ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
6 juillet 2000 (1)
«Prélèvement supplémentaire sur le lait - Décompte annuel des quantités de lait livrées à l'acheteur - Communication tardive - Pénalité - Validité de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 536/93»
Dans l'affaire C-356/97,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Finanzgericht München (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Molkereigenossenschaft Wiedergeltingen eG
et
Hauptzollamt Lindau,
une décision à titre préjudiciel sur la validité de l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 57, p. 12),
LA COUR (sixième chambre),
composée de MM. R. Schintgen, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, P. J. G. Kapteyn et G. Hirsch (rapporteur), juges,
avocat général: M. A. Saggio,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour la Molkereigenossenschaft Wiedergeltingen eG, par MM. K. Seitz, Steuerberater au Genossenschaftsverband Bayern, et W. Frankenberger, Wirtschaftsprüfer au Genossenschaftsverband Bayern,
- pour le gouvernement allemand, par M. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. K.-D. Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de la Molkereigenossenschaft Wiedergeltingen eG, représentée par Mme B. Buth, juriste au Deutscher Raiffeisenverband eV, du Hauptzollamt Lindau, représenté par M. T. Cirener, Oberregierungsrat, du gouvernement allemand, représenté par M. W.-D. Plessing, Ministerialrat au ministère fédéral des Finances, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. K.-D. Borchardt, à l'audience du 24 mars 1999,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 juin 1999,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par ordonnance du 17 septembre 1997, parvenue à la Cour le 16 octobre suivant, le Finanzgericht München a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenuarticle 234 CE), une question préjudicielle sur la validité de l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 57, p. 12).
- 2.
- Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige entre la Molkereigenossenschaft Wiedergeltingen eG (ci-après la «laiterie de Wiedergeltingen») et le Hauptzollamt Lindau (ci-après le «HZA») au sujet de la communication tardive par cette laiterie, en sa qualité d'acheteur de lait, du relevé des décomptes établis pour chaque producteur affilié et indiquant les quantités de lait livrées par lui.
Cadre juridique
- 3.
- Le règlement (CEE) n° 3950/92 du Conseil, du 28 décembre 1992, établissant un prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 405, p. 1, ci-après le «règlement de base»), a prolongé de sept nouvelles périodes consécutives de douze mois, à partir du 1er avril 1993, le prélèvement supplémentaire sur le lait institué par le règlement (CEE) n° 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n° 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10).
- 4.
- L'article 2, paragraphes 1 et 2, premier alinéa, du règlement de base dispose:
«1. Le prélèvement est dû sur toutes les quantités de lait ou d'équivalent-lait commercialisées pendant la période de douze mois en question et qui dépassent l'une ou l'autre des quantités visées à l'article 3. Il est réparti entre les producteurs qui ont contribué au dépassement.
Selon la décision de l'État membre, la contribution des producteurs au paiement du prélèvement dû est établie, après réallocation ou non des quantités de référence inutilisées, soit au niveau de l'acheteur en fonction du dépassement subsistant après avoir réparti, proportionnellement aux quantités de référence dont chacun de ces producteurs dispose, les quantités de référence inutilisées, soit au niveau national en fonction du dépassement de la quantité de référence dont chacun de ces producteurs dispose.
2. En ce qui concerne les livraisons, l'acheteur redevable du prélèvement paie à l'organisme compétent de l'État membre, avant une date et selon des modalités à déterminer, le montant dû qu'il retient sur le prix du lait payé aux producteurs débiteurs du prélèvement et, à défaut, qu'il perçoit par tout moyen approprié.»
- 5.
- L'article 11 du règlement de base prévoit:
«Les modalités d'application du présent règlement et notamment les caractéristiques du lait, dont les matières grasses, considérées comme représentatives afin d'établir lesquantités de lait livrées ou achetées sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 30 du règlement (CEE) n° 804/68.»
- 6.
- Conformément à cette dernière disposition, la Commission a adopté le règlement n° 536/93.
- 7.
- L'article 3, paragraphes 2 et 4, premier alinéa, de ce dernier règlement prévoit, en ce qui concerne le délai de communication et de paiement:
«2. Avant le 15 mai de chaque année, l'acheteur communique à l'autorité compétente de l'État membre le relevé des décomptes établis pour chaque producteur ou, le cas échéant, selon la décision de l'État membre, le volume total, le volume corrigé conformément à l'article 2 paragraphe 2 et la teneur moyenne en matière grasse du lait et/ou de l'équivalent-lait qui lui a été livré par des producteurs, ainsi que la somme des quantités de référence individuelles et la teneur représentative moyenne en matière grasse dont disposent ces producteurs.
