Language of document : ECLI:EU:C:2025:712

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 18 septembre 2025 (1)

Affaire C95/24 [Khuzdar] (i)

ATAU

Procédure pénale

en présence de

Procura generale presso la Corte d’appello di Napoli

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte di appello di Napoli (cour d’appel de Naples, Italie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Décision‑cadre 2002/584/JAI – Mandat d’arrêt européen – Procédure de remise entre États membres – Motifs de non-exécution facultative – Article 4, point 6 – Engagement de l’État membre d’exécution à exécuter la peine conformément à son droit interne – Décision‑cadre 2008/909/JAI – Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution du jugement de condamnation – Article 9, paragraphe 1, sous i) – Personne n’ayant pas comparu en personne au procès ayant mené à la décision – Exceptions – Condition relative à la connaissance du procès prévu – Information sur la date et le lieu fixés pour le procès – Fuite de la personne concernée – Renonciation volontaire et non équivoque de la personne concernée à être présente à son procès – Marge d’appréciation de l’autorité compétente de l’État membre d’exécution – Obligation d’interprétation conforme »






I.      Introduction

1.        Le droit à un procès équitable constitue l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique. Sur celui-ci repose le droit des suspects ou des personnes poursuivies d’assister à leur procès, qui devrait être garanti dans l’ensemble de l’Union européenne (2). Toutefois, ce droit ne revêt pas de caractère absolu. Sous certaines conditions, le suspect ou la personne poursuivie devrait pouvoir y renoncer de manière expresse ou tacite, mais sans équivoque (3).

2.        Dans ce contexte, la présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (4), ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous i), et de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (5), telles que modifiées par la décision-cadre 2009/299 (6).

3.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure relative à l’exécution, en Italie, d’un jugement rendu en Slovaquie ayant condamné à une peine privative de liberté une personne qui a pris la fuite avant la tenue de son procès.

4.        La présente affaire invite notamment la Cour à préciser ce qu’il convient d’entendre par l’expression « ayant eu connaissance du procès prévu », qui figure à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909, ainsi que la marge d’appréciation dont les autorités compétentes disposent lors de la mise en œuvre du motif de non-reconnaissance et de non-exécution mentionné à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de cette décision-cadre. Je souligne, à cet égard, que cette affaire s’inscrit dans un contexte factuel qui présente certaines différences par rapport à celui de l’affaire Höldermann (C-447/24), dans laquelle je présente également des conclusions ce jour (7). En particulier, contrairement à cette affaire, la présente affaire concerne l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La décision-cadre 2002/584

5.        L’article 4 la décision-cadre 2002/584, intitulé « Motifs de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen », dispose, à son point 6 :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen :

[...]

6)      si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne. »

6.        L’article 4 bis de cette décision-cadre, intitulé « Décisions rendues à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’autorité judiciaire d’exécution peut également refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le mandat d’arrêt européen indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État membre d’émission :

a)      en temps utile,

i)      soit a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené à la décision, soit a été informé officiellement et effectivement par d’autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu’il a été établi de manière non équivoque qu’il a eu connaissance du procès prévu ;

et

ii)      a été informé qu’une décision pouvait être rendue en cas de non-comparution ;

ou

b)      ayant eu connaissance du procès prévu, a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné soit par l’intéressé soit par l’État, pour le défendre au procès, et a été effectivement défendu par ce conseil pendant le procès ;

ou

c)      après s’être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale :

i)      a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision ;

ou

ii)      n’a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel dans le délai imparti ;

ou

d)      n’a pas reçu personnellement la signification de la décision, mais :

i)      la recevra personnellement sans délai après la remise et sera expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale ;

et

ii)      sera informé du délai dans lequel il doit demander une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel, comme le mentionne le mandat d’arrêt européen concerné. »

2.      La décision-cadre 2008/909

7.        L’article 9 de la décision-cadre 2008/909, intitulé « Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution », prévoit, à son paragraphe 1, sous i) :

« L’autorité compétente de l’État d’exécution peut refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation si :

[...]

i)      selon le certificat prévu à l’article 4, l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision, sauf si le certificat indique que l’intéressé, conformément aux autres exigences procédurales définies dans la législation nationale de l’État d’émission :

i)      en temps utile,

–        soit a été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès qui a mené à la décision, soit a été informé officiellement et effectivement par d’autres moyens de la date et du lieu fixés pour ce procès, de telle sorte qu’il a été établi de manière non équivoque qu’il a eu connaissance du procès prévu ;

et

–        a été informé qu’une décision pouvait être rendue en cas de non-comparution ;

ou

ii)      ayant eu connaissance du procès prévu, a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné soit par l’intéressé soit par l’État, pour le défendre au procès, et a été effectivement défendu par ce conseil pendant le procès ;

ou

iii)      après s’être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale :

–        a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision,

ou

–        n’a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel dans le délai imparti. »

8.        L’article 25 de cette décision-cadre est libellé comme suit :

« Sans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée. »

B.      Le droit italien

9.        L’article 6, paragraphe 1 bis, sous b), de la legge n. 69 – Disposizioni per conformare il diritto interno alla decisione quadro 2002/584/GAI del Consiglio, del 13 giugno 2002, relativa al mandato d’arresto europeo e alle procedure di consegna tra Stati membri (loi no 69, portant dispositions visant à mettre le droit interne en conformité avec la décision‑cadre [2002/584]) (8), du 22 avril 2005, dans sa version applicable au litige au principal, dispose :

« Lorsqu’il a été émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure privatives de liberté adoptées à l’issue d’un procès auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne, le mandat d’arrêt européen doit [...] contenir l’indication d’au moins l’une des conditions suivantes :

[...]

b)      l’intéressé, informé de la procédure à sa charge, a été représenté au procès qui a abouti à la décision précitée par un conseil juridique, désigné soit par l’intéressé soit par l’État. »

10.      Aux termes de l’article 18 bis, paragraphe 2, de cette loi :

« Lorsque le mandat d’arrêt européen a été émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de la liberté individuelle d’une personne, la corte di appello [cour d’appel, Italie] peut refuser la remise du ressortissant italien ou de la personne qui réside ou demeure légalement et effectivement sur le territoire italien de manière continue depuis plus de cinq ans, [...] pour autant qu’elle ordonne que cette peine ou cette mesure de sûreté soit exécutée en Italie conformément à son droit interne. »

