter les dispositions [de ce] règlement en établissant la méthodologie pour calculer le [NMM] aux fins [de l’article 33, paragraphe 1,] et de l’article 24, paragraphe 2, [dudit règlement] en veillant à ce que cette méthode tienne compte des évolutions du marché et de la technologie ».

113    Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’il n’est pas nécessaire qu’un acte législatif apporte lui-même des précisions de nature technique, puisqu’il est loisible au législateur de l’Union de recourir à un cadre juridique général qui est, le cas échéant, à préciser ultérieurement [arrêt du 4 octobre 2024, Lituanie e.a./Parlement et Conseil (Paquet mobilité), C‑541/20 à C‑555/20, EU:C:2024:818, point 160]. En outre, ainsi qu’il résulte du point 78 ci-dessus, en l’absence de telles précisions, il peut revenir aux opérateurs concernés de choisir une méthode fiable susceptible d’assurer le respect des exigences découlant de cet acte législatif.

114    Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que le règlement 2022/2065 prévoit la possibilité, pour la Commission, d’adopter un acte délégué ne saurait suffire à établir que, en l’absence d’un tel acte délégué, l’ambiguïté de ce règlement serait telle que son application violerait le principe de sécurité juridique.

115    Par ailleurs, pour autant que bevh excipe de l’illégalité de l’article 33, paragraphe 3, du règlement 2022/2065 au motif que cette disposition prévoit, en violation de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, l’adoption d’un acte délégué ne se limitant pas à compléter ou à modifier des éléments non essentiels dudit règlement, il suffit de rappeler que ne peuvent valablement faire l’objet d’une exception d’illégalité que les dispositions d’un acte de portée générale qui constituent la base de la décision individuelle attaquée ou qui entretiennent un lien juridique direct avec cette décision, mais qu’est irrecevable une exception d’illégalité dirigée contre un acte de portée générale dont ladite décision ne constitue pas une mesure d’application (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, points 69 et 70 et jurisprudence citée).

116    Or, il y a lieu de constater que l’article 33, paragraphe 3, du règlement 2022/2065 n’entretient aucun lien juridique direct avec la décision attaquée. En effet, la Commission n’ayant pas adopté d’acte délégué, ainsi que le permet cette disposition, elle n’a pas pu appliquer la méthode qui aurait figuré dans celui-ci aux fins du calcul du NMM de la plateforme Zalando. En conséquence, une telle exception d’illégalité doit être rejetée comme irrecevable, et ce indépendamment de son caractère tardif allégué par la Commission.

117    En second lieu, la requérante constate que le règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil, du 14 septembre 2022, relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques) (JO 2022, L 265, p. 1), inclut une annexe tendant à préciser la méthode d’identification et de calcul des « utilisateurs finaux actifs ». Toutefois, cette circonstance est dénuée de pertinence pour déterminer si le règlement 2022/2065 définit avec suffisamment de précision la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » au regard du principe de sécurité juridique.

118    Dans ces conditions, il convient de constater que ni la requérante ni bevh n’ont apporté d’élément permettant de considérer que les précisions figurant dans le règlement 2022/2065 étaient insuffisantes pour pouvoir déterminer, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et notamment des spécificités de la plateforme en cause, le nombre de personnes ayant été exposées aux informations hébergées et diffusées par celle-ci et en calculer une moyenne sur six mois.

119    Il s’ensuit que la requérante et bevh ne sont pas fondées à soutenir que l’article 33, paragraphes 1 et 4, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de sécurité juridique.

120    Par conséquent, il convient d’écarter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de ce que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe d’égalité de traitement

121    Dans la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante, soutenue par bevh, considère que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe d’égalité de traitement au motif qu’il traite, à la fois, de manière différente des plateformes en ligne comparables et de manière égale des plateformes en ligne différentes.

122    La Commission, soutenue par le Parlement, le Conseil et EISi, conteste l’argumentation de la requérante.

123    Le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 23 novembre 2023, Seven.One Entertainment Group, C‑260/22, EU:C:2023:900, point 45 et jurisprudence citée). Selon une jurisprudence constante, pour pouvoir déterminer s’il y a ou non une telle violation dudit principe, il convient notamment de s’en remettre à l’objet et au but poursuivi par la disposition dont il est allégué qu’elle le violerait (voir arrêt du 6 septembre 2018, Piessevaux/Conseil, C‑454/17 P, non publié, EU:C:2018:680, point 79 et jurisprudence citée).

