Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE
MME TAMARA ĆAPETA
présentées le 25 septembre 2025 (1)
Affaires jointes C‑409/24 à C‑411/24
J-GmbH
contre
Finanzamt K (C‑409/24)
et
D
contre
Finanzamt F (C‑410/24)
et
D GmbH & Co. KG
contre
Finanzamt A (C‑411/24)
[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Hébergement dans des hôtels et établissements similaires – Taux réduit de TVA – Prestations accessoires à l’hébergement »
I. Introduction
1. Le petit-déjeuner ou d’autres services accessoires proposés par les hôtels et établissements similaires qui fournissent un hébergement de courte durée doivent-ils être imposés séparément de la prestation d’hébergement ou peuvent-ils, en tant que services accessoires, être taxés au même taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), inférieur, que la prestation principale ?
2. Telle est, en substance, la question que soulèvent les trois demandes de décision préjudicielle jointes que la onzième chambre du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a présentées à la Cour.
II. Le contexte procédural, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
3. Les trois présentes affaires, pour lesquelles trois demandes de décisions préjudicielles ont été présentées, mettent en cause la compatibilité de l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’Umsatzsteuergesetz (loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d’affaires, ci-après l’« UStG ») (2) avec la directive TVA (3).
4. Par cette disposition, le législateur allemand a fixé un taux réduit de taxe au sens de l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA pour les services figurant à l’annexe III de cette directive, notamment pour les services relevant du point 12 de cette annexe.
5. L’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG prévoit, dans sa première phrase, que le taux de taxe est réduit pour la mise à disposition de courte durée de lieux d’hébergement et d’emplacements de camping. Toutefois, la seconde phrase de cette disposition limite l’application de ce taux réduit à la mise à disposition d’un hébergement à des fins de location. Elle se lit comme suit : « La première phrase ne s’applique pas aux prestations qui ne servent pas directement à la location, même si celles-ci sont rémunérées par le prix de la location ».
6. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) demande, en substance, si la directive TVA s’oppose à une disposition nationale qui limite l’application du taux réduit pour les hébergements de courte durée à la prestation principale, mais qui exclut les prestations non autonomes accessoires de la possibilité de bénéficier de ce taux réduit.
7. Le contexte factuel dans lequel s’inscrivent les trois litiges en cause au principal est le suivant.
L’affaire C‑409/24
8. J-GmbH, la requérante au principal, exploitait un hôtel et un restaurant. En plus de l’hébergement, les clients de l’hôtel pouvaient prendre un petit déjeuner dont le prix était facturé séparément à 4,50 euros dans le cas où un client demandait à bénéficier uniquement d’une nuitée. En outre, l’hôtel et le restaurant disposaient d’un parking qui leur était propre et qui pouvait être utilisé gratuitement.
9. À partir du mois de juin 2018, la requérante au principal a appliqué un taux réduit de 7 % à l’hébergement, au petit-déjeuner et au stationnement, les traitant comme une prestation unique.
10. À la suite de deux contrôles fiscaux effectués dans les locaux de la requérante pour les mois d’avril à juin 2018 et de juillet 2018 à mai 2019, les contrôleurs fiscaux et le Finanzamt K (bureau des impôts de K) ont considéré que le petit-déjeuner et le stationnement devaient être imposés au taux normal de 19 %, en faisant valoir qu’il s’agissait de services distincts et autonomes qui n’étaient pas accessoires à l’hébergement. Cette décision a donné lieu à des avis d’imposition plus élevés en ce qui concerne l’hôtel.
11. J-GmbH a introduit un recours contre ces avis d’imposition devant le Sächsisches Finanzgericht (tribunal des finances de Saxe, Allemagne), qui les a rejetés et qui, dans son jugement, a partagé l’avis du bureau des impôts de K selon lequel le petit-déjeuner et le stationnement constituaient des services indépendants. Même s’ils devaient être considérés comme accessoires, ils demeuraient exclus du taux réduit prévu à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG.
12. J-GmbH a alors introduit un pourvoi devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) en faisant valoir que cette disposition nationale imposant de dissocier les services aux fins de l’imposition n’est pas compatible avec le droit de l’Union. Le requérant au principal considère que l’arrêt du 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam (4), interdit le fractionnement artificiel des prestations principales et accessoires, et il maintient donc que le petit-déjeuner et le stationnement devraient être imposés au taux réduit de 7 %.
13. Le bureau des impôts de K a maintenu sa position en faisant valoir que le petit-déjeuner et le stationnement constituent des services indépendants et que l’arrêt cité par le propriétaire de l’hôtel n’est pas applicable en l’espèce. À l’appui de son argumentation, il s’est référé à un autre arrêt de la Cour, du 6 mai 2010, Commission/France (5), qui, selon lui, a admis que les exigences de droit national imposant une dissociation sont licites.
