Language of document : ECLI:EU:T:2007:229

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 juillet 2007 (*)

« Fourniture de données relatives à la procédure concernant les déficits excessifs – Règlement (CE) n° 3605/93 – Système européen de comptes 1995 (SEC 95) – Règlement (CE) n° 2223/96 – Communiqué de presse d’Eurostat – Recours en annulation – Acte susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑177/06,

Ayuntamiento de Madrid,

Madrid Calle 30, SA, établie à Madrid (Espagne),

représentés par Mes J. Buendia Sierra et R. González-Gallarza Granizo, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Diaz-Llanos La Roche et L. Escobar Guerrero, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du communiqué de presse d’Eurostat n° 48/2006, du 24 avril 2006, dans la mesure où celui-ci contient une décision de la Commission (Eurostat) concernant le classement de Madrid Calle 30 dans le secteur des « administrations publiques » au sein du système européen de comptes 1995 (SEC 95),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, V. Vadapalas et N. Wahl, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        En vertu de l’article 104, paragraphe 2, CE, la Commission examine notamment si la discipline budgétaire dans les États membres a été respectée, sur la base de critères définis par référence au déficit et à la dette publics.

2        L’article 2 du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé au traité (ci-après le « protocole »), prévoit :

« À l’article 104 […] du traité et dans le présent protocole, on entend par :

–        public : ce qui est relatif au gouvernement général, c’est-à-dire les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l’exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés ;

[…] »

3        L’article 4 du protocole prévoit :

« Les données statistiques utilisées pour l’application du présent protocole sont fournies par la Commission. »

4        Le système européen de comptes 1995 (ci-après le « SEC 95 ») a été instauré par le règlement (CE) no 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté (JO L 310, p. 1).

5        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 3605/93 du Conseil, du 22 novembre 1993, relatif à l’application du protocole (JO L 332, p. 7), prévoit :

« 1. Aux fins du protocole […] et du présent règlement, les termes figurant aux paragraphes suivants sont définis conformément au [SEC 95]. Les codes entre parenthèses se rapportent au SEC 95.

2. ‘Public’ signifie ce qui est relatif au secteur des ‘administrations publiques’ (S.13), […] à l’exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le SEC 95 […] »

6        L’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2103/2005 du Conseil, du 12 décembre 2005 (JO L 337, p. 1), entré en vigueur le 23 décembre 2005, prévoit :

« La Commission (Eurostat) évalue régulièrement la qualité des données effectives notifiées par les États membres et des comptes des secteurs des administrations publiques élaborés selon le SEC 95 […] sur la base desquels ces données sont établies […] »

7        L’article 8 quater du règlement n° 3605/93 modifié prévoit :

« 1. En cas de doute quant à la mise en œuvre correcte des règles comptables du SEC 95, l’État membre concerné demande des éclaircissements à la Commission (Eurostat). La Commission (Eurostat) examine rapidement la question et communique ses éclaircissements à l’État membre concerné et, le cas échéant, au CMFB [Comité des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements].

2. Dans les cas complexes ou présentant un intérêt général de l’avis de la Commission ou de l’État membre concerné, la Commission (Eurostat) prend une décision après consultation du CMFB […] »

8        L’article 8 octies, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93 modifié prévoit :

« La Commission (Eurostat) fournit les données effectives de la dette et du déficit publics pour l’application du [protocole] dans les trois semaines suivant les délais de notification visés à l’article 4, paragraphe 1, ou après les révisions visées à l’article 7, paragraphe 1. Les données sont fournies par voie de publication. »

9        L’article 8 nonies du règlement n° 3605/93 modifié prévoit :

« 1. La Commission (Eurostat) peut exprimer des réserves quant à la qualité des données effectives notifiées par les États membres. Au plus tard trois jours ouvrables avant la date de publication prévue, la Commission (Eurostat) communique à l’État membre concerné et au président du comité économique et financier les réserves qu’elle a l’intention d’exprimer et de rendre publiques. Si le problème est réglé après la publication des données et des réserves, le retrait des réserves est immédiatement rendu public.

