Language of document : ECLI:EU:T:2013:586

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 novembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Premeno – Marque nationale verbale antérieure Pramino – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 207/2009 – Limitation des produits désignés dans la demande de marque – Article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑536/10,

Kessel Marketing & Vertriebs GmbH, établie à Mörfelden-Walldorf (Allemagne), représentée initialement par Me S. Bund, puis par MA. Jacob, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme B. Schmidt, puis par Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenante devant le Tribunal, étant

Janssen-Cilag GmbH, établie à Neuss (Allemagne), représentée par MM. Wenz, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 21 septembre 2010 (affaire R 708/2010-4), relative à une procédure d’opposition entre Janssen-Cilag GmbH et Kessel Marketing & Vertriebs GmbH.

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. S. Frimodt Nielsen, faisant fonction de président, Mme M. Kancheva et M. E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 mars 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2011,

vu la décision du 18 avril 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu la lettre de l’intervenante du 31 mai 2013, par laquelle elle a présenté des conclusions relatives aux dépens,

à la suite de l’audience du 4 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 novembre 2007, la requérante, Kessel Marketing & Vertriebs GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) nº 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Premeno.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Ovules vaginaux».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 14/2008, du 7 avril 2008.

5        Le 7 juillet 2008, l’intervenante, Janssen-Cilag GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale antérieure allemande Pramino, enregistrée pour des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Médicaments délivrés sur ordonnance ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Sur requête de la requérante, du 28 mai 2009, l’intervenante a été invitée par l’OHMI à apporter la preuve, conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, que la marque antérieure avait fait l’objet, au cours des cinq années précédant la publication de la demande de marque communautaire, d’un usage sérieux dans les États membres dans lesquels cette marque est protégée.

9        Le 30 juillet 2009, l’intervenante a, dans le délai imparti, produit divers éléments de preuve afin de démontrer que la marque sur laquelle l’opposition était fondée avait fait l’objet d’un usage sérieux en Allemagne. Parmi ces documents figuraient, notamment, une déclaration d’une de ses employés, faite sous serment, évoquant les chiffres d’affaires réalisés avec le produit Pramino, des emballages de produits et des notices explicatives, des factures ainsi que des copies extraites de la Lauer-Taxe et de la Rote Liste – des répertoires de produits pharmaceutiques pouvant être commercialisés sur le marché allemand, destinés aux professionnels de santé.

10      Par décision du 26 février 2010, la division d’opposition a considéré que l’usage de la marque antérieure avait été démontré pour les « médicaments délivrés sur ordonnance, à savoir les médicaments destinés à la contraception hormonale », et elle a accueilli l’opposition pour ces produits. Elle a, par conséquent, refusé l’enregistrement de la marque demandée au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle et phonétique des marques en conflit et de l’identité des produits en cause.

11      Le 26 avril 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition. Elle a notamment demandé, conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, que les produits visés par la demande de marque soient limités aux produits relevant de la classe 5 correspondant à la description suivante : « Ovules vaginaux non délivrés sur ordonnance contre la sécheresse et les infections vaginales ».

12      Par décision du 21 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. S’agissant de la preuve de l’usage de la marque antérieure, la chambre de recours a décidé, à l’instar de la division d’opposition, que ladite preuve n’avait été apportée que pour une partie des produits pour lesquels la marque antérieure était enregistrée et que, dès lors, en application de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, cette marque n’était réputée être enregistrée aux fins de l’examen de l’opposition que pour les « médicaments délivrés sur ordonnance, à savoir les médicaments destinés à la contraception hormonale ». S’agissant de la comparaison des produits, la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient identiques dans la mesure où, d’une part, les produits désignés dans la demande de marque pouvaient, à l’instar des produits visés par la marque antérieure, être utilisés à des fins de contraception et où, d’autre part, la limitation de produits demandée par la requérante devait être rejetée. S’agissant de la comparaison des signes, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition en ce que celle-ci avait considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle et phonétique, leur comparaison conceptuelle n’étant pas possible. Dès lors, prenant en compte l’identité des produits en cause, le degré moyen de similitude entre les signes en conflit ainsi que le caractère distinctif renforcé de la marque antérieure, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, malgré le niveau d’attention plus élevé du public.