124    En outre, dans un domaine dans lequel le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le principe d’égalité de traitement n’est méconnu que lorsque ce législateur procède à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 2022, Commission/VW e.a., C‑116/21 P à C‑118/21 P, C‑138/21 P et C‑139/21 P, EU:C:2022:557, point 127, et du 9 mars 2023, Grossetête/Parlement, C‑714/21 P, non publié, EU:C:2023:187, point 48).

125    En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que le caractère insuffisamment précis de la notion de « destinataire actif d’une plateforme en ligne » conduit les fournisseurs de plateformes en ligne et la Commission à déterminer le NMM de manière différente selon la plateforme en ligne concernée.

126    Toutefois, d’une part, ainsi qu’il résulte des points 118 et 119 ci-dessus, ni la requérante ni bevh n’ont établi que les précisions figurant dans le règlement 2022/2065 étaient insuffisantes pour pouvoir déterminer le NMM d’une plateforme en ligne. D’autre part, la requérante n’identifie aucune plateforme en ligne, comparable à la plateforme Zalando, qui n’aurait pas été désignée par la Commission comme une très grande plateforme en ligne en raison de la prétendue ambiguïté dudit règlement.

127    En deuxième lieu, la requérante soutient que des fournisseurs de plateformes en ligne pourraient ne jamais être contraints de communiquer des informations relatives au NMM de leurs plateformes en ligne à la Commission ou au coordinateur pour les services numériques de l’État membre d’établissement, au titre de l’article 24, paragraphe 3, du règlement 2022/2065, si ces derniers n’en font pas la demande. Or, elle constate que les fournisseurs de plateformes en ligne bénéficient d’un avantage concurrentiel lorsque leurs plateformes en ligne ne sont pas désignées comme de très grandes plateformes en ligne. Elle en déduit que lesdits fournisseurs pourraient bénéficier d’un tel avantage dans l’hypothèse où ils sous-estimeraient, de manière intentionnelle ou non, le nombre de destinataires actifs ou dans l’hypothèse où ils méconnaîtraient leur obligation de publier des informations relatives au NMM au titre de l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement. À cet égard, elle précise que si le législateur de l’Union a prévu la possibilité, pour la Commission, d’imposer des amendes aux fournisseurs dont les plateformes en ligne n’ont pas encore été désignées comme de très grandes plateformes en ligne en raison d’une violation dudit règlement, il n’a pas prévu de « paiement compensatoire » pour compenser le « désavantage concurrentiel » subi par les fournisseurs dont les plateformes ont déjà été désignées comme de très grandes plateformes en ligne.

128    Toutefois, il convient de relever que l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065 impose aux fournisseurs de publier, pour chacune de leurs plateformes en ligne, des informations relatives à la moyenne mensuelle des destinataires actifs de celles-ci, au plus tard le 17 février 2023 et au moins tous les six mois par la suite.

129    Or, d’une part, la circonstance, à la supposer établie, que des fournisseurs de plateformes en ligne aient violé l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065 n’est pas de nature à établir que l’article 33, paragraphe 1, de ce règlement violerait le principe d’égalité de traitement. En outre, la requérante n’explique pas la raison pour laquelle l’amende, prévue par l’article 74 de ce règlement, que la Commission est susceptible d’imposer dans l’hypothèse d’une telle violation, serait insuffisante pour compenser le prétendu « désavantage concurrentiel » subi par les autres fournisseurs qui, s’étant conformés à l’article 24, paragraphe 2, du règlement, ont vu leurs plateformes être désignées comme des très grandes plateformes en ligne.

130    D’autre part, s’il est vrai que, en vertu de l’article 24, paragraphe 3, du règlement 2022/2065, la Commission peut demander aux fournisseurs de plateformes en ligne de lui communiquer des informations complémentaires à celles visées à l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, il convient de relever que la seule circonstance que cette disposition confère à la Commission une marge d’appréciation à cet égard ne permet pas de considérer que cette dernière exercera nécessairement son pouvoir d’appréciation en violation du principe d’égalité de traitement.

131    En troisième lieu, la requérante relève que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 ne tient compte que du NMM aux fins de la désignation comme très grandes plateformes en ligne et non de la nature des plateformes en ligne concernées, ni des risques pour la société qu’elles peuvent engendrer. Or, elle soutient que, à la différence des réseaux sociaux, les places de marché ne devraient pas être soumises aux obligations supplémentaires imposées aux très grandes plateformes en ligne en vertu de cette disposition. En outre, elle considère que la plateforme Zalando, sur laquelle seuls des vendeurs tiers sélectionnés par elle peuvent commercialiser des produits, est moins dangereuse que les plateformes sur lesquelles les vendeurs sont anonymes ou ne font pas l’objet d’un processus de sélection. D’ailleurs, elle constate qu’aucun produit de contrefaçon n’a été jusqu’à présent proposé sur la plateforme Zalando.