2. La Commission (Eurostat) peut modifier les données effectives notifiées par les États membres et publier les données modifiées ainsi que la justification de la modification s’il est manifeste que les données effectives notifiées par les États membres ne sont pas établies conformément aux dispositions de l’article 8 bis, paragraphe 1, du présent règlement. Au plus tard trois jours ouvrables avant la date de publication prévue, la Commission (Eurostat) communique à l’État membre concerné et au président du comité économique et financier les données modifiées ainsi que la justification de la modification. »

10      L’article 8 decies, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93 modifié prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les données effectives à notifier à la Commission soient fournies dans le respect des principes établis à l’article 10 du règlement (CE) n° 322/97. À cet égard, il est de la responsabilité des autorités statistiques nationales d’assurer la conformité des données notifiées avec les articles 1er et 2 et avec les règles comptables du SEC 95 sur la base desquelles ces données sont établies. »

 Antécédents du litige

11      Madrid Calle 30, SA a été constituée par l’Ayuntamiento de Madrid (autorité municipale de Madrid, Espagne), en 2004.

12      Le 12 mai 2005, le groupe de travail composé de trois autorités espagnoles, parmi lesquelles l’Instituto Nacional de Estadística (institut national de statistiques espagnol, INE ), a classé Madrid Calle 30 comme « administration publique » au sens du SEC 95. Ce classement a été communiqué à l’Ayuntamiento de Madrid par lettre de l’INE du 17 mai 2005, avec l’indication qu’il était provisoire, Eurostat ne s’étant pas encore prononcé.

13      Le 26 mai 2005, l’Ayuntamiento de Madrid a adressé à l’INE des observations contestant ce classement provisoire.

14      L’INE a transmis à Eurostat, par lettre du 25 mai 2005, l’avis du groupe de travail sur le classement provisoire de Madrid Calle 30 et, par lettre du 31 mai 2005, les observations de l’Ayuntamiento de Madrid sur ce classement.

15      Par lettre du 15 juin 2005, adressée à l’INE, Eurostat a exprimé son accord « avec la décision prise par le groupe de travail [des autorités espagnoles] de classer Madrid Calle 30 dans le secteur des administrations publiques ». Le 24 juin 2005, l’INE a transmis cette lettre à l’Ayuntamiento de Madrid.

16      Par lettre du 22 juin 2005, l’INE a demandé à Eurostat des précisions supplémentaires sur le classement en cause.

17      Le 21 juillet 2005, Eurostat a exposé à l’INE les motifs pour lesquels il considérait que Madrid Calle 30 devait être classée comme « administration publique ».

18      Le 13 février 2006, l’Ayuntamiento de Madrid a adressé à Eurostat des observations contestant le classement en cause.

19      Dans sa réponse du 7 mars 2006, Eurostat a informé l’Ayuntamiento de Madrid que la coordination de la question relative au classement en cause était assurée par les autorités nationales.

20      Par le communiqué de presse 48/2006 du 24 avril 2006 (ci-après le « communiqué »), Eurostat a publié les données relatives au déficit et à la dette publics pour l’année 2005.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juillet 2006, les requérants ont introduit le présent recours. La Commission a présenté son mémoire en défense le 27 septembre 2006.

22      Le 5 octobre 2006, le Tribunal a décidé, conformément à l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire.

23      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l’ordonnance du Tribunal du 5 septembre 2006, Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission (T‑148/05, non publiée au Recueil). Elles ont déféré à cette demande par les mémoires du 27 et du 30 octobre 2006.

24      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, les requérants ont été invités à soumettre leurs observations sur les fins de non-recevoir soulevées par la Commission dans son mémoire en défense. Ils ont déféré à cette demande le 12 avril 2007.

