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Traduction provisoire du
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. ANTONIO LA PERGOLA
présentées le 4 mars 1999 (1)
Affaire C-124/97
Markku Juhani Läärä, Cotswold Microsystems Limited et
Oy Transatlantic Software Limited
contre
Kihlakunnansyyttäjä (Procureur de district) et Suomen
valtio (État finlandais)
[demande de décision préjudicielle formée par la Vaasan hovioikeus
(Finlande)]
«Machines à sous»
Table des matières
I Les questions préjudicielles posées à la Cour, le cadre juridique et les
faits du litige au principal
I - 3
II Analyse juridique
I - 10
Les principes posés par la Cour dans l'affaire Schindler
I - 10
Le cas d'espèce relève-t-il du champ d'application des articles 30 et
suivants du traité?
I - 23
Le monopole détenu par la RAY affecte-t-il la libre circulation des
marchandises?
I - 28
Applicabilité des dispositions du traité en matière de droit
d'établissement ou de libre prestation des services
I - 37
La loi finlandaise sur les jeux de hasard est-elle compatible avec
l'article 90, paragraphe 1, et l'article 59 du traité?
I - 42
Solution de la partie sous b) de la troisième question préjudicielle:
A) Justifications possibles des restrictions apportées par la loi finlandaise à la liberté
de circulation des marchandises
I - 49
(suite) B) Justifications possibles des restrictions apportées par la
législation finlandaise à la libre prestation des services: i)
L'interdiction d'installer et de gérer des machines à sous en
Finlande s'applique-t-elle de manière discriminatoire? (renvoi) ii)
Existe-t-il en l'espèce des raisons impérieuses d'intérêt général
susceptibles de rendre la législation en cause compatible avec
l'article 59 du traité?
I - 52
(iii) L'interdiction d'installer et de gérer des machines à sous en
Finlande est-elle objectivement nécessaire pour garantir la
réalisation des objectifs poursuivis?
I - 61
(iv) L'interdiction d'installer et d'exploiter des machines à sous en
Finlande est-elle proportionnée à la réalisation des objectifs
poursuivis?
I - 67
III. Conclusion
I - 76
I Les questions préjudicielles posées à la Cour, le cadre juridique
et les faits du litige au principal
- 1.
- Par les questions préjudicielles soulevées par la Vaasan
hovioikeus, la Cour est appelée à préciser les principes qu'elle a énoncés
dans l'arrêt Schindler (2). La procédure pendante devant la juridiction de
renvoi a pour objet l'appel formé contre le jugement de première
instance par lequel M. Läärä, président du conseil d'administration de
la société Oy Transatlantic Software Limited (ci-après «TSL»), s'est vu
infliger une sanction pénale pour avoir commis une infraction aux
dispositions de l'article 6 de l'Arpajaislaki (loi finlandaise sur les jeux de
hasard (3); voir points 2 et 5 ci-après).
- 2.
- La loi sur les jeux de hasard subordonne à l'octroi d'une
autorisation administrative l'organisation des loteries, paris et activités
de casino ainsi que l'exploitation de machines à sous et autres appareils
de jeu qui, en échange d'une somme d'argent, permettent au joueur de
recevoir comme lot de l'argent, une marchandise ou un autre avantage
appréciable en argent, ou encore des jetons convertibles en argent. Le
titulaire d'une autorisation pour l'une des activités susmentionnées est
d'autre part tenu de récolter des fonds à des fins désintéressées ou, en
tout cas, non lucratives (voir article 1er, paragraphes 1 et 2). En
particulier, afin de limiter l'obtention possible de gains reposant sur
l'exploitation de la passion du jeu (4), la mise à la disposition du public,
contre paiement, de machines à sous et l'exercice d'une activité de
casino font l'objet d'une autorisation exclusive, délivrée à un organisme
de droit public spécialement créé à cette fin. La délivrance de cette
autorisation a pour but la collecte de fonds destinés à la poursuite de
plusieurs buts d'intérêt général, à savoir la promotion de la santé
publique, la protection de l'enfance, l'aide aux personnes handicapées,
âgées ou invalides, l'éducation des jeunes, la préparation de la
protection des vies humaines et de leur sauvetage en cas de grandes
catastrophes, la création de lieux de villégiature accessibles à tous les
intéressés et à la promotion de l'égalité en matière de possibilités de
vacances, ainsi que le traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie
(voir article 3, paragraphes 3 et 4). Quiconque organise, sans
autorisation, des jeux de hasard est passible d'une amende ou d'une
peine de prison dont le maximum est de six mois (voir article 6,
paragraphe 1). Ainsi que la juridiction de renvoi le fait observer, il y a
doute sur le point de savoir si les machines à sous dans lesquelles les
possibilités de gain dépendent non pas de la seule action du hasard
mais, en tout ou en partie, de l'habilité du joueur relèvent également du
champ d'application sur la loi sur les jeux de hasard, tel que décrit
ci-dessus (5).
- 3.
- L'organisme de droit public auquel ladite autorisation exclusive
peut être délivrée a été désigné comme étant la Raha-automaattiyhdistys
(association pour la gestion des machines à sous; ci-après la «RAY») (6),
constituée en 1937, à laquelle adhèrent aujourd'hui 96 organisations
opérant au niveau national dans les domaines de la santé et des activités
sociales. La RAY a pour but de recueillir des fonds destinés à subvenir
aux besoins visés à l'article 3, paragraphe 4, de la loi sur les jeux de
hasard (voir point 2 ci-dessus). Sur les quatorze membres du conseil
d'administration de la RAY, sept membres (y compris le président et le
premier vice-président) sont désignés par le Conseil d'État et trois
autres membres représentent, respectivement, le ministre des Affaires
sociales et de la Santé, le ministre de l'Intérieur et le ministre des
Finances (7). La RAY s'est vu attribuer en outre le droit de fabriquer et
de vendre des machines à sous et des appareils de loisirs (8); cette
association utilise en effet des machines de sa fabrication. A travers sa
filiale Pelika RAY Oy, la RAY opère également sur le marché (non
réservé) de l'exploitation des appareils de loisirs et des juke-boxes (9).
Enfin, par décision du Conseil des ministres du 14 novembre 1996, la
RAY a bénéficié également de l'octroi d'une licence pour l'exercice
d'une activité de casino à Helsinki durant une période de cinq ans. La
licence en question, qui est jusqu'à présent l'unique licence de ce genre
accordée en Finlande, fixe le nombre maximal de jeux et de machines
autorisés (50 tables de roulette et autres jeux ainsi que 300 machines à
sous) et prescrit des mesures de surveillance appropriées.
- 4.
- Ainsi que les autorités finlandaises l'ont précisé en réponse à la
question qui leur a été posée par la Cour en application de l'article 21,
deuxième alinéa, du protocole sur le statut CEE de la Cour, la RAY a
fixé les conditions contractuelles générales applicables aux rapports avec
les établissements (par exemple des bars, restaurants, supermarchés,
kiosques, stations-service et salles d'attente des gares ferroviaires) où
sont installés une ou plusieurs machines à sous. Selon ces conditions
générales, l'établissement doit: i) veiller à ce que les joueurs de moins
de quinze ans n'utilisent les machines à sous qu'en présence d'un
membre adulte de leur famille (10), et ii) au besoin, établir un plan de
surveillance spécial. Les établissements en question sont, en outre,
légalement tenus: i) de notifier l'installation de machines à sous dans
leurs locaux, avant la mise en service, au chef de la police du district et,
ii) en cas de demande motivée de celui-ci, de solliciter une autorisation
administrative pour l'exploitation de telle ou telle machine à sous. Le
contrôle du respect des dispositions en vigueur dans ce secteur relève de
la compétence du ministère de l'Intérieur, lequel fixe également le
montant maximal des mises (actuellement 5 FIM, soit environ
1 euro) (11).
- 5.
- En vertu du contrat conclu le 25 janvier 1996 par TSL avec la
société de droit anglais Cotswold Microsystems Limited (ci-après
«CML»), TSL a le droit exclusif d'installer et d'exploiter sur le territoire
finlandais les appareils commercialisés par CML, et que celle-ci met à
sa disposition (12). Il s'agit d'appareils automatiques de divertissement qui
délivrent des lots modiques en argent. Ledit contrat prévoit que TSL
perçoit, à titre de rémunération de la prestation fournie à CML, une
commission dont le montant, calculé en fonction du produit des
machines installées, est déterminé par un contrat distinct entre les
parties. Au cours des mois qui ont suivi la conclusion du contrat, TSL
a installé et mis à la disposition de la clientèle dans ses locaux dix
appareils de type «Golden Shot» (13). Par jugement du
17 septembre 1996, le Jyväskylan Käräjäooikeus, suivant les réquisitions
du ministère public, a condamné M. Läärä à une peine d'amende et
ordonné la confiscation, au profit de l'État, desdits appareils saisis
appartenant à la société CML, ainsi que des sommes d'argent qu'ils
contenaient (14).
- 6.
- Dans le cadre de la procédure d'appel pendante devant le juge
a quo, M. Läärä a fait valoir, entre autres, que la législation finlandaise
sur les jeux de hasard viole les règles communautaires qui régissent la
libre circulation des marchandises et des services. En particulier, l'octroi
à la RAY du droit exclusif d'exploiter des machines à sous sur le
territoire national constituerait une mesure disproportionnée par rapport
à l'objectif de la lutte contre les excès de la passion du jeu et la fraude
fiscale. A la différence du tribunal de première instance, la Vaasan
hovioikeus a estimé utile de demander à la Cour les éléments
d'interprétation nécessaires aux fins de la solution du litige, en soulevant
à titre préjudiciel les questions suivantes:
«1) L'arrêt [Schindler] doit-il être interprété en ce sens qu'il est
possible de considérer qu'il se rapporte à une affaire analogue à
la présente (voir l'arrêt rendu le 6 octobre 1982 dans
l'affaire 283/81, Cilfit et Lanificio di Gavardo) et que les
dispositions du traité CE doivent être interprétées ici de la même
façon que dans l'affaire précitée?
Si la réponse à la première question s'avère négative, en tout ou en
partie, la Hovioikeus pose les questions suivantes:
2) Les dispositions du traité CE relatives à la circulation des biens
et des services (articles 30, 59 et 60) s'appliquent-elles aussi aux
machines à sous du type de celles en cause ici?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question,
a) les articles 30, 59 et 60, ou tout autre article du traité CE,
font-ils obstacle à ce que la Finlande limite le droit de
gérer des machines à sous au monopole de la [RAY] et
cela indépendamment du fait que la restriction s'applique
en vertu de la même loi aux organisateurs de jeux tant
nationaux qu'étrangers et
b) cette restriction est-elle susceptible d'être justifiée, euégard aux motifs exposés dans la loi sur les jeux de hasard,
ou dans ses travaux préparatoires, ou pour d'autres motifs,
par les principes contenus aux articles 36 ou 56, ou à tout
autre article du traité CE; par ailleurs, le montant du gain
susceptible d'être procuré par les machines à sous et son
origine, selon qu'il est dû au hasard ou à l'habilité du
joueur, influe-t-il sur la réponse à cette question?».
II Analyse juridique
Les principes posés par la Cour dans l'affaire Schindler
- 7.
- Le juge a quo demande à la Cour si et dans quelle mesure les
principes énoncés dans l'arrêt Schindler sont transposables en l'espèce.
Nous estimons dès lors qu'il nous incombe de rappeler d'emblée ces
principes. Dans l'affaire Schindler, les questions de la High Court of
Justice relatives à l'interprétation des articles 30 et 59 du traité
concernaient la législation britannique qui, au moment des faits à
l'origine du litige au principal et en tout cas antérieurement aux
modifications introduites en 1993 (voir note 50 ci-après), interdisait
l'organisation de loteries sur le territoire du Royaume-Uni ainsi que
l'importation des billets, formules de commande et matériels
publicitaires destinés à permettre la participation des joueurs
britanniques à des loteries étrangères légalement organisées. La
législation nationale en cause comportait, toutefois, des dérogations à
cette interdiction, en ce qu'elle autorisait certaines loteries de faible
ampleur organisées par des sociétés ou des collectivités locales pour des
oeuvres de bienfaisance et à des fins désintéressées.
- 8.
- Dans l'arrêt Schindler, la Cour a tout d'abord affirmé que les
loteries relèvent de la notion de «activités économiques» au sens du
traité, dans la mesure où elles impliquent une importation de
marchandises ou une prestation de services rémunérée. Certains des
gouvernements nationaux intervenus dans cette affaire étaient d'un avis
contraire, et avaient fait observer que les contrats de jeux peuvent être
regardés comme nuls dans le droit de certains États membres et que
notamment les loteries, qui consistent en des opérations de pur hasard
ayant un caractère récréatif ou ludique, sont traditionnellement
interdites dans les ordres juridiques nationaux à l'intérieur de la
Communauté ou sont exercées soit directement par les autorités
publiques, soit sous leur contrôle, uniquement à des fins d'intérêt
général (15). Toutefois, selon la Cour, ni le divertissement que la loterie
peut offrir aux participants ni l'aléa qui caractérise la contrepartie que
constitue le lot par rapport à la mise initiale ne sont de nature à enlever
à l'échange son caractère économique. En outre, les loteries, telles
qu'elles se déroulent dans plusieurs États membres, ne peuvent pas être
regardées comme des activités que leur nocivité fait interdire ni être
assimilées aux activités portant sur des produits illicites (16). La Cour a
affirmé que, à supposer que la moralité des loteries puisse, du moins,
être mise en cause, il ne lui appartient pas de substituer son
appréciation à celle des législateurs des États membres où cette activité
est légalement pratiquée.
- 9.
- La Cour a en outre exclu que les activités de loterie exercées par
les consorts Schindler aient eu pour objet des «marchandises» au sens
des articles 30 et suivants du traité. L'importation et la diffusion de
documents publicitaires, formules de commande et billets pour le
compte d'un organisateur d'un autre État membre ne sont pas des fins
en elles-mêmes, avez-vous indiqué, mais des opérations simplement
accessoires, et plus précisément «des modalités concrètes d'organisation
ou de fonctionnement d'une loterie [qui] ne peuvent pas, au regard du
traité, être envisagées indépendamment de l'activité de loterie à laquelle
elles se rattachent». La Cour a donc conclu que l'activité exercée par les
défendeurs au principal se rattachait à une activité de prestation de
services (au sens de l'article 60 du traité) et relevait du champ
d'application de l'article 59 du traité (17). Le bien-fondé de cette
conclusion, et de l'autre selon laquelle la loterie constitue une activité
économique, n'était pas, à son avis, remis en question par le fait que la
loi de nombreux États membres impose que les bénéfices du jeu soient
utilisés uniquement à des fins d'intérêt général, ou même que ces profits
soient affectés au budget de l'État (18).
- 10.
- Passant à l'examen de la compatibilité de la législation en cause
dans cette affaire avec l'interdiction de toute discrimination fondée sur
la nationalité, telle qu'énoncée à l'article 59 du traité, la Cour a précisé
que cette interdiction peut être enfreinte même par une législation
«indistinctement applicable», lorsque celle-ci est de nature à empêcher
de manière absolue (comme la législation britannique sur les loteries),
ou en tout cas à gêner les activités d'une personne qui fournit
légalement des services analogues en étant établie dans un État membre
autre que celui dans lequel résident les destinataires du service en
question (19). Quant à la qualification de la législation nationale en cause
en tant que législation indistinctement applicable, la Cour a estimé qu'il
était «constant ... qu'une interdiction telle que celle prévue par la
législation britannique ... s'applique quelle que soit la nationalité de
l'organisateur de la loterie ou de ses agents et quels que soient le ou les
États membres dans lesquels l'organisateur ou ses agents sont
établis» (20).
- 11.
