ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)
23 octobre 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Directive (UE) 2015/2302 – Voyages à forfait et prestations de voyage liées – Exécution du forfait – Non-conformité des services fournis – Article 14, paragraphe 1 – Droit à une réduction de prix appropriée – Article 14, paragraphe 2 – Droit à un dédommagement approprié – Article 14, paragraphe 3, sous b) – Circonstances excluant le droit du voyageur à un dédommagement – Non-conformité des services fournis imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et revêtant un caractère imprévisible ou inévitable – Démonstration d’une faute – Article 4 – Niveau d’harmonisation – Remboursement intégral malgré des services partiellement fournis – Article 1er – Niveau élevé de protection des consommateurs – Article 25 – Sanctions – Article 3, point 12 – Notion de “circonstances exceptionnelles et inévitables” – Acte de puissance publique »
Dans l’affaire C‑469/24 [Tuleka] (i),
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy w Rzeszowie (tribunal d’arrondissement de Rzeszów, Pologne), par décision du 27 mars 2024, parvenue à la Cour le 3 juillet 2024, dans la procédure
B.F. (1),
B.F. (2)
contre
Z. sp. z o.o.,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. E. Regan, faisant fonction de président de chambre, MM. D. Gratsias et B. Smulders (rapporteur), juges,
avocat général : Mme L. Medina,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme D. Lutostańska, en qualité d’agents,
–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, Mme S. Šindelková et M. J. Vláčil, en qualité d’agents,
–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes Z. Chatzipavlou et C. Kokkosi, en qualité d’agents,
–        pour la Commission européenne, par Mmes I. Rubene et A. Szmytkowska, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, de l’article 3, point 12, de l’article 4 et de l’article 14, paragraphes 1 à  3, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE)  no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1).
2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant deux voyageurs, B.F. (1) et B.F. (2), à un organisateur de voyages, Z. sp. z. o.o., au sujet d’une demande de  remboursement et de  dédommagement introduite par ces voyageurs à la suite d’un voyage à forfait qui ne s’est pas déroulé comme convenu.
 Le cadre juridique
 Le droit de l’Union
3        Les considérants 3 et 31 de la directive 2015/2302 énoncent :
« (3)      L’article 169, paragraphe 1, et l’article 169, paragraphe 2, point a), [TFUE] prévoient que l’Union doit contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures adoptées en application de l’article 114 [TFUE].
[...]
(31)      Les voyageurs devraient également avoir la possibilité de résilier le contrat de voyage à forfait à tout moment avant le début du forfait moyennant le paiement de frais de résiliation appropriés et justifiables, compte tenu des économies prévisibles en termes de coûts et des revenus escomptés du fait d’une remise à disposition des services de voyage concernés. Ils devraient aussi avoir le droit de résilier le contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait. Il peut s’agir par exemple d’une guerre, d’autres problèmes de sécurité graves, tels que le terrorisme, de risques graves pour la santé humaine, comme l’apparition d’une maladie grave sur le lieu de destination, ou de catastrophes naturelles telles que des inondations, des tremblements de terre ou des conditions météorologiques rendant impossible un déplacement en toute sécurité vers le lieu de destination stipulé dans le contrat de voyage à forfait. »
4        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », prévoit :
« La présente directive a pour objet de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs le plus uniforme possible en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats entre voyageurs et professionnels relatifs aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées. »
5        L’article 3 de ladite directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
12.      “circonstances exceptionnelles et inévitables”, une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ;
13.      “non-conformité”, l’inexécution ou la mauvaise exécution des services de voyage compris dans un forfait ;
[...] »
6        L’article 4 de la même directive, intitulé « Niveau d’harmonisation », se lit comme suit :
« Sauf si la présente directive en dispose autrement, les États membres s’abstiennent de maintenir ou d’introduire, dans leur droit national, des dispositions s’écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs. »
7        L’article 13 de directive 2015/2302, intitulé « Responsabilité de l’exécution du forfait », prévoit :
« 1.      Les États membres veillent à ce que l’organisateur soit responsable de l’exécution des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait, indépendamment du fait que ces services doivent être exécutés par lui-même ou par d’autres prestataires de services de voyage.
Les États membres peuvent conserver ou introduire dans leur droit national des dispositions en vertu desquelles le détaillant est aussi responsable de l’exécution du forfait. Dans ce cas, les dispositions de l’article 7, du chapitre III, du présent chapitre et du chapitre V qui sont applicables à l’organisateur s’appliquent également mutatis mutandis  au détaillant.
[...]
3.      Si l’un des services de voyage n’est pas exécuté conformément au contrat de voyage à forfait, l’organisateur remédie à la non-conformité, sauf si cela :
a)      est impossible ; ou
b)      entraîne des coûts disproportionnés, compte tenu de l’importance de la non-conformité et de la valeur des services de voyage concernés.
Si l’organisateur ne remédie pas à la non-conformité conformément au premier alinéa, point a) ou b), du présent paragraphe, l’article 14 s’applique.
[...]
5.      Lorsqu’une part importante des services de voyage ne peut être fournie comme prévu dans le contrat de voyage à forfait, l’organisateur propose, sans supplément de prix pour le voyageur, d’autres prestations appropriées, si possible de qualité égale ou supérieure à ceux spécifiés dans le contrat, pour la continuation du forfait, y compris lorsque le retour du voyageur à son lieu de départ n’est pas fourni comme convenu.
