Language of document : ECLI:EU:T:2025:906

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

24 septembre 2025 (*)

« Médicaments à usage humain – Modification de l’autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera – diméthyle fumarate – Directive 2001/83/CE – Article 14, paragraphe 11, du règlement (CE) no 726/2004 – Article 266 TFUE »

Dans l’affaire T‑256/23,

Mylan Ireland Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Mes K. Roox, T. De Meese, J. Stuyck et C. Dumont, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes L. Haasbeek, E. Mathieu et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Biogen Netherlands BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes C. Schoonderbeek et B. Jong, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Papasavvas, président, R. da Silva Passos (rapporteur), Mmes N. Półtorak, I. Reine et T. Pynnä, juges,

greffier : M. A. Marghelis, administrateur,

vu l’ordonnance du vice-président de la Cour du 2 février 2024, Mylan Ireland/Commission [C‑604/23 P(R), non publiée, EU:C:2024:117],

vu la phase écrite de la procédure, notamment les nouvelles preuves de la requérante déposées au greffe du Tribunal le 8 novembre 2024,

à la suite de l’audience du 10 décembre 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mylan Ireland Ltd, demande l’annulation de la décision d’exécution C(2023) 3067 final de la Commission, du 2 mai 2023, modifiant l’autorisation de mise sur le marché octroyée par la décision d’exécution C(2014) 601 final pour le médicament à usage humain Tecfidera – diméthyle fumarate (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents et faits postérieurs au litige

2        La requérante est une société pharmaceutique qui développe et commercialise divers médicaments, parmi lesquels figurent des médicaments génériques.

3        Le 9 août 1994, le Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte (Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux, Allemagne) a délivré à Fumapharm AG deux autorisations de mise sur le marché (ci-après « AMM ») portant sur deux dosages d’un médicament, le Fumaderm. Le Fumaderm a été autorisé en tant qu’association médicamenteuse fixe du fumarate de diméthyle ou diméthyle fumarate (ci-après le « DMF ») et de divers sels de monoéthyle fumarate (ci-après le « MEF »). En juin 2013, les deux AMM concernant le Fumaderm ont été renouvelées. Le Fumaderm est indiqué pour le traitement du psoriasis.

4        L’intervenante, Biogen Netherlands BV, est la titulaire actuelle des AMM concernant le Fumaderm.

5        Le 28 février 2012, l’intervenante a, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous b), et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), soumis à l’Agence européenne des médicaments (EMA) une demande d’AMM du médicament à usage humain Tecfidera – diméthyle fumarate (ci-après le « Tecfidera »). Dans cette demande, l’intervenante a précisé que le Tecfidera était destiné au traitement de patients adultes souffrant de sclérose en plaques et que sa seule substance active était le DMF. En outre, elle n’a pas demandé que le statut de « nouvelle substance active » du DMF dans le Tecfidera soit évalué.

6        Le 21 mars 2013, le comité des médicaments à usage humain (CHMP) a rendu un avis favorable à l’octroi d’une AMM du Tecfidera. Au regard du contenu de la demande de l’intervenante, le CHMP n’a pas examiné si le DMF, seule substance active du Tecfidera, était une « nouvelle substance active ».

7        Par lettre du 18 septembre 2013, la Commission européenne a demandé au CHMP, aux fins d’apprécier s’il était une « nouvelle substance active », d’évaluer si le DMF était différent du Fumaderm, composé de DMF et de sels de MEF. Par cette lettre, et à la suite d’une demande de l’intervenante, la Commission a invité ledit comité à revoir son rapport d’évaluation en vue d’y inclure une évaluation du DMF au sein du Tecfidera au regard du statut de « nouvelle substance active » au sens de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67).

8        Le 21 novembre 2013, le CHMP a rendu un avis révisé par rapport à l’avis qui avait été adopté le 21 mars 2013 (voir point 6 ci-dessus). Le CHMP y a notamment recommandé, par consensus, l’octroi d’une AMM concernant le Tecfidera. En outre, ledit comité a considéré que le DMF était différent du Fumaderm, composé de DMF et de sels de MEF, et en a déduit que la substance active du Tecfidera, le DMF, était une « nouvelle substance active ». Le CHMP a donc conclu que le DMF et le MEF sont tous les deux actifs et ne constituent pas la même substance active dans la mesure où ils ne partagent pas la même fraction thérapeutique.

