Language of document : ECLI:EU:C:2025:679

ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

2 septembre 2025 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence – Politique commerciale commune – Droits antidumping – Importation de tuyaux sans soudure, en acier inoxydable, originaires de Chine, étirés à froid en Inde – Règlement (UE) 2016/1036 – Article 13, paragraphe 1 – Contournement – Exclusion – Modification essentielle – Union douanière – Règlement (UE) no 952/2013 – Code des douanes de l’Union – Article 60, paragraphe 2 – Acquisition de l’origine des marchandises – Règle primaire excluant le changement de l’origine des tuyaux en acier finis à chaud, à la suite de leur transformation à froid »

Dans l’affaire C‑827/24,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), par décision du 30 septembre 2024, parvenue à la Cour le 13 novembre 2024, dans la procédure

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Cluj-Napoca,

Autoritatea Vamală Română prin Direcţia Regională Vamală Cluj

contre

Direct Line Inox Impex SRL,

Direcţia Regională Vamală Cluj,

Serviciul Soluţionare Contestaţii,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, M. A. Arabadjiev (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

avocat général : M. A. Biondi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), ainsi que de l’article 60, paragraphe 2, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Cluj-Napoca (direction générale régionale des finances publiques de Cluj-Napoca, Roumanie) et l’Autoritatea Vamală Română (autorité douanière roumaine), par l’intermédiaire de la Direcția Regională Vamală Cluj (direction régionale des douanes de Cluj, Roumanie), à Direct Line Inox Impex SRL, à la Direcția Regională Vamală Cluj (direction régionale des douanes de Cluj, Roumanie) et au Serviciul Soluționare Contestații (service du traitement des réclamations, Roumanie) au sujet d’une décision de régularisation de la situation relative aux droits antidumping.

 Le cadre juridique

 Le règlement 2016/1036

3        L’article 13 du règlement 2016/1036, intitulé « Contournement », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées.

En cas de contournement des mesures en vigueur, des droits antidumping n’excédant pas le droit résiduel institué conformément à l’article 9, paragraphe 5, peuvent être étendus aux importations en provenance de sociétés bénéficiant d’un droit individuel dans les pays soumis aux mesures.

Le contournement se définit comme une modification de la configuration du commerce entre les pays tiers et l’Union [européenne] ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et l’Union, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.

Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées au troisième alinéa englobent, entre autres :

a)      les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles ;

b)      l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers ;

c)      la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers l’Union par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants ;

d)      dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans l’Union ou dans un pays tiers. »

 Le code des douanes de l’Union

4        L’article 60 du code des douanes de l’Union, intitulé « Acquisition de l’origine », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Les marchandises dans la production de laquelle interviennent plusieurs pays ou territoires sont considérées comme originaires de celui où elles ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important. »

5        L’article 62 de ce code, intitulé « Délégation de pouvoir », dispose :

« La Commission [européenne] est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 284, établissant les règles selon lesquelles on considère que des marchandises dont l’origine non préférentielle doit être déterminée aux fins de l’application des mesures de l’Union visées à l’article 59 ont été entièrement obtenues dans un même pays ou territoire, ou ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important dans un pays ou territoire donné, conformément à l’article 60. »

 Le règlement délégué (UE) 2015/2446

6        Dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 62 du code des douanes de l’Union, la Commission a adopté le règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission, du 28 juillet 2015, complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 1), qui s’applique au litige au principal tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2018/1063 de la Commission, du 16 mai 2018 (JO 2018, L 192, p. 1) (ci-après le « règlement délégué 2015/2446 »).

7        L’article 32 du règlement délégué 2015/2446 énonce :

« Les marchandises reprises à l’annexe 22-01 sont considérées comme ayant subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication important, dans le pays ou territoire dans lequel les règles énoncées dans cette annexe sont remplies ou qui est identifié par ces règles. »

8        L’annexe 22-01 de ce règlement délégué est intitulée « Notes introductives et liste des ouvraisons ou transformations substantielles conférant l’origine non préférentielle ». Cette annexe comprend une partie intitulée « Notes introductives » dont les points 1 à 3 sont libellés en ces termes :

« (1)      Définitions

[...]

1.2.      On entend par “matières” les ingrédients, les parties, les composants, les sous-assemblages et les marchandises qui sont matériellement incorporés à une autre marchandise ou ont subi une transformation dans le cadre de la production d’une autre marchandise.

[...]