- La Cour a ensuite abordé le point de savoir si la législation
nationale en question était en tout état de cause compatible avec les
dispositions du traité relatives à la libre prestation des services dans la
mesure où elle était justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt
général. Selon la High Court of Justice, la législation en cause
poursuivait les objectifs suivants: i) prévenir les délits et les fraudes
commis au détriment des joueurs, ii) maîtriser la demande dans le
secteur des jeux d'argent dont les excès ont des conséquences sociales
dommageables, et iii) protéger la moralité publique qui s'oppose à ce
que l'activité en question, si elle est exercée sous forme d'entreprise
commerciale, comporte un profit personnel, alors que les bénéfices en
question pourraient être destinés au financement d'activités caritatives,
sportives ou culturelles d'intérêt général. La Cour a constaté que la
pratique des jeux d'argent fait l'objet de limitations, voire de véritables
interdictions, dans tous les États membres. De manière générale, les
législateurs nationaux se sont inspirés de considérations d'ordre moral,
religieux et culturel pour assimiler les services de loterie aux jeux
d'argent: la règle consiste à éviter qu'ils ne soient une source de profit
personnel pour leur organisateur (21). Toutefois, il s'agit selon nous d'une
remarque incidente (22). Nous le déduisons de la constatation que, en ce
qui concerne l'identification des raisons impérieuses d'intérêt général
considérées comme étant susceptibles en l'espèce de «justifier, au regard
de l'article 59 du traité, des restrictions allant jusqu'à l'interdiction des
loteries sur le territoire d'un État membre», la Cour s'est bornée à
rappeler les motifs, «considérés dans leur ensemble», relatifs à la
protection des destinataires du service et, plus généralement, des
consommateurs ainsi qu'à la protection de l'ordre social (23). Le dispositif
de l'arrêt fait, en outre, référence à des «préoccupations de politique
sociale et de prévention de la fraude» (voir point 3 du dispositif). Or,
il nous semble que la nécessité d'empêcher l'enrichissement personnel
obtenu grâce à la fourniture de jeux de hasard à des fins commerciales
ne peut pas, à moins de recourir à une interprétation forcée, être
rattachée à l'une ou l'autre de ces deux catégories.
- 12.
- Le fait que les loteries peuvent, en outre, participer de manière
significative au financement d'activités désintéressées, sportives et
culturelles, ou encore à celui d'oeuvres sociales ou caritatives, est, selon
la Cour, un élément qui n'est pas indifférent, mais au regard du droit
communautaire et l'indication nous paraît importante il ne constitue
pas, en lui-même, une justification objective des mesures restrictives
imposées au niveau national en ce qui concerne l'activité économique
considérée en l'espèce (24).
- 13.
- L'arrêt rendu dans l'affaire Schindler a énoncé, enfin, une double
série de critères d'appréciation juridique, eu égard à la nature spécifique
des loteries: le législateur national dispose du pouvoir discrétionnaire de
protéger, conformément aux objectifs d'intérêt général qu'il poursuit, le
cercle des joueurs et, plus généralement «compte tenu des
particularités socio-culturelles de chaque État membre» l'ordre social,
en ce qui concerne les modalités d'organisation de la loterie, le volume
de ses enjeux et l'affectation des profits qu'elle dégage. Dans ces
conditions, il appartient à chaque État membre d'apprécier si l'activité
économique que constitue la loterie doit être restreinte, ou même
interdite, étant entendu que toute restriction ou interdiction éventuelle ne
doit pas être discriminatoire. Cela dit, la Cour est parvenue à la
conclusion que les motifs tenant à la protection des destinataires du
service et à celle de l'ordre social, considérés dans leur ensemble,
étaient, en l'occurrence, de nature à justifier des restrictions pouvant
aller jusqu'à l'interdiction de la loterie sur le territoire de l'État membre
concerné. En adoptant les mesures litigieuses, le législateur britannique
avait paré à des risques et à des valeurs négatives laissés à son
appréciation et ces mesures ne pouvaient pas être regardées comme une
intervention illicite dans la libre prestation des services (25).
Solution des première et deuxième questions préjudicielles ainsi que de la
partie sous a) de la troisième.
- 14.
- Nous estimons utile d'examiner conjointement les première et
deuxième questions préjudicielles ainsi que la partie sous a) de la
troisième. La juridiction de renvoi vous demande, tout d'abord, si les
dispositions du traité également, mais pas seulement, celles qui régissent
la libre circulation des marchandises et des services, telles que la Cour
les a interprétées, notamment dans l'arrêt Schindler sont applicables
dans le contexte factuel et juridique du litige au principal. Or, nous
sommes en présence d'un cas qui diffère de celui tranché dans l'affaire
Schindler, principalement sous deux angles: le jeu offert au public
consiste ici à participer non pas au tirage d'une loterie, mais à une ou
plusieurs parties de machine à sous; en outre, la mesure étatique
litigieuse prévoit non pas une interdiction générale et absolue d'offrir le
service, mais l'octroi d'un droit exclusif pour l'organisation du jeu à un
organisme de droit public national. Selon nous, ce sont précisément ces
éléments qui ont amené le juge a quo à douter de la possibilité de
transposer purement et simplement la jurisprudence Schindler aux faits
qui sont à l'origine de la procédure pénale concernant M. Läärä.
- 15.
- Avant de procéder à l'analyse des questions susmentionnées, il
conviendra quitte à anticiper en partie la solution de la deuxième
partie de la troisième question [sous b)] de dissiper un malentendu
qu'il nous faut considérer comme possible, au moins à en juger par la
teneur des observations qui ont été présentées devant la Cour par les
parties appelantes au principal, par les gouvernements nationaux qui
sont «intervenus» et par la Commission. L'une des questions
préjudicielles que le juge a quo a adressées à la Cour vise à savoir si et
dans quelle mesure deux éléments, sur lesquels les parties appelantes au
principal ont beaucoup insisté, peuvent revêtir de l'importance, aux fins
de l'appréciation des éventuelles justifications du caractère restrictif de
la législation finlandaise en matière de jeux de hasard (en admettant,
précisément, qu'un tel caractère soit reconnu à la législation en cause).
Nous faisons allusion au montant du gain susceptible d'être procuré par
les machines à sous du type de celles qui ont été installées en Finlande
par TSL ainsi qu'à l'incidence de l'habilité du joueur sur les possibilités
de gain.
A notre avis, il s'agit de deux critères qui revêtent de l'importanceessentiellement, pour ainsi dire, à titre préliminaire, afin d'établir si les
machines à sous sont des «jeux de hasard» au sens de la loi finlandaise
(en l'absence d'une notion ou définition communautaire en la
matière) (26). Du reste, l'ordonnance de renvoi évoque elle-même
l'existence d'un doute sur le point de savoir si les machines à sous dans
lesquelles les possibilités de gain dépendent, en tout ou en partie, de
l'habilité du joueur relèvent ou non du champ d'application de la loi sur
les jeux de hasard (voir point 2 ci-dessus). Il s'agit cependant, dans l'un
des cas, d'une analyse des faits et, dans l'autre, d'une question
d'interprétation des dispositions nationales, qui échappent en tout état
de cause à la compétence de la Cour et pour lesquelles seul le juge
national est compétent (27). Il s'agit ici de fournir une réponse utile aux
questions préjudicielles dont nous devons nous occuper. Nous estimons
par conséquent, pour ce qui nous concerne, qu'il y a lieu de partir de
l'idée que les machines à sous, importées et mises à la disposition du
public par TSL, relèvent des jeux de hasard interdits par la loi
finlandaise. Cette précision étant apportée, passons à l'examen de la
compatibilité de cette interdiction avec le droit communautaire.
- 16.
- Il s'agit, à ce stade, d'établir si et dans quelle mesure les
principes établis dans l'arrêt Schindler sont transposables au présent cas
d'espèce. Tout d'abord, l'installation, la gestion et la mise à la
disposition du public payant de machines à sous impliquent, nous
semble-t-il, une prestation de services rémunérée et éventuellement aussi
une importation de marchandises, relevant de ce fait de la notion de
«activités économiques» au sens du traité (voir point 8 ci-dessus). Sur
ce point, il existe, du reste, une identité de vues entre les parties, les
États membres et la Commission.
Il découle de cette constatation, ainsi que l'ont fait valoir TSL et
M. Läärä, qu'il y a lieu de considérer un organisme de droit public tel
que la RAY comme une «entreprise» (28) plus précisément comme une
entreprise publique (29), ou entreprise à laquelle un État membre accorde
des droits exclusifs (voir point 3 ci-dessus) au sens de l'article 90,
paragraphe 1, du traité. Cette disposition, qui figure parmi les règles de
concurrence, prévoit que, en ce qui concerne ces entreprises, les États
membres n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux
règles du traité, notamment à celles prévues à l'article 7 et en matière
de concurrence. Il en découle, pour ce qui concerne la présente analyse,
une première conséquence importante. Bien que l'existence d'un
monopole de prestations de services, tel que celui que le législateur
finlandais a attribué à la RAY, ne soit pas, en tant que telle,
incompatible avec le droit communautaire, le problème se pose
cependant de savoir si le monopole en question peut être organisé ou
exercé d'une façon telle qu'il porte atteinte aux règles du traité,
notamment à celles relatives à la libre circulation des marchandises et
des services, auxquelles le juge a quo se réfère expressément (30).
Le cas d'espèce relève-t-il du champ d'application des articles 30 et
suivants du traité?
- 17.
- Le premier point à examiner consiste donc à savoir si les
articles 30 et suivants du traité sont applicables au présent cas d'espèce.
Les parties appelantes au principal soutiennent que la législation
finlandaise en cause entrave la libre circulation des marchandises.
L'ensemble des gouvernements nationaux qui sont intervenus dans la
présente procédure a fait valoir la conclusion contraire. La Commission,
quant à elle, observe que l'octroi à la RAY du monopole de la gestion
des machines à sous pourrait équivaloir à une restriction quantitative à
l'importation si la société détenant le monopole favorisait, lors de ses
achats de marchandises, les entreprises et produits finlandais. La
Commission note toutefois que, dans la présente affaire, il n'est pas
question d'achat de marchandises par la RAY. Elle ajoute en outre que
les machines à sous dont le jugement de première instance a ordonné
la confiscation ont été exportées par CML en vue non pas de leur
revente, mais de leur utilisation lors de la prestation du service qui
consiste dans l'activité de jeu.
- 18.
- Ainsi que le font observer les parties appelantes au principal, le
raisonnement par lequel la Cour a exclu dans l'affaire Schindler que les
activités de loterie aient pour objet des «marchandises» ne saurait être
étendu aux appareils de jeu dont nous nous occupons en l'espèce. Dans
cette affaire, c'est l'avocat général M. Gulmann qui a exposé le point de
vue que la Cour a ensuite fait sien. «Il n'y a pas de raison particulière
[, disait-il alors dans ses conclusions,] de traiter les billets de loterie
comme des marchandises. Ils servent à prouver que le titulaire du billet
de loterie a payé pour le droit de participer à la loterie, c'est-à-dire qu'il
a payé pour avoir la chance d'être tiré au sort en tant que gagnant de
l'un des lots prévus pour les loteries dont s'agit. L'achat d'un billet de
loterie est comparable dans ce contexte à la souscription d'une
assurance ou à l'achat d'une prestation de transport de personnes, étant
entendu que la preuve de l'achat du service la police ou le billet
établie par le prestataire de services, ne constitue pas une marchandise
au sens du traité» (31).
Or, la machine à sous à la différence du billet, qui a la nature d'un
titre représentatif du droit (conditionné) à recevoir le lot promis par
l'organisateur en cas de tirage gagnant est cependant, tout bien
considéré, le bien d'équipement qui rend possible la prestation de
services. A la fin du jeu, les billets de loterie redeviennent de simples
imprimés, dépourvus de valeur économique. Les produits dont il s'agit
ici sont, au contraire, «appréciables en argent» et, de ce fait,
théoriquement susceptibles de former l'objet d'une opération d'achat ou
vente ou encore d'autres transactions commerciales licites (32). Le fait que
les machines à sous sont considérées comme des marchandises par la
nomenclature tarifaire de la Communauté confirme également, selon
nous, qu'il ne saurait exister des doutes à cet égard (33).
- 19.
- Quant à la circonstance que CML n'a pas transféré à TSL la
propriété de ses machines, nous ne dirions pas comme le prétendent
au contraire la Commission, ainsi que les gouvernements néerlandais,
suédois, espagnol et celui du Royaume-Uni qu'elle nous empêche
nécessairement de considérer comme applicables en l'espèce les
dispositions de l'article 30 du traité. Nous devrions à la rigueur nous
poser la question de savoir si CML et TSL ont eu recours à la technique
contractuelle atypique de la coopération dans la prestation de services
(voir point 5 ci-dessus) précisément eu égard aux effets, que l'on
pourrait regarder comme des effets de distorsion, de la législation sur les
jeux de hasard en vigueur en Finlande: on peut raisonnablement se
demander pourquoi donc une entreprise se trouvant dans la situation de
TSL aurait dû investir des sommes d'argent considérables pour acquérir
la propriété de biens d'équipement qui ne sont pas légalement utilisables
dans ce pays en vue de la prestation ultérieure du service de jeu? En
l'occurrence, le point qui importe est tout autre: l'importation ou
l'exportation d'une marchandise strictement destinée à la prestation d'un
service entraîne-t-elle ou non que cette opération est comprise dans le
service lui-même et, de ce fait, soustraite aux règles relatives à la libre
circulation? Selon un arrêt récent que vous avez rendu dans l'affaire
C-158/94 (34), il y aurait lieu de considérer qu'une situation telle que celle
de l'espèce relève du champ d'application des articles 30 et suivants du
traité. Un chirurgien achète également le bistouri dans le seul but
d'effectuer une prestation de services, et pourtant, on ne saurait
sérieusement soutenir que les échanges intracommunautaires de ce
produit n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions dont
il est question ici. En définitive, nous sommes en présence, en l'espèce,
non pas d'une transaction principale qui en comprend une autre
purement accessoire et incidente (35), mais d'une opération commerciale
sur des marchandises qui, si elle sert d'instrument à une prestation de
services à laquelle elle est liée, est cependant dissociable de celle-ci sur
le plan tant conceptuel qu'économique. C'est ce que démontre,
notamment, la diversité partielle des parties contractantes dans les
transactions en question: les destinataires du service (c'est-à-dire les
joueurs) resteraient par définition étrangers à l'achat ou à la vente des
appareils de jeu, même si un autre cadre juridique rendait cette dernière
transaction économiquement acceptable. Bien que l'activité exercée en
coopération par les parties appelantes au principal relève du champ
d'application de l'article 59 du traité, l'applicabilité de l'article 30 à
l'élément de «produit» du service global n'est pas du tout exclu (36). Il est
loin d'être indifférent que, en application de la législation nationale en
cause, le juge finlandais compétent en première instance ait ordonné
également la confiscation des marchandises importées, que CML avait
légalement produites et commercialisées dans un autre État membre (à
savoir le Royaume-Uni).
Le monopole détenu par la RAY affecte-t-il la libre circulation des
marchandises?
- 20.
- Il reste ensuite à examiner dans quel sens, selon les parties
appelantes au principal, la législation nationale en cause pourrait
constituer une mesure équivalant à des restrictions quantitatives à
l'importation. La RAY détient en vertu de la loi, à côté du droit exclusif
d'installer et de gérer les machines à sous mises à la disposition du
public, également le droit de fabriquer et de vendre des machines à sous
du type de celles utilisées dans le cadre de l'exercice de l'activité qui lui
est réservée (voir point 3 ci-dessus). Le cas d'espèce présente, donc à
plus d'un égard d'importantes analogies avec le cas qui a fait l'objet
de votre arrêt ERT, précité (voir note 29 ci-dessus). Dans cette affaire,
l'exercice d'activités de transmissions télévisées dans le cadre d'un
régime de monopole légal en Grèce «entraîn[ait] une interdiction, pour
les autres citoyens de la Communauté, d'exporter, de louer ou de
distribuer de n'importe quelle façon dans l'État membre en question des
matériels, supports de son, films, documentaires télévisés et autres
produits pouvant être utilisés pour l'émission de messages télévisés, si
ce n'est pour servir les buts» de l'opérateur titulaire des droits exclusifs.