En cas de non-respect du délai, l'acheteur est redevable d'une pénalité égale au montant du prélèvement dû pour un dépassement correspondant à 0,1 % des quantités de lait et d'équivalent-lait qui lui ont été livrées par des producteurs. Cette pénalité ne peut être supérieure à 20 000 écus.
4. Avant le 1er septembre de chaque année, l'acheteur redevable du prélèvement paie à l'organisme compétent le montant dû selon les modalités déterminées par l'État membre.»
- 8.
- Le délai de l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 a été repris à l'article 11, paragraphe 3, de la Milch-Garantiemengen-Verordnung (règlement sur les quantités de lait).
- 9.
- Il convient d'ajouter que, le 13 mai 1998, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1001/98, modifiant le règlement n° 536/93 (JO L 142, p. 22), qui - sans être applicable en l'occurrence - dispose désormais, en son article 1er:
«L'article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n° 536/93 est remplacé par le texte suivant:
'En cas de non-respect du délai, l'acheteur est redevable d'une pénalité calculée comme suit:
- si la communication visée au premier alinéa est faite avant le premier juin, la pénalité est égale au montant du prélèvement dû pour un dépassement correspondant à 0,1 % des quantités de lait et d'équivalent lait qui lui ont été livrées par des producteurs. Cette pénalité ne peut être inférieure à 500 écus ni supérieure à 20 000 écus,
- si la communication visée au premier alinéa est faite après le 31 mai, mais avant le 16 juin, la pénalité est égale au montant du prélèvement dû pour un dépassement correspondant à 0,2 % des quantités de lait et d'équivalent lait qui lui ont été livrées par des producteurs. Cette pénalité ne peut être inférieure à 1 000 écus ni supérieure à 40 000 écus,
- si la communication visée au premier alinéa est faite après le 15 juin mais avant le 1er juillet, la pénalité est égale au montant du prélèvement dû pour un dépassement correspondant à 0,3 % des quantités de lait et d'équivalent lait qui lui ont livrées par des producteurs. Cette pénalité ne peut être inférieure à 1 500 écus ni supérieure à 60 000 écus,
- si la communication visée au premier alinéa n'est pas faite avant le premier juillet, la pénalité est celle visée au troisième tiret, majorée d'un montant égal à 3 % de celle-ci pour chaque jour calendaire de retard à partir du 1er juillet. Cette pénalité ne peut être supérieure à 100 000 écus.
Toutefois, dans le cas où les quantités de lait ou d'équivalent lait livrées à l'acheteur par période de douze mois sont inférieures à 100 000 kg, les pénalités minimales visées aux trois premiers tirets sont réduites, respectivement, à 100, 200 et 300 écus.»
Faits et procédure au principal
- 10.
- La laiterie de Wiedergeltingen est une entreprise de transformation de lait qui exerce ses activités sous forme de coopérative (coopérative laitière), dont les membres sont les producteurs de lait qui l'approvisionnent, lesquels profitent des bénéfices qu'elle réalise. En 1996, elle a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de 17 086 021 DEM.
- 11.
- Les 24 289 tonnes de lait transformées en 1996 ont été livrées par 165 fournisseurs, ce qui représente en moyenne une quantité de lait livrée de 147 206 kg par producteur, quantité qui dépasse largement la production moyenne par éleveur en Bavière, soit 95 642 kg par an.
- 12.
- Le 9 avril 1997, le HZA a rappelé à la laiterie de Wiedergeltingen qu'elle devait communiquer le relevé des décomptes prévu à l'article 3, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 536/93 au plus tard le 14 mai 1997. Pourtant, ce n'est que le 16 mai 1997 que le relevé des décomptes a été envoyé, lequel a été reçu par le HZA le 20 mai 1997, le 19 mai ayant été un jour férié.
- 13.
- Le 22 mai 1997, le HZA a liquidé, conformément à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93, une pénalité s'élevant à la somme de 16 661,90 DEM.
- 14.
- Après le rejet de sa réclamation contre cette décision, la laiterie de Wiedergeltingen a saisi la juridiction de renvoi.
- 15.
- Le Finanzgericht München a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993 (JO L 57, p. 12), est-il valide en ce qui concerne l'application d'une pénalité à une laiterie (acheteur de lait)?»
Sur la question posée
- 16.
- Le Finanzgericht doute de la validité de l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 en raison, en premier lieu, d'une absence de base juridique valable dans le règlement de base pour déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des sanctions et, en second lieu, du caractère disproportionné de la sanction au regard de l'importance du retard.