9        Le 26 novembre 2013, le CHMP a adopté, en application de l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, le rapport européen public d’évaluation afférent au Tecfidera.

10      La Commission a, par la suite, adopté la décision d’exécution C(2014) 601 final, du 30 janvier 2014, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera – dimethyl fumarate au titre du règlement no 726/2004 (ci-après la « décision d’exécution du 30 janvier 2014 »). Cette décision a été notifiée à l’intervenante le 3 février 2014.

11      Le considérant 3 de la décision d’exécution du 30 janvier 2014 a été rédigé de la manière suivante :

« Le [DMF], la substance active contenue dans le “Tecfidera – dimethyl fumarate”, entre dans la composition du médicament autorisé Fumaderm, qui contient du DMF ainsi que du sel de calcium d’éthyle fumarate, du sel de magnésium d’éthylhydrogenfumarate et du sel de zinc d’éthylhydrogenfumarate (sels de monoéthyle fumarate), et qui appartient au même titulaire d’autorisation de mise sur le marché. Le comité des médicaments à usage humain a conclu que le [MEF] et le [DMF] sont tous deux actifs et ne correspondent pas à la même substance active, car leur fraction thérapeutique n’est pas la même. Il est dès lors considéré que le Tecfidera contenant du DMF est différent du Fumaderm, l’autre médicament déjà autorisé composé de DMF et de sels de MEF. Par conséquent, le “Tecfidera – dimethyl fumarate”, dont la demande d’autorisation était fondée sur l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/83/CE, et le médicament déjà autorisé “Fumaderm” ne font pas partie d’une même autorisation globale de mise sur le marché conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE. »

12      Le 27 novembre 2017, Pharmaceutical Works Polpharma S.A. a déposé une demande auprès de l’EMA visant à obtenir confirmation qu’elle était éligible au dépôt d’une demande d’AMM selon la procédure centralisée, en application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, pour un médicament générique dénommé Dimethyl Fumarate Pharmaceutical Works Polpharma, dérivé du médicament de référence Tecfidera.

13      Par décision du 30 juillet 2018 (ci-après la « décision de l’EMA du 30 juillet 2018 »), l’EMA a informé Pharmaceutical Works Polpharma qu’elle n’était pas en mesure de valider sa demande d’AMM, mentionnée au point 12 ci-dessus. L’EMA a notamment souligné que, selon le considérant 3 de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, le Tecfidera, d’une part, et le médicament déjà autorisé Fumaderm, d’autre part, ne faisaient pas partie d’une même AMM globale au sens de l’article 6, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2001/83, au motif que le MEF et le DMF étaient tous deux actifs et ne correspondaient pas à la même substance active, car leur fraction thérapeutique n’était pas la même dans chacun de ces médicaments. Par conséquent, l’EMA a considéré que le Tecfidera bénéficiait de sa propre période de protection réglementaire des données de huit ans et que cette période de protection n’avait pas encore expiré.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2018, Pharmaceutical Works Polpharma a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de l’EMA du 30 juillet 2018. Elle a soulevé une exception d’illégalité, conformément à l’article 277 TFUE, à l’encontre de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, qui constituait la base légale de la décision de l’EMA du 30 juillet 2018.

15      Par arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), le Tribunal a fait droit à l’exception d’illégalité soulevée par Pharmaceutical Works Polpharma dans le recours mentionné au point 14 ci-dessus et déclaré la décision d’exécution du 30 janvier 2014 inapplicable. Par voie de conséquence, la décision de l’EMA du 30 juillet 2018, qui se fondait sur la décision d’exécution du 30 janvier 2014, s’est trouvée privée de base légale et a été annulée. Le Tribunal a notamment considéré, au point 282 de cet arrêt, que, « compte tenu des objectifs de l’autorisation globale de mise sur le marché, du droit de l’Union applicable aux associations médicamenteuses en 1994 et de l’évolution des connaissances scientifiques entre 1994 et 2014, de la fonction particulière exercée par l’EMA et la Commission, ainsi que des données dont disposaient ou pouvaient disposer ces dernières et qui étaient de nature à priver de plausibilité l’hypothèse que le MEF jouait un rôle au sein du Fumaderm […], il y a lieu de considérer que la Commission n’était pas en droit de conclure que le Tecfidera relevait d’une autorisation globale de mise sur le marché différente du Fumaderm précédemment autorisé sans avoir vérifié ou demandé au CHMP de vérifier si, et, le cas échéant, comment, [l’Institut fédéral des médicaments et des dispositifs médicaux] avait apprécié le rôle du MEF au sein du Fumaderm et sans davantage avoir demandé au CHMP de vérifier le rôle joué par le MEF au sein du Fumaderm ».