14. L’affaire a été suspendue dans l’attente d’une décision de la Cour dans une autre affaire, l’affaire Finanzamt X (Outillages et machines fixés à demeure). À la suite de l’arrêt rendu par la Cour le 4 mai 2023 dans cette affaire (6), J-GmbH a estimé que sa position était confirmée, la Cour ayant rejeté le fractionnement artificiel de prestations uniques. Toutefois, le bureau des impôts de K fait valoir que l’arrêt Finanzamt X est dénué de pertinence et que son interprétation du droit national, qui autorise à dissocier les services, reste valable en droit de l’Union.
15. Si le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) partage l’avis du Sächsisches Finanzgericht (tribunal des finances de Saxe) selon lequel le petit-déjeuner constitue un service indépendant exclu du bénéfice du taux réduit prévu à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG, il considère néanmoins que la mise à disposition d’emplacements de stationnement est un service accessoire à la prestation d’hébergement, dès lors qu’elle est liée de manière indissociable à celle-ci.
L’affaire C‑410/24
16. En 2013, D, la requérante au principal, exploitait une pension. Elle proposait aux clients un hébergement et un petit-déjeuner à un prix forfaitaire : les clients ne pouvaient pas renoncer au petit déjeuner. Pour les prestations fournies, la requérante établissait des factures qui ne faisaient apparaître que le montant toutes taxes comprises dû pour la nuitée et le petit déjeuner. Sur les factures, elle n’indiquait aucun taux ni montant d’une quelconque taxe.
17. Dans la déclaration de taxe sur le chiffre d’affaires au titre de l’année en cause qu’elle a déposée auprès du Finanzamt F (bureau des impôts de F), la requérante a déclaré deux services, l’un au taux réduit de 7 % et l’autre au taux normal de 19 %.
18. À la suite de l’arrêt Stadion Amsterdam, D a demandé, par lettre du 19 décembre 2018, la modification de l’avis d’imposition conformément à l’article 164, paragraphe 2, de l’Abgabenordnung (code des impôts). D a motivé cette demande en indiquant que le chiffre d’affaires réalisé en relation avec la pension devait être soumis dans sa totalité au taux réduit de 7 %.
19. Par décision du 8 février 2019, le bureau des impôts de F a rejeté la demande de modification. La réclamation introduite n’ayant pas prospéré, D a introduit un recours contre ce rejet.
20. En première instance, le Hessisches Finanzgericht (tribunal des finances de Hesse, Allemagne) a rejeté le recours, considérant que le service de petit-déjeuner fourni par D était soumis non pas au taux réduit, mais au taux normal prévu à l’article 12, paragraphe 1, de l’UStG (7).
21. Par son pourvoi devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), D fait valoir que le petit-déjeuner est une prestation non autonome accessoire à la prestation d’hébergement. Les clients qui n’ont pas pris de petit déjeuner ont, à une exception près, toujours payé le prix intégral (8). D considère que, à la suite de l’arrêt Stadion Amsterdam, l’exigence de dissociation établie à l’article 12, paragraphe 2, point 11, seconde phrase, de l’UStG n’est pas licite, car une prestation de services unique doit être taxée à un taux uniforme, qui est déterminé en fonction de la prestation principale. Selon D, rien d’autre ne découle de l’article 98 de la directive TVA, qui ouvre aux États membres la faculté d’appliquer des taux réduits.
22. Le bureau des impôts de F conclut au rejet du pourvoi comme non fondé.
23. Le bureau des impôts de F conteste les arguments de D en faisant valoir que, dans l’arrêt Finanzamt X, la Cour n’était pas appelée à se prononcer sur une exigence de dissociation de droit national, étant donné que l’article 4, point 12, premier alinéa, sous a), lu en combinaison avec l’article 4, point 12, second alinéa, de l’UStG n’impose pas une telle exigence. Or, une telle exigence résulte bien de l’article 12, paragraphe 2, point 11, seconde phrase, de l’UStG. L’arrêt Finanzamt X ne saurait donc être appliqué par analogie au taux réduit prévu à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG. Dès lors que l’exigence de dissociation prévue à l’article 12, paragraphe 2, point 11, seconde phrase, de l’UStG prévaut sur le principe d’unicité de la prestation, il importe peu de savoir si le service de petit déjeuner en cause doit être considéré comme un service accessoire ou comme un service autonome.
