Language of document : ECLI:EU:T:2025:911

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

24 septembre 2025 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Personnel de Frontex – Congés annuels – Articles 56 bis et 57 du statut – Service par tours – Déduction des jours de congé – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑552/24,

Johan Lami, demeurant à Pescara (Italie), représenté par Mes F. Bello, A. Bonanni Caione, F. D’Onofrio et G. Borrelli, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), représentée par MM. C. Carroll et R.-A. Popa, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

Composé, lors des délibérations, de MM. J. Svenningsen (rapporteur), président, C. Mac Eochaidh et Mme M. Stancu, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Johan Lami, demande, en substance, que soient annulés le courriel du 8 novembre 2023 ainsi que les décisions des 22 janvier et 14 février 2024 de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), qu’il soit déclaré que Frontex a violé les règles applicables en matière de droit aux congés et qu’il soit ordonné à Frontex de lui restituer le nombre de jours de congé qui lui auraient été illégalement déduits.

 Antécédents du litige

2        Le 16 juin 2020, le requérant a été recruté par Frontex en qualité d’agent contractuel du groupe de fonctions IV au titre de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), pour une période de cinq ans.

3        Aux termes de son contrat, le requérant a été engagé au poste de garde‑frontières et garde‑côtes européen (catégorie 1 – niveau d’entrée), les garde-frontières et garde-côtes européens étant appelés à devenir membres du contingent permanent du corps européen de garde‑frontières et de garde‑côtes.

4        Le poste du requérant implique des modalités de travail spécifiques en vertu desquelles le temps de travail de ce dernier comporte tant, par semaine civile (soit du lundi au dimanche), plusieurs périodes, non consécutives, de douze heures de travail consécutives, appelées « tours » (shifts), que, de manière occasionnelle, des périodes de huit heures de travail en moyenne, consacrées aux formations, aux déplacements ou encore à la préparation de missions  (briefing day) ou au retour d’expérience (debriefing day).

5        En réponse à une demande d’un jour de congé formulée par le requérant pour pouvoir s’absenter d’un tour de douze heures, le service des ressources humaines de Frontex a informé ce dernier, par courriel du 8 novembre 2023, que sa demande avait été acceptée. À cette occasion, le requérant a également été informé, en substance, que le seul jour de congé restant sur les 24 jours ouvrables de congé annuel auxquels il avait droit était toutefois insuffisant pour couvrir cette demande et que, par conséquent, les heures manquantes seraient déduites de ses jours ouvrables de congé annuel de l’année suivante.

6        Le 22 janvier 2024, le service des ressources humaines de Frontex a enregistré, dans le système informatique de gestion du personnel Sysper, une absence sans autorisation du requérant du 16 au 24 octobre 2023 inclus et, selon ce dernier, lui a retiré sept jours de congé.

7        Le 11 février 2024, le requérant ne s’est pas présenté à son poste, car il était malade. En conséquence, le 14 février suivant, le service des ressources humaines de Frontex a décidé de retirer un jour et demi de son solde de congé annuel pour compenser cette absence d’un tour de douze heures, jugée irrégulière, conformément à l’article 60 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

8        Le 19 février 2024, le requérant a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, applicable par analogie aux agents contractuels en vertu de l’article 117 du RAA, contre les actes attaqués.

9        La réclamation du requérant a fait l’objet d’un rejet implicite le 19 juin 2024, avant que l’autorité investie du pouvoir de nomination n’adopte une décision de rejet explicite le 26 juillet 2024.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        annuler la décision explicite de rejet de la réclamation du 26 juillet 2024 ;

–        déclarer que Frontex a violé les règles applicables en matière de droit aux congés ;

–        ordonner à Frontex de lui restituer le nombre de jours de congé qui lui auraient été illégalement déduits.

11      Frontex conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal pour statuer sur les troisième et quatrième chefs de conclusions

12      Le requérant demande au Tribunal, d’une part, de déclarer que Frontex a violé les règles applicables en matière de droit aux congés et, d’autre part, d’ordonner à cette agence de lui rendre le nombre de jours de congé qu’elle aurait illégalement déduits de son solde de congé annuel.