11.      L’article 13 du decreto legislativo n. 161 – Disposizioni per conformare il diritto interno alla Decisione quadro 2008/909/GAI relativa all’applicazione del principio del reciproco riconoscimento alle sentenze penali che irrogano pene detentive o misure privative della libertà personale, ai fini della loro esecuzione nell’Unione europea (décret législatif no 161/2010, portant dispositions visant à mettre le droit interne en conformité avec la décision-cadre [2008/909]) (9), du 7 septembre 2010, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret législatif no 161/2010 »), dispose, à son paragraphe 1, sous i) :

« La cour d’appel refuse de reconnaître le jugement de condamnation dans l’un des cas suivants :

[...]

i)      si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené au jugement à exécuter, sauf si le certificat indique :

1)      soit qu’il a, en temps utile, été cité à personne et a ainsi été informé de la date et du lieu fixés pour le procès ou qu’il en a été informé officiellement par d’autres moyens, de nature à établir sans équivoque qu’il en avait connaissance et qu’il a été informé qu’une décision pouvait être rendue en cas de non‑comparution ;

2)      soit que, ayant eu connaissance de la date fixée pour le procès, il a donné mandat à un conseil juridique, qui a été désigné soit par l’intéressé soit par l’État, par lequel il a été effectivement défendu pendant le procès ;

3)      soit que, après s’être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer pour obtenir le réexamen au fond de l’accusation, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, il a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision ou il n’a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel dans le délai imparti à cette fin. »

12.      L’article 24 du décret législatif no 161/2010 prévoit que, lorsque la cour d’appel refuse la remise demandée au moyen d’un mandat d’arrêt européen fondé sur une condamnation pénale et ordonne que la peine soit exécutée sur le territoire italien, elle doit dans le même temps reconnaître, aux fins de son exécution en Italie, la condamnation pénale étrangère constituant le fondement du mandat d’arrêt européen, lorsque les conditions à cet égard sont réunies.

III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

13.      Le 5 octobre 2015, l’Okresný súd Dunajská Streda (tribunal de district de Dunajská Streda, Slovaquie) a émis un mandat d’arrêt européen aux fins d’exécution d’un jugement pénal de condamnation prononcé contre ATAU par cette juridiction le 23 août 2010 (10), le condamnant à une peine de cinq ans d’emprisonnement. Ce dernier a été retrouvé et arrêté en Italie, le 19 juin 2023.

14.      La Corte di appello di Napoli (cour d’appel de Naples, Italie), qui est la juridiction de renvoi, est appelée à examiner la demande de remise présentée par les autorités judiciaires slovaques au moyen de ce mandat d’arrêt européen. Elle indique avoir levé la mesure conservatoire coercitive d’assignation à résidence qui avait été imposée à ATAU le 20 juin 2023.

15.      Au cours de la procédure devant cette juridiction, ATAU a déclaré et prouvé qu’il résidait effectivement et légalement en Italie depuis plus de cinq ans. Il a donc demandé à ladite juridiction de refuser sa remise et, par la reconnaissance du jugement du 23 août 2010, d’ordonner l’exécution en Italie de la peine à laquelle il avait été condamné.

16.      Afin d’apprécier cette demande, la juridiction de renvoi a sollicité les autorités slovaques afin qu’elles complètent le certificat antérieurement transmis en précisant les garanties procédurales appliquées à ATAU.

17.      Par courrier du 2 novembre 2023, l’Okresný súd Dunajská Streda (tribunal de district de Dunajská Streda) a répondu qu’ATAU n’avait pas participé personnellement à la procédure qui a mené au jugement du 23 août 2010. Il avait toutefois été assisté et représenté par un avocat au cours de la procédure. En outre, bien qu’il n’avait jamais été informé de la date et du lieu auxquels le procès aurait lieu, il avait connaissance du procès en cours contre lui. En effet, il avait été arrêté et placé en détention provisoire en Slovaquie le 28 septembre 2009 pour la même infraction, puis, le 15 décembre 2009, il avait été libéré et placé dans un camp de réfugiés sur le territoire slovaque. Il avait ensuite pris la fuite, sans revenir et sans élire domicile aux fins des significations, de sorte qu’il n’avait pas été possible de l’informer de la date et du lieu fixés pour le procès ni du fait que la décision serait rendue même en cas de non-comparution.

18.      La juridiction de renvoi explique, dans un premier temps, que, selon le droit italien, la cour d’appel, lorsqu’elle décide de refuser la remise et ordonne l’exécution en Italie d’un jugement pénal de condamnation étranger, doit reconnaître ce dernier, ce qu’elle ne peut faire que si les conditions de cette reconnaissance sont réunies. Or, en l’espèce, tel ne serait pas le cas. En effet, cette juridiction rappelle qu’ATAU n’a pas reçu les informations visées à l’article 13, paragraphe 1, sous i), du décret législatif no 161/2010, notamment la date et le lieu fixés pour son procès.

19.      Dans un second temps, la juridiction de renvoi souligne que, en droit italien, la remise de la personne condamnée, sur la base d’un mandat d’arrêt européen, est admise à la simple condition que cette personne ait été informée du fait qu’un procès était en cours contre elle et qu’elle ait été représentée par un conseil juridique lors du procès. En revanche, la reconnaissance d’un jugement de condamnation en Italie est admise à la condition plus stricte que la personne condamnée, assistée d’un conseil juridique, ait été informée de la date fixée pour le procès.

20.      Par conséquent, il résulte du droit italien qu’ATAU pourrait être remis aux autorités slovaques, car il était informé qu’un procès contre lui était en cours et assisté d’un conseil juridique, mais que, bien qu’il réside de manière effective sur le territoire italien depuis plus de cinq ans et qu’il ait demandé à ce que sa peine soit exécutée en Italie, il ne serait pas possible de refuser de procéder à sa remise en ordonnant l’exécution de la peine sur le territoire italien, parce qu’il n’a pas été informé de la date fixée pour le procès.

21.      Selon la juridiction de renvoi, cela aurait paradoxalement pour conséquence que le fait que la garantie procédurale prévue pour la personne condamnée en ce qui concerne la reconnaissance d’un jugement de condamnation soit plus importante que celle qui est prévue pour cette personne en ce qui concerne sa remise en exécution d’un mandat d’arrêt européen se retourne contre elle au lieu de jouer en sa faveur. La distinction contenue dans le droit italien aboutirait, en outre, à la conclusion paradoxale selon laquelle le même jugement de condamnation ne peut pas être reconnu en Italie pour son exécution, alors qu’il peut donner lieu à un mandat d’arrêt européen qui devrait être exécuté.