 Conclusions des parties 

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève trois moyens. Les premier et deuxième moyens sont tirés d’une violation, respectivement, de l’article 42, paragraphes 2 et 3, et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Le troisième moyen est tiré de l’illégalité du rejet de la limitation des produits désignés dans la demande de marque. Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante a précisé que son troisième moyen devait être entendu comme tiré de la violation de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et de la règle 2 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).

16      Dans la mesure où les premier et troisième moyens visent à faire constater les erreurs de droit qu’aurait commises la chambre de recours dans la définition des produits désignés par les marques en conflit aux fins de leur comparaison dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, il convient de les examiner en premier.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

17      En ce qui concerne le premier moyen du recours, la requérante a indiqué, lors de l’audience, qu’elle ne contestait plus la force probante des pièces produites devant l’OHMI par l’intervenante, mais elle a soutenu que, en considérant que l’usage de la marque antérieure avait été prouvé pour les « médicaments délivrés sur ordonnance, à savoir les médicaments destinés à la contraception hormonale », la chambre de recours avait retenu une sous-catégorie trop large des produits visés par la marque antérieure. La requérante estime que l’usage de la marque antérieure a été prouvé uniquement pour une forme galénique spécifique de ces médicaments, à savoir les pilules.

18      La requérante a fait en outre valoir, lors de l’audience, que c’était à tort que la chambre de recours avait retenu l’obligation d’une prescription médicale comme un critère pertinent pour définir la sous‑catégorie des produits pour lesquels l’usage de la marque antérieure avait été prouvé, dans la mesure où ce critère avait été jugé non pertinent dans le cadre de la limitation des produits visés par la demande de marque.

19      L’OHMI et l’intervenante se rallient, en substance, à l’appréciation de la chambre de recours et estiment que c’est à bon droit que celle-ci a retenu les « médicaments délivrés sur ordonnance, à savoir les médicaments destinés à la contraception hormonale », comme une sous-catégorie des produits pour lesquels l’intervenante est parvenue à prouver l’usage de la marque antérieure en Allemagne. Selon l’OHMI et l’intervenante, la soumission ou non à une prescription médicale constitue un critère pertinent pour définir une sous-catégorie des produits pour lesquels l’intervenante a apporté la preuve de l’usage de la marque antérieure, dans la mesure où une obligation d’une prescription médicale résulte de la législation allemande applicable à ces produits.

20      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement nº 207/2009 que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée. À cette fin, l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009 prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque ayant fait l’objet d’une opposition [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 34 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée].

21      En outre, il y a lieu d’observer que l’article 42, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 est applicable aux marques nationales en vertu de l’article 42, paragraphe 3, du même règlement [arrêts du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, point 44, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 28]. La légalité de la décision de la chambre de recours en ce qui concerne l’appréciation de la preuve de l’usage de la marque nationale antérieure doit être examinée au vu de cette disposition, telle qu’interprétée par la jurisprudence, et, contrairement à ce que prétendent l’OHMI et l’intervenante, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de la législation allemande en matière de produits pharmaceutiques. En effet, il ressort de la jurisprudence que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [voir arrêt du Tribunal du 22 novembre 2011, Sports Warehouse/OHMI (TENNIS WAREHOUSE), T‑290/10, non publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée].

22      Selon la jurisprudence, il résulte des dispositions précitées que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection, dans une procédure d’opposition, que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition (arrêt ALADIN, point 21 supra, point 45).

23      En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou des sous-catégories cohérentes (arrêt ALADIN, point 21 supra, point 46).