La juridiction de renvoi, qui demandait à la Cour les éléments
d'interprétation nécessaires pour trancher le litige au principal au
regard, sous l'angle décrit ici, des articles 9 et 30 du traité , a fait
expressément référence au fait que la législation en cause laissait audit
opérateur la possibilité «de choisir à son gré le matériel national et les
produits nationaux et de les préférer à ceux des autres États
membres» (37). La Cour a admis que «la concession à une seule
entreprise de droits exclusifs en matière d'émission de messages télévisés
et l'attribution à cet effet du pouvoir exclusif d'importer, de louer ou de
distribuer des matériels et produits nécessaires pour leur diffusion ne
constitue pas, en tant que telle, une mesure d'effet équivalant à une
restriction quantitative, au sens de l'article 30 du traité». Elle a
cependant précisé que: «Il en irait différemment s'il en résultait,
directement ou indirectement, une discrimination entre produits
nationaux et produits importés au détriment de ces derniers. Il
appartient à la juridiction nationale, qui est seule compétente pour
connaître les faits, d'examiner si tel est le cas en l'espèce» (38).
- 21.
- Un autre aspect de l'arrêt ERT qu'il nous semble utile de
rappeler, par analogie, aux fins de la présente analyse concerne la
compatibilité entre les dispositions communautaires relatives à la libre
prestation des services et les modalités d'organisation dudit monopole
d'ERT. Cette entreprise avait le droit exclusif tant de diffuser des
émissions propres que de capter et de retransmettre des émissions en
provenance d'autres États membres. La Cour a observé que «le cumul
du monopole de diffusion et de retransmission dans le chef d'une même
entreprise fournit à cette entreprise la possibilité tout à la fois de
transmettre ses propres programmes et de limiter la retransmission des
programmes d'autres États membres. Cette possibilité, en l'absence
d'une garantie quelconque pour la retransmission des programmes
d'autres États membres, peut amener l'entreprise à favoriser ses propresprogrammes aux dépens des programmes étrangers. Dans un tel
système, l'égalité des chances entre la diffusion des propres programmes
et la retransmission des programmes d'autres États membres risque, dès
lors, d'être sérieusement compromise» (39). Rappelant le principe déjà
énoncé dans la partie de l'arrêt relative à la libre circulation des
marchandises (40), la Cour a ensuite précisé que «le point de savoir si le
cumul du droit exclusif de diffusion et de celui de retransmission aboutit
effectivement à une discrimination au détriment d'émissions en
provenance d'autres États membres relève de l'appréciation des faits
pour lesquels seul le juge national est compétent» (41).
- 22.
- Les principes que nous venons de rappeler revêtent, selon nous,
de l'importance également pour apprécier la compatibilité de la
législation finlandaise sur les jeux de hasard avec les règles du traité en
matière de libre circulation des marchandises. De manière analogue à
l'ERT dans le cas évoqué ci-dessus (voir point 21), la RAY opère dans
le cadre d'un monopole sur le marché en aval du service et est l'unique
acquéreur possible des biens d'équipement nécessaires (c'est-à-dire les
machines à sous) sur le territoire finlandais. L'ensemble de la
réglementation en cause engendre par conséquent, sur le plan
économique, une situation qui peut être décrite comme suit: il n'existe
aucune garantie (en l'absence, par exemple, d'une obligation de lancer
des procédures de passation des marchés publics de fournitures) que des
machines à sous légalement fabriquées et commercialisées dans d'autres
États membres soient également achetées par le monopole de la
prestation de service. En conséquence, la RAY semble opérer comme
monopoliste (de fait) même sur le marché en amont de la production et
de la commercialisation de ces appareils en Finlande. En effet, bien que
le droit de construire les appareils, que la loi attribue à la RAY, ne soit
pas de nature exclusive, aucun autre producteur étranger de la
Communauté (ou finlandais) qui déciderait d'entrer en concurrence avec
la RAY, en exportant en Finlande des machines légalement fabriquées
et commercialisées dans un autre État membre, ne pourrait disposer de
pareils débouchés commerciaux, assurés et continus, pour sa production.
Les parties appelantes au principal observent qu'il n'est pas purement
fortuit que la RAY utilise exclusivement les machines à sous conçues,
développées et fabriquées par elle: c'est ce que cet organisme met en
évidence dans sa documentation commerciale (voir ci-dessus, note 8 et
la partie correspondante du texte). Si tel est le cas, la discrimination au
détriment des machines à sous fabriquées dans d'autres États membres,
et en faveur des produits nationaux similaires, semble constituer, plus
que le résultat d'un comportement commercial autonome de la RAY,
un effet non seulement actuel (42), mais également inévitable, des
dispositions législatives en cause. Il est vrai que, puisque la RAY n'est
pas le détenteur exclusif du droit de fabriquer et de vendre des
machines à sous et des appareils de divertissement, on ne saurait exclure
en principe que l'éventuel effet discriminatoire de la législation
finlandaise frappe également les machines fabriquées par hypothèse en
Finlande par des concurrents de la RAY. Relevons, toutefois, que quand
bien même la juridiction de renvoi constaterait l'existence d'une telle
production nationale, le fait que l'effet restrictif de la mesure étatique
sur les importations favoriserait non pas l'ensemble des marchandises
nationales, mais seulement une partie de celles-ci, ne serait pas, selon
la jurisprudence de la Cour, de nature à soustraire la mesure en
question à l'interdiction prévue à l'article 30 du traité (43).
- 23.
- Or, le juge finlandais n'a pas expressément abordé la question de
savoir si la législation nationale sur les jeux de hasard porte atteinte aux
dispositions du traité sous l'angle qui vient d'être indiqué. Et il est
également vrai que la Cour est tenue de fonder la réponse aux questions
préjudicielles sur les faits indiqués dans l'ordonnance de renvoi.
Toutefois, la procédure instituée par l'article 177 du traité exige aussi
que la Cour parvienne à donner du droit communautaire une
interprétation qui oriente le juge national de manière aussi complète et
utile que possible dans la solution du litige au principal. D'ailleurs, en
l'espèce, la Vaasan hovioikeus n'a pas manqué d'inclure l'article 30 du
traité parmi les dispositions du droit communautaire qu'elle a évoquées.
La Cour est par conséquent habilitée (et, selon nous, elle y est même
tenue) de donner au juge a quo tous les éclaircissements quant à
l'interprétation demandée, notamment en complétant les indications
manifestement sommaires de l'ordonnance de renvoi grâce aux éléments
d'information résultant du dossier, et plus spécialement des observations
des parties, qui complètent et développent la présentation de la situation
factuelle et juridique contenue dans l'acte de renvoi. Ce faisant, la Cour
ne modifie pas la substance des questions posées, mais réunit les
éléments d'appréciation qui lui sont nécessaires pour y répondre. Au
demeurant, pour ce qui concerne le cas d'espèce, le gouvernement
finlandais n'a pas été en mesure de démentir, dans le cadre des
observations orales qu'il a présentées à la Cour, les affirmations
avancées sur le point en question par les parties appelantes au principal;
et il est également significatif que le problème des discriminations
possibles lors de l'achat, par la RAY, des biens d'équipement
nécessaires est un aspect qui n'a pas échappé à la Commission (voir
point 17 ci-dessus), au moins à titre d'hypothèse, déjà au cours de la
procédure écrite.
- 24.
- La troisième question préjudicielle fait référence, sous a), non
seulement aux règles communautaires relatives à la libre circulation des
marchandises et des services, mais également à «d'autres articles du
traité CE». La législation nationale en cause dans le litige au principal
se prêterait, par conséquent, à être analysée également du point de vue
de sa compatibilité avec les règles de concurrence du traité. Plus
précisément, compte tenu des éléments de fait décrits ci-dessus (voir
point 22), le problème semble se poser de l'existence, et le cas échéant,
de la légalité d'une extension par voie réglementaire de la position
dominante, que la RAY détient sur le marché réservé en vertu de la loi,
au marché (concurrentiel) en amont de la production et de la
commercialisation des machines à sous (44). Nous n'évoquons
qu'incidemment cet autre aspect du cas d'espèce, sans le développer de
manière plus approfondie. En effet, compte tenu des résultats auxquels
nous parvenons dans le cadre de l'examen de la législation en cause au
regard des articles 30 et suivants (voir points 17 à 22 ci-dessus et
point 29 ci-après) et des articles 59 et suivants (voir points 25 à 27 et 30
à 41, ci-après), nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'alourdir davantage la
structure des présentes conclusions. Nous nous abstiendrons, donc,
d'examiner si la loi finlandaise sur les jeux de hasard est contraire
également aux interdictions édictées à l'articles 90, paragraphe 1, et à
l'article 86 du traité, sous l'angle que nous venons d'esquisser
sommairement.
Applicabilité des dispositions du traité en matière de droit d'établissement
ou de libre prestation des services
- 25.
- Il n'en demeure pas moins que la compatibilité de la législation
finlandaise sur les jeux de hasard avec les obligations découlant du traité
doit être examinée, selon ce qui a été exposé par le juge a quo, du point
de vue de la libre circulation des services. Nous faisons allusion ici aux
prestations fournies par une entreprise qui installe et gère les machines
à sous. Le service consiste à faire participer les joueurs payants à une
seule partie (ou à une série de parties) et à leur offrir une espérance de
gain, au moyen d'un mécanisme automatique pour la collecte des enjeux
et le versement des prix (45). Selon le gouvernement finlandais, le
gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, l'applicabilité au cas
d'espèce des articles 59 et suivants serait cependant douteuse parce que,
apparemment, nous serions en présence d'une situation purement
interne, le service en question étant fourni par un prestataire finlandais
(TSL) à des destinataires établis sur le territoire finlandais. Toutefois,
la Finlande et le Royaume-Uni ajoutent à juste titre que la qualification
de la situation juridique dont il s'agit dans le litige au principal constitue
une appréciation (en fait et du point de vue économique) qui relève du
seul juge a quo. En l'espèce, la Vaasan hovioikeus vu les circonstances,
et abstraction faite des raisons concrètes qui peuvent avoir amené CML
et TSL à régler leur relation contractuelle comme nous l'avons exposé
(voir point 5 ci-dessus) estime que l'activité de jeu faisant appel aux
machines à sous, qui est à l'origine des poursuites pénales dont cette
juridiction se trouve saisie, présente les caractéristiques de la prestation
d'un service (transfrontalier) au sens du traité. Nous estimons, par
conséquent, qu'il convient d'examiner les questions posées par le juge
finlandais dans cette même perspective (46).
- 26.
- Il convient de noter qu'il appartient aussi au juge a quo, en
fonction de la qualification qu'il donne à la relation contractuelle
existant entre CML et TSL, de résoudre la question, qui a été soulevée
par la Commission et le gouvernement belge, de l'applicabilité en
l'espèce des dispositions du traité en matière de liberté d'établissement
(au lieu de celles relatives à la libre prestation des services) (47). La
Commission considère que la situation de la société britannique devrait
être analysée au regard des articles 52 et suivants du traité s'il se révélait
en fait que TSL agissait en Finlande, c'est-à-dire dans l'État membre où
a lieu la prestation des services, comme un établissement ou une
infrastructure locale de l'entreprise britannique, en particulier en tant
qu'agent commercial ou représentant permanent de cette entreprise.
Ledit article 52 permet, du reste, aux sociétés de s'établir, au sens du
traité, dans plusieurs États membres moyennant l'ouverture d'agences,
de succursales ou de filiales. En outre ainsi que le relève la
Commission en faisant référence à votre arrêt rendu dans
l'affaire 205/84 , un prestataire de services (en l'occurrence, une
entreprise d'assurance) «qui maintient, dans l'État membre en cause,
une présence permanente relève des dispositions du traité sur le droit
d'établissement et cela même si cette présence n'a pas pris la forme
d'une succursale ou d'une agence, mais s'exerce par le moyen d'un
simple bureau, géré par le propre personnel de l'entreprise, ou d'une
personne indépendante, mais mandaté pour agir en permanence pour
celle-ci comme le ferait une agence. En raison de la définition précitée
contenue dans l'article 60, alinéa 1 (48), [le prestataire de services] ne
saurait donc se prévaloir des articles 59 et 60 pour ce qui est de ses
activités dans l'État membre en cause» (49).
D'ailleurs, les dispositions du traité relatives, respectivement, au droit
d'établissement et à la libre circulation des services, prévoient la
suppression des mesures étatiques qui apportent des restrictions aussi
bien à l'une comme à l'autre de ces libertés fondamentales. En somme,
lesdites libertés représentent, abstraction faite des diverses modalités
pratiques d'exercice, deux aspects d'un même phénomène, à savoir la
mobilité géographique que le traité garantit, à l'intérieur de la
Communauté, aux opérateurs économiques des États membres. De
même, les exceptions expressément prévues par le traité et les motifs
d'intérêt général qui peuvent théoriquement être invoqués pour justifier
d'éventuelles mesures nationales restrictives sont analogues (50). Par
conséquent, bien que nous nous bornions dans la suite des présentes
conclusions à examiner la compatibilité de la législation finlandaise sur
les jeux de hasard avec l'article 59 du traité, c'est-à-dire avec la
disposition qui est expressément mentionnée dans les deuxième et
troisième questions préjudicielles, les résultats auxquels nous parvenons
devraient, en principe, pouvoir être transposés par le juge a quo à une
éventuelle analyse du cas d'espèce qu'il estimerait devoir effectuer au
regard des dispositions prévues par le traité en matière de droit
d'établissement.
La loi finlandaise sur les jeux de hasard est-elle compatible avec
l'article 90, paragraphe 1, et l'article 59 du traité?
- 27.
- Comme le demande la juridiction de renvoi, nous partirons du
principe énoncé dans l'arrêt Schindler également pour examiner si la
législation nationale en cause, qui rend impossible la fourniture des
services de jeu aux machines à sous dans l'État destinataire par des
prestataires établis dans d'autres États membres, restreint ou non la
libre prestation de services transfrontaliers, que le traité garantit aux
personnes physiques et aux sociétés de la Communauté. Dans l'arrêt
susmentionné, la Cour a constaté que l'interdiction d'offrir des services
de loterie de grande ampleur sur le territoire national prévue quelle
que soit la nationalité et l'État membre d'établissement de l'organisateur
de la loterie ou de ses agents constituait une mesure indistinctement
applicable (voir point 10 ci-dessus) (51). Rappelant sa jurisprudence
constante, la Cour a, en outre, précisé que même une législation
indistinctement applicable aux prestations de services de toute origine
peut violer l'article 59 du traité. Cette disposition serait en effet
enfreinte par une mesure étatique qui, bien qu'elle ne soit pas
discriminatoire à l'encontre des prestataires de services étrangers ou ne
résidant pas dans l'État vis-à-vis des autres, peut néanmoins gêner ou
décourager, sans raison objective et pertinente, l'exercice de la liberté
fondamentale dont s'agit, si le service en question est fourni dans l'État
membre d'établissement conformément à la réglementation en vigueur
dans cet État (52).
- 28.
- A la différence de la législation nationale en cause dans l'affaire
Schindler, qui interdisait complètement l'organisation du type de loterie
qu'elle visait, la loi finlandaise sur les jeux de hasard, que la Vaasan
hovioikeus est appelée à appliquer dans le litige au principal, réserve
l'activité en cause à un seul opérateur national, à savoir un organisme
de droit public institué ad hoc, en imposant au titulaire de l'autorisation
exclusive l'obligation d'affecter l'intégralité des bénéfices réalisés au
financement de «bonnes causes». Une telle législation empêche un
prestataire établi dans un autre État membre de fournir (ou si l'on veut,
d'exporter) dans l'État membre destinataire le service qu'il fournit dans
l'État membre d'établissement. Une première conclusion possible
consisterait, par conséquent, à considérer que, au regard du droit
communautaire, l'octroi à un opérateur national de droits exclusifs, tels
que ceux détenus en vertu de la loi par la RAY, et l'obligation qui en
découle pour les joueurs qui résident dans l'État membre concerné
d'acheter le service auprès de l'opérateur monopoliste, constituent des
mesures discriminatoires contraires aux articles 90, paragraphe 1, et 59
du traité, dans la mesure où elles opèrent au détriment des prestataires
de services des autres États membres.
