Language of document : ECLI:EU:T:2025:960

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

15 octobre 2025 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative Frutaria – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, et article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94 »

Dans l’affaire T‑381/24,

Frutaria Innovation SL, établie à Saragosse (Espagne), représentée par Mes M. Anadón Giménez et J. Learte Álvarez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Markus Schneider, demeurant à Bonn (Allemagne), représenté par Mes F. Klopmeier et F. Breuer, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mme M. J. Costeira, présidente, M. U. Öberg et Mme E. Tichy‑Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 juin 2025,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Frutaria Innovation SL, demande l’annulation partielle de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 mai 2024 (affaire R 1377/2023-2), telle que rectifiée le 17 juillet 2024 (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 février 2022, l’intervenant, M. Markus Schneider, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 22 mai 2007 pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient notamment  des classes 29, 31 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Fruits secs » ;

–        classe 31 : « Fruits frais » ;

–        classe 35 : « Exportation de fruits frais ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement

5        Le 4 mai 2023, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 3 juillet 2023, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Le 27 mai 2024, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’annulation.

8        En particulier, d’une part, ladite chambre a, en substance, considéré que la marque contestée était descriptive des « fruits secs » relevant de la classe 29 et des « fruits frais » relevant de la classe 31 (ci-après les « produits concernés »), au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, par suite, qu’elle était également dépourvue de caractère distinctif pour ces produits, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. En revanche, la chambre de recours a considéré que la marque contestée n’était pas descriptive de l’« exportation de fruits frais » comprise dans la classe 35 ni dépourvue de caractère distinctif pour ces services.

9        D’autre part, la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas démontré que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, sur le territoire pertinent pour les produits concernés.

10      Le 11 juin 2024, la requérante a formé une demande de rectification de la décision de la chambre de recours du 27 mai 2024.

11      Le 17 juillet 2024, la chambre de recours a adopté un rectificatif de la décision du 27 mai 2024, conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, au motif que, contrairement à ce qui avait été indiqué dans ladite décision, la demande en nullité était accueillie pour les produits concernés, et rejetée pour le surplus, à savoir pour l’« exportation de fruits frais » comprise dans la classe 35. Par conséquent, les points 83, 113 et 114, ainsi que les points 1 et 2 du dispositif de la même décision ont été corrigés en ce sens.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où la marque contestée a été déclarée nulle pour les produits concernés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure devant la chambre de recours.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’EUIPO en cas de tenue d’une audience.

14      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 22 mai 2007, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement, et à l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, comme visant respectivement, l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce règlement, et l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, le deuxième, de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et le troisième, de la violation de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement

18      La requérante soutient, en substance, que la marque contestée, prise dans son ensemble, ne peut pas être considérée comme descriptive pour les produits concernés. En particulier, selon elle, la marque contestée contient des éléments figuratifs qui rendent ladite marque non descriptive.

19      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

20      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque la marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

21      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

22      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

23      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

24      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

25      S’agissant du public pertinent, la chambre de recours a relevé, au point 26 de la décision attaquée, qu’il était constant entre les parties que l’élément verbal « frutaria » de la marque contestée était un mot portugais et qu’il serait compris par la partie lusophone du public pertinent comme ayant la signification « magasin de fruits ». Dans ces circonstances, elle a, aux points 26 à 28 de la décision attaquée, déclaré se concentrer uniquement sur la perception de cette partie du public pertinent, dès lors que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 40/94, une marque sera refusée à l’enregistrement même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

26      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces considérations, qui ne sont, au demeurant, pas contestées par la requérante.

27      En outre, la chambre de recours a, au point 30 de la décision attaquée, en substance, considéré que les produits concernés étaient des produits de consommation courante qui s’adressaient aux consommateurs moyens ayant un niveau d’attention inférieur à la moyenne. Au point 105 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que le public pertinent était le grand public.

28      La requérante conteste cette appréciation. Elle fait valoir, en substance, que les produits concernés s’adressent aussi bien au grand public qu’à un public professionnel.

29      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

30      Il est, certes, vrai, comme l’avance à juste titre l’EUIPO, que les produits concernés sont des produits alimentaires de consommation courante destinés à l’ensemble des consommateurs, c’est-à-dire le grand public.

31      Toutefois, comme l’a fait valoir la requérante, il ne peut être exclu que le public pertinent soit composé non seulement du grand public, mais aussi des professionnels.

