DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
2 mai 2007(*)
« Référé – Article 256 CE – Objet de la demande – Recevabilité – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑297/05 R,
IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me C. Pitschas, avocat,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. B. Schima, en qualité d’agent, assisté de Me C. Arhold, avocat,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande visant à obtenir la suspension de l’exécution forcée de la décision C (2006) 6452 de la Commission, du 4 décembre 2006, relative à la récupération d’une somme de 318 000 euros perçue par la requérante pour le projet Ecodata à titre d’acompte,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige
1 En août 1992, la Commission a octroyé à la requérante un concours financier de 530 000 écus pour la création d’une base de données européenne pour le tourisme écologique, le projet Ecodata (ci‑après la « décision d’octroi »).
2 La première partie du concours financier, d’un montant de 318 000 écus, a été avancée en janvier 1993 à la demande de la requérante. Le paiement de la seconde partie a été refusé par décision du 3 août 1994, à la suite d’un rapport d’évaluation négatif concernant le projet. La requérante a introduit un recours en annulation contre cette décision qui a finalement été annulée par l’arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, IPK‑München/Commission (T‑331/94, Rec. p. II‑779), lequel a été confirmé par l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, IPK‑München/Commission (C‑199/01 P et C‑200/01 P, Rec. p. I‑4627). Le Tribunal a annulé la décision de la Commission refusant de payer le solde du concours financier prévu pour le projet dans la mesure où la Commission n’avait pas réussi à rapporter la preuve que, malgré ses ingérences, la requérante restait en mesure de gérer le projet de façon satisfaisante.
3 Par décision du 13 mai 2005 (ci‑après la « décision d’annulation »), la Commission a annulé la décision d’octroi en application de l’article 119, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1). Selon la décision d’annulation, la requérante se serait rendue coupable d’une pratique frauduleuse.
4 Dans la décision d’annulation, la Commission a expressément refusé de verser la seconde partie du concours, d’un montant de 212 000 euros. Elle y a annoncé en outre qu’« [elle] allait recouvrer le montant de 318 000 euros [avancé au titre du concours financier en janvier 1993], à majorer des intérêts de retard ». Elle a précisé qu’une décision à cet effet « était en cours de préparation et qu’elle serait envoyée [à la requérante] en temps utile ».
5 Après le rejet, par la requérante, d’une note de débit et d’un rappel de paiement que la Commission lui a adressés respectivement le 13 juin et le 31 août 2005, la Commission a adopté la décision C (2006) 6452 du 4 décembre 2006 (ci‑après la « décision litigieuse »). Dans cette dernière, la Commission déclare, à l’article 1er, que la requérante est redevable à la Commission, au 31 octobre 2006, d’un montant principal de 318 000 euros, à majorer des intérêts de retard. À l’article 3 de la décision litigieuse, la Commission prévient la requérante que la procédure d’exécution forcée sera engagée conformément à l’article 256 CE en cas de défaut de paiement dans les quinze jours suivant la notification de la décision litigieuse. À l’article 4 de la décision litigieuse, il est indiqué que cette dernière constitue un titre exécutoire au sens de l’article 256, premier alinéa, CE.
Procédure et conclusions des parties
6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2005, la requérante a formé un recours en annulation contre la décision d’annulation sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En l’état du dossier, la requérante n’a pas formellement présenté de demande de sursis à l’exécution de la décision d’annulation au titre de l’article 242 CE.
7 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2006, la requérante a présenté une demande visant à ce que soit suspendue l’exécution forcée de la décision litigieuse, sur le fondement de l’article 256, quatrième alinéa, CE.
8 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 janvier 2007, la Commission a présenté ses observations sur la demande en référé.
9 La requérante a déposé, le 24 janvier 2007, ses observations relatives aux observations déposées par la Commission quant à la demande en référé. Le 9 février 2007, la Commission a déposé ses propres observations sur les observations de la requérante.
10 Le 27 janvier 2007, la requérante a demandé à pouvoir présenter des observations supplémentaires sur les observations supplémentaires de la Commission, ce qui ne lui a pas été accordé.
11 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2007, la requérante a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, qui a été enregistrée sous le numéro d’affaire T‑41/07.
12 La requérante conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– suspendre, jusqu’à ce que le Tribunal ait rendu une décision exécutoire dans l’affaire en cours T‑297/05, l’exécution forcée de la décision litigieuse ;
– condamner la Commission aux dépens.
13 La Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
14 Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
15 En l’espèce, il convient tout d’abord d’examiner l’objet de la demande en référé ainsi que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.