16      La Commission, l’intervenante et l’EMA ont chacune formé un pourvoi contre l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), enregistré respectivement sous le numéro C‑438/21 P, le numéro C‑439/21 P et le numéro C‑440/21 P.

17      Le 2 juin 2021, l’intervenante a introduit une demande de modification de son AMM concernant le Tecfidera afin d’obtenir une extension de l’indication thérapeutique de ce médicament pour y inclure le traitement de la sclérose en plaques récurrente-rémittente chez les patients âgés de 10 ans et plus. Concomitamment, et compte tenu de cette demande d’extension de l’indication thérapeutique, elle a également demandé la prolongation d’une année de la protection de la mise sur le marché pour le Tecfidera, conformément à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004.

18      Le 15 juin 2021, la requérante a déposé auprès de l’EMA une demande d’AMM concernant le médicament Dimethyl Fumarate Mylan. Lors de cette demande, présentée selon la procédure centralisée, en application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 726/2004, la requérante a désigné le Tecfidera en tant que médicament de référence.

19      Dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), le CHMP a, le 11 novembre 2021, adopté un nouveau rapport d’évaluation concernant la fonction thérapeutique du MEF au sein du Fumaderm (ci-après le « rapport du 11 novembre 2021 »). Ledit comité y a notamment considéré que « [l]es données cliniques disponibles ne sont pas concluantes aux fins d’établir que le MEF a une contribution thérapeutique pertinente sur le plan clinique au sein du Fumaderm, […] [que, c]ompte tenu des résultats décrits, y compris des graves limitations méthodologiques des études cliniques, il ne peut être conclu, sur la base de ces données, qu’un effet thérapeutique cliniquement pertinent du MEF au sein du Fumaderm a été démontré [et, par conséquent, que] l’ensemble des données disponibles ne permet pas d’établir que le MEF exerce une contribution thérapeutique pertinente sur le plan clinique au sein du Fumaderm ».

20      Le 27 janvier 2022, le CHMP a adopté un avis initial sur les demandes de l’intervenante présentées au point 17 ci-dessus (ci-après l’« avis initial du CHMP du 27 janvier 2022 »). D’une part, il a recommandé l’octroi de la modification demandée afin d’inclure une indication thérapeutique supplémentaire dans l’AMM concernant le Tecfidera et a conclu que la nouvelle indication thérapeutique apporte un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes. D’autre part, il a recommandé que l’année supplémentaire de protection de la mise sur le marché soit refusée, dans les termes suivants :

« À la lumière des conclusions scientifiques exposées dans son avis du 11 novembre 2021, le CHMP est d’avis que l’ensemble des données disponibles ne permet pas d’établir que le MEF exerce une contribution thérapeutique cliniquement pertinente au sein du Fumaderm. Ces conclusions scientifiques et l’arrêt du Tribunal du 5 mai 2021 dans l’affaire T‑611/18 viennent au soutien de la détermination selon laquelle le Tecfidera ne bénéficie pas d’une autorisation globale de mise sur le marché indépendante. Il en résulte également que, suivant le raisonnement du Tribunal, le Tecfidera ne pouvait bénéficier, au moment du dépôt de cette demande de médicament générique, d’aucune protection de la mise sur le marché. Par conséquent, et sans préjudice de l’issue de la procédure de pourvoi précitée, l’octroi d’une période supplémentaire d’une année de protection de la mise sur le marché pour le Tecfidera ne saurait être recommandé à ce stade. »

21      Le 9 février 2022, l’intervenante a présenté une demande de réexamen de l’avis initial du CHMP du 27 janvier 2022. Cette demande était limitée à la section dudit avis dans laquelle il n’avait pas été recommandé de proroger d’une année la protection de la mise sur le marché.

