DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
8 octobre 2025 (*)
« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale COLORATURA – Marque nationale verbale antérieure COLORATURA – Revendication de priorité – Notion de “première demande” – Article 34, paragraphes 1 et 4, du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Sécurité juridique – Délai raisonnable »
Dans l’affaire T‑562/24,
Capella EOOD, établie à Sofia (Bulgarie), représentée par Me A. Auer-Reinsdorff, avocate,
partie requérante,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant
Richemont International SA, établie à Villars-sur-Glâne (Suisse), représentée par Me D. Marschollek, avocat,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
composé, lors des délibérations, de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, M. W. Valasidis et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : M. V. Di Bucci,
vu la phase écrite de la procédure,
vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Capella EOOD, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 août 2024 (affaire R 1358/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
2 Le 28 mars 2018, Verus EOOD, un prédécesseur en droit de la requérante, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal COLORATURA, en revendiquant une date de priorité au 28 septembre 2017, liée à une demande de marque présentée auprès du Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques, Allemagne).
3 La marque demandée désignait, après les limitations intervenues au cours de la procédure devant l’EUIPO, des produits relevant des classes 3 et 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
4 Le 5 avril 2019, Cartier International AG, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Richemont International SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits évoqués au point 3 ci-dessus.
5 L’opposition était fondée sur la marque verbale allemande COLORATURA, déposée le 28 décembre 2017 et enregistrée le 6 février 2018, pour des produits et des services relevant des classes 14, 16, 18 et 35.
6 Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).
7 Par une décision provisoire du 25 mai 2022, la division d’opposition a considéré que la marque qui fondait l’opposition avait bien le statut de marque antérieure, car la revendication de priorité de la marque demandée au 28 septembre 2017 n’était pas valable.
8 Le 26 juillet 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision provisoire de la division d’opposition.
9 Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Elle a considéré que, compte tenu de l’introduction d’une demande de marque allemande identique le 21 février 2017 par la requérante, la demande de marque allemande qu’elle avait déposée le 28 septembre 2017 n’était pas une première demande au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. La chambre de recours a ajouté que la requérante ne pouvait pas se prévaloir de l’article 34, paragraphe 4, dudit règlement, qui dispose qu’une demande ultérieure est considérée comme une première demande sous certaines conditions, dès lors que celles-ci n’étaient pas remplies. Elle en a déduit que la requérante ne pouvait pas revendiquer, aux fins de l’enregistrement de la marque demandée, un droit de priorité à la date du 28 septembre 2017.
Conclusions des parties
10 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– déclarer que la revendication de priorité de la marque demandée au 28 septembre 2017 est valable ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
11 L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens si une audience de plaidoiries est organisée.
12 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
13 La requérante invoque cinq moyens, tirés, en substance, le premier, de la violation du droit primaire en tant qu’il consacre un système de concurrence non faussée et le bon fonctionnement du marché intérieur, le deuxième, de la violation du droit de priorité tel qu’il est prévu par l’article 34 du règlement 2017/1001, le troisième, de l’insuffisante motivation de la décision attaquée, le quatrième, de la violation du principe de bonne foi et, le cinquième, de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en raison de la durée excessive de la procédure devant l’EUIPO et du non-respect du droit à un procès équitable.
14 Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, d’abord, les troisième et cinquième moyens, car ils mettent en cause la légalité externe de la décision attaquée. Le Tribunal examinera ensuite, ensemble, les premier et deuxième moyens, puis le quatrième moyen.
Sur le troisième moyen, tiré de l’insuffisante motivation de la décision attaquée
15 La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée est insuffisamment motivée, car la chambre de recours n’a pas justifié les raisons pour lesquelles elle avait écarté son principal argument tiré de ce que la demande de marque allemande du 21 février 2017 ne pouvait pas être qualifiée de première demande au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dès lors que le délai de six mois pour revendiquer un droit de priorité à ce titre avait expiré.
16 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
17 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêts du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 86, et du 15 décembre 2016, Intesa Sanpaolo/EUIPO (START UP INITIATIVE), T‑529/15, EU:T:2016:747, point 14 et jurisprudence citée].