Lorsque les autres prestations proposées donnent lieu à un forfait de qualité inférieure à celle spécifiée dans le contrat de voyage à forfait, l’organisateur octroie au voyageur une réduction de prix appropriée.
Le voyageur ne peut refuser les autres prestations proposées que si elles ne sont pas comparables à ce qui avait été prévu dans le contrat de voyage à forfait ou si la réduction de prix octroyée n’est pas appropriée.
[...] »
8        L’article 14 de cette directive, intitulé « Réduction de prix et dédommagement », dispose :
« 1.      Les États membres veillent à ce que le voyageur ait droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité des services fournis, sauf si l’organisateur prouve que la non-conformité est imputable au voyageur.
2.      Le voyageur a droit à un dédommagement approprié de la part de l’organisateur pour tout préjudice subi en raison de la non-conformité des services fournis. Le dédommagement est effectué sans retard excessif.
3.      Le voyageur n’a droit à aucun dédommagement si l’organisateur prouve que la non-conformité est :
a)      imputable au voyageur ;
b)      imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et revêt un caractère imprévisible ou inévitable ; ou
c)      due à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
[...] »
9        Aux termes de l’article 25 de ladite  directive, intitulé « Sanctions » :
« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives. »
 Le droit polonais
10      L’ustawa o imprezach turystycznych i powiązanych usługach turystycznych (loi relative aux événements touristiques et aux services touristiques connexes), du 24 novembre 2017 (Dz. U. de 2017, position 2361), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi relative aux voyages »), prévoit, à son article 4 :
« [...]
15)      On entend par “circonstances exceptionnelles et inévitables”, une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ;
16)      On entend par “non-conformité”, l’inexécution ou la mauvaise exécution des services de voyage compris dans un forfait ;
[...] »
11      L’article 50 de cette loi dispose :
« 1.      Le voyageur a droit à une réduction de prix pour toute période au cours de laquelle la non-conformité est établie, à moins que celle-ci n’ait été exclusivement causée par une action ou par une omission du voyageur.
2.      Le voyageur a droit à l’indemnisation ou à la réparation du préjudice qu’il a subi en raison de la non-conformité. L’organisateur de voyages verse immédiatement l’indemnisation ou la réparation.
3.      Le voyageur n’a pas droit à l’indemnisation ou à la réparation en cas de non–conformité si l’organisateur de voyage prouve que
1)      la non–conformité est imputable à la faute du voyageur ;
2)      la non-conformité est imputable à la faute d’un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait, et revêt un caractère imprévisible ou inévitable ;
3)      la non-conformité est due à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
[...] »
 Le litige au principal et les questions préjudicielles
12      Le 27 juillet 2022, les requérants au principal ont conclu avec la défenderesse au principal, pour un prix de 8 696 zlotys polonais (PLN) (environ 2 048 euros),  un contrat relatif à un voyage et à un séjour « tout compris » dans un hôtel cinq étoiles en Albanie pour la période allant du 1er septembre au 8 septembre 2023.
13      Le premier jour de ce séjour, les requérants au principal ont été réveillés par le fracas de travaux de démolition des deux piscines de cet hôtel. Ces travaux ont duré du premier au quatrième jour dudit séjour, de 7 h 30 à 19 h 30. Ils ont été ordonnés par les autorités albanaises et ont été effectués en présence de divers médias et de la police. À la fin desdits travaux, ces  piscines, la promenade de front de mer, le front de mer pavé avec accès à la mer et l’infrastructure de front de mer étaient démolis.
14      Pendant le même séjour, les requérants au principal ont fait de longues files d’attente pour obtenir leur repas et ont été obligés de venir au début de la plage horaire indiquée, car seul un petit nombre de repas étaient servis. En outre, le service de collation qui était prévu à 17 heures a été supprimé.
15      Par ailleurs, au cours des trois derniers jours du séjour concerné, des travaux pour l’ajout d’un cinquième étage à l’hôtel en cause ont été entamés. Les matériaux de construction nécessaires à ces travaux ont été acheminés par les ascenseurs qui étaient utilisés par les clients de cet hôtel.
16      À la suite de ce séjour, les requérants au principal ont réclamé à la défenderesse au principal le paiement d’un dédommagement d’un montant de 22 696 PLN (environ 5 346 euros), correspondant à une somme de 8 696 PLN (environ  2 048 euros),  à titre de réparation du dommage matériel qu’ils ont subi en raison de l’inexécution fautive, par la défenderesse au principal, du contrat de voyage à forfait en cause, et à une somme de 14 000 PLN (environ 3 298 euros),  à titre de réparation du préjudice moral qu’ils ont encouru.
17      La défenderesse au principal s’est opposée à ce paiement. Elle a fait valoir que, dès lors que les travaux de démolition concernés  étaient la conséquence d’une décision des autorités albanaises à laquelle elle devait se soumettre, elle a été placée dans des circonstances exceptionnelles et inévitables qui l’exonéreraient de son obligation de dédommager les requérants au principal. Elle indique, en outre, qu’elle avait proposé à ceux-ci un chèque-vacances d’une valeur de 750 PLN (environ 165 euros) à titre de dédommagement pour les non-conformités dues à ces travaux de démolition.
