Language of document : ECLI:EU:C:2008:38

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 24 janvier 2008 (1)

Affaire C‑520/06

Stringer

Sabriye Kilic

Michael Thwaites

Keith Ainsworth

Sabba Khan

contre

Her Majesty’s Revenue and Customs

[demande de décision préjudicielle formée par la House of Lords (Royaume‑Uni)]

«Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Article 7 – Droit au congé annuel payé minimal– Droit à l’indemnité compensatrice du congé non pris – Droits sociaux fondamentaux en droit communautaire – Octroi du congé annuel en cas de congé de maladie»







Table des matières


I –   Introduction

II – Cadre juridique

A –   Droit communautaire

B –   Droit national

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

IV – La procédure devant la Cour

V –   Principaux arguments des parties

A –   Sur la première question

B –   Sur la seconde question

VI – Analyse

A –   Sur la première question

1.     Remarques préliminaires

2.     Le droit au congé annuel payé en tant que droit social fondamental

3.     Le droit au congé annuel payé minimal en droit communautaire

a)     La compétence de la Communauté de définir le champ de protection de la norme

b)     Le niveau de protection assuré en droit communautaire

c)     Le niveau de protection assuré par la convention n° 132 de l’OIT

4.     L’interdiction en droit du travail des entraves en tant que restrictions à l’exercice du droit au congé annuel payé minimal

a)     L’interdiction des entraves en vertu de la convention n° 132 de l’OIT

b)     Application par analogie des principes développés par la jurisprudence

c)     Incompatibilité avec la finalité de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88

5.     Conclusion

B –   Sur la deuxième question

VII – Conclusion

I –    Introduction

1.        Par une décision du 13 décembre 2006, la House of Lords (Royaume-Uni) a saisi la Cour en vertu de l’article 234 CE de deux questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2).

2.        Les questions préjudicielles ont été soulevées dans le cadre d’un recours introduit par des employés et des anciens employés des Her Majesty’s Revenue and Customs (administration britannique des impôts et des douanes) contre cette dernière dans lequel la juridiction suprême du Royaume-Uni en matière civile doit rendre une décision sur les droits des requérants au congé annuel payé et/ou à des indemnités compensatrices de ces congés vis-à-vis de la défenderesse.

3.        Ces questions ont en substance pour objet de savoir si un travailleur, absent de son travail pour cause de maladie, dispose d’un droit au congé annuel payé au cours de ce congé de maladie et dans quelle mesure un travailleur qui, au cours de l’ensemble de la période de référence litigieuse ou au cours d’une partie de celle‑ci est absent pour une raison de santé peut éventuellement se prévaloir d’une indemnité compensatrice lorsque la relation de travail prend fin.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

4.        La directive 2003/88 est entrée en vigueur le 2 août 2004 en remplacement de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (3). Comme la directive précédente, elle a pour objet de fixer certaines règles minimales de sécurité et de protection de la santé en cas d’aménagement du temps de travail. L’article 7 de la directive 2003/88, tel que repris de manière inchangée de la directive antérieure, est libellé comme suit:

«Congé annuel

1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité, sauf en cas de fin de relation de travail.»

5.        L’article 17 de la directive 2003/88 prévoit que les États membres peuvent déroger à certaines dispositions de ladite directive. Aucune dérogation n’est admise à l’égard de l’article 7.

B –    Droit national

6.        L’article 7, paragraphe 1, et partiellement l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 a été transposé au Royaume-Uni par les articles 13 et 16 des Working Time Regulations 1998 (SI 1998/1833) (loi relative au temps de travail, ci-après la «de la WTR»). Dans leur version modifiée par la Working Time (Amendment) Regulations 2001 (SI 2001/3256) (loi modifiant la loi sur le temps de travail), ces articles sont libellés comme suit:

«Règle 13

(1) Sous réserve du point 5, un travailleur a droit à quatre semaines de congés payés pour chaque année de référence.

[…]

(5) Lorsque la date de début du contrat de travail est postérieure à la date à laquelle, en vertu d’une convention conclue à cet effet, la première année de référence commence à courir, le congé auquel le travailleur a droit pendant cette année est égal à une partie de la durée prévue au point 1 proportionnelle à la durée de l’année de l’année de référence restant à courir à la date de début du contrat.

[…]

(9) Le congé auquel le travailleur a droit en application de la présente réglementation peut être pris en plusieurs parties, mais

a)      il peut seulement être pris au cours de l’année pour laquelle il est dû

b)      il ne peut être compensé par une indemnité que si le contrat de travail du travailleur a pris fin. 

[…]

Règle 16

(1) Un travailleur a droit d’être payé pour toute période de congés payés annuels auxquels il a droit en application de la règle 13, et ce au taux du salaire hebdomadaire pour chaque semaine de congé.»

7.        Le calcul du montant du «salaire hebdomadaire» est précisé dans la loi. Il équivaut grosso modo au salaire normal que le travailleur perçoit pendant une semaine.

8.        Afin d’exercer ses droits aux congés annuels payés tels que prévus par la règle 13 de la WTR, le travailleur doit en informer préalablement son employeur conformément à la règle 15 de la WTR. Celle-ci prévoit:

«(1) Le travailleur peut prendre un congé auquel il a droit en vertu de la règle 13 pendant les jours de son choix en en informant son employeur conformément au point 3, sous réserve de toute condition pouvant lui être imposée par l’employeur en vertu du point 2.

(2) L’employeur du travailleur peut exiger du travailleur

a)      qu’il prenne le congé auquel il a droit en vertu de la règle 13 ou

b)      qu’il ne prenne pas un tel congé,

pendant certains jours particuliers, ce dont il informe le travailleur conformément au point 3.

(3) La notification prévue aux points 1 et 2

a)      peut porter sur tout ou partie du congé auquel le travailleur a droit au titre de l’année de référence;

b)      doit préciser les jours pendant lesquels le congé est pris, ou ne doit pas être pris (selon le cas), et lorsque le congé pendant une journée particulière ne concerne qu’une partie de cette journée, sa durée; et

c)      sera adressée à l’employeur ou au travailleur (selon le cas) dans le délai de rigueur.

(4) Le délai de rigueur, au sens du point 3, est:

a)      en cas de notification en vertu du point 1 ou du point 2, sous a), égal au nombre de jours ou de journées partielles visés dans la notification de congé, multiplié par deux, à décompter rétroactivement à compter du premier jour indiqué dans la notification; et

b)      en cas de notification en vertu du point 2, sous b), égal au nombre de jours ou de journées partielles visés dans la notification de congé, à décompter rétroactivement à compter du premier jour indiqué dans la notification.»

9.        La règle 14 de la WTR vise le cas dans lequel la relation de travail prend fin. Elle prévoit ceci:

«1) La présente réglementation s’applique lorsque

a)      le contrat de travail prend fin au cours de l’année de référence, et

b)      à la date de prise d’effet de la fin du contrat (la date de fin du contrat), la proportion des congés pris par le travailleur par rapport à ce à quoi il avait droit en vertu de la règle 13 au titre de l’année de référence est différente de la proportion de l’année de référence déjà écoulée.

(2)       Lorsque la proportion de congés pris par le travailleur est inférieure à la proportion de l’année de référence écoulée, son employeur peut lui verser une indemnité compensatrice de congés payés en application du point 3.

(3) Le paiement dû en vertu du point 2 est égal à

a)       la somme prévue pour l’application de la présente réglementation par convention spécifique ou

b)       (...) une somme égale au montant qui aurait été dû au travailleur en application de la règle 16 pour la durée du congé déterminée selon la formule:

(A x B) – C

A      étant la durée du congé auquel le travailleur a droit en vertu de la règle 13;

B      étant la proportion de l’année de référence écoulée avant la date de fin du contrat, et

C      étant la durée du congé pris par le travailleur entre le début de l’année de référence et la date de fin du contrat.»

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.      Les requérants sont tous des travailleurs qui sont ou ont été employés par la défenderesse. Ils se répartissent en deux catégories(4).

11.      La première catégorie concerne Mme Khan. Elle a été absente pour congé de maladie de longue durée pendant plusieurs mois, et a perçu des indemnités de maladie. Le 10 octobre 2003, au cours de ce congé maladie, elle a informé l’employeur qu’elle souhaitait prendre 20 jours de congé annuel payé du 17 novembre au 11 décembre 2003. L’employeur a refusé sa demande. Elle a alors assigné son employeur devant l’Employment Tribunal sur la base de la règle 13 de la WTR, faisant valoir qu’elle avait le droit de prendre un congé payé annuel et d’être rémunérée pendant son congé annuel en application de la règle 16 de la WTR. L’Employment Tribunal a fait droit à sa demande et a condamné l’employeur à lui payer la somme de 595,32 GBP.

12.      La deuxième catégorie concerne M. Ainsworth, Mme Kilic et M. Thwaites. Ils ont tous les trois été licenciés par leur employeur. Chacun d’eux avait été absent et était en congé maladie de longue durée au cours de l’année pendant laquelle est intervenu le licenciement. Aucun d’eux n’avait pris ses congés annuels au cours de cette année. Ils ont tous les trois saisi l’Employment Tribunal, réclamant le paiement en vertu de la règle 14 de la WTR qui concerne le cas dans lequel le contrat de travail a pris fin. Dans tous les cas, l’Employment Tribunal a fait droit à leur demande, et a calculé l’indemnité due conformément à la formule de la règle 14, paragraphe 3, de la WTR. Il a accordé à M. Ainsworth 16,14 GBP, à Mme Kilic 454,74 GBP et à M. Thwaites 967,14 GBP.

13.      L’employeur a alors introduit un recours contre ces décisions devant le Employment Appeals Tribunal. Celui-ci a rejeté les recours, mais a autorisé un appel devant la Court of Appeal.

