Language of document : ECLI:EU:C:2016:111

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 23 février 2016 (1)

Affaire C‑614/14

Procédure pénale

contre

Atanas Ognyanov

[demande de décision préjudicielle
formée par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Article 94 du règlement de procédure de la Cour – Contenu d’une demande de décision préjudicielle et obligations à la charge de la juridiction de renvoi – Exposé du cadre factuel et juridique – Règle nationale qui contraint la juridiction de renvoi à se dessaisir au motif que celle-ci a exposé le cadre factuel et juridique de l’affaire aux fins de l’introduction d’un renvoi préjudiciel devant la Cour – Articles 47 et 48 de la Charte »





I –    Introduction

1.        Les modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure de la Cour s’agissant du contenu d’une demande de décision préjudicielle seraient-elles susceptibles de compromettre la garantie des droits consacrés aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ?

2.        Une juridiction de renvoi serait-elle tenue de se dessaisir de l’affaire au principal au motif qu’elle a exposé, dans le cadre de sa demande de décision préjudicielle introduite dans cette affaire, le cadre factuel et juridique de celle-ci ?

3.        Tel semble être le cas, en droit bulgare, en application de l’article 29 du code de procédure pénale (Nakazatelno protsesualen kodeks, ci-après le « NPK »).

4.        En effet, c’est sur le fondement de cette disposition que le ministère public de la ville de Sofia (Sofiyska gradska prokuratura) a demandé le dessaisissement du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), au motif que celui-ci aurait, dans le cadre de la demande de décision préjudicielle introduite dans l’affaire C‑554/14, Ognyanov (2), pendante devant la Cour, exprimé un « avis provisoire » en constatant le cadre factuel et juridique de ladite affaire, et ce avant que celle-ci ne soit mise en délibéré, manquant ainsi à son devoir d’impartialité et violant, en outre, le droit à la présomption d’innocence de M. Ognyanov.

5.        Dans la présente affaire, la Cour est donc saisie du point de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une règle telle que celle en cause au principal.

6.        Nous ne nions pas que le mécanisme du renvoi préjudiciel peut soulever des difficultés parfois délicates à gérer pour les juridictions nationales de tout ordre et de tout rang, surtout si nous tenons compte des différences existant entre les législations nationales sur l’office du juge, lesquelles sont, d’ailleurs, parmi les moins harmonisées et les plus diverses.

7.        Cependant, l’abondante jurisprudence qui consacre la coopération entre le juge national et la Cour en matière de renvoi préjudiciel ainsi que les nombreuses dispositions réglementaires qui façonnent ce mécanisme ne laissent place à aucun doute quant à la réponse qu’il convient d’apporter à cette question.

8.        En exposant, dans le cadre de la demande de décision préjudicielle introduite dans l’affaire C‑554/14, le cadre factuel et juridique de cette affaire, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) n’a fait que respecter les modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure aux fins de l’introduction d’une demande de décision préjudicielle devant la Cour et ces modalités, si elles sont correctement mises en œuvre, ne sauraient être considérées comme compromettant l’équité de la procédure et les droits fondamentaux des parties.

9.        Une règle telle que celle en cause au principal doit donc être écartée.

10.      D’une part, parce qu’elle remet en question les modalités essentielles du renvoi préjudiciel, telles qu’elles ont été définies à l’article 267 TFUE ainsi que par la jurisprudence de la Cour et précisées à l’article 94 du règlement de procédure.

11.      D’autre part, parce qu’elle revient finalement à priver les juridictions pénales bulgares de la possibilité d’introduire un renvoi préjudiciel devant la Cour, empiétant ainsi sur les prérogatives propres qui leur sont reconnues par le traité FUE et la jurisprudence de celle-ci.

12.      Dans sa décision de renvoi, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) n’a, d’ailleurs, aucune hésitation quant à l’interprétation des dispositions susmentionnées du droit de l’Union.

