ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
16 octobre 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 17, paragraphe 2 – Notion de “bagages” – Article 22, paragraphe 2 – Responsabilité des transporteurs aériens en cas de perte de bagages – Perte d’un animal de compagnie d’un passager – Indemnisation du préjudice moral »
Dans l’affaire C‑218/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Mercantil no 4 de Madrid (tribunal de commerce no 4 de Madrid, Espagne), par décision du 8 mars 2024, parvenue à la Cour le 21 mars 2024, dans la procédure
Felicísima
contre
Iberia Líneas Aéreas de España SA Operadora Unipersonal
et
IATA España SLU,
LA COUR (septième chambre),
composée de M. F. Schalin, président de chambre, MM. M. Gavalec (rapporteur) et Z. Csehi, juges,
avocat général : M. D. Spielmann,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mai 2025,
considérant les observations présentées :
– pour Felicísima, par Me C. Villacorta Salís, abogado,
– pour Iberia Líneas Aéreas de España SA Operadora Unipersonal, par Mes S. Frade Sosa et D. Olmedo de Cáceres, abogados, ainsi que par M. J. L. Pinto-Marabotto Ruiz, procurador,
– pour IATA España SLU, par Mes A. Dorrego de Carlos et C. Pérez Infante, abogados,
– pour la Commission européenne, par Mmes R. Álvarez Vinagre et N. Yerrell, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 2, et de l’article 22, paragraphe 2, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999, et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194, p. 38) (ci‑après la « convention de Montréal »), laquelle est entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Felicísima, une passagère d’un vol international, à Iberia Líneas Aéreas de España SA Operadora Unipersonal (ci-après « Iberia »), un transporteur aérien, et à IATA España SLU au sujet de la réparation du préjudice moral subi par Felicísima à la suite de la perte de son animal de compagnie à l’occasion d’un vol assuré par ce transporteur.
Le cadre juridique
Le droit international
3 Aux termes du troisième alinéa du préambule de la convention de Montréal, les États parties « reconnaiss[e]nt l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation ».
4 Le cinquième alinéa de ce préambule énonce que « l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».
5 L’article 1er de cette convention, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La présente convention s’applique à tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération. Elle s’applique également aux transports gratuits effectués par aéronef par une entreprise de transport aérien. »
6 L’article 17 de la même convention, intitulé « Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages », figurant au chapitre III de celle-ci, lui-même intitulé « Responsabilité du transporteur et étendue de l’indemnisation du préjudice », est libellé comme suit :
« 1. Le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement.
2. Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n’est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. Dans le cas des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires.
[...]
4. Sous réserve de dispositions contraires, dans la présente convention le terme “bagages” désigne les bagages enregistrés aussi bien que les bagages non enregistrés. »
7 L’article 22 de la convention de Montréal, intitulé « Limites de responsabilité relatives aux retards, aux bagages et aux marchandises », énonce, à son paragraphe 2 :
« Dans le transport de bagages, la responsabilité du transporteur en cas de destruction, perte, avarie ou retard est limitée à la somme de 1 000 droits de tirage spéciaux par passager, sauf déclaration spéciale d’intérêt à la livraison faite par le passager au moment de la remise des bagages enregistrés au transporteur et moyennant le paiement éventuel d’une somme supplémentaire. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu’à concurrence de la somme déclarée, à moins qu’il prouve qu’elle est supérieure à l’intérêt réel du passager à la livraison. »
8 Conformément à la procédure prévue à l’article 24 de la convention de Montréal, la limite de responsabilité prévue à l’article 22, paragraphe 2, de celle-ci a été portée à 1 131 droits de tirage spéciaux (ci-après les « DTS ») par passager pour les dommages causés aux bagages à compter du 30 décembre 2009. Ce montant a été porté à 1 288 DTS à compter du 28 décembre 2019.
Le droit de l’Union
9 À la suite de la signature de la convention de Montréal, le règlement (CE) no 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages (JO 1997, L 285, p. 1), a été modifié par le règlement (CE) no 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002 (JO 2002, L 140, p. 2) (ci-après le « règlement no 2027/97 »).