Sur l’objet de la demande en référé
16 Il convient de constater que, si la requérante vise, suivant la formulation de sa demande en référé, à obtenir l’octroi du sursis à l’exécution forcée de la décision litigieuse au sens de l’article 256 CE, elle cherche en réalité à se prémunir des effets de la décision d’annulation sur sa situation financière.
17 En effet, la requérante expose, dans sa demande en référé et au point 14 de ses observations, qu’un recours au principal est pendant devant le Tribunal et qu’il porte sur la légalité de la décision d’annulation. Aux points 15 à 18 de ses observations, elle avance un certain nombre d’arguments visant à démontrer que la décision litigieuse n’est que la conséquence de la décision d’annulation et qu’elle en est indissociable. Elle soutient en outre que les articles 104 à 110 du règlement de procédure ne peuvent avoir comme effet utile d’exiger l’introduction d’un recours supplémentaire en annulation contre la décision litigieuse dont le contenu ne pourrait être qu’identique au recours déjà introduit contre la décision d’annulation.
18 Il se déduit de ces allégations que la requérante vise en réalité, par sa demande en référé, à obtenir le sursis à l’exécution de la décision d’annulation qui, s’il lui était octroyé, la protégerait des conséquences de l’exécution forcée de la décision litigieuse (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 1).
19 Toutefois, la Commission s’oppose à la requalification par le juge des référés de l’objet de la demande telle que définie par la requérante.
20 La Commission soutient en substance que la possibilité pour le juge de requalifier l’objet d’une demande est soumise à des conditions restrictives. Elle ne serait possible que pour autant, premièrement, que la demande initiale puisse donner lieu à interprétation, deuxièmement, qu’il ne soit pas porté atteinte aux droits de la défense et, troisièmement, que des raisons impératives d’économie de procédure l’exigent. Lorsqu’il n’existe aucune marge d’interprétation, c’est-à-dire lorsque la formulation de la demande en référé est rédigée en des termes précis et univoques, un éventuel intérêt d’économie de procédure ne saurait justifier une requalification, quand bien même la demande serait manifestement irrecevable. La Commission cite, à l’appui de son argumentation, l’ordonnance du Tribunal du 9 juin 2005, Helm Düngemittel/Commission (T‑265/03, Rec. p. II‑2009, points 51 à 55). Or, selon la Commission, la requérante a formulé sa demande avec une précision qui ne laisserait aucune place à la requalification.
21 Les arguments de la Commission ne sauraient cependant prospérer. En effet, au vu des éléments exposés au point 17 ci-dessus, il ressort de la demande en référé que la requérante vise à obtenir le sursis à l’exécution de la décision d’annulation. Dès lors que le libellé des conclusions de la requérante diverge de l’objet visé dans le corps de la demande, l’objet de la demande ne saurait être considéré comme étant univoque.
22 S’agissant de l’interprétation donnée par la Commission aux points 51 à 55 de l’ordonnance Helm Düngemittel/Commission, point 20 supra, si le Tribunal a effectivement énoncé, au point 55 de son ordonnance, que « le choix effectué par la requérante pour des motifs qui lui sont propres ne saurait modifier les conditions de recevabilité du recours en annulation prévues par le traité », il convient de relever que, dans cette affaire, le Tribunal était saisi d’un recours en annulation alors que le litige était, en réalité, de nature contractuelle et que le Tribunal n’a pas requalifié l’objet de la demande de la requérante, car cette dernière avait elle-même renoncé expressément à l’introduction d’une action en paiement au titre de l’article 238 CE. Le présent cas d’espèce est manifestement différent dans la mesure où la requérante n’a renoncé expressément à aucune voie de droit.
23 S’agissant de la protection des droits de la défense, il suffit de constater que la Commission non seulement ne prétend pas qu’ils seraient violés du fait de la requalification de l’objet de la demande, mais, de plus, s’est exprimée dans ses observations sur une telle requalification et a pu exposer des arguments ayant trait à la recevabilité de la demande en référé ainsi requalifiée.
24 Enfin, s’agissant des considérations d’économie de procédure qui, selon la Commission, doivent gouverner la requalification, il suffit de constater que, même à les supposer décisives, elles dicteraient précisément en l’espèce une requalification.
Sur la recevabilité de la demande en référé
Arguments des parties
25 La Commission fait valoir que la demande requalifiée reste manifestement irrecevable dans la mesure où l’acte dans lequel la demande est présentée ne satisfait pas aux conditions minimales prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, combiné avec l’article 104 du même règlement.