25      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le communiqué, dans la mesure où celui-ci contient une décision de la Commission (Eurostat) concernant le classement de Madrid Calle 30 dans le secteur des « administrations publiques » au sein du SEC 95 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 Sur la demande de mesures d’instruction

27      Dans leur requête, les requérants ont présenté une demande tendant à la production du dossier administratif de la Commission contenant la correspondance échangée entre celle-ci et les autorités espagnoles au sujet du classement de Madrid Calle 30, ainsi que tout document interne détenu par la Commission relatif à l’analyse de cette question.

28      Il convient de relever que la Commission a résumé sa correspondance avec les autorités espagnoles dans le mémoire en défense et joint les pièces pertinentes. S’agissant de la production des documents internes de la Commission, les requérants n’ont pas précisé quels éléments pertinents cette mesure était susceptible d’apporter pour l’examen du présent recours.

29      Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en cause.

 En droit

 Arguments des parties

30      La Commission soutient, à titre principal, que le communiqué ne contient pas de décision susceptible de recours.

31      Elle indique que l’application du SEC 95 incombe en tout premier lieu aux États membres et que sa tâche consiste essentiellement à vérifier la qualité des données relatives au déficit et à la dette publics notifiées par les États membres avant de procéder à leur publication.

32      Par le communiqué, la Commission (Eurostat) aurait fourni les données relatives au Royaume d’Espagne pour l’année 2005, telles qu’elles lui auraient été notifiées par les autorités espagnoles, sans formuler de réserves ni apporter de modifications en vertu de l’article 8 nonies du règlement n° 3605/93. La Commission (Eurostat) se serait limitée à publier le classement effectué par les autorités espagnoles. Le communiqué ne comporterait donc aucune décision à cet égard.

33      S’agissant de l’échange des communications entre l’INE et Eurostat précédant la publication concernée, la Commission indique que ni l’État membre concerné ni Eurostat n’ont considéré que le classement de Madrid Calle 30 constituait un cas complexe ou présentant un intérêt général qui nécessitait l’adoption d’une décision par la Commission (Eurostat) en vertu de l’article 8 quater, paragraphe 2, du règlement n° 3605/93. D’ailleurs, l’échange en cause aurait eu lieu avant l’entrée en vigueur de cette disposition.

34      La Commission soutient que le cas d’espèce doit être examiné à la lumière de la solution retenue dans l’ordonnance Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission, précitée (point 43). Si le cadre juridique a été entre-temps modifié par le règlement n° 2103/2005, la Commission (Eurostat) continuerait en effet à jouer un simple rôle consultatif en la matière.

35      Les requérants font valoir que le communiqué comporte une décision implicite approuvant le classement de Madrid Calle 30 dans le secteur des administrations publiques en vertu des règles comptables du SEC 95. Cette décision produirait des effets juridiques de nature à affecter leurs intérêts.

36      Ils soutiennent que l’article 104 CE impose à la Commission (Eurostat) de déceler et de corriger les erreurs dans les comptes nationaux relatifs au calcul des déficits publics. L’évaluation de la situation budgétaire d’une administration publique nationale effectuée à cette fin, telle que le classement en cause, produirait des effets juridiques obligatoires.

37      En effet, il serait contraire à l’objectif de l’article 104, paragraphe 2, CE de considérer que la Commission (Eurostat) n’a pas le pouvoir d’imposer aux États membres sa position quant au calcul du déficit et de la dette. En outre, il ressortirait de la pratique de la Commission (Eurostat) qu’elle aurait bien la compétence pour refuser de valider ou pour modifier les données nationales, par voie de décision.

38      Par ailleurs, la publication des données en cause aurait des conséquences juridiques excédant le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs. Ces données seraient notamment pertinentes pour la détermination des régions bénéficiaires de fonds structurels et pour l’appréciation des aides d’État à finalité régionale. Au vu de ces conséquences, la Commission (Eurostat) serait tenue de vérifier les comptes publics notifiés par les États membres et de confirmer leur conformité avec le SEC 95.

39      Par le communiqué, la Commission (Eurostat) aurait mis fin à la procédure régie par le règlement n° 3605/93 et aurait établi son évaluation juridique définitive du déficit public de l’Espagne pour l’année 2005. Dans la mesure où la Commission (Eurostat) a fourni les données comprenant le classement en cause, et n’a pas corrigé ce dernier, celui-ci aurait produit des effets juridiques.