(2)      Application des règles de la présente annexe

2.1.      Les règles énoncées dans la présente annexe doivent être appliquées aux marchandises sur la base de leur classement dans le système harmonisé et d’autres critères susceptibles de venir s’ajouter aux positions ou sous-positions du système harmonisé créées spécifiquement aux fins de la présente annexe. Dans la présente annexe, une position ou sous-position du système harmonisé qui est fait l’objet d’une nouvelle subdivision en appliquant ces critères est qualifiée de “position fractionnée” ou de “sous-position fractionnée”. Le “système harmonisé” ou “SH” désigne la nomenclature des marchandises établie par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, telle qu’elle a été modifiée par la recommandation du Conseil de coopération douanière du 27 juin 2014 [...]

Le classement des marchandises dans les positions et sous-positions du système harmonisé est régi par les règles générales pour l’interprétation du système harmonisé et par toute note relative aux sections, chapitres et sous-positions de ce système. Ces règles et notes font partie de la nomenclature combinée qui figure à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil[, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1)]. Afin de déterminer la position ou sous-position appropriée pour certaines marchandises énoncées dans la présente annexe, les règles générales pour l’interprétation du système harmonisé et toute note relative aux sections, chapitres et sous-positions de ce système s’appliquent mutatis mutandis, sauf dispositions contraires figurant dans la présente annexe.

[...]

(3)      Glossaire

Les règles primaires applicables au niveau des subdivisions, lorsqu’elles reposent sur un changement de classement tarifaire, peuvent être exprimées au moyen des abréviations ci-après.

[...]

CP :      passage à la position concernée à partir de toute autre position

[...] »

9        Le chapitre 73 de ladite annexe 22-01 est intitulé « Ouvrages en fonte, en fer ou en acier ». Ce chapitre 73 comprend un tableau indiquant les règles primaires qu’il convient d’appliquer aux fins de déterminer le pays ou le territoire d’origine des marchandises qui y sont mentionnées et identifiées selon leur position ou sous-position dans le SH, notamment la règle primaire applicable aux tubes et aux tuyaux sans soudure, de section circulaire, en acier inoxydable, étirés ou laminés à froid, relevant de la sous-position 7304 41 du SH. Ce tableau se lit comme suit :


« Code SH 2017

Désignation des marchandises

Règles primaires

[...]

[...]

[...]

7304

Tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier

Comme indiqué pour les sous-positions

[...]

[...]

[...]


-

autres, de section circulaire, en aciers inoxydables :


-

autres, de section circulaire, en aciers inoxydables :


7304 41

- - étirés ou laminés à froid (réduits à froid)

CP, ou changement à partir des profilés creux du no 7304 49

7304 49

-- autres

CP »


 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Au cours de l’année 2011, le Conseil de l’Union européenne a institué un droit antidumping définitif de 71,9 % sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure, en acier inoxydable, originaires de Chine.

11      En vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036, ce droit antidumping peut être étendu aux importations en provenance d’un pays tiers lorsque, dans celui-ci, seules de légères modifications, qui ne changent rien aux caractéristiques essentielles du produit concerné, originaire de Chine, ont été apportées à ce produit.

12      Par une déclaration en douane du 5 février 2019, Direct Line Inox Impex a mis en libre pratique en Roumanie des tuyaux sans soudure, en acier inoxydable, étirés à froid, pour lesquels elle a indiqué une origine non préférentielle indienne.

13      À l’issue d’un contrôle, les autorités douanières roumaines ont conclu à l’origine chinoise de ces tuyaux et ont adopté une décision de régularisation de la situation relative aux droits antidumping à l’égard de Direct Line Inox Impex. D’une part, ces autorités ont fait application de la règle primaire applicable aux produits classés dans la sous-position 7304 41 du SH, prévue à l’annexe 22-01 du règlement délégué 2015/2446, selon laquelle les tubes, tuyaux et profilés creux sans soudure, de section circulaire, en acier inoxydable, étirés ou laminés à froid ne sont réputés être originaires du pays où ils ont subi une telle ouvraison que s’ils ont été fabriqués à partir soit de produits relevant d’une autre position du SH, soit de profilés creux relevant de la sous-position 7304 49 du SH. D’autre part, elles se sont fondées sur les conclusions d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) du 5 juillet 2019, selon lesquelles, même si une ouvraison avait eu lieu en Inde, elle n’était pas substantielle et, en tout état de cause, elle ne remplissait pas les critères d’attribution de l’origine indienne.