13.      Sa démarche est destinée, nous semble-t-il, à changer la perception du juge pénal bulgare s’agissant du renvoi préjudiciel et peut-être même celle du Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle) (3), et à démontrer les incohérences d’une réglementation qui, si elle est mise en œuvre, est susceptible de dissuader chacune des juridictions pénales bulgares d’introduire une demande de décision préjudicielle devant la Cour.

14.      Certes, il souligne que la demande de décision préjudicielle constitue un nouvel exercice pour le juge pénal bulgare compte tenu de la limitation prévue à l’article 10, paragraphe 1, du protocole no 36 sur les dispositions transitoires, annexé au traité FUE.

15.      Or, si l’institution de la demande de décision préjudicielle est nouvelle pour la justice pénale bulgare, l’exercice est, en revanche, particulièrement maîtrisé pour les juridictions bulgares de l’ordre civil et administratif, le nombre relativement élevé de questions préjudicielles posées par ces juridictions l’attestant (4).

16.      À cet égard, le code de procédure civile (Grazdhanski protsesualen kodeks (5)), dans le cadre de sa partie VII, chapitre 59 (6), précise l’ensemble des règles procédurales applicables à l’introduction d’une demande de décision préjudicielle devant la Cour. Son article 630, relatif au contenu de la demande de décision préjudicielle, exige, à son paragraphe 1, conformément aux modalités prescrites à l’article 94 du règlement de procédure, que « [l]a demande de décision préjudicielle comporte une description des faits du litige, le droit national applicable, une référence exacte à la disposition ou à l’acte dont l’interprétation ou l’appréciation en validité est demandée, les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi estime qu’une demande de décision préjudicielle est nécessaire aux fins d’un traitement correct de l’affaire ainsi que la formulation de la question préjudicielle » (7).

17.      Si les règles consacrées dans ledit chapitre 59 sont, en principe, limitées aux seules instances civiles, elles sont également applicables aux procédures engagées devant les juridictions administratives, et ce conformément à l’article 144 du code de procédure administrative (Administrativnoprotsesualen kodeks) (8).

18.      Les exigences tenant au contenu d’une demande de décision préjudicielle fixées aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure ainsi que dans la jurisprudence de la Cour, loin d’être inconnues du législateur et des juridictions nationales, font donc partie de l’arsenal juridique, et ce depuis l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne en 2007.

19.      Or, si nous comprenons que certaines juridictions pénales puissent rencontrer des difficultés face au recours, nouveau pour elles, au mécanisme du renvoi préjudiciel, il n’en reste pas moins que les modalités prescrites aux fins de l’introduction d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE et précisées à l’article 94 du règlement de procédure sont identiques selon qu’elles relèvent de la matière civile ou de la matière pénale. Si le règlement de procédure prévoit, dans son chapitre 3 du titre III, des dispositions particulières s’agissant des affaires relevant de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ces dispositions n’affectent en rien les obligations incombant à la juridiction de renvoi au titre de l’article 94 de ce règlement.

20.      Au vu des éléments tirés des dispositions d’ordre réglementaire et jurisprudentiel, qui consacrent la coopération entre le juge national et la Cour en matière de renvoi préjudiciel, la réponse qu’il conviendra d’apporter à la juridiction de renvoi ne laissera donc place à aucun doute.

21.      Nous proposerons, par conséquent, à la Cour de dire pour droit que les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure, lus à la lumière des dispositions visées aux articles 47 et 48 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale telle que celle en cause au principal, qui contraint la juridiction de renvoi à se dessaisir de l’affaire au principal au motif qu’elle a exposé, dans le cadre de sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et juridique de cette affaire.

22.      Par conséquent, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) sera tenu d’écarter une telle règle.

23.      Nous indiquerons, par ailleurs, que les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure ne s’opposent pas, compte tenu de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, à ce qu’une juridiction de renvoi procède, une fois l’arrêt de la Cour rendu, à une nouvelle audition des parties ainsi qu’à de nouvelles mesures d’instruction et modifie, en conséquence, les constatations qu’elle a faites dans le cadre de sa décision de renvoi.