40      Le communiqué affecterait les intérêts des requérants, car le classement du déficit de Madrid Calle 30 en tant que déficit public entraînerait une limitation importante de la capacité financière de l’Ayuntamiento de Madrid, en vertu de la législation nationale relative à la stabilité budgétaire. En ce qui concerne Madrid Calle 30, le classement en cause pourrait affecter sa réputation en éveillant des doutes sur sa situation financière ainsi que sur le caractère commercial du projet pour lequel elle a été constituée.

41      Selon les requérants, la solution retenue dans l’ordonnance Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission, précitée, n’est pas transposable en l’espèce, car elle s’inscrit dans un cadre juridique différent, antérieur à l’entrée en vigueur du règlement n° 2103/2005, et concerne un acte différent.

42      Le règlement n° 2103/2005 aurait attribué à la Commission (Eurostat) des compétences décisionnelles spécifiques en la matière. En particulier, la Commission (Eurostat) adopterait des décisions concernant le traitement comptable des transactions des administrations publiques nationales et pourrait émettre des réserves à l’égard des données nationales, voire modifier ces données.

43      Il ressortirait notamment de l’article 8 nonies du règlement n° 3605/93 modifié que la Commission (Eurostat) est tenue d’examiner les données notifiées par l’État membre préalablement à leur publication. L’absence de réserves ou de modifications lors de la publication impliquerait que la Commission (Eurostat) a approuvé les données. Un tel acte, précédé nécessairement d’une appréciation juridique effectuée par la Commission (Eurostat), serait susceptible de recours.

44      La publication des données sans modifications ni réserves constituerait donc un acte de nature décisoire, équivalant à l’approbation implicite des données. Les requérants se réfèrent, à cet égard, aux domaines du contrôle des concentrations et des aides d’État, en soutenant que, si la Commission n’adopte une décision explicite dans le délai déterminé, la mesure doit être considérée comme approuvée.

45      En outre, en l’espèce, la Commission (Eurostat) aurait été informée par les autorités nationales du classement de Madrid Calle 30, l’aurait examiné et aurait conclu explicitement, dans ses lettres du 15 juin et du 21 juillet 2005, qu’il était correct. Dans ces conditions, la publication des données fondées sur ce classement devrait être comprise comme constituant son approbation définitive.

 Appréciation du Tribunal

46      Aux termes de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

47      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et, en conséquence, décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’un acte susceptible de recours, les parties s’étant exprimées sur ce point dans leurs mémoires.

48      Par le communiqué, la Commission (Eurostat) a publié, conformément à l’article 8 octies, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93, les données relatives au déficit et à la dette publics des États membres pour l’année 2005.

49      Il est constant que ledit communiqué ne contient pas de décision explicite concernant le classement de la société Madrid Calle 30 dans le secteur des « administrations publiques » du SEC 95.

50      Les requérants soutiennent néanmoins que le communiqué comporte une décision implicite à cet égard, dans la mesure où les données relatives au Royaume d’Espagne, publiées par la Commission (Eurostat), ont été établies, par l’autorité compétente nationale, en tenant compte du classement en cause. Selon les requérants, en procédant à la publication des données, la Commission a approuvé ces données ainsi que le classement en cause, sur la base duquel celles-ci ont été établies.

51      Il convient de relever que, en principe, le seul silence d’une institution ne peut produire d’effets juridiques obligatoires, sauf lorsque cette conséquence est expressément prévue par une disposition de droit communautaire fixant un délai et définissant le contenu de l’acte implicite réputé intervenir du fait de son expiration (arrêts du Tribunal du 13 décembre 1999, SGA/Commission, T‑189/95, T‑39/96 et T‑123/96, Rec. p. II‑3587, points 26 et 27, et Sodima/Commission, T‑190/95 et T‑45/96, Rec. p. II‑3617, points 31 et 32, et, sur pourvoi, ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, Sodima/Commission, C‑44/00 P, Rec. p. I‑11231, point 60 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 décembre 2004, Commission/Greencore, C‑123/03 P, Rec. p. I‑11647, point 45).