14      Saisi par Direct Line Inox Impex d’un recours contre cette décision de régularisation, le Tribunalul Cluj (tribunal de grande instance de Cluj, Roumanie) a rendu un jugement par lequel il a annulé celle-ci, en se fondant, notamment, sur le règlement d’exécution (UE) 2017/2093 de la Commission, du 15 novembre 2017, clôturant l’enquête sur le contournement possible des mesures antidumping instituées par le règlement d’exécution (UE) no 1331/2011 du Conseil sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en acier inoxydable originaires de la République populaire de Chine par des importations expédiées depuis l’Inde, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, et mettant fin à l’enregistrement de ces importations imposé par le règlement d’exécution (UE) 2017/272 de la Commission (JO 2017, L 299, p. 1), dont il ressort que le formage à froid effectué en Inde avait transformé de manière substantielle les produits concernés et en avait modifié de manière irréversible les caractéristiques essentielles.

15      Les autorités fiscales et douanières ont introduit un pourvoi contre ce jugement devant la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie), qui est la juridiction de renvoi. Cette juridiction considère qu’il existe, du moins en apparence, une contradiction entre le règlement d’exécution 2017/2093 et le rapport de l’OLAF du 5 juillet 2019, mentionné au point 13 de la présente ordonnance. Ainsi, la question se poserait de savoir s’il est possible de considérer, s’agissant d’une même modification d’un produit dans un pays donné, qu’elle constitue une modification importante, de sorte que l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 n’est pas applicable, mais, en même temps, qu’elle ne constitue pas une dernière transformation ou ouvraison substantielle, au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union.

16      Dans ces conditions, la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Comment convient-il d’interpréter l’article 13, paragraphe 1, du règlement [2016/1036] et l’article 60, paragraphe 2, du [code des douanes de l’Union], et plus précisément est-il possible de considérer, s’agissant d’une même modification d’un produit dans un pays donné, qu’elle constitue une modification importante, de sorte que l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 n’est pas applicable, mais, en même temps, qu’elle ne constitue pas une dernière transformation et ouvraison substantielle, au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union ? »

 La procédure devant la Cour

17      Par une lettre du 31 janvier 2025, le greffe de la Cour a communiqué l’arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland (C‑210/22, EU:C:2023:693), à la juridiction de renvoi et l’a invitée à lui indiquer si, à la lumière de celui-ci, elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

18      Par une lettre du 28 février 2025, cette juridiction a informé la Cour qu’elle entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

 Sur la question préjudicielle

19      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence.

20      Il convient également de rappeler que la coopération judiciaire instaurée par l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. D’une part, la Cour est habilitée non pas à appliquer les règles du droit de l’Union à une espèce déterminée, mais seulement à se prononcer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 201 ainsi que jurisprudence citée). D’autre part, conformément au point 11 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1), il revient aux juridictions nationales de tirer dans le litige pendant devant elles les conséquences concrètes des éléments d’interprétation fournis par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, Roche Lietuva, C‑413/17, EU:C:2018:865, point 43).

21      En l’occurrence, malgré les doutes exprimés par la juridiction de renvoi, la Cour estime que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée par la juridiction de renvoi peut être clairement déduite de l’arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland (C‑210/22, EU:C:2023:693). Il y a donc lieu de faire application de l’article 99 du règlement de procédure dans la présente affaire.

22      Par son unique question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 et l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union doivent être interprétés en ce sens que le formage à froid en Inde de tubes ou de tuyaux, sans soudure, en fer ou en acier, en provenance de Chine, dont la Commission a constaté qu’il a eu pour effet de transformer de manière substantielle ces produits, en ce qu’il a modifié de manière irréversible leurs caractéristiques essentielles, constitue une modification excluant l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036, mais non pas une « dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, conférant une origine indienne auxdits produits.

23      Il convient de relever d’emblée que cette question résulte de la prise en compte, par la juridiction de renvoi, des effets de la règle primaire applicable aux produits relevant de la sous-position 7304 41 du SH, prévue à l’annexe 22-01 du règlement délégué 2015/2446, selon laquelle les seuls critères susceptibles de modifier l’origine des marchandises relevant de la sous-position 7304 41 du SH sont un changement de position tarifaire ou un changement à partir des profilés creux relevant de la sous-position 7304 49 du SH.

24      En vertu de ce dernier critère, le formage à froid d’un « profilé creux » relevant de la sous-position 7304 49 du SH, à savoir un produit dont les profils extérieur et intérieur n’ont pas la même forme, en un produit de mêmes formes mais dont les propriétés sont différentes du fait de ce type de formage, détermine l’origine du produit fini, car ce dernier est réputé constituer le résultat d’une « transformation ou ouvraison substantielle », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 60).