18 En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux points 24 à 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, à l’instar de la division d’opposition, que la demande de marque allemande déposée le 28 septembre 2017 ne pouvait pas être qualifiée de première demande au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, car la requérante avait introduit la même demande de marque en Allemagne le 21 février 2017 pour des produits correspondants. Elle a ajouté que, même si cette dernière demande devait être regardée comme ayant été retirée, une date de dépôt lui avait été accordée et, partant, il s’agissait d’une « demande de priorité valable ».
19 Ensuite, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a écarté l’argument de la requérante tiré du fait que, au jour du dépôt de la demande de marque allemande, le 28 septembre 2017, le délai de six mois accordé pour revendiquer un droit de priorité au titre de la demande déposée le 21 février 2017 était expiré. Elle a expliqué, au point 28 de ladite décision, que l’octroi d’un droit de priorité ne valait que pour la première demande et que le délai de six mois durant lequel un tel droit pouvait être revendiqué deviendrait inopérant si un nouveau délai devait commencer à courir à chaque demande ultérieure.
20 Partant, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours n’aurait pas indiqué les motifs pour lesquels elle a écarté son argument principal.
21 Quant à l’argument de la requérante selon lequel la jurisprudence mentionnée au point 28 de la décision attaquée conforterait la position inverse de celle que la chambre de recours a retenue, il relève du bien-fondé de la motivation et non de son existence. En effet, le caractère éventuellement erroné d’une motivation n’en fait pas une motivation inexistante [voir arrêt du 30 septembre 2016, Alpex Pharma/EUIPO – Astex Pharmaceuticals (ASTEX), T‑355/15, non publié, EU:T:2016:591, point 45 et jurisprudence citée]. Cet argument sera donc examiné dans le cadre du deuxième moyen auquel il se rattache.
22 Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le troisième moyen en tant qu’il se rapporte à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.
Sur le cinquième moyen, tiré de la durée excessive de la procédure
23 La requérante fait valoir que, pour des motifs imputables à l’EUIPO, la durée de la procédure menée devant lui, à savoir plus de cinq années, est déraisonnable.
24 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
25 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe du respect d’un délai raisonnable, repris, en tant que composant du principe de bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’impose à toute procédure administrative de l’Union, notamment aux procédures devant les différentes instances de l’EUIPO, y compris devant les chambres de recours [arrêts du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, EU:T:2005:284, points 51 et 52, et du 17 janvier 2024, Athlet/EUIPO – Heuver Banden Groothandel (ATHLET), T‑650/22, non publié, EU:T:2024:11, point 85].
26 Toutefois, la violation du principe de délai raisonnable d’une procédure administrative, à la supposer établie, ne justifie l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure que dans la mesure où sa durée aurait, en tant qu’elle a affecté les droits de la défense de la partie requérante, pu avoir une incidence sur la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2024, ATHLET, T‑650/22, non publié, EU:T:2024:11, point 86 et jurisprudence citée).
27 En l’absence d’incidence sur la solution du litige du non-respect du délai raisonnable de procédure, l’annulation de la décision attaquée ne remédierait pas à la violation du droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, une telle annulation ne ferait que retarder l’adoption d’une décision définitive par l’EUIPO (voir arrêt du 17 janvier 2024, ATHLET, T‑650/22, non publié, EU:T:2024:11, point 87 et jurisprudence citée).
28 En l’espèce, la requérante n’établit pas, ni même ne soutient, que la durée de la procédure devant l’EUIPO aurait pu avoir une incidence sur la solution du litige, en affectant sa capacité à se défendre. Partant, même à supposer que cette durée importante doive être considérée comme étant déraisonnable, elle ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée.
29 Partant, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.
Sur les premier et deuxième moyens, fondés sur la violation du droit de priorité
30 Par le deuxième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a méconnu le droit de priorité dont elle disposait à la suite du dépôt de la demande de marque allemande, le 28 septembre 2017. Par le premier moyen, elle soutient que la privation illégale dudit droit a entraîné une concurrence faussée dans l’Union en violation des dispositions du traité FUE.