Votre jurisprudence ne plaide cependant pas en ce sens. En effet, c'est
un autre critère qui a été retenu, selon lequel une mesure étatique qui
accorde des droits exclusifs à une entreprise nationale en déployant ses
effets restrictifs à l'égard de tous les prestataires de services autres que
le détenteur du monopole, qu'ils soient établis dans l'État membre en
cause ou dans un autre État membre doit de ce fait même être
regardée comme une restriction indistinctement applicable (53). D'ailleurs,
pour appliquer correctement au présent cas d'espèce la jurisprudence
que nous venons de rappeler, il convient, notons-le, de prendre en
considération la situation de fait et de droit des seuls opérateurs qui
poursuivent un but lucratif, sans tenir compte de la situation particulière
dans laquelle se trouve l'organisme de droit public monopoliste (54). Le
traitement prévu pour les entreprises concernées par la mesure étatique
en cause au principal semble, de ce point de vue, indifférencié et doit
être considéré comme indistinctement applicable aux prestations de
services quelle qu'en soit l'origine, la fourniture du jeu aux machines à
sous étant interdite en vertu de la loi aux opérateurs établis tant en
Finlande que dans un autre État membre.
Solution de la partie sous b) de la troisième question préjudicielle:
A) Justifications possibles des restrictions apportées par la loi finlandaise
à la liberté de circulation des marchandises
- 29.
- En cas de réponse affirmative, comme nous le proposons, à la
troisième question préjudicielle [partie sous a)], il conviendra de fournir
à la Vaasan hovioikeus également les éléments d'interprétation qu'elle
demande [partie sous b) de la troisième question] en ce qui concerne les
justifications possibles des restrictions apportées en l'espèce à la libre
circulation des marchandises et à la libre prestation des services.
- 30.
- Sous le premier angle, les restrictions à la libre circulation des
produits dont il s'agit ici, qui découlent des mesures discriminatoires
prises par le législateur finlandais (voir point 22 ci-dessus), ne sauraient,
selon nous, être justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre
public, ou de sécurité publique, ou encore par d'autres dérogations
autorisées par l'article 36 du traité, ni sur la base de l'article 90,
paragraphe 2, du traité. En particulier, selon votre jurisprudence,
l'article 36 du traité est d'interprétation stricte. Par conséquent, les
exceptions qu'il énumère ne peuvent pas être étendues à des cas autres
que ceux limitativement prévus. Ainsi, par exemple, quelle que soit
l'interprétation que l'on donne de la notion d'ordre public visée à cet
article, elle ne peut en aucun cas concerner la protection des
consommateurs (55). Cet article, en outre, a pour objet exclusivement des
mesures de nature non économique (56). Rappelons, d'autre part, que la
deuxième phrase de l'article 36 vise à empêcher que les restrictions à la
libre circulation fondées sur les motifs indiqués à la première phrase
dudit article ne soient détournées de leur fin et utilisées de manière à
établir des discriminations à l'égard des marchandises originaires
d'autres États membres, ou à protéger indirectement certaines
productions nationales. Ainsi, par exemple, si à l'intérieur de l'État
membre concerné, il existe un commerce licite pour les mêmes
marchandises auxquelles s'applique une prohibition d'importation
justifiée par des raisons de moralité publique, il y aura lieu de
considérer que l'application de la mesure nationale en cause constitue
une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le
commerce entre les États membres, d'où résulte la violation du traité (57).
Il ne nous semble d'ailleurs pas que soient réunies en l'espèce les
conditions permettant d'invoquer, à titre de dérogation à l'interdiction
prévue à l'article 30 du traité, les dispositions de l'article 90,
paragraphe 2, du traité: contrairement à ce que soutient le
gouvernement belge, il n'existe aucune raison de considérer que le jeu
faisant appel aux machines à sous constitue un service d'intérêt
économique général (58); la RAY est, d'autre part, bénéficiaire d'une
simple autorisation, et ne pourrait pas être considérée comme une
entreprise tenue de gérer ce service en vertu de la mission qui lui a été
impartie par les autorités publiques (59). En outre, quand bien même la
situation d'un organisme tel que la RAY serait celle d'un monopole
fiscal, dans le cas d'espèce il ne serait pas satisfait à la double condition
à laquelle est subordonnée l'applicabilité de la dérogation prévue à
l'article 90, paragraphe 2, à savoir: i) que l'application des règles du
traité en matière de libre circulation des marchandises rende impossible,
en fait ou en droit, l'accomplissement de la mission consistant à réaliser
des bénéfices à affecter au budget de l'État (60), et ii) qu'il ne soit pas
porté atteinte à l'intérêt de la Communauté.
(suite) B) Justifications possibles des restrictions apportées par la législation
finlandaise à la libre prestation des services: i) L'interdiction d'installer et
de gérer des machines à sous en Finlande s'applique-t-elle de manière
discriminatoire? (renvoi) ii) Existe-t-il en l'espèce des raisons impérieuses
d'intérêt général susceptibles de rendre la législation en cause compatible
avec l'article 59 du traité?
- 31.
- Il convient, d'autre part, d'examiner si l'on peut tenir pour
justifiées les restrictions que la loi finlandaise sur les jeux de hasard
apporte à la libre prestation des services. Le résultat auquel nous
sommes parvenu plus haut est que la législation nationale en cause
s'applique aux services de jeu aux machines à sous sans opérer de
distinction quant à leur origine (voir point 28 ci-dessus). Le fait
d'appréhender le cas d'espèce dans les termes décrits a, selon la
jurisprudence de la Cour, l'importante conséquence pratique suivante:
les législations nationales qui établissent à l'encontre du prestataire une
discrimination en raison de sa nationalité, ou de la circonstance qu'il est
établi dans un État membre autre que celui dans lequel la prestation
doit être fournie, ne sont compatibles avec le droit communautaire que
si elles peuvent relever d'une des hypothèses de dérogation
expressément prévues par les articles 55 («activités participant dans
[l'État membre intéressé] même à titre occasionnel, à l'exercice de
l'autorité publique») et 56 («raisons d'ordre public, de sécurité publique
et de santé publique») du traité, auxquels renvoie l'article 66 du
traité (61). Si la mesure restrictive en cause est, au contraire, dépourvue
de caractère discriminatoire, comme en l'occurrence, elle pourra être
également justifiée, en l'absence de mesures d'harmonisation
communautaires (62), par des raisons impérieuses d'intérêt général (63), à
condition que ces exigences ne soient pas déjà satisfaites par les règles
auxquelles les prestataires de services sont soumis dans l'État
d'établissement et que la restriction ainsi apportée à la liberté garantie
par l'article 59 du traité soit nécessaire et proportionnée (64).
- 32.
- Il reste dès lors à examiner s'il est satisfait à la deuxième
condition requise aux fins de la compatibilité avec le traité d'une mesure
qui restreint la libre prestation de services: étant donné que les
dérogations visées aux articles 55 et 56 du traité sont inapplicables en
l'espèce (65), peut-on considérer en l'occurrence que la législation
finlandaise est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général? La
Vaasan hovioikeus a relevé dans le cadre de l'ordonnance de renvoi que
le régime d'autorisation exclusive pour la mise à la disposition du public
des machines à sous a été instauré principalement afin de limiter la
réalisation possible de profits reposant sur l'exploitation de la passion du
jeu. C'est ce qui ressort des travaux préparatoires de la loi sur les jeux
de hasard (voir, ci-dessus, note 3 et la partie correspondante du texte).
Selon le gouvernement finlandais, le monopole de l'exploitation de ces
machines correspond aux traditions socio-culturelles du pays. Il
permettrait de maîtriser la «fièvre du jeu» et de réduire le risque
d'infiltration criminelle ou de fraude dans la gestion de ces activités.
L'analyse que la Cour a faite à l'époque dans l'arrêt Schindler devrait,
de ce point de vue, être étendue au présent litige, dans la mesure où
elle est compatible avec les particularités de l'espèce.
- 33.
- Nous adhérons nous aussi à l'idée que l'arrêt que la Cour a
rendu dans l'affaire Schindler revêt, à plusieurs égards, de l'importance
aux fins de la solution du présent litige. Les autorités finlandaises ont
longuement insisté sur la double circonstance que la législation nationale
en cause empêche l'exercice d'activités lucratives privées reposant sur
l'exploitation de la passion pour le jeu et que les profits procurés par les
services en question constituent un important moyen de financement
pour des oeuvres sociales ou caritatives, ainsi que pour des activités
désintéressées et culturelles. Il convient cependant de rappeler que, sur
la base des principes énoncés dans l'arrêt Schindler, les motifs que nous
venons de mentionner abstraction faite du doute, qui ne nous paraît
pas dénué de fondement, sur le point de savoir si la législation
finlandaise correspond vraiment à ces motifs (66) ne constituent pas, en
tant que tels, des raisons impérieuses d'intérêt général, susceptibles de
justifier des restrictions éventuelles à une liberté fondamentale garantie
par le traité (voir points 11 et 12 ci-dessus). Ce résultat nous semble,
d'ailleurs, conforme au principe général, énoncé par votre jurisprudence,
selon lequel les objectifs de nature économique tels que, précisément,celui consistant à alléger les dépenses du budget de l'État grâce à
l'affectation de fonds destinés en vertu de la loi à la poursuite de
certaines activités figurant au nombre de celles qui en principe sont
confiées à l'État ne constituent en aucun cas des raisons impérieuses
susceptibles de limiter la portée du principe de non-discrimination
énoncé à l'article 59 du traité (67).
D'autre part, l'arrêt Schindler a admis que les États membres disposent
du pouvoir d'apprécier de manière discrétionnaire quelles exigences
d'intérêt général méritent d'être protégées vis-à-vis de l'activité
économique considérée dans ce cas: le législateur national peut protéger
non seulement les joueurs mais également l'ordre social en général, en
tenant compte des caractéristiques socio-culturelles et des conceptions
morales qui prévalent dans son pays (voir point 13 ci-dessus). La Cour
a raisonné ainsi en ce qui concerne l'interdiction des grandes loteries
organisées à échelle nationale. C'est le raisonnement de principe qui
importe. On peut également l'appliquer au présent cas d'espèce. Cela
dit, nous ne prétendons pas, bien entendu, affirmer que les raisons
justificatives des mesures prises par le législateur britannique, dont la
Cour a tenu compte dans l'arrêt Schindler, interviennent de nouveau
ponctuellement en ce qui concerne la présente affaire. En effet, le
présent cas d'espèce et celui qui a fait l'objet de l'arrêt Schindler ne
concernent pas exactement les mêmes motivations de la protection que
requiert l'activité de jeu. Dans cette affaire, il s'agissait des intérêts
financiers considérables, liés tant aux sommes collectées qu'aux prix
distribués dans le cadre des grandes loteries, qui auraient pu comporter
des risques élevés de délit et de fraude. Le chiffre d'affaires qui
correspond au jeu faisant appel aux machines à sous est beaucoup plus
modeste (68). Cette forme de jeu, quant à elle, ouvre la perspective d'un
divertissement (totalement absente dans les loteries) plutôt que celle de
gains importants, ce qui, selon nous, pourrait rendre moins importantes
les considérations liées à l'objectif de ne pas stimuler la pratique du jeu
dont les excès, ainsi que la Cour l'a observé, ont des conséquences
sociales dommageables. Toutefois, même l'installation et la gestion de
ces appareils ne peuvent pas être présumées à l'abri du risque
d'infiltration de la criminalité organisée, notamment en raison de
l'intérêt que le jeu présente en tant que moyen potentiel de blanchiment
de l'argent. En tout état de cause, les jeux de hasard en général, y
compris ceux dans lesquels il existe un élément ludique ou qui exigent
un certain degré d'habileté des participants, peuvent comporter le
détournement de ressources individuelles vers des activités qui sont
communément considérées comme socialement improductives. Celui qui
joue aux machines à sous se trouve, de plus, dans une situation de
faiblesse contractuelle, notamment parce qu'il ne dispose d'aucun moyen
efficace pour contrôler si le total des prix que chaque appareil paie aux
gagnants correspond au pourcentage des enjeux recueillis parmi
l'ensemble des participants, promis par le fournisseur du service. En
somme, même en ce qui concerne le jeu faisant appel aux machines à
sous il peut exister des raisons de nature à justifier les mesures
restrictives que le législateur national décide de prendre, soit en
définissant les modalités du jeu, et notamment le montant des enjeux et
des gains, soit en arrêtant des dispositions concernant la destination des
bénéfices procurés.
- 34.
- Aux conclusions qui précèdent il convient, d'ailleurs, d'ajouter
une indication indispensable, nous semble-t-il, pour le bon déroulement
de l'examen qu'il appartiendra à la juridiction nationale d'effectuer. Il
est clair, selon nous, que les États membres ne peuvent pas se soustraire
à l'interdiction prévue à l'article 59 du traité du simple fait qu'ils ont
invoqué de manière abstraite une ou plusieurs des raisons impérieuses
admises par votre jurisprudence. Les dispositions prises doivent
correspondre concrètement aux fins d'intérêt général qui sont censées les
avoir inspirées, ou que l'autorité nationale a expressément prévues pour
limiter la prestation transfrontalière du service en question, qui est sinon
garantie par le traité. Bien qu'elles soient de nature discrétionnaire, les
mesures restrictives qui ont été retenues restent contrôlables au niveau
juridictionnel: leur adéquation aux exigences d'intérêt général est, en
effet, susceptible de faire l'objet d'un contrôle de la part du juge
national qui est appelé à les appliquer, lequel devra, dans le cadre de
cet examen, se référer aux règles de justification y compris le principe
de la proportionnalité qui ont été élaborées par la jurisprudence
communautaire en ce qui concerne les limites qui peuvent légalement
entourer l'exercice des droits et libertés découlant du traité. En l'espèce,
le juge a quo est par conséquent tenu d'apprécier la loi finlandaise sur
les jeux de hasard en tenant compte des modalités effectives
d'organisation et d'exercice du monopole détenu par la RAY, et le
rapport logique et approprié entre les dispositions prévues par cette loi,
telles qu'elles opèrent en pratique, et les exigences invoquées par les
autorités nationales pour justifier ces dispositions. Les considérations qui
suivent sont précisément consacrées à cet aspect du problème dont la
Cour est saisie.
(iii) L'interdiction d'installer et de gérer des machines à sous en
Finlande est-elle objectivement nécessaire pour garantir la réalisation des
objectifs poursuivis?
- 35.
- Cela dit, il s'agit de vérifier si la législation nationale en cause
apparaît propre à garantir la réalisation des objectifs de protection des
consommateurs et de protection de l'ordre social, que le gouvernement
finlandais déclare poursuivre. Examinons, tout d'abord, la nécessité du
monopole prévu afin de limiter la demande de jeux de hasard, et
notamment du jeu faisant appel aux machines à sous, sur le marché
finlandais. Le nombre total de ces appareils s'élève actuellement à
environ 16 000 unités, réparties dans environ 8 200 emplacements sur
l'ensemble du territoire national, y compris les régions à faible densité
démographique (69). Ainsi que le gouvernement finlandais l'a lui-même
admis, en l'absence d'une définition stricte d'origine législative, c'est la
RAY elle-même qui fixe, sur la base de critères de politique
commerciale, le nombre maximum de machines à sous qu'elle installe
en Finlande. Les parties appelantes au principal ont, en outre, fait valoir
que pour la promotion du jeu en question, la RAY recourt à des
campagnes publicitaires massives et agressives, tandis que les contrôles
sur l'utilisation des machines à sous par les joueurs mineurs, imposés aux
établissements commerciaux par les conditions générales établies par la
RAY (voir point 4 ci-dessus) restent en pratique largement inappliquées.
Du reste, il existerait pour les propriétaires des établissements
commerciaux concernés une incitation économique manifeste à ne pas
limiter le nombre des appareils installés, dans l'espoir que ceux-ci
attirent une clientèle plus importante pour l'activité commerciale
exercée à titre principal, et à faire en sorte quitte à assouplir les
contrôles concernant l'âge et les habitudes de dépense des utilisateurs
que le volume des enjeux soit aussi élevé que possible. La
rémunération que perçoivent ces établissements pour l'installation des
machines est, en effet, calculée sous forme de pourcentage (s'élevant
actuellement à 16 %) sur les recettes du jeu (70). Ce qui, soit dit en
passant, s'accorde mal avec l'objectif, présenté par les autorités
finlandaises comme l'une des raisons ayant inspiré la législation en
cause, d'éviter que l'exploitation de la passion du jeu fasse l'objet
d'activités économiques privées.
