Language of document : ECLI:EU:T:2012:182

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

16 avril 2012 (*)

« Procédure – Demande en révision – Fait nouveau – Absence – Irrecevabilité »

Dans les affaires jointes T‑40/07 P‑REV et T‑62/07 P‑REV,

José António de Brito Sequeira Carvalho, ancien fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M. Boury, avocat,

partie demanderesse en révision,

l’autre partie à la procédure étant

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie requérante au litige principal dans l’affaire T‑62/07 P et partie défenderesse au litige principal dans l’affaire T‑40/07 P,

ayant pour objet une demande en révision de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho (T‑40/07 P et T‑62/07 P, non encore publié au Recueil),

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente


Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Entre 2001 et 2004, la partie demanderesse en révision, M. José António de Brito Sequeira Carvalho (ci-après le « demandeur »), fonctionnaire de la Commission européenne, a fait l’objet d’une enquête sur sa santé mentale après qu’il avait rédigé de sa propre initiative des rapports, études et critiques en tous genres et les avait envoyés tant à sa hiérarchie qu’aux États membres, ce qui avait donné lieu à des plaintes. En conséquence, par décision du 18 juin 2004, l’administration l’a mis en congé de maladie d’office, ce qui impliquait, selon une note du 13 juillet 2004, que l’accès aux bâtiments de la Commission lui était désormais défendu. Par décision du 22 septembre 2004, l’administration a prolongé son congé de maladie d’office jusqu’au 31 mars 2005, puis, par des décisions subséquentes, jusqu’en 2006.

2        En 2005, le demandeur a saisi le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne d’un recours visant, d’une part, à l’annulation de la décision de mise en congé de maladie d’office du 18 juin 2004 et de tous les actes ultérieurs prolongeant les effets de cette décision ainsi que, d’autre part, à obtenir la réparation des préjudices causés par celle-ci et par le comportement de la Commission, qui le présenterait comme un « malade mental ». Par arrêt du 13 décembre 2006, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑17/05, RecFP p. I-A-1-149 et II-A-1-577, ci-après l’« arrêt du 13 décembre 2006 »), le Tribunal de la fonction publique a annulé les décisions des 13 juillet et 22 septembre 2004 ainsi que les décisions subséquentes de prolongation du congé de maladie d’office, tout en rejetant les conclusions du demandeur pour le surplus.

3        L’arrêt du 13 décembre 2006 a fait l’objet d’un pourvoi du demandeur devant le Tribunal, enregistré sous la référence T‑40/07 P, et d’un pourvoi de la Commission, enregistré sous la référence T‑62/07 P.

4        Par son arrêt du 5 octobre 2009, de Brito Sequeira Carvalho et Commission/Commission et de Brito Sequeira Carvalho (T‑40/07 P et T‑62/07 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt du 5 octobre 2009 »), le Tribunal a, d’une part, rejeté le pourvoi du demandeur. D’autre part, accueillant en partie le pourvoi formé par la Commission, le Tribunal a annulé l’arrêt du 13 décembre 2006 dans la mesure où celui-ci avait annulé la décision du 13 juillet 2004 interdisant au demandeur l’accès aux bâtiments de la Commission et les décisions de prolongation du congé de maladie d’office subséquentes à la décision du 22 septembre 2004. Ensuite, le Tribunal a statué lui-même sur cette dernière partie du litige.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 novembre 2011, le demandeur a introduit, en vertu de l’article 44 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 125 du règlement de procédure du Tribunal, une demande tendant à obtenir la révision de l’arrêt du 5 octobre 2009.

6        Dans sa demande en révision, le demandeur, qui semble avoir repris ses fonctions de façon active au sein de la Commission en 2007, fait notamment valoir qu’une procédure disciplinaire a été ouverte à son égard au titre de l’article 86 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), dans le cadre de laquelle l’administration a explicitement attesté, en 2010, qu’il était un « fonctionnaire responsable » qui n’était atteint d’aucune maladie mentale, ce qui démontrerait le caractère illégal des constatations en sens inverse sur lesquelles repose l’arrêt du 5 octobre 2009. Le demandeur a, en date du 28 novembre 2011, introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique contre la sanction de blâme que la Commission lui a infligée en mars 2011, enregistré sous la référence F‑126/11.