10 Le considérant 12 du règlement no 889/2002 énonce :
« Des limites uniformes de responsabilité en cas de perte, détérioration ou destruction des bagages et pour les dommages occasionnés par des retards, s’appliquant à toutes les opérations réalisées par les transporteurs [de l’Union], constitueront des règles simples et claires tant pour les passagers que pour les compagnies aériennes et permettront aux passagers de déterminer si une assurance supplémentaire est nécessaire. »
11 L’article 2 du règlement no 2027/97 dispose, à son paragraphe 1 :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...]
d) “bagages” : à défaut d’autre définition, tout bagage enregistré ou non au sens de l’article 17, paragraphe 4, de la convention de Montréal ;
[...] »
12 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement :
« La responsabilité d’un transporteur aérien communautaire envers les passagers et leurs bagages est régie par toutes les dispositions de la convention de Montréal relatives à cette responsabilité. »
Le droit espagnol
13 L’article 333 bis, paragraphe 1, du Código Civil (code civil) définit les animaux comme des êtres vivants dotés de sensibilité. Cette disposition prévoit que le régime juridique des biens et des choses n’est applicable aux animaux que dans la mesure où cela est compatible avec leur nature ou avec les dispositions visant à les protéger.
Le litige au principal et la question préjudicielle
14 Felicísima et sa mère ont réservé des billets d’avion pour effectuer un vol, assuré par Iberia, reliant Buenos Aires (Argentine) à Barcelone (Espagne), le 22 octobre 2019.
15 Ces passagères voyageaient avec leur animal de compagnie, une chienne. En raison de sa taille et de son poids, cette chienne devait voyager en soute, dans une caisse de transport ou dans un conteneur spécial normalisé. Felicísima a enregistré la caisse de transport dans laquelle se trouvait la chienne afin qu’elle soit conduite dans la soute de l’avion, sans faire de déclaration spéciale d’intérêt à la livraison au moment de la remise des bagages enregistrés au sens de l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal.
16 La chienne est sortie de la caisse de transport, s’est mise à courir à proximité de l’avion et n’a pu être récupérée.
17 Felicísima a introduit un recours devant le Juzgado de lo Mercantil no 4 de Madrid (tribunal de commerce no 4 de Madrid, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, en demandant la réparation de son préjudice moral qu’elle évalue à un montant de 5 000 euros. Iberia reconnaît sa responsabilité et le droit de Felicísima à être indemnisée, mais ce dans la limite prévue à l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal.
18 Cette juridiction éprouve des doutes sur le point de savoir si la notion de « bagages », au sens de l’article 17, paragraphe 2, de la convention de Montréal, exclut les animaux de compagnie qui voyagent avec les passagers et si la limite d’indemnisation prévue à l’article 22, paragraphe 2, de cette convention s’applique à ces animaux.
19 Selon ladite juridiction, dans la mesure où les animaux sont des êtres sensibles, au sens de l’article 13 TFUE, ou des êtres vivants dotés de sensibilité, conformément au droit espagnol, liés à leurs propriétaires par des liens d’affection, leur perte entraîne une atteinte psychologique qui n’est pas comparable, de manière générale, à celle causée par la perte d’un simple ensemble de choses correspondant à la notion de « bagages ». Dans ces conditions, la limite d’indemnisation prévue à l’article 22, paragraphe 2, de ladite convention ne semblerait pas appropriée.
20 Par ailleurs, l’atteinte psychologique causée par la perte d’animaux de compagnie ne pourrait pas être prévenue au moyen d’une « déclaration spéciale d’intérêt », au sens de cette dernière disposition, car celle-ci ferait référence à la valeur matérielle du bien.
21 Dans ces conditions, le Juzgado de lo Mercantil no 4 de Madrid (tribunal de commerce no 4 de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 17, paragraphe 2, de la [convention de Montréal], lu en combinaison avec l’article 22, paragraphe 2, de cette convention, doit-il être interprété en ce sens que, aux fins de son application, les animaux de compagnie sont exclus de la notion de “bagages”, enregistrés ou non ? »
Sur la question préjudicielle
22 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 2, de la convention de Montréal, lu en combinaison avec l’article 22, paragraphe 2, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les animaux de compagnie sont exclus de la notion de « bagages » au sens de ces dispositions.
23 Il y a lieu de rappeler d’emblée que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 2027/97, la responsabilité des transporteurs aériens de l’Union à l’égard des passagers et de leurs bagages est régie par toutes les dispositions de la convention de Montréal relatives à cette responsabilité (arrêt du 20 octobre 2022, Laudamotion, C‑111/21, EU:C:2022:808, point 18).
24 Aux termes de l’article 17, paragraphe 2, de cette convention, le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Dans le cas des bagages non enregistrés, notamment des effets personnels, le transporteur est responsable si le dommage résulte de sa faute ou de celle de ses préposés ou mandataires.