24      En l’espèce, la marque nationale antérieure a été enregistrée pour les « médicaments délivrés sur ordonnance ». Cette catégorie de produits est suffisamment large pour qu’il puisse être distingué, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome. Sur le fondement des preuves apportées par l’intervenante, dont la requérante a indiqué, lors de l’audience, ne plus contester la valeur probante, la chambre de recours a retenu que l’usage de la marque antérieure avait été prouvé pour les « médicaments délivrés sur ordonnance, à savoir les médicaments destinés à la contraception hormonale ».

25      Dès lors, il y a lieu d’apprécier si cette définition des produits visés par la marque antérieure est compatible avec l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 207/2009, tel qu’interprété par la jurisprudence.

26      Il résulte de la jurisprudence que les dispositions de l’article 42 du règlement n° 207/2009 permettant de réputer la marque antérieure enregistrée pour la seule partie des produits et services pour laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque a été établie, d’une part, constituent une limitation apportée aux droits que tire le titulaire de la marque antérieure de son enregistrement et, d’autre part, doivent être conciliées avec l’intérêt légitime dudit titulaire à pouvoir, à l’avenir, étendre sa gamme de produits ou de services, dans la limite des termes visant les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, en bénéficiant de la protection que l’enregistrement de ladite marque lui confère. Tel est d’autant plus le cas lorsque les produits pour lesquels l’usage de la marque a été prouvé constituent une catégorie suffisamment précise et circonscrite (arrêt ALADIN, point 21 supra, point 51).

27      En ce qui concerne plus particulièrement les produits pharmaceutiques, il ressort de la jurisprudence que les critères autres que la finalité et la destination de ces produits, tels que la forme galénique du produit ou sa substance active, ainsi que l’obligation d’une prescription médicale, sont, en règle générale, inappropriés pour définir une sous‑catégorie de produits susceptible d’être envisagée de manière autonome. En effet, une affection médicale déterminée peut souvent être traitée par plusieurs médicaments prenant différentes formes galéniques et contenant différentes substances actives, dont certains sont disponibles en vente libre tandis que d’autres sont soumis à prescription médicale (arrêt RESPICUR, point 21 supra, point 31).

28      Il résulte de la jurisprudence évoquée aux points 26 et 27 ci-dessus, qu’il ne saurait, en l’espèce, être reproché à la chambre de recours d’avoir retenu les « médicaments destinés à la contraception hormonale » comme une sous‑catégorie de produits pour lesquels l’usage de la marque antérieure a été prouvé, sans la circonscrire, comme le voudrait la requérante, à une forme galénique spécifique, à savoir les « pilules servant à la contraception hormonale ».

29      En effet, comme le soutient à juste titre l’intervenante, le fait de retenir un mode spécifique d’administration d’un médicament reviendrait à limiter indûment la liberté de l’intervenante et à heurter son intérêt légitime de pouvoir, à l’avenir, étendre sa gamme de produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée à d’autres formes galéniques.

30      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a retenu, à tort, l’obligation d’une prescription médicale comme critère pour définir la sous‑catégorie de produits pour lesquels l’usage de la marque antérieure a été prouvé, il y a lieu d’observer que ledit argument n’a pas été soulevé par la requérante dans ses écrits, mais qu’il a été présenté pour la première fois lors de l’audience. Néanmoins, cet argument doit être considéré comme une ampliation du premier moyen, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lequel a été présenté par écrit. En effet, dans la mesure où, par son premier moyen, la requérante vise, ainsi qu’elle l’a précisé lors de l’audience, à remettre en cause la sous‑catégorie des produits visés par la marque antérieure retenue par la chambre de recours, la contestation du critère de la soumission de la délivrance de ces produits à une prescription médicale s’inscrit dans le cadre d’un tel moyen (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 40).