26 La Commission rappelle que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, lequel, conformément à l’article 104, paragraphe 3, de ce même règlement, s’applique également aux procédures de référé, la demande en référé doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces indications devraient être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faudrait, pour qu’une demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle‑ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la demande elle‑même.
27 La Commission soutient que la requérante n’a pas même fait valoir explicitement une menace concrète de préjudice financier. Elle se serait contentée d’évoquer des dangers abstraits qui résulteraient d’un « mépris de la nature de l’exécution forcée » et qui établiraient en eux‑mêmes l’urgence et la nécessité du sursis à l’exécution forcée de la décision litigieuse. Une affirmation aussi peu étayée ne saurait satisfaire aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure. De surcroît, outre une motivation suffisante de l’urgence, ferait également défaut toute observation sur le bien‑fondé du recours au principal et sur la question de savoir si le recours en annulation formé contre la décision d’annulation satisfait la condition du fumus boni juris.
28 La requérante se contenterait en effet d’évoquer brièvement, dans sa demande, le recours formé contre la décision d’annulation de la Commission. Un exposé des faits et des perspectives d’obtenir gain de cause ferait totalement défaut. Or, le simple renvoi à une autre procédure ne saurait se substituer à l’exposé, dans la demande, des faits, des moyens et des arguments.
29 En conséquence, la demande requalifiée devrait, comme la demande telle que formulée par la requérante, être rejetée comme irrecevable.
30 La requérante soutient pour sa part que sa demande en référé est recevable. Concernant le bien‑fondé de la décision d’annulation, elle invoque, en substance, dans sa demande en référé, l’illégalité de la décision d’annulation, d’une part, en ce qu’elle constate une créance civile de la Commission à son égard et, d’autre part, en ce qu’elle annule la décision d’octroi.
31 Dans ses observations, la requérante a réitéré ses arguments relatifs à l’urgence qu’il y aurait à lui octroyer le sursis à l’exécution forcée de la décision litigieuse ainsi que ses arguments sur le bien‑fondé de sa demande. Elle y expose que la Commission tente, au moyen de la décision d’annulation et de la décision litigieuse, de remettre en cause le droit de nature civile qu’elle aurait au versement du concours financier en vertu du contrat qu’elle aurait passé avec la Commission le 23 septembre 1993 sous la forme d’une « déclaration du bénéficiaire ». La Commission abuserait donc par ses décisions de ses prérogatives de puissance publique pour imposer le paiement d’une prétendue créance dont elle devrait, dans un strict respect du droit, poursuivre le recouvrement par des voies de droit civil, en raison de la nature civile du rapport de droit qui la lie à la requérante.
32 Dans ses observations supplémentaires, la Commission fait observer que la requérante fonde, dans la demande en référé, son argumentation relative à l’illégalité de la décision litigieuse sur l’existence d’une prétendue relation contractuelle de droit civil entre elle-même et la Commission, alors qu’elle invoque d’autres moyens dans le cadre de son recours au principal formé contre la décision d’annulation. Ainsi, la requérante contesterait la légalité de la décision litigieuse par des moyens qui ne sont pas avancés dans le cadre du recours au principal, ce qui serait contraire aux articles 104 et suivants du règlement de procédure, dans la mesure où le Tribunal serait ainsi contraint de statuer sur la légalité de la décision litigieuse dans le seul cadre de la procédure de référé, sans pouvoir examiner ces moyens dans le cadre de la procédure au principal.
Appréciation du juge des référés
33 Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes « spécifient […] les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
34 En l’espèce, la demande en référé contient un exposé, certes sommaire, mais suffisamment clair et précis des circonstances établissant l’urgence et des moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi des mesures provisoires, de sorte que ladite demande peut être considérée comme remplissant les conditions de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure.
35 En effet, est indifférente à cet égard la circonstance que des arguments de la requérante relatifs à l’urgence ignorent la jurisprudence du Tribunal et de la Cour concernant les conditions auxquelles est subordonnée la constatation de l’urgence, cette circonstance relevant de l’examen du bien-fondé de la demande.
36 En outre, s’agissant de la prétendue absence de toute observation sur le bien‑fondé à première vue du recours au principal, il convient de constater que la requérante allègue en substance, dans sa demande en référé, que la Commission ne pouvait légalement annuler la décision d’octroi par voie de décision, la créance qu’elle invoque étant de nature civile. Si cette allégation était formulée de façon quelque peu sommaire dans la demande en référé, elle a été précisée par la requérante dans ses observations, de telle manière qu’il ressort clairement, comme l’a d’ailleurs compris la Commission, que la requérante considère que la Commission abuse, par ses décisions, de ses prérogatives de puissance publique pour imposer le paiement d’une prétendue créance dont elle devrait, dans un strict respect du droit, poursuivre le recouvrement par des voies de droit civil.