Au cas où l'examen des faits, qu'il appartient à la Vaasan hovioikeus
d'effectuer, révèlerait que les circonstances susmentionnées
correspondent à la réalité, ce sera une conclusion exactement opposée
à la proposition initiale dont nous traitons ici qui s'imposera: la RAY,
loin d'exercer des contrôles sévères sur la «fièvre du jeu», ne manque
pas de la stimuler, pour recueillir des ressources financières destinées à
la poursuite des objectifs visés à l'article 3, paragraphe 4, de la loi sur
les jeux de hasard (voir point 2 ci-dessus). Certes, on ne saurait exclure
que la RAY soit tombée dans les pratiques dénoncées par les
appelantes au principal, sous réserve que ces pratiques soient confirmées
dans les faits, précisément en ayant l'impression d'agir en toute
hypothèse sous le sceau des «bonnes causes». Etant donné l'affectation
que la loi impose aux profits correspondants, le fait de stimuler la
demande des jeux de hasard constituerait, de ce point de vue, en
quelque sorte un péché véniel: une modalité d'exercice du monopole à
apprécier, dans le cadre de l'examen de la nécessité de l'interdiction,
d'une manière moins grave qu'elle ne devrait l'être dans le contexte
d'une réglementation qui permettrait l'enrichissement personnel de celui
qui organise le jeu. Toutefois, ainsi que nous l'avons déjà relevé (voir
point 32 ci-dessus), la possibilité pour les États membres de garantir que
les bénéfices procurés par les jeux de hasard soient affectés à des
objectifs d'intérêt général ne constitue pas une raison impérieuse
susceptible de justifier d'éventuelles restrictions à la libre prestation des
services. L'arrêt Schindler le dit clairement. Il s'agit donc d'un élément
dépourvu de pertinence aux fins de l'appréciation du caractère
nécessaire et approprié de la mesure restrictive en cause. Au moins dans
ce cas, on serait tenté de dire que la fin ne justifie pas les moyens. En
conséquence, il convient de conclure que, compte tenu des modalités
concrètes d'exercice et d'organisation du monopole exercé par la RAY,
l'interdiction d'installer et d'exploiter des machines à sous en Finlande
n'est pas, en tant que telle, propre à limiter efficacement la demande du
jeu.
- 36.
- Par contre, le monopole légal de la prestation du service qui est
accordé à un organisme de droit public tel que la RAY paraît, selon
nous, adapté à l'objectif différent et concurrent que poursuit la loi
finlandaise, à savoir protéger les joueurs (et la société en général) contre
le risque que l'activité en question soit exercée à des fins frauduleuses
ou en tout état de cause criminelles (voir points 31 et 32 ci-dessus).
Toutefois, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour mentionnée
plus haut (voir note 63 et la partie correspondante du texte), pour
apprécier si la mesure étatique en cause est nécessaire et appropriée
pour atteindre les objectifs qu'elle vise, on ne peut pas se dispenser de
vérifier si les exigences que traduit cette mesure sont déjà sauvegardées
au travers des règles auxquelles le prestataire de service étranger est
soumis dans l'État membre où il est établi. Par conséquent, en ce qui
concerne le litige au principal, l'interdiction d'installer et de gérer des
machines à sous en Finlande ne pourrait être regardée comme
nécessaire aux fins dont il s'agit ici que si l'ordre juridique de l'État
membre d'origine du prestataire de service n'a pas déjà prévu des
contrôles appropriés «comparables aux règles et au contrôle en vigueur
dans le pays destinataire de la prestation» (71). Du reste, ainsi que
certains auteurs ont eu l'occasion de le noter, l'arrêt Schindler ne s'est
pas penché de plus près sur le point de savoir quel critère préside à
l'analyse de l'équivalence des contrôles (72). Il apparaît, dès lors, d'autant
plus intéressant de rappeler les motifs pour lesquels l'avocat général M.
Gulmann, dans ses conclusions présentées dans cette affaire, a exclu que
l'interdiction d'organiser des loteries du type de celles que les consorts
Schindler ont commercialisé au Royaume-Uni fût nécessaire pour
protéger les consommateurs et l'ordre social contre la fraude. Non
seulement les règles en vigueur en république fédérale d'Allemagne
pour ce type de loterie et le contrôle exercé sur celle-ci offraient, selon
l'avocat général, un haut degré de sécurité contre les abus, mais le
service en question ne semblait pas non plus présenter des risques
d'abus supérieurs à ceux jugés acceptables au Royaume-Uni pour des
activités de jeux comparables, telles les loteries locales et les pronostics
sur les matchs de football (ainsi que la loterie nationale légalisée en
1993) (73). A notre avis, c'est de tels critères que la juridiction nationale
doit s'inspirer dans le cadre de l'application du critère de l'équivalence
dans le litige au principal. Elle doit comparer le niveau de protection
des joueurs et de l'ordre social que le législateur finlandais entend
assurer sur le territoire national (74) avec celui rendu possible par lescontrôles et, d'une manière générale, par la législation en vigueur dans
l'État membre d'origine du service. En espèce, le juge a quo devra donc
tenir compte, notamment, de la circonstance mise en évidence dans les
observations produites par les autorités britanniques, qu'au Royaume-Uni la vente, la fourniture et l'entretien des machines à sous font déjà
l'objet de contrôles destinés à garantir que les appareils en question ne
soient pas truqués et ne puissent pas être utilisés à des fins criminelles.
(iv) L'interdiction d'installer et d'exploiter des machines à sous en
Finlande est-elle proportionnée à la réalisation des objectifs poursuivis?
- 37.
- Ainsi qu'il résulte de la jurisprudence susmentionnée (voir point
30), quand bien même le juge a quo constaterait que la loi finlandaise
sur les jeux de hasard est nécessaire et appropriée, dans les termes
indiqués ci-dessus (voir points 34 et 35), cela ne suffirait pas encore
pour exclure que la mesure en cause viole l'article 59 du traité. En effet,
il faudrait aussi établir que lesdites raisons impérieuses de protection des
consommateurs et de l'ordre social ne peuvent pas être satisfaites de
manière aussi efficace par des moyens moins contraignants. Toutefois,
de l'avis du gouvernement espagnol, le point de savoir si le principe de
proportionnalité peut ou non être considéré comme respecté en l'espèce
serait dépourvu de pertinence aux fins de la solution du litige au
principal. En appliquant par analogie la solution adoptée par la Cour
dans l'arrêt Schindler, il y aurait lieu, selon ce gouvernement, de
considérer comme compatible avec le traité même une hypothétique
interdiction absolue de prestation des services de jeux, qui ne souffrirait
pas non plus de dérogation en ce qui concerne un organisme de droit
public se trouvant dans une situation comparable à celle de la RAY.
Cette conclusion s'imposerait donc à plus forte raison pour la loi
finlandaise sur les jeux de hasard qui prévoit une restriction à la libre
prestation des services analogue à celle résultant de la législation du
Royaume-Uni en cause dans l'affaire Schindler et permet même, sous
certaines conditions, la fourniture des services en question par un
opérateur monopoliste.
- 38.
- Bien que l'argumentation que nous venons d'exposer soit à
première vue séduisante, elle n'emporte pas notre conviction: elle finit
par vouloir trop prouver. En effet une chose est de relever l'analogie qui
existe entre les raisons impérieuses d'intérêt général poursuivies,
respectivement, par la loi finlandaise sur les jeux de hasard et par la
législation britannique sur les loteries en cause dans l'affaire Schindler.
Mais c'en est une autre de déduire de cette analogie que le résultat
auquel la Cour est parvenue dans cet arrêt devrait, logiquement, valoir
a fortiori pour le cas d'espèce. On ne peut pas négliger la différence qui
existe entre les mesures restrictives en question, respectivement, dans
l'affaire Schindler et dans le présent litige au principal. A cet égard, il
nous semble indéniable qu'une interdiction de fournir un service
déterminé aux destinataires établis dans un État membre donné, qui
n'admet aucune exception même en faveur d'un seul opérateur ayant la
nationalité de cet État ou établi sur son territoire, ne suscite aucun
soupçon de motivation protectionniste. Les autorités nationales
considèrent le service en question comme indésirable et entendent le
bannir sur la base de justifications légitimes par hypothèse, telle que le
serait, pour ce qui concerne la présente analyse, la nature très particulière
des jeux de hasard. L'interdiction que ces autorités imposent avec
cohérence jouira par conséquent d'une sorte de présomption de
proportionnalité aux exigences invoquées.
Tout autre est cependant le cas d'une interdiction sélective, telle que
celle dont il s'agit ici, qui permet la fourniture du service, dans le cadre
de strictes modalités d'organisation et d'exercice, mais exclusivement à
un opérateur national. En l'occurrence, c'est l'État membre qui
démontre, en prévoyant une exception à l'interdiction, que les raisons
impérieuses d'intérêt général qui sont invoquées se présentent, selon la
conception même qu'en ont les autorités nationales, avec une gravité et
une urgence relatives et doivent être appréhendés avec une certaine
souplesse. Cette appréciation se répercute nécessairement sur l'analyse
relative à la possibilité que la protection des intérêts généraux en
question puisse être réalisée de manière toute aussi efficace, également
en ce qui concerne les concurrents étrangers potentiels, dans la
Communauté, de l'unique prestataire national autorisé, par des mesures
moins contraignantes pour la libre circulation des services que ne l'est
l'interdiction absolue d'accès au marché.
Ce n'est pas par hasard que l'arrêt Schindler bien qu'il reconnaisse aux
États membres, à côté de la compétence de déterminer les exigences
que comportent la protection des joueurs et plus généralement celle de
l'ordre social, le pouvoir discrétionnaire d'interdire ou de restreindre les
activités de jeu sur leur territoire, compte tenu des indications qui
peuvent se déduire des traditions socio-culturelles nationales contient
une réserve importante: pour que les raisons impérieuses reconnues par
la Cour puissent être de nature à soustraire d'éventuelles mesures
étatiques restrictives à l'interdiction prévue à l'article 59 du traité, les
restrictions ainsi apportées à la libre prestation des services ne doivent
pas être discriminatoires (voir point 13 ci-dessus). Comment faut-il
interpréter cette incise, que contient le point 61 de l'arrêt, dans la partie
finale de l'analyse de la Cour relative à l'existence de causes légitimes
de justification? Selon nous, il ne s'agit pas d'une répétition inutile du
principe, qui est déjà énoncé dans une partie antérieure de l'arrêt
(points 47 à 52), selon lequel seules des mesures indistinctement
applicables peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt
général. Nous estimons au contraire que la Cour a voulu formuler, fût-ce
sous une forme elliptique, un principe supplémentaire. Plus précisément:
lorsque l'on reconnaît aux autorités nationales le pouvoir discrétionnaire
de prévoir des interdictions ou d'autres mesures restreignant une liberté
fondamentale garantie par le traité, par rapport aux caractéristiques
particulières d'une marchandise ou d'un service, les éventuels effets
discriminatoires des dispositions adoptées, même s'ils découlent de
critères qui ne sont pas dictés par des visées protectionnistes, doivent
être pris en considération à une double fin. En d'autres termes, les effets
qui se présentent ainsi sont soumis à un double contrôle. Il faudra, tout
d'abord, examiner si la mesure à laquelle ils se rattachent est ou non
indistinctement applicable; il s'agira ensuite d'apprécier ces effets
également sous un autre angle, quand on aborde le point de savoir si la
mesure en question est adéquate, nécessaire et proportionnée aux
raisons impérieuses qu'elle vise à satisfaire. D'aucuns diront que ce
double critère d'appréciation est, compte tenu de la latitude qui est
reconnue aux États membres, un standard de contrôle très strict. Selon
nous, il doit l'être. En effet, la notion de mesure indistinctement
applicable, dans le contexte dans lequel nous l'utilisons ici, n'épuise pas
tous les aspects sous lesquels les mesures étatiques visant à restreindre
ou à interdire la libre circulation de marchandises ou de services
peuvent donner lieu à des discriminations illicites au sens du traité. La
portée des possibles causes justificatives de telles mesures ne doit pas
être indûment étendue. Or, tel serait précisément le cas s'il était loisible
aux États membres de réglementer, voire d'interdire, l'accès à une
activité économique en se fondant sur la seule considération de la
nature particulière que revêt ladite activité. Le cas dont nous occupons,
répétons-le, est précisément celui d'une interdiction sélective: l'activité
en question est réservée à un opérateur national. L'arrêt Schindler ne
nous permet pas de présumer qu'une mesure de ce genre est
automatiquement à l'abri de toute critique. Le régime ainsi établi
appelle, au contraire, un contrôle autonome portant, ainsi que nous
l'avons exposé, sur la nécessité, l'adéquation et la proportionnalité.
Fixons notre attention plus particulièrement sur l'aspect qui concerne la
proportionnalité des mesures prises par rapport à l'objectif à atteindre.
- 39.
- Le gouvernement finlandais, les autorités des autres États
membres qui sont intervenus en l'espèce et la Commission font valoir
que la législation nationale remplit en l'occurrence cette condition. Ils
affirment que si le jeu faisant appel aux machines à sous se déroulait
dans le cadre d'un régime de libre concurrence, les États membres ne
pourraient pas limiter ou en tout cas contrôler discrétionnairement
l'offre de ce jeu sur leur territoire ni, de ce fait, prévenir les
conséquences sociales dommageables que comporte une demande
excessive. Toujours selon la Commission et les États membres, la
libéralisation du marché ne permettrait pas, d'autre part, de protéger
suffisamment les joueurs contre le risque de fraude et la société contre
l'infiltration criminelle dans les activités de jeu. Les parties appelantes
au principal, quant à elles, rétorquent que le fait de vouloir comprendre
les termes du problème comme si celui-ci impliquait par la force des
choses un choix entre deux extrêmes le monopole ou la
déréglementation complète du marché constitue une interprétation
forcée qui est inacceptable. En tout état de cause, pour obtenir
l'annulation du jugement de première instance, les appelantes au
principal ne semblent pas avoir besoin de faire valoir la prétention que
le marché du jeu faisant appel aux machines à sous soit ouvert à la
concurrence. Il leur suffirait, à cet effet, de démontrer qu'elles ne
peuvent pas aspirer à l'octroi de l'autorisation pour l'exercice de
l'activité en question, que la législation en vigueur réserve à la RAY.
- 40.
- Les arguments avancés par M. Läärä et les sociétés appelantes
au principal me semblent fondés. Dès l'instant où l'on admet que le
besoin de pratiquer des jeux de hasard constitue un fait inéluctable, ce
besoin peut être utilement soumis à une réglementation au travers de
dispositions visant à limiter et à contrôler l'offre du marché.
Contrairement à ce que soutient le gouvernement espagnol, les contrôles
et les vérifications nécessaires pour assurer que les raisons impérieuses
sont satisfaites et qui, ainsi que nous l'avons relevé (voir point 35), ne
doivent d'ailleurs pas reproduire inutilement ceux qui ont déjà été
éventuellement établis dans l'État d'origine des services pourraient,
selon nous, être pratiqués également dans un contexte réglementaire
moins restrictif que celui actuellement en vigueur. Comme le font valoir
les autorités belges, tel serait, par exemple, le cas d'un système
d'autorisations non exclusives au bénéfice duquel des entrepreneurs
privés seraient également admis: en vertu de ce régime, l'autorisation
d'installation et d'exploitation des appareils litigieux serait accordée à la
demande des opérateurs intéressés, pour l'ensemble du territoire
national ou pour une partie seulement de celui-ci, mais aux conditions
fixées par le législateur national compte tenu des exigences à satisfaire.