L’affaire C‑411/24
24. En 2011, D GmbH & Co. KG exploitait des hôtels à A et à B. Les deux hôtels disposaient d’un parking comprenant des emplacements de stationnement pour des véhicules à moteur. Les clients séjournant dans les hôtels et le public pouvaient utiliser ces espaces sans être facturés séparément. Outre l’hébergement et le parking, la partie requérante mettait à la disposition un réseau local sans fil (Wi-Fi), et l’un des hôtels avait une salle de sport et des installations de bien-être, qui n’étaient pas non plus facturés séparément.
25. Dans sa déclaration de taxe sur le chiffre d’affaires au titre de l’année en cause, D GmbH & Co. KG a déclaré des livraisons et des prestations au taux normal de 19 % ainsi que des livraisons et des prestations au taux réduit de 7 %. Elle a considéré que la mise à disposition d’emplacements de stationnement était une prestation accessoire à l’hébergement qui était soumise à la TVA au taux réduit.
26. Le Finanzamt A (bureau des impôts de A) n’a pas partagé ce point de vue et a en conséquence émis au titre de l’année 2011 un avis d’imposition à la taxe sur le chiffre d’affaires sous réserve de contrôle.
27. D GmbH & Co. KG a introduit une réclamation afin d’être imposée conformément à sa déclaration, en faisant valoir que la mise à disposition sans frais d’emplacements de stationnement est une prestation accessoire à la prestation d’hébergement qui, comme cette dernière, doit être soumise au taux réduit.
28. À la suite d’un contrôle sur place effectué en 2011, l’inspecteur des impôts a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer le taux normal à la mise à disposition d’emplacements de stationnement et également à celle d’un réseau Wi-Fi ainsi que d’une salle de sport et d’installations de bien-être.
29. Le bureau des impôts de A a fait sienne l’analyse de l’inspecteur des impôts et a émis le 21 novembre 2018 un avis modificatif de TVA pour l’année en cause. Cet avis modificatif a également fait l’objet d’une réclamation. Par décision du 30 juillet 2019, le bureau des impôts de A a rejeté la réclamation de la requérante comme dépourvue de fondement.
30. Le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) compétent a rejeté le recours avec un raisonnement comparable à celui suivi par le Hessisches Finanzgericht (tribunal des finances de Hesse) dans l’affaire C‑410/24.
31. Dans le cadre de son pourvoi devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), D GmbH & Co. KG fait valoir diverses violations du droit. La requérante soutient, premièrement, que le Finanzgericht (tribunal des finances) a commis une erreur de droit en qualifiant la mise à disposition d’un réseau Wi-Fi, d’emplacements de stationnement ainsi que d’une salle de sport et d’installations de bien-être en tant que service à titre onéreux au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’UStG ; deuxièmement, que cette juridiction a méconnu que les services complémentaires servent directement à l’hébergement au sens de l’article 12, paragraphe 2, point 11, seconde phrase, de l’UStG ; et troisièmement, que ladite juridiction n’a pas tenu compte du principe de l’unicité de la prestation reconnu en droit de l’Union.
32. D GmbH & Co. KG admet que si la Cour a jugé, dans l’arrêt Commission/France, que l’article 98 de la directive TVA autorise les États membres à soumettre à un taux réduit certains éléments, déterminés de manière ponctuelle, d’un point de l’annexe III de cette directive, cette jurisprudence ne constitue pas une restriction du principe d’unicité de la prestation, qui découle de l’article 2 de ladite directive. De même, il ressort de l’arrêt Stadion Amsterdam que le consommateur moyen considérera que toutes les prestations complémentaires ont pour origine la location de la chambre d’hôtel, qui est la prestation principale clairement dominante. Selon la jurisprudence de la Cour, cela impose d’appliquer le taux réduit, applicable à la location d’une chambre d’hôtel, également à ces prestations complémentaires.
33. D GmbH & Co. KG conclut donc à l’annulation de la décision initiale, de la décision sur réclamation du 30 juillet 2019 ainsi que des avis modificatifs de TVA pour 2011.
34. Le bureau des impôts conclut au rejet du pourvoi comme non fondé.
35. Il défend la décision initiale en faisant valoir, notamment, que la mise à disposition du réseau Wi-Fi, d’emplacements de stationnement, ainsi que d’une salle de sport et d’installations de bien-être ne doit pas être qualifiée de service servant directement à l’hébergement. Selon lui, il s’agit de prestations qui, conformément à l’intention du législateur allemand qui trouve son expression dans l’obligation de dissociation, ne sont pas soumises au taux réduit.
36. L’affaire au principal a elle aussi été suspendue en raison du litige pendant devant la Cour dans l’affaire Finanzamt X.