- 17.
- Le gouvernement allemand prétend que l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 viole les principes de proportionnalité et de non-discrimination. La laiterie de Wiedergeltingen fait valoir que, outre cette violation, certains principes fondamentaux de droit pénal ont également été enfreints par ladite disposition.
Sur la prétendue absence de base juridique
- 18.
- La juridiction nationale considère que ni l'article 11 du règlement de base ni les dispositions en matière agricole, à savoir les articles 38, 40 et 43 du traité CE (devenus, après modification, articles 32 CE, 34 CE et 37 CE ) ainsi que les articles 39, 41, 42 et 46 du traité CE (devenus articles 33 CE, 35 CE, 36 CE et 38 CE), ne sont de nature à constituer une base juridique habilitant la Commission à établir la sanction visée à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93. Seule l'adoption par le Conseil d'un règlement de base sur le fondement de l'article 145 du traité CE (devenu article 202 CE) aurait pu permettre à la Commission d'instaurer une telle sanction.
- 19.
- En revanche, le gouvernement allemand et la Commission soutiennent que l'article 11 du règlement de base confère à cette dernière la compétence pour adopter des modalités d'application du régime du prélèvement supplémentaire sur le lait, notamment pour prévoir des sanctions.
- 20.
- À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé, dans l'arrêt du 27 octobre 1992, Allemagne/Commission (C-240/90, Rec. p. I-5383, point 35), que, si l'article 43, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité attribue en principe compétence au Conseil pour adopter, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, les règles relatives à une organisation commune de marché, les articles 145 et 155 du traité CE (devenu article 211 CE) permettent, par ailleurs, au Conseil de conférer à la Commission, dans les actes qu'il adopte, les compétences d'exécution des règles qu'il établit. L'article 145 du traité prévoit toutefois que le Conseil peut, dans des cas spécifiques, se réserver l'exercice de ces compétences.
- 21.
- Si, en vue de l'application des articles 145 et 155 du traité, une différence est faite, par la jurisprudence, entre des règles à caractère essentiel, réservées à la compétence du Conseil, et celles qui, n'en étant que l'exécution, peuvent faire l'objet d'une délégation à la Commission, seules les dispositions qui ont pour objet de traduire les orientations fondamentales de la politique communautaire doivent être qualifiées de règles essentielles (voir arrêt Allemagne/Commission, précité, points 36 et 37).
- 22.
- Ainsi que M. l'avocat général l'a relevé au point 23 de ses conclusions, tel ne saurait être le cas de sanctions qui sont destinées, telle la pénalité figurant à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93, à garantir la mise en oeuvre de ces orientations fondamentales.
- 23.
- Conformément à la jurisprudence susmentionnée, dès lors que les règles essentielles du régime du prélèvement supplémentaire sur le lait ont été fixées par le Conseil dans le règlement de base, il suffit qu'un pouvoir général soit délégué à la Commission pour arrêter les mesures d'exécution. Dans ces conditions, l'article 11 du règlement de base doit être considéré comme constituant une délégation valable accordée à la Commission afin qu'elle établisse la pénalité figurant à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93.
- 24.
- Toutefois, l'article 11 du règlement de base autorise la Commission à adopter toutes les mesures d'exécution nécessaires ou utiles pour la mise en oeuvre de la réglementation de base, pour autant qu'elles ne soient pas contraires à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 1995, Pays-Bas/Commission, C-478/93, Rec. p. I-3081, point 31).
- 25.
- Or, la juridiction nationale s'interroge sur le respect par la Commission, lorsque cette dernière a exercé son pouvoir d'exécution en instaurant la pénalité en cause, des orientations et des objectifs poursuivis par le Conseil dans le règlement de base. Le Finanzgericht considère qu'il existe une différence entre les intentions du Conseil et les objectifs que la Commission poursuit au moyen de la pénalité.
- 26.
- S'agissant des objectifs du Conseil, la juridiction nationale, d'une part, se réfère au huitième considérant du règlement de base aux termes duquel «il convient d'établir que l'acheteur, qui apparaît le mieux à même d'effectuer les opérations nécessaires, est le redevable du prélèvement et de lui donner les moyens d'en assurer la perception auprès des producteurs qui en sont les débiteurs». Selon elle, il ressort de ce considérant que le Conseil a eu l'intention de renforcer la position et les droits des acheteurs, c'est-à-dire des laiteries.
- 27.