37 S’agissant de l’argumentation de la Commission selon laquelle l’illégalité alléguée ne concernerait que la décision litigieuse, il suffit de constater que la requérante vise expressément à cet égard, dans ses observations, aussi bien la décision litigieuse que la décision d’annulation. En outre, c’est manifestement la décision d’annulation qui constate une créance civile et annule la décision d’octroi.
38 S’agissant enfin de l’argument de la Commission selon lequel, contrairement aux dispositions de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les moyens invoqués dans la demande en référé ne seraient pas ceux avancés au soutien du recours au principal, il suffit de constater que la requérante soutient, dans sa requête au principal, que la Commission a enfreint son « obligation de respecter le droit et la loi » en pensant pouvoir motiver a posteriori sa décision du 3 août 1994, annulée par le Tribunal, par de nouveaux motifs afin de justifier l’existence d’une prétendue créance et qu’elle y fait référence à la « déclaration du bénéficiaire » en date du 23 septembre 1993. Au stade de la procédure de référé, il convient d’admettre que la requérante peut ainsi viser, dans sa requête au principal, l’abus des prérogatives de puissance publique de la Commission qu’elle invoque dans ses écritures déposées dans le cadre de la procédure en référé.
39 Force est donc de constater que, bien que sommaires, les éléments avancés par la requérante sur le bien‑fondé à première vue du recours au principal sont suffisants pour remplir les conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.
40 La fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit donc être écartée.
Sur le bien-fondé de la demande en référé
41 En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.
42 L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence.
43 En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995 Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P‑R, Rec. p. I‑2165, point 23, et du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission, C‑364/98 P(R), Rec. p. I‑8815, point 44].
44 Il convient, en premier lieu, d’examiner si la requérante a démontré qu’il était urgent d’ordonner les mesures provisoires demandées.
Arguments des parties
45 Selon la requérante, l’urgence qu’il y aurait à prononcer une mesure provisoire résulte de deux circonstances. En premier lieu, l’instrument que constitue l’exécution forcée, tel que le prévoit l’article 256 CE, serait « perverti » si la Commission pouvait poursuivre l’exécution forcée de sa décision sans que la créance civile sur laquelle se fonde prétendument cette décision ait préalablement été constatée par une décision judiciaire passée en force de chose jugée. L’usage de cet instrument par la Commission serait donc constitutif en l’espèce d’un abus de droit. En second lieu, la procédure au principal serait « dévalorisée » si la Commission pouvait entamer l’exécution forcée selon les modalités prévues à l’article 256 CE sans attendre l’aboutissement de cette procédure. Au regard de ces deux considérations, la jurisprudence des juridictions communautaires ayant trait à la détermination de l’urgence ne serait pas applicable dans le présent cas de figure.
46 Pour sa part, la Commission soutient que la requérante méconnaît la jurisprudence constante des juridictions communautaires en omettant d’apporter la preuve d’un préjudice grave et irréparable.
47 Selon la Commission, en soutenant que c’est seulement après le prononcé d’un arrêt ayant force de chose jugée rendu dans l’affaire au principal que la Commission pourra éventuellement recourir à la procédure de l’article 256 CE, la requérante oublie qu’il ne s’agit pas en l’espèce de l’exécution d’un arrêt, mais de l’exécution d’une décision, qui, en vertu de l’article 256, premier alinéa, CE, forme elle-même titre exécutoire.
48 En outre, la seule existence d’un recours en annulation ne saurait fonder l’urgence. En effet, l’article 242 CE prévoyant que les recours n’ont pas d’effet suspensif, une décision telle que la décision litigieuse pourrait être exécutée et, si nécessaire, faire l’objet d’une exécution forcée même si elle fait l’objet d’un recours en annulation.
Appréciation du juge des référés
49 En l’espèce, la requérante invoque l’urgence qu’il y aurait à mettre fin à ce qu’elle considère être un abus de droit commis par la Commission, à savoir la poursuite de l’exécution forcée de la décision litigieuse visant à obtenir de sa part le paiement de la somme de 318 000 euros qui lui ont été versés et des intérêts échus, alors même que le recours formé contre la décision d’annulation est toujours pendant.