22.      La juridiction de renvoi se demande donc si le droit de l’Union peut être interprété en ce sens que la remise peut être refusée, après reconnaissance du jugement pour que la peine soit purgée dans l’État membre d’exécution, même si la garantie procédurale prévue pour cette reconnaissance (être informé de la date fixée pour le procès) n’a pas été accordée, mais que la garantie procédurale prévue pour la remise en vertu du mandat d’arrêt européen (être informé qu’un procès est en cours) l’a été.

23.      En outre, cette juridiction note que le droit italien, en particulier l’article 13, paragraphe 1, sous i), du décret législatif no 161/2010, prévoit que, lorsque la personne condamnée n’a pas été informée de la date du procès, le juge national « refuse de reconnaître » (11) le jugement. En revanche, le droit de l’Union, en particulier l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909, prévoit que, dans un tel cas, le juge de l’État d’exécution « peut refuser de reconnaître » (12) le jugement. Par conséquent, alors que, en vertu du droit italien, la cour d’appel serait tenue de refuser la reconnaissance du jugement, en vertu du droit de l’Union, la cour d’appel aurait le pouvoir, mais non l’obligation, de la refuser.

24.      Ainsi, en l’espèce, en appliquant le droit italien, il ne serait pas possible de reconnaître le jugement du 23 août 2010 aux fins de son exécution en Italie parce qu’ATAU n’a pas été informé de la date fixée pour le procès, de sorte que la juridiction de renvoi devrait le remettre à la République slovaque, même s’il a le droit de purger sa peine en Italie et qu’il en a fait la demande. En revanche, en appliquant le droit de l’Union, cette juridiction disposerait d’un pouvoir d’appréciation pour reconnaître ou non le jugement de condamnation étranger et pour refuser la remise et ordonner l’exécution de la peine en Italie.

25.      Dans ces conditions, la Corte di appello di Napoli (cour d’appel de Naples) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« Les dispositions combinées [de] l’article 4, point 6, de la décision-cadre [2002/584] [ainsi que de] l’article 9, paragraphe 1, sous i), et [de] l’article 25 de la décision-cadre [2008/909] doivent-elles être interprétées en ce sens que :

a)      la juridiction de l’État d’exécution, sollicitée pour reconnaître un jugement pénal de condamnation étranger exécutoire, a la faculté, et non l’obligation, de refuser de reconnaître ce jugement lorsqu’il apparaît que le procès qui a mené à ce jugement n’a offert à la personne poursuivie aucune des garanties procédurales prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre [2008/909] ;

b)      la juridiction de l’État d’exécution, sollicitée pour ordonner la remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins de l’exécution d’un jugement, lorsque les conditions pour ordonner la remise de la personne condamnée à l’État de condamnation et les conditions pour la refuser tout en ordonnant l’exécution de la peine sur le territoire de l’État d’exécution sont en même temps remplies, a le pouvoir de refuser la remise, de reconnaître le jugement et d’en ordonner l’exécution sur son territoire, même si le procès qui a mené au jugement reconnu n’a offert à la personne poursuivie aucune des garanties procédurales prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre [2008/909] ? »

26.      ATAU, les gouvernements italien et roumain ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites et ont participé à l’audience qui s’est tenue le 15 mai 2025, au cours de laquelle ils ont répondu aux questions pour réponse orale posées par la Cour.

IV.    Analyse

A.      Sur la recevabilité

27.      Le gouvernement italien considère que la demande de décision préjudicielle est irrecevable en raison de son caractère hypothétique, dans la mesure où, en demandant la reconnaissance du jugement de condamnation en Italie, ATAU aurait accepté la condamnation prononcée en son absence. La juridiction compétente de l’État membre d’exécution serait donc tenue de reconnaître ce jugement aux fins de l’exécution de la peine en Italie. Ce gouvernement fait, à cet égard, référence à l’article 13, paragraphe 1, sous i), point 3, du décret législatif no 161/2010, qui transpose en droit italien l’article 9, paragraphe 1, sous i), iii), de la décision-cadre 2008/909. En effet, il découle de cette disposition que l’autorité compétente de l’État membre d’exécution ne peut pas refuser de reconnaître le jugement de condamnation et d’exécuter la peine lorsque, après s’être vu signifier la décision et avoir été expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement ou à une procédure d’appel, à laquelle l’intéressé a le droit de participer et qui permet de réexaminer l’affaire sur le fond, en tenant compte des nouveaux éléments de preuve, et peut aboutir à une infirmation de la décision initiale, l’intéressé a indiqué expressément qu’il ne contestait pas la décision ou n’a pas demandé une nouvelle procédure de jugement ou une procédure d’appel dans le délai imparti.

28.      La question de savoir si la circonstance que la personne condamnée ait demandé à l’État membre de condamnation à ce que sa peine soit exécutée dans un autre État membre correspond à l’hypothèse visée à l’article 9, paragraphe 1, sous i), iii), de la décision-cadre 2008/909 est relative au fond plutôt qu’à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle. Je relève d’ailleurs que cette question a été posée par la juridiction de renvoi dans l’affaire Höldermann (C-447/24). Je renvoie donc, sur ce point, à mes conclusions présentées ce jour dans cette affaire.

B.      Sur le fond

29.      Par ses questions, que je suggère d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour de dire pour droit si l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 ainsi que l’article 9, paragraphe 1, sous i), et l’article 25 de la décision-cadre 2008/909 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, mentionné à la première de ces dispositions, lorsque la personne faisant l’objet de ce mandat n’a pas comparu en personne à son procès, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution a la faculté, et non l’obligation, de refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation lorsqu’aucune des exceptions prévues par la deuxième desdites dispositions n’est applicable.

30.      Parmi les motifs de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, je rappelle que l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 énonce que l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen si celui-ci a été émis aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou cette mesure de sûreté conformément à son droit interne.

31.      La Cour a jugé qu’il découlait de l’emploi du verbe « pouvoir » que l’autorité judiciaire d’exécution doit jouir d’une marge d’appréciation, notamment afin de tenir compte de l’objectif de cette disposition qui est d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée (13).