132    À cet égard, il convient de relever que l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 contient une liste de risques systémiques susceptibles d’être engendrés par les très grandes plateformes en ligne.

133    Plus particulièrement, d’une part, l’article 34, paragraphe 1, sous a), du règlement 2022/2065 prévoit que les risques systémiques incluent la diffusion de contenus illicites par l’intermédiaire des très grandes plateformes en ligne. Conformément à l’article 3, sous h), de ce règlement, il s’agit plus précisément des risques liés à la diffusion de « toute information qui, en soi ou par rapport à une activité, y compris la vente de produits […], n’est pas conforme au droit de l’Union ou au droit d’un État membre qui est conforme au droit de l’Union, quel que soit l’objet précis ou la nature précise de ce droit ».

134    D’autre part, l’article 34, paragraphe 1, sous b), du règlement 2022/2065 énonce que les risques systémiques incluent « tout effet négatif réel ou prévisible pour l’exercice des droits fondamentaux, en particulier [...] le droit fondamental à un niveau élevé de protection des consommateurs consacré à l’article 38 de la Charte ».

135    Or, premièrement, la requérante ne conteste pas que des places de marché, notamment celles sur lesquelles les vendeurs n’ont pas fait l’objet d’un processus de sélection, sont susceptibles de faciliter la commercialisation de produits dangereux ou illégaux. En outre, le fait que des fournisseurs de places de marché, tels que la requérante, ont, jusqu’à présent, sélectionné avec attention les vendeurs opérant sur leurs places de marché n’est pas de nature à exclure que ces dernières puissent, à l’avenir, permettre la commercialisation de tels produits auprès d’une partie significative de la population de l’Union dès lors que leur NMM demeurerait égal ou supérieur à 45 millions.

136    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les places de marché, dans leur ensemble, sont susceptibles de diffuser des contenus illicites par rapport à la vente de produits et d’avoir un effet négatif sur le droit fondamental à un niveau élevé de protection des consommateurs consacré à l’article 38 de la Charte.

137    Il s’ensuit que le législateur de l’Union n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les places de marché étaient susceptibles d’engendrer des risques systémiques au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2022/2065. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient bevh, le fait, à le supposer établi, que cette disposition vise également des risques qui ne seraient pas susceptibles d’être engendrés par des places de marché n’est pas de nature à établir que ces dernières n’engendreraient aucun des risques visés par ladite disposition.

138    Deuxièmement, il y a lieu de noter que la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle certaines plateformes en ligne, dont les réseaux sociaux, seraient susceptibles d’engendrer plus de risques pour la société que les places de marché n’est pas de nature à établir que les obligations imposées à ces dernières seraient manifestement inadéquates pour atteindre les objectifs du règlement 2022/2065.

139    Plus particulièrement, il convient de relever que la requérante ne développe aucune argumentation tendant à démontrer que les obligations supplémentaires, imposées par l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 aux fournisseurs de places de marché désignées comme de très grandes plateformes en ligne et qui figurent aux articles 34 à 43 de ce règlement, seraient manifestement inadéquates pour réduire les risques systémiques engendrés par ces places de marché.

140    Certes bevh soutient, quant à elle, que les articles 34 à 43 du règlement 2022/2065 ne permettent pas d’accroître la protection des consommateurs. Toutefois, il y a lieu d’écarter cette argumentation comme inopérante. En effet, ainsi qu’il résulte des points 132 à 134 ci-dessus, les obligations supplémentaires prévues par ces dispositions n’ont pas uniquement trait à la protection des consommateurs, mais poursuivent également d’autres objectifs, dont la lutte contre la diffusion de contenus illicites. Ainsi, l’argumentation de bevh n’est pas susceptible d’établir que ces obligations seraient manifestement inadéquates pour réduire au moins certains des risques systémiques engendrés par les places de marché.