32      Cela étant dit, eu égard à la nature des produits concernés, dont l’acquisition ne suscite pas, d’une manière générale, de réflexions approfondies de la part des consommateurs, le niveau d’attention du public pertinent ne saurait être considéré comme étant différent de celui constaté par la chambre de recours.

 Sur la compréhension de la marque contestée

33      La chambre de recours a, d’une part, aux points 34 à 39 de la décision attaquée, relevé que le mot portugais « frutaria » pouvait être considéré comme descriptif des produits concernés pour le public pertinent, étant donné que ces produits sont généralement vendus dans un magasin de fruits.

34      D’autre part, s’agissant des éléments figuratifs et de la stylisation de la marque contestée, la chambre de recours a, aux points 56 et 58 de la décision attaquée, considéré que les premiers étaient banals, couramment utilisés en rapport avec des denrées alimentaires et qu’ils seraient perçus comme des éléments décoratifs servant à accentuer l’importance globale de l’élément verbal dans ladite marque. Au point 63 de la décision attaquée, ladite chambre a estimé que la stylisation de l’élément verbal était simple. Elle a, au point 57 de la décision attaquée, relevé que le simple ajout de la couleur verte, qui était couramment utilisé dans le domaine des denrées alimentaires, à l’élément verbal descriptif ne suffisait pas à conférer un caractère distinctif à la marque contestée, mais serait perçu comme un élément décoratif. Selon la chambre de recours, ces éléments figuratifs et cette stylisation de la marque contestée n’étaient pas suffisamment frappants, pris isolément ou dans leur ensemble, pour détourner le public pertinent de la signification descriptive de l’élément verbal « frutaria » (point 78 de la décision attaquée).

35      En particulier, la chambre de recours a considéré que le soulignement de l’élément verbal « frutaria » ne modifiait pas le caractère descriptif de la marque contestée, que le demi-cercle entourant cet élément verbal était une simple ornementation, que les éléments courbés mettaient en évidence ledit élément sans être une indication d’origine commerciale, que le carré vert était une simple forme géométrique de base dépourvue de caractère distinctif intrinsèque et, enfin, que la stylisation de l’élément verbal, consistant en une police de caractères commune, était très simple (points 59 à 63 de la décision attaquée).

36      La requérante considère que les éléments figuratifs de la marque contestée, à savoir la ligne ondulée, le demi-cercle, le carré vert et la couleur verte, n’évoquent pas les produits concernés de sorte qu’ils ne peuvent pas être considérés comme descriptifs de ceux-ci. Elle reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir examiné la marque contestée dans son ensemble. Elle soutient, en substance, que la combinaison des éléments figuratifs et de l’élément verbal stylisé est suffisamment distinctive, dans son ensemble, pour être perçue comme une indication de l’origine commerciale des produits concernés. En outre, selon la requérante, les éléments figuratifs sont disposés de manière créative afin de construire une image de marque. Elle ajoute que la présence d’une ligne ondulée construit une image de marque stable selon l’arrêt du 13 octobre 2021, Schneider/EUIPO – Frutaria Comercial de Frutas y Hortalizas (Frutaria) (T‑12/20, non publié, EU:T:2021:702). Enfin, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir suivi les directives ainsi que la pratique décisionnelle de l’EUIPO. Elle fait référence à plusieurs décisions des chambres de recours et de la division d’annulation de l’EUIPO pour étayer son argument selon lequel la marque contestée, considérée dans son ensemble, possède un certain degré de caractère distinctif et peut être mémorisée par le public pertinent.

37      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant d’une marque complexe, l’appréciation de son caractère descriptif ne peut se limiter à une analyse de chacun de ses termes ou de ses éléments, considérés isolément, mais doit, en tout état de cause, se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent et non sur la présomption que des éléments dépourvus isolément de caractère descriptif ne peuvent, une fois combinés, présenter un tel caractère. En effet, la seule circonstance que chacun de ces éléments, pris séparément, est dépourvu de caractère descriptif n’exclut pas que la combinaison qu’ils forment puisse présenter un tel caractère (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo /OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, points 41 et 42 et jurisprudence citée).

39      L’examen de la question de savoir si une marque complexe, prise dans son ensemble, est descriptive des produits et des services visés n’est toutefois pas incompatible avec des examens successifs des différents éléments dont elle est composée [voir arrêt du 12 avril 2016, Choice /EUIPO (Choicechocolate & icecream), T‑361/15, non publié, EU:T:2016:214, point 23 et jurisprudence citée].