32.      Ainsi, l’application du motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen prévu à cette disposition est subordonnée à la réunion de deux conditions, à savoir, d’une part, que la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside et, d’autre part, que cet État s’engage à exécuter, conformément à son droit interne, la peine ou la mesure de sûreté pour laquelle le mandat d’arrêt européen a été délivré (14).

33.      S’agissant de la première de ces conditions, la Cour a déjà dit pour droit qu’une personne recherchée « réside » dans l’État membre d’exécution lorsqu’elle a établi sa résidence réelle dans ce dernier et y « demeure » lorsque, à la suite d’un séjour stable d’une certaine durée dans cet État membre, elle a acquis des liens de rattachement avec cet État d’un degré analogue à ceux résultant d’une résidence (15).

34.      Concernant la seconde desdites conditions, il découle du libellé de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 que tout refus d’exécuter le mandat d’arrêt européen présuppose un véritable engagement de l’État membre d’exécution à exécuter la peine privative de liberté prononcée contre la personne recherchée. Dans la mesure où cette personne a été condamnée dans l’État membre d’émission, cela implique nécessairement que les autorités de l’État membre d’exécution reconnaissent le jugement de condamnation prononcé à l’égard de ladite personne conformément aux dispositions de la décision-cadre 2008/909 (16). Dès lors, la seule circonstance que cet État se déclare « disposé » à faire exécuter cette peine ne saurait être considérée comme étant de nature à justifier un tel refus. Il s’ensuit que tout refus d’exécuter un mandat d’arrêt européen doit être précédé de la vérification, par l’autorité judiciaire d’exécution, de la possibilité d’exécuter réellement la peine conformément à son droit interne (17).

35.      Il convient ainsi de garantir que la faculté de l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen ne soit exercée qu’à la condition d’assurer l’exécution effective dans l’État membre d’exécution de la peine prononcée contre la personne recherchée et d’aboutir ainsi à une solution conforme à la finalité poursuivie par la décision-cadre 2002/584 (18).

36.      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909, « [s]ans préjudice de la décision-cadre [2002/584], les dispositions de la présente décision-cadre s’appliquent, mutatis mutandis dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de ladite décision-cadre, à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de ladite décision-cadre ou lorsque, agissant dans le cadre de l’article 5, point 3), de cette même décision-cadre, il a imposé comme condition le renvoi de la personne dans l’État membre concerné afin d’y purger la peine, de manière à éviter l’impunité de la personne concernée ». La Cour a notamment indiqué que l’articulation prévue par le législateur de l’Union entre la décision-cadre 2002/584 et la décision‑cadre 2008/909 doit contribuer à atteindre l’objectif consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne concernée et qu’une telle réinsertion est dans l’intérêt non seulement de la personne condamnée, mais également de l’Union européenne en général (19).

37.      Dans cette perspective, le considérant 12 de la décision-cadre 2008/909 énonce que celle-ci « s’applique également, mutatis mutandis, à l’exécution des condamnations dans les cas visés à l’article 4, point 6), et à l’article 5, point 3), de la décision-cadre [2002/584]. Cela signifie entre autres que, sans préjudice de ladite décision-cadre, l’État d’exécution pourrait vérifier l’existence de motifs de non-reconnaissance et de non-exécution prévus à l’article 9 de la présente décision-cadre [...] à titre de condition pour reconnaître et exécuter le jugement, en vue de déterminer s’il faut remettre la personne ou exécuter la condamnation dans les cas prévus à l’article 4, point 6), de la décision-cadre [2002/584] ». Le législateur de l’Union met dès lors l’accent, à titre d’exemple, sur la vérification par l’État membre d’exécution de l’existence de motifs de non-reconnaissance et de non-exécution prévus à l’article 9 de la décision-cadre 2008/909.

38.      Dans le cadre de la présente affaire, cette vérification porte sur le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de cette décision-cadre. En effet, l’existence d’un tel motif pourrait faire obstacle à la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen, prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584. Autrement dit, le refus d’exécution du mandat d’arrêt européen fondé sur l’article 4, point 6, de cette décision-cadre suppose que la peine puisse être exécutée dans l’État membre d’exécution, ce qui n’est pas le cas si l’autorité judiciaire d’exécution considère que le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909 est applicable. Dans ce contexte, l’interprétation de l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 doit tendre à garantir tant l’objectif consistant à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée que celui visant à lutter contre l’impunité. Dans le même temps, la prise en compte du motif de non-reconnaissance et de non-exécution mentionné à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909 doit également conduire à tenir compte du droit de la personne concernée de comparaître en personne à son procès.

39.      En effet, cette disposition énonce un motif facultatif de non-reconnaissance d’un jugement transmis par un autre État membre et de non-exécution de la peine infligée par celui-ci, si la personne condamnée n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision de condamnation. Cette faculté est toutefois assortie de trois exceptions, énumérées aux points i) à iii) de ladite disposition, qui privent l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de la possibilité de refuser la reconnaissance et l’exécution du jugement qui lui est transmis.

40.      Les questions posées par la juridiction de renvoi sont fondées sur plusieurs considérations.

41.      Premièrement, la République italienne a transposé de manière différente dans son droit national l’article 4 bis, paragraphe 1, sous b), de la décision-cadre 2002/584 et l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909, alors que ces dispositions sont rédigées de manière identique. En effet, tandis que, dans le premier cas, il est requis en droit italien que l’intéressé ait été informé de la procédure à sa charge, dans le second cas, il est exigé que l’intéressé ait eu connaissance de la date fixée pour le procès.

42.      Deuxièmement, eu égard à cette dernière exigence, l’exception empêchant l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de se prévaloir du motif de non-reconnaissance et de non-exécution mentionnée à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909 ne serait pas applicable en l’espèce. En effet, ATAU n’aurait pas eu connaissance de la date et du lieu fixés pour son procès.

43.      Troisièmement, dans la mesure où cette exception ne serait pas applicable, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution serait tenue, en vertu du droit italien, de refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation. Le motif de non-exécution facultative du mandat d’arrêt européen ne pouvant, en conséquence, pas être appliqué, ATAU devrait être remis aux autorités slovaques aux fins d’exécution de sa peine.

44.      Au vu des considérations ainsi effectuées par la juridiction de renvoi, il convient d’examiner, en premier lieu, si la condition relative à la connaissance du procès prévu, qui figure à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909, requiert une information de l’intéressé sur la date et le lieu fixés pour son procès. En second lieu, il convient de déterminer si, lorsque cette condition n’est pas remplie, le droit national peut obliger l’autorité compétente de l’État membre d’exécution à refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation.