14.      La Court of Appeal a joint les affaires et a fait droit aux demandes de l’employeur. Elle s’est prononcé comme suit:

–        dans le cas de Mme Khan, la Court of Appeal a admis la thèse de l’employeur selon laquelle un travailleur ne peut pas prendre un congé annuel tel que prévu par la règle 13 de la WTR pendant une période de congé de maladie où il n’a pas, pour cette raison, d’obligation de travailler;

–        dans le cas de M. Ainsworth, Mme Kilic et M. Thwaites, la Court of Appeal a admis l’argument de l’employeur selon lequel, pour le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés due lors de la fin du contrat en vertu de la règle 14 de la WTR, si le travailleur n’a aucun droit à prendre des congés payés annuels au titre de la règle 13 de la WTR, parce qu’il ou elle a été absent pour maladie, alors il ou elle n’a pas droit à l’indemnité compensatrice en vertu de la règle 14 de la WTR.

15.      Les employeurs se sont pourvus devant la House of Lords. Après avoir entendu les parties, la House of Lords a considéré que l’interprétation de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/88 était litigieuse. Elle a considéré que les questions qui se posent dans la présente affaire se recoupent avec celles posées dans le cadre de l’affaire Schultz-Hoff (C-350/06, affaire pendante devant la Cour), mais que néanmoins, elles diffèrent par certains aspects. Ainsi les réponses fournies par la Cour dans le cadre de l’affaire Schultz-Hoff, précitée pourraient ne pas suffire pour résoudre les problèmes qui se posent dans la présente affaire. La House of Lords a dès lors décidé que les questions suivantes devaient être déférées à la Cour à titre préjudiciel, afin de pouvoir statuer sur les pourvois:

1)      L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE signifie-t-il qu’un travailleur en congé de maladie de longue durée est en droit i) de désigner une période à venir comme ses congés payés annuels, et ii) de prendre un congé payé annuel, et ce dans les deux cas pendant une période qui serait sinon incluse dans le congé de maladie?

2)      Si un État membre a exercé son option de remplacer la durée minimale des congés payés annuels par une indemnité compensatrice dans le cas où le contrat de travail prend fin, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE, lorsqu’un travailleur a été absent pour congé de maladie pendant la totalité ou une partie de l’année au cours de laquelle le contrat prend fin, l’article 7, paragraphe 2, impose-t-il des conditions particulières ou fixe-t-il des critères permettant de décider si l’indemnité doit être versée, ou comment elle doit être calculée?

IV – La procédure devant la Cour

16.      La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 20 décembre 2006.

17.      Des observations écrites ont été déposées dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour par les requérantes au principal, les gouvernements du Royaume-Uni, slovène, belge, italien, polonais et tchèque ainsi que par la Commission des Communautés européennes.

18.      À l’audience du 20 novembre 2007, les représentants des requérantes du litige au principal, les gouvernements du Royaume-Uni et néerlandais ainsi que la Commission ont présenté des observations orales.

V –    Principaux arguments des parties

A –    Sur la première question

19.      Les requérantes soutiennent que le droit au congé annuel payé prévu par l’article 7 de la directive 2003/88 est un droit social fondamental auquel il ne saurait être dérogé. L’objectif de ladite directive, qui est d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par le rapprochement des règles nationales relatives aux congés, serait amoindri si un travailleur n’était pas en droit de désigner une période à venir comme ses congés payés annuels. En outre, il émanerait de la jurisprudence de la Cour qu’un droit au congé prévu par le droit communautaire ne peut porter atteinte à un droit au congé distinct prévu par le droit communautaire servant des objectifs différents. Enfin, une interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88 en vertu de laquelle une absence pour maladie supprime ou réduit le droit de prendre des congés annuels rendrait l’exercice pratique de ce droit plus difficile.

20.      Les gouvernements belge, tchèque, slovène et du Royaume-Uni défendent une autre thèse.

21.      Selon le gouvernement belge, il convient de répondre par la négative à la première question compte tenu de l’objectif de la directive 2003/88. Cet objectif, ainsi qu’il résulte notamment des considérants de celle-ci, de la directive précédente 93/104, des motifs des travaux préparatoires, de l’article 1er, paragraphe 1 de la directive et de son fondement juridique, l’article 13 CE viserait l’amélioration des conditions de travail aux fins de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Cet objectif serait confirmé par la jurisprudence. Une réponse positive à la première question serait contraire à cet objectif car la possibilité de prendre un congé annuel dans une période d’absence pour maladie ne contribuerait pas à l’amélioration des conditions de travail. Cet objectif n’aurait de sens que si l’intéressé demande son congé annuel payé pendant une période où elle exerce effectivement une activité professionnelle ou, en tout cas, où elle aurait l’obligation de travailler. De plus, ces questions devraient être réglées par la pratique et la jurisprudence nationales.

22.      Le gouvernement tchèque lui aussi considère qu’il convient de répondre par la négative à la première question. Il fait observer que la directive 2003/88 ne règle pas expressément un tel droit du travailleur de prendre des congés au cours de sa maladie, en sorte que la réponse à la première question dépend des intentions du législateur communautaire. La question déterminante serait de savoir si le droit du travailleur au congé payé devrait être respecté dans l’ensemble des États membres de manière absolue et indépendamment de la réglementation existante. La réponse à cette question serait négative. En effet, le droit au congé ne serait accordé que dans le contexte du droit national concret car l’objectif général de la directive 2003/88 pourrait être atteint de diverses manières. Les questions soulevées dans le cadre du présent litige toucheraient non pas à l’existence même du droit au congé annuel payé, mais bien aux modalités de son octroi qui relèveraient uniquement du droit interne.

23.      Selon le gouvernement slovène, il serait nécessaire, pour traiter la présente affaire, de partir de l’objet du congé annuel qui serait la préservation à court et à long terme de la santé des travailleurs. Cet objectif émanerait des considérants de la directive 2003/88 et de la jurisprudence de la Cour selon laquelle le droit au congé annuel serait un principe très important du droit social communautaire auquel il ne peut être dérogé que dans des cas exceptionnels énoncés par ladite directive. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 ne permettrait pas à un travailleur absent pour cause de maladie dont la fin n’est pas prévisible de désigner la période d’absence prolongée pour cause de maladie comme un congé payé annuel et il ne lui accorderait pas le droit d’utiliser le congé payé annuel pendant une période durant laquelle il est absent pour des motifs de santé entraînant une incapacité de travail car, du point de vue de leur objet, le congé annuel et l’absence pour cause de maladie s’excluraient.

24.      Selon le gouvernement du Royaume-Uni, l’objectif de l’article 7 de la directive 2003/88 est de protéger le santé de tous ceux qui travaillent effectivement, par le fait de garantir des congés. En effet, les congés ne seraient pas utiles aux travailleurs qui ne travaillent pas effectivement en sorte qu’il conviendrait de se poser la question «un congé par rapport à quoi?».

25.      En réalité, l’enjeu de la question du congé annuel au cours de la maladie serait le maintien de la rémunération qui serait supérieure en cas de congé annuel au maintien du salaire en cas de maladie. Mais cet aspect financier ne serait pas pertinent à la lumière de l’objectif de la directive 2003/88 qui est de veiller à la protection de la santé des travailleurs. Le versement de la rémunération au titre du congé annuel à une personne déjà en congé de maladie ne constituerait qu’un avantage injustifié pour le travailleur et un coût injustifié pour l’employeur. De plus, l’obligation de paiement d’une telle indemnité pourrait également avoir l’effet pervers que, en cas de longue maladie, les employeurs soient incités à mettre fin au contrat de travail pour échapper à ce risque financier.

26.      Les gouvernements italien et polonais ainsi que la Commission défendent une thèse quelque peu différente.

27.      Le gouvernement italien soutient que l’article 7 de la directive 2003/88 doit être compris comme signifiant que le travailleur absent pour maladie sans durée déterminée a le droit de demander des congés annuels au-delà de l’année de référence en raison du fait qu’il serait incompatible avec le principe communautaire que le droit au congé s’éteigne du fait de l’absence du service justifiée par des raisons de santé. Le gouvernement italien fait référence à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en cas de cumuls des périodes de plusieurs congés garantis par le droit communautaire à la fin d’une année, le report du congé annuel ou d’une partie de celui-ci sur l’année ultérieure devient inévitable. Cependant, les objectifs différents que poursuivent les vacances et le congé de maladie excluraient que le travailleur prenne des vacances pendant son congé de maladie.

28.      Le gouvernement polonais estime que la première question doit être examinée à la lumière des finalités et des principes figurant dans la directive 2003/88. Ainsi, les finalités de la dispense du salarié de l’exécution du travail pour cause de maladie et du congé annuel seraient bien différentes. Dans le premier cas, il s’agirait de la dispense de travail pour que le travailleur retrouve l’aptitude à travailler par le biais de l’amélioration de son état de santé. Dans le second cas, la dispense de travail serait accordée dans le but de la régénération des forces du travailleur qu’il a consacrées à l’exécution de ses tâches. Le gouvernement polonais en conclut que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 devrait être interprété en ce sens que le travailleur se trouvant en congé de maladie ne peut pas, au cours de la même période, prendre un congé annuel.

29.      Selon la Commission, l’interprétation de la directive 2003/88 doit se faire à la lumière de son objectif qui est d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs. Elle soutient qu’une réponse affirmative à la première question entraîne des risques relatifs aux droits des travailleurs. Compte tenu du fait que les indemnités payées en cas de maladie sont inférieures à la rémunération moyenne des travailleurs, on ne saurait exclure qu’un travailleur malade soit enclin à demander des congés payés pour des raisons financières.

30.      Par ailleurs, la Commission considère qu’il serait illogique de permettre qu’un travailleur prenne des congés annuels au cours d’une période pendant laquelle il se remettrait tout d’abord d’une maladie ou d’un accident. De plus, elle est d’avis que cette fonction de régénération des congés annuels ne saurait être garantie que si les périodes de congé étaient consécutives car, dans l’hypothèse inverse, il y aurait un risque que, sous la pression de l’employeur, le travailleur remplace le congé de maladie par des congés annuels.