25 La notion de « bagages » visée par cette disposition n’est définie ni dans la convention de Montréal ni dans le règlement no 2027/97 dont l’article 2, paragraphe 1, sous d), renvoie à cette convention en énonçant que cette notion correspond, à défaut d’autre définition, à tout bagage enregistré ou non, au sens de l’article 17, paragraphe 4, de ladite convention.
26 Ladite notion doit recevoir, eu égard notamment à l’objet de la convention de Montréal, qui est d’unifier certaines règles relatives au transport aérien international, une interprétation uniforme et autonome pour l’Union et ses États membres. Ainsi, il doit être tenu compte non pas des divers sens pouvant être donnés à la même notion dans les droits internes des États membres, mais des règles d’interprétation du droit international général qui s’imposent à l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, Laudamotion, C‑111/21, EU:C:2022:808, point 21 et jurisprudence citée).
27 À cet égard, l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), qui reflète le droit international coutumier et dont les dispositions font partie de l’ordre juridique de l’Union, précise qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. En outre, l’article 32 de cette convention prévoit qu’il peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, notamment aux travaux préparatoires du traité en cause et aux circonstances dans lesquelles il a été conclu (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2022, Laudamotion, C‑111/21, EU:C:2022:808, point 22 et jurisprudence citée).
28 Dans son sens ordinaire, le terme « bagages » se réfère, de manière générale, à tout objet qu’une personne emporte pour un voyage. Si cet objet peut se présenter sous la forme d’un contenant, tel qu’un sac, une valise ou une boîte, pouvant enfermer des effets personnels, tel n’est pas nécessairement le cas. Une poussette peut ainsi constituer un bagage.
29 Bien que le sens ordinaire du terme « bagages » renvoie à des objets, il ne permet pas, à lui seul, de conclure que les animaux de compagnie ne relèvent pas de cette notion.
30 En effet, s’agissant du contexte dans lequel est mentionné le terme « bagages » à l’article 17, paragraphe 2, de la convention de Montréal, il convient de souligner que ce terme figure également à l’article 1er de cette convention qui détermine le champ d’application de ladite convention. Or, cette disposition énumère, de manière limitative, trois catégories de transport international effectué par aéronef contre rémunération, à savoir le transport international de personnes, de bagages et de marchandises.
31 À cet égard, il ressort des indications de la juridiction de renvoi que celle-ci s’interroge sur le point de savoir si, dans le cadre d’une opération de transport aérien, la perte d’un animal de compagnie relève du régime de responsabilité des « bagages » prévu à l’article 17, paragraphe 2, et à l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal ou bien de celui applicable aux « passagers » défini à l’article 17, paragraphe 1, et à l’article 21 de cette convention.
32 D’emblée, il y a lieu d’écarter une interprétation selon laquelle un animal de compagnie relève de la notion de « passagers », dès lors que l’article 1er de la convention de Montréal vise distinctement les personnes et les bagages. Il découle donc du libellé clair de cette disposition que la notion de « personnes » recouvre celle de « passagers », de telle sorte qu’un animal de compagnie ne saurait être assimilé à un « passager ».
33 Cette interprétation est confirmée par les travaux préparatoires ayant conduit à l’adoption de la convention de Montréal dont il ne ressort pas que les États contractants aient entendu assimiler un animal de compagnie à un passager ou soumettre un tel animal au régime de responsabilité applicable aux passagers (voir, en ce sens, procès-verbaux des réunions de la commission plénière du 10 au 28 mai 1999, Conférence internationale de droit aérien, Montréal, 10 au 28 mai 1999, Doc 9775‑DC/2, vol. I, procès-verbaux, vol. II, documents et vol. III, travaux préparatoires).
34 Dès lors, il y a lieu de considérer que, aux fins d’une opération de transport aérien, un animal de compagnie relève de la notion de « bagages » et l’indemnisation du dommage issu de la perte de celui-ci, à l’occasion d’une telle opération, est soumise au régime de responsabilité prévu pour ces derniers à l’article 17, paragraphe 2, et à l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal.
35 Cette interprétation est confortée par les objectifs qui ont présidé à l’adoption de la convention de Montréal.
36 En effet, aux termes du troisième alinéa du préambule de cette convention, les États parties à celle-ci, conscients de « l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et [de] la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation », ont décidé de prévoir un régime de responsabilité objective des transporteurs aériens. Un tel régime implique, néanmoins, ainsi qu’il découle du cinquième alinéa du préambule de ladite convention, que soit préservé un « équilibre équitable des intérêts » des transporteurs aériens et des passagers [arrêt du 6 juillet 2023, Austrian Airlines (Premiers soins à bord d’un aéronef), C‑510/21, EU:C:2023:550, point 25 et jurisprudence citée].