18      Saisie de ce litige, la juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur la compatibilité de l’article 50, paragraphe 3, point 2, de la loi relative aux voyages avec la directive 2015/2302 en ce que cette disposition prévoit que le voyageur n’a pas droit à l’indemnisation en cas de non-conformité si l’organisateur de voyages prouve que la non-conformité est imputable à la faute d’un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et que cette non-conformité revêt un caractère imprévisible ou inévitable.
19      Selon cette juridiction, l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302 exclut le dédommagement d’un voyageur par l’organisateur de voyages concerné si ce dernier prouve que la non-conformité est imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait  en cause et que cette non-conformité revêt un caractère imprévisible ou inévitable, sans que cet organisateur soit tenu de prouver la faute de ce tiers. L’obligation, pour l’organisateur de voyages, de prouver la faute d’un tiers, prévue à l’article 50, paragraphe 3, point 2, de la loi relative aux voyages, contreviendrait à l’harmonisation complète à laquelle a procédé la directive 2015/2302, telle que prévue à  l’article 4 de celle-ci, et laquelle est confirmée par une interprétation historique découlant de l’article 8 de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO 1990, L 158, p. 59),  qui a été abrogée par la directive 2015/2302. La condition de faute exigerait un examen tant objectif, à savoir l’appréciation de l’illégalité du comportement, que subjectif, à savoir l’appréciation du comportement de l’auteur, sans que cela soit prévu par la directive 2015/2302.
20      En deuxième lieu, compte tenu du fait que la défenderesse au principal n’a que très partiellement fourni aux requérants au principal les services prévus par le contrat de voyage à forfait en cause, ladite juridiction s’interroge sur la question de savoir si, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, il peut être fait droit à la demande de ces requérants tendant à obtenir le remboursement de la totalité du prix qu’ils ont payé à la défenderesse au principal pour leur voyage à forfait.
21      À cet égard, elle observe que, d’un point de vue lexical,  les termes « réduction de prix appropriée » incluent une réduction maximale et, partant, que ces termes permettraient le remboursement de la totalité du prix payé par des voyageurs. Une telle réduction maximale se justifierait lorsqu’il est considéré que l’organisateur de voyages concerné a fourni un service sans valeur.
22      D’après la juridiction de renvoi, cette réduction maximale pourrait également se justifier lorsque des voyageurs sont confrontés à une non-conformité grave. Le considérant 3 de la directive 2015/2302, dont il ressort que l’objectif de cette directive est de contribuer à la réalisation  d’un niveau élevé de protection des consommateurs, étayerait cette approche. Au vu de cet objectif, un niveau de non-conformité qui aurait pour conséquence que le service fourni par l’organisateur de voyages concerné était sans valeur devrait correspondre à une non-conformité grave.
23      Cette juridiction se demande néanmoins si, lorsque des voyageurs ont bénéficié de services minimaux malgré une non-conformité grave, il peut néanmoins être fait droit à une demande de ces voyageurs tendant au remboursement de la totalité du prix payé par ceux-ci,  compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union. Elle estime que tel doit être le cas.
24      En troisième lieu, ladite juridiction estime que, au vu du conflit croissant et médiatisé entre les autorités albanaises et le propriétaire de l’hôtel en cause au principal, la défenderesse au principal pourrait, en tant que professionnel, être tenue responsable de ne pas avoir anticipé ce conflit.
25      Dans ce contexte, elle se demande si le droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité ainsi que le droit à un dédommagement approprié pour tout préjudice subi en raison de la non-conformité, visés à l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/2302, ont uniquement pour objectif de rétablir l’équilibre contractuel entre les parties concernées  en cas de non-conformité ou si ces droits se caractérisent également par un élément de sanction et de dissuasion afin d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs.
26      Selon la juridiction de renvoi, s’il était considéré que, par l’adoption de la directive 2015/2302, le législateur de l’Union avait également voulu dissuader les organisateurs de voyages à forfait de tolérer une non-conformité, alors le fait que des consommateurs ont bénéficié de certains services ne ferait pas obstacle au remboursement de la totalité des sommes qu’ils ont payées. En effet, il serait possible d’exiger des organisateurs de voyages qu’ils effectuent une analyse du marché des voyages en vérifiant l’existence de risques concrets de non-conformité. Ainsi, un droit à une réduction de prix appropriée conduirait à une pleine protection des consommateurs dès lors que des sanctions seraient  prévues dans les cas où cette analyse n’est pas effectuée correctement.
27      En quatrième et dernier lieu, cette juridiction souhaite savoir si un acte de puissance publique peut relever de la notion de  « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302. À cet égard,  elle relève qu’un tel acte échappe au contrôle de son destinataire, en ce sens que ce dernier se trouve dans un rapport de subordination à l’égard de l’autorité publique concernée. Elle estime cependant que la procédure administrative menant à l’adoption d’un tel acte est basée sur des règles de droit, dure un certain temps et permet la participation du destinataire de cet acte. En outre, ce destinataire se verrait octroyer la possibilité d’introduire un recours contre ledit acte. De plus, elle fait observer que, au considérant 31 de la directive 2015/2302, le législateur de l’Union précise la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables ». Il s’agit, entre autres, d’une guerre, du terrorisme, de l’apparition d’une maladie grave sur le lieu de destination ou de catastrophes naturelles telles que des inondations, des tremblements de terre ou des conditions météorologiques rendant impossible un déplacement en toute sécurité vers le lieu de destination stipulé dans le contrat de voyage à forfait. Cette énumération ne permettrait pas de supposer qu’un acte de puissance publique tel qu’une décision ordonnant la destruction d’une partie d’une infrastructure touristique soit une circonstance exceptionnelle et inévitable.