1.      La connaissance du procès prévu requiert une information de lintéressé sur la date et le lieu fixés pour le procès

45.      Pour les raisons que j’ai exposées dans mes conclusions dans l’affaire Höldermann (C-447/24), présentées ce jour et auxquelles je renvoie, j’estime que la condition relative à la connaissance du procès prévu, qui est mentionnée à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909, requiert une information de l’intéressé sur la date et le lieu fixés pour le procès. Eu égard à la différence de transposition en droit italien de cette disposition et de l’article 4 bis, paragraphe 1, sous b), de la décision-cadre 2002/584, je précise que, à mon avis, cette différence n’a pas lieu d’être puisque je considère que, dans la mesure où le libellé de ces deux dispositions est identique, la même interprétation devrait être retenue en ce qui concerne cette dernière disposition.

2.      La vérification des conditions prévues à larticle 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909

a)      Sur la première condition : les cas dans lesquels lintéressé est réputé avoir reçu une information suffisante

46.      Afin de vérifier si la première condition posée par l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909 est remplie, il me paraît pertinent de tenir compte de la jurisprudence relative à la directive 2016/343. En effet, dans ce contexte, la Cour a identifié des situations dans lesquelles la personne concernée doit être réputée avoir été informée de la tenue de son procès.

47.      Ainsi, en vue de vérifier si la première condition figurant à l’article 8, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2016/343 est remplie, la Cour a indiqué que, comme il découle du considérant 38 de cette directive, il y a lieu d’accorder une attention particulière, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer la personne concernée de la tenue de ce procès et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve cette personne pour recevoir les informations qui y sont relatives. Par conséquent, selon la Cour, présentent une pertinence aux fins de l’appréciation de cette condition d’éventuels indices précis et objectifs que ladite personne, tout en ayant été informée officiellement qu’elle est accusée d’avoir commis une infraction pénale et, sachant ainsi qu’un procès allait être organisé contre elle, fait délibérément en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès. L’existence de tels indices précis et objectifs peut, par exemple, être constatée lorsque la même personne a communiqué délibérément une adresse erronée aux autorités compétentes ou ne se trouve plus à l’adresse qu’elle leur a communiquée (20). Ainsi, le fait que la personne concernée ait délibérément empêché l’État de l’informer constitue une circonstance pertinente afin de déterminer le caractère suffisant de l’information qui lui a été transmise.

48.      La Cour a jugé qu’une personne condamnée par défaut pourra notamment être regardée comme ayant disposé d’informations suffisantes pour considérer qu’un procès allait être organisé contre elle si elle a reçu un acte d’accusation préliminaire dont le contenu correspond, s’agissant des faits reprochés et de leur qualification juridique, au contenu de l’acte d’accusation définitif finalement établi à son égard (21).

49.      Il s’ensuit que, lorsque la personne concernée a pris la fuite après avoir reçu un tel acte d’accusation préliminaire, il est permis aux États membres de considérer que l’envoi, en temps utile, par les autorités compétentes, d’un document officiel mentionnant la date et le lieu d’un procès à l’adresse que cette personne a communiquée à ces autorités pendant l’instruction de l’affaire et la preuve apportée que ce document a effectivement été délivré à cette adresse valent information de ladite personne concernant cette date et ce lieu, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343. Il ne peut, cependant, en être ainsi qu’à condition que lesdites autorités aient déployé des efforts raisonnables afin de localiser la même personne et de citer cette dernière en personne ou de l’informer officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu de ce procès, ainsi que cela est envisagé au considérant 36 de cette directive. La personne concernée est, dans ce cas de figure, réputée avoir été informée de la tenue dudit procès (22). Le manque de diligence de la personne concernée, en raison de sa fuite, peut ainsi conduire à la fiction juridique selon laquelle elle a été dûment informée de la date et du lieu de son procès.

50.      Au vu de ces éléments, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si ATAU doit être réputé avoir été informé de la date et du lieu de son procès. À cette fin, elle devra identifier d’éventuels indices précis et objectifs qu’ATAU, tout en ayant été informé officiellement qu’il était accusé d’avoir commis une infraction pénale et sachant ainsi qu’un procès allait être organisé contre lui, a fait délibérément en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès.

51.      Dans cette perspective, je rappelle que, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, bien qu’il n’avait jamais été informé de la date et du lieu auxquels le procès aurait lieu, ATAU avait connaissance du procès en cours contre lui. En effet, il avait été arrêté et placé en détention provisoire en Slovaquie le 28 septembre 2009 pour la même infraction, puis, le 15 décembre 2009, il avait été libéré et placé dans un camp de réfugiés sur le territoire slovaque. Il avait ensuite pris la fuite, sans revenir et sans élire domicile aux fins des significations, de sorte qu’il n’avait pas été possible de l’informer de la date et du lieu fixés pour le procès ni du fait que la décision serait rendue même en cas de non-comparution.

52.      À partir de ces éléments, il incombe à la juridiction de renvoi, après avoir sollicité, le cas échéant, des informations auprès de l’autorité judiciaire d’émission, de vérifier si c’est après avoir eu connaissance de l’accusation dirigée contre lui qu’ATAU a pris la fuite, sans revenir et sans élire domicile aux fins des significations. Dans la mesure où ATAU avait été arrêté et placé en détention provisoire en Slovaquie, il est probable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, qu’il ait reçu cette information à cette étape de l’instruction pénale. Il paraît, dès lors, exister un indice précis et objectif que cette personne, sachant qu’elle allait faire l’objet d’un procès, a délibérément fait en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu de ce procès. Afin qu’ATAU puisse être réputé avoir reçu ces informations, il faut néanmoins que les autorités slovaques aient déployé des efforts raisonnables afin de le localiser et de le citer en personne ou de l’informer officiellement, par d’autres moyens, de la date et du lieu dudit procès.

b)      Sur la seconde condition : le mandat à un conseil juridique qui a défendu lintéressé pendant le procès

53.      En ce qui concerne la représentation par un avocat mandaté, la Cour a précisé que l’existence d’un « mandat », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343, requiert que l’intéressé a lui-même confié à un avocat, le cas échéant celui qui lui a été commis d’office, la mission de le représenter lors de son procès par défaut (23). Il s’ensuit que la seule circonstance qu’une personne condamnée par défaut a été défendue par un avocat commis d’office au cours de l’ensemble de la procédure judiciaire menée en son absence n’est pas suffisante pour satisfaire à la seconde condition énoncée à cette disposition (24).