7        Le demandeur conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dire pour droit que le cadre juridique de la présente affaire est celui de l’article 86 et de l’annexe IX du statut et non pas celui de l’article 59 du statut ;

–        réviser l’arrêt du 5 octobre 2009 en annulant la décision du 18 juin 2004 le mettant en congé de maladie d’office et tous les actes ultérieurs qui en découlent, la décision du 22 septembre 2004 prolongeant d’une façon automatique et non motivée son congé de maladie d’office et la décision du 13 juillet 2004 lui interdisant l’accès à son local de travail et à ses outils de travail ;

–        constater qu’il a subi, tout au long de cette affaire qui commence avec l’élimination de son nom de la liste des fonctionnaires promus en l’an 2000, de graves préjudices moraux et matériels, notamment en termes de carrière, de discrimination professionnelle et d’atteintes à son honneur, à son image et à sa réputation, et qu’il est, de ce fait, en droit d’obtenir réparation pour ces mêmes préjudices ;

–        constater, en particulier, qu’il a été, tout au long de cette affaire, victime de graves violations de ses droits humains fondamentaux, notamment d’atteintes à son intégrité personnelle et à sa dignité, et depuis le début de l’affaire jusqu’à aujourd’hui de multiples traitements discriminatoires, et qu’il s’agit de droits consignés dans les traités, dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1) et dans la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et que, de ce fait, il est en droit d’obtenir réparation pour ces mêmes violations ;

–        déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondé, le pourvoi formé par la Commission contre l’arrêt du 13 décembre 2006 ;

–        ordonner une vingtaine de mesures d’instruction ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 15 février 2012, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande irrecevable ;

–        condamner le demandeur aux dépens.

9        Par mémoire du 24 février 2012, le demandeur a produit des pièces destinées à démontrer les intentions frauduleuses qu’auraient eues à son égard certains fonctionnaires en charge de l’enquête entamée en 2001 aux fins de l’évincer du service actif de la Commission.

 En droit

10      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée, étant précisé que cet article s’applique à tous les recours introduits devant le Tribunal, y compris les recours extraordinaires tels que la demande en révision (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 26 mars 1992, BASF/Commission, T‑4/89 REV, Rec. p. II‑1591, point 17). En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure.

11      Afin d’apprécier la recevabilité de la présente demande en révision, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 44, premier alinéa, du statut de la Cour, la révision d’un arrêt ne peut être demandée qu’en raison de la découverte d’un ou de plusieurs faits de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, étaient inconnus de la juridiction saisie et de la partie qui demande la révision. Conformément au deuxième alinéa de cet article, ce n’est que si la juridiction constate l’existence d’un fait nouveau, lui reconnaît les caractères qui permettent l’ouverture de la procédure en révision et déclare de ce chef la demande recevable qu’elle peut examiner l’affaire au fond.

12      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la révision constitue non une voie d’appel, mais une voie de recours extraordinaire permettant de mettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée à un arrêt définitif en raison des constatations de fait sur lesquelles la juridiction s’est fondée. La révision présuppose la découverte d’éléments de nature factuelle, antérieurs au prononcé de l’arrêt, inconnus jusque-là de la juridiction qui a rendu cet arrêt ainsi que de la partie qui demande révision et qui, si ladite juridiction avait pu les prendre en considération, auraient été susceptibles de l’amener à consacrer une solution différente de celle apportée au litige. En outre, eu égard au caractère extraordinaire de la procédure en révision, les conditions de recevabilité d’une demande en révision d’un arrêt sont d’interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 2009, Yedaş Tarim ve Otomotiv Sanayi ve Ticaret/Conseil et Commission, C‑255/06 P‑REV, non publié au Recueil, points 16 et 17, et la jurisprudence citée).