31.      Dans ses observations à l’audience, le gouvernement néerlandais s’interroge sur l’application de la directive 2003/88 en cas d’absence pour maladie en se fondant sur le fait que ces travailleurs ne seraient pas visés par cette réglementation. Le champ d’application de la directive 2003/88 se limiterait exclusivement aux travailleurs actifs avec pour conséquence que, pour le présent cas d’espèce, seul le droit interne s’appliquerait. Toutefois, la multiplicité des réglementations nationales ne permettrait pas de tirer de conclusion générale en matière des droits des travailleurs malades.

B –    Sur la seconde question

32.      Les requérantes considèrent que l’indemnité de congé prévue à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 ne peut être réduite lorsque le travailleur a été absent pour cause de maladie pendant tout ou partie de l’année de référence au cours de laquelle le contrat de travail prend fin.

33.      À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 n’impose aucune condition particulière à la mise en œuvre du droit à l’indemnité de congé.

34.      Tout comme pour la première question, la réponse à la seconde question résulte, selon le gouvernement belge, de la finalité de la directive 2003/88 qui est d’améliorer les conditions de travail en vue de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs qui ne seraient plus menacées après la fin du contrat. C’est la raison pour laquelle le gouvernement belge propose de répondre par la négative à la seconde question en ce sens que les conditions et les modalités d’une indemnité financière ne relèvent pas de la directive 2003/88, mais doivent être régies par les législations et les pratiques nationales.

35.      Le gouvernement tchèque se fonde lui aussi sur l’objectif de la directive 2003/88 pour justifier sa réponse négative à la seconde question. Il ressortirait de l’article 2 de la directive 2003/88 que l’on entend par «temps de travail» toute période durant laquelle le travailleur est à la disposition de l’employeur et par période de repos toute période qui n’est pas du temps de travail. Le fait que, par exemple, au cours du congé pour maladie, aucune période de repos journalier n’a été accordée montrerait que le droit aux périodes de repos supposerait que le travailleur travaille effectivement ou qu’il soit à la disposition de l’employeur. C’est la raison pour laquelle au cours de la période où le travailleur est en congé de maladie, il n’acquiert pas un droit au congé et, partant, non plus un droit à une indemnité compensatrice correspondante. Par conséquent, la directive 2003/88 ne fixerait aucun critère relatif au droit à une indemnité compensatrice pour le congé non pris au cours de la maladie, même si elle n’interdisait pas une réglementation nationale en la matière.

36.      Le gouvernement slovène adopte également une réponse négative à la seconde question. Il renvoie aux arguments présentés en lien avec la première question et ajoute que la directive 2003/88 ne garantit pas aux travailleurs un droit à une indemnité pour le congé non pris. Toutefois, les États membres pourraient prévoir un tel droit et la comparaison des réglementations nationales du Royaume-Uni et de la République de Slovénie montrerait que les États membres ont adopté des réglementations différentes. Toutefois, si un État membre prévoyait une telle indemnité, le calcul de celle-ci serait soumis uniquement au droit national.

37.      Le gouvernement du Royaume-Uni fait observer que la réponse – négative – découle obligatoirement de sa réponse à la première question: dans la mesure où, en cas d’absence justifiée par la maladie au cours de l’ensemble de la période de référence, il n’existerait aucun droit au congé, de manière logique, il n’existerait pas non plus de droit à indemnité dans ce cas. Par ailleurs, si l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 permettait aux États membres de prévoir une indemnité compensatrice de congés en cas de fin du contrat de travail, il ne l’obligerait néanmoins pas. C’est la raison pour laquelle seuls les États membres seraient compétents pour régir les modalités d’une éventuelle indemnité.

38.      Selon le gouvernement italien, la réponse à la deuxième question découle de ses arguments exposés au sujet de la première question. Il en résulte qu’un travailleur a toujours droit à une indemnité financière pour remplacer les congés acquis et non pris du fait du congé de maladie, même si la maladie s’est prolongée jusqu’à la fin de l’année de référence ou jusqu’à la cessation du contrat de travail. Le calcul du montant de l’indemnité financière pour congé non pris devrait tenir compte des mois pendant lesquels les travailleurs étaient en service pendant l’année à laquelle se rattachent les congés. À cet égard, les périodes d’absence pour maladie devraient être assimilées à une période de service.

39.      Le gouvernement polonais fait observer que l’indemnité compensatrice des congés est un substitut du congé annuel. À la fin de la relation de travail, le droit au congé annuel se transformerait en un droit à une indemnité compensatrice du congé non pris. Dès lors, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 devrait être interprété en ce sens que le travailleur a droit à une indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période durant laquelle il a acquis un droit à un congé annuel.

40.      Selon la Commission, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 prévoit une indemnité financière en cas de perte du congé annuel que le travailleur n’a pas pu prendre avant la fin du contrat. Les absences pour des raisons indépendantes de la volonté du travailleur, telles que la maladie ou l’accident, devraient être comptabilisées comme des périodes de service et ainsi être prises en considération lors du calcul du droit au congé annuel payé. De plus, la directive 2003/88 ne permettrait pas aux États membres de limiter ou de retirer ce droit des travailleurs. Par conséquent, la Commission se prononce en faveur de l’octroi au travailleur d’un droit à l’indemnité compensatrice de congé en dépit de l’absence pour cause de maladie.

41.      S’agissant du calcul de cette indemnité, la Commission considère que celui-ci, dans la mesure où un droit au congé annuel payé est effectivement né, est fixé au même taux que la rémunération à laquelle a droit le travailleur.

VI – Analyse

A –    Sur la première question

1.      Remarques préliminaires

42.      Par sa première question, la House of Lords soulève un problème tenant à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 qui concerne la portée normative du droit des travailleurs au congé annuel payé garanti par cette disposition. De manière concrète, il s’agit de la question de savoir si les travailleurs en congé maladie disposent en vertu du droit communautaire d’un droit à un congé annuel payé et s’ils ont éventuellement le droit de faire valoir ce droit au cours de la période dans laquelle ils étaient en congé maladie.

43.      Cette question touche à deux différents aspects du droit au congé annuel payé qui, selon moi, doivent être clairement distingués. D’une part, il s’agit de l’existence même de ce droit et, d’autre part, des conditions pour sa mise en œuvre pratique. Par souci de clarté, il convient de traiter ces deux aspects l’un après l’autre.

44.      Dans le présent cas d’espèce, il est demandé à la Cour de trancher la question de savoir si le droit communautaire accorde des droits particuliers aux travailleurs. Toutefois, il se pose également et implicitement la question de savoir quels critères la directive 2003/88 impose au droit national afin que ces droits des travailleurs puissent effectivement être mis en œuvre. Par conséquent, l’objet de cette analyse juridique s’étend en fin de compte à une interprétation des termes contenus à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88: «conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales».

45.      S’agissant de la question de la répartition des compétences législatives entre la Communauté et les États membres dans le cadre du droit au congé annuel payé, il convient tout d’abord de préciser que, par l’adoption de la directive 2003/88, le législateur communautaire a utilisé un instrument juridique qui, en vertu de l’article 249, paragraphe 3, CE, donne aux autorités nationales un certain pouvoir d’appréciation quant aux formes et aux moyens de la transposition, tout en leur imposant toutefois également des critères dans la mesure où la directive est contraignante quant à l’objectif à atteindre (5). Dès lors, les ordres juridiques nationaux se voient reconnaître en matière de transposition du droit au congé annuel payé de larges pouvoirs d’appréciation même s’ils ne sont pas illimités (6). Par conséquent, les États membres doivent toujours tenir compte des objectifs de la directive 2003/88 dans le cadre du pouvoir de transposition qui leur est reconnu en vertu de l’article 7 de celle-ci.

2.      Le droit au congé annuel payé en tant que droit social fondamental

46.      Je suis d’avis que, pour répondre de façon appropriée au juge national, il convient de partir de plus loin et d’examiner le droit au congé annuel payé à la fois en tant qu’expression du droit secondaire dans le cadre de l’ordre juridique communautaire et à la lumière du contexte plus général des droits sociaux fondamentaux.

47.      S’agissant de l’objectif de la directive 2003/88, il résulte tant de l’article 137 CE, qui constitue la base juridique de ladite directive, que des premier, quatrième, septième et huitième considérants de celle-ci, ainsi que du libellé même de son article 1er, paragraphe 1, qu’elle a pour objectif de fixer les prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs par un rapprochement des dispositions nationales concernant notamment la durée du temps de travail (7). Cette harmonisation au niveau communautaire en matière d’aménagement du temps de travail vise à garantir une meilleure protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, en faisant bénéficier ceux-ci de périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire ainsi que de périodes de pause adéquates et en prévoyant un plafond pour la durée de la semaine de travail (8).

48.      Lors de l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88, il convient de tenir compte du fait que le droit au congé annuel payé minimal n’a pas été créé en premier lieu par la directive 2003/88, mais que, en fait, il fait partie depuis longtemps des droits sociaux fondamentaux reconnus en droit international public, indépendamment de la durée de la période de congé prévue. Au niveau international, ce droit fondamental est mentionné à l’article 24 de la déclaration universelle des droits de l’homme (9) qui reconnaît à chacun «le droit au repos et au temps libre et notamment à des limites raisonnables aux horaires de travail ainsi qu’un congé périodique rétribué». Par ailleurs, ce droit fondamental est également reconnu à l’article 2, paragraphe 3 de la charte sociale européenne (10) ainsi qu’à l’article 7, sous d), du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (11) en tant qu’expression du droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables.

49.      Dans le cadre de l’Organisation internationale du travail (OIT) en tant qu’institution spécialisée des Nations unies, le droit au congé annuel payé minimal faisait jusqu’ici l’objet de deux conventions multilatérales, à savoir la convention n° 132 (12) qui porte révision de la convention n° 52 en vigueur à l’époque (13). Elles contiennent des dispositions contraignantes pour les États contractants en vue de la mise en œuvre de ces droits sociaux fondamentaux dans le cadre de leurs ordres juridiques nationaux.