52      En outre, une décision implicite peut en principe être attaquée au titre de l’article 230 CE (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Commission/Greencore, précité, Rec. p. I-11649, point 16). En particulier, un acte d’une institution peut être interprété comme comportant une décision implicite, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, dans la mesure où cet acte fixe définitivement la position de l’institution dans le cadre de la procédure régie par le droit communautaire et produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 25 mai 2000, Ca’ Pasta/Commission, C‑359/98 P, Rec.  p. I‑3977, points 30 à 32, et du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec. p.  I‑10091, points 65 à 67).

53      En l’espèce, afin de déterminer si le communiqué contient la décision implicite invoquée par les requérants, il convient de l’examiner à la lumière de la procédure de la fourniture des données de déficit et de dette instaurée par le règlement n° 3605/93.

54      En vertu de l’article 8 decies, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93, tel que modifié par le règlement n° 2103/2005, la responsabilité d’assurer la conformité des données relatives au déficit et à la dette publics avec les règles comptables du SEC 95 incombe aux autorités statistiques nationales. La délimitation du secteur public et le classement des différentes entités concernées comme administrations publiques incombent donc aux États membres.

55      Aux termes de l’article 8 octies, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93 modifié, la Commission (Eurostat) fournit les données effectives du déficit et de la dette publics, par voie de publication, dans les trois semaines suivant les délais de leur notification par les États membres.

56      Cette disposition n’oblige pas la Commission (Eurostat) à vérifier la conformité des comptes publics avec les règles comptables du SEC 95, avant de procéder à la publication des données précitées.

57      Si, en vertu de l’article 8 nonies, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 3605/93 modifié, la Commission (Eurostat) peut intervenir sur les données établies par les autorités statistiques nationales, dans le cadre de leur publication, en exprimant des réserves quant à la qualité des données notifiées ou en les modifiant, il est constant que, en l’espèce, dans le cadre de la publication en cause, la Commission (Eurostat) n’a ni exprimé de réserves ni procédé à des modifications du classement en cause, effectué par les autorités nationales.

58      Or, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait que la Commission (Eurostat) est dotée du pouvoir d’intervenir sur les données lors de leur publication ne signifie pas que l’absence d’une telle intervention doit être interprétée comme valant approbation implicite de la conformité des comptes publics nationaux avec les règles comptables du SEC 95, ni par conséquent approbation du classement des entités concernées dans le secteur des administrations publiques.

59      En effet, en premier lieu, aux termes de l’article 8 nonies, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 3605/93 modifié, la Commission (Eurostat) « peut exprimer des réserves » quant à la qualité des données et « peut modifier » ces données si leur non-conformité est manifeste. Les termes de ces dispositions indiquent que la Commission (Eurostat) intervient dans la mesure où elle l’estime nécessaire, et notamment dans le cas de non-conformité manifeste, de sorte que l’absence d’intervention de sa part n’aboutisse pas nécessairement à une approbation globale des comptes publics nationaux. Le libellé des dispositions pertinentes ne corrobore donc pas la thèse des requérants selon laquelle la Commission (Eurostat) dispose d’un pouvoir général d’approbation des comptes publics lors de la publication des données.

60      En deuxième lieu, l’existence d’un tel pouvoir général d’approbation ne ressort pas, comme le prétendent les requérants, de l’économie de la réglementation pertinente.

61      S’il peut être déduit de l’objectif de l’article 104 CE et de l’article 4 du protocole que la Commission doit vérifier la qualité des données qu’elle fournit dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs, afin d’assurer leur comparabilité d’un pays à l’autre (ordonnance Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission, précitée, point 59), cette vérification est néanmoins soumise aux modalités prévues par le règlement n° 3605/93.