31 Le premier moyen reposant sur la prémisse selon laquelle la décision attaquée serait illégale en ce que la chambre de recours aurait méconnu le droit de priorité, il convient d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen. Ce dernier est fondé, en substance, sur deux griefs, tirés des erreurs commises par la chambre de recours en tant, premièrement, qu’elle a qualifié la demande de marque allemande déposée le 21 février 2017 de première demande au sens de l’article 34, paragraphes 1 et 4, du règlement 2017/1001 et, deuxièmement, qu’elle a, à tort, remis en cause le droit de priorité revendiqué à l’occasion de l’examen de l’opposition.
32 Le Tribunal estime qu’il convient, d’abord, d’examiner le second grief.
Sur le second grief, tiré de l’erreur de droit commise par la chambre de recours en tant qu’elle a remis en cause, dans le cadre de l’examen de l’opposition, le droit de priorité revendiqué
33 La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en examinant la question du droit de priorité dans le cadre de la procédure d’opposition. Elle soutient que ce droit est un élément constitutif de la marque demandée, et non pas un élément déclaratif, et que, partant, il aurait dû être traité préalablement, c’est-à-dire « au stade de la demande ».
34 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
35 En substance, la requérante doit être regardée comme soutenant qu’il aurait appartenu à l’EUIPO de vérifier la revendication de priorité lors du dépôt de la marque demandée et qu’il ne pouvait pas remettre en cause la date de priorité lors de l’examen de l’opposition.
36 À cet égard, la date de priorité figurant dans la publication de la marque demandée est réputée avoir fait l’objet d’un examen dans le cadre duquel l’EUIPO apprécie si toutes les conditions, de forme et de fond, ont été respectées [voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2001, Signal Communications/OHMI (TELEYE), T‑128/99, EU:T:2001:266, point 44]. Toutefois, dans une procédure d’opposition, l’existence de motifs relatifs de refus au sens de l’article 8 du règlement 2017/1001 présuppose que la marque sur laquelle l’opposition est fondée existe et soit antérieure à la marque demandée. Il s’agit d’éléments devant être examinés même d’office par l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, Copernicus-Trademarks/OHMI – Maquet (LUCEA LED), T‑186/12, EU:T:2015:436, point 39 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que, dans le cadre d’une procédure d’opposition, la chambre de recours peut remettre en cause une date de priorité inscrite au registre (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2015, LUCEA LED, T‑186/12, EU:T:2015:436, point 56).
37 En l’espèce, ainsi que la division d’opposition l’a constaté, la question de savoir si la marque de l’intervenante, déposée le 28 décembre 2017, est ou non une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, susceptible de fonder une opposition à l’enregistrement de la marque demandée le 28 mars 2018, dépend de la validité de la revendication de priorité de cette marque au 28 septembre 2017, laquelle était contestée par l’opposante, qui avait transmis des éléments de preuve à cet effet.
38 C’est donc à bon droit que la division d’opposition puis la chambre de recours ont examiné la question du bien-fondé du droit de priorité revendiqué par la requérante.
39 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les intérêts économiques qui, selon la requérante, justifieraient que la date de priorité ne puisse pas être contestée après le dépôt de la demande de marque. Il suffit, à cet égard, de relever que les intérêts économiques du bénéficiaire d’un droit de priorité revendiqué à tort et mentionné dans la publication de la demande de marque de l’Union européenne ne sauraient prévaloir sur les intérêts économiques des tiers à s’opposer légitimement à l’enregistrement d’une marque.