50.      Toutefois, ces divers instruments internationaux se distinguent entre eux tant par leur contenu que par leur portée normative, car il s’agit dans certains cas de traités de droit international public et dans d’autres cas de simples déclarations solennelles sans effet contraignant (14). Par ailleurs, le champ d’application personnel de ces instruments prévoit des modalités variées en sorte que le cercle de leurs destinataires n’est jamais identique. De plus, un pouvoir d’appréciation supplémentaire est en règle générale reconnu aux États signataires en tant que destinataires de ces instruments en sorte que les individus bénéficiaires ne peuvent se prévaloir directement de ce droit. Toutefois, il convient de noter que le droit au congé annuel est considéré clairement par l’ensemble de ces instruments internationaux comme faisant partie des droits fondamentaux des travailleurs.

51.      Il me semble encore plus significatif que, par son adoption dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (15), ce droit trouve la confirmation la plus qualifiée et la plus définitive de sa nature de droit fondamental (16). À l’article 31, paragraphe 2, ladite charte déclare que «tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congé payé». S’agissant de l’historique de son adoption, cette disposition s’est inspirée de l’article 2, paragraphe 3, de la charte sociale européenne ainsi que du point 8 de la charte communautaire des droits sociaux des travailleurs (17), et à ce sujet, il a été largement tenu compte de la directive 93/104 en tant que directive antérieure de la directive actuelle 2003/88 conformément aux explications du secrétariat de la présidence de la convention (18).

52.      Par conséquent, l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux érige le droit à une période annuelle de congé payé en droit de l’homme reconnu à toute personne (19). Certes, tout comme certains des instruments internationaux précédemment cités, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’est pas non plus vu reconnaître une portée normative authentique, en sorte qu’elle constitue avant tout une déclaration politique. Toutefois, je considère que ce serait une erreur de lui dénier toute importance dans le cadre de l’interprétation du droit communautaire (20). Indépendamment de la question du statut juridique définitif de la charte au sein de l’ordre juridique de l’Union européenne qu’il conviendra de régler à l’avenir, elle constitue déjà aujourd’hui une concrétisation des valeurs fondamentales européennes communes (21).

53.      De plus, elle reflète également pour une part considérable les traditions constitutionnelles communes des États membres. Pour autant que je l’ai constaté, il est possible de tirer cette conclusion en matière de droit au congé annuel payé minimal parce que l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux s’inspire des constitutions de nombreux États membres (22). On peut dès lors affirmer que, dans un litige relatif à la nature et à la portée d’un droit fondamental tel que celui en l’espèce, il convient de se fonder sur les principes de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux lors de l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88 (23).

3.      Le droit au congé annuel payé minimal en droit communautaire

a)      La compétence de la Communauté de définir le champ de protection de la norme

54.      La Cour a défini la portée du droit au congé annuel payé et a jugé que «le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé et dont la mise en œuvre par les autorités nationales compétentes ne peut être effectuée que dans les limites expressément énoncées par la directive 93/104» (24). Les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88 consacrent la règle selon laquelle le travailleur doit normalement pouvoir bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé (25).

55.      Selon la jurisprudence, un rôle majeur est reconnu aux États membres dans la mise en œuvre de ce droit, car, pour exercer leur pouvoir de transposition prévu à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, ils sont tenus d’adopter les modalités d’application nationales nécessaires (26). Cela comprend l’adoption des conditions d’exercice et de mise en œuvre du congé annuel payé, mais les États membres sont libres de préciser les circonstances concrètes dans lesquelles les travailleurs peuvent faire usage dudit droit dont ils bénéficient au titre de l’intégralité des périodes de travail accomplies (27).

56.      Le renvoi que fait l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 aux législations nationales vise à permettre aux États membres de définir un cadre normatif qui régisse les aspects organisationnels et procéduraux de jouissance des congés, tels que la planification des périodes de congé, l’obligation éventuelle du travailleur de notifier au préalable à l’employeur la période de congé qu’il entend prendre, l’imposition d’une période minimale de travail avant de pouvoir bénéficier du congé, les critères pour le calcul proportionnel du droit au congé annuel lorsque la durée de la relation de travail est inférieure à un an, etc. (28). Mais il s’agit toujours de mesures destinées à fixer les conditions d’obtention et d’octroi du droit au congé, et comme telles autorisées par la directive 2003/88.

57.      Ainsi que je l’ai écrit dans l’affaire Schultz-Hoff, précitéé (29), il convient de distinguer de ces modalités d’exécution les réglementations nationales qui ont trait à l’existence même du droit au congé annuel payé minimal, en ce sens où elles fixent les conditions relatives à la naissance et/ou à l’extinction du droit au congé. Contrairement à l’obligation du travailleur de notifier à l’employeur ses souhaits de congé annuel – citée à titre d’exemple d’une modalité d’exécution – qui remplit uniquement une fonction de coordination dans le cadre de la planification des congés de l’entreprise, la question qui se pose en l’espèce de savoir si un travailleur en incapacité pour cause de maladie se voit en principe reconnaître un droit au congé annuel payé, touche à l’existence même d’un tel droit fondamental.

58.      Il s’agit ici non plus de la décision relative aux modalités de mettre en œuvre le congé annuel payé (30), à savoir la transposition concrète de ce droit, mais bien de la définition de la portée d’une disposition de droit communautaire, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88.

59.      Une interprétation de cette disposition selon laquelle les travailleurs en incapacité pour maladie n’ont d’emblée aucun droit au congé annuel irait en effet au-delà du fait d’exclure certains travailleurs du bénéfice de ce droit par la limitation du champ d’application personnel (31).

60.      Toutefois, à la suite de l’harmonisation de cette partie du droit social à la protection du travail qui est poursuivie en vertu de l’article 137, paragraphe 2, sous b), CE, cité comme fondement juridique de la directive 2003/88, la compétence de définir la portée de ce droit appartient dorénavant à la Communauté (32). En effet, si cette compétence était à la disposition des États membres, il serait pratiquement impossible de garantir au niveau communautaire un niveau de protection comparable et ainsi de respecter la finalité de l’harmonisation. Pour ce motif, il y a lieu de rejeter la thèse des gouvernements belge et tchèque selon laquelle le droit au congé d’un travailleur en incapacité pour maladie relèverait des modalités de l’octroi du congé et serait soumis à la compétence réglementaire des États membres.

b)      Le niveau de protection assuré en droit communautaire

61.      Par ailleurs, il me semble qu’il est important de rappeler que la liberté des États membres lors de la détermination des mesures de transposition est limitée par la circonstance que l’article 13, paragraphe 2, sous b), CE vise à assurer, par des prescriptions minimales, un certain niveau de protection en dessous duquel les États membres ne peuvent se situer. Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Royaume-Uni/Conseil (33) en ce qui concerne la notion de «prescriptions minimales» au sens de la base juridique antérieure de l’article 118 A du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), cette disposition ne limite pas l’intervention communautaire au plus petit dénominateur commun, voire au niveau de protection le plus bas établi par les différents États membres. Au contraire, il convient d’interpréter cette notion en ce sens que les États membres sont libres d’accorder une protection renforcée par rapport à celle, éventuellement élevée, qui résulte du droit communautaire.

62.      Cette interprétation est confirmée par le libellé de l’article 136 CE qui prescrit comme objectif de la politique sociale une «amélioration des conditions de vie et de travail». Cet objectif doit expressément être atteint par un rapprochement «dans le progrès» (34). Pour pouvoir atteindre cette finalité de droit primaire, l’article 15 de la directive 2003/88 permet aux États membres d’appliquer ou de promouvoir des mesures plus favorables à la sécurité et à la protection de la santé des travailleurs. En ce sens, l’article 23 de la directive 2003/88 précise, s’agissant du niveau de protection, que, sans préjudice du droit des États membres de développer différentes mesures pour autant que les exigences minimales prévues dans la présente directive soient respectées, la mise en œuvre de ladite directive ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général des travailleurs (35).

63.      Le niveau de protection minimale que le législateur communautaire a adopté en matière de droit des congés est déterminé par la directive 2003/88. À cet égard, il convient de noter que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, contrairement aux affirmations du gouvernement néerlandais, ne contient aucune limitation du cercle des ayants droit et encore moins de distinction entre les travailleurs «en bonne santé» et «ceux en incapacité pour maladie». En revanche, il résulte clairement du libellé de cette disposition que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que «tout travailleur» bénéficie d’un congé annuel payé minimal. L’article 7, paragraphe 1, ne relève pas des dispositions auxquelles l’article 17 de cette même directive permet expressément de déroger (36).

c)      Le niveau de protection assuré par la convention n° 132 de l’OIT

64.      Le législateur communautaire aspire ainsi à un niveau de protection comparable à la convention n° 132 de l’OIT en ce qui concerne la situation juridique des travailleurs en incapacité pour cause de maladie (37). Ainsi, l’article 3, paragraphe 1, de cette convention énonce que «toutes les personnes» auxquelles s’applique cette convention ont droit à un congé annuel payé.

65.      Les dérogations qui ont des effets négatifs pour les travailleurs en congé de maladie sont tout aussi absentes de cette convention que de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. Cela a pour conséquence que la protection que le droit communautaire vise à garantir aux travailleurs ne peut, selon la volonté du législateur communautaire, être en deçà du niveau de protection des normes de droit du travail et du droit international public. Toutefois, il y aurait lieu de craindre que cette protection passe sous le niveau minimal de protection si une certaine catégorie de travailleurs se voyait d’emblée privée de l’octroi d’un droit social fondamental.