40      En outre, comme l’a correctement relevé la chambre de recours au point 49 de la décision attaquée, si l’élément verbal d’une marque complexe est descriptif des produits visés, la question décisive est celle de savoir si les éléments figuratifs modifient, du point de vue du public pertinent, la signification du signe en cause dans son ensemble par rapport aux produits visés. Ainsi, si l’élément verbal d’une marque est descriptif, la marque est, dans son ensemble, descriptive si les éléments graphiques de cette marque ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal [voir arrêt du 26 avril 2018, Pfalzmarkt fürObstundGemüse/EUIPO (100% Pfalz), T‑220/17, non publié, EU:T:2018:229, point 29 et jurisprudence citée].

41      À titre liminaire, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle la date pertinente aux fins de l’appréciation du caractère descriptif de la marque contestée est celle du dépôt de la demande d’enregistrement, à savoir le 22 mai 2007.

42      S’agissant de l’élément verbal « frutaria » de la marque contestée, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle cet élément sera compris par la partie lusophone du public pertinent comme ayant la signification d’un « magasin de fruits » (voir point 25 ci-dessus) et donc d’un magasin ou d’un lieu où les produits concernés sont vendus, de sorte que cet élément possède un caractère descriptif.

43      Dans de telles circonstances, la question décisive consiste à savoir si les éléments figuratifs modifient, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque contestée dans son ensemble par rapport aux produits concernés (voir point 40 ci-dessus).

44      S’agissant de ces derniers, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le carré vert, le demi-cercle et la ligne ondulée sont caractérisés par leur représentation simple, ordinaire et peu stylisée, de sorte que la chambre de recours a correctement considéré, au point 66 de la décision attaquée, que ces éléments ne pouvaient modifier, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque contestée dans son ensemble par rapport aux produits concernés résultant de l’élément verbal « frutaria ».

45      En ce qui concerne la stylisation de l’élément verbal, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 63 de la décision attaquée, qu’elle n’était que légère, puisque cet élément est représenté dans une seule police de caractères standard de couleur verte et en gras. En raison de sa simplicité, la stylisation de l’élément verbal n’est pas de nature à influer sur la compréhension ou sur la signification de cet élément et, par suite, de la marque contestée dans son ensemble.

46      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 63 à 66 et 78 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs de la marque contestée, y compris la stylisation de l’élément verbal, compte tenu, en substance, de leur forme et de leur position, ne permettaient pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal.

47      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

48      Premièrement, la requérante se prévaut d’un degré minimal de caractère distinctif de la marque contestée qui aurait été confirmé à plusieurs reprises, notamment aux points 67 et 68 de l’arrêt du 13 octobre 2021, Frutaria (T‑12/20, non publié, EU:T:2021:702).

49      Or, force est de constater que l’arrêt du 13 octobre 2021, Frutaria (T‑12/20, non publié, EU:T:2021:702), auquel renvoie la requérante a été rendu dans le cadre d’une procédure de déchéance de la marque contestée.

50      Par suite, contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante lors de l’audience, les considérations contenues dans cet arrêt ne sont pas transposables au présent litige concernant une procédure de nullité. Ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours au point 73 de la décision attaquée, le caractère distinctif d’une marque peut seulement être mis en cause dans le cadre d’une demande en nullité en vertu de l’article 51 du règlement no 40/94 [voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, Hostel Tourist World/OHMI – WRI Nominees (HostelTouristWorld.com), T‑566/13, non publié, EU:T:2015:239, point 35 et jurisprudence citée]. Dans le cadre d’une procédure de déchéance, comme celle en cause dans l’arrêt du 13 octobre 2021, Frutaria (T 12/20, non publié, EU:T:2021:702), s’il y a lieu, le cas échéant, de tenir compte, ainsi que l’a fait le Tribunal dans cet arrêt, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de la marque en cause, celle-ci ne peut, en raison même de son enregistrement et sauf à mettre en cause sa validité, être reconnue comme étant dépourvue de tout caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2023, Apart/EUIPO – S. Tous (Représentation du contour d'un ours), T-638/21, non publié, EU:T:2023:434, point 79]. 