40 Partant, le second grief n’est pas fondé et doit être écarté pour ce motif.
Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 34 du règlement 2017/1001
41 La requérante fait valoir qu’elle dispose d’un droit de priorité lié au dépôt de la marque allemande le 28 septembre 2017. Elle soutient qu’elle a, pour la première fois, déposé une demande de marque de l’Union européenne le 28 mars 2018 en revendiquant, pour la première fois, la priorité liée au dépôt d’une demande de marque allemande. Elle précise qu’elle n’a jamais utilisé la demande de marque allemande qu’elle avait déposée le 21 février 2017 pour revendiquer une priorité et que c’est donc à tort que la chambre de recours évoque une demande de priorité préalable. Elle ajoute que la demande de marque allemande déposée le 21 février 2017 n’a jamais été rendue publique en ce que la liste exacte des produits n’a jamais été publiée et que le droit de priorité fondé sur cette demande s’est irrévocablement éteint le 21 août 2017, à l’expiration du délai de six mois. Elle en tire la conséquence qu’aucune revendication en chaîne ne saurait être alléguée et que, partant, la demande de marque allemande déposée le 21 février 2017 ne peut pas être qualifiée de première demande au sens de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ou de demande antérieure au sens de l’article 34, paragraphe 4, dudit règlement. Elle soutient que, partant, la demande de marque allemande déposée le 28 septembre 2017 doit être regardée comme étant une première demande.
42 Ainsi, en substance, d’une part, la requérante conteste l’interprétation donnée par la chambre de recours à la notion de « première demande » contenue à l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. D’autre part, elle soutient que la chambre de recours aurait dû faire application de l’article 34, paragraphe 4, dudit règlement.
43 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
– Observations liminaires
44 Le droit de priorité prévu à l’article 34 du règlement 2017/1001 trouve son origine dans l’article 4 de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris »), à laquelle tous les États membres de l’Union sont parties.
45 L’article 4 de la convention de Paris stipule :
« A.
1) Celui qui aura régulièrement fait le dépôt d’une demande de brevet d’invention, d’un modèle d’utilité, d’un dessin ou modèle industriel, d’une marque de fabrique ou de commerce, dans l’un des pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle], ou son ayant cause, jouira, pour effectuer le dépôt dans les autres pays, d’un droit de priorité pendant les délais déterminés ci-après.
2) Est reconnu comme donnant naissance au droit de priorité tout dépôt ayant la valeur d’un dépôt national régulier, en vertu de la législation nationale de chaque pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle] ou de traités bilatéraux ou multilatéraux conclus entre des pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle].
[…]
C.
1) Les délais de priorité mentionnés ci-dessus seront de douze mois pour les brevets d’invention et les modèles d’utilité, et de six mois pour les dessins ou modèles industriels et pour les marques de fabrique ou de commerce.
2) Ces délais commencent à courir de la date du dépôt de la première demande ; le jour du dépôt n’est pas compris dans le délai.
[…]
4) Doit être considérée comme première demande dont la date de dépôt sera le point de départ du délai de priorité, une demande ultérieure ayant le même objet qu’une première demande antérieure au sens [du paragraphe] 2 ci-dessus, déposée dans le même pays de l’Union [pour la protection de la propriété industrielle], à la condition que cette demande antérieure, à la date du dépôt de la demande ultérieure, ait été retirée, abandonnée, ou refusée, sans avoir été soumise à l’inspection publique et sans laisser subsister de droits, et qu’elle n’ait pas encore servi de base pour la revendication du droit de priorité. La demande antérieure ne pourra plus alors servir de base pour la revendication du droit de priorité.
[…] »
46 Il y a lieu de rappeler que l’Union européenne est partie à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après « l’accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 1). L’article 2, paragraphe 1, de l’accord ADPIC prévoit que, pour ce qui est de la partie II de cet accord, dans laquelle figurent les stipulations en matière de marques, les membres se conforment, en particulier, aux articles 1er à 12 de la convention de Paris.
47 Dans ces conditions, les règles énoncées à l’article 4 de la convention de Paris doivent être considérées comme produisant les mêmes effets que ceux produits par l’accord ADPIC (voir arrêt du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 62 et jurisprudence citée).