66.      Le fait que, en vertu des règles de la convention n° 132 de l’OIT, le droit au congé ne peut dépendre de la capacité de travail du travailleur est prouvé par le libellé explicite de l’article 5, paragraphe 4, de cette convention, selon lequel «les absences du travail pour des motifs indépendants de la volonté de la personne employée intéressée, telles que les absences dues à une maladie, un accident ou un congé de maternité, seront comptées dans la période de service». De plus, l’article 6, paragraphe 2, de cette même convention prévoit expressément que «les périodes d’incapacité du travail résultant de maladies ou d’accidents ne peuvent pas être comptées dans le congé annuel payé minimum prescrit».

67.      Il y a lieu d’interpréter ces dispositions à la lumière de leur finalité en ce sens que la naissance du droit au congé ne peut dépendre dans son fondement de circonstances dont les causes se situent en dehors du domaine d’influence du travailleur intéressé, au motif qu’elles s’expliquent soit par des événements naturels, soit pour des raisons de force majeure.

68.      Ainsi, les normes de la convention n° 132 de l’OIT et de la directive 2003/88 coïncident pour l’essentiel dans leurs principes juridiques s’agissant de la naissance du droit au congé (38). Les États membres sont tenus d’interpréter ces normes en ce sens et d’aménager leur ordre juridique national de telle manière que la naissance du droit au congé annuel payé minimal ne dépende pas de la capacité d’un travailleur.

69.      Il résulte des considérations qui précèdent qu’un travailleur acquiert les droits au congé dès le premier jour de son emploi et qu’il ne les perd pas en raison de son arrêt de maladie (39). Par conséquent, celui-ci est en droit d’exiger des congés payés pour une période future au cours de la période durant laquelle il se serait trouvé autrement en arrêt maladie.

4.      L’interdiction en droit du travail des entraves en tant que restrictions à l’exercice du droit au congé annuel payé minimal

70.      Même si, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, le droit au congé annuel payé minimal est reconnu à chaque travailleur, cela n’exclut pas que son exercice effectif soit lié dans certains cas à certaines conditions qui, sans remettre en cause l’existence même de ce droit, doivent assurer que les objectifs de ladite directive soient atteints.

a)      L’interdiction des entraves en vertu de la convention n° 132 de l’OIT

71.      En effet, un autre principe normatif significatif résulte de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 2, de la convention n° 132 de l’OIT, à savoir qu’un congé de maladie ne peut entraver le droit au congé annuel payé minimal (40). Le fait de rendre les périodes de maladie équivalentes aux périodes de service et/ou d’interdire de compter des périodes d’incapacité de travail résultant de maladie ou d’accident dans le congé annuel payé minimal vise à empêcher que le congé annuel tombe en même temps qu’une période qui est en fait réservée au titre du congé de maladie compte tenu de la nature spécifique de ce congé. Cette interdiction de chevauchement des périodes de congé tient compte de la circonstance que les congés annuels ou les congés de maladie ont tous deux une finalité différente et, par conséquent, ne peuvent être considérés en droit comme interchangeables.

b)      Application par analogie des principes développés par la jurisprudence

72.      On peut retrouver cette thèse dans les principes affirmés par la Cour dans les arrêts Merino Gómez (41) et Federatie Nederlandse Vakbeweging (42).

73.      Dans l’affaire Merino Gómez, la Cour a été saisie de la question du rapport en droit communautaire existant entre le congé annuel et le congé de maternité. Concrètement, il s’agissait de la question de savoir si, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, de l’article 11, point 2, sous a), de la directive 92/85/CEE (43) et de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE (44), une travailleuse a le droit de bénéficier de son congé annuel lors d’une période distincte de celle convenue et ne coïncidant pas avec celle de son congé de maternité, lorsque les accords collectifs conclus entre l’entreprise et les représentants des travailleurs fixent les dates de congé pour l’ensemble du personnel et que ces dates coïncident avec le congé de maternité de cette travailleuse. La Cour a jugé à cet égard que la finalité du droit au congé annuel est différente de celle du droit au congé de maternité. Ce dernier vise, d’une part, à la protection de la condition biologique de la femme au cours de sa grossesse et à la suite de celle-ci et, d’autre part, à la protection des rapports particuliers entre la femme et son enfant au cours de la période qui fait suite à la grossesse et à l’accouchement (45). Par conséquent, la Cour a jugé qu’une travailleuse doit pouvoir bénéficier de son congé annuel lors d’une période distincte de celle de son congé de maternité (46).

74.      Dans l’arrêt Federatie Nederlandse Vakbeweging, la Cour a confirmé ce principe et l’a précisé en ce sens que, en cas de cumul de périodes de plusieurs congés garantis par le droit communautaire à la fin d’une année, le report du congé annuel ou d’une partie de celui-ci sur l’année ultérieure peut être inévitable (47) parce qu’un congé garanti par le droit communautaire ne peut pas affecter le droit de prendre un autre congé garanti par ce droit (48).

75.      Bien qu’une grossesse ne puisse certainement pas être assimilée à une maladie, il existe plusieurs raisons pour appliquer cette jurisprudence par analogie au rapport existant entre le congé annuel et le congé de maladie. En effet, tout comme le congé de maternité, le congé de maladie vise à préserver l’intégrité physique et psychique du travailleur, en ce sens que la dispense de l’obligation de travail et l’octroi d’un temps de repos lui donnent la possibilité de se rétablir physiquement et ensuite de réintégrer son poste de travail. Contrairement au congé annuel dont la fonction est le repos, la prise de distance et la détente, le congé de maladie vise exclusivement au rétablissement et à la guérison, à savoir le dépassement d’un état pathologique dont les causes se situent par ailleurs en dehors du domaine d’influence du travailleur concerné (49).

76.      Dans cette mesure, suivant à cet égard les arguments des gouvernements italien et polonais, il convient de préciser que, compte tenu des principes développés par la Cour, il n’est pas possible de conclure que les congés de maladie et les congés annuels puissent tomber dans la même période sans remettre en question les objectifs distincts du congé de repos et du congé de maladie. Selon l’idée maîtresse de la jurisprudence citée ci-dessus, il devrait être interdit d’accorder le congé de maladie au préjudice du congé annuel payé car, dans le cas inverse, on pourrait vider ce droit fondamental de tout contenu.

c)      Incompatibilité avec la finalité de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88

77.      Au-delà des doutes exprimés quant à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 selon laquelle le travailleur aurait la possibilité de prendre son congé annuel au cours de son absence pour maladie, il est permis d’avancer comme argument supplémentaire l’incompatibilité d’une telle interprétation avec la finalité de la directive 2003/88 qui est d’assurer l’amélioration de la sécurité et la protection de la santé du travailleur.

78.      À première vue, l’octroi d’une telle possibilité semble constituer une extension de la gamme de ces droits et est donc juridiquement avantageuse. À cela s’ajoute le fait que, lorsqu’il prend son congé annuel, le travailleur est souvent placé dans une situation financière plus favorable que lorsqu’il se trouve en congé de maladie, car, pendant son congé annuel, il bénéficie, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, du droit à la poursuite du paiement de son traitement d’un montant identique; en revanche, son droit au maintien du paiement de son traitement en cas de maladie ne contient qu’une fraction de ce montant, selon les critères des réglementations nationales en cause. Cela s’applique en particulier aux circonstances du litige au principal, car, d’après les indications données par la juridiction de renvoi (50), la règle 16, paragraphe 1, de la WTR prévoit pour chaque semaine de congé une indemnité de congé d’un montant correspondant au salaire hebdomadaire. En revanche, ainsi que le gouvernement du Royaume-Uni l’explique dans ses observations écrites (51) et le précise à l’audience en réponse à une question de la Cour, en cas de maladie, les contrats applicables en l’espèce prévoyaient que les travailleurs en cause avaient droit à une période de six mois de congé de maladie avec maintien intégral du salaire, suivie d’une autre période de six mois avec versement de seulement la moitié du salaire normal.

79.      Toutefois, si l’on examine les choses d’un peu plus près sur le plan juridique, l’exercice de ce droit par un travailleur serait un renoncement à un droit fondamental (52), en contrepartie de la poursuite du paiement de son traitement habituel. Ces deux types de congé ne sont pas interchangeables de par leur finalité et c’est la raison pour laquelle ils s’excluent l’un l’autre ainsi que l’a précisé à juste titre le gouvernement slovène. Dans cette mesure, le chevauchement du congé annuel et des périodes de maladie résultant de l’exercice du droit au congé entraînerait un renoncement volontaire au droit au congé si le travailleur consentait ainsi par l’exercice de ce droit à ne pas utiliser le congé annuel en échange d’une indemnité financière, ce qui correspondrait en fait à sa finalité.

80.      Je suis d’avis qu’un tel renoncement ne peut être déclaré compatible avec le droit communautaire sans vider de sa substance la ratio legis de l’article 7 de la directive 2003/88. D’une part, la finalité de repos du droit au congé ne serait pas remplie si ce droit était pris illégalement et ainsi de manière abusive (53) au cours des périodes de maladie. De même, je partage la thèse de la Commission selon laquelle une telle possibilité de renoncement entraîne certains risques pour les droits des travailleurs. En effet, la perspective du paiement d’un traitement supérieur en période de maladie serait à même de constituer une incitation pouvant conduire le travailleur à prendre le risque de mettre en jeu sa situation juridique. De plus, il y aurait un risque que l’employeur puisse contraindre le travailleur à un tel renoncement (54). Une telle convention entre les parties au contrat prévoyant en substance le «rachat» du congé annuel serait clairement contraire à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 qui prescrit expressément que le congé annuel payé minimal ne peut être remplacé par une indemnité financière. Une telle réglementation irait également à l’encontre de l’intérêt de l’employeur car celui-ci, en dépit du paiement d’une indemnité de congé supérieure, ne pourrait exiger du travailleur d’utiliser effectivement le congé pris en vue de son rétablissement afin de retrouver ses capacités de travail.