51      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas apprécié la marque contestée dans son ensemble, il doit être relevé qu’il ressort des points 58, 64 et 66 de la décision attaquée que la chambre de recours a bien apprécié le caractère descriptif de la marque contestée, prise dans son ensemble. En effet, la chambre de recours a, en substance, considéré que, compte tenu de leur position autour du mot « frutaria », les éléments figuratifs de la marque contestée, à savoir le demi-cercle, le carré vert et la ligne ondulée, servaient, tout comme la stylisation simple de cet élément verbal, à mettre en évidence le message descriptif véhiculé par celui-ci. Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, la chambre de recours a examiné si les éléments figuratifs et la stylisation de l’élément verbal pouvaient modifier la perception de la marque contestée dans son ensemble par le public pertinent, résultant du caractère descriptif de l’élément verbal, mais en a conclu que tel n’était pas le cas en l’espèce, ces éléments figuratifs et cette stylisation servant plutôt à mettre en évidence le caractère descriptif de cet élément verbal.

52      Troisièmement, même à admettre que, comme le soutient la requérante, les éléments figuratifs n’évoqueraient pas les produits concernés, il n’en demeure pas moins que ces éléments ne modifient pas, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque contestée dans son ensemble par rapport à ces produits. Il en va de même en ce que la requérante avance que la présence de la ligne ondulée n’est pas aléatoire.

53      Quatrièmement, en ce qui concerne les références aux directives relatives aux marques et aux dessins ou modèles de l’EUIPO, il convient de relever, comme l’a fait valoir l’EUIPO, que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). La légalité de l’enregistrement d’un signe comme marque de l’Union ne s’apprécie pas au regard desdites directives, mais au regard des dispositions du règlement no 40/94 telles qu’interprétées par le juge de l’Union [voir arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 58 et jurisprudence citée].

54      Cinquièmement, en ce que la requérante invoque des décisions antérieures de l’EUIPO, il suffit de relever ce qui suit.

55      Dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 22 avril 2008, Casa Editorial el Tiempo/OHMI – Instituto Nacional de Meteorología (EL TIEMPO), T‑233/06, non publié, EU:T:2008:121, point 48].

56      Les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement no 40/94 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

57      L’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73). Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 et 75).

58      Par conséquent, la personne qui soutient le maintien d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande en nullité doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient maintenues de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, le maintien d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’une cause de nullité [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 76 et 77, et du 20 janvier 2015, Aic/OHMI – ACV Manufacturing (Inserts d’échangeur de chaleur), T‑617/13, non publié, EU:T:2015:32, point 32 et jurisprudence citée].

59      En l’espèce, dans la requête, la requérante s’est référée à plusieurs décisions antérieures de l’EUIPO émanant tant des chambres de recours que des instances inférieures. En ce qui concerne, d’une part, les décisions antérieures des chambres de recours de l’EUIPO que la requérante avait déjà invoquées au stade du recours, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a exposé, aux points 75 et 76 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle considérait que la présente affaire se distinguait de ces décisions antérieures. La requérante n’avance aucun argument nouveau qui serait susceptible d’infirmer cette appréciation de la chambre de recours. En ce qui concerne, d’autre part, une autre décision antérieure d’une chambre de recours et plusieurs décisions antérieures de la division d’annulation, à la différence des marques en cause dans ces affaires et contrairement à ce qu’allègue la requérante, les éléments figuratifs et la stylisation de la marque contestée dans la présente affaire sont simples, ordinaires et peu stylisés (voir points 44 et 45 ci-dessus).

60      En tout état de cause, ainsi qu’il ressort des points 25 à 46 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque contestée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.

 Sur le rapport de la marque contestée avec les produits concernés

61      En raison du caractère descriptif de l’élément verbal de la marque contestée « frutaria » pour les produits concernés (voir point 42 ci-dessus) pour la partie lusophone du public pertinent, et du fait que les éléments figuratifs ne sont pas de nature à détourner l’attention de ce public du sens descriptif de cet élément verbal pour lesdits produits (voir points 44 à 60 ci-dessus), ladite marque, prise dans son ensemble, présente avec les produits concernés un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description desdits produits ou d’une de leurs caractéristiques.

62      Dès lors, la marque contestée possède un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 (voir point 25 et 42 ci-dessus).