Il s'agirait donc d'étendre les contrôles et les vérifications, qui sont
actuellement prévus pour les exploitants des établissements dans lesquels
les machines à sous sont mises à la disposition du public, aux opérateurs
qui sollicitent une telle autorisation. C'est une solution de ce type qui est
d'ores et déjà retenue, avec des différences propres à chacune des
réglementations nationales, dans les ordres juridiques néerlandais,
allemand et portugais. Ainsi, l'augmentation des charges administratives
résultant de l'élargissement du cercle des opérateurs soumis à une
surveillance devrait être considérée comme s'inscrivant dans des limites
raisonnables. Ce serait, en outre, une solution certainement plus
proportionnée aux exigences dont le législateur finlandais déclare vouloir
s'inspirer, que ne pourra jamais l'être le régime monopolistique
actuellement en vigueur (75). La proposition selon laquelle le
remplacement du monopole de la RAY par un système d'autorisations
non exclusives aurait des effets moins contraignants sur la libre
prestation des services est tellement claire qu'elle n'appelle pas de longs
commentaires. Une fois fixé le nombre maximum de licences disponibles
en fonction du niveau de l'offre totale considéré comme souhaitable par
le législateur finlandais, tous les prestataires (finlandais ou étrangers) de
la Communauté répondant aux conditions de moralité et d'honorabilité
fixées par hypothèse par la loi auraient accès, en principe (et sous
réserve de la nécessité de lancer des procédures de sélection
appropriées), au marché national du service, sur des bases transparentes
et non discriminatoires. En outre, l'exercice de l'activité de jeu par desconcessionnaires privés resterait soumise à des contrôles de police et
administratifs en général, indispensables pour vérifier le respect des
prescriptions légales pertinentes (relatives, par exemple, au montant des
enjeux et des lots ainsi qu'à l'utilisation de compteurs) et des conditions
de l'autorisation (en particulier celles relatives à l'interdiction de
l'utilisation des machines par des mineurs non accompagnés ou à la
constitution préalable d'une caution destinée à garantir le paiement
d'éventuelles sanctions pécuniaires), ce qui permet ainsi de prévenir que
des fraudes et autres délits soient commis. Du reste, un régime
d'autorisations non exclusives serait parfaitement compatible avec le
pouvoir d'appréciation dont les États membres disposent pour régler
l'affectation des bénéfices réalisés, et notamment avec l'objectif
consistant à faire contribuer les concessionnaires, éventuellement grâce
à l'instrument de l'imposition fiscale, au financement de finalités
d'intérêt général. Nous sommes par conséquent d'avis que l'article 59 du
traité doit être interprété en ce sens qu'une interdiction de gérer et
d'installer des machines à sous, telle que celle prévue par la loi
finlandaise sur les jeux de hasard, ne satisfait pas au principe de
proportionnalité.
- 41.
- Nous suggérons enfin à la Cour de répondre par la négative à la
question de l'applicabilité au cas d'espèce, en vue de soustraire une
entreprise telle que la RAY à l'application des articles 90, paragraphe 1,
et 59, de la dérogation prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité. A
cet égard, les considérations que nous avons développées en ce qui
concerne la compatibilité des modalités d'organisation et d'exercice du
monopole en question avec les dispositions du traité relatives à la libre
circulation des marchandises (voir point 29 ci-dessus) valent mutatis
mutandis.
Conclusion
Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour
de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par la
Vaasan hovioikeus:
«1. L'article 90, paragraphe 1, et l'article 30 du traité s'opposent à
une législation nationale qui accorde à un organisme de droit
public se trouvant dans la situation de la Raha-automaattiyhdistys
le droit exclusif de fournir des services de jeu faisant appel aux
machines à sous et le droit de fabriquer et de vendre les
appareils nécessaires pour la prestation desdits services, lorsque
l'attribution de ces droits à ladite entreprise comporte une
discrimination injustifiée des produits importés par rapport aux
produits nationaux, à moins que cette législation ne soit justifiée
par l'un des motifs visés à l'article 36 ou que l'application de
l'article 30 ne fasse échec à la mission particulière impartie à
l'entreprise concernée.
2. L'article 90, paragraphe 1, et l'article 59 du traité s'opposent à
une législation nationale qui accorde à un organisme de droit
public se trouvant dans la situation de la Raha-automaattiyhdistys
le droit exclusif de fournir des services de jeu faisant appel aux
machines à sous, lorsque, compte tenu des modalités concrètes
d'organisation et d'exercice de ce monopole, il apparaît que les
dispositions restreignant la libre prestation des services ne
correspondent pas de manière cohérente, appropriée et
proportionnée aux raisons de politique sociale et de prévention
de la fraude que les autorités nationales ont invoquées pour
justifier la législation en question».
1: Langue originale: l'italien.
2:
Voir arrêt du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039).
3:
Voir loi n° 491 du 1er septembre 1965, telle que modifiée ultérieurement.
4:
Voir le projet de loi n° 142/1964 présenté par le gouvernement finlandais en
vue de l'adoption d'une réglementation des jeux de hasard.
5:
La législation finlandaise permet, au contraire, à toute personne ayant la
capacité d'exploiter une activité économique d'installer librement dans ses
locaux des appareils de loisirs, avec lesquels les joueurs peuvent seulement
gagner des parties gratuites ou la prolongation de la durée du jeu (voir loi
n° 164 du 10 février 1995 sur les appareils de loisirs).
6:
Voir article 1er, paragraphe 3, du Raha-automaatti-asetus (décret n° 676 du
29 décembre 1967, sur les machines à sous, tel que modifié ultérieurement).
7:
Voir articles 6, paragraphe 1, et 16, paragraphe 1, du Raha-automaatti-asetus
(précité, note 5).
8:
Voir article 6, paragraphe 1, du Raha-automaatti-asetus (précité, note 5).
9:
Voir site web de la RAY (adresse Internet:
http://www.ray.fi/english/briefly/default.htm).
10:
La condition mentionnée dans le texte reproduit, d'ailleurs, le contenu de
l'article 3 du Raha-automaatti-asetus (précité, note 5).
11:
Voir articles 2 et 34 du Raha-automaatti-asetus (précité, note 5).
12:
Aux termes du point 7 de la version anglaise du contrat en question, TSL «is
the exclusive representative of the CM[L]-machines». Le point 8 suivant
attribue à TSL le droit de passer avec les gérants d'établissements
commerciaux et autres des accords en vue de l'installation des produits
contractuels.
13:
Il résulte de l'ordonnance de renvoi que l'obtention de gains à la suite de
parties avec la machine de type AWP (amusement-with-prizes) «Golden
Shot» est liée à la position d'arrêt des rouleaux qui pivotent dans la machine
et sur lesquels apparaissent des images de fruits. Lorsque les rouleaux
s'immobilisent sur une position prévue au barème des gains, soit d'eux-mêmes, soit par l'action d'un joueur qui réussit, en se servant d'une poignée,
à les immobiliser ou à les placer dans une telle position, la machine délivre
au joueur un gain unitaire qui, par partie, peut atteindre au maximum 200
FIM (équivalents à environ 40 euros), pour une mise comprise entre 1 et 5
FIM (soit, respectivement, 0,20 et 1 euro). Dans leurs observations écrites
devant la Cour, M. Läärä, TSL et CML ont affirmé que ce rapport entre le
montant de la mise et celui du lot serait identique à celui des machines à sous
exploitées par la RAY.
14:
Selon le titre 2, article 16, paragraphe 2, du code pénal finlandais, tout
instrument appartenant à l'auteur de l'infraction ou à son commettant et qui
a servi à la commission de l'infraction, ou qui a été fabriqué ou acquis
uniquement à cette fin, peut être confisqué.
15:
Voir arrêt Schindler (précité, note 1), points 16 à 19.
16:
Ibidem, points 31 à 37.
17:
Ibidem, points 21 à 30 et, plus spécialement, point 22. Analysant si l'on
pouvait considérer comme satisfaites en l'espèce, toutes les conditions
requises par la définition énoncée à l'article 60 du traité, la Cour a observé:
«Les prestations en cause sont celles que fournit l'organisateur de la loterie
en faisant participer les acheteurs de billets à un jeu de hasard leur offrant
une espérance de gain, en assurant, à cette fin, la collecte des enjeux,
l'organisation des tirages aléatoires, la détermination et le versement des prix
ou des lots.» Quant à la rémunération de ces prestations, elle était
normalement constituée par le prix du billet de loterie. Enfin, en ce qui
concerne le caractère résiduel de la notion communautaire de «services», la
Cour a exclu que les loteries entrent dans la sphère de protection d'une autre
liberté fondamentale, et notamment dans celle offerte par les règles relatives
à la libre circulation des capitaux, qui ne visent pas l'ensemble des transferts
monétaires nécessaires aux activités économiques (ibidem, points 27, 28
et 30).
18:
Ibidem, point 35.
19:
Ibidem, points 39 à 45.
20:
Ibidem, point 48.
21:
Ibidem, point 60. La Cour a notamment relevé que, compte tenu du montant
élevé des sommes collectées et des gains offerts, les grandes loteries
comportent des risques graves de délit et de fraude, ainsi que des
conséquences dommageables, au niveau individuel et social, pour tous ceux
qui sont les plus enclins à acquérir un nombre élevé de billets, fût-ce en vue
de gains aléatoires.
22:
V. Hatzopoulos (voir note commentant l'arrêt Schindler, dans Common
Market Law Review, 1995, p. 841, spécialement p. 851) observe que la
formulation négative utilisée au point 60 de l'arrêt en question («En effet, il
n'est pas possible de faire abstraction, tout d'abord, des considérations d'ordre
moral, religieux ou culturel qui entourent les loteries commes les autres jeux
d'argent dans tous les États membres») relègue dans l'ombre tant le poids
qu'il convient, selon la Cour, d'accorder à ces considérations que les
éventuelles conséquences juridiques découlant de cette opération
interprétative. Selon l'auteur, le passage de l'arrêt commenté apparaît
surprenant d'autant plus que, au précédent point 32 de l'arrêt, la Cour,
s'agissant du point de savoir si les activités de loterie relèvent ou non du
champ d'application des articles 59 et suiv. du traité, a adopté une position
agnostique, en affirmant: «A supposer que la moralité des loteries puisse, du
moins, être mise en cause, il n'appartient pas à la Cour de substituer son
appréciation à celle des législateurs des États membres où cette activité est
légalement pratiquée» (voir point 8 ci-dessus).
23:
Voir arrêt Schindler (précité, note 1), points 57 à 60, et plus spécialement
points 59 et 58.
24:
Ibidem, point 60.
25:
Ibidem, points 60 et 61, et plus spécialement point 61. En conséquence,
l'interdiction d'importer les matériels destinés à permettre aux ressortissants
de l'État membre d'importation de participer à des loteries de grande ampleur
organisées dans un autre État membre constituent, selon la Cour, un élément
nécessaire à la protection que le premier État entendait assurer sur son
territoire en matière de jeux d'argent. Cette interdiction ne pouvait donc pas
être regardée comme une mesure portant une atteinte injustifiée à la libre
prestation des services (ibidem, points 62 et 63).
26:
Ce que nous venons d'observer dans le texte n'exclut cependant pas que au
moins le critère du montant des gains réalisables puisse éventuellement entrer
en ligne de compte également dans le cadre de l'analyse de la possibilité
d'invoquer des dérogations aux interdictions édictées par le traité (voir
point 32 ci-après).
27:
Voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, Dumon et Froment (C-235/95,
Rec. p. I-4531, point 25); du 12 octobre 1993, Vanacker et Lesage (C-37/92,
Rec. p. I-4947), et du 13 octobre 1976, Saieva (32/76, Rec. p. 1523).
28:
La notion d'«entreprise» comprend, notamment dans le contexte du droit de
la concurrence, toute entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de
financement. Cette qualification a par conséquent été considérée comme
applicable à un office public pour l'emploi exerçant des activités de placement
[voir arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec. p. I-1979,
point 21), et du 11 décembre 1997, Job Centre (C-55/96, Rec. p. I-7119,
points 21 à 25)], ainsi qu'à un organisme à but non lucratif, gérant un régime
d'assurance vieillesse destiné à compléter un régime de base obligatoire,
institué par la loi à titre facultatif et fonctionnant, dans le respect des règles
définies par le pouvoir réglementaire, notamment en ce qui concerne les
conditions d'adhésion, les cotisations et les prestations, selon le principe de
la capitalisation [(voir arrêt du 16 novembre 1995, Fédération française des
sociétés d'assurance e.a. (C-244/94, Rec. p. I-4013)]. Selon la Cour, en
revanche, ne constituent pas des entreprises les organismes qui concourent àla gestion du service public de la sécurité sociale, lesquels remplissent une
fonction de caractère exclusivement social, en exerçant une activité fondée sur
le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif [(voir
arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637,
points 17 à 19)].
29:
Nous rappelons que, dans l'arrêt du 6 juillet 1982, France, Italie et
Royaume-Uni/Commission (188/80 à 190/80, Rec. p. 2545, points 24 à 26, et
plus spécialement point 25), la Cour a approuvé la définition de l'entreprise
publique («toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer
directement ou indirectement une influence dominante. Une telle influence
est présumée ... lorsque les pouvoirs publics, directement ou indirectement,
détiennent la majorité du capital, disposent de la majorité des voix ou
peuvent désigner plus de la moitié des membres des organes d'administration,
de direction ou de surveillance de l'entreprise en question») qui figure à
l'article 2 de la directive 80/723/CEE de la Commission, du 25 juin 1980,
relative à la transparence des relations financières entre les États membres et
les entreprises publiques (JO L 195, p. 35, telle que modifiée par la suite).
30:
Voir, notamment, arrêt du 18 juin 1991, ERT (C-260/89, Rec. p. I-2925,
points 10 et 11).
31:
Voir conclusions de l'avocat général M. Gulmann présentées le
16 décembre 1993, sous l'arrêt Schindler (précité, note 1), point 27 des
conclusions.
32:
Voir arrêt du 10 décembre 1968, Commission/Italie (7/68, Rec. p. 617)
concernant des biens d'intérêt artistique ou historique. Selon la Cour, «les
objets qui sont transportés par-delà une frontière pour donner lieu à des
transactions commerciales sont soumis à l'article 30, quelle que soit la nature
de ces transactions»; c'est pourquoi, même les déchets non recyclables
constituent des «marchandises», au sens des articles 30 et suiv. du traité (voir
arrêt du 9 juillet 1992, Commission/Belgique, C-2/90, Rec. p. I-4431,
point 26).
33:
Voir code NC 9504 30 50.
34:
Voir arrêt du 23 octobre 1997, Commission/Italie (C-158/94, Rec. p. I-5789,
points 15 à 20); ainsi que les conclusions de l'avocat général M. Cosmas
présentées le 26 novembre 1996, dans les affaires jointes C-157/94 à C-160/94,
Commission/Pays-Bas, Commission/Italie, Commission/France et
Commission/Espagne, (C-157/94, Rec. p. I-5701, point 15).
35:
Comme, par exemple, la fourniture d'huile, de pièces de rechange et d'autres
marchandises effectuée dans le contexte du service de contrôle technique de
véhicules à moteur (voir arrêt du 5 octobre 1994, Van Schaik, C-55/93, Rec.
p. I-4837, point 14).
36:
Voir F. Blum-A. Logue, State Monopolies Under EC Law, Chichester, 1998,
p. 106 et 137. Voir également arrêt du 30 avril 1974, Sacchi (155/73, Rec.
p. 409, points 6 et 7), et ERT (précité, note 29), points 13 et 14, dans lesquels
la Cour a affirmé que l'émission de messages télévisés, y compris ceux ayant
un caractère publicitaire, doit être considérée comme une prestation de
services, alors que les échanges transfrontaliers de matériels, supports de son,
films, appareils et autres produits utilisés pour la fourniture du service en
question sont soumis aux règles relatives à la libre circulation des
marchandises; ainsi que l'arrêt du 22 septembre 1988, Commission/Irlande
(45/87, Rec. p. 4929, point 17), concernant la conformité à l'article 30 du
traité de l'inscription, dans le dossier d'appel d'offres relatif à un marché de
travaux publics, d'une clause prévoyant que certains matériaux à utiliser pour
l'exécution du marché devaient avoir été certifiés conformes à une norme
irlandaise. La Cour a jugé que «le fait qu'un marché public de travaux
concerne la prestation de services ne peut ... avoir pour conséquence de
soustraire aux interdictions de l'article 30 une limitation des matériaux à
utiliser inscrite dans un avis d'appel d'offres».
37:
Nous avons rappelé dans le texte les deuxième et troisième questions
préjudicielles qui, à l'époque, ont été adressées à la Cour par le Monomeles
Protodikeío de Thessalonique (voir arrêt ERT, précité, note 29, point 5).