81.      Pour protéger les travailleurs et les employeurs ainsi que pour éviter que le droit fondamental au congé annuel payé minimal prévu en droit communautaire ne soit vidé de sa substance, il y a lieu de considérer que ce droit fondamental n’est pas mis à la libre disposition du travailleur en sorte que ce dernier ne peut pas légalement y renoncer.

5.      Conclusion

82.      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’existence du droit au congé annuel payé ne peut dépendre de la capacité de travail d’un travailleur en sorte qu’un travailleur en congé de maladie de longue durée dispose lui aussi d’un droit correspondant au congé annuel en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88. Toutefois, il ne peut prendre ce congé pendant une période qui serait incluse dans le congé de maladie.

B –    Sur la deuxième question

83.      La deuxième question a pour objet la portée normative du droit à l’indemnité compensatrice prévu à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88. Le droit à l’indemnité compensatrice de congé, à savoir l’indemnité pour le congé non pris, intervient à la place de l’octroi de temps libre lorsque, à la suite de la fin du contrat, le congé ne peut plus être pris. Ce droit constitue la seule exception à l’interdiction de principe de l’indemnisation prévue par la directive 2003/88 qui interdit normalement de manière catégorique aux parties à un contrat de travail de remplacer le congé annuel par une indemnité financière, indépendamment de la question de savoir s’il devait être pris dans l’année en cours ou dans l’année de report.

84.      Selon la jurisprudence de la Cour, cette interdiction vise à assurer que le travailleur puisse bénéficier d’un repos effectif, dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé (55). On vise ainsi à éviter qu’il y ait un «rachat» abusif du droit au congé par l’employeur et/ou de renoncement du travailleur au congé pour de simples considérations financières (56).

85.      L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 insiste sur la fonction du maintien du paiement de la rémunération au cours de la période de congé qui consiste à placer le travailleur, lors desdits congés, dans une situation qui, en termes de salaire, est comparable aux périodes de travail (57). En d’autres mots, l’exigence du paiement de cette indemnité de congé vise à assurer que le travailleur soit placé sur le plan économique dans une situation lui permettant d’exercer effectivement son droit au congé (58). L’indemnité compensatrice de congé n’a pas d’autre finalité. En effet, cette indemnité de remplacement vise en principe à permettre au travailleur de prendre une période de repos également après la fin du contrat de travail et avant de conclure un nouveau contrat (59). Par conséquent, la perte de cette indemnité aurait pour conséquence que l’objectif de la directive 2003/88 qui est le repos du travailleur ne puisse être atteint.

86.      Dans l’arrêt Robinson-Steel (60), la Cour a jugé que la directive 2003/88 considère que le droit au congé annuel et le droit au paiement du congé annuel constituent les deux volets d’un droit unique. Je considère que cette identité de fonction entre le droit au salaire et le droit à l’indemnité compensatrice de congé plaide pour que ce dernier soit également considéré comme une partie inséparable du droit au congé annuel payé minimal.

87.      Dans cette mesure, la réponse à la deuxième question découle déjà des observations faites dans la première partie de la première question. Par ailleurs, j’aimerais dans ce contexte faire référence aux points 77 et 78 de mes conclusions dans l’affaire C-350/06 (Schultz-Hoff) également pendante. Selon ces points, le droit au congé annuel payé ne doit pas simplement être indépendant de la capacité de travail du travailleur. Ainsi, il résulte d’une interprétation téléologique de l’article 7 de la directive 2003/88 ainsi que de l’idée juridique exposée à l’article 5, paragraphe 4, de la convention n° 132 de l’OIT que la période de maladie équivaut à la période de service car il s’agit d’une absence fondée sur des motifs qui sont indépendants de la volonté du travailleur et qui, par conséquent, est justifiée.

88.      C’est la raison pour laquelle, dans une même période donnée, naissent l’ensemble des droits du travailleur, en ce compris le droit au congé annuel payé, qui peut être pris lorsque la capacité de travail est rétablie, ou qui, à la fin de la relation de travail, peut être compensé par le paiement d’une indemnité, même en cas d’une incapacité de travail totale.

89.      Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que, dans le cas où le contrat de travail prend fin, les travailleurs ont en tout état de cause droit, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, à une indemnité financière en tant qu’indemnité de remplacement pour les congés acquis et non pris pour cause de maladie. Il en va également ainsi lorsque le travailleur a été absent pour congé de maladie pendant la totalité ou une partie de l’année de référence en cause.

90.      En ce qui concerne la question additionnelle relative au calcul de l’indemnité de remplacement, il y a lieu de répondre que l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 ne prévoit aucune méthode de calcul déterminée mais qu’il laisse en revanche au législateur national le pouvoir de la déterminer. Toutefois, dans la mesure où les travailleurs ont en principe droit à une indemnité de congé, lors de la détermination du montant de celle-ci, il convient de tenir compte de la circonstance que le travailleur avait acquis initialement un droit à l’indemnité de congé d’un montant équivalent à son salaire habituel. Il en résulte l’obligation des États membres en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 de veiller à ce que l’indemnité compensatrice que perçoit le travailleur soit équivalente au montant de son salaire habituel.

VII – Conclusion

91.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions posées par la House of Lords:

1)      l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu’un travailleur en congé de maladie de longue durée est en droit de désigner et de prendre une période à venir comme ses congés payés annuels dans la même période qui serait sinon incluse dans le congé de maladie.

Toutefois, il ne peut prendre ce congé pendant une période qui serait incluse dans le congé de maladie.

2)      L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens que, dans le cas où le contrat de travail prend fin, les travailleurs ont en tout état de cause droit à une indemnité financière en tant qu’indemnité de remplacement pour les congés acquis et non pris pour cause de maladie. Il en va également ainsi lorsque le travailleur a été absent pour congé de maladie pendant la totalité ou une partie de l’année de référence en cause.

Lors du calcul du montant de ce droit, il convient de veiller à ce que l’indemnité compensatrice que perçoit le travailleur soit équivalente au montant de son salaire habituel.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 299, p. 9.


3 – JO L 307, p. 18.


4 – À l’exception de Mme Stringer, l’ensemble des requérants sont représentés dans ce litige. Bien qu’elle ne soit pas non plus représentée dans la procédure de recours devant la House of Lords, son nom reste mentionné dans la procédure nationale pour désigner cette affaire.


5 – Voir arrêt du 8 avril 1976, Royer (48/75, Rec. p. 497, points 69 et 73), selon lequel, il existe une «obligation, pour les États membres, de choisir, dans le cadre de la liberté qui leur est laissée par l’article 249 CE, les formes et moyens les plus appropriés en vue d’assurer l’effet utile des directives, compte tenu de l’objet de celles-ci».


6 – Voir Stärker, L., Kommentar zur EU-Arbeitszeit-Richtlinie (commentaire sur la directive sur l’aménagement du temps de travail), Vienne, 2006, p. 81.


7 – Arrêts du 26 juin 2001, BECTU (C-173/99, Rec. p. I-4881, point 37); du 9 septembre 2003, Jaeger (C-151/02, Rec. p. I-8389, points 45 et 47); du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C-397/01 à C‑403/01, Rec. p. I-8835, point 91), et du 1er décembre 2005, Dellas e.a. (C-14/04, Rec. p. I‑10253, point 40).


8 – Arrêts du 3 octobre 2000, Simap (C-303/98, Rec. p. I-7963, point 49); BECTU (précité la note 7, point 38); Jaeger (précité note 7, point 46); du 12 octobre 2004, Wippel (C-313/02, Rec. p. I‑9483, point 47), et Dellas e.a. (précité note 7, point 41).


9 – Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 par la résolution 217 A (III) par l’Assemblée générale des Nations unies.


10 – Charte sociale européenne, convention soumise à signature par les États membres du Conseil de l’Europe le 18 octobre 1961 et entrée en vigueur le 26 février 1965. L’article 2, paragraphe 3, de celle-ci prévoit que les parties contractantes, en vue de garantir une mise en œuvre efficace du droit à des conditions de travail équitables, sont tenues de prévoir un congé annuel payé de deux semaines au minimum.


11 – Le pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels a été adopté le 19 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies. L’article 7, sous d), de celui-ci prévoit que «les États parties au présent pacte reconnaissent le droit à toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment le repos, les loisirs, la limitation raisonnable de la durée du travail et les congés payés périodiques, ainsi que la rémunération des jours fériés».


12 – Convention n° 132 sur les congés payés (nouvelle version de 1970) adoptée par la Conférence générale de l’OIT le 24 juin 1970, entrée en vigueur le 30 juin 1973.


13 – Convention n° 52 concernant les congés annuels payés, adoptée par la Conférence générale de l’OIT le 24 juin 1936, entrée en vigueur le 22 septembre 1939. Cette convention a été révisée par la convention n° 132, mais demeure ouverte à ratification.


14 – Zuleeg, M., «Der Schutz sozialer Rechte in der Rechtsordnung der Europäischen Gemeinschaft», Europäische Grundrechte-Zeitschrift, 1992, cahier 15/16, p. 331, fait observer que des instruments non contraignants tels que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs servent en premier lieu de ligne conductrice et de programme. Elles acquièrent en tout état de cause une importance juridique lorsque des juridictions s’en servent aux fins de l’interprétation ou du développement du droit. Balze, W., «Überblick zum sozialen Arbeitsschutz in der EU, Europäisches Arbeits- und Sozialrecht», 38. Ergänzungslieferung, 1998, point 4, estime à juste titre que, en dépit du fait que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ne déploie aucun effet contraignant elle-même en tant que déclaration solennelle, toutefois, elle a constitué un déclencheur essentiel pour le programme d’action de la Commission adopté à la fin de 1989 pour la mise en œuvre de la charte communautaire du 28 novembre 1989. Ce programme d’action prévoyait au total 23 propositions concrètes de directives, notamment en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs, qui ont été pour l’essentiel mises en œuvre avant 1993. Il en résulte que même des déclarations solennelles peuvent, en tant que sources d’inspiration aux travaux législatifs, acquérir en fin de compte une importance lors de la réalisation des droits sociaux fondamentaux qu’elles proclament.