54.      Selon la Cour, la représentation par un avocat permet de démontrer que la personne jugée en son absence a renoncé volontairement et de manière non équivoque à son droit d’assister à son procès uniquement si cette personne a délibérément laissé le soin à cet avocat d’assurer sa défense devant la juridiction de jugement, ce qui suppose qu’elle l’ait désigné spécifiquement pour la représenter, en son absence, lors de son procès (25). Par conséquent, des contacts entre la personne condamnée par défaut et un avocat commis d’office intervenus exclusivement au cours de la phase d’instruction ne sauraient être regardés comme suffisants pour démontrer que cette personne a été représentée, lors de son procès par défaut, « par un avocat mandaté », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 2016/343 (26). Il incombe donc à la juridiction compétente de vérifier s’il ressort des éléments dont elle dispose que la personne concernée a, sans équivoque, confié à l’avocat commis d’office un mandat pour la représenter, en son absence, devant la juridiction de jugement (27).

55.      Sur la base de ces éléments, qui me paraissent devoir guider l’examen de la seconde condition prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si cette condition est remplie. Dans cette perspective, je rappelle que, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, si ATAU n’avait pas participé personnellement à la procédure qui a mené au jugement du 23 août 2010, il avait toutefois été assisté et représenté par un avocat au cours de la procédure.

56.      Si la juridiction de renvoi parvenait à la conclusion selon laquelle les conditions d’application de l’exception prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous i), ii), de la décision-cadre 2008/909 sont remplies, la reconnaissance du jugement et l’exécution de la condamnation en Italie ne pourraient pas être refusées. Il n’y aurait dès lors pas d’obstacle à ce que, dans le cadre de la mise en œuvre du motif facultatif de refus prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, l’Italie s’engage à exécuter la peine privative de liberté prononcée contre ATAU.

57.      En tout état de cause, quand bien même la juridiction de renvoi devait aboutir au constat selon lequel ces conditions ne sont pas remplies, il importe de souligner qu’elle ne saurait être contrainte, en vertu de son droit national, de refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation. Elle disposerait, en effet, d’une marge d’appréciation afin de décider d’appliquer ou non le motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909.

58.      C’est dans ce contexte et sur la base des considérations qui précèdent qu’il convient à présent de répondre plus directement aux interrogations de la juridiction de renvoi.

3.      Sur le caractère facultatif du motif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à larticle 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909 et la marge dappréciation dont lautorité compétente de lÉtat membre dexécution doit disposer

59.      La juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision‑cadre 2008/909 impose à l’autorité compétente de l’État membre d’exécution de refuser de reconnaître et d’exécuter un jugement de condamnation lorsqu’elle constate qu’aucune des exceptions visées à cette disposition n’est applicable. Autrement dit, elle se demande si ce constat exclut qu’elle puisse exercer une marge d’appréciation afin de déterminer s’il y a lieu ou non de refuser de reconnaître le jugement de condamnation.

60.      Afin de répondre à cette question, il convient de relever que, à l’instar de ce qui vaut pour l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, le législateur de l’Union a décidé d’accorder, dans le cadre du mécanisme de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière pénale, une importance spécifique au droit du prévenu de comparaître en personne à son procès en instaurant, à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909, un motif facultatif de non-reconnaissance et de non-exécution spécialement consacré à la protection d’un tel droit (28). En outre, un tel motif doit être interprété en conformité avec les exigences découlant de l’article 47, deuxième et troisième alinéas, ainsi que de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (29).

61.      La Cour a constaté qu’il ressort du libellé de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 que cette disposition prévoit un motif facultatif de non-exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a abouti à sa condamnation. Cette faculté est, néanmoins, assortie de quatre exceptions, énoncées, respectivement, aux points a) à d) de cette disposition, qui privent l’autorité judiciaire d’exécution concernée de la possibilité de refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen qui lui a été adressé (30).

62.      Par conséquent, une autorité judiciaire d’exécution dispose de la faculté de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté si l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision concernée, sauf si ce mandat d’arrêt européen indique que les conditions énoncées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 sont satisfaites (31). À cet égard, la Cour a relevé que cet article 4 bis limite ainsi la possibilité de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen en énumérant, de manière précise et uniforme, les conditions dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue à l’issue d’un procès auquel la personne concernée n’a pas comparu en personne ne peuvent pas être refusées (32).

63.      Il s’ensuit qu’une autorité judiciaire d’exécution est tenue de procéder à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, nonobstant l’absence de l’intéressé au procès qui a mené à la décision concernée, lorsque l’existence de l’une des circonstances visées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de cette décision-cadre est vérifiée (33).

64.      La Cour a eu l’occasion de préciser que, dans la mesure où cet article 4 bis prévoit un motif de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, une autorité judiciaire d’exécution peut, en tout état de cause, même après avoir constaté que les circonstances visées au point précédent des présentes conclusions ne couvrent pas la situation de la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt européen, prendre en compte d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de l’intéressé n’implique pas une violation des droits de la défense de ce dernier (34).

65.      À cet égard, la Cour s’est appuyée sur le libellé même de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584, en particulier de l’indication selon laquelle l’autorité judiciaire d’exécution « peut [...] refuser » l’exécution du mandat d’arrêt européen, pour en déduire que cette dernière doit jouir d’une marge d’appréciation concernant la question de savoir s’il y a lieu ou non de refuser de procéder à une telle exécution lorsque le mandat d’arrêt européen ne contient aucune des indications mentionnées aux points a) à d) de cette disposition (35).

66.      Selon la Cour, cette interprétation est corroborée par l’économie générale de cette décision-cadre. En effet, l’exécution d’un mandat d’arrêt européen constitue le principe posé par ladite décision-cadre, les motifs de refus de reconnaissance et d’exécution constituant des exceptions. Or, priver l’autorité judiciaire d’exécution de la possibilité de tenir compte des circonstances propres à chaque espèce, susceptibles de l’amener à considérer que les conditions du refus de remise ne sont pas remplies, aurait pour effet de substituer à la simple faculté, prévue à l’article 4 bis de la même décision-cadre, une véritable obligation, transformant ainsi en règle de principe l’exception que constitue le refus de remise (36).