28      Dans ces circonstances, le Sąd Rejonowy w Rzeszowie (tribunal d’arrondissement de Rzeszów, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1)      Convient-il d’interpréter les dispositions combinées de l’article 14, paragraphe 3, sous b), et de l’article 4 de la directive [2015/2302]  en ce sens qu’elles s’opposent à l’application d’une disposition du droit national telle que l’article 50, paragraphe 3, point 2, de la [loi relative aux voyages] dans la mesure où cette disposition impose à un organisateur de voyages l’obligation de démontrer l’existence d’une faute en cas de non-conformité lorsque celle-ci est imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et revêt un caractère imprévisible ou inévitable ?
2)      Convient-il d’interpréter l’article 14, paragraphe 1, de la directive [2015/2302]  en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une interprétation des dispositions du droit national selon laquelle la réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité est susceptible d’entraîner, en raison d’une non-conformité grave, le remboursement intégral du prix payé par les voyageurs, même si les voyageurs ont bénéficié d’une partie des services fournis par l’organisateur ?
3)      Convient-il d’interpréter l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive [2015/2302]  en ce sens que le droit à la réduction du prix pour toute période de non-conformité et le droit à l’indemnisation de tout préjudice résultant de la non-conformité sont uniquement de nature à rétablir l’équilibre contractuel, ou convient-il de considérer qu’ils ont également un caractère de sanction, visant à dissuader l’organisateur de tolérer la non-conformité ?
4)      Convient-il d’interpréter l’article 3, point 12, de la directive [2015/2302] en ce sens que les actes de puissance publique, y compris une décision concernant la démolition d’un hôtel prise par un représentant du gouvernement, ne relèvent pas de la notion de “circonstances exceptionnelles et inévitables” ? »
 Sur les questions préjudicielles
 Sur la première question
29      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302, lu en combinaison avec l’article 4 de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à  une disposition du droit national qui prévoit que, lorsque la non-conformité de services de voyage à forfait est imputable à un tiers étranger à la fourniture de ces services et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, l’organisateur de voyages doit démontrer que cette non-conformité est due à la faute de ce tiers afin de pouvoir s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du voyageur.
30      En vertu de l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302, le voyageur n’a droit à aucun dédommagement si l’organisateur prouve que la non-conformité des services fournis est imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et revêt un caractère imprévisible ou inévitable.
31      En l’absence de définition, dans la directive 2015/2302, des termes « imputable à » figurant à cette disposition ou de renvoi exprès, par cette directive, au droit des États membres pour déterminer le sens de ces termes, il convient de procéder à une interprétation autonome de ceux-ci en tenant compte de leur sens habituel dans le langage courant, du contexte dans lequel ils sont utilisés et de l’objectif poursuivi par ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 8 juin 2023, UFC - Que choisir et CLCV, C‑407/21, EU:C:2023:449, point 24 ainsi que jurisprudence citée, et du 30 avril 2025, Galte, C‑63/24, EU:C:2025:292, points 28 et 29 ainsi que jurisprudence citée).
32      Selon leur sens habituel dans le langage courant, les termes « imputable à » une personne signifient qu’un fait est le résultat du comportement de cette personne, sans nécessairement impliquer que ce comportement est constitutif de la violation, commise de manière intentionnelle ou par négligence, d’une obligation imposée à ladite personne soit par le droit national applicable, soit par une clause contractuelle. Dès lors, les termes « imputable à un tiers » figurant à l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302 couvrent, certes, l’hypothèse où la non-conformité des services de voyage résulterait d’une « faute » de ce tiers. Ils ont, néanmoins, un sens plus large et englobent également l’hypothèse où cette non-conformité trouverait son origine dans un comportement dudit tiers non constitutif d’une « faute ».
33      Partant, eu égard au sens habituel des termes « imputable à » figurant à  l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302, il y a lieu de considérer que cette disposition  permet  à un organisateur de voyages de s’exonérer de son obligation de dédommagement vis-à-vis d’un voyageur, en cas de non-conformité des services fournis, s’il démontre que cette non-conformité est attribuable à un tiers, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que ladite non-conformité résulte d’une faute commise par celui-ci.
34      Cette interprétation est corroborée par le contexte dans lequel ces termes sont utilisés. En effet, les articles 13 et 14 de la directive 2015/2302, qui font partie du chapitre IV de celle-ci, intitulé « Exécution du forfait », mettent en place un régime de responsabilité contractuelle harmonisé des organisateurs de voyages qui se caractérise par une responsabilité sans faute de ces organisateurs et par une définition limitative des cas de figure dans lesquels ceux-ci peuvent s’exonérer de cette responsabilité [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C‑396/21, EU:C:2023:10, point 25].