63      Il découle de tout ce qui précède que l’ensemble des arguments de la requérante est non fondé, et que, dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement

64      La requérante fait valoir, en substance, que la marque contestée n’est pas dépourvue de caractère distinctif. La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir nié à la marque contestée un degré minimal de caractère distinctif pour les produits concernés. Elle fait également valoir que le caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée a été reconnu plusieurs fois lors des différentes procédures d’opposition et de déchéance. Selon la requérante, la marque contestée est distinctive, étant donné qu’elle permet au public pertinent d’identifier l’origine commerciale des produits concernés et de les distinguer de ceux d’autres entreprises.

65      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

66      Il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94, qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus qui y sont énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne ou, s’il a été enregistré, que la nullité de la marque de l’Union européenne soit déclarée en vertu de l’article 51, paragraphe 1, dudit règlement (ordonnance du 21 avril 2016, ultra air/EUIPO, C‑232/15 P, non publiée, EU:C:2016:299, point 57). Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du deuxième moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement

67      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a considéré, à tort, dans la décision attaquée, que la marque contestée n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait. Selon elle, la chambre de recours n’a pas examiné les éléments de preuve dans leur ensemble. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir nié la valeur probante de la déclaration du chef de son département administratif dans laquelle celui-ci atteste que la marque contestée est largement utilisée dans le monde entier depuis de nombreuses années dans le cadre de la vente de fruits générant un chiffre d’affaires important. Concernant l’étendue géographique, la requérante soutient que les factures démontrent que les produits portant la marque contestée avaient été livrés dans tout le Portugal. Selon elle, étant donné que les clients sont des revendeurs, l’importance de l’usage ne peut être mise en cause. La requérante avance que l’usage de longue date de la marque contestée est démontré par les informations relatives au chiffre d’affaires et par des déclarations provenant du groupe Frutaria et des revendeurs. La requérante avance que le public pertinent est composé du grand public et du public professionnel. Ainsi, selon elle, c’est à tort que la chambre de recours a exigé la production de factures adressées à des consommateurs finaux, alors qu’il serait inhabituel que des factures soient émises dans de tels cas et qu’il serait improbable d’obtenir de telles factures des sociétés qui livrent les produits concernés.

68      La requérante soutient également que les déclarations provenant de sociétés tierces confirment la perception de la marque contestée comme une indication de l’origine commerciale sur le territoire du Portugal de telle sorte que la chambre de recours aurait dû les prendre en considération. Selon elle, ces déclarations prouvent que, premièrement, en voyant la marque contestée, le public pertinent reconnaît l’origine commerciale des produits concernés, deuxièmement, le consommateur au Portugal est confronté à ladite marque lors de l’achat de fruits, et troisièmement, ladite marque apparaît sur l’emballage présenté au public. Elle allègue que la chambre de recours s’est contredite en critiquant le manque de factures adressées au grand public ou à des chaînes de supermarchés portugaises. Concernant les éléments de preuve consistant en des brochures démontrant la présence de la requérante au salon commercial international « Fruit Attraction », lors duquel la marque contestée a été affichée, la requérante soutient que la chambre de recours ne peut pas ignorer le fait que le public pertinent comprend non seulement le grand public, mais également des professionnels. Elle ajoute, en substance, que ces éléments de preuve démontrent qu’une partie du public pertinent, à savoir les revendeurs professionnels qui proposent les produits concernés aux consommateurs finaux, était exposée à la marque contestée. Selon elle, l’investissement qu’elle a réalisé pour être présente sur un tel salon où ladite marque était affichée confirme que cette dernière est perçue comme une indication de l’origine commerciale par le public pertinent.

69      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

70      En vertu de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lorsqu’une marque de l’Union européenne a été enregistrée contrairement à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

71      Ainsi, l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, vise les marques dont l’enregistrement était contraire à l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) ou d), dudit règlement, et qui, en l’absence d’une telle disposition, auraient dû être annulées, en application de l’article 51, paragraphe 1, du même règlement. Il a, précisément, pour objectif de maintenir l’enregistrement des marques qui, en raison de l’usage qui en a été fait, ont entre-temps, c’est-à-dire après leur enregistrement, acquis un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elles ont été enregistrées, nonobstant la circonstance que cet enregistrement, au moment où il est intervenu, était contraire à l’article 7 du règlement no 40/94 [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 60 et jurisprudence citée].

72      L’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, et l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, sont régis par la même logique et doivent être interprétés à l’identique, à la lumière des mêmes facteurs pertinents [arrêt du 28 juin 2019, Gibson Brands/EUIPO – Wilfer (Forme d’un corps de guitare), T‑340/18, non publié, EU:T:2019:455, point 64].