48 Il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de la nature et de l’économie de l’accord ADPIC, les stipulations de cet accord sont dépourvues d’effet direct (arrêts du 16 novembre 2004, Anheuser-Busch, C‑245/02, EU:C:2004:717, point 54, et du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 63). Il en va de même des règles énoncées à l’article 4 de la convention de Paris (arrêt du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 68). Partant, ces règles ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles les juridictions de l’Union contrôlent la légalité des actes des institutions, des organes et des organismes de l’Union et ne sont pas non plus de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit de l’Union.
49 Par conséquent, le droit de priorité pour effectuer le dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne est régi par l’article 34 du règlement 2017/1001, sans que les opérateurs économiques puissent directement se prévaloir de l’article 4 de la convention de Paris (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2024, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2024:172, point 69).
50 Cela étant, dès lors que l’accord ADPIC lie l’Union et, partant, prime les actes du droit dérivé de l’Union, ces derniers doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec les stipulations de cet accord. Il s’ensuit que le règlement 2017/1001 doit être interprété, dans la mesure du possible, en conformité avec l’accord ADPIC et, par voie de conséquence, avec les règles énoncées notamment à l’article 4 de la convention de Paris qui sont incorporées dans cet accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2020, EUIPO/John Mills, C‑809/18 P, EU:C:2020:902, points 64 et 65).
– Sur l’interprétation prétendument erronée de la notion de « première demande » contenue à l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001
51 La requérante soutient que la chambre de recours a mal interprété l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 en considérant que le fait que le délai de six mois pour revendiquer un droit de priorité au titre de la demande de marque allemande déposée le 21 février 2017 était expiré au jour du dépôt de la demande de marque allemande, le 28 septembre 2017, était dénué de pertinence pour qualifier celle-ci de « première demande ».
52 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union requiert de tenir compte non seulement de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit ainsi que des objectifs et de la finalité que poursuit l’acte dont elle fait partie [arrêt du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Daw/EUIPO (Muresko), T‑32/21, EU:T:2021:643, point 22 et jurisprudence citée].
53 En l’espèce, premièrement, s’agissant du libellé de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il convient de relever que cette disposition ne définit pas la notion de « première demande ». Elle se borne à prévoir que c’est à partir de la première demande de marque dans l’un des États parties à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’OMC que court le délai de six mois au cours duquel le déposant jouit d’un droit de priorité pour effectuer le dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne identique. Ainsi, le libellé de cette disposition n’assigne aucune limite temporelle à la notion de première demande et suggère que seul un dépôt de marque opéré pour la première fois ouvre un droit de priorité pendant six mois. Ce libellé ne permet donc pas de corroborer l’interprétation de la requérante selon laquelle la qualification de première demande viserait toute première demande déposée au cours d’une période de six mois et, partant, n’exclurait que la demande déposée moins de six mois après une précédente demande.
54 Deuxièmement, l’interprétation littérale de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est confortée par une lecture globale de l’article 34. En effet, il ressort de l’article 34, paragraphe 4, dudit règlement qu’une demande ultérieure déposée pour une marque identique ne peut être considérée comme une première demande qu’à titre exceptionnel, à savoir dans le cas particulier où la demande antérieure a été retirée, abandonnée ou refusée, sans avoir été soumise à l’inspection publique, sans laisser subsister de droits et sans avoir servi de base pour la revendication du droit de priorité. À cet égard, force est de constater, d’une part, que le caractère exceptionnel de l’assimilation d’une demande ultérieure à une première demande se concilie difficilement avec la théorie de la requérante qui conduit, in fine, à reconnaître la qualité de première demande à des demandes de marque nationale déposées tous les six mois. D’autre part, l’une des conditions posées par l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 est que la demande antérieure n’ait pas laissé subsister de droits et, partant, à tout le moins, qu’il ne soit plus possible de revendiquer un droit de priorité au titre de cette demande. Le fait que l’application de cette disposition requiert la satisfaction d’autres conditions invalide nécessairement la théorie de la requérante.
55 Troisièmement, s’agissant de la finalité du droit de priorité prévu à l’article 34 du règlement 2017/1001, il y a lieu de rappeler que ce droit trouve son origine dans l’article 4 de la convention de Paris, dont il constitue l’un des piliers essentiels.