31      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 27 ci‑dessus que le critère de la soumission à une prescription médicale n’est pas un critère approprié pour définir une sous-catégorie de produits pharmaceutiques visés par une marque. Quand bien même le fait que les produits pharmaceutiques soient soumis ou non à une prescription médicale constitue un élément à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation du public pertinent [arrêt du Tribunal du 16 juin 2010, Kureha/OHMI – Sanofi-Aventis (KREMEZIN), T‑487/08, non publié au Recueil, point 68], de son niveau d’attention [arrêts du Tribunal du 14 juillet 2011, ratiopharm/OHMI – Nycomed (ZUFAL), T‑222/10, non publié au Recueil, point 20, et du 7 juin 2012, Meda Pharma/OHMI – Nycomed (ALLERNIL), T‑492/09 et T‑147/10, non publié au Recueil, point 29], ainsi que du risque de confusion [arrêt Alcon/OHMI, point 30 supra, points 57 et 58, et arrêt du Tribunal du 13 février 2008, Sanofi-Aventis/OHMI – GD Searle (ATURION), T‑146/06, non publié au Recueil, points 24], ce fait n’est, en revanche, pas pertinent pour définir une sous-catégorie de produits visés par une marque en vue de la comparaison des produits en conflit. Bien qu’il puisse être loisible au titulaire de la marque de mettre en exergue le fait que le produit pharmaceutique en question est soumis à une prescription, cette indication ne sert pas à discerner les produits pharmaceutiques visés par la marque antérieure dans la mesure où elle ne permet pas de préciser l’indication thérapeutique du produit, critère pertinent pour définir une sous-catégorie de produits pharmaceutiques (voir, par analogie, arrêt ZUFAL précité, point 28).

32      Il y a, en outre, lieu de relever, comme l’a admis l’OHMI lors de l’audience, que la soumission ou non à une prescription médicale dépend, faute d’harmonisation au niveau européen, de la législation nationale applicable aux produits pharmaceutiques, laquelle peut être modifiée à tout moment par le législateur national. En conséquence, comme il a été relevé au point 21 ci-dessus, le droit à une protection par une marque communautaire ne saurait dépendre d’un critère relevant du droit national, ni d’un critère susceptible de changer dans le temps.

33      Force est cependant de constater que l’erreur commise par la chambre de recours, en retenant le critère de la soumission à une prescription médicale comme critère de définition de la sous‑catégorie de produits pour laquelle l’usage de la marque antérieure était établi, ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, entraîner l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où il ressort de cette décision que la chambre de recours n’a pas procédé à la comparaison des produits en conflit par rapport à ce critère, dès lors qu’elle a rejeté la limitation des produits demandée par la requérante, laquelle était elle-même fondée notamment sur le critère de la non-soumission à une prescription médicale. En conséquence, l’argumentation de la requérante fondée sur une telle erreur est inopérante.

34      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen du recours comme partiellement non-fondé, en tant qu’il concerne le grief tiré de ce que la chambre de recours aurait dû limiter à une forme galénique particulière la sous‑catégorie de produits pour laquelle l’usage de la marque antérieure a été prouvé, et comme partiellement inopérant, en tant qu’il concerne le grief tiré de ce que la chambre de recours a pris en compte la soumission à une prescription médicale pour définir ladite sous‑catégorie.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 et de la règle 2 du règlement n° 2868/95

35      À l’appui de son troisième moyen, la requérante fait, en substance, valoir que c’est à tort que la chambre de recours a écarté la limitation des produits visés par la marque demandée dans la mesure où celle-ci correspondait aux exigences imposées par la règle 2 du règlement n° 2868/95, selon laquelle la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature. Elle a, en outre, fait remarquer que le critère de soumission à une prescription médicale avait été retenu par la chambre de recours comme un critère valable pour définir une sous‑catégorie de produits pour lesquels l’intervenante était parvenue à prouver l’usage sérieux de la marque antérieure tandis qu’il avait été écarté comme non pertinent s’agissant de la limitation des produits visés par la marque demandée.