22      Le rapport européen public d’évaluation du 24 février 2022 afférent au Dimethyl Fumarate Mylan indique ce qui suit :

« À la lumière des conclusions scientifiques exposées dans son avis du 11 novembre 2021, le CHMP est d’avis que l’ensemble des données disponibles ne permet pas d’établir que le MEF exerce une contribution thérapeutique cliniquement pertinente au sein du Fumaderm. Ces conclusions scientifiques et l’arrêt du Tribunal du 5 mai 2021 dans l’affaire T‑611/18 viennent au soutien de la détermination selon laquelle le Tecfidera ne bénéficie pas d’une autorisation globale de mise sur le marché indépendante. Il en résulte également que, suivant le raisonnement du Tribunal, le Tecfidera ne pouvait bénéficier, au moment du dépôt de cette demande de médicament générique, d’aucune protection de la mise sur le marché. Cette position est sans préjudice de l’issue de la procédure de pourvoi susmentionnée. »

23      Dans un rapport du 22 avril 2022, le CHMP a confirmé son avis initial du 27 janvier 2022, notamment en ce qui concerne sa conclusion selon laquelle une contribution thérapeutique sur le plan clinique du MEF au sein du Fumaderm n’avait pas été démontrée.

24      Le 13 mai 2022 la Commission a adopté la décision d’exécution C(2022) 3251 final, modifiant l’autorisation de mise sur le marché octroyée par la décision d’exécution C(2014) 601 final pour le Tecfidera (voir point 10 ci-dessus). La Commission a, d’une part, fait droit à la demande de l’intervenante d’étendre l’AMM concernant le Tecfidera à une indication pédiatrique supplémentaire et ainsi modifié les annexes I à III de la décision d’exécution C(2014) 601 final et, d’autre part, refusé l’octroi d’une période supplémentaire de protection de la mise sur le marché d’un an concernant le Tecfidera, demandée par l’intervenante en vertu de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004.

25      Le même jour, à savoir le 13 mai 2022, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2022) 3252 final portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Dimethyl fumarate Mylan – diméthyle fumarate au titre du règlement no 726/2004.

26      Par arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), la Cour a annulé l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241). Statuant ensuite sur le recours introduit en première instance, la Cour a rejeté l’unique moyen tiré d’une exception d’illégalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014 et, partant, le recours.

27      Le 2 mai 2023, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a accordé à l’intervenante une année supplémentaire, à savoir jusqu’au 2 février 2025, de protection de la mise sur le marché du Tecfidera, conformément à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004.

28      Le 13 décembre 2023, la Commission a adopté la décision d’exécution C(2023) 8920 final, abrogeant la décision d’exécution C(2022) 3252 final, portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Dimethyl fumarate Mylan – diméthyle fumarate (voir point 25 ci-dessus). La décision d’exécution C(2023) 8920 final a fait l’objet d’un recours en annulation introduit par la requérante le 22 décembre 2023 devant le Tribunal et enregistré sous le numéro T‑1181/23. Ce recours est toujours pendant.

 Conclusions des parties

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, ainsi que toute décision ultérieure, dans la mesure où elle maintient ou remplace cet acte, y compris toute action de suivi réglementaire, pour autant qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

32      Dans son premier chef de conclusions (voir point 29 ci-dessus), la requérante demande l’annulation de toute décision ultérieure à la décision attaquée, dans la mesure où elle perpétue ou remplace cet acte, y compris toute action de suivi réglementaire, pour autant qu’elle la concerne.

33      Or, force est de constater que ni cette partie du premier chef de conclusions ni le corps de la requête comprennent une quelconque précision s’agissant des décisions ultérieures dont la requérante demande l’annulation. Il ressort de la jurisprudence que de tels chefs de conclusions ne désignent pas l’objet d’un litige de manière suffisamment précise et doivent dès lors être écartés en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt du 12 mai 2017, Costa/Parlement, T‑15/15 et T‑197/15, non publié, EU:T:2017:332, point 34 et jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit que le recours est manifestement irrecevable en tant qu’il est dirigé contre toute décision ultérieure à la décision attaquée, dans la mesure où elle perpétue ou remplace cet acte, y compris toute action de suivi réglementaire, pour autant qu’elle concerne la requérante.