56 Ainsi, les rédacteurs de la convention de Paris ont voulu permettre que, face à l’impossibilité de déposer simultanément une marque dans tous les États parties à cette convention, l’un des bénéficiaires du droit d’un de ces États puisse demander son enregistrement successivement dans les autres États parties à la convention, en donnant ainsi une dimension internationale à la protection obtenue dans l’un d’eux, sans qu’il y ait une multiplication de formalités à accomplir. À cette fin, la convention de Paris a établi un délai de six mois durant lequel le demandeur d’une marque dans un des États parties peut solliciter la même marque dans les autres États parties, sans que la ou les demandes postérieures soient affectées par des demandes éventuelles pour la même marque faites par des tiers. Le droit de priorité confère ainsi au demandeur d’une marque une immunité limitée dans le temps par rapport aux demandes concernant la même marque que des tiers pourraient présenter pendant le délai de la priorité (arrêt du 15 novembre 2001, TELEYE, T‑128/99, EU:T:2001:266, points 38 à 40).
57 Les règles contenues aux articles 34 à 36 du règlement 2017/1001 suivent le système de la convention de Paris en consacrant un droit de priorité qui inclut les enregistrements demandés dans un des États parties à cette convention ou à l’accord instituant l’OMC. Ainsi, les demandes ou les droits qui sont nés dans la période qui s’est écoulée entre la demande de marque nationale et la demande de marque de l’Union européenne ne pourront pas être opposés au demandeur ou au futur titulaire (arrêt du 15 novembre 2001, TELEYE, T‑128/99, EU:T:2001:266, points 41 et 42).
58 L’objectif du droit de priorité est ainsi d’ouvrir une période, en principe unique, de six mois durant laquelle une personne qui a déposé une demande de marque dans un État partie à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’OMC peut déposer une demande de marque de l’Union européenne identique, sans qu’on puisse lui opposer des demandes ou des droits qui seraient nés entre les deux demandes.
59 Partant, l’interprétation littérale et contextuelle susmentionnée de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est conforme à la finalité du droit de priorité.
60 Tel n’est pas le cas de l’interprétation défendue par la requérante. En effet, il a déjà été jugé qu’une stratégie consistant en l’enchaînement de demandes d’enregistrement de marques nationales pour un même signe, dans l’objectif d’obtenir une position de blocage pour une période excédant la durée du délai de réflexion de six mois prévu à l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en monopolisant le signe demandé, était contraire aux objectifs dudit règlement (voir arrêt du 17 janvier 2024, ATHLET, T‑650/22, non publié, EU:T:2024:11, point 50 et jurisprudence citée). Or, si elle était retenue, l’interprétation proposée par la requérante autoriserait une telle stratégie en offrant un nouveau délai de six mois pour revendiquer un droit de priorité à chaque dépôt d’une demande de marque dans un État partie à la convention de Paris ou à l’accord instituant l’OMC intervenant plus de six mois après une demande antérieure.
61 À cet égard, il y a lieu de relever qu’une telle stratégie de blocage qui serait autorisée par l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, tel qu’interprété par la requérante, pourrait être mise en œuvre indépendamment du dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne assortie de la revendication d’un droit de priorité. En effet, ainsi que l’EUIPO le relève, une telle stratégie conférerait à son auteur une position de blocage d’une marque pendant des périodes successives de six mois et ce n’est que lorsqu’un tiers déposerait une demande de marque identique ou similaire que cet auteur, afin de ne pas perdre le bénéfice du droit de priorité, solliciterait l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne en revendiquant ce droit.
62 Partant, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 34, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.