141    Au surplus, il convient de relever, en tout état de cause, que bevh n’apporte aucun élément permettant de considérer que les articles 34 à 43 du règlement 2022/2065 ne participeraient pas à la protection des consommateurs. En effet, elle n’étaye pas son affirmation selon laquelle les articles 34 à 37 de ce règlement seraient insuffisamment précis pour protéger les consommateurs. Elle n’explique pas non plus la raison pour laquelle l’article 38 dudit règlement, qui prévoit la possibilité, pour les consommateurs, de choisir un système de recommandations qui ne repose pas sur le profilage, ne serait pas de nature à protéger ces derniers. Si elle fait valoir que les articles 39 à 42 du même règlement contribuent à la compréhension des risques systémiques et qu’ils ne protègent donc pas « directement » les consommateurs, bevh n’exclut pas qu’ils puissent permettre, à tout le moins, une protection « indirecte » de ceux-ci dans la mesure où la compréhension desdits risques peut être une étape préalable à leur prévention. Enfin, l’article 43 du règlement en question, en tant qu’il permet à la Commission d’avoir les ressources nécessaires aux fins de la mise en œuvre de ce même règlement, est nécessairement de nature à protéger les consommateurs.

142    Troisièmement, à supposer que la requérante entende reprocher au législateur de l’Union de ne pas avoir retenu des critères « qualitatifs » aux fins de la désignation des très grandes plateformes en ligne, il y a lieu de noter que la Commission avait indiqué, dans l’analyse d’impact annexée à la proposition de règlement, qu’elle avait envisagé d’autres critères que le seul critère du NMM, dont des critères « qualitatifs » tenant compte de l’effet sociétal et économique de la plateforme en ligne considérée. La Commission a toutefois relevé que la prise en compte de tels critères qualitatifs requerrait une approche au cas par cas susceptible d’entraîner une incertitude juridique et un processus long et coûteux pour désigner les très grandes plateformes en ligne.

143    Or, la requérante ne conteste pas que la prise en compte, par la Commission, de la nature des plateformes en ligne et des risques qu’elles peuvent engendrer aux fins de leur désignation comme de très grandes plateformes en ligne rendrait un tel processus long et coûteux. Dans ces conditions, il suffit de constater que les critères « qualitatifs » invoqués par la requérante étaient de nature à retarder la mise en œuvre des obligations visées à l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065 et à priver la Commission d’une partie de ses ressources nécessaires pour mener à bien les missions que lui confie ce règlement. En conséquence, il convient de considérer que de tels critères ne permettent pas d’atteindre lesdits objectifs de manière aussi efficace que le critère du NMM.

144    Dans ces conditions, il convient de relever que le critère du NMM aux fins de la désignation comme très grande plateforme en ligne n’apparaît pas manifestement inadéquat pour atteindre les objectifs du règlement 2022/2065.

145    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait, invoqué par bevh, que, au cours d’une réunion d’un groupe d’experts dans le commerce électronique qui s’est tenue le 14 juin 2018, des représentants de plusieurs États membres ont indiqué, « dans des termes généraux », que « les grandes plateformes étaient plutôt actives et disposées à collaborer » avec les autorités concernant la diffusion de contenus illicites en ligne et que le représentant d’un État membre a indiqué que les « petits fournisseurs de services d’hébergement » n’étaient, à l’inverse, « généralement » pas désireux de collaborer avec les autorités.

146    En effet, d’une part, les propos des représentants des États membres ayant assisté à la réunion du 14 juin 2018 portaient sur les services d’hébergement en général, et non spécifiquement sur les places de marché. D’autre part, le fait que certaines entreprises souhaitent davantage collaborer avec les autorités pour lutter contre la diffusion de contenus illicites ne saurait être de nature à empêcher le législateur de l’Union de les soumettre à des obligations de gestion des risques liés à la diffusion de tels contenus au titre du principe d’égalité de traitement. Il en est d’autant plus ainsi lorsque, en raison du NMM élevé de leurs plateformes en ligne, ces dernières sont susceptibles d’exposer une partie significative de la population de l’Union auxdits contenus.

147    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante et bevh ne sont pas fondées à soutenir que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe d’égalité de traitement.

148    Par conséquent, il convient d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de ce que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de proportionnalité

149    Dans la troisième branche du deuxième moyen, la requérante, soutenue par bevh, relève que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de proportionnalité.

150    La Commission, soutenue par le Parlement, le Conseil et EISi, conteste l’argumentation de la requérante.

151    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [voir arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 et jurisprudence citée].

152    Toutefois, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre du principe de proportionnalité, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ces domaines, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, est susceptible d’affecter la légalité d’une telle mesure. Ainsi, il s’agit de savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur de l’Union était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée [voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52, et du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 56].