35      En particulier, l’article 13 de cette directive, intitulé « Responsabilité de l’exécution du forfait », prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres veillent à ce que l’organisateur de voyages soit responsable de l’exécution des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait, indépendamment du fait que ces services doivent être exécutés par lui-même ou par d’autres prestataires de services de voyage.  Le paragraphe 3 de cet article précise, à cet égard,  que, si l’un desdits services n’est pas exécuté conformément à ce contrat, cet organisateur doit, en principe, y remédier et, dans les situations où celui-ci n’y remédie pas, le voyageur concerné a droit à une réduction de prix ainsi qu’à un dédommagement, conformément à l’article 14, paragraphes 1 et  2, de ladite directive. L’organisateur de voyages est donc, en principe, responsable en cas d’inexécution des services de voyage à forfait et cela indépendamment de l’existence d’une éventuelle faute que lui ou ses prestataires de services auraient commise lors de l’exécution de ces services.
36      Si l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 établit le principe d’une responsabilité sans faute de l’organisateur de voyages pour tout préjudice subi par le voyageur en raison de la non-conformité des services fournis, le paragraphe 3 de cet article permet à cet organisateur de s’exonérer de cette responsabilité en prouvant que cette non-conformité relève de l’un des trois cas de figure qu’il énumère limitativement à ce paragraphe 3, sous a) à c). Ces trois cas ont en commun que la non-conformité est attribuable à une source externe à l’organisateur, à savoir au voyageur lui-même, à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage ou à des circonstances exceptionnelles. Ledit paragraphe 3, sous b) et  c),  prévoit la condition additionnelle selon laquelle la non-conformité due à un tiers ou à des circonstances exceptionnelles doit présenter un caractère inévitable. En revanche, dans aucun desdits trois cas de figure il n’est question d’une « faute ».
37      Enfin, s’agissant de l’objectif poursuivi par la directive 2015/2302, il ressort de l’article 1er de celle-ci que cet objectif consiste, notamment, à contribuer à la réalisation  d’un niveau élevé de protection des consommateurs. L’interprétation de l’article 14, paragraphe 3, sous b), de cette directive  retenue au point 33 du présent arrêt permet de garantir un tel niveau de protection des consommateurs, dès lors que l’organisateur de voyages qui veut, en application de cette disposition, s’exonérer de sa responsabilité en raison de la non-conformité des services de voyage en cause doit démontrer non seulement que cette non‑conformité est due à un tiers étranger à la fourniture de ces services de voyage, mais également que ladite non-conformité revêt un caractère imprévisible ou inévitable.  L’objectif d’assurer un tel niveau de protection des consommateurs poursuivi par ladite directive ne peut dès lors, à lui seul, justifier qu’un organisateur de voyages soit tenu de démontrer la faute d’un tiers afin de pouvoir s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du consommateur concerné en cas de non-conformité.
38      Par ailleurs, dès lors que l’article 4 de la directive 2015/2302 prévoit que, sauf disposition contraire, les États membres ne peuvent maintenir ou introduire dans leur droit national des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs que celles fixées par cette directive et que celle-ci ne comporte pas de disposition permettant aux États membres d’introduire ou de maintenir des dispositions visant à assurer un niveau différent de protection de voyageurs que celui prévu à son article 14, paragraphe 3, sous b), les États membres ne peuvent maintenir ou adopter  une disposition de droit national en vertu de laquelle les organisateurs de voyages sont exonérés de leur obligation de dédommagement en cas de non-conformité des services de voyage à forfait fournis imputable à un tiers étranger à la fourniture de ces services, uniquement si ces organisateurs démontrent que cette non-conformité est due à la faute de ce tiers et qu’elle revêt un caractère imprévisible ou inévitable.
39      Par conséquent, l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302  s’oppose à une disposition de droit national, telle que celle en cause au principal, qui prévoit qu’un voyageur n’a droit à aucun dédommagement de la part de l’organisateur de voyages concerné en cas de non-conformité des services de voyage à forfait  fournis imputable à un tiers étranger à la fourniture de ces services, uniquement si cet organisateur démontre que cette non-conformité est due à la faute de ce tiers et revêt un caractère imprévisible ou inévitable.
40      Cela étant, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 288, troisième alinéa, TFUE (arrêt du 11 juillet 2024, Plamaro, C‑196/23, EU:C:2024:596, point 41 et jurisprudence citée).
41      Or, ainsi que la Commission l’a fait valoir dans ses observations écrites, une telle interprétation conforme serait possible dans le cas où le terme polonais « faute », utilisé à l’article 50, paragraphe 3, de la loi relative aux voyages, serait compris comme signifiant « imputable à », au sens retenu au point 33 du présent arrêt, ce qu’il convient à la juridiction de renvoi d’apprécier.
42      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302, lu en combinaison avec l’article 4 de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition du droit national qui prévoit que, lorsque la non-conformité de services de voyage à forfait est imputable à un tiers étranger à la fourniture de ces services et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, l’organisateur de voyages doit démontrer que cette non-conformité est due à la faute de ce tiers afin de pouvoir s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du voyageur.
 Sur la deuxième question
43      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que, même si un voyageur a bénéficié d’une partie des services fournis par un organisateur de voyages, la réduction de prix appropriée à laquelle ce voyageur a droit en cas de non-conformité de ces services peut correspondre à un remboursement intégral du prix du voyage à forfait concerné lorsque cette non-conformité est grave.
44      Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, un voyageur a « droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité des services fournis, sauf si l’organisateur prouve que la non-conformité est imputable au voyageur ».