37. À la suite de l’arrêt Finanzamt X, D GmbH & Co. KG estime que son point de vue juridique a été confirmé. Transposé à la présente affaire, il signifie que les prestations accessoires en cause devraient elles aussi être soumises au taux réduit prévu à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG.
38. Le bureau des impôts de A s’y oppose en soutenant que l’arrêt Finanzamt X ne peut pas être appliqué à la présente affaire pour des raisons identiques à celles exposées par le bureau des impôts de F dans l’affaire C‑410/24.
Les motifs de la juridiction de renvoi pour soumettre ces trois affaires à la Cour
39. Ainsi qu’il l’explique dans sa décision de renvoi, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) était initialement convaincu que l’exigence de dissociation prévue à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG était conforme au droit de l’Union, dès lors que, en vertu de l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA, les État membres ont, sous réserve de respecter le principe de la neutralité fiscale inhérent au système commun de la TVA, la faculté d’appliquer un taux réduit de TVA uniquement à des aspects concrets et spécifiques d’une catégorie de prestations visée à l’annexe III de cette directive.
40. Il considérait initialement que, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG, les services qui ne sont pas directement liés à l’hébergement, tels que la mise à disposition d’emplacements de stationnement gratuitement (affaires C‑409/24 et C‑411/24), du petit-déjeuner (affaire C‑410/24), et d’un réseau Internet sans fil local (Wi-Fi) ainsi que d’une salle de sport et d’installations de bien-être, également gratuitement (affaire C‑411/24), doivent être imposés séparément et au taux normal. Cette position était fondée sur la conviction que les États membres de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation pour appliquer des taux réduits de TVA de manière sélective à des aspects spécifiques d’une catégorie de prestations figurant à l’annexe III de la directive TVA, à condition de le faire dans le respect du principe de neutralité fiscale. La juridiction de renvoi considérait que cette « exigence de dissociation » empêche effectivement la distorsion de la concurrence en garantissant que les services accessoires fournis par un hôtel sont imposés au même taux que ceux offerts par des entreprises autonomes (par exemple, un exploitant de parking).
41. Toutefois, ainsi que l’explique la juridiction de renvoi, la jurisprudence récente de la Cour a jeté un doute sur sa conviction quant à la justesse de ses conclusions. Si le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) pensait initialement que les arrêts Commission/France, Stadion Amsterdam et Finanzamt X, par exemple, ne modifiaient pas fondamentalement la licéité des taux réduits sélectifs, une considération spécifique figurant au point 33 de l’arrêt Stadion Amsterdam a introduit un doute important à ce sujet. Ce point semble indiquer qu’une prestation unique composée à la fois d’un élément principal et d’un élément accessoire, qui, s’ils étaient fournis séparément, seraient soumis à des taux de TVA différents, doit être taxée au seul taux applicable à l’élément principal. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) s’inquiète du fait que cela pourrait impliquer que, en droit de l’Union, il ne serait pas permis de soumettre les éléments constitutifs d’une prestation unique à des taux de TVA différents, ce qui signifierait potentiellement que les services accessoires devraient également bénéficier du taux réduit lorsqu’ils font partie d’une prestation unique d’hébergement et que l’exigence nationale de dissociation serait écartée.
42. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) souligne en outre qu’en l’Allemagne, les avis sont partagés. Certains tribunaux des finances et certains universitaires soutiennent son point de vue initial selon lequel l’exigence de dissociation est conforme au droit de l’Union, tandis qu’un nombre croissant de ceux-ci estiment que le taux réduit devrait s’étendre aux services accessoires à l’hébergement sur le fondement du principe d’une prestation unique. Compte tenu de ce que ces doutes importants subsistent et de ce que l’arrêt Finanzamt X ne les a pas dissipés dans le contexte spécifique des services accessoires fournis par les hôtels, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de demander à la Cour de se prononcer définitivement sur la question de savoir si le droit de l’Union autorise l’exigence de dissociation telle que l’impose le droit national en cause.