II – Le cadre factuel et juridique

24.      En l’espèce, M. Ognyanov, ressortissant bulgare, a été condamné par la justice danoise à une peine de réclusion de quinze ans pour vol aggravé et pour meurtre. Celui-ci a été placé en détention dans un établissement pénitentiaire danois du 10 janvier 2012 au 1er octobre 2013, date à laquelle il a été transféré, sur le fondement de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signée à Strasbourg le 21 mars 1983 (9), aux autorités bulgares afin de purger le reste de sa peine en Bulgarie. À la suite du transfèrement de M. Ognyanov, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a saisi la Cour de trois questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 17 de la décision-cadre 2008/909/JAI (10) (affaire C‑554/14).

25.      Après l’introduction de ces questions, le ministère public de la ville de Sofia a demandé le dessaisissement de cette juridiction au motif que, aux points 2 à 4 de la demande de décision préjudicielle introduite dans cette affaire, elle aurait exprimé un avis sur des questions de fait et de droit, et ce avant que ladite affaire ne soit mise en délibéré.

26.      Il ressort de la décision de renvoi dans la présente affaire que, conformément à l’article 29 du NPK, tel qu’interprété par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), l’expression par le juge d’un avis provisoire sur le fond de l’affaire avant de rendre une décision finale constituerait un cas particulier de partialité.

27.      En cas de partialité, le juge est tenu de se dessaisir, ce qui signifie, premièrement, qu’il cesse d’examiner l’affaire, deuxièmement, que cette affaire est réattribuée à d’autres juges de la juridiction concernée et, troisièmement, que la nouvelle juridiction désignée réexamine l’affaire.

28.      Si le juge omet de se dessaisir, continue à examiner l’affaire et rend une décision finale, cette décision sera viciée, car rendue en « violation des formes substantielles ». L’instance supérieure annulera ladite décision et l’affaire sera réattribuée à une autre formation de jugement en vue d’un nouvel examen.

29.      Le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) précise que la jurisprudence retient une interprétation particulièrement stricte du critère de « partialité ». À cet égard, il relève, notamment, que ce contrôle est effectué d’office et que même l’indication la plus insignifiante concernant les faits de l’affaire ou leur qualification juridique conduit automatiquement à un motif de dessaisissement du juge.

30.      À titre d’illustration, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) mentionne cinq décisions du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) (11), dans lesquelles ce dernier a annulé les décisions de juridictions de première instance pour partialité.

31.      Enfin, il ressort de la décision de renvoi que l’expression par le juge d’un avis provisoire emporte non seulement son dessaisissement et/ou l’annulation de sa décision finale, mais aussi l’engagement d’une action en responsabilité disciplinaire contre lui pour infraction disciplinaire. En effet, conformément aux points 2.3 et 7.4 du code national de déontologie (Kodeks za etichno povedenie), il est interdit au juge de faire des déclarations publiques concernant l’issue d’une affaire dont l’examen lui est confié ou d’émettre un avis provisoire. En outre, le point 7.3 de ce code prévoit que le juge peut s’exprimer sur des questions juridiques de principe, en s’abstenant, néanmoins, de se référer aux faits concrets et à leur qualification juridique.

32.      Or, en l’espèce, en posant les questions préjudicielles dans l’affaire C‑554/14, la juridiction de renvoi aurait émis publiquement et officiellement un avis provisoire sur les faits concrets de cette affaire.

III – Les questions préjudicielles

33.      C’est dans ces circonstances que le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Y aura-t-il violation du droit de l’Union (article 267, deuxième alinéa, TFUE, lu conjointement avec l’article 94 du règlement de procédure, les articles 47 et 48 de la Charte et les autres dispositions pertinentes) si, après la réception de la décision préjudicielle, la juridiction qui a envoyé la demande de décision préjudicielle poursuit l’examen de l’affaire et rend une décision au fond, sans se dessaisir ? Le motif de ce dessaisissement est l’expression par la juridiction de renvoi d’un avis provisoire sur le fond de l’affaire dans la demande de décision préjudicielle (en considérant comme établi un cadre factuel déterminé et en considérant comme applicable à ce cadre factuel une règle juridique déterminée).