45      Ainsi, la réduction de prix visée à cette disposition  doit être en adéquation avec l’ensemble de la période au cours de laquelle la non–conformité a lieu. En outre, il a déjà été jugé que l’appréciation du caractère approprié de cette réduction de prix doit, tout comme la constatation d’une non-conformité,  se faire de manière objective en tenant compte des obligations de l’organisateur de voyages concerné en vertu du contrat de voyage à forfait contracté [arrêt du 12 janvier 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C‑396/21, EU:C:2023:10, point 39].
46      En effet, il ressort d’une lecture combinée de l’article 14, paragraphe 1, et de l’article 3, point 13, de la directive 2015/2302 que l’obligation,  incombant aux organisateurs de voyages, d’accorder une telle réduction de prix ne s’apprécie qu’au regard des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait qui font l’objet d’une inexécution ou d’une mauvaise exécution, étant entendu que les obligations résultant, pour l’organisateur de voyages concerné, d’un tel contrat ne sauraient être interprétées de manière restrictive et comprennent, dès lors, non seulement celles qui sont explicitement stipulées à ce contrat, mais également celles qui y sont liées résultant du but dudit contrat [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C‑396/21, EU:C:2023:10, points 37 et 38].
47      Par conséquent, l’appréciation du caractère approprié de la réduction de prix en question doit se fonder sur une estimation de la valeur des services de voyage compris dans le forfait concerné qui n’ont pas été exécutés ou mal exécutés en tenant compte de la durée de cette inexécution ou de cette mauvaise exécution et de la valeur de ce forfait. La réduction de prix dudit forfait doit correspondre à la valeur des services de voyage qui sont non conformes [arrêt du 12 janvier 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C‑396/21, EU:C:2023:10, points 39]. Plus l’inexécution ou la mauvaise exécution est grave, plus la réduction de prix doit être importante pour pouvoir être considérée comme étant appropriée.
48      Ainsi, lorsque l’ensemble des services de voyage fournis à un voyageur sont non  conformes et que l’organisateur de voyages concerné ne prouve pas que cette non‑conformité est imputable à ce voyageur, celui-ci a droit à un remboursement intégral du prix du forfait concerné de la part de cet organisateur, en application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302.
49      Par ailleurs, eu égard de l’objectif de la directive 2015/2302 de contribuer à la réalisation  d’un niveau élevé de protection des consommateurs, tel qu’énoncé à l’article 1er de cette directive, un voyageur doit également avoir droit à un remboursement intégral du prix du forfait concerné, en application de l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, lorsque, malgré la fourniture de certains services, la non-conformité des services fournis est  d’une gravité telle que ce forfait n’a plus d’objet et que, partant, le voyage à forfait n’a objectivement plus d’intérêt pour ce voyageur. En effet, lorsque cette non-conformité est d’une telle ampleur qu’elle rend sans intérêt et sans valeur, au regard de l’objet dudit forfait, les services qui ont été fournis, ladite non-conformité équivaut de fait à une inexécution du même forfait qui confère un droit à un remboursement intégral du prix de celui-ci, en application de cette dernière disposition.
50      En l’occurrence, il appartiendra, dès lors, à la juridiction de renvoi d’apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances, si les travaux de démolition, les travaux de construction et les manquements aux services de restauration en cause au principal ont eu pour conséquence que le voyage à forfait  des requérants au principal avait perdu son objet et était donc, objectivement, devenu sans intérêt pour ces derniers. Si la juridiction de renvoi parvient à cette conclusion, ces requérants doivent avoir droit, en application de la réglementation nationale  visant à transposer l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 dans le droit polonais, à un remboursement intégral du prix de ce voyage à forfait de la part de la défenderesse au principal, en sa qualité d’organisateur de voyages.
51      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que, même si un voyageur a bénéficié d’une partie des services fournis par un organisateur de voyages, la réduction de prix appropriée à laquelle ce voyageur a droit en cas de non-conformité de ces services peut correspondre à un remboursement intégral du prix du voyage à forfait concerné lorsque cette non-conformité est d’une gravité telle que, eu égard à son objet,  ce voyage à forfait  n’a  objectivement plus d’intérêt pour ledit voyageur.
 Sur la troisième question
52      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 14, paragraphes 1 et  2, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que le droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non‑conformité et le droit à un dédommagement de tout préjudice subi en raison  d’une non-conformité, prévus à cette disposition, ont uniquement pour objet de rétablir l’équilibre contractuel entre les organisateurs de voyages et les voyageurs, compte tenu des services effectivement fournis par ces organisateurs  et du prix payé par ces voyageurs, ou si ces droits ont également pour objet de sanctionner lesdits  organisateurs  afin de  les  dissuader de tolérer une non-conformité.
53      Le gouvernement polonais met en cause la recevabilité de cette question au motif que les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi s’interroge sur l’objet desdits droits ne ressortent pas à suffisance de la décision de renvoi.
54      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 27 juin 2024, Gestore dei Servizi Energetici, C‑148/23, EU:C:2024:555, point 29 et jurisprudence citée).
55      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 27 juin 2024, Gestore dei Servizi Energetici, C‑148/23, EU:C:2024:555, point 30 et jurisprudence citée).