 Sur le fond

35      Au soutien de son recours, la requérante invoque neuf moyens. Par son premier moyen, elle soutient que la Commission n’a pas respecté le délai, prévu à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, permettant d’obtenir une prolongation de la protection de la mise sur le marché d’un médicament à usage humain. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste dans l’interprétation de la portée de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213). Dans le troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant la décision attaquée sur des faits scientifiques erronés disponibles au moment de l’adoption de cette décision. Par le quatrième moyen, la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de la décision d’exécution du 30 janvier 2014. Le cinquième moyen est tiré de la violation de plusieurs droits fondamentaux de la requérante. Dans le sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé le principe de sécurité juridique, en lui retirant de facto, et sans apprécier l’illégalité qui aurait été commise, l’AMM qui lui avait été accordée sans condition. Par le septième moyen, la requérante invoque une violation du principe de la confiance légitime. Le huitième moyen concerne une violation du droit de propriété de la requérante et du principe de proportionnalité. Le neuvième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir de la part de la Commission.

36      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante souligne que la prolongation de dix à onze ans de la protection de la mise sur le marché d’un médicament à usage humain, prévue à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, ne peut être accordée que si une autorisation pour une nouvelle indication thérapeutique de ce médicament est obtenue pendant les huit premières années suivant l’octroi de l’AMM concernant ce même médicament. Par conséquent, selon la requérante, pour pouvoir bénéficier d’une telle prolongation, l’intervenante était tenue d’obtenir une autorisation concernant une nouvelle indication thérapeutique du Tecfidera au cours des huit premières années suivant la délivrance de l’AMM correspondante, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

37      À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir que l’intervenante a obtenu l’AMM concernant le Tecfidera le 30 janvier 2014, notifiée le 3 février suivant, alors que la décision de la Commission d’accorder à l’intervenante une autorisation pour la nouvelle indication thérapeutique a été délivrée le 13 mai 2022 par la décision d’exécution C(2022) 3251 final, soit plus de trois mois après l’expiration des huit premières années suivant la délivrance de l’AMM concernant le Tecfidera. La requérante soutient que le Tecfidera ne devrait dès lors pas bénéficier d’une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, dans la mesure où l’intervenante n’a pas respecté l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, qui ne prévoit aucune souplesse pour ladite règle. Selon la requérante, la décision attaquée viole l’exigence de sécurité juridique.

38      En deuxième lieu, la requérante considère que la Commission ne saurait justifier le non-respect du délai de huit ans prévu à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, en invoquant l’absence d’effet suspensif de la procédure de pourvoi devant la Cour concernant l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241). Selon la requérante, en l’absence d’effet suspensif, la Commission ne pouvait pas accorder une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché après l’expiration dudit délai.

39      En troisième lieu, la requérante soutient que, même si l’intervenante n’avait pas demandé un réexamen après l’avis initial du CHMP du 27 janvier 2022 (voir points 20 et 21 ci-dessus), il lui aurait été impossible d’obtenir l’autorisation mentionnée au point 37 ci-dessus dans le délai de huit ans suivant la délivrance de l’AMM concernant le Tecfidera par la décision d’exécution du 30 janvier 2014, notifiée le 3 février suivant, puisqu’il ne restait que six jours entre l’avis initial du CHMP du 27 janvier 2022 et l’expiration dudit délai le 2 février suivant.

40      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

41      En premier lieu, la Commission fait valoir que c’est en raison de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), qu’elle n’a pas pu rendre une décision accordant l’année supplémentaire de protection de la mise sur le marché du Tecfidera dans la décision d’exécution C(2022) 3251 final du 13 mai 2022. La Commission considère que, au moment du dépôt par l’intervenante de la demande de modification de son AMM concernant le Tecfidera, à savoir le 2 juin 2021, ce médicament ne pouvait pas bénéficier d’une période de dix ans de protection de la mise sur le marché telle que prévue à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004. Selon la Commission, à la suite de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), et du rapport du 11 novembre 2021, jusqu’à l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), il n’était pas possible de reconnaître les « huit premières années de ladite période de dix ans », au sens de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, au cours de laquelle l’intervenante aurait pu obtenir une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, dans la mesure où une telle période n’existait plus.