15 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1).


16 – M. l’avocat général Tizzano est du même avis dans ses conclusions du 8 février 2001, dans l’affaire BECTU (précitée, point 26).


17 – La charte communautaire des droits sociaux des travailleurs a été adoptée le 9 décembre 1989 à Strasbourg par les chefs d’État et des gouvernements des États membres de la Communauté européenne. Le point 8 de la charte communautaire énonce que «tout travailleur de la Communauté européenne a droit au repos hebdomadaire et à un repos annuel payé dont les durées doivent être rapprochées dans le progrès, conformément aux pratiques nationales». Eichenhofer, E., Handbuch des EU-Wirtschaftsrechts (Éditeur von Dauses, M. A.), Münich, 2004, vol. 1, D. III, points 38 et 39, parle dans ce contexte expressément du droit au congé annuel payé en tant qu’un «droit social fondamental» contenu dans la charte communautaire.


18 – Voir à ce sujet Rengeling, H.-W., Grundrechte in der Europäischen Union, Cologne, 2004, point 1016, p. 812.


19 – Riedel, E., Charta der Grundrechte der Europäischen Union (édité par Jürgen Meyer), 2édition, Baden-Baden, 2006, article 31, point 20, considère que la signification de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux réside principalement dans le fait que, en tant que minimum social incontestable, les principes de la limitation de la durée maximale de travail, du temps de repos journalier et hebdomadaire garanti, même en cas de relation de travail ayant pour objet les heures de service variables ou par pause, tout comme le congé annuel payé, constituent des droits fondamentaux reconnus à toute personne.


20 – J’ai exprimé cette thèse en dernier lieu dans mes conclusions du 3 mai 2007 dans l’affaire ZF Zefeser (arrêt du 18 décembre 2007, C-62/06, point 54 et note 43 des conclusions) en lien avec le droit à un procès équitable prévu à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Auparavant, l’avocat général Tizzano s’était déjà exprimé dans ses conclusions dans l’affaire BECTU (précitée, point 28) ainsi que l’avocat général Léger dans ses conclusions du 10 juillet 2001 dans l’affaire Conseil/Hautala (arrêt du 6 décembre 2001, C-353/99 P, Rec. p. I-9565, points 73 à 86). De même, la Cour se fonde de plus en plus sur les dispositions de la charte des droits fondamentaux. Voir, en dernier lieu, arrêt du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C-540/03, Rec. p. I-5769, point 38) avec renvoi aux références à la charte des droits fondamentaux contenues dans les considérants de la directive 2003/88, ainsi que les arrêts du 13 mars 2007, Unibet (C-432/05, Rec. p. I-2271, point 37), et du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C-303/05, Rec. p. I-3633, point 46).


21 – Voir à ce sujet, Poiares Maduro, M., «The double constitutional life of the Charter of Fundamental Rights», Unión Europea y derechos fundamentales en perspectiva constitucional, Madrid, 2004, p. 306; Schmitz, T., «Die Charta der Grundrechte der Europäischen Union als Konkretisierung der gemeinsamen europäischen Werte», Die Europäische Union als Wertegemeinschaft, Berlin, 2005, p. 85, ainsi que Beyer, U., Oehme, C., Karmrodt, F., Der Einfluss der Europäischen Grundrechtecharta auf die Verfahrensgarantien im Unionsrecht, Beiträge zum Transnationalen Wirtschaftsrecht, cahier 34, novembre 2004, p. 14. García Perrote Escartín, I., «Sobre el derecho de vacaciones», Scritti in memoria di Massimo D’Antona, volume 4, 2004, p. 3586, émet l’hypothèse que le droit au congé annuel payé, tel qu’il est ancré à l’article 40, paragraphe 2, de la Constitution espagnole, découle de l’ensemble des instruments internationaux de protection des droits de l’homme. Il considère que ces instruments dans leur ensemble ont contribué à la naissance d’une conscience européenne universelle voire spécifique quant à l’existence des droits sociaux fondamentaux.


22 – Selon le droit communautaire, il appartient en première ligne aux États membres de régir le domaine des conditions de travail. Plusieurs textes constitutionnels contiennent des garanties en matière de conditions de travail qui mentionnent le droit du travailleur au repos. Ainsi, l’article 11, paragraphe 5, de la Constitution luxembourgeoise et l’article 40, paragraphe 2, de la Constitution espagnole imposent à l’État l’obligation de créer des conditions de travail saines et d’assurer le repos des travailleurs, et/ou d’y veiller (voir González Ortega, S., «El disfrute efectivo de la vacaciones anuales retribuidas: una cuestión de derecho y de libertad personal, de seguridad en el trabajo y de igualdad», Revista española de derecho europeo, n° 11, 2004, p. 423 et suiv.). On peut trouver à l’article 36 de la Constitution italienne une réglementation nettement plus précise que la formulation prévue à l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, article qui prévoit notamment un droit au repos hebdomadaire et à des congés annuels rétribués. La Constitution portugaise semble avoir été un des modèles des règles prévues par la charte, car son article 59, paragraphe 1, sous d), prévoit le droit à la détente et aux loisirs, à une limitation de la journée de travail, au repos hebdomadaire et à des congés payés périodiques (voir Vieira De Andrade, J. C., «La protection des droits sociaux fondamentaux dans l’ordre juridique du Portugal», La protection des droits sociaux fondamentaux dans les États membres de l’Union européenne – Étude de droit comparé, Athènes/Bruxelles/Baden-Baden, 2000, p. 677). Dans la plupart des anciens États membres de l’Union européenne, le droit au congé annuel minimal payé se fonde sur de simples dispositions législatives qui reflètent les règles du droit secondaire des directives, dans la mesure où le champ d’application communautaire est concerné. En revanche, les nouveaux États membres, sans oublier la République de Chypre, prévoient une codification très détaillée de ce droit. Il en va ainsi notamment de l’article 36, sous f), de la Constitution slovaque, de l’article 66, paragraphe 2, de la Constitution polonaise, de l’article 70/B, paragraphe 4, de la Constitution hongroise, de l’article 107 de la Constitution lettone ainsi que de l’article 49, paragraphe 1, de la Constitution lituanienne qui garantissent le droit au congé minimal annuel payé. Les conditions de travail sont abordées de manière générale dans la Constitution slovène (article 56), dans la Constitution tchèque (article 28) ainsi que dans la Constitution estonienne (article 29, paragraphe 4) (voir Riedel, E., précité à la note 19, article 31, points 3 et 4).


23 – Selon Smismans, S., «The Open Method of Coordination and Fundamental Social Rights», Social Rights in Europe (édité par Gráinne de Búrca et Bruno de Witte), Oxford 2005, p. 229, devant la Cour, la question du rapport entre l’article 7 de la directive 2003/88 et les droits fondamentaux et en particulier l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux se posera forcément. Selon Krebber, S., Kommentar zu EU-Vertrag und EG-Vertrag (édité par Christian Calliess/Matthias Ruffert), première édition, Neuwied 1999, article 136 CE, point 35, p. 1365, la charte sociale européenne et la charte des droits fondamentaux fournissent des aides importantes à l’interprétation dans le cadre de la signification des notions de droit du travail en droit communautaire. Stärker, L., Kommentar zur EU-Arbeitszeit-Richtlinie, Vienne, 2006, p. 81, reconnaît même à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux un caractère normatif en ce sens que, selon lui, cette disposition prescrit la fixation d’un congé annuel payé. Selon Benedetti, G., «La rilevanza giuridica della Carta Europea innanzi alla Corte di Giustizia: il problema delle ferie annuali retribuite», Carta Europea e diritti dei privati, 2000, p. 128 et 129, dans un litige relatif à la portée du droit au congé annuel payé minimal, il n’est pas possible d’ignorer la charte des droits fondamentaux en dépit de l’absence de caractère contraignant de celle-ci au motif qu’elle contient des dispositions qui reflètent les traditions constitutionnelles communes des États membres. Par conséquent, il lui est reconnu une fonction de cadre référence et/ou d’aide à l’interprétation du droit communautaire.


24 – Arrêts BECTU (précité note 7, point 43); du 18 mars 2004, Merino Gómez (C‑342/01, Rec. p. I-2605, point 29), Dellas e.a. (précité note 8, point 49), et du 6 avril 2006, Federatie Nederlandse Vakbeweging (C-124/05, Rec. p. I‑3423, point 28).


25 – Arrêt BECTU (précité note 7, point 44).


26 – Arrêt du 16 mars 2006, Robinson-Steele (C-131/04 et C-257/04, Rec. p. I-2531, point 57).


27 – Arrêt BECTU (précité note 7, point 53).


28 – Voir les observations de la Commission dans l’affaire BECTU que l’avocat général Tizzano a reprises dans ses conclusions rendues dans la même affaire (précitées note 16, point 34).


29 – Voir points 45 à 49 de mes conclusions dans l’affaire Schultz-Hoff, précitée.


30 – Dans l’arrêt BECTU (précité note 7, point 61), la Cour a jugé que la directive 93/104 n’empêche pas les États membres «d’aménager les modalités d’exercice du droit au congé annuel en réglementant, par exemple, la manière dont les travailleurs peuvent prendre le congé auquel ils ont droit durant les premières semaines de leur emploi».


31 – Toutefois, cela est précisément interdit aux États membres (voir arrêt BECTU, précité note 7, point 52). Selon ce dernier, il est interdit aux États membres de limiter unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs, en appliquant une condition d’ouverture dudit droit qui a pour effet d’exclure certains travailleurs du bénéfice de ce dernier.