56      Or, il ressort à suffisance de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi souhaite savoir si les droits des voyageurs  à une réduction de prix et à un dédommagement appropriés,  prévus à l’article 14, paragraphes 1 et  2, de la directive 2015/2302, ont également pour objet de sanctionner et de dissuader les organisateurs de voyages, de sorte que, lors de la détermination du montant de cette réduction et de ce dédommagement, il y aurait lieu de prendre en compte le fait qu’ils ont pour objet de sanctionner ces  organisateurs. Partant, la troisième question est recevable.
57      S’agissant de la réponse à apporter à cette question, il y a lieu de relever qu’il ressort du libellé de l’article 14, paragraphes 1 et  2, de la directive 2015/2302 que, sous réserve des exceptions prévues à ces dispositions, les États membres doivent veiller à ce que,  pour toute période de non-conformité des services fournis et pour tout préjudice subi en raison de cette non-conformité, les voyageurs aient droit, respectivement, à une réduction de prix et à un dédommagement appropriés de la part des organisateurs de voyages. En conférant ces droits aux voyageurs, cette disposition permet de rétablir l’équilibre contractuel  existant lors de la conclusion de contrats de voyage à forfait en ce qu’elle permet, d’une part,  d’exiger des organisateurs de voyages qu’ils rétablissent un prix qui correspond aux services effectivement fournis et, d’autre part, d’obtenir, auprès de ces  organisateurs, une compensation  pour le préjudice que les voyageurs concernés  ont subi en raison de la non-conformité des services fournis.
58      En revanche, ni le libellé de l’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/2302 ni le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition ne permettent de considérer que l’octroi des droits  aux voyageurs prévus à celle-ci  a également pour objectif de permettre de sanctionner les organisateurs de voyages en cas de non-conformité. Ni ladite disposition ni l’article 13 de cette directive, qui prévoit un  régime de responsabilité contractuelle harmonisé  de ces organisateurs,  ne prévoient la possibilité d’imposer à ceux-ci des dommages et intérêts punitifs. L’article 25 de la directive 2015/2302, qui prévoit que les États membres déterminent le régime de sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de cette directive, confirme que l’octroi de ces droits aux voyageurs n’a pas pour objectif de permettre de sanctionner lesdits  organisateurs.
59      En outre, l’objectif de la directive 2015/2302 de contribuer à la réalisation d’un niveau de protection élevé des consommateurs ne saurait, à lui seul, justifier une interprétation de  l’article 14, paragraphes 1 et 2, de cette directive  selon laquelle cette disposition aurait également pour objectif de sanctionner les organisateurs de voyages. En effet, un tel niveau de protection est déjà atteint par ladite directive en conférant lesdits droits aux voyageurs afin de rétablir l’équilibre contractuel entre ceux-ci et ces  organisateurs à la suite de non-conformités des services fournis.
60      Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 14, paragraphes 1 et  2, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que le droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité et le droit à un dédommagement de tout préjudice subi en raison d’une non-conformité, prévus à cette disposition, ont pour objet de rétablir l’équilibre contractuel entre les organisateurs de voyages et les voyageurs  et non de sanctionner ces  organisateurs.
 Sur la quatrième question
61      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que les situations résultant d’actes de puissance publique, telles que la démolition d’une infrastructure touristique en exécution d’une décision d’une autorité publique,  ne relèvent pas de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de cette disposition.
62      À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302 définit la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » comme étant « une situation échappant au contrôle de la partie qui invoque cette situation et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises ».
63      Le considérant 31 de cette directive illustre la portée de cette notion en ce qu’il indique qu’« [i]l peut s’agir par exemple d’une guerre, d’autres problèmes de sécurité graves, tels que le terrorisme, de risques graves pour la santé humaine, comme l’apparition d’une maladie grave sur le lieu de destination, ou de catastrophes naturelles telles que des inondations, des tremblements de terre ou des conditions météorologiques rendant impossible un déplacement en toute sécurité vers le lieu de destination stipulé dans le contrat de voyage à forfait ».
64      En outre, il a déjà été jugé par la Cour que la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » s’apparente à la notion de « force majeure » au sens de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées. Ainsi, en dépit de l’absence de toute référence, dans la directive 2015/2302, à la force majeure, la Cour a considéré que cette notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables » concrétise et constitue une mise en œuvre exhaustive de la notion de « force majeure » dans le cadre de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2023, UFC - Que choisir et CLCV, C‑407/21, EU:C:2023:449, points 54 et 56 ainsi que jurisprudence citée).
65      Par ailleurs, la Cour a jugé que les termes « exceptionnelles et inévitables » visés par l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302 n’ont trait qu’à des situations qui étaient imprévisibles (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2024, Tez Tour, C‑299/22, EU:C:2024:181, point 74).
66      Il s’ensuit que les situations résultant d’actes de puissance publique ne peuvent relever de la notion de  « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302, que si ces situations échappent au contrôle de la partie qui l’invoque et ont des conséquences qui n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises, ce qui implique que ces circonstances sont étrangères à celui qui l’invoque et sont imprévisibles.
67      Or, l’adoption d’actes de puissance publique  est généralement régie par des règles tant procédurales que de fond garantissant notamment que ces actes sont adoptés de manière transparente à la suite d’une mise en balance de divers intérêts. L’exécution desdits actes est, en outre, généralement précédée d’une certaine publicité. Les situations résultant de l’adoption de tels actes ne sont donc généralement pas imprévisibles.