42      Cependant, la Cour a précisé, dans l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), que la période de dix ans de protection de la mise sur le marché devait être reconnue au bénéfice du Tecfidera à partir du moment où ce médicament avait été autorisé, en 2014. Or, selon la Commission, lorsque ledit arrêt de la Cour a été rendu, il était devenu impossible pour la Commission d’adopter une décision au cours des huit premières années de ces dix ans, c’est-à-dire avant le 3 février 2022, puisque la décision d’exécution du 30 janvier 2014 avait été notifiée à l’intervenante le 3 février 2014. La Commission soutient que la seule interprétation (téléologique) raisonnable de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, dans les circonstances particulières et exceptionnelles de la présente affaire, était donc que la décision de la Commission soit adoptée dans un délai raisonnable après l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

43      La Commission en conclut que ce sont les circonstances particulières de la présente affaire et sa complexité factuelle qui ont justifié que les actes pris en exécution de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), soient ensuite devenus incompatibles avec l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

44      En deuxième lieu, selon la Commission, en l’absence de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), elle n’aurait pas, en raison de l’obligation découlant de l’article 266, premier alinéa, TFUE, déclenché l’évaluation qui a donné lieu au rapport du 11 novembre 2021. La Commission fait valoir que si l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), et le rapport du 11 novembre 2021 n’avaient pas existé, l’année supplémentaire de protection de la mise sur le marché aurait déjà été accordée au Tecfidera par la décision d’exécution C(2022) 3251 final du 13 mai 2022 (voir point 24 ci-dessus). De même, sans l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), et le rapport du 11 novembre 2021, l’intervenante n’aurait pas sollicité le réexamen de l’avis initial du CHMP du 27 janvier 2022 et, par ailleurs, cet avis aurait pu être rendu à une date antérieure, le CHMP n’ayant alors pas eu besoin d’attendre les conclusions de la procédure ayant abouti au rapport du 11 novembre 2021.

45      À cet égard, la Commission soulève une fin de non-recevoir en faisant valoir que les droits de la requérante liés à la mise sur le marché d’une version générique du Tecfidera n’ont pas été entravés par l’adoption de la décision attaquée puisque, avant la date d’expiration de la période de protection des données de huit ans pour le Tecfidera, la requérante avait déjà déposé une demande d’AMM dudit médicament générique, laquelle lui a été accordée le 13 mai 2022.

46      En troisième lieu, la Commission conteste l’affirmation de la requérante, rappelée au point 39 ci-dessus. Selon la Commission, dans des circonstances particulièrement urgentes, elle aurait été en mesure d’agir dans les six jours suivant l’avis du CHMP pour respecter le délai de huit ans, prévu à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004.

47      À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la Commission au point 45 ci-dessus, les droits de la requérante liés à la mise sur le marché d’une version générique du Tecfidera ont été affectés par l’adoption de la décision attaquée.

48      En effet, en accordant au Tecfidera, dans la décision attaquée, une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, la décision attaquée a prolongé du 3 février 2024 jusqu’au 2 février 2025 la période d’exclusivité de mise sur le marché dudit médicament. La mise sur le marché de toute version générique du Tecfidera entre le 3 février 2024 et le 2 février 2025 a donc été rendue impossible par la décision attaquée. La possibilité pour la requérante de commercialiser la version générique du Tecfidera, le Dimethyl fumarate Mylan, au cours de ladite période a, dès lors, été affectée et la fin de non-recevoir de la Commission doit être écartée.

49      Le premier moyen requiert, en substance, de déterminer la portée de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, et notamment les conséquences du non-respect, par le titulaire d’une AMM d’un médicament à usage humain, du délai prévu pour obtenir une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles apportant un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes, afin de pouvoir bénéficier d’une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché du médicament en question. En effet, dans le cas d’espèce, la Commission s’est fondée sur cette disposition afin d’accorder à l’intervenante une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché concernant le Tecfidera, à savoir une protection de onze ans au lieu de dix.

50      À titre liminaire, il doit être rappelé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 prévoit ce qui suit :

« Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement (CE) no 726/2004 [...]

Lorsqu’un médicament a obtenu une première autorisation de mise sur le marché conformément au premier alinéa, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa ou être inclus dans l’autorisation de mise sur le marché initiale. Toutes ces autorisations de mise sur le marché sont considérées comme faisant partie d’une même autorisation globale, notamment aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1. »

51      En outre, il convient de préciser que l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 est ainsi libellé :

« Les médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient, sans préjudice du droit concernant la protection de la propriété industrielle et commerciale, d’une période de protection des données d’une durée de huit ans et d’une période de protection de la mise sur le marché d’une durée de dix ans portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes. »

52      En deuxième lieu, il convient de rappeler que c’est dans un contexte d’équilibre entre deux objectifs complémentaires, à savoir favoriser la recherche de nouvelles indications thérapeutiques présentant un bénéfice clinique important et amenant une amélioration du bien-être et de la qualité de vie du patient et favoriser la production de médicaments génériques, que le législateur de l’Union européenne a prévu que l’année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, prévue à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, ne peut être octroyée que dans les cas où la nouvelle indication thérapeutique est autorisée dans les huit premières années de ladite période de dix ans. Cette prolongation d’une année de la période d’exclusivité commerciale constitue ainsi, aux yeux du législateur de l’Union, l’avantage approprié pour récompenser les investissements dans de nouvelles indications thérapeutiques (arrêt du 28 juin 2017, Novartis Europharm/Commission, C‑629/15 P et C‑630/15 P, EU:C:2017:498, points 77 et 78).