- D'autre part, elle déduit du cinquième considérant du règlement n° 536/93 que, à la différence de l'intention exprimée par le Conseil, la Commission a imputé les retards essentiellement aux activités des acheteurs, dès lors qu'il y est indiqué que «l'expérience acquise a montré que des retards importants et dans la transmission des chiffres de collecte ou de ventes directes et dans le paiement du prélèvementempêchaient le régime d'être pleinement efficace; qu'il convient, dès lors, de tirer des leçons du passé les conclusions nécessaires en posant des exigences strictes en matière de délais de communication et de paiement, lesquelles doivent être assorties de sanctions».
- 28.
- À cet égard, il y a lieu de souligner que le huitième considérant du règlement de base n'est nullement en contradiction avec l'objectif poursuivi par la Commission dans le cadre de l'instauration de la sanction pécuniaire.
- 29.
- En effet, ce dernier définit le rôle de l'acheteur en sa qualité de redevable du prélèvement supplémentaire sur le lait et précise ensuite la nature de sa relation avec les débiteurs dudit prélèvement. Ainsi, c'est essentiellement la perception des sommes que le redevable doit ensuite verser en vertu des articles 2, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base et 3, paragraphe 4, du règlement n° 536/93 qui est envisagée par ce considérant et, partant, la relation existant entre le redevable et le débiteur. Comme M. l'avocat général l'a relevé au point 26 de ses conclusions, il n'apparaît pas que le Conseil ait voulu, en arrêtant le règlement de base, compenser les charges administratives qui ont été imposées aux laiteries dans le cadre des dispositions applicables en matière de quotas laitiers.
- 30.
- En revanche, le cinquième considérant du règlement n° 536/93 concerne les modalités de versement des sommes perçues au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait et vise donc la relation entre le redevable et l'organisme compétent destinataire desdites sommes.
- 31.
- Ainsi, ces deux considérants tendent tous deux à améliorer et à accélérer le transfert du prélèvement supplémentaire sur le lait par le débiteur, c'est-à-dire le producteur, au créancier, à savoir l'organisme compétent de l'État membre. En même temps, ils mettent en exergue le rôle d'intermédiaire que joue l'acheteur en sa qualité de redevable lors du transfert.
- 32.
- Il ressort de ce qui précède que l'article 11 du règlement de base constitue une base juridique valable habilitant la Commission à adopter la pénalité visée à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93.
Sur la violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination ainsi que sur le violation de certains principes fondamentaux de droit pénal
- 33.
- S'agissant de la violation du principe de proportionnalité, les parties qui ont présenté des observations devant la Cour ont toutes soutenu, à l'exception de la Commission, que ce principe avait été violé, dès lors que le montant de la sanction pécuniaire est fixé indépendamment de l'importance du retard de la communication du relevé des décomptes, que la date du 15 mai est parfaitement arbitraire, que la sanction pécuniaire est calculée à partir des quantités de lait livrées et non pas en fonction du montant du prélèvement supplémentaire sur le lait éventuellement dû, que celle-ci est infligée même dans l'hypothèse où la laiterie n'est pas redevable d'un prélèvement, qu'elle estcalculée sans égard à la responsabilité de la laiterie pour le retard et, enfin, que d'éventuelles difficultés dans les rapports entre les autorités compétentes de l'État membre restent sans incidence sur le calcul du montant de la pénalité.
- 34.
- La juridiction de renvoi et la laiterie de Wiedergeltingen observent, en substance, que le montant de la sanction pécuniaire est fixé indépendamment de l'importance du retard. Ainsi, la pénalité visée à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 est identique que le retard soit d'un jour ou qu'il soit beaucoup plus important.
- 35.
- À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, afin d'établir, en particulier dans le secteur des organisations communes de marchés agricoles, si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il y a lieu d'examiner si la sanction dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché par la réglementation violée (voir arrêts du 27 juin 1990, Lingenfelser, C-118/89, Rec. p. I-2637, point 12; du 21 janvier 1992, Pressler, C-319/90, Rec. p. I-203, point 12, et du 17 juillet 1997, National Farmers' Union e.a., C-354/95, Rec. p. I-4559, point 49).
- 36.
- Plus particulièrement, il y a lieu de vérifier si la sanction que la disposition en cause met en oeuvre pour réaliser l'objectif visé s'accorde avec l'importance de celui-ci et si les inconvénients causés ne sont pas démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 1990, Zardi, C-8/89, Rec. p. I-2515, point 10; Pressler, précité, point 12, et du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec. p. I-4863, point 41).
- 37.