43. Pour dissiper ses doutes, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour trois questions préjudicielles quasiment identiques, regroupées en une seule :
« Convient-il d’interpréter l’article 24, paragraphe 1, et l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112/CE [du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée], lus en combinaison avec [le point] 12 de l’annexe III de cette directive, en ce sens qu’ils font obstacle à une disposition de droit national telle que l’article 12, paragraphe 2, point 11, deuxième phrase, de l’Umsatzsteuergesetz [(loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d’affaires)], en vertu de laquelle un État membre peut, au moyen d’une exigence nationale de décomposer l’opération, exclure de l’application du taux de TVA réduit qu’il prévoit pour la location de pièces d’habitation et de chambres à coucher qu’un opérateur met à disposition aux fins de l’hébergement de courte durée de tiers, des prestations qui ne servent pas directement à la location et sont rémunérées par le prix de la location, même lorsqu’il s’agit de prestations non autonomes accessoires à l’hébergement de courte durée de tiers, telles que [:]
– (uniquement) la mise à disposition d’emplacements de parking comme dans [l’affaire C‑409/24] ;
– la fourniture d’un petit-déjeuner comme dans [l’affaire C‑410/24] ;
– la mise à disposition d’emplacements de parking, d’une salle de sport et d’installations de bien-être, ainsi que de l’accès au réseau Wi-Fi de l’hôtel comme dans [l’affaire C‑411/24] ? »
44. Conformément au point 18 des « Recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles » de la Cour (9), invitant les juridictions nationales à indiquer succinctement leur point de vue sur la réponse à apporter aux questions posées à titre préjudiciel, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) indique dans ses décisions de renvoi que, selon lui, une législation nationale telle que l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG, qui exige de taxer de manière distincte et au taux normal les services hôteliers accessoires, est compatible avec le droit de l’Union même lorsque ces services font partie, avec l’hébergement, d’une prestation unique.
45. La juridiction de renvoi fonde sa position sur son interprétation d’arrêts spécifiques de la Cour, à savoir ceux du 22 septembre 2022, The Escape Center (C‑330/21, ci-après l’« arrêt The Escape Center », EU:C:2022:719), et du 8 février 2024, Valentina Heights (C‑733/22, ci‑après l’« arrêt Valentina Heights », EU:C:2024:126). Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) souligne que si l’arrêt The Escape Center a admis que l’accompagnement lié à l’utilisation d’installations sportives pouvait faire partie d’une prestation unique soumise à un taux réduit, cet arrêt, en citant des arrêts antérieurs tels que les arrêts Commission/France et Phantasialand (10), a réaffirmé que les États membres peuvent limiter les taux réduits de TVA à des « aspects concrets et spécifiques » d’une catégorie de prestations, pour autant que le principe de neutralité fiscale soit respecté.
46. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) interprète ces arrêts en ce sens que même en présence d’une prestation unique, l’application sélective du taux réduit reste permise pour autant qu’elle ne fausse pas la concurrence. Selon lui, l’exigence de dissociation prévue à l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG favorise précisément la concurrence en empêchant les hôtels d’offrir des services tels que le petit-déjeuner ou le stationnement à un taux de TVA inférieur à celui d’un restaurant ou d’un parking autonomes concurrents. Le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) considère en outre que son point de vue est conforté par l’arrêt Valentina Heights, qui a confirmé que les États membres peuvent appliquer de manière sélective des taux réduits à la double condition qu’une telle application vise à la fois des aspects concrets et spécifiques d’une catégorie de prestations et qu’elle respecte la neutralité fiscale.
La procédure devant la Cour
47. Par ordonnance du 15 juillet 2024, le président de la Cour a joint les affaires C‑409/24, C/410/24 et C-411/24.
48. Des observations écrites ont été soumises à la Cour par le gouvernement allemand et la Commission européenne.
49. Bien que le gouvernement allemand ait présenté une demande motivée de tenue d’une audience en application de l'article 76, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la Cour s’est estimée suffisamment informée au vu du dossier et a décidé, en application de l’article 76 dudit règlement de procédure, de ne pas tenir d’audience.
III. Analyse
50. Par ses questions fondamentalement identiques dans les trois affaires, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 24, paragraphe 1, et l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA, lus en combinaison avec le point 12 de l’annexe III de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une disposition de droit national en vertu de laquelle les établissements d’hébergement sont tenus de taxer des services au taux normal, et séparément de l’hébergement de courte durée, lequel bénéficie d’un taux réduit, même si ces services constituent une prestation non autonome accessoire à cet hébergement de courte durée.
51. À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive TVA ne reconnaît que deux types de prestations, à savoir la livraison de biens et la prestation de services. L’article 24 de cette directive s’applique à cette dernière.
52. En ce qui concerne la prestation de services, l’article 98 de la directive TVA prévoit que les États membres ont la faculté d’appliquer un taux réduit aux prestations spécifiques énumérées à l’annexe III de cette directive. Le point 12 de cette annexe prévoit une telle faculté pour « l’hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires, y compris la fourniture d’hébergement de vacances et la location d’emplacements de camping et d’emplacements pour caravanes ».
53. La première phrase de l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG contient les mêmes dispositions. Toutefois, la seconde phrase de cette disposition, qui est en cause dans les trois affaires, limite l’application d’un taux réduit aux seules prestations de services d’hébergement, exigeant que les autres prestations ne servant pas directement à l’hébergement soient imposées séparément, même si elles sont payées dans le cadre d’une rémunération unique de l’hébergement.