50 En substance, la requérante soutient donc, d’une part, que l’abus de droit allégué est à ce point manifeste qu’il justifie ipso facto que soit constatée une urgence à suspendre les effets de l’exécution de la décision d’annulation et, d’autre part, que cette urgence tient également à la nécessité de garantir la pleine efficacité de l’arrêt à intervenir sur le recours en annulation formé contre la décision d’annulation.
51 Or, il y a lieu de rappeler que l’article 242 CE prévoit que l’introduction d’un recours devant le Tribunal n’a pas d’effet suspensif. En application de cet article, le juge communautaire peut toutefois, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué, étant observé que, en l’espèce, l’octroi d’un sursis à l’exécution de la décision d’annulation entraînerait également le sursis à l’exécution de la décision litigieuse.
52 L’argument de la requérante prétendant démontrer une urgence par le simple fait que l’abus de droit allégué serait particulièrement manifeste ne saurait suffire à établir l’urgence. Si, ainsi qu’il ressort de l’ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil (C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461), dans laquelle il a été jugé à son point 110 que « l’urgence dont peut […] se prévaloir la requérante doit d’autant plus être prise en considération par le juge des référés que […] le moyen relatif à la violation [alléguée] paraît particulièrement sérieux », le caractère particulièrement sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence, il s’agit cependant, conformément aux dispositions de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, de deux conditions distinctes qui président à l’obtention d’un sursis à exécution. Il appartient donc au requérant de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et difficilement réparable, voire irréparable, et la seule démonstration de l’existence d’un fumus boni juris, même particulièrement sérieux, ne saurait pallier l’absence complète de démonstration de l’urgence, sauf circonstances tout à fait particulières (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 2 août 2006, Aughinish Alumina/Commission, T‑69/06 R, non publiée au Recueil, point 84). Au demeurant, aucun argument de la requérante ne démontre le caractère manifeste de la violation alléguée.
53 En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il y aurait urgence à suspendre les effets de la décision d’annulation afin de garantir la pleine efficacité de l’arrêt du Tribunal à intervenir, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 17 juillet 2001, Commission/NALOO, C‑180/01 P‑R, Rec. p. I‑5737, point 53, et la jurisprudence citée). Il convient donc d’examiner si la requérante a apporté une telle preuve.
54 Pour autant que la requérante l’invoque, le seul préjudice susceptible d’être pris en considération dans la présente affaire serait celui découlant de l’obligation d’acquitter le montant de 318 000 euros ainsi que les intérêts échus que la Commission, selon la décision d’annulation, entend recouvrer.
55 Or, il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’un préjudice financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la troisième chambre de la Cour du 3 juillet 1984, De Compte/Parlement, 141/84 R, Rec. p. 2575, point 4, et du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113 ; ordonnance du président du Tribunal du 11 avril 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02 R, Rec. p. II‑1825, point 106].
56 Dans ces circonstances, le sursis à l’exécution de la décision d’annulation ne se justifierait que s’il apparaissait que, en l’absence d’une telle mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même ou de modifier de manière irrémédiable ses parts de marché (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 138, et Solvay Pharmaceuticals/Conseil, point 55 supra, point 107).
57 Force est de constater qu’il n’est pas démontré que la requérante se trouvera dans une telle situation si le sursis à exécution qu’elle sollicite ne lui est pas accordé.
58 La requérante ne produit en effet aucun élément de preuve permettant d’apprécier sa situation financière avec la précision requise.
59 Il convient d’ajouter que l’appréciation de la situation matérielle d’un requérant doit prendre notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel il se rattache par son actionnariat [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), Rec. p. I‑1815, point 36].
60 Or, le juge des référés ne dispose d’aucun élément lui permettant d’apprécier si la requérante appartient à un groupe et si, le cas échéant, celui‑ci possède les capacités financières lui permettant de soutenir la requérante.
61 Il y a donc lieu de conclure que ne sont établis en l’espèce ni le risque d’une perte irréversible de parts de marché ni le risque que l’existence de la requérante soit mise en péril en l’absence de mesures provisoires. La requérante n’a donc pas démontré qu’elle risquait de subir un préjudice grave et irréparable.
62 Force est en outre de constater que la requérante n’apporte aucun élément à l’appui de sa thèse selon laquelle il conviendrait, en l’espèce, pour le juge des référés, de se départir de sa jurisprudence, ainsi que de la jurisprudence de la Cour.
63 Dès lors, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres conditions nécessaires à l’octroi du sursis à exécution sollicité, il convient de rejeter la demande en référé.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 2 mai 2007.