- À la lumière de cette jurisprudence, il importe de souligner, en premier lieu, que la pénalité prévue à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 vise à faire respecter la date du 15 mai de chaque année, date butoir avant laquelle le relevé des décomptes des quantités de lait livrées par chaque producteur doit être communiqué par chaque laiterie à l'autorité nationale compétente.
- 38.
- S'agissant de l'objectif poursuivi par ce délai, il ressort des explications non contestées de la laiterie de Wiedergeltingen que ce délai constitue la première étape d'une procédure administrative nationale qui vise, en dernier ressort, à permettre le paiement, par la laiterie à l'organisme compétent, des sommes dues au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait. Plus spécifiquement, ce délai doit garantir que ladite procédure se déroulera dans les délais afin que le paiement soit effectué avant le 1er septembre de chaque année, conformément aux dispositions de l'article 3, paragraphe 4, du règlement n° 536/93.
- 39.
- S'agissant de l'importance de ce délai, il ressort des termes du cinquième considérant du règlement n° 536/93 que ce dernier pose des exigences strictes en matière de délais de communication afin de tirer des leçons de l'expérience acquise dans le passé. Eneffet, des retards importants dans la transmission des chiffres de collecte et dans le paiement du prélèvement empêchaient alors le régime d'être pleinement efficace.
- 40.
- Une application stricte du délai de communication prévu à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 apparaît d'autant plus nécessaire, ainsi qu'il ressort notamment des explications de la Commission, qu'un retard dans la transmission des données de collecte, au-delà du délai du 15 mai, d'une part, aurait des répercussions sur tous les autres délais à respecter lors de la procédure administrative et, d'autre part, risquerait de mettre en péril le versement à temps des sommes dues au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait.
- 41.
- Même si le respect du délai du 15 mai est nécessaire aux fins d'assurer le bon fonctionnement du régime en vue de garantir le versement à temps desdites sommes, il ne saurait en être tiré comme conclusion que le respect dudit délai est absolument indispensable au bon fonctionnement du régime, dans la mesure où un dépassement minime, tel que celui en l'espèce au principal, ne mettrait pas en péril le versement du prélèvement supplémentaire sur le lait avant le 1er septembre.
- 42.
- Il résulte notamment de la présentation détaillée que la laiterie de Wiedergeltingen a faite des formalités administratives postérieures à l'envoi du relevé des décomptes qu'un dépassement minime du délai ne saurait avoir d'incidences sur le paiement à temps des sommes dues au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait.
- 43.
- À cet égard, il importe de relever que la sanction pécuniaire prévue à l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 ne permet de tenir compte ni de la gravité du dépassement du délai ni de l'impact que ce dépassement peut avoir sur la réalisation de l'objectif poursuivi par cette réglementation.
- 44.
- Dans ces conditions - et indépendamment des motifs qui ont été à l'origine du dépassement par la laiterie du délai du 15 mai -, il convient de constater que l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 est invalide dans la mesure où il ne permet pas de moduler le montant de la sanction en fonction de l'importance du dépassement du délai de communication et de son incidence sur l'obligation de l'acheteur de payer, avant le 1er septembre de chaque année, les sommes dues au titre du prélèvement supplémentaire sur le lait.
- 45.
- Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par la laiterie de Wiedergeltingen et le gouvernement allemand au soutien de l'invalidité de la disposition en cause au principal, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de répondre à la question posée que l'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 536/93 est invalide en tant qu'il inflige à l'acheteur, en cas de non-respect du délai mentionné à son premier alinéa, une sanction pécuniaire égale au montant du prélèvement supplémentaire sur le lait dû pour un dépassement correspondant à 0,1 %des quantités de lait et d'équivalent-lait livrées par des producteurs sans qu'il y ait aucune possibilité de tenir compte de l'importance du dépassement du délai.
Sur les dépens
- 46.
- Les frais exposés par le gouvernement allemand, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Finanzgericht München, par ordonnance du 17 septembre 1997, dit pour droit:
L'article 3, paragraphe 2, second alinéa, du règlement (CEE) n° 536/93 de la Commission, du 9 mars 1993, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers, est invalide en tant qu'il inflige à l'acheteur, en cas de non-respect du délai mentionné à son premier alinéa, une sanction pécuniaire égale au montant du prélèvement supplémentaire sur le lait dû pour un dépassement correspondant à 0,1 % des quantités de lait et d'équivalent-lait livrées par des producteurs sans qu'il y ait aucune possibilité de tenir compte de l'importance du dépassement du délai.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2000.
Le greffier
Le président de la sixième chambre
R. Grass
J. C. Moitinho de Almeida