13      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre de recours formés au titre de l’article 270 TFUE et du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des arrêts déclaratoires ni pour adresser des injonctions à l’administration (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, EU:T:2002:155, point 16, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 63 et jurisprudence citée).

14      Par conséquent, les troisième et quatrième chefs de conclusions doivent être rejetés en raison de l’incompétence manifeste du Tribunal pour en connaître.

 Sur l’objet des conclusions en annulation

15      La décision explicite de rejet de la réclamation étant dépourvue de contenu autonome, en ce qu’elle ne fait que confirmer les actes attaqués, il y a lieu de considérer que les présentes conclusions en annulation tendent seulement à l’annulation des actes attaqués, dont la légalité sera appréciée en tenant compte de la motivation figurant dans la décision explicite de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 21 et jurisprudence citée).

 Sur le fond

16      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9), et de la décision du conseil d’administration de Frontex no 27/2023, du 16 août 2023, sur le temps de travail et le temps de travail hybride, le deuxième, de la violation de l’article 57 du statut, le troisième, de la violation de son droit à un repos adéquat et, le quatrième, de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence.

17      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches. Le requérant fait valoir, par la première branche, que Frontex a violé l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 et, par la seconde branche, que cette agence a violé l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023.

18      À titre liminaire et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par Frontex et dirigées contre les conclusions en annulation en tant qu’elles concernent le courriel du 8 novembre 2023 mentionné au point 5 ci-dessus ainsi que la décision du 22 janvier 2024 mentionnée au point 6 ci-dessus, il convient d’observer que, par l’ensemble de ses quatre moyens, le requérant conteste le principe selon lequel, pour s’absenter pendant un tour de douze heures de travail consécutives, Frontex lui impose de prendre un jour et demi de congé sur ses 24 jours ouvrables de congé annuel.

19      Cela étant, il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen, puis la seconde branche du premier moyen, ensuite, ensemble, la première branche du premier moyen et le troisième moyen et, enfin, le quatrième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 57 du statut

20      Le requérant fait valoir que, puisque Frontex a déduit un jour et demi de congé sur ses 24 jours ouvrables de congé annuel pour chaque absence d’un tour de douze heures de travail consécutives, il ne dispose en réalité que de seize jours de congé annuel, en violation de l’article 57 du statut, qui prévoit le droit à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum.

21      Frontex conteste cette argumentation.

22      Aux termes de l’article 57 du statut, applicable par analogie aux agents contractuels en vertu des articles 16 et 91 du RAA, le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum.

23      Pour autant, il ne ressort ni de l’article 57 du statut ni de la jurisprudence que chacun de ces 24 jours ouvrables doive nécessairement permettre à un fonctionnaire ou à un agent de s’absenter durant une journée complète de travail sans qu’il soit tenu compte de ses heures effectivement travaillées.

24      D’ailleurs, si l’argumentation du requérant devait être retenue, cela conduirait à reconnaître à ce dernier un droit à congé annuel supérieur à celui des fonctionnaires ou des agents exerçant leurs fonctions dans le cadre d’un régime normal de travail de huit heures par jour.

25      En effet, si le droit du requérant à un congé annuel de 24 jours ouvrables devait lui permettre de s’absenter pendant 24 tours de 12 heures de travail, son droit à congé annuel équivaudrait à 288 heures de travail, ce qui serait supérieur aux 24 jours ouvrables de congé annuel équivalant à 192 heures de travail auxquels ont droit les fonctionnaires et agents exerçant leur activité dans le cadre d’un régime normal de travail de huit heures par jour.

26      Ainsi, par son argumentation, non seulement le requérant ne démontre pas disposer d’un nombre de jours de congé annuel inférieur à celui d’un fonctionnaire ou d’un agent travaillant selon des horaires normaux, mais, en outre, il fait valoir qu’il devrait disposer d’un congé annuel supérieur à ce dernier en raison de la seule répartition particulière de son temps de travail.