La question est posée en présumant que, lors de la détermination des faits et du droit applicable en vue du renvoi préjudiciel, toutes les règles procédurales ont été respectées afin de défendre le droit des parties de présenter des preuves et de plaider.

2)      Si, en réponse à la première question, la poursuite de l’examen de l’affaire est jugée conforme au droit, y aura-t-il une violation du droit de l’Union si :

a)      dans sa décision définitive, la juridiction de renvoi reproduit sans modification tout ce qu’elle a constaté dans la demande de décision préjudicielle, en refusant de rassembler de nouvelles preuves et d’entendre les parties concernant ces constats de fait et de droit ? En réalité, la juridiction de renvoi rassemble de nouvelles preuves et entend les parties seulement concernant les questions qui n’ont pas été considérées comme établies dans la demande de décision préjudicielle,

b)      la juridiction de renvoi continue à rassembler de nouvelles preuves et à entendre les parties concernant toutes les questions pertinentes, y compris les questions sur lesquelles elle a déjà exprimé son avis dans la demande de décision préjudicielle, et, dans sa décision définitive, reproduit son dernier avis, en se basant sur toutes les preuves rassemblées et après avoir examiné toutes les observations des parties, tant avant le renvoi préjudiciel qu’après la réception de la décision préjudicielle ?

3)      Si, en réponse à la première question, la poursuite de l’examen de l’affaire est jugée conforme au droit de l’Union, alors, sera-t-il conforme au droit de l’Union que la juridiction choisisse de ne pas poursuivre l’examen de l’affaire et, au lieu de cela, de se dessaisir, parce que la poursuite de cet examen serait contraire au droit national qui garantit un niveau plus élevé de défenses des intérêts des parties et de la justice ? Sachant que le dessaisissement résulte des faits que :

a)      la juridiction de renvoi a exprimé un avis provisoire sur l’affaire, par l’intermédiaire de la demande de décision préjudicielle, avant de se prononcer dans sa décision définitive, ce qui, certes, est autorisé par le droit de l’Union, mais est interdit par le droit national,

b)      la juridiction de renvoi rendra son avis définitif avec deux décisions et non pas avec une décision (si l’on considère que la demande de décision préjudicielle est un avis non pas provisoire, mais définitif), ce qui, certes, est autorisé par le droit de l’Union, mais est interdit par le droit national. »

34.      Des observations ont été formulées par les gouvernements espagnol et néerlandais ainsi que par la Commission européenne.

35.      Nous ne pouvons que regretter l’absence des parties au principal et celle du gouvernement bulgare.

IV – Notre analyse

36.      La jurisprudence et la doctrine l’ont suffisamment rappelé, le renvoi préjudiciel constitue la clé de voûte du système juridictionnel dans l’Union, dont la mise en œuvre incombe au juge national.

37.      Ainsi que l’a rappelé la Cour dans son avis 2/13 (12), la procédure du renvoi préjudiciel a pour but, « en instaurant un dialogue de juge à juge […] entre la Cour et les juridictions des États membres, […] d’assurer l’unité d’interprétation du droit de l’Union […], permettant ainsi d’assurer sa cohérence, son plein effet et son autonomie ainsi que, en dernière instance, le caractère propre du droit institué par les traités » (13).

38.      En condamnant un État membre du fait qu’une juridiction nationale n’a pas motivé à suffisance son refus d’introduire une demande de décision préjudicielle à la Cour, la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Dhahbi c. Italie (14), a consacré, dans la lignée d’une jurisprudence déjà bien établie, l’importance de ce mécanisme en Europe et a entériné définitivement le fait que le renvoi préjudiciel est une compétence essentielle du juge national à tel point que celui-ci ne peut l’exercer d’une façon arbitraire au risque de violer le droit à un procès équitable.