– Sur la prétendue erreur d’appréciation commise dans l’application de l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001
63 L’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 dispose :
« Est considérée comme première demande, dont la date de dépôt est le point de départ du délai de priorité, une demande ultérieure déposée pour la même marque, pour des produits ou des services identiques et dans ou pour le même État qu’une première demande antérieure, à la condition que cette demande antérieure, à la date du dépôt de la demande ultérieure, ait été retirée, abandonnée ou refusée, sans avoir été soumise à l’inspection publique et sans laisser subsister de droits, et qu’elle n’ait pas encore servi de base pour la revendication du droit de priorité. La demande antérieure ne peut plus alors servir de base pour la revendication du droit de priorité. »
64 La chambre de recours a considéré que la demande de marque allemande déposée le 28 septembre 2017 ne pouvait pas être regardée comme une première demande en vertu de l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, car la demande antérieure du 21 février 2017 ne remplissait pas les conditions posées par cette disposition concernant la première demande antérieure. En effet, d’une part, la demande du 21 février 2017 avait été publiée et, d’autre part, cette demande avait laissé subsister des droits, car elle aurait pu être réactivée par une demande de rétablissement de droits.
65 La requérante conteste l’appréciation portée par la chambre de recours concernant le non-respect des conditions prévues à l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Elle fait valoir, d’une part, que, à défaut de paiement des frais de dossier, la demande antérieure du 21 février 2017 n’a jamais été publiée avec la liste exacte des produits visés et que, d’autre part, le droit de priorité fondé sur cette demande de marque s’est irrévocablement éteint.
66 À cet égard, d’emblée, il y a lieu de relever que la circonstance, invoquée par la requérante, que la demande de marque allemande du 21 février 2017 n’a pas servi et ne peut plus servir de fondement à la revendication d’un droit de priorité n’implique pas que toute demande ultérieure déposée pour la même marque puisse être considérée comme une première demande au sens de l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Pour être considérée comme telle, une demande ultérieure doit avoir été déposée après une demande antérieure remplissant certaines conditions. Ce n’est que si ces conditions sont satisfaites que la demande ultérieure, en l’occurrence, la demande déposée le 28 septembre 2017, pourra être considérée comme une première demande.
67 S’agissant de la question de savoir si la demande de marque allemande du 21 février 2017 a été retirée, abandonnée ou refusée sans avoir été soumise à l’inspection publique, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que cette demande a été publiée en tant que telle. Il ressort d’ailleurs de la décision attaquée que l’intervenante a produit l’extrait du registre des marques allemand dans lequel ladite demande a été publiée. La requérante se borne à faire valoir que cette publication ne comportait pas la liste exacte des produits. Il suffit toutefois de relever que cette circonstance découle de l’application de l’article 23 du Verordnung zur Ausführung des Markengesetzes (règlement d’exécution de loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), selon lequel la publication de la demande d’enregistrement d’une marque comporte notamment la classe principale et, le cas échéant, les autres classes de la liste des produits et des services visés. Ainsi que la requérante le reconnaît, les tiers qui souhaitaient connaître la liste exacte des produits visés par la demande de marque du 21 février 2017 pouvaient la solliciter auprès de l’Office allemand des brevets et des marques.
68 Il s’ensuit que la demande de marque allemande du 21 février 2017 a effectivement été soumise à l’inspection publique, par le biais d’une publication. Partant, l’une des conditions posées à l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 n’était pas remplie.
69 Au surplus, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle il aurait été possible, au 28 septembre 2017, date du dépôt de la demande ultérieure de marque allemande, de réactiver la demande de marque allemande déposée le 21 février 2017, par le biais d’une demande de rétablissement des droits fondée sur l’article 91 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082). En effet, la requérante se borne à faire valoir que la demande de marque allemande du 21 février 2017 ne pouvait plus fonder la revendication d’un droit de priorité. Cette circonstance est cependant sans incidence sur le fait que cette dernière demande, en tant qu’elle laissait subsister des droits, ne satisfaisait pas à l’une des conditions posées par l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.
70 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la demande de marque allemande déposée le 28 septembre 2017 était une demande ultérieure pouvant être considérée comme une première demande en vertu de l’article 34, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.