153    En l’espèce, premièrement, la requérante considère, en substance, que le NMM ne constitue pas un critère approprié pour identifier les plateformes en ligne les plus dangereuses.

154    Toutefois, il résulte des points 135 à 137 ci-dessus que les places de marché peuvent être utilisées afin de faciliter la commercialisation de produits dangereux ou illégaux auprès d’une partie significative de la population de l’Union dès lors que leur NMM demeurerait égal ou supérieur à 45 millions.

155    La requérante fait certes valoir, à cet égard, qu’il résulte des rapports de transparence publiés au titre des articles 15, 24 et 42 du règlement 2022/2065 que la plateforme Zalando a fait l’objet d’un nombre significativement inférieur de notifications au titre de l’article 16 de ce règlement concernant des contenus potentiellement illicites à celui dont a fait l’objet la plateforme Amazon Store au cours de certains mois de l’année 2023. Elle relève ainsi que, à la différence de la plateforme Amazon Store, les informations provenant des destinataires du service sont contrôlées avant d’être diffusées au public sur la plateforme Zalando.

156    Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 135 ci-dessus, le fait, même à le supposer établi, que la requérante ait, jusqu’à présent, procédé à un contrôle efficace des informations avant leur diffusion au public sur sa plateforme n’est pas de nature à exclure que cette dernière puisse, à l’avenir, exposer une partie significative de la population de l’Union à des contenus illicites dès lors que son NMM demeurerait égal ou supérieur à 45 millions. Par conséquent, le critère du NMM n’apparaît pas manifestement inapproprié pour atteindre les objectifs du règlement 2022/2065.

157    Par ailleurs, bevh fait valoir que le législateur de l’Union aurait pu adopter des critères « qualitatifs », comme il l’aurait fait dans d’autres branches du droit de l’Union, dont la conformité des produits ou la cybersécurité, ou retenir un système de présomption simple, comme il l’aurait fait dans le règlement 2022/1925. Toutefois, ainsi qu’il résulte du point 152 ci-dessus, la seule circonstance que le législateur de l’Union aurait pu adopter d’autres critères n’est pas pertinente pour déterminer si le critère du NMM, finalement retenu par ce dernier, était manifestement inapproprié pour atteindre les objectifs du règlement 2022/2065. Au surplus, il résulte des points 142 et 143 ci-dessus que les critères « qualitatifs », tels que ceux invoqués par bevh, ne permettaient pas, en tout état de cause, d’atteindre lesdits objectifs de manière aussi efficace que ledit critère du NMM.

158    Deuxièmement, la requérante fait valoir que les plateformes en ligne et les vendeurs actifs dans le domaine du commerce en ligne étaient soumis à des obligations, avant l’entrée en vigueur du règlement 2022/2065, qui permettaient déjà d’atteindre les objectifs fixés par celui-ci. Elle en déduit que les obligations imposées par ce règlement ne sont pas nécessaires.

159    Toutefois, il y a lieu de relever que la requérante n’étaye pas son argumentation. En outre, ainsi qu’il résulte du point 152 ci-dessus, la question n’est pas de savoir si le droit applicable avant l’entrée en vigueur du règlement 2022/2065 était suffisant pour atteindre les objectifs de ce règlement, mais si les nouvelles obligations prévues par ce même règlement, conformément à son article 33, paragraphe 1, seraient manifestement inappropriées ou moins efficaces pour atteindre lesdits objectifs. Il s’ensuit qu’une telle argumentation n’est pas, en tout état de cause, susceptible d’établir une violation du principe de proportionnalité.

160    Troisièmement, la requérante estime qu’il est disproportionné de tenir compte de l’ensemble des destinataires du service pour déterminer le NMM d’une plateforme en ligne, y compris, comme c’est le cas en l’espèce, lorsque ces destinataires n’ont pas été effectivement exposés à des informations provenant de vendeurs tiers.

161    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il résulte du point 67 ci-dessus, il était loisible, à la requérante, de déterminer le NMM de la plateforme Zalando en excluant les destinataires du service qui n’avaient pas été effectivement exposés aux informations provenant des vendeurs tiers, conformément au règlement 2022/2065. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, pour les raisons indiquées aux points 63 à 66 ci-dessus, le nombre de 30,836 millions qu’elle invoque ne correspond pas au nombre de destinataires actifs ayant été effectivement exposés aux informations provenant des vendeurs tiers.