54. Les litiges pendants devant la juridiction de renvoi concernent différents services accessoires liés à un hébergement de courte durée, tels que le petit-déjeuner, le stationnement, l’accès à la salle de sport et au centre de bien-être ainsi que la mise à disposition d’un réseau Wi-Fi.
55. Je souhaite formuler quelques remarques liminaires au sujet de ces prestations et du champ d’application de la directive TVA (A) avant d’analyser la question de la juridiction de renvoi (B).
A. Observations liminaires
56. On peut se demander si toutes les circonstances des trois procédures devant la juridiction de renvoi constituent effectivement des opérations imposables au sens de la directive TVA.
57. D’une part, il pourrait être soutenu que la contrepartie de ces services accessoires est intégrée dans la contrepartie générale de la prestation d’hébergement.
58. En effet, il est de jurisprudence constante que la circonstance qu’un prix unique est facturé ou que des prix distincts aient été contractuellement prévus ne revêt pas une importance décisive aux fins de déterminer s’il y a lieu de conclure à l’existence de deux ou de plusieurs opérations distinctes ou d’une opération économique unique (11).
59. Toutefois, d’autre part, la juridiction de renvoi a constaté que le stationnement (affaires C‑409/24 et C‑411/24), l’accès à la salle de sport et au centre de bien-être et la mise à disposition d’un réseau Wi-Fi (affaire C‑411/24) étaient proposés gratuitement (en allemand, « kostenfrei » ou « kostenlos »).
60. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, une opération imposable ne comporte que des opérations consistant en des « prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».
61. Dès lors, sous réserve des vérifications finales effectuées par la juridiction de renvoi, les prestations en cause dans les affaires C‑409/24 et C‑411/24, qu’elles soient accessoires ou non, pourraient ne pas être considérées comme des prestations de services au sens de la directive TVA si elles ne sont pas fournies à titre onéreux (12).
62. En d’autres termes, lorsque des services accessoires à la location d’un hébergement sont proposés gratuitement, la question de savoir quel est le taux de taxe approprié ne se pose pas, dès lors que ces opérations ne sont pas des opérations taxables si elles ne sont pas proposées à titre onéreux.
63. Par conséquent, je répondrai aux questions posées par la juridiction de renvoi en partant de la prémisse de l’affaire C‑410/24, qui concerne la fourniture du petit-déjeuner, pour laquelle la contrepartie a été clairement identifiée.
B. Analyse de la question préjudicielle
64. Les circonstances de l’affaire C‑410/24 sont révélatrices du problème sur lequel la juridiction de renvoi nourrit des doutes : l’établissement d’hébergement fonctionne sur la base d’un forfait comprenant la chambre et le petit-déjeuner et dans le cadre duquel il n’est pas possible de renoncer à la contrepartie du petit-déjeuner, bien que celle-ci soit identifiée.
65. La loi allemande en cause a pour conséquence que, même si la chambre et le petit-déjeuner peuvent être considérés par un consommateur comme une prestation mixte unique, les services qui la composent sont scindés aux fins de la TVA. Le législateur allemand a ainsi décidé de réduire le taux de TVA uniquement pour l’hébergement de courte durée (la chambre), et non pour les services accessoires (le petit-déjeuner).
66. Les requérantes dans les affaires au principal font valoir que la fourniture de services accessoires à l’hébergement de courte durée devrait également être soumise au taux réduit.
67. La Commission est également d’avis que les services fournis en plus de l’hébergement doivent, compte tenu de leur nature accessoire, être taxés au même taux que la prestation principale.
68. La principale raison qui sous-tend un tel argument réside dans le fait que les accords contractuels tels que celui portant sur le petit-déjeuner dans l’affaire C‑410/24 ne sont pas optionnels.
69. En revanche, le gouvernement allemand considère que la directive TVA ne s’oppose pas à l’exigence prévue par le droit national que ces services soient dissociés aux fins de la TVA, même si la réservation d’une chambre avec le petit-déjeuner inclus est la seule option proposée aux clients.
70. À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de la directive TVA, tel qu’énoncé à l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, et à l’article 2 de cette directive, est que chaque opération doit normalement être considérée comme distincte et indépendante (13).
71. Toutefois, cette règle connaît certaines exceptions, en particulier pour les prestations complexes uniques et pour les prestations accessoires non indépendantes (14). Comme s’agissant de toutes les exceptions, celles-ci sont d’interprétation stricte (15).
72. Si les États membres doivent, lorsqu’ils décident des prestations spécifiques devant bénéficier du taux réduit de TVA, tenir compte des exceptions au principe d’imposition autonome de chaque opération, la question de savoir si une prestation donnée constitue une prestation accessoire, de sorte qu’elle ne doit pas être dissociée de la prestation principale aux fins de l’imposition, doit être examinée au cas par cas (16).