73      Selon la jurisprudence, pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, conformément à l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, l’autorité compétente doit procéder à un examen concret et apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 19 juin 2014, Oberbank e.a., C‑217/13 et C‑218/13, EU:C:2014:2012, point 40 et jurisprudence citée).

74      À cet égard, il doit être rappelé que les éléments de preuve produits doivent permettre de démontrer que la marque est devenue de nature à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. L’appréciation du caractère distinctif de la marque faisant l’objet d’une demande d’enregistrement peut s’effectuer en prenant en considération des éléments tels que les parts de marché détenues par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir arrêt du 6 mars 2024, Lidl Stiftung/EUIPO – MHCS (Nuance de la couleur orange), T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 99 et jurisprudence citée].

75      Toutefois, certains éléments sont considérés comme jouissant d’une force probante plus importante que d’autres. En particulier, les chiffres des ventes et le matériel publicitaire ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires susceptibles de corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, telles que rapportées par des enquêtes ou des études de marché ainsi que des déclarations d’associations professionnelles ou des déclarations du public spécialisé (voir arrêt du 6 mars 2024, Nuance de la couleur orange, T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 100 et jurisprudence citée).

76      De surcroît, il résulte de la jurisprudence que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule production des volumes des ventes et du matériel publicitaire. De même, le seul fait que le signe ait été utilisé sur le territoire de l’Union depuis un certain temps ne suffit pas non plus à démontrer que le public visé par les produits en cause le perçoit comme une indication d’origine commerciale (voir arrêt du 6 mars 2024, Nuance de la couleur orange, T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 101 et jurisprudence citée).

77      Il en découle que des preuves directes sont nécessaires afin de démontrer qu’une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage (arrêt du 6 mars 2024, Nuance de la couleur orange, T‑652/22, non publié, EU:T:2024:152, point 102).

78      Par ailleurs, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie, grâce à la marque, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, EU:T:2005:463, point 61 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 52].

79      Pour apprécier si les motifs de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement no 40/94, doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés [voir arrêt du 14 décembre 2022, Devin/EUIPO – Haskovo Chamber of Commerce and Industry (DEVIN), T‑526/20, non publié, EU:T:2022:816, point 137 et jurisprudence citée].

80      Le caractère distinctif d’une marque, y compris celui acquis par l’usage, doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et en tenant compte de la perception qu’en a le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, EU:T:2003:54, point 51 et jurisprudence citée].

81      Aux points 92 et 93 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé qu’il y avait lieu d’apprécier la question de savoir si, sur le territoire où elle l’avait considérée comme étant descriptive des produits concernés, à savoir le Portugal, la marque contestée avait acquis, par l’usage qui en avait été fait, un caractère distinctif soit à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 22 mai 2007, soit à la date du dépôt de la demande en nullité, à savoir le 24 février 2022. Cette approche n’est pas contestée par la requérante.

82      En premier lieu, ainsi qu’il ressort des points 30 à 32 ci-dessus, les produits concernés sont destinés au grand public et au public professionnel. Ainsi, comme l’a fait valoir la requérante, la chambre de recours aurait dû considérer que l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage devait être démontrée à l’égard de la partie lusophone du public pertinent composé non seulement du grand public, mais également du public professionnel.

83      En second lieu, ainsi qu’il ressort du point 5 de la décision attaquée, la requérante a présenté un ensemble d’éléments de preuve au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO afin d’établir que la marque contestée avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait, à savoir, notamment :

–        une déclaration du chef du département administratif de la requérante attestant l’usage de la marque contestée dans le monde entier depuis de nombreuses années dans le cadre de la vente de fruits générant un chiffre d’affaires important ;

–        des déclarations signées par deux sociétés tierces portugaises soutenant que, à leur connaissance, la marque contestée est perçue comme une indication d’origine commerciale par au moins une partie significative du public pertinent compte tenu de son utilisation de longue durée et de la présence de ladite marque sur les emballages des produits concernés, sur les factures, ainsi que sur les documents et les communications de nature commerciale ;

–        des factures sur lesquelles figure la marque contestée, adressées à des clients portugais pendant la période allant de 2001 à 2022 ;

–        des brochures démontrant la présence de la requérante, au titre de la période allant de 2009 à 2022, sur le salon commercial international « Fruit Attraction », lors duquel la marque contestée a été affichée ;

–        une déclaration du directeur du salon commercial international « Fruit Attraction » datée du 30 mai 2022 indiquant que la marque contestée a été utilisée afin de promouvoir des fruits frais lors de ce salon.