162    Par ailleurs, pour autant que bevh fasse valoir que les obligations prévues aux articles 34 à 37 du règlement 2022/2065 « vont au-delà des réglementations qui concernent l’“environnement hors-ligne” », il suffit de constater qu’elle n’explique pas la raison pour laquelle une telle comparaison avec des magasins « physiques » permettrait d’établir que le critère du NMM violerait le principe de proportionnalité.

163    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la requérante et bevh ne sont pas fondées à soutenir que l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2022/2065, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de ce règlement, viole le principe de proportionnalité.

164    Par ailleurs, à supposer que la requérante entende déduire de la violation du principe de proportionnalité une atteinte à la liberté d’entreprise, à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation de services, il suffit de constater que l’existence d’une telle atteinte ne saurait être établie dès lors qu’elle n’a pas établi la violation dudit principe. Enfin, pour autant que bevh entende également invoquer une violation de la liberté d’entreprise, il suffit de relever que son grief n’est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

165    Par conséquent, il convient d’écarter la troisième branche du deuxième moyen et, par voie de conséquence, de rejeter ledit moyen dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, contestée par la Commission.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 296 TFUE

166    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante, soutenue par bevh, fait grief à la Commission d’avoir violé l’article 296 TFUE et, par voie de conséquence, d’avoir méconnu une formalité substantielle au motif que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée. Plus particulièrement, d’une part, elle reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué la raison pour laquelle elle considérait que la plateforme Zalando était un service visé par l’article 3, sous g), iii), et sous i), du règlement 2022/2065. D’autre part, elle fait valoir que la Commission n’a pas précisé la raison pour laquelle elle avait tenu compte des « destinataires de la pure vente directe ».

167    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

168    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

169    En l’espèce, premièrement, il convient de relever, à la suite de la Commission, que cette dernière avait indiqué, au premier considérant de la décision attaquée, que la plateforme Zalando stockait et diffusait au public des informations à la demande de destinataires du service.

170    En outre, il y a lieu de noter que la Commission a rappelé, dans la décision attaquée, le contexte dans lequel cette décision a été adoptée. Or, il ressort de ce contexte que la requérante avait compris, avant l’adoption de ladite décision, la raison pour laquelle la plateforme Zalando constituait une plateforme en ligne.

171    En effet, d’une part, la Commission a indiqué, au considérant 2 de la décision attaquée, que la requérante avait publié des informations relatives à la moyenne mensuelle des destinataires actifs de la plateforme Zalando, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2022/2065, confirmant ainsi qu’elle reconnaissait que cette plateforme constituait une plateforme en ligne visée par cette disposition.

172    D’autre part, la Commission a indiqué, en substance, au considérant 5 de la décision attaquée, que la requérante reconnaissait, dans ses observations sur les conclusions préliminaires de la Commission, que la plateforme Zalando constituait une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065, pour ce qui concernait le Partner Programm. La Commission a ainsi relevé que la requérante se bornait, à cet égard, à contester le fait que soient pris en compte des destinataires du service dans le cadre du service Zalando Retail aux fins de la désignation comme très grande plateforme en ligne.

173    Dans ces conditions, il convient de considérer que, eu égard au contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, tel qu’il a été rappelé dans cette décision, la Commission a fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque la raison pour laquelle elle considérait que la plateforme Zalando constituait une plateforme en ligne au sens de l’article 3, sous i), du règlement 2022/2065 et, par voie de conséquence, un service d’hébergement au sens de l’article 3, sous g), iii), dudit règlement.

174    Deuxièmement, il résulte des points 8 et 9 ci-dessus que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, que les destinataires du service qui achetaient des produits dans le cadre du service Zalando Retail pouvaient avoir été préalablement exposés à des informations provenant de vendeurs tiers dans le cadre du Partner Programm. Elle a ainsi fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque la raison pour laquelle le NMM de la plateforme Zalando ne pouvait pas être déterminé en fonction de la valeur des ventes générées par ces vendeurs tiers.

175    Il s’ensuit que la requérante et bevh ne sont pas fondées à soutenir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation au titre de l’article 296 TFUE ni, par voie de conséquence, que la Commission a méconnu une formalité substantielle.

176    Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter le troisième moyen et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

177    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

178    En outre, aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Le Parlement et le Conseil supporteront donc leurs propres dépens.

179    De même, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, EISi et bevh supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Zalando SE supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne, European Information Society Institute o.z. (EISi) et Bundesverband E-Commerce und Versandhandel Deutschland eV (bevh) supporteront leurs propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Buttigieg

Hesse

Dimitrakopoulos

 

      Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 septembre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.