36      L’OHMI estime que tant les indications thérapeutiques d’un produit que sa soumission ou non à une prescription médicale doivent être considérées comme des notions vagues, qui n’auraient ainsi pas leur place sur la liste de produits jointe à une demande d’enregistrement. L’OHMI et l’intervenante font valoir que, en tout état de cause, la limitation de produits demandée par la requérante exclut, tout au plus, une identité des produits, lesquels devraient alors être considérés, à tout le moins, comme similaires. La limitation des produits désignés dans la demande de marque n’impliquerait donc pas l’absence de risque de confusion étant donné la similitude des produits et celle des signes en conflit.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, la demande de marque communautaire doit contenir la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Suivant la règle 2, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature. Enfin, l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 prévoit que le demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque communautaire ou limiter la liste des produits ou des services qu’elle contient [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 22].

38      Il ressort des dispositions précitées qu’il incombe à celui qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire d’indiquer, dans sa demande, la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé et de fournir, pour chacun desdits produits ou services, une description faisant apparaître clairement sa nature. L’OHMI, pour sa part, doit examiner la demande par rapport à tous les produits ou services figurant sur la liste concernée, en tenant compte, le cas échéant, des limitations, au sens de l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, de cette même liste (arrêt Mozart, point 37 supra, point 23).

39      Pour pouvoir être prise en considération, une limitation des produits ou des services désignés dans une demande de marque communautaire doit être réalisée selon certaines modalités particulières, sur requête en modification de la demande présentée conformément à l’article 43 du règlement n° 207/2009 et à la règle 13 du règlement n° 2868/95 [arrêt du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, Rec. p. II‑4953, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 13]. En outre, la limitation des produits contenus dans une demande de marque communautaire doit être réalisée de façon expresse et non conditionnelle [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, points 61 et 62, et du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T‑396/02, Rec. p. II‑3821, points 19 et 20].

40      En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante a limité les produits désignés dans la demande de marque conformément aux dispositions applicables et à la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, ce qui n’est, au demeurant, pas contesté par les parties.

41      Interrogées sur ce point lors de l’audience, les parties ont admis que la limitation des produits présentée devant la chambre de recours par la requérante conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, comportait deux volets, la requérante ayant entendu limiter les produits initialement désignés dans la demande de marque, à savoir les « ovules vaginaux », d’une part, en indiquant qu’il s’agissait de produits en vente libre et, d’autre part, en précisant l’indication thérapeutique des produits visés. En conséquence, elle a demandé à ce que les produits visés par la demande de marque soient limités aux produits relevant de la classe 5 correspondant à la description suivante : « Ovules vaginaux non délivrés sur ordonnance contre la sécheresse et les infections vaginales ».

42      Le rejet par la chambre de recours de la limitation des produits demandée par la requérante est motivé, au point 12 de la décision attaquée, comme suit :

–        le fait que la demanderesse ne commercialise que des produits non soumis à prescription médicale est sans pertinence pour la limitation des produits visés par la marque demandée, dans la mesure où la comparaison des produits en cause doit porter uniquement sur les produits visés par la demande et non sur les produits éventuellement utilisés ;

–        ladite limitation s’inscrit dans le cadre d’une conversation confidentielle entre la patiente et le professionnel de santé et n’a dès lors pas sa place dans le registre des marques communautaires ;

–        la limitation consiste en une description des symptômes médicaux et de la catégorie de patientes éventuellement concernée par ces symptômes.

43      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 27 ci-dessus que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous‑catégorie de produits ou de services [arrêts du Tribunal RESPICUR, point 21 supra, point 29, et du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, Rec. p. II‑5967, point 37].

44      S’agissant plus spécifiquement des produits pharmaceutiques, la jurisprudence a reconnu que leur finalité et leur destination sont exprimées par leur indication thérapeutique (arrêt RESPICUR, point 21 supra, points 29 et 30, et arrêt ZUFAL, point 31 supra, point 25).