62      À cet égard, selon l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement n° 3605/93, la Commission (Eurostat) évalue régulièrement la qualité des comptes publics sur la base desquels les données notifiées par les États membres sont établies, en concentrant notamment son évaluation sur la délimitation du secteur public. Il ressort de l’article 8 bis, paragraphe 2, du même règlement que cette évaluation est effectuée sur la base des informations fournies, dès que possible, par les États membres. En vertu de l’article 8 bis, paragraphe 3, du même règlement, la Commission (Eurostat) fait régulièrement rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation globale des données notifiées par les États membres, et notamment sur leur conformité avec les règles comptables.

63      En outre, l’article 8 quater du règlement n° 3605/93 modifié prévoit la possibilité pour l’État membre concerné, en cas de doute quant à l’application des règles comptables du SEC 95, de demander des éclaircissements à la Commission (Eurostat), ainsi que, dans les cas complexes ou présentant un intérêt général, d’exiger que cette dernière adopte une « décision » sur l’application du SEC 95.

64      Il peut être déduit de ces dispositions que la Commission (Eurostat) est tenue de mener, en coopération avec les États membres, un examen régulier de la qualité des comptes publics. En revanche, ces dispositions n’indiquent pas que la Commission (Eurostat) doit approuver les comptes publics préalablement à la publication des données.

65      En troisième lieu, les analogies effectuées par les requérants avec les domaines du contrôle des concentrations et des aides d’État sont dénuées de pertinence. En effet, à la différence des exemples tirés par les requérants desdits domaines, les mesures nationales prises en application du SEC 95 ne sont pas soumises à l’autorisation préalable de la Commission.

66      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de considérer que le communiqué, par lequel la Commission (Eurostat) a fourni les données relatives au déficit et à la dette publics du Royaume d’Espagne, ne saurait être interprété comme comportant une décision implicite d’approbation des classements effectués dans le cadre de ces données, en application des règles comptables du SEC 95, et notamment comme comportant une décision d’approbation du classement en cause.

67      Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que, dans la période précédant la publication du communiqué, la Commission (Eurostat) a entretenu une correspondance avec les autorités espagnoles au sujet du classement en cause.

68      Il convient de relever que les lettres de la Commission (Eurostat) en cause, du 15 juin et du 21 juillet 2005, sont antérieures à la date d’entrée en vigueur du règlement n° 2103/2005. La position exprimée par la Commission (Eurostat) dans ces lettres ne peut donc être considérée que comme étant une mesure de coopération volontaire, dépourvue d’effets juridiques obligatoires (voir, en ce sens, ordonnance Comunidad autónoma de Madrid et Mintra/Commission, précitée, point 62).

69      En tout état de cause, il ressort des termes desdites lettres que la Commission (Eurostat) s’est bornée à exprimer, par la lettre du 15 juin 2005, son accord avec le classement décidé par les autorités espagnoles, et à donner, dans la lettre du 21 juillet 2005, les raisons méthodologiques pertinentes.

70      Ces lettres ne sauraient donc être interprétées en ce sens que la Commission aurait envisagé de substituer au classement effectué par les autorités nationales sa propre décision. Notamment, lesdites communications n’indiquent nullement que le classement de Madrid Calle 30 ait été considéré comme constituant un cas complexe ou présentant un intérêt général de l’avis de la Commission ou de l’État membre concerné, ce qui aurait pu conduire à l’adoption par la Commission (Eurostat) d’une décision en vertu de l’article 8 quater, paragraphe 2, du règlement n° 3605/93.

71      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de relever que le communiqué, même considéré à la lumière de la correspondance échangée entre la Commission (Eurostat) et les autorités espagnoles durant la période précédant sa publication, ne révèle pas l’existence d’une décision implicite de la Commission (Eurostat) concernant le classement de Madrid Calle 30. Il ne saurait donc être qualifié, à ce titre, d’acte faisant grief aux requérants.

72      Par conséquent, le présent recours doit être déclaré irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission dans sa défense.

 Sur les dépens

73      L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérants et ceux-ci ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Ayuntamiento de Madrid et Madrid Calle 30, SA sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 12 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’espagnol.