25      En revanche, le formage à froid, comme en l’occurrence, d’un « tube » ou d’un « tuyau » relevant, lui aussi, de la sous-position 7304 49 du SH, en un produit de mêmes formes mais dont les propriétés sont également différentes en raison de ce type de formage, ne détermine pas l’origine du produit fini, car, en vertu de la règle primaire mentionnée aux points 13 et 23 de la présente ordonnance, ce dernier produit n’est pas réputé être le résultat d’une « transformation substantielle », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 60).

26      Constatant que cette règle primaire a introduit une différence de traitement injustifiée, la Cour a invalidé, au point 66 de l’arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland (C‑210/22, EU:C:2023:693), ladite règle primaire « pour autant qu’elle exclut que le changement de position tarifaire résultant de la transformation de tubes et tuyaux de la sous-position 7304 49 du SH en tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier, étirés ou laminés à froid (réduits à froid) de la sous-position 7304 41 du SH confère à ces derniers le caractère de produits originaires du pays où ce changement a eu lieu ».

27      À cet égard, la Cour a rappelé que, selon l’article 62 du code des douanes de l’Union, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués établissant les règles selon lesquelles l’on considère que des marchandises ont subi leur dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée, effectuée dans une entreprise équipée à cet effet et ayant abouti à la fabrication d’un produit nouveau ou correspondant à un stade de fabrication important dans un pays ou un territoire donné, conformément à l’article 60 de ce code. Ces actes ont pour objet de préciser la façon dont les critères abstraits énoncés à ce dernier article doivent être interprétés et appliqués dans des situations concrètes (arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 52 et jurisprudence citée).

28      Toutefois, l’exercice de ce pouvoir de la Commission est soumis, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, au respect de certaines exigences. Les objectifs poursuivis par un règlement délégué doivent être de nature à justifier son adoption, ce règlement doit répondre à l’exigence de motivation qui s’impose à un tel acte et les appréciations de la Commission relatives à la détermination du pays d’origine des produits auxquels ledit règlement est applicable ne doivent pas être entachées d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union (arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 53 et jurisprudence citée).

29      En effet, cette origine doit, en tout état de cause, être déterminée en fonction du critère déterminant que constitue la « dernière transformation ou ouvraison substantielle » des marchandises concernées. Cette expression doit elle-même être comprise comme renvoyant à l’étape du processus de production au cours de laquelle ces marchandises acquièrent leur destination ainsi que des propriétés et une composition spécifiques, qu’elles ne possédaient pas auparavant et qui ne sont pas appelées à subir ultérieurement des modifications qualitatives importantes (arrêt du 21 septembre 2023, Stappert Deutschland, C‑210/22, EU:C:2023:693, point 54 et jurisprudence citée).

30      Il en découle que, dans l’affaire au principal, le formage à froid de tuyaux originaires de Chine, qui est intervenu en Inde et qui a eu pour effet de transformer de manière substantielle ces tuyaux, en ce qu’il a modifié de manière irréversible leurs caractéristiques essentielles, doit être considéré comme constituant, à la fois, une modification écartant l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 et une « dernière transformation ou ouvraison substantielle », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, déterminante aux fins de l’établissement de l’origine des tuyaux importés par Direct Line Inox Impex.

31      Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 et l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union doivent être interprétés en ce sens que le formage à froid en Inde de tubes ou de tuyaux, sans soudure, en fer ou en acier, en provenance de Chine, dont la Commission a constaté qu’il avait transformé de manière substantielle ces produits, en ce qu’il a modifié de manière irréversible leurs caractéristiques essentielles, constitue une modification excluant l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 et une « dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du code des douanes de l’Union, conférant une origine indienne auxdits produits.

 Sur les dépens

32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

L’article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne, et l’article 60, paragraphe 2, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union,

doivent être interprétés en ce sens que :

le formage à froid en Inde de tubes ou de tuyaux, sans soudure, en fer ou en acier, en provenance de Chine, dont la Commission européenne a constaté qu’il avait transformé de manière substantielle ces produits, en ce qu’il a modifié de manière irréversible leurs caractéristiques essentielles, constitue une modification excluant l’applicabilité de l’article 13, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 et une « dernière transformation ou ouvraison substantielle, économiquement justifiée », au sens de l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 952/2013, conférant une origine indienne auxdits produits.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.