71 Partant, il y a lieu d’écarter le premier grief comme étant non fondé et, par voie de conséquence, le deuxième moyen en son ensemble, de même que l’argument de la requérante exposé au point 21 ci-dessus qui se rattache à ce moyen. En outre, dès lors que le premier moyen est fondé sur la prémisse de l’existence d’une violation du droit de priorité par la chambre de recours (voir point 31 ci-dessus), il y a lieu de le rejeter par voie de conséquence.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de bonne foi et de sécurité juridique
72 La requérante fait valoir que, en lui annonçant que l’opposition formée par l’intervenante serait déclarée irrecevable puis, à l’issue d’une longue période, en décidant qu’elle ne bénéficiait pas d’un droit antérieur à celui de l’intervenante, car elle ne pouvait pas revendiquer de droit de priorité, l’EUIPO a agi de manière contraire à la bonne foi et à la sécurité juridique.
73 L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.
74 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union. Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, qui en est un corollaire, est conféré à tout particulier dans le chef duquel une institution, un organe ou un organisme de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil/K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 178 et jurisprudence citée).
75 Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables [voir arrêt du 6 décembre 2018, Deichmann/EUIPO – Vans (Représentation de lignes sur une chaussure), T‑638/16, non publié, EU:T:2018:883, point 113 et jurisprudence citée].
76 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, devant la division d’opposition, les parties à la procédure se sont opposées quant à la validité de la revendication de priorité de la requérante. Elles ont déposé plusieurs séries d’observations, à la suite desquelles la division d’opposition a considéré, en substance, que le droit de priorité était valable et que, partant, l’opposition n’étant pas fondée sur une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, elle serait déclarée irrecevable. Elle en a informé lesdites parties par lettre du 5 novembre 2020. Par la suite, la division d’opposition a constaté que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté dès lors que l’intervenante n’avait pas eu communication des documents relatifs au droit de priorité présentés par la requérante le 17 avril 2019. Elle en a informé les parties à la procédure par lettre du 25 février 2021 et a invité l’intervenante à présenter ses observations sur ces documents. Après une autre série d’observations des parties, la division d’opposition a adopté la décision provisoire du 25 mai 2022, laquelle a été confirmée par la décision attaquée.
77 Ainsi, la requérante met en cause la procédure qui s’est déroulée devant la division d’opposition en soutenant, en substance, que la lettre du 5 novembre 2020 a pu faire naître une confiance légitime selon laquelle le droit de priorité au 28 septembre 2017 était fondé.
78 À cet égard, il y a lieu de relever que, à supposer même que la lettre du 5 novembre 2020 ait été susceptible de faire naître une confiance légitime quant au fait que la division d’opposition considérait que le droit de priorité était valablement revendiqué, cette confiance légitime ne saurait s’étendre à la position de la chambre de recours. En effet, par l’effet dévolutif de la procédure de recours, la chambre de recours, en cas de saisine, pouvait procéder à une nouvelle appréciation de la question tranchée par la division d’opposition dans son ensemble.
79 En tout état de cause, la requérante n’est pas fondée à réclamer la protection de la confiance légitime sur la base de la lettre du 5 novembre 2020 dès lors que l’information donnée à ce stade de la procédure par la division d’opposition était fondée sur des éléments transmis par la requérante qui n’avaient pas été soumis au principe du contradictoire, faute pour l’EUIPO d’avoir mis l’intervenante en mesure de faire valoir son point de vue sur ces éléments. L’information contenue dans la lettre du 5 novembre 2020 n’était donc pas conforme aux normes applicables au sens de la jurisprudence mentionnée au point 75 ci-dessus.
80 Partant, il y a lieu d’écarter le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique au motif qu’il n’est pas fondé. Dans la mesure où le grief tiré de la violation du principe de bonne foi est fondé sur les mêmes arguments, il y a lieu de l’écarter par voie de conséquence et, partant, de rejeter le quatrième moyen en son ensemble.
81 Il résulte de l’ensemble des motifs exposés ci-dessus que le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
82 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
83 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens que dans le cas où une audience serait organisée, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Capella EOOD est condamnée à supporter ses propres dépens et les dépens exposés par Richemont International SA.
3) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.
Marcoulli | Valasidis | Spangsberg Grønfeldt |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 octobre 2025.
Signatures