84      Aux points 102 et 103 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, reconnu que certains éléments de preuve, à savoir la déclaration du chef du département administratif de la requérante et les factures de vente venant au soutien de cette déclaration, démontraient l’importance de l’usage de la marque contestée au sein de l’Union et, en particulier, au Portugal.

85      Toutefois, aux points 102, 104 à 106, 108 et 109 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les éléments de preuve, dans leur ensemble, ne portaient pas sur la perception de la marque contestée par le public pertinent. En particulier, elle a considéré que la requérante n’avait pas démontré qu’au moins une partie significative dudit public identifiait la provenance des produits concernés. Elle a, au point 110 de la décision attaquée, ajouté que la requérante n’avait présenté aucun élément de preuve portant sur la part de marché détenue par la marque contestée, ni aucun chiffre sur les montants investis dans la promotion de ladite marque, ni aucune déclaration de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles mettant en évidence un caractère distinctif accru de cette marque au Portugal. Ainsi, à défaut d’éléments de preuve directs du caractère distinctif acquis auprès du public pertinent portugais, la chambre de recours a, aux points 111 et 112 de la décision attaquée, conclu que la marque contestée n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage pour les produits concernés au sens de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

86      D’une part, en ce qui concerne les éléments de preuve directs, il y a lieu de constater que la requérante n’a effectivement pas apporté des enquêtes, des études de marché, des déclarations d’associations professionnelles ou des déclarations de chambres de commerce et d’industrie, portant sur la perception de la partie lusophone du public pertinent, au sens de la jurisprudence citée aux points 73 à 77 ci-dessus.

87      Si la requérante a, en revanche, produit des déclarations provenant d’entreprises tierces, ces dernières sont insuffisantes pour démontrer que le public pertinent perçoit la marque contestée en tant qu’indication d’origine commerciale. Elles ne permettent donc pas de conclure que ladite marque a acquis un caractère distinctif par l’usage.

88      En effet, bien qu’elles mentionnent la perception par le public pertinent de la marque contestée, ces déclarations attestent simplement du fait que cette marque figurait sur des factures, sur des documents et des communications de nature commerciale et sur les emballages des produits concernés, du fait que, selon ces sociétés, ladite marque servait comme identification commerciale des produits concernés même avant la date du dépôt de la demande en nullité, et, enfin, du fait que, d’après lesdites sociétés, la fonction d’identification de l’origine commerciale de ces produits remplie par cette marque n’avait jamais été remise en cause sur le marché portugais. Toutefois, ces affirmations sont de nature générale et ne sont pas corroborées par des éléments de preuve directs.

89      En outre, le contenu des déclarations provenant des entreprises tierces est quasi identique. En effet, ces déclarations ne diffèrent que par l’identification de ces sociétés en question et par l’identification des chaînes de supermarchés portugaises revendant les produits concernés portant la marque contestée sur leurs emballages. En raison de la quasi-identité de leur contenu, ces déclarations ne peuvent pas être considérées comme étant complémentaires.

90      Dès lors, les déclarations provenant des entreprises tierces, au vu de leur contenu, sont seulement susceptibles de corroborer, le cas échéant, d’autres éléments de preuve.

91      D’autre part, en ce qui concerne les éléments de preuve indirects fournis par la requérante, il convient de relever ce qui suit.

92      Premièrement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas écarté la valeur probante de la déclaration du chef du département administratif de la requérante. Force est, en effet, de constater que, aux points 96 à 101 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, si cette déclaration ne pouvait être ignorée en soi, sa valeur probante était pourtant faible en raison du fait qu’elle avait été établie dans l’intérêt de son auteur. Au point 102 de la décision attaquée, cette chambre a, en outre, expressément reconnu que les informations contenues dans cette déclaration démontraient l’importance de l’usage au sein de l’Union, en particulier, au Portugal. Ainsi, la chambre de recours n’a pas nié toute valeur probante à cette déclaration.