73. En l’espèce, je suis d’avis que la directive TVA ne fait pas obstacle à une législation nationale telle que l’article 12, paragraphe 2, point 11, de l’UStG.
74. Dans l’arrêt Commission/France (17), la Cour a considéré que la faculté des États membres d’instaurer des taux réduits est soumise à la double condition d’une part, de n’isoler, aux fins de l’application du taux réduit, que des aspects concrets et spécifiques de la catégorie de prestations en cause, et, d’autre part, de respecter le principe de la neutralité fiscale (18). La jurisprudence ultérieure, y compris, ainsi que je l’expliquerai, l’arrêt Stadion Amsterdam, n’affecte pas ces conditions ni la faculté, pour les États membres, de n’introduire un taux réduit que pour une partie de la prestation mixte.
75. Je suis d’avis que la législation allemande en cause respecte les deux conditions et n’est donc pas contraire à l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA.
76. En premier lieu, l’exigence de dissociation introduite par la législation allemande en cause est conforme au sens et à la portée de l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA.
77. Cette disposition permet aux États membres de choisir d’appliquer le taux réduit de TVA pour certains types de prestations, et de le faire pour différentes raisons.
78. Il est clair que la raison d’être du taux réduit applicable au secteur de l’hébergement de courte durée réside dans le soutien au tourisme (19).
79. Étant donné que les personnes qui voyagent ont également besoin de se nourrir, on peut considérer que des taux réduits de TVA sur le petit-déjeuner pourraient également être bénéfiques pour favoriser le tourisme. Toutefois, le législateur allemand n’a pas opté pour des taux réduits de TVA pour la fourniture du petit-déjeuner. En vertu de l’annexe III, point 12 bis, de la directive TVA, les États membres peuvent opter pour des taux réduits pour les services de restauration. Un certain nombre d’États membres appliquent effectivement un taux réduit pour la fourniture de tels services, tels que le petit-déjeuner (20). Or, tel n’était pas le cas à l’époque en Allemagne (21).
80. Par ailleurs, l’utilisation d’installations telles qu’une salle de sport et un centre de bien-être pourrait également bénéficier d’un taux réduit, mais peu d’États membres semblent avoir fait usage de ce pouvoir d’appréciation dans ce domaine (22).
81. Ce que je veux dire, c’est que, théoriquement, les différentes prestations en cause dans l’affaire au principal pourraient toutes bénéficier d’un taux réduit et que de tels taux réduits pourraient bénéficier au tourisme.
82. Or, force est de constater que le législateur allemand n’a opté pour le taux réduit que pour ce qui est de l’hébergement, même s’il a admis qu’il existe des services accessoires proposés dans le cadre d’une telle prestation et que, parfois, un prix unique est proposé aux clients tant pour l’hébergement que pour des services accessoires. Par conséquent, le législateur allemand a exercé son pouvoir d’appréciation en appliquant des taux réduits de TVA uniquement à des aspects concrets et spécifiques de la catégorie de la fourniture d’un hébergement de courte durée.
83. L’arrêt Stadion Amsterdam n’affecte pas la conclusion selon laquelle il est possible de choisir de traiter le petit-déjeuner en tant que prestation distincte aux fins de la TVA, même s’il s’agit d’un service accessoire à l’hébergement. Cette affaire concernait le traitement aux fins de la TVA d’une formule de visite touristique dénommée « World of Ajax », qui comprenait une visite du principal stade d’Amsterdam et une admission gratuite au musée de l’AFC Ajax. La question juridique pertinente était de savoir si ces deux éléments devaient être traités comme une prestation unique indissociable aux fins de la TVA ou comme deux prestations distinctes à des taux de TVA différents. L’opérateur du stade, Stadion Amsterdam, avait appliqué le taux réduit de TVA à l’ensemble du forfait, mais les autorités fiscales néerlandaises avaient estimé que seule la visite du musée devait en bénéficier.
84. La Cour a analysé sa jurisprudence constante en matière de prestations mixtes, qui considère qu’une opération constituée de plusieurs éléments ne doit pas être artificiellement décomposée (23). Elle a ensuite examiné si les deux services étaient si étroitement liés qu’ils formaient une seule prestation économiquement indissociable du point de vue d’un consommateur moyen. Elle a estimé qu’un consommateur considérerait la visite du stade et celle du musée comme une formule unique, la visite du musée étant une partie naturelle et inhérente à l’expérience globale. Par conséquent, elle a conclu que l’opération constituait une prestation de services unique (24).