67.      Ainsi, lorsqu’aucune des conditions énoncées, respectivement, aux points a) à d) de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 ne sont satisfaites, l’autorité judiciaire d’exécution ne saurait être tenue de refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen, sans possibilité pour celle-ci de prendre en considération les circonstances propres à chaque espèce (37).

68.      Dès lors, l’autorité judiciaire d’exécution peut, dans cette optique, prendre en compte d’autres circonstances lui permettant de s’assurer que la remise de l’intéressé n’implique pas une violation de ses droits de la défense et procéder ainsi à la remise de celui-ci à l’État membre d’émission. Peut notamment entrer en ligne de compte, à cet égard, le comportement de l’intéressé, en particulier le fait que ce dernier a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui avait été adressée ou à éviter tout contact avec ses avocats (38).

69.      Il en découle que, lorsqu’elle vérifie que l’une des conditions prévues à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 est satisfaite, une autorité judiciaire d’exécution ne saurait être empêchée de s’assurer du respect des droits de la défense de la personne concernée en prenant, à cet égard, dûment en considération l’ensemble des circonstances caractérisant l’affaire dont elle est saisie, y compris les informations dont elle peut disposer d’elle-même (39).

70.      Ces précisions étant faites, je relève que les règles relatives aux procédures par défaut qui figurent dans les décisions-cadres 2002/584 et 2008/909 ont la même origine, à savoir la décision-cadre 2009/299, et poursuivent le même objectif visant, notamment, à renforcer les droits de la défense des personnes concernées en assurant que leur droit fondamental à un procès pénal équitable soit garanti (40), tout en améliorant la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires entre les États membres (41). En outre, tels qu’ils ont été, respectivement, modifié et inséré par la décision-cadre 2009/299, le libellé actuel de l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909 et celui de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 se rejoignent, ce qui, ainsi qu’il ressort des considérants 4 et 6 de la décision-cadre 2009/299, reflète la volonté du législateur de l’Union de fixer, de façon précise et uniforme, les conditions dans lesquelles la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue à l’issue d’un procès auquel la personne concernée n’a pas comparu en personne ne devraient pas être refusées (42).

71.      Au vu de ces éléments, j’estime que les enseignements tirés de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 devraient s’appliquer, par analogie, au motif facultatif de non-reconnaissance et de non-exécution prévu à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision‑cadre 2008/909.

72.      Cela signifie que, si les conditions d’application des exceptions figurant à cette disposition ne sont pas remplies, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, s’il convient d’invoquer ce motif de non-reconnaissance et de non-exécution. C’est alors le principe de la non-exécution facultative qui s’applique. Ainsi, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution peut, en tout état de cause, prendre en compte d’autres circonstances qui lui permettent de s’assurer que la reconnaissance d’un jugement et l’exécution d’une peine n’entraînent pas une violation des droits de la défense de la personne concernée. Cette autorité doit donc avoir la possibilité de tenir compte du comportement de l’intéressé, y compris des circonstances démontrant qu’il a cherché à échapper à la signification de l’information qui lui était adressée ou qu’il a évité tout contact avec ses avocats.

73.      Par l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution peut ainsi assurer un équilibre entre les objectifs visant à lutter contre l’impunité, à faciliter la réinsertion sociale de la personne condamnée et à garantir les droits de la défense de cette dernière. Je considère qu’il y a également lieu de tenir compte, dans le cadre de la balance à effectuer entre les différents intérêts en jeu, de la circonstance que la personne condamnée a demandé à ce que sa peine soit exécutée dans l’État membre d’exécution (43).

74.      En l’occurrence, il découle des informations fournies par la juridiction de renvoi que la réglementation italienne en cause au principal oblige l’autorité compétente de l’État membre d’exécution à refuser de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation prononcés dans un autre État membre lorsqu’aucune des exceptions prévues à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909 n’est applicable. Cette réglementation ne laisse donc à cette autorité aucune marge d’appréciation aux fins de vérifier, sur la base des circonstances de l’espèce, si les droits de la défense de l’intéressé peuvent être considérés comme ayant été respectés et, partant, pour décider de reconnaître et d’exécuter le jugement de condamnation concerné.

75.      Dans ces conditions, force est de constater qu’une telle réglementation nationale est contraire à l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909.

76.      Eu égard à ce constat d’incompatibilité, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas à une juridiction nationale de laisser inappliquée une disposition du droit national incompatible avec des dispositions de la décision-cadre 2002/584 ou de la décision-cadre 2008/909, celles-ci étant dépourvues d’effet direct. Toutefois, les autorités des États membres, y compris les juridictions, sont tenues de procéder, dans toute la mesure du possible, à une interprétation conforme de leur droit national qui leur permet d’assurer un résultat compatible avec la finalité poursuivie par ces décisions-cadres (44).

77.      En effet, si les décisions-cadres ne peuvent produire d’effet direct, leur caractère contraignant entraîne néanmoins à l’égard des autorités nationales une obligation d’interprétation conforme de leur droit interne à partir de la date d’expiration du délai de transposition de ces décisions-cadres. En appliquant leur droit national, ces autorités sont donc tenues d’interpréter celui-ci, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la décision-cadre concernée afin d’atteindre le résultat visé par celle-ci, une interprétation contra legem du droit national étant toutefois exclue. Ainsi, le principe d’interprétation conforme requiert de prendre en considération l’ensemble du droit interne et de faire application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine efficacité de cette décision-cadre et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (45).

78.      Il s’ensuit qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter la réglementation nationale en cause au principal, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité des décisions-cadres 2002/584 et 2008/909.

V.      Conclusion

79.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par la Corte di appello di Napoli (cour d’appel de Naples, Italie) de la manière suivante :

L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, ainsi que l’article 9, paragraphe 1, sous i), et l’article 25 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, telles que modifiées par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009,

doivent être interprétés en ce sens que :

dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, mentionné à la première de ces dispositions, lorsque la personne faisant l’objet de ce mandat n’a pas comparu en personne à son procès, l’autorité compétente de l’État membre d’exécution a la faculté, et non l’obligation, de refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation lorsqu’aucune des exceptions prévues par la deuxième desdites dispositions n’est applicable.

Il incombe à la juridiction nationale, en prenant en considération l’ensemble de son droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, d’interpréter sa réglementation nationale, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité des décisions-cadres 2002/584 et 2008/909, telles que modifiées.


1      Langue originale : le français.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


2      Voir considérant 33 de la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1). Voir, également, arrêt du 20 mai 2025, Kachev (C‑135/25 PPU, ci-après l’« arrêt Kachev », EU:C:2025:366, point 31 et jurisprudence citée).