37 Afin de préserver un tel équilibre, la convention de Montréal prévoit, dans certaines hypothèses – notamment, aux termes de l’article 22, paragraphe 2, de celle-ci, en cas de destruction, de perte, d’avarie ou de retard de bagages –, de limiter l’obligation de responsabilité incombant aux transporteurs aériens, la limitation de l’indemnisation en résultant devant s’appliquer « par passager » (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Espada Sánchez e.a., C‑410/11, EU:C:2012:747, point 30 ainsi que jurisprudence citée).
38 Une limitation de l’indemnisation ainsi conçue permet aux passagers d’être indemnisés, facilement et rapidement, sans pour autant que soit imposée aux transporteurs aériens une charge de réparation très lourde, difficilement identifiable et calculable, qui serait susceptible de compromettre, voire de paralyser, l’activité économique de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2010, Walz, C‑63/09, EU:C:2010:251, point 36, et du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt, C‑532/18, EU:C:2019:1127, point 40).
39 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi, la requérante au principal a enregistré la caisse de transport, dans laquelle se trouvait son animal de compagnie, sans faire de déclaration spéciale d’intérêt à la livraison au moment de la remise des bagages enregistrés au sens de l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal.
40 À cet égard, la Cour a interprété l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal en ce sens que, dans le transport de bagages, la responsabilité du transporteur aérien en cas de destruction, de perte, d’avarie ou de retard « est limitée », à compter du 30 décembre 2009 et jusqu’au 28 décembre 2019, à la somme de 1 131 DTS par passager, mais aussi que la limite prévue à cette disposition constitue un plafond d’indemnisation qui ne saurait être acquis de plein droit et forfaitairement à tout passager, même en cas de perte de ses bagages (arrêt du 9 juillet 2020, Vueling Airlines, C‑86/19, EU:C:2020:538, point 30 et jurisprudence citée).
41 La Cour a également relevé que la possibilité pour le passager de faire une déclaration spéciale d’intérêt au moment de la remise des bagages enregistrés au transporteur, au titre de l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal, confirme que la limite de responsabilité du transporteur aérien pour le préjudice résultant de la perte de bagages est, en l’absence de toute déclaration spéciale d’intérêt à la livraison, une limite absolue qui couvre tant le dommage moral que le dommage matériel (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Vueling Airlines, C‑86/19, EU:C:2020:538, point 31 et jurisprudence citée).
42 Dès lors, dans l’hypothèse où un passager estime que la limite de responsabilité du transporteur aérien pour le préjudice résultant de la perte de bagages est trop basse, il dispose, conformément à l’article 22, paragraphe 2, de la convention de Montréal, de la faculté de fixer, par cette déclaration spéciale d’intérêt à la livraison et moyennant le paiement éventuel d’une somme supplémentaire, cette limite à un montant plus important, sous réserve de l’accord du transporteur aérien.
43 Enfin, l’interprétation figurant au point 34 du présent arrêt ne saurait être infirmée par les termes de l’article 13 TFUE invoqué par la juridiction de renvoi, en vertu duquel, lorsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l’espace, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux.
44 À cet égard, il ressort tant de la jurisprudence de la Cour que de l’article 13 TFUE que la protection du bien-être des animaux constitue un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (arrêt du 29 février 2024, cdVet Naturprodukte, C‑13/23, EU:C:2024:175, point 49 et jurisprudence citée).
45 Néanmoins, l’article 13 TFUE n’interdit pas que les animaux soient transportés en tant que « bagages », au sens de l’article 17, paragraphe 2, de la convention de Montréal, et soient considérés comme tels dans le cadre du système de responsabilité établi par cette convention, à condition que les exigences du bien‑être des animaux soient pleinement prises en compte lors de leur transport.
46 Il ressort des motifs qui précèdent qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 17, paragraphe 2, de la convention de Montréal, lu en combinaison avec l’article 22, paragraphe 2, de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les animaux de compagnie ne sont pas exclus de la notion de « bagages » au sens de ces dispositions.
Sur les dépens
47 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
L’article 17, paragraphe 2, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999, et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, lu en combinaison avec l’article 22, paragraphe 2, de celle-ci,
doit être interprété en ce sens que :
les animaux de compagnie ne sont pas exclus de la notion de « bagages » au sens de ces dispositions.
Signatures