32 – L’article 137 CE est le fondement juridique le plus important pour l’adoption des directives en matière de politique sociale. Il prévoit que l’harmonisation ait une certaine finalité qui résulte de la référence que fait le paragraphe 2 au paragraphe 1. Il s’ensuit qu’il y a lieu de procéder à l’harmonisation afin de promouvoir la fonction de soutien et de complément des activités de la Communauté dans les matières citées au paragraphe 1, sous a) à i). Ces matières comprennent selon le paragraphe 1, sous a), la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Autrefois, le fondement était l’article 118 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) qui constituait également et principalement un outil de politique sociale et qui, de ce fait, se distinguait des autres règles de compétence de l’article 100A du traité CE (devenu, après modification, article 94 CE) par sa finalité tenant au marché intérieur (voir Krebber, S., précité, note 23, et article 137 CE, point 18, p. 1373).


33 – Arrêt du 12 novembre 1996 (C-84/94, Rec. p. I-5755, point 56).


34 – Balze, W., op cit, précité note 14, point 38. Édition complémentaire 1998, point 3.


35 – Arrêt du 12 octobre 1996, Royaume-Uni/Conseil (précité note 33, point 42). Balze, W., Arbeitszeit, Urlaub und Teilzeitarbeit, Europäisches Arbeits- und Sozialrecht, 79e édition complémentaire, octobre 2002, B 3100, point 6, p. 9, considère que les règles contenues dans la directive 2003/88 constituent les prescriptions minimales conformément à la conception de l’article 137 CE, en sorte que les États membres peuvent adopter ou conserver des réglementations en matière de temps de travail plus sévères. Toutefois, selon l’article 14 de la directive 2003/88, des dispositions communautaires spécifiques évincent les dispositions de la directive nonobstant la question de savoir si leur niveau de protection reste en deçà de celle-ci.


36 – Voir arrêts Robinson-Steele (précité note 26, point 62) et BECTU (précité note 7, point 41). En ce sens, voir également Balze, W., «Die Richtlinie über die Arbeitszeitgestaltung», Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, n° 7, 1994, p. 207, qui ne voit pas de dérogation de fond dans cette réglementation.


37 – Il convient de rappeler dans ce contexte que, selon le sixième considérant de la directive 2003/88, les principes de l’OIT doivent être pris en compte. Mme l’avocat général Kokott fait également référence à cela à la note 8 de ses conclusions du 12 janvier 2006 dans l’affaire Federatie Nederlandse Vakbeweging (arrêt précité note 24). Je considère que l’interprétation de la directive 2003/88 en tenant compte des principes essentiels de la convention n° 132 de l’OIT est incontournable en raison du fait que le droit de l’OIT à fixer des standards internationaux de référence dans le domaine du droit du travail. En résumé, il existe un degré élevé de convergence entre les deux instruments juridiques. Toutefois, si l’on y regarde d’un peu plus près, il ne faut pas perdre de vue que certaines règles de la directive 2003/88 vont au-delà de ce que prévoit la convention n° 132 de l’OIT. Pour cette raison, c’est à juste titre que l’on peut dire de la directive 2003/88 qu’elle constitue un approfondissement de cette convention propre à la Communauté (voir Murray, J., Transnational Labour Regulation: The ILO and EC Compared, The Hague, 2001, p. 185).


38 – Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner la question de savoir dans quelle mesure les États membres sont liés par des obligations divergentes fondées sur la convention n° 132 de l’OIT et sur la directive 2003/88. Voir à ce sujet les observations faites par l’avocat général Tesauro dans ses conclusions du 24 juin 1991, dans l’affaire Stoeckel (arrêt du 25 juillet 1991, C-345/89, Rec. p. I-4047, p. 11).


39 – L’avocat général Tizzano, qui, au point 50 de ses conclusions dans l’affaire BECTU (précitée à la note 7), exprime des doutes quant à la compatibilité au droit communautaire d’une réglementation nationale qui empêche les travailleurs d’acquérir les droits au congé à partir du premier jour de travail, va manifestement dans le même sens.


40 – En ce sens, voir également García Perrote Escartin, op. cit., note 22, p. 3584 et 3595.


41 – Arrêt Merino Gómez (précité note 24).


42 – Arrêt Federatie Nederlandse Vakbeweging (précité note 24).


43 – Directive du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (JO L 348, p. 1).


44 – Directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40).


45 – Arrêts du 12 juillet 1984, Hofmann (184/83, Rec. p. I-3047, point 25); du 5 mai 1994, Habermann-Beltermann (C-421/92, Rec. p. I-1657, point 21), du 14 juillet 1994, Webb (C‑32/93, Rec. p. I-3567, point 20); du 30 avril 1998, Thibault (C‑136/95, Rec. p. I-2011, point 25); du 2 octobre 1998, Boyle e.a. (C‑411/96, Rec. p. I-6401, point 41), et Merino Gómez (précité note 24, point 32).


46 – Arrêt Merino Gómez (précité note 24, point 38).


47 – Arrêt précité note 24, point 24, et arrêt du 14 avril 2005, Commission/Luxembourg (C-519/03, Rec. p. I-3067, point 33).


48 – Arrêts Federatie Nederlandse Vakbeweging (précité note 24, point 24); Commission/Luxembourg (précité note 4, point 33), et Merino Gómez (précité note 24, point 41).


49 – González Ortega, S., précité note 22, p. 432, fait observer que la première phase du congé de maternité sert au rétablissement physique et/ou à la protection biologique de la mère après l’accouchement. Cette phase poursuit ainsi un autre objectif que les phases ultérieures de ce congé qui ont pour objet les soins de l’enfant ainsi que le soutien de la relation mère-enfant. L’auteur tire des parallèles entre cette première phase du congé de maternité et le congé de maladie et plaide dès lors pour une application par analogie de la jurisprudence relative au rapport existant entre le congé de maternité et le congé annuel au rapport existant entre le congé de maladie et le congé annuel.


50 – Point 13 de la décision de renvoi de la House of Lords du 13 décembre 2006.


51 – Point 22 des observations du gouvernement du Royaume-Uni du 13 avril 2007.


52 – Selon Fischinger, P., «Der Grundrechtsverzicht», Juristische Schulung, 2007, cahier 9, p. 808, il y a lieu de comprendre le renoncement à un droit fondamental comme le consentement d’un titulaire d’un droit fondamental à une atteinte concrète et une affectation de ses droits fondamentaux. En revanche, on ne vise pas par là un renoncement total durable, complet et en pratique peu concevable à la protection d’un ou de plusieurs droits fondamentaux. Un renoncement à un droit fondamental compris en ce sens doit également être clairement distingué de l’absence d’exercice effectif de ce droit fondamental. Celui-ci contient un élément juridique contrairement à la simple absence effective des libertés fondamentales, car celui qui consent à renoncer est lié de telle manière qu’ultérieurement il ne peut pas se prévaloir contre l’illégalité de l’atteinte aux droits fondamentaux. L’atteinte au droit fondamental n’a rien non plus en commun avec ce qu’il est convenu d’appeler la dimension négative des droits fondamentaux qui implique le droit de chacun de ne pas avoir d’avis ou de n’appartenir à aucune communauté de foi. Selon Adam, R., Der «Grundrechtsverzicht des Arbeitnehmers», Arbeit und Recht, 2005, cahier 4, p. 130, un tel renoncement existe lorsqu’un droit fondamental du travailleur est limité par contrat ou sur injonction de l’employeur sans contrepartie, comme dans le cas d’une transaction. S’agissant de l’exercice du droit au congé en période de maladie, il ne peut être question d’une quelconque concession de l’employeur car celui-ci est uniquement tenu de payer au travailleur la rémunération habituelle, sans que le travailleur n’ait été indemnisé pour le fait d’avoir sacrifié lui-même son congé annuel.


53 – L’abus de droit est défini comme un usage impropre d’un droit et il limite la possibilité d’exercer un droit existant. Cela signifie que l’exercice d’un droit formel est limité par le principe de bonne foi. Même la personne qui dispose d’un droit fondamental qu’elle peut faire valoir en justice ne peut exercer celui‑ci de manière abusive. Voir dans le même sens Creifelds, Rechtswörterbuch (dictionnaire juridique, édité par Klaus Weber), 17e édition, Münich, 2002, p. 1109, selon lequel l’exercice d’un droit subjectif est abusif lorsque son usage est contraire à la bonne foi en raison de circonstances de l’espèce, même si ce droit est formellement conforme au droit.


54 – Au point 32 de ses conclusions dans l’affaire Federatie Nederlandse Vakbeweging (arrêt précité note 24), Mme l’avocat général Kokott a fait référence à un tel risque dans le cas d’une compensation financière liée au congé annuel minimal reporté. Selon elle, cette possibilité créerait une incitation incompatible avec les objectifs de la directive 2003/88 à renoncer au congé annuel de repos et/ou à contraindre le travailleur à un tel renoncement.


55 – Arrêts BECTU (précité note 7, point 44); Merino Gómez (précité note 24, point 30), et Robinson-Steele (précité note 26, point 60).


56 – Dans l’arrêt Federatie Nederlandse Vakbeweging (précité note 24, point 32), la Cour a jugé que la possibilité d’une compensation financière pour le congé annuel minimal créerait une incitation, incompatible avec les objectifs de la directive 2003/88, à renoncer au congé de repos ou à faire en sorte que les travailleurs y renoncent. Fenski, M., «Urlaubsrecht im Umbruch?», Der Betrieb, cahier 12, 2007, p. 688, ainsi que Jacobsen, K., Münchener Anwaltshandbuch Arbeitsrecht (édité par Wilhelm Moll), 2005, article 25, point 102, font référence à une pratique illégitime consistant dans le «rachat» du congé au cours de l’existence du contrat de travail.


57 – Arrêt Robinson-Steele (précité note 26, point 58).


58 – Bogg, A. L., «The right to paid annual leave in the Court of Justice: the eclipse of functionalism», European Law Review, volume 31, 2006, n° 6, p. 899.


59 – Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire BECTU (précitée note 7, point 38).


60 – Précité note 26, point 58.