93      En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence qu’il ne peut être attribué une valeur probante à une déclaration, au sens de l’article 76, paragraphe 1, sous f), du règlement no 40/94, établie par l’un des employés de la partie qui se prévaut de cette déclaration que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve [arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 43 ; voir, également, arrêt du 7 septembre 2022, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ad pepper the e-advertising network), T‑521/21, non publié, EU:T:2022:520, point 100 et jurisprudence citée]. Dès lors, la chambre de recours a exigé à juste titre, au point 101 de la décision attaquée, que les chiffres d’affaires contenus dans cette déclaration soient corroborés par d’autres éléments de preuve, tels que des documents comptables fiables contenant des détails supplémentaires portant, notamment, sur les produits ou les services auxquels se rapportent ces chiffres d’affaires.

94      Deuxièmement, s’agissant des factures produites, il est, certes, vrai que les factures adressées au public professionnel peuvent fournir une indication sur l’exposition de cette partie du public pertinent à la marque contestée. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne saurait être apportée par la seule preuve des volumes de vente des produits concernés commercialisés sous ladite marque.

95      De même, le seul fait que la marque contestée ait été utilisée sur le territoire de l’Union depuis un certain temps ne suffit pas non plus à démontrer que le public pertinent la perçoit comme une indication d’origine commerciale. Par conséquent, quand bien même il ressortirait des éléments de preuve produits par la requérante que les produits concernés portant la marque contestée sont commercialisés depuis plus de 20 ans, ce fait serait insuffisant en tant que tel, mais également conjointement avec les autres éléments de preuve produits, pour conclure que le public pertinent percevrait effectivement ces produits comme provenant d’une entreprise déterminée.

96      En outre, l’argument de la requérante par lequel celle-ci reproche à la chambre de recours d’avoir exigé la production de factures adressées à des consommateurs finaux, alors qu’il serait inhabituel que des factures soient émises dans de tels cas et qu’il serait improbable d’obtenir de telles factures des sociétés qui livrent les produits concernés, repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En réalité, au point 105 de la décision attaquée, la chambre de recours a critiqué le fait que les factures produites par la requérante, adressées à des entreprises portugaises, ne fournissaient pas suffisamment d’informations pour démontrer qu’une partie significative du public pertinent percevait la marque contestée comme une indication de l’origine commerciale des produits concernés. Or, ladite chambre a correctement exigé la production d’éléments de preuve démontrant qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifiait, grâce à la marque contestée, les produits concernés comme provenant d’une entreprise déterminée.

97      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre de recours ne pouvait, sans entacher la décision attaquée de contradictions, exiger d’elle la production de factures adressées à des chaînes de supermarchés portugaises, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que la présentation d’un nombre important de ces factures aurait pu donner une indication sur l’exposition du grand public à la marque contestée.

98      Dès lors, comme l’a correctement considéré la chambre de recours dans la décision attaquée, les factures fournies par la requérante ne sont pas aptes à démontrer qu’au moins une partie significative du public pertinent identifiait les produits concernés comme provenant d’une entreprise déterminée.

99      Troisièmement, s’agissant des brochures démontrant la présence de la requérante sur le salon commercial international « Fruit Attraction », lors duquel la marque contestée a été affichée, et de la déclaration du directeur de ce salon, même à admettre que lesdits éléments de preuve puissent fournir une indication sur l’exposition d’une partie du public pertinent à la marque contestée, il n’en demeure pas moins que ces éléments de preuve sont indirects et ne portent pas sur la perception de la marque contestée par le public pertinent. Ces éléments de preuve ne sont donc pas de nature à démontrer qu’une partie significative du public pertinent percevrait la marque contestée comme une indication de l’origine commerciale des produits concernés.

100    Par ailleurs, la requérante admet elle-même que le directeur du salon commercial international « Fruit Attraction » n’est pas en mesure de se prononcer sur la perception de la marque contestée par la partie lusophone des visiteurs dudit salon.

101    Quatrièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a, après les avoir examinés séparément aux points 96 à 108 de la décision attaquée, apprécié les éléments de preuve dans leur ensemble. En effet, ladite chambre a, au point 111 de la décision attaquée, considéré que les éléments de preuve produits par la requérante, pris dans leur ensemble, ne lui permettaient pas de déterminer la part de marché détenue par la marque contestée, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements réalisés par la requérante pour la promouvoir et la proportion des milieux intéressés qui, grâce à ladite marque, identifiaient les produits concernés comme provenant de la requérante.

102    L’ensemble des arguments de la requérante devant ainsi être rejeté, il y a lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104    Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Frutaria Innovation SL est condamnée aux dépens.

Costeira

Öberg

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2025.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.