27      Or, bien que le temps de travail du requérant soit réparti différemment, il effectue, au plus, le même nombre total annuel d’heures de travail qu’un fonctionnaire ou agent travaillant selon des horaires normaux.

28      En effet, en vertu de l’article 56 bis, troisième alinéa, du statut, applicable par analogie aux agents contractuels en vertu des articles 16 et 91 du RAA, la durée normale de travail d’un fonctionnaire ou d’un agent assurant un service par tours ne peut être supérieure au total annuel des heures normales de travail.

29      En l’occurrence, Frontex veille au respect de l’article 56 bis, troisième alinéa, du statut par la mise en place d’un suivi des heures de travail accomplies par chaque fonctionnaire ou agent assurant un service par tours, en garantissant que chacun d’eux, d’une part, suive un planning de tours établi mensuellement et, d’autre part, enregistre ses heures effectivement travaillées sur une « feuille de temps de travail presté ».

30      En ce qui concerne plus précisément le requérant, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, Frontex a produit la feuille de temps de travail presté de ce dernier pour l’année 2024. Celle-ci se présente sous la forme d’un calendrier sur lequel l’agence a recensé les heures de travail effectivement accomplies par le requérant ainsi que ses pauses, ses congés et ses absences.

31      D’après sa feuille de temps de travail presté, le requérant était tenu, en principe, de travailler 162 heures par mois en 2024, soit un total de 1 944 heures, ce qui correspond au total annuel des heures normales de travail d’un fonctionnaire ou agent travaillant selon des horaires réguliers, puisque ces derniers sont tenus de travailler, en moyenne, 1 936 heures par an, ainsi que cela ressort de l’annexe B.4 du mémoire en défense, et étaient tenus de travailler, en principe, 1 952 heures en 2024.

32      De plus, si, en réalité, en 2024, le requérant n’a pas systématiquement effectué 162 heures de travail par mois, néanmoins, lorsqu’il a effectué un nombre d’heures de travail supérieur ou inférieur à 162 heures durant un mois, cet excédent ou ce déficit d’heures a été reporté sur le mois suivant, afin d’équilibrer son nombre d’heures de travail accomplies. C’est ainsi que le requérant a pu effectuer un minimum de 124 heures de travail durant le mois de septembre 2024 et un maximum de 196 heures de travail durant le mois de mai 2024, mais qu’il a, durant l’année 2024, travaillé 1 948 heures au total.

33      Partant, dès lors que la répartition du temps de travail du requérant ne conduit pas ce dernier, ni en principe ni dans les faits, à effectuer plus d’heures de travail qu’un fonctionnaire ou qu’un agent travaillant selon des horaires normaux, cette répartition ne saurait non plus justifier qu’il dispose d’un nombre de jours de congé annuel supérieur à ces derniers.

34      Il en découle que, par les actes attaqués, Frontex n’a pas violé le droit au congé annuel de 24 jours ouvrables du requérant, tel qu’il est prévu par l’article 57 du statut.

35      Cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par les autres arguments du requérant.

36      Premièrement, le requérant fait valoir que l’interprétation de l’article 57 du statut retenue par Frontex remet en cause la fonction même du jour de congé, laquelle serait de lui permettre de s’absenter durant une journée de travail complète, car, dans sa situation, un seul jour de congé correspondant à huit heures de travail, ce jour de congé n’est pas suffisant pour lui permettre de s’absenter pendant une journée complète de douze heures consécutives de travail.

37      À cet égard, il a déjà été établi aux points 22 à 25 ci-dessus que le statut ne prévoyait pas qu’un jour de congé doive invariablement correspondre à une journée complète de travail, sans qu’il soit tenu compte du nombre d’heures que le fonctionnaire ou l’agent est tenu de travailler durant cette journée.

38      Deuxièmement, le requérant affirme que l’interprétation de l’article 57 du statut retenue par Frontex méconnaît le règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil, du 14 septembre 2016, relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil (JO 2016, L 251, p. 1), en ce que ce règlement prévoirait que les agents de Frontex ont droit à des congés annuels et à des périodes de repos adéquates.