53      Or, les objectifs mentionnés au point 52 ci-dessus ne sauraient être réalisés que si tous les délais en question figurant audit point sont strictement respectés. Par ailleurs, l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 ne prévoit aucune dérogation à cet égard.

54      Dès lors, l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 doit être interprété en ce sens que seul l’octroi d’une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles, pendant les huit premières années d’une période de dix ans de protection de la mise sur le marché du médicament à usage humain en question, est susceptible de permettre la prolongation de dix à onze ans de ladite période. L’obtention de cette autorisation est donc la condition nécessaire et préalable à l’octroi d’une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, soit une prolongation de dix à onze ans.

55      En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel la seule interprétation valable de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, dans les circonstances particulières et exceptionnelles de la présente affaire, était que la décision de la Commission soit adoptée dans un délai raisonnable après l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), il convient de constater que, en l’espèce, ce que la requérante conteste n’est pas le délai au terme duquel a été adoptée la décision attaquée qui a octroyé la prolongation de dix à onze ans de la protection de la mise sur le marché du Tecfidera sur la base de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004. En effet, ce que la requérante conteste est, en substance, que la décision attaquée ait été adoptée sans que l’autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle du Tecfidera ait été préalablement obtenue pendant les huit premières années d’une période de dix ans de protection de la mise sur le marché dudit médicament.

56      À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que la mise sur le marché d’un médicament pour une nouvelle indication thérapeutique n’est possible qu’après l’obtention d’une modification de l’AMM initiale (voir points 50 et 51 ci-dessus).

57      D’autre part, il résulte d’une lecture combinée de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 et de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 qu’il est loisible au titulaire d’une AMM d’un médicament de demander la modification de cette AMM en vue d’obtenir une autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle concernant ce médicament, que ledit médicament fasse ou non partie d’une AMM globale d’un autre médicament. En outre, il est possible de demander cette autorisation sans nécessairement demander également la prolongation de la protection de la mise sur le marché du médicament en question.

58      C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’intervenante a pu formuler une demande afin d’obtenir l’autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle du Tecfidera le 2 juin 2021 (voir point 17 ci-dessus), soit presque un mois après l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), et a ensuite obtenu ladite autorisation le 13 mai 2022 (voir point 24 ci-dessus), soit plus de dix mois avant l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), et ce en dépit du fait que le Tecfidera était à ce moment-là considéré comme faisant partie de la même AMM globale du Fumaderm (voir point 15 ci-dessus), au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

59      Ainsi, d’une part, l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), n’a nullement fait obstacle à la soumission de la demande et à l’obtention d’une autorisation pour la nouvelle indication thérapeutique. Par ailleurs, rien n’aurait empêché l’intervenante d’avoir présenté une demande en ce sens à la Commission avant le 2 juin 2021. D’autre part, ledit arrêt n’a pas davantage empêché la Commission de statuer sur cette demande de l’intervenante dans les huit premières années de la période initiale de dix ans de protection de la mise sur le marché du Tecfidera (autrement dit avant le 3 février 2022), indépendamment de la demande de prolongation de cette période de dix à onze ans.

60      Dans ces circonstances, il n’est pas démontré que l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), ait eu une incidence sur l’absence d’octroi d’une autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle du Tecfidera dans le délai prévu à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 et, dès lors, sur le non-respect de cette condition préalable à l’octroi de la prolongation de dix à onze ans de la période de protection de la mise sur le marché de ce même médicament.

61      En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, à la suite d’un arrêt d’annulation, lequel opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique, l’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, peut comporter une remise de la partie requérante dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement à cet acte (voir arrêt du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, EU:T:2001:249, point 50 et jurisprudence citée).