68      En l’occurrence, la défenderesse au principal estime que les travaux de démolition en cause sont la conséquence d’un acte de puissance publique auquel elle devait se soumettre, de sorte que la non-conformité qui résulte de cet acte correspond à une circonstance exceptionnelle et inévitable qui la libère de son obligation de dédommagement vis-à-vis des requérants au principal.
69      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, sous c), de la directive 2015/2302, le voyageur n’a droit à aucun dédommagement si l’organisateur prouve que la non-conformité est due à des circonstances exceptionnelles et inévitables.
70      Il incombe dès lors à la juridiction de renvoi d’apprécier si, en l’occurrence, la démolition des infrastructures en cause au principal,  en exécution d’une décision des autorités albanaises, a créé une situation qui a échappé au contrôle de l’organisateur de voyages concerné et a eu des conséquences qui n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. À cet égard, il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer si, avant l’adoption de cette décision, cet organisateur ou le gérant de l’infrastructure touristique en cause a été informé de la procédure ayant abouti à l’adoption de ladite décision, voire a participé à cette procédure, ou si ces personnes ont été informées du contenu de la même décision avant qu’elle n’ait été mise en exécution. Une telle information ou participation de ce gérant est suffisante dès lors que, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, ledit organisateur peut être tenu responsable de toute non-conformité causée par ses prestataires de services de voyage (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, Kuoni Travel, C‑578/19, EU:C:2021:213, point 35).
71      En présence d’une telle participation ou d’une telle information, la démolition des infrastructures en cause ne peut être considérée comme étant imprévisible. La non-conformité des services fournis en raison d’une telle démolition ne peut être considérée comme étant  une situation échappant au contrôle de l’organisateur de voyages concerné  et dont les conséquences n’auraient pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises. En effet, si cet organisateur ou son prestataire de services sont informés d’une telle décision et ledit organisateur bénéficie d’un délai suffisant pour pouvoir, avec la diligence requise,  proposer au voyageur concerné d’autres prestations appropriées conformément à l’article 13, paragraphe 5, de la directive 2015/2302, avant la mise en œuvre de cette décision, il ne saurait être considéré que les conséquences découlant de ladite décision n’auraient pu être évitées par le même organisateur. Dans de telles circonstances, cette démolition ne serait pas susceptible de relever de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables »,  au sens de l’article 14, paragraphe 3, sous c), de la directive 2015/2302.
72      Le cas échéant, le caractère prévisible de la démolition des infrastructures en cause en exécution d’une décision des autorités albanaises exclurait également que l’organisateur de voyages concerné puisse s’exonérer de son obligation de dédommager les requérants au principal en application de l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 2015/2302, qui prévoit que le voyageur n’a droit à aucun dédommagement si l’organisateur prouve que la non-conformité est imputable à un tiers étranger à la fourniture des services de voyage compris dans le contrat de voyage à forfait et revêt un caractère imprévisible ou inévitable.
73      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la quatrième question que l’article 3, point 12, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que les situations résultant de l’adoption d’actes de puissance publique, telles que la démolition d’une infrastructure touristique  en exécution d’une décision d’une autorité publique, ne relèvent pas de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de cette disposition, lorsque ces actes ont été adoptés à la suite d’une procédure qui a permis aux intéressés, tels que l’organisateur de voyages concerné ou ses éventuels prestataires de services de voyage, d’en avoir connaissance en temps utile avant leur exécution.
 Sur les dépens
74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :
1)      L’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil, lu en combinaison avec l’article 4 de cette directive,
doit être interprété en ce sens que :
il s’oppose à une disposition du droit national qui prévoit que, lorsque la non-conformité de services de voyage à forfait est imputable à un tiers étranger à la fourniture de ces services et revêt un caractère imprévisible ou inévitable, l’organisateur de voyages doit démontrer que cette non-conformité est due à la faute de ce tiers afin de pouvoir s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du voyageur.
2)      L’article 14, paragraphe 1, de la directive 2015/2302
doit être interprété en ce sens que :
même si un voyageur a bénéficié d’une partie des services fournis par un organisateur de voyages, la réduction de prix appropriée à laquelle ce voyageur a droit en cas de non-conformité de ces services peut correspondre à un remboursement intégral du prix du voyage à forfait concerné lorsque cette non-conformité est d’une gravité telle que, eu égard à son objet, ce voyage à forfait n’a objectivement plus d’intérêt pour ledit voyageur.
3)      L’article 14, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/2302
doit être interprété en ce sens que :
le droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité et le droit à un dédommagement de tout préjudice subi en raison d’une non-conformité, prévus à cette disposition, ont pour objet de rétablir l’équilibre contractuel entre les organisateurs de voyages et les voyageurs et non de sanctionner ces organisateurs.
4)      L’article 3, point 12, de la directive 2015/2302
doit être interprété en ce sens que :
les situations résultant de l’adoption d’actes de puissance publique, telles que la démolition d’une infrastructure touristique en exécution d’une décision d’une autorité publique, ne relèvent pas de la notion de « circonstances exceptionnelles et inévitables », au sens de cette disposition, lorsque ces actes ont été adoptés à la suite d’une procédure qui a permis aux intéressés, tels que l’organisateur de voyages concerné ou ses éventuels prestataires de services de voyage, d’en avoir connaissance en temps utile avant leur exécution.
Signatures