3      Voir considérant 35 de la directive 2016/343. Voir, également, considérant 1 de la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO 2009, L 81, p. 24).


4      JO 2002, L 190, p. 1.


5      JO 2008, L 327, p. 27.


6      Ci-après, respectivement, la « décision-cadre 2002/584 » et la « décision-cadre 2008/909 ».


7      Dans cette affaire, dans laquelle la personne concernée n’avait pas pris la fuite avant la tenue de son procès, cette personne avait indiqué l’adresse du cabinet de son conseil juridique, à qui elle avait donné mandat pour la représenter durant les procédures de première et de deuxième instances, comme adresse à laquelle les autorités compétentes pouvaient lui envoyer les significations.


8      GURI no 98, du 29 avril 2005, p. 6.


9      GURI no 230, du 1er octobre 2010, p. 1.


10      Ci-après le « jugement du 23 août 2010 ».


11      Italique ajouté par mes soins.


12      Italique ajouté par mes soins.


13      Voir, notamment, arrêts du 29 juin 2017, Popławski (C‑579/15, EU:C:2017:503, points 21 et 23) ; du 29 avril 2021, X (Mandat d’arrêt européen – Ne bis in idem) (C‑665/20 PPU, EU:C:2021:339, point 43 et jurisprudence citée) ; du 6 juin 2023, O. G. (Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un ressortissant d’un État tiers) (C‑700/21, ci-après l’« arrêt O. G. », EU:C:2023:444, point 49), ainsi que du 4 septembre 2025, C.J. (Exécution d’une condamnation à la suite d’un MAE) (C‑305/22, ci-après l’« arrêt C.J. », EU:C:2025:665, point 44).


14      Voir, notamment, arrêts O. G. (point 46 et jurisprudence citée) et C.J. (point 43).


15      Voir, notamment, arrêt O. G. (point 47 et jurisprudence citée).


16      Voir, notamment, arrêts O. G. (point 48 et jurisprudence citée) et C.J. (point 52). Comme la Cour l’a précisé dans ce dernier arrêt, dans le cadre de la mise en œuvre du motif de non-exécution facultative prévu à l’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, la prise en charge, par l’État membre d’exécution, de l’exécution de la peine infligée par le jugement de condamnation prononcé dans l’État membre d’émission et qui a justifié l’émission du mandat d’arrêt européen est subordonnée au consentement de cet État membre d’émission, conformément aux règles prévues par la décision-cadre 2008/909 (point 67 dudit arrêt).


17      Voir, notamment, arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 88 et jurisprudence citée).


18      Voir, notamment, arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 92 et jurisprudence citée).


19      Voir arrêts du 11 mars 2020, SF (Mandat d’arrêt européen – Garantie de renvoi dans l’État d’exécution) (C‑314/18, EU:C:2020:191, point 51 et jurisprudence citée), et C.J. (point 81). La Cour a cependant précisé dans ce dernier arrêt que, si l’État membre d’exécution pouvait, en s’appuyant sur cet objectif, refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté, sans le consentement de l’État membre d’émission quant à la prise en charge de cette exécution par le premier État, cela pourrait créer un risque élevé d’impunité de personnes qui tentent d’échapper à la justice après avoir fait l’objet d’une condamnation dans un État membre et mettrait, en définitive, en péril le fonctionnement efficace du système simplifié de remise entre les États membres établi par la décision-cadre 2002/584 (point 82 dudit arrêt).


20      Voir, notamment, arrêt Kachev (point 35 et jurisprudence citée).


21      Voir, notamment, arrêt Kachev (point 36 et jurisprudence citée).


22      Voir, notamment, arrêt Kachev (point 37 et jurisprudence citée).


23      Voir, notamment, arrêt Kachev (point 41 et jurisprudence citée).


24      Voir arrêt Kachev (point 59).


25      Voir arrêt Kachev (point 61).


26      Voir arrêt Kachev (point 62).


27      Voir arrêt Kachev (point 63).


28      Voir, par analogie, arrêt du 23 mars 2023, Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) [C‑514/21 et C‑515/21, ci-après l’« arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) », EU:C:2023:235, point 64].


29      Voir, par analogie, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (points 60, 61 et 64).


30      Voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2023, Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) [C‑396/22, ci-après l’« arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) », EU:C:2023:1029, point 38 et jurisprudence citée].


31      Voir, notamment, arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (point 39 et jurisprudence citée).


32      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 49 et jurisprudence citée).


33      Voir, notamment, arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (point 40 et jurisprudence citée).


34      Voir, notamment, arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (point 41 et jurisprudence citée).


35      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (points 75 et 76 ainsi que jurisprudence citée).


36      Voir arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 77).


37      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 76 et jurisprudence citée).


38      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 78 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (point 42 et jurisprudence citée).


39      Voir, notamment, arrêt Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (point 43 et jurisprudence citée).


40      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 66 et jurisprudence citée).


41      Voir, notamment, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 50).


42      Voir, à cet égard, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) (point 49 et jurisprudence citée).


43      Dans mes conclusions présentées ce jour dans l’affaire Höldermann (C-447/24), j’ai indiqué les raisons pour lesquelles je considère que le fait que l’intéressé ait demandé à l’autorité compétente de l’État membre de condamnation que la peine soit exécutée dans l’État membre d’exécution ne répond pas, en tant que tel, aux conditions énoncées par l’article 9, paragraphe 1, sous i), iii), de la décision-cadre 2008/909. Certes, l’attitude de ATAU peut paraître contradictoire dans la mesure où, en demandant à ce que sa peine soit exécutée en Italie, il semble accepter cette peine. Toutefois, il importe de souligner que ATAU peut formuler une telle demande tout en se réservant le droit de solliciter la tenue d’un nouveau procès. Au demeurant, je relève que le représentant de ATAU a indiqué lors de l’audience que ce dernier pourrait encore exercer un tel droit. Ces éléments font partie des circonstances que l’autorité judiciaire d’exécution peut prendre en compte dans le cadre de sa marge d’appréciation.


44      Voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2023, Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (C‑398/22, EU:C:2023:1031, point 46 et jurisprudence citée).


45      Voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2023, Generalstaatsanwaltschaft Berlin (Condamnation par défaut) (C‑398/22, EU:C:2023:1031, point 47 et jurisprudence citée).