39      À cet égard, il suffit, pour écarter l’argument mentionné au point 38 ci-dessus, de constater, en premier lieu, que le règlement 2016/1624 ne contient aucune disposition en ce sens et, en second lieu, qu’il a été abrogé par le règlement (UE) 2019/1896 du Parlement et du Conseil, du 13 novembre 2019, relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes et abrogeant les règlements (UE) no 1052/2013 et (UE) 2016/1624 (JO 2019, L 295, p. 1), lequel ne contient lui non plus aucune disposition spécifique en ce sens.

40      Troisièmement, le requérant fait valoir que le mode de calcul adopté par Frontex serait contraire à la directive 1999/63/CE du Conseil, du 21 juin 1999, concernant l’accord relatif à l’organisation du temps de travail des gens de mer, conclu par l’Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération des syndicats des transports dans l’Union européenne (FST) (JO 1999, L 167, p. 33), laquelle prévoit que toute personne employée, engagée ou travaillant à quelque titre que ce soit à bord d’un navire auquel cette directive s’applique doit bénéficier de 2,5 jours de congé par mois de travail.

41      En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de la directive 1999/63, adressée aux États membres, à un litige opposant un agent à une agence de l’Union, il suffit de constater que le requérant n’a pas allégué ni a fortiori démontré qu’il travaillait à bord d’un navire auquel cette directive s’appliquait.

42      Quatrièmement, en ce que l’interprétation retenue de l’article 57 du statut violerait des lignes directrices de l’Agenzia per la rappresentanza negoziale delle pubbliche amministrazioni (Agence de représentation des administrations publiques pour la négociation, Italie), ainsi que cela est allégué par le requérant, il suffit de constater que ces lignes directrices ayant été édictées par une agence nationale d’un État membre et, qui plus est, à l’attention des administrations publiques de cet État membre, elles ne sauraient être utilement invoquées pour contester la légalité des actes attaqués.

43      Il découle de ce qui précède que, par les actes attaqués, Frontex n’a pas violé l’article 57 du statut.

44      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée, en substance, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023

45      Le requérant fait valoir, en substance, que Frontex a violé l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023, puisque, dans son cas, un jour de congé ne saurait équivaloir à seulement huit heures de travail, mais devrait équivaloir à douze heures de travail.

46      D’après le requérant, puisqu’il ne travaille pas à temps partiel, Frontex n’aurait pas dû décompter ses jours de congé au prorata de ses heures travaillées, mais aurait dû considérer qu’un jour de congé annuel suffisait pour couvrir un tour de douze heures de travail consécutives. À cet égard, le requérant soutient que Frontex ne fait que se plier au système informatique de gestion du personnel Sysper, lequel envisage seulement qu’une journée de travail dure huit heures, et non qu’elle puisse durer douze heures.

47      Frontex conteste cette argumentation.

48      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 : 

« Les absences pour congé annuel, congé spécial et congé de maladie sont comptabilisées sur la base d’une journée de travail normale de 8 heures pour une journée complète et de 4 heures pour une demi-journée. Ce paragraphe s’applique au prorata au personnel travaillant à temps partiel. »

49      Ainsi, l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 se limite à fournir, en ce qui concerne les fonctionnaires et agents de Frontex travaillant à temps plein et ceux travaillant à temps partiel, une base de calcul pour le décompte des congés en prévoyant, pour les premiers, qu’un jour de congé correspond à huit heures d’une journée de travail normale et qu’un un demi-jour de congé correspond à quatre heures de travail et, pour les seconds, que les règles établies pour les premiers s’appliquent au prorata temporis.

50      Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 ne prévoit pas que, quelle que soit la répartition du temps de travail d’un fonctionnaire ou d’un agent à temps plein, huit heures de congé doivent invariablement être retirées de ses 24 jours ouvrables de congé annuel afin de couvrir une journée entière de travail.

51      En effet, ce n’est que pour les fonctionnaires ou agents à temps plein effectuant des journées de travail normales de huit heures qu’un jour de congé annuel correspond exactement à huit heures de travail.