62      Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte, en tant que telle, de l’ordre juridique de l’Union, puisque celle-ci résulte de l’annulation de l’acte par le juge. Elles concernent plutôt l’anéantissement des effets des illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation, pour les résoudre conformément au droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 60, et du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, EU:T:1995:162, point 60 et jurisprudence citée).

63      À la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, il incombait, certes, à la Commission et à l’EMA, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), d’examiner quelles seraient les mesures nécessaires pour remettre l’intervenante dans la situation dans laquelle cette dernière, en tant que titulaire des AMM du Fumaderm et du Tecfidera, se trouvait antérieurement à l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), annulé par la Cour.

64      Toutefois, l’obligation d’agir qui résulte de l’article 266 TFUE ne constituant pas, en soi, une source de compétence pour la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 38), cette dernière ne saurait se prévaloir de sa compétence découlant dudit article pour modifier la portée de dispositions de la législation en vigueur. En effet, la Commission est obligée d’exécuter les arrêts de la Cour conformément au droit applicable de l’Union, dont elle est la gardienne.

65      Or, ainsi qu’il a été conclu au point 54 ci-dessus, l’obtention d’une autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle concernant un médicament est, selon l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, un préalable nécessaire à l’octroi d’une prolongation de dix à onze ans de la période de protection de la mise sur le marché de ce même médicament.

66      Dès lors, contrairement à ce que la Commission soutient, les actes pris en exécution de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), ne sont pas devenus incompatibles avec l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213).

67      En effet, indépendamment de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), la Commission ne pouvait pas accorder, dans la décision d’exécution C(2022) 3251 final du 13 mai 2022, une prolongation d’un an de la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera, puisque la condition prévue à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, à savoir l’obtention d’une autorisation préalable, dans le délai de huit ans, pour une indication thérapeutique nouvelle dudit médicament, n’était pas remplie.

68      À cet égard, si l’intervenante a présenté une demande d’autorisation concernant une indication thérapeutique nouvelle du Tecfidera le 2 juin 2021, il n’en demeure pas moins que, à la date d’adoption de la décision d’exécution C(2022) 3251 final, à savoir le 13 mai 2022, le délai de huit ans pendant lequel devait être obtenue l’autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles de ce médicament, jugées apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes, était déjà expiré depuis le 2 février 2022 (voir point 59 ci-dessus), ce qui faisait donc obstacle à l’octroi, par la décision attaquée, de la prolongation de dix à onze ans de la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera.

69      Par voie de conséquence, il y a lieu de constater que l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), ne modifie pas la conclusion, énoncée au point 54 ci-dessus, selon laquelle le Tecfidera ne pouvait bénéficier d’une prolongation de dix à onze ans de la période de protection de la mise sur le marché que si le préalable nécessaire à l’octroi d’une telle année supplémentaire était respecté, à savoir l’obtention, pendant les huit premières années de ladite période de dix ans, d’une autorisation pour une indication thérapeutique nouvelle.

70      Il s’ensuit que, à la lumière des principes qui découlent de la jurisprudence mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, les mesures nécessaires que doivent prendre la Commission et l’EMA en vue de l’exécution de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), ne sauraient emporter une modification de la décision d’exécution C(2022) 3251 final pour y introduire une prolongation du délai de dix à onze ans de la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera.

71      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée, prise en exécution de l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), n’a pas été adoptée conformément au droit de l’Union, ainsi que l’exige la jurisprudence mentionnée aux points 61 et 62 ci-dessus, et n’a donc pas respecté l’article 266 TFUE.

72      Partant, le premier moyen doit être accueilli.

73      Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens et arguments avancés par la requérante. De plus, il n’y a pas besoin de se prononcer sur la recevabilité, contestée par la Commission, des preuves produites le 8 novembre 2024 par la requérante, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, étant donné que la solution retenue ne s’appuie pas sur des éléments figurant dans lesdites preuves.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

75      En l’espèce, la Commission ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal, conformément aux conclusions de la requérante.

76      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution C(2023) 3067 final de la Commission, du 2 mai 2023, modifiant l’autorisation de mise sur le marché octroyée par la décision d’exécution C(2014) 601 final pour le médicament à usage humain Tecfidera  diméthyle fumarate, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens et ceux exposés par Mylan Ireland Ltd, y compris ceux afférents à la procédure de référé devant le Tribunal.

4)      Biogen Netherlands BV supportera ses propres dépens.

Papasavvas

da Silva Passos

Półtorak

Reine

 

      Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.