38:
Ibidem, points 15, 16 et 18, et plus spécialement points 15 et 16. Voir
également l'arrêt du 30 avril 1974, Sacchi (précité, note 35), points 7 et 8. La
Cour a également décidé, quant à l'interprétation de l'article 37 du traité, que
l'on ne saurait exclure l'éventualité qu'un monopole de prestations de services
(en l'occurrence, le service extérieur des pompes funèbres) puisse avoir une
influence indirecte sur les échanges intracommunautaires de marchandises (à
savoir, en l'occurrence, des corbillards, cercueils, tentures extérieures des
maisons mortuaires et voitures de deuil), «en particulier lorsque le monopole
de prestation de certains services que constitue une entreprise, ou un
ensemble d'entreprises, aboutit à une discrimination de produits importés par
rapport aux produits d'origine nationale» [voir arrêt du 4 mai 1988,
Bodson/Pompes funèbres des régions libérées (30/87, Rec. p. 2479, point 10);
voir également arrêt du 7 décembre 1995, Gervais e.a. (C-17/94, Rec.
p. I-4353, points 36 à 38)].
39:
Voir arrêt ERT (précité, note 29), points 19 à 22, et plus spécialement
point 22.
40:
Voir, ci-dessus, note 37 et la partie correspondante du texte.
41:
Voir arrêt ERT (précité, note 29), point 23. Toutefois, la Cour a également
relevé que l'objectif visant à éviter des perturbations dues au nombre restreint
de canaux disponibles n'était pas en l'espèce susceptible de constituer une
justification de la réglementation nationale qui avait des effets
discriminatoires, au sens de l'article 56 du traité, puisque l'ERT utilisait un
nombre restreint de ces canaux (ibidem, point 25). Enfin, la Cour a conclu
que l'article 59 s'oppose à une réglementation nationale qui crée un
monopole du type de celui décrit, «lorsqu'un tel monopole entraîne des effets
discriminatoires au détriment des émissions en provenance d'autres États
membres, à moins que cette réglementation ne soit justifiée par l'une des
raisons indiquées à l'article 56, auquel renvoie l'article 66 du traité» (ibidem,
point 3 du dispositif).
42:
Selon votre jurisprudence constante, relève de la notion de mesure d'effet
équivalant à des restrictions quantitatives «toute réglementation commerciale
des États membres susceptible d'entraver directement ou indirectement,
actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire» (voir arrêt
du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec. p. 837, point 5, c'est nous qui
soulignons). Il n'est en revanche pas nécessaire aux fins de l'interdiction
énoncée à l'article 30 du traité que ces mesures soient de nature à affecter
sensiblement les échanges intracommunautaires (voir arrêt du 13 mars 1984,
Prantl, 16/83, Rec. p. 1299, point 20).
43:
Voir arrêt du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana (C-21/88, Rec.
p. I-889, point 1 du dispositif).
44:
Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'une entreprise qui bénéficie d'un
monopole légal sur une partie substantielle du marché commun peut être
considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 86
du traité, et que le territoire d'un État membre, auquel ce monopole s'étend,
est susceptible de constituer une partie substantielle du marché commun [voir,
notamment, arrêt ERT (précité, note 29), point 31. En outre, un État
membre enfreint les interdictions prévues aux articles 90, paragraphe 1, et 86
lorsque l'entreprise dominante est amenée, par le simple exercice des droits
exclusifs qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon
abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans
laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus [voir, notamment,
arrêts Höfner et Elser (précité, note 27), point 29, ERT (précité, note 29),
point 37, et du 10 décembre 1991, Merci convenzionali Porto di Genova
(C-179/90, Rec. p. I-5889, point 17)]. Selon l'article 86, constitue un tel abus,
notamment, le fait, pour une entreprise détenant une position dominante sur
un marché donné, de se réserver, sans nécessité objective, une activité
auxiliaire qui pourrait être exercée par une entreprise tierce dans le cadre des
activités de celle-ci sur un marché voisin, mais distinct, au risque d'éliminer
toute concurrence de la part de cette entreprise [voir arrêts du
3 octobre 1985, CBEM (311/84, Rec. p. 3261, point 2 du dispositif), et du
13 décembre 1991, GB-INNO-BM (C-18/88, Rec. p. I-5941, points 18 à 28)].
Pour être complet, nous rappelerons également votre jurisprudence selon
laquelle une réglementation nationale qui aboutit à faciliter l'exploitation
abusive d'une position dominante, susceptible d'affecter le commerce entre
États membres, est normalement incompatible également avec l'article 30 du
traité, dans la mesure où cette réglementation a pour effet «de rendre plus
onéreuse et, dès lors, d'entraver les importations de marchandises en
provenance d'autres États membres» (voir arrêt Merci convenzionali
Porto di Genova, cité ci-dessus, point 21).
45:
Le gouvernement espagnol et la Commission ont, au contraire, soutenu que
l'on peut discerner dans le contexte du litige au principal un autre service
transfrontalier, consistant dans la location des machines à sous par CML à
TSL. Cette interprétation ne nous semble pas tenir dûment compte du fait
que ledit contrat du 25 janvier 1996 (voir point 5) prévoit non pas une
obligation de paiement du loyer à la charge de TSL, mais le droit de la
société finlandaise à recevoir une commission à titre de rémunération des
services qu'elle a fournis à CML. Nous observons à titre incident que la
qualification de fourniture de services transfrontaliers semblerait convenir
également pour cette dernière prestation, au cas où le juge a quo exclurait
que CML, destinataire des prestations de services en question, est établie en
Finlande (voir point 26 ci-après).
46:
Voir, entre autres, arrêt du 18 mars 1980, Debauve e.a. (52/79, Rec. p. 833,
point 9).
47:
«[L]es dispositions du chapitre relatif aux services sont subsidiaires par
rapport à celles du chapitre relatif au droit d'établissement dans la mesure où,
en premier lieu, les termes de l'article 59, premier alinéa, présupposent que
le prestataire et le destinataire du service concerné sont 'établis dans deux
États membres différents et où, en second lieu, l'article 60, premier alinéa,
précise que les dispositions relatives aux services ne trouvent application que
si celles relatives au droit d'établissement ne s'appliquent pas» (voir arrêt du
30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 22). D'ailleurs,
dans le même arrêt, la Cour a précisé qu'un prestataire de services peut
également se doter, dans l'État membre d'accueil, de l'infrastructure
nécessaire aux fins de l'accomplissement de sa prestation, sans pour autant
être soumis aux règles relatives au droit d'établissement; il faut cependant que
la prestation de services en cause, compte tenu de sa durée, de sa fréquence,
de sa périodicité et de sa continuité, puisse être considérée comme ayant un
caractère temporaire (ibidem, points 1 et 2 du dispositif).
48:
Voir, ci-dessus, notes 16 et 46 et les parties correspondantes du texte.
49:
Voir arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755,
point 21). Dans l'arrêt Gebhard, la Cour a ajouté que «[l]a notion
d'établissement au sens du traité est ... une notion très large, impliquant la
possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable
et continue, à la vie économique d'un État membre autre que son État
d'origine, et d'en tirer profit, favorisant ainsi l'interpénétration économique
et sociale à l'intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non
salariées» (voir arrêt Gebhard, précité, note 46, point 25).
50:
Du reste, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence récente de la Cour, c'est
désormais l'ensemble des quatre libertés fondamentales instituées par le traité
qui est régi par des principes fondamentalement uniformes en matière tantde violation que de justification (Voir V. Hatzopoulos, Exigences essentielles,
impératives ou impérieuses: une théorie, des théories ou pas de théorie du tout?,
dans Rev. trim. dr. eur., 1998, p. 191, et plus spécialement p. 233). Voir,
également, entre autres, arrêts du 9 janvier 1977, Van Ameyde/UCI (90/76,
Rec. p. 1091, points 27 et 28), du 14 janvier 1988, Commission/Italie (63/86,
Rec. p. 29, points 12 et 13), du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, Rec.
p. 1461, points 18 à 27), du 5 décembre 1989, Commission/Italie (C-3/88, Rec.
p. 4035, point 13), du 10 décembre 1991, Commission/Grèce (C-306/89, Rec.
p. I-5863, points 7 et 8), du 26 avril 1994, Commission/Italie (C-272/91, Rec.
p. I-1409, points 6, 13 et 35), du 30 novembre 1995, Gebhard (précité,
note 46), point 35, et du 29 octobre 1998, Commission/Espagne (C-114/97,
non encore publié au Recueil, points 34 à 37).
51:
La Cour a, ainsi, écarté la conclusion opposée avancée par la Commission et
par les consorts Schindler, selon laquelle la législation nationale en cause
devait être regardée comme étant, en substance, discriminatoire, parce qu'elle
autorisait, d'une part, l'organisation simultanée par une même personne
établie au Royaume-Uni de plusieurs petites loteries, équivalentes dans leur
ensemble à une grande loterie, et, d'autre part, l'organisation, toujours par
des opérateurs économiques établis sur le territoire du Royaume-Uni, de jeux
de hasard d'une nature et d'une ampleur comparables à celles des grandes
loteries, tels que les pronostics sur les matchs de football ou le bingo. La
Cour s'est à cet égard bornée à relever que «même s'ils peuvent donner lieu
à des montants d'enjeux comparables à ceux des loteries de grande ampleur
et s'ils comportent une part importante de hasard, les jeux ainsi autorisés au
Royaume-Uni sont différents dans leur objet, dans leurs règles ainsi que dans
leurs modalités d'organisation, des loteries de grande ampleur [organisées dans
d'autres États membres (et, à compter de 1993, également au Royaume-Uni)].
Ils ne se trouvent donc pas [, avez-vous affirmé,] dans une situation
comparable à celle des loteries interdites par la législation britannique et ne
peuvent pas leur être assimilés» [voir arrêt Schindler (précité, note 1),
points 49 à 51; c'est nous qui soulignons]. Sans ajouter d'autres
considérations, la Cour a ainsi conclu que les différences constatées entre les
grandes loteries et les jeux autorisés (y compris les loteries locales d'ampleur
limitée) suffisaient à exclure la comparabilité des situations en cause et,
partant, à justifier que les dispositions restrictives nationales puissent être
applicables aux seules activités de loterie à l'échelle nationale, c'est-à-dire
précisément à des services de type comparable à ceux qui, en l'absence de
l'interdiction, auraient pu être offerts aux joueurs britanniques par des
prestataires étrangers de la Communauté.
52:
Voir, notamment, arrêt du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221,
point 12).
53:
Voir arrêt du 25 juillet 1991, Commission/Pays-Bas (C-353/89, Rec. p. I-4069,
points 21 à 25), dans lequel la Cour a analysé la question de savoir si
l'obligation faite aux organismes nationaux de radiodiffusion de recourir, pour
la réalisation de leurs programmes, aux moyens techniques d'une entreprise
néerlandaise pouvait être considérée comme justifiée par des raisons
impérieuses d'intérêt général (en l'occurrence, le maintien du pluralisme dans
le secteur de l'audiovisuel et la protection de la liberté d'expression). De
même, la règle prescrivant l'extension du traitement national («dans les
conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres
ressortissants») aux bénéficiaires de la liberté d'établissement implique, selon
nous, l'obligation pour l'État membre concerné de permettre aux
ressortissants et aux sociétés des autres États membres de s'établir localement
dans les mêmes conditions que celles qui régissent l'établissement de l'opérateur
monopoliste national, sous réserve de la possibilité d'invoquer, à titre de
justification du régime de monopole, l'une des dérogations prévues par les
articles 55 et 56 du traité ou des raisons impérieuses d'intérêt général. Voir
Blum-Logue (op. cit., note 35 ci-dessus), p. 160 et 161. Toutefois, en
appliquant par analogie le principe consacré par la Cour dans l'affaire
C-353/89 (citée ci-dessus), il y aurait lieu de conclure qu'une législation
nationale qui réserve une activité déterminée à un seul opérateur ne porte pas
atteinte à la liberté d'établissement lorsque l'interdiction qui en découle de
constituer et de gérer des entreprises en concurrence avec le monopole
s'applique tant aux ressortissants (et aux sociétés: voir article 58 du traité)
nationaux qu'à ceux des autres États membres. Dans cet ordre d'idées, le droit
au traitement national que l'article 52 du traité assure aux bénéficiaires de la
liberté d'établissement serait dès lors respecté [voir conclusions de l'avocat
général M. Lenz présentées le 23 janvier 1991, sous l'arrêt ERT (précité,
note 29), points 13 et 14]. En l'absence de précédents arrêts de la Cour
concernant la compatibilité avec les articles 52 et suivants du traité de
mesures étatiques relatives à des entreprises publiques et/ou titulaires de
droits exclusifs, nous nous bornerons à rappeler la décision 85/276/CEE de la
Commission, du 24 avril 1985, relative à l'assurance en Grèce des biens
publics et des crédits accordés par les banques publiques helléniques
(JO L 152, p. 25) et la décision 97/606/CE de la Commission, du 26 juin 1997,
au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité CE concernant le droit exclusif
d'émettre de la publicité télévisée en Flandre (JO L 244, p. 18). Les mesures
nationales litigieuses dans le contexte de la première décision étaient les
dispositions législatives qui établissaient, d'une part, l'obligation que tous les
biens publics, y compris ceux des entreprises publiques helléniques, devaient
être assurés exclusivement par des compagnies helléniques du secteur public
et, d'autre part, l'obligation pour les banques publiques de crédit helléniques
de recommander à leurs clients de s'assurer auprès d'une compagnie
d'assurance publique. A la différence du cas d'espèce, la discrimination au
détriment des ressortissants et des sociétés des autres États membres
procédait non pas de l'octroi de droits exclusifs à un seul opérateur national,
mais du fait qu'une partie considérable du marché en cause était réservée à
de nombreuses entreprises contrôlées par l'État. La Commission a décidé, en
application de l'article 90, paragraphe 3, du traité, que les dispositions en
question étaient incompatibles avec les dispositions combinées de l'article 90,
paragraphe 1, de l'article 52, de l'article 53, de l'article 5, deuxième alinéa, et
de l'article 3, sous f) [à présent sous g)], du traité. En ce qui concerne
notamment la violation des règles en matière d'établissement, la Commission
a relevé que «cette mesure rend impossible aux compagnies d'assurance des
autres États membres de s'établir en Grèce en tant qu'assureur des biens
publics tandis que les assureurs grecs du secteur public peuvent continuer à
assurer de tels risques tout en bénéficiant de l'apport des contrats
précédemment souscrits auprès des compagnies privées; que le marché
d'assurance des biens publics helléniques représente environ 25 % du revenu
annuel des primes d'assurance en Grèce, ce qui constitue une partie
importante de ce marché; ... que les crédits accordés par les banques
publiques helléniques de crédit constituent environ 80 % du crédit en Grèce
et que la Grèce, en obligeant le personnel des banques publiques de crédit à
recommander à leurs clients de s'assurer auprès d'une compagnie d'assurance
du secteur public, favorise ce dernier au détriment des compagnies d'assurance
du secteur non public et donc aussi des compagnies d'assurance des autres
États membres» (voir sixième et septième considérants). Par la décision
précitée du 26 juin 1997 (voir ci-dessus) qui fait actuellement l'objet d'un
recours formé en application de l'article 173 du traité par la société Vlaamse
Televisie Maatschappij (VTM) dans l'affaire T-266/97, la Commission a
demandé aux autorités belges de mettre fin à la violation de l'article 90,
paragraphe 1, et de l'article 52 du traité résultant de la réglementation
flamande relative à la radio et télédiffusion, à la publicité, au sponsoring et au
câble. Les dispositions litigieuses permettaient au gouvernement flamand
d'autoriser un seul organisme privé de télédiffusion (en l'occurrence, VTM)
à émettre à destination de l'ensemble de la communauté flamande et à
diffuser à destination de cette communauté de la publicité. La Commission
a décidé que les mesures en cause, bien qu'elles fussent indistinctement
applicables aux opérateurs non belges et aux opérateurs belges autres que
VTM, constituaient une forme dissimulée de discrimination dont les effets
étaient protectionnistes. «En effet, en l'espèce, par la réservation de la
publicité télévisée pour une seule entreprise, qui se trouve être une entreprise
nationale, la totalité ou tout au moins une part prépondérante du marché de
la publicité télévisée bénéficie à l'économie nationale». En outre, la
circonstance que la réglementation en cause n'empêchait pas les sociétés de
télévision établies dans un autre État membre d'émettre des programmes en
langue néerlandaise ainsi que de la publicité à destination de l'ensemble du
public flamand n'était pas de nature à mettre fin à la violation de la liberté
d'établissement, étant donné que les concurrents non belges de VTM auraient
été contraints d'opérer à distance de leur audience flamande, comme du
marché de leurs annonceurs publicitaires et, partant, dans une position
désavantageuse par rapport à VTM (voir point 12). Enfin, la Commission a
exclu que la monopolisation des recettes publicitaires de VTM fût justifiée
par des raisons impérieuses d'intérêt général, tel le maintien du pluralisme de
la presse écrite flamande, et que l'exception prévue à l'article 90,
paragraphe 2, du traité fût applicable en l'espèce («quand bien même
conviendrait-il d'admettre l'existence d'une mission de service public confiée
à VTM, les moyens mis en oeuvre pour l'assurer, à savoir les droits exclusifs
faisant l'objet de la présente décision, affectent les échanges d'une manière
non proportionnée et contraire à l'intérêt de la Communauté à un tel point
qu'ils vident de tout contenu l'effet de l'article 52»; voir point 14).