52      En revanche, s’agissant du requérant, agent travaillant à temps plein dont le temps de travail normal est réparti sur plusieurs tours de douze heures consécutives sur une semaine civile, l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 doit être appliqué en tenant compte de la spécificité de sa situation.

53      Ainsi, à cet égard, d’une part, un tour de douze heures de travail ne saurait correspondre à un seul jour de congé, sauf à reconnaître au requérant un congé annuel plus long, de 36 jours au lieu de 24 jours, en raison de la seule répartition particulière de son temps de travail, hypothèse qui a déjà été rejetée pour les motifs figurant aux points 22 à 44 ci-dessus.

54      D’autre part, le point 2.6.3 de l’annexe de la décision du directeur exécutif de Frontex du 22 décembre 2020, établissant les règles relatives au service par tours des membres des catégories 1 et 2 du contingent permanent du corps de garde-frontières et de garde-côtes européens devant être déployés en tant que membres des équipes, prévoit précisément que les congés annuels et les congés spéciaux des agents concernés par cette décision sont déduits en fonction du nombre d’heures du tour planifié. Frontex a ainsi, à juste titre, déduit les jours de congé du requérant au prorata de ses heures travaillées.

55      Il découle de ce qui précède que c’est sans méconnaître l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 et sans être contrainte par les limitations techniques du système informatique de gestion du personnel Sysper que Frontex a pu considérer, dans les actes attaqués, que douze heures de travail consécutives effectuées par le requérant pendant un tour correspondaient à un jour et demi de congé annuel.

56      Par conséquent, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, ainsi que sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit du requérant à un repos adéquat

57      Le requérant fait valoir que le mode de déduction de ses jours de congé viole l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, lequel prévoit le droit à un congé annuel d’au moins quatre semaines.

58      De même, le requérant fait valoir que le mode de déduction de ses jours de congé viole la directive 2003/88 ainsi que la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO 1989, L 183, p. 1), car il ne dispose pas de périodes de repos adéquates, malgré ses conditions de travail particulières.

59      À cet égard, en premier lieu, il suffit de constater que, étant donné que l’article 57 du statut prévoit un droit au congé annuel payé d’une durée supérieure aux quatre semaines minimales prévues à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, il ne peut avoir été porté atteinte à cette dernière disposition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 118).

60      En second lieu, en ce qui concerne la prétendue violation de la directive 2003/88 ainsi que de la directive 89/391 en tant qu’elles prévoient le droit à des périodes de repos adéquates, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’invocabilité de ces directives ou sur la fin de non-recevoir soulevée par Frontex à leur égard, il convient de relever que, en substance, le requérant fait valoir qu’il bénéficierait d’un repos adéquat seulement si ses 24 jours ouvrables de congé annuel lui permettait de s’absenter de 24 tours de 12 heures, ce qui représenterait 288 heures de congé, autrement dit s’il disposait non pas de 24 jours ouvrables de congé annuel, mais de 36 jours ouvrables de congé annuel.

61      À cet égard, il suffit de constater que le requérant réitère l’argumentation selon laquelle il devrait bénéficier d’un congé annuel plus long en raison de la seule répartition particulière de son temps de travail, laquelle a été déjà rejetée pour les motifs évoqués aux points 22 à 44 ci-dessus.

62      Par ailleurs, pour autant que l’argumentation du requérant devrait être comprise en ce sens qu’il ne bénéficie pas d’un repos adéquat en raison de la seule répartition particulière de son temps de travail, force est de constater qu’il n’a fait valoir aucun argument étayé en ce sens. Il découle de ce qui précède que, par les actes attaqués, Frontex n’a pas violé l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ni le droit au repos adéquat du requérant.

63      Par conséquent, la première branche du premier moyen ainsi que le troisième moyen doivent être rejetés.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence

64      Le requérant fait valoir que le mode de déduction de ses jours de congé viole les principes d’égalité de traitement et de transparence. D’une part, le requérant serait placé dans une situation moins avantageuse que celle des fonctionnaires ou des agents exerçant leurs fonctions dans le cadre d’un régime normal de travail de huit heures par jour, étant donné qu’il bénéficierait de moins de jours de congé pour le même nombre d’heures de travail effectuées, et ce alors même qu’il effectuerait un travail plus pénible. D’autre part, cette différence de traitement serait arbitraire et, donc, imprévisible.