13      En l’espèce, la demande en révision vise un arrêt par lequel le Tribunal a rejeté dans son ensemble le pourvoi que le demandeur avait formé contre l’arrêt rendu en première instance. S’agissant du pourvoi que la Commission avait également formé contre ledit arrêt en première instance, le Tribunal l’a partiellement accueilli. Dans ces parties de l’arrêt du 5 octobre 2009, le Tribunal a exclusivement statué, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, sur des questions de droit, sans se prononcer sur les faits constatés par les juges de première instance. Il s’ensuit qu’aucun des éléments de nature factuelle présentés dans la demande en révision ne saurait exercer une influence décisive, au sens de l’article 44, premier alinéa, du statut de la Cour, qui justifierait une révision de l’arrêt du 5 octobre 2009.

14      Cela est notamment vrai pour la partie de l’arrêt en cause (arrêt du 5 octobre 2009, points 80 à 87), dans laquelle le Tribunal a rejeté comme irrecevable le moyen tiré d’une dénaturation des faits par les juges de première instance. En effet, la prétendue dénaturation des faits par le Tribunal de la fonction publique, qui constitue une question de droit soumise, comme telle, au contrôle exercé par le juge de pourvoi, implique nécessairement que ces faits aient été produits devant ledit Tribunal et, en conséquence, qu’ils aient été connus de ce dernier lorsqu’il a statué. Or, l’élément de nature factuelle, pertinent pour la révision d’un arrêt, doit nécessairement apparaître postérieurement au prononcé de ce dernier, de sorte qu’il ne permettrait en aucun cas d’établir une dénaturation des faits par les juges de première instance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 novembre 2007, Meister/OHMI, C‑12/05 P‑REV, non publié au Recueil, points 18 et 19).

15      S’agissant des éléments factuels relevant de la procédure disciplinaire engagée contre le requérant en 2010, il suffit de relever qu’ils sont postérieurs au prononcé de l’arrêt du 5 octobre 2009, de sorte qu’ils ne sont pas couverts par la jurisprudence citée au point 12 ci-dessus, le requérant ayant d’ailleurs introduit un recours séparé contre la sanction disciplinaire que la Commission lui a infligée en mars 2011 (voir point 6 ci-dessus).

16      Enfin, il importe de rappeler que le Tribunal, après avoir partiellement annulé l’arrêt rendu en première instance, a estimé que le litige était en état d’être jugé et a donc statué lui-même sur la partie correspondante du recours introduit en première instance (arrêt du 5 octobre 2009, points 241 à 244). Si le Tribunal a donc partiellement évoqué l’affaire et ainsi exercé les fonctions de juge de première instance, il s’est pourtant abstenu, au point 244 de l’arrêt du 5 octobre 2009, de procéder à des constatations factuelles autonomes qui pourraient être influencées par d’éventuels éléments de nature factuelle présentés dans la demande en révision, et s’est limité à rejeter les conclusions en annulation correspondantes comme irrecevables pour défaut de la procédure précontentieuse requise en matière de fonction publique. En tout état de cause, la présente demande en révision ne mentionne pas ledit point 244 comme élément à réviser, alors qu’elle aurait dû indiquer, conformément à l’article 126, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, les points sur lesquels l’arrêt du 5 octobre 2009 était attaqué.

17      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en révision doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

18      À titre surabondant, il convient d’ajouter que, conformément à l’article 119 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, le demandeur avait la possibilité d’introduire une demande en révision de l’arrêt prononcé par ce Tribunal, en se prévalant de nouveaux éléments factuels. Par requête du 13 décembre 2006, le demandeur a effectivement saisi le Tribunal de la fonction publique d’une telle demande, laquelle a cependant été rejetée par arrêt de ce Tribunal du 15 juin 2011, de Brito Sequeira Carvalho/Commission (F‑17/05 REV, non encore publié au Recueil). Or, rien n’interdit au demandeur de le saisir d’une nouvelle demande en révision en invoquant des éléments factuels susceptibles de l’amener à consacrer une solution différente de celle initialement apportée au litige qui l’oppose à la Commission.

 Sur les dépens

19      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre l’Union européenne et ses agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

20      En l’espèce, le demandeur ayant succombé, il y a lieu pour chaque partie de supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :


1)      La demande en révision est rejetée comme irrecevable.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 avril 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.