85. En l’espèce, il ne saurait être affirmé que l’hébergement et le petit-déjeuner constituent une prestation indissociable (25). En effet, de nombreux hôtels proposent ces deux services séparément. Même si, aux yeux d’un consommateur, un hébergement qui n’offre pas la possibilité de renoncer au petit-déjeuner peut donc être considéré comme une prestation unique, ce n’est pas une raison suffisante pour empêcher le législateur national de restreindre le taux réduit à une prestation identifiable et dissociable. Contrairement à ce qui est le cas dans la présente affaire, le législateur national ne disposait, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Stadion Amsterdam, d’aucune prérogative de limiter la réduction de TVA à un seul élément d’une prestation mixte (26).
86. Dans l’arrêt Finanzamt X, qui a également été invoqué par les parties au principal, il était demandé à la Cour de se prononcer sur les exonérations de TVA prévues par la directive TVA elle-même, et non pas, comme en l’espèce, sur les taux réduits appliqués par les États membres à certains services sur le fondement du pouvoir d’appréciation accordé par cette directive. Néanmoins, cette affaire concernait également la question de savoir si une opération mixte, mais unique d’un point de vue économique, consistant, d’une part, en les services exonérés qui formaient la prestation principale et, d’autre part, en des services accessoires qui étaient, sur le fondement de l’exception à l’exonération de TVA, des services imposables, devait être scindée aux fins de la TVA. Dans cette affaire, la Cour a considéré que les services accessoires sont indissociables de cette prestation principale et que, dans un tel cas, ceux-ci suivent le sort fiscal de cette dernière (27).
87. En l’espèce, comme déjà indiqué, la prestation accessoire n’est pas indissociable de la prestation principale. En outre, la décision quant à celle à laquelle une taxe réduite doit s’appliquer appartient au pouvoir d’appréciation des États membres, à la différence de l’exonération de TVA, qui est harmonisée par la directive TVA et ne laisse aucun choix aux États membres.
88. La législation allemande en cause précisait clairement à quel aspect spécifique d’une prestation mixte elle appliquait un taux réduit de TVA. L’hébergement peut être clairement dissocié et identifié par rapport à d’autres prestations accessoires telles que le petit-déjeuner, l’accès à une salle de sport et à des installations de bien-être, la mise à disposition d’un réseau Wi-Fi ou d’un stationnement. En outre, ces prestations accessoires ne sont ni indispensables ni indissociables de la prestation d’hébergement. Par conséquent, même s’il est possible que les consommateurs considèrent l’ensemble de la formule comme une prestation unique, cela n’empêche pas une législation nationale telle que celle en cause en l’espèce d’insister sur le traitement distinct de ces prestations aux fins de la TVA.
89. En second lieu, la législation allemande en cause est conforme au principe de neutralité fiscale.
90. En effet, ce principe cardinal du système de TVA s’oppose, notamment, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (28).
91. À cet égard, je partage l’avis de la juridiction de renvoi selon lequel la solution nationale proposée favorise la neutralité fiscale. Elle évite que les établissements d’hébergement soient injustement avantagés par rapport à d’autres opérateurs offrant des services comparables, tels que des bars, des brasseries, des parkings, des centres de bien-être, des cafés Internet, etc. Si le petit-déjeuner était taxé au même taux réduit que l’hébergement dans un hôtel, les autres établissements proposant ce même service seraient désavantagés, puisque le petit-déjeuner qu’ils proposent serait soumis au taux normal.
92. Par conséquent, la législation allemande en cause satisfait également à la seconde condition d’introduction du taux réduit de TVA, dans la mesure où elle est conforme au principe de neutralité fiscale.
93. Pour les raisons qui précèdent, je suis d’avis que l’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive TVA, lu en combinaison avec le point 12 de l’annexe III de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à une disposition de droit national en vertu de laquelle les établissements d’hébergement sont tenus de taxer des services tels que le petit-déjeuner au taux normal, et séparément de l’hébergement de courte durée, lequel bénéficie d’un taux réduit, même si ces services constituent une prestation non autonome accessoire à cet hébergement de courte durée.
IV. Conclusion
94. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose que la Cour réponde comme suit aux questions présentées par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) :
L’article 98, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, lu en combinaison avec le point 12 de l’annexe III de cette directive,
doit être interprété en ce sens que :
il ne fait pas obstacle à une disposition de droit national en vertu de laquelle les établissements d’hébergement sont tenus de taxer des services tels que le petit-déjeuner au taux normal, et séparément de l’hébergement de courte durée, lequel bénéficie d’un taux réduit, même si ces services constituent une prestation non autonome accessoire à cet hébergement de courte durée.