65      Frontex conteste cette argumentation.

66      En premier lieu, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement, tel que consacré à l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, constitue un principe général du droit de l’Union, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 45 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, il a été établi aux points 22 à 44 ci-dessus que le requérant dispose du même droit au congé annuel de 24 jours ouvrables que les fonctionnaires et agents travaillant selon des horaires normaux.

68      Par conséquent, l’argumentation tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement ne peut prospérer que si le requérant démontre qu’il se trouve dans une situation qui n’est pas comparable à celle d’un fonctionnaire ou d’un agent travaillant selon des horaires normaux.

69      À cet égard, le requérant fait seulement valoir, d’une part, que son temps de travail est réparti différemment de celui d’un fonctionnaire ou d’un agent travaillant selon des horaires normaux et, d’autre part, qu’il effectue un travail plus pénible que ce fonctionnaire ou cet agent.

70      Or, premièrement, il a déjà été rappelé aux points 27 et 28 ci-dessus que si, certes, le temps de travail du requérant était réparti différemment, l’article 56 bis, paragraphe 3, du statut prévoyait néanmoins qu’il effectue, au plus, le même nombre annuel total d’heures qu’un fonctionnaire ou un agent travaillant selon des horaires normaux.

71      Par conséquent, eu égard à la double finalité du droit au congé annuel, à savoir permettre au travailleur de se reposer à la suite de l’exécution des tâches qui lui incombent et de disposer d’une période de détente et de loisir (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 121 et jurisprudence citée), le seul fait que le temps de travail du requérant soit réparti différemment de celui d’un fonctionnaire ou d’un agent travaillant selon des horaires normaux sur une semaine civile ne le place pas dans une situation différente de celle de ce fonctionnaire ou de cet agent.

72      Deuxièmement, à défaut pour le statut ou la charte des droits fondamentaux de prévoir que des conditions de travail particulièrement pénibles ouvrent droit à un congé annuel supérieur au fonctionnaire ou à l’agent qui travaille dans ces conditions, une telle circonstance ne saurait placer le requérant dans une situation qui n’est pas comparable à celle d’un fonctionnaire ou d’un agent travaillant selon des horaires normaux. À cet égard, il peut d’ailleurs être relevé que la pénibilité du service par tours peut être indemnisée en vertu de l’article 56 bis, paragraphe 1, du statut et que le requérant perçoit une telle indemnité, ainsi que cela ressort de ses fiches de paie annexées à sa requête.

73      Par conséquent, à défaut pour le requérant d’apporter davantage d’éléments pour étayer l’existence d’une différence de traitement, son argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être écarté.

74      En second lieu, il découle de ce qui a été jugé aux points 48 à 55 ci-dessus que Frontex a procédé au décompte des jours de congés du requérant non pas de manière arbitraire, mais en appliquant à la situation de ce dernier l’article 7, paragraphe 1, de la décision no 27/2023 et le point 2.6.3 de l’annexe de la décision du directeur exécutif de Frontex du 22 décembre 2020, pour en déduire, d’une part, que le requérant disposait d’un congé annuel de 24 jours ouvrables, soit de 192 heures et, d’autre part, qu’il convenait de lui retirer 12 heures de ce congé annuel pour chaque absence d’un tour de 12 heures au titre de son congé annuel. Il s’ensuit que le requérant ne saurait utilement faire valoir qu’il ne peut pas prédire la manière selon laquelle ses absences sont décomptées de son congé annuel.

75      Il découle de ce qui précède que, par les actes attaqués, Frontex n’a pas violé les principes d’égalité de traitement ni de transparence.

76      Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

77      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire que le Tribunal désigne un expert afin d’effectuer le calcul du solde des jours de congé annuel du requérant, ainsi que ce dernier l’y invite.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

79      En l’espèce, bien que le requérant n’ait pas conclu sur les dépens, ce dernier ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Frontex.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Johan Lami est condamné aux dépens.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.