54:
Voir, mutatis mutandis, l'arrêt du 17 juin 1997, Sodemare e.a. (C-70/95, Rec.
p. I-3395), dans lequel la Cour a examiné la compatibilité avec le traité d'une
législation nationale qui prescrivait l'absence de but lucratif comme condition
du concours des opérateurs privés à la réalisation du système d'assurance
sociale par la conclusion de conventions qui donnent droit au remboursement
par l'État des coûts de services d'assistance sociale à caractère sanitaire. Pour
motiver sa conclusion constatant la conformité de ladite condition aux
articles 52 et 58 du traité, la Cour a relevé, entre autres, que «l'impossibilité
pour les sociétés qui poursuivent un but lucratif de concourir
automatiquement à la réalisation d'un système légal d'assistance sociale d'un
État membre par la conclusion d'une convention [ayant la teneur
susmentionnée] n'est pas susceptible de placer les sociétés à but lucratif
d'autres États membres dans une situation de fait ou de droit désavantageuse
par rapport à celle des sociétés à but lucratif de l'État membre
d'établissement» (ibidem, point 33). Voir note 62 ci-après.
55:
Voir arrêt du 6 novembre 1984, Kohl/Ringelhan (177/83, Rec. p. 3651,
point 19).
56:
Voir, notamment, arrêt du 5 juin 1986, Commission/Italie (103/84, Rec.
p. 1759, point 22).
57:
Voir a contrario arrêt du 14 décembre 1979, Henn et Darby (34/79, Rec.
p. 3795, points 21 et 22).
58:
Selon Blum-Logue (op. cit., note 35 ci-dessus, p. 23), un tel service doit
répondre aux besoins essentiels de la population. Nous rappelons que,
puisque ledit article 90, paragraphe 2, permet, dans certaines circonstances,
une dérogation à d'autres règles du traité, la définition des entreprises qui
peuvent l'invoquer doit être d'interprétation stricte [voir arrêt du
21 mars 1974, BRT II (127/73, Rec. p. 313, point 19)]. Voir également arrêt
du 17 juillet 1997, GT-Link (C-242/95, Rec. p. I-4449, point 53), selon lequel
les opérations d'embarquement, de débarquement, de transbordement, de
dépôt et de mouvement en général des marchandises ou de tout matériel dansun port ne revêtent pas nécessairement un intérêt économique général qui
présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d'autres
activités de la vie économique. Selon la jurisprudence de la Cour, relèvent au
contraire de la notion de «services d'intérêt économique général»: i) la
gestion du débouché fluvial le plus important d'un État membre [voir arrêt
du 14 juillet 1971, Muller e.a. (10/71, Rec. p. 723, point 11)], ii) l'exploitation
du service de télévision, y compris les activités publicitaires et commerciales
y afférentes [voir arrêt du 30 avril 1974 Sacchi (précité, note 35), point 15],
iii) la gestion de lignes aériennes qui ne sont pas rentables du point de vue
commercial, mais dont l'exploitation est nécessaire pour des raisons d'intérêt
général [voir arrêt du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen e.a. (66/86, Rec.
p. 803, point 55)], iv) le placement de main-d'oeuvre [voir arrêt Höfner et
Elser (précité, note 27), point 24], v) l'établissement et l'exploitation du
réseau public de télécommunications [voir arrêt GB-INNO-BM (précité,
note 43), point 16], vi) la collecte, le transport et la distribution du courrier
postal [voir arrêt du 19 mai 1993, Corbeau (C-320/91, Rec. p. I-2533,
point 15)], et vii) la fourniture d'énergie électrique dans une partie du
territoire national [voir arrêt du 27 avril 1994, Almelo (C-393/92, Rec. p.
I-1477, points 47 et 48)].
59:
L'article 90, paragraphe 2, du traité, ainsi que vous l'avez récemment relevé,
«vise à concilier l'intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises,
notamment du secteur public, en tant qu'instrument de politique économique
ou fiscale avec l'intérêt de la Communauté au respect des règles de
concurrence et à la préservation de l'unité du marché commun. Compte tenu
de l'intérêt ainsi défini des États membres, il ne saurait leur être interdit de
tenir compte, lorsqu'ils définissent les services d'intérêt économique général
dont ils chargent certaines entreprises, d'objectifs propres à leur politique
nationale et d'essayer de réaliser ceux-ci au moyen d'obligations et contraintes
qu'ils imposent auxdites entreprises» [voir, notamment, arrêt du
23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas (C-157/94, Rec. p. I-5699, points 39
et 40); c'est nous qui soulignons].
60:
Ibidem, points 43 et 58.
61:
Voir, notamment, arrêt du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders (352/85,
Rec. p. 2085, points 32 et 33). En tant qu'exception à un principe
fondamental du traité, ledit article 56 est d'interprétation stricte. Son
applicabilité suppose donc l'existence d'une menace réelle et suffisamment
grave, affectant un intérêt fondamental de la société [voir, notamment, arrêt
Commission/Espagne (précité, note 49), point 46]. Il reste, ainsi, exclu que cet
article puisse être invoqué afin de poursuivre des objectifs de nature
économique [voir, notamment, arrêt Bond van Adverteerders (précité),
point 34]. En outre, les mesures adoptées en vue de la sauvegarde des intérêts
visés doivent être limitées à celles strictement nécessaires et doivent respecter
le principe de proportionnalité (voir, notamment, arrêts du 18 mai 1982,
Adoui et Cornouaille (115/81 et 116/81, Rec. p. 1665, point 9), et du 26 avril
1988, Bond van Adverteerders, cité ci-dessus, point 36].
62:
Voir arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda
(C-288/89, Rec. p. I-4007, point 12), et du 25 juillet 1991,
Commission/Pays-Bas (précité, note 52), point 16; ainsi que, en matière de
droit d'établissement, arrêt du 28 avril 1977, Thieffry (71/76, Rec. p. 765,
point 16).
63:
Tels: la protection des destinataires d'un service, assurée par les règles
professionnelles, la protection de la propriété intellectuelle, la protection des
travailleurs, la protection des consommateurs, la conservation et la
valorisation du patrimoine historique et artistique national, la meilleure
diffusion possible des connaissances relatives au patrimoine artistique et
culturel d'un pays, et des raisons de politique culturelle (voir, notamment,
arrêt du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (précité,
note 61, points 14 et 27); la protection des destinataires de services de
surveillance et de renouvellement des brevets (voir arrêt Säger, précité,
note 51, point 17); la préservation de la cohérence du régime fiscal (voir arrêt
du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204/90, Rec. p. I-249, point 21); la
prévention de la fraude et la protection de l'ordre social (voir arrêt Schindler,
précité, note 1, points 58 et 59); la sécurité routière (voir arrêt Van Schaik,
précité, note 34, point 19); le maintien de la bonne réputation du secteur
financier national (voir arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments, C-384/93,
Rec. p. I-1141, point 44); la protection de la bonne administration de la
justice (voir, notamment, arrêt du 12 décembre 1996, Reisebüro
Broede/Sandker, C-3/95, Rec. p. I-6511, point 31); l'efficacité des contrôles
fiscaux (voir arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250/95,
Rec. p. I-2471, point 31); et la loyauté des transactions commerciales (voir
arrêt du 9 juillet 1997, De Agostini et TV-Shop, C-34/95, C-35/95 et C-36/95,
Rec. p. I-3843, point 53).
64:
Ainsi que la Cour l'a affirmé, par exemple, dans les affaires «Mediawet», les
restrictions à la libre prestation des services imposées par une législation
applicable à toute personne établie sur le territoire national «tombent sous
le coup de l'article 59, dès lors que l'application de la législation nationale aux
prestataires étrangers n'est pas justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt
général ou que les exigences que traduit cette législation sont déjà satisfaites
par les règles imposées à ces prestataires dans l'État membre où ils sont
établis». En outre, «l'application des réglementations nationales aux
prestataires établis dans d'autres États membres doit être propre à garantir
la réalisation de l'objectif qu'elles visent et ne pas aller au-delà de ce qui est
nécessaire pour qu'ils soient atteints; en d'autres termes, il faut que le même
résultat ne puisse pas être obtenu par des règles moins contraignantes» [voir
arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (précité,
note 61), points 13 et 15, et Commission/Pays-Bas (précité, note 52, points 17
et 19). Voir également, entre autres, arrêts du 17 décembre 1981, Webb
(279/80, Rec. p. 3305, point 7), du 25 juillet 1991, Commission/Italie (précité,
note 55), points 12 et 15, du 12 décembre 1996, Reisebüro Broede/Sandker
(précité, note 62), point 28, et du 5 juin 1997, SETTG (C-398/95, Rec. p. I-3091, point 21)]. Des principes analogues s'appliquent en ce qui concerne les
mesures nationales qui restreignent le droit d'établissement (voir, notamment,
arrêt du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32). Dans l'arrêt
Sodemare e.a. (précité, note 53, point 32), par exemple, la Cour a estimé que
la mesure nationale en cause, bien qu'elle restreignît le droit d'établissement,
ne violait pas l'article 52 dans la mesure où «en l'état actuel du droit
communautaire, un État membre peut, dans le cadre de sa compétence
retenue pour aménager son système de sécurité sociale, considérer qu'un
système d'assistance sociale [fondé sur le principe de la solidarité et qui
détermine la qualité des services à rendre aux destinataires de l'assistance
ainsi que le niveau de remboursement des coûts y afférents par les
bénéficiaires qui ne se trouvent pas dans un état de nécessité] implique
nécessairement, en vue d'atteindre ses objectifs, que l'admission d'opérateurs
privés à ce système en tant que prestataires de services d'assistance sociale
soit subordonnée à la condition qu'ils ne poursuivent aucun but lucratif».
65:
Voir, ci-dessus, note 60 et la partie correspondante du texte. Nous relevons
que l'article 56 du traité a été invoquée devant la Cour dans la présente
procédure, à titre de justification d'une législation restrictive telle que la loi
finlandaise sur les jeux de hasard, par les gouvernements néerlandais,
portugais et espagnol.
66:
Voir, ci-après, point 34 ainsi que la note 68 et la partie correspondante du
texte.
67:
Voir, notamment, arrêt SETTG (précité, note 63), point 23. Voir également
Hatzopoulos (op. cit., note 21 ci-dessus), p. 852.
68:
Nous observons, en l'absence de données plus à jour, qu'en 1989 le jeu aux
machines à sous représentait, dans le contexte de l'ensemble du marché
communautaire des jeux de hasard, une part inférieure à un tiers (environ
11 %) de celle détenue par les loteries (environ 36 %) [voir l'étude Gambling
in the Single Market - A study of the Current Legal and Market Situation, citée
dans les conclusions de l'avocat général M. Gulmann présentées le
16 décembre 1993 (précitées, note 30), point 6].
69:
Voir http://www.ray.fi/english/games.default.htm.
70:
A l'appui de l'affirmation relative au taux d'utilisation élevé de ces appareils,
M. Läärä et TSL ont également relevé devant la Cour que, ainsi qu'il résulte
du compte de résultat de la RAY pour l'exercice 1996, le produit réalisé dans
le secteur d'activités des machines à sous s'est élevé à 2 171 000 000 FIM (soit
environ 439 000 000 euros). Les machines à sous exploitées par la RAY ou
pour son compte restituent aux joueurs en moyenne 87 % du montant des
enjeux (voir http://www.ray.fi/english/games.default.htm).
71:
Voir les conclusions de l'avocat général M. Gulmann présentées le
16 décembre 1993 (précitées, note 30), point 93.
72:
Selon L. Gormley (voir Pay your money and take your chance?, dans Eur. L.
Rev., 1994, p. 644, et plus spécialement pp. 651 et 652), sous l'angle en
question, il n'apparaît pas aisé de situer l'arrêt Schindler dans la jurisprudence
constante de la Cour en matière de compatibilité de réglementations
indistinctement applicables avec les règles sur la libre prestation de services.
L'auteur souligne, en particulier, que la Cour a tout à fait ignoré tant le
critère de la comparaison entre les contrôles de l'État d'origine et ceux de
l'État d'accueil que la notion de reconnaissance mutuelle des réglementations
respectivement adoptées par ces États, et qu'elle a examiné de manière plutôt
rapide le caractère proportionné de la mesure restrictive litigieuse en l'espèce.
De l'avis de Gormley, l'approche retenue dans l'arrêt Schindler indiquerait
que la Cour n'a pas manqué de discerner les limites pratiques auxquelles se
heurte le critère d'équivalence dont la mise en oeuvre lui paraît plus facile
pour des notions socio-économiques concrètes que pour des objectifs d'intérêt
général plus abstraits, tels que ceux considérés par la Cour dans cette affaire.
Hatzopoulos (op. cit., note 21, p. 850) soutient, quant à lui, que le contrôle
de l'existence et de la véridicité des raisons impérieuses invoquées en l'espèce
par l'État de destination des services, que la Cour a limité au minimum,
paraît s'inspirer de l'approche que la Cour a retenue dans ses arrêts portant
sur la protection de la moralité publique. La Cour aurait même appliqué les
raisons impérieuses pertinentes comme si elles faisaient référence à la
moralité publique, en s'efforçant ensuite de justifier la transposition de cette
approche à l'objet du litige dans l'affaire Schindler grâce à la référence à
l'ordre social, combinée à la prise en considération de la "nature très
particulière" des activités de loterie.
73:
Voir les conclusions de l'avocat général M. Gulmann présentées le
16 décembre 1993 (précitées, note 30), points 92 à 97. La constatation
rappelée dans le texte n'a d'ailleurs pas empêché l'avocat général M. Gulmann
de conclure que le caractère restrictif de la législation nationale en cause dans
le cas d'espèce apparaissait justifiée par d'autres raisons impérieuses (à savoir
la limitation de l'offre des jeux dans l'État destinataire des prestations et le
maintien de la possibilité pour les États membres d'établir des règles en
matière d'affectation des bénéfices provenant des loteries). En effet, bien qu'il
faille envisager les intérêts publics en cause par rapport à leurs mérites
propres, on ne pouvait pas exclure "qu'envisagés conjointement, ils puissent
justifier des restrictions alors même que, considérés isolément, ils ne le
pourraient pas" (ibidem, point 91).
74:
Pour déterminer ce standard de protection il conviendra de se référer, d'une
part, aux modalités d'organisation du jeu aux machines à sous et au volume
des enjeux que la loi finlandaise autorise pour les activités analogues exercées
par la RAY; et, d'autre part, au niveau de protection offert aux
consommateurs finlandais dans le contexte d'activités voisines, telles que les
loteries et pronostics sur les compétitions sportives.
75:
En tout état de cause, ainsi que la Cour l'a affirmé dans le cadre de
l'interprétation de l'article 30 du traité, les États membres ne peuvent pas
déroger à une liberté fondamentale en introduisant ou en maintenant des
réglementations ou pratiques, même utiles, dont les éléments restrictifs
s'expliquent essentiellement par le souci de réduire les charges administratives
ou les dépenses publiques, sauf si, à défaut desdites réglementations ou
pratiques, de telles charges ou dépenses dépassaient manifestement les limites
de ce qui peut être raisonnablement exigé [voir arrêts du 20 mai 1976, De
Peijper (104/75, Rec. p. 613, point 18), et du 12 juillet 1990,
Commission/Italie (C-128/89, Rec. p. I-3239, point 22)].