45      Il en découle nécessairement que le critère essentiel permettant d’identifier les produits pharmaceutiques visés par la demande de marque et, par voie de conséquence, l’étendue de la protection de la marque, est constitué par leur indication thérapeutique (arrêt ZUFAL, point 31 supra, point 26).

46      En l’espèce, la limitation des produits proposée par la requérante est fondée notamment sur le critère de l’indication thérapeutique, dans la mesure où elle précise les troubles de santé destinés à être traités par les produits en cause, à savoir la « sécheresse et les infections vaginales ». Partant, ladite limitation, fondée sur les critères de la finalité et de la destination des produits, est conforme à la jurisprudence rappelée aux points 43 à 45 ci-dessus, qui reconnaît la pertinence de ces critères s’agissant de la définition d’une sous‑catégorie de produits pharmaceutiques.

47      La limitation demandée par la requérante est également fondée sur l’absence de prescription médicale des produits en cause. Or, comme il a été jugé aux points 31 et 32 ci-dessus, la soumission ou non à une prescription médicale est un critère inapproprié pour définir une sous‑catégorie de produits pharmaceutiques (arrêt RESPICUR, point 21 supra, point 31). Le même raisonnement est applicable dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé d’une limitation de produits proposée par un demandeur de marque, dans la mesure où les mêmes critères doivent être considérés comme pertinents en ce qui concerne la définition d’une sous-catégorie de produits pharmaceutiques tant dans le cadre de l’application de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 (arrêt RESPICUR, point 21 supra, points 29 à 31), que dans le cadre de l’application de l’article 43, paragraphe 1, du même règlement (arrêt ZUFAL, point 31 supra, points 25 à 27), ce qui permet d’avoir à comparer, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, les produits définis sur la base des mêmes critères.

48      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé, au point 12 de la décision attaquée, que le critère de l’absence de prescription médicale était sans pertinence pour définir une sous‑catégorie de produits visés par la demande de marque.

49      Néanmoins, le fait que la requérante a mis en exergue dans sa limitation de produits le critère de l’absence de prescription médicale ne saurait enlever toute pertinence à l’ensemble de ladite demande. En effet, comme il a été précisé au point 46 ci-dessus, cette demande respectait les critères essentiels de la finalité et de la destination qui permettent d’identifier les produits visés par la demande de marque comme une sous-catégorie pertinente de produits pharmaceutiques.

50      Il s’ensuit que, en omettant de prendre en considération la limitation des produits demandée par la requérante dans la mesure où celle-ci était fondée sur l’indication thérapeutique, la chambre de recours a violé l’article 43, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

51      En conséquence, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen.

52      Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le troisième moyen soulevé par la requérante doit être accueilli en tant que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté la demande de limitation des produits visés par la demande de marque dans la mesure où celle-ci était fondée sur l’indication thérapeutique. L’erreur de droit ainsi commise par la chambre de recours a pour conséquence que l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit dans la décision attaquée est fondée sur une comparaison de produits qui ne sont pas correctement définis.

53      En outre, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre du contrôle de la légalité de la décision de la chambre de recours, d’apprécier pour la première fois, sur le fond, des éléments que la chambre de recours n’a pas examinés, comme, en l’espèce, la comparaison entre les produits visés par la marque demandée, tels que limités par la requérante, et les produits visés par la marque antérieure, sans tenir compte du critère de soumission à une prescription médicale, en vue d’apprécier si ces produits, bien qu’ils ne soient pas identiques, sont en tout état de cause similaires, comme le soutiennent l’OHMI et l’intervenante.

54      Partant, il convient d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner le deuxième moyen du recours tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, les dépens de la requérante conformément aux conclusions de cette dernière. L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 21 septembre 2010 (affaire R 708/2010‑4), est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Kessel Marketing & Vertriebs GmbH.

3)      Janssen-Cilag GmbH supportera ses propres dépens.

Frimodt Nielsen

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.