A –    Sur la première question

39.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 267 TFUE, lu en combinaison avec les articles 94 du règlement de procédure ainsi que 47 et 48 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle nationale qui contraint la juridiction de renvoi à se dessaisir de l’affaire au principal au motif que celle-ci a exposé, dans le cadre de sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et juridique de cette affaire, se départant ainsi de son devoir d’impartialité et violant le droit à la présomption d’innocence.

40.      Ainsi que nous l’avons indiqué, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) n’a aucune hésitation quant à l’interprétation des dispositions susmentionnées. Cette question appelle, en effet, une réponse évidente au regard, d’une part, des règles d’ordre réglementaire et jurisprudentiel qui façonnent depuis des décennies le mécanisme du renvoi préjudiciel et, d’autre part, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

1.      Les règles d’ordre réglementaire et jurisprudentiel relatives au contenu d’une demande de décision préjudicielle

41.      Selon les termes d’une jurisprudence constante, l’article 267 TFUE institue une procédure de coopération étroite et directe entre la Cour et les juridictions nationales, grâce à laquelle la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (15). L’objectif est d’assurer la primauté du droit de l’Union ainsi qu’une interprétation uniforme de ses dispositions dans l’ensemble des États membres.

42.      Dans le cadre de ce dialogue de juge à juge et dans le respect mutuel de leurs compétences respectives, chacun assume des responsabilités propres. Pour autant, cette coopération juridictionnelle n’est pas une « voie à sens unique » (16). Si la Cour doit tout mettre en œuvre pour aider la juridiction de renvoi à interpréter et à appliquer le droit de l’Union correctement, en lui conférant notamment la faculté la plus étendue de la saisir (17), la juridiction de renvoi doit, à son tour, avoir égard à la fonction propre que la Cour remplit en la matière et ainsi s’efforcer de lui fournir toutes les informations et tous les éléments de preuve pour qu’elle puisse exercer sa fonction conformément à l’objectif visé à l’article 267 TFUE.

43.      La Cour exige donc que la demande de décision préjudicielle contienne un exposé sommaire des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi, ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées. Elle doit également comprendre la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente (18).

44.      Enfin, la juridiction de renvoi doit exposer les raisons qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. À cet égard, il faut noter que la Cour tient compte de la nature du contentieux pour apprécier le respect de ces exigences. La Cour considère ainsi que « les exigences [concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle] peuvent être plus facilement remplies lorsque [cette] demande […] s’inscrit dans un contexte déjà largement connu en raison d’un précédent renvoi préjudiciel » (19). En revanche, la Cour est plus exigeante lorsque ladite demande s’inscrit dans le cadre des contentieux de la concurrence et des marchés publics, dans la mesure où ces derniers sont caractérisés par des situations de fait et de droit complexes (20).

45.      Cette compétence de la juridiction de renvoi se trouve justifiée par le fait qu’elle est la seule à posséder une connaissance directe des faits à l’origine du litige et qu’elle assumera seule la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir (21).

46.      En outre et au-delà de l’exposé du cadre factuel et juridique, la Cour exige que la juridiction de renvoi explique les raisons pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions est nécessaire ou utile aux fins de la résolution du litige lorsque ces raisons ne découlent pas sans équivoque du dossier (22).

47.      Ces éléments sont indispensables pour que la Cour soit en mesure de répondre de manière utile et fiable à la question posée, en appréciant l’ensemble des circonstances de fait et de droit qui caractérisent la controverse. Celle-ci peut alors s’assurer que l’hypothèse factuelle sur laquelle la question préjudicielle est fondée relève effectivement du champ d’application du droit de l’Union, que la question est pertinente et qu’elle n’est pas non plus hypothétique (23). Rappelons que la Cour a pour mission non pas de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres en fournissant une interprétation utile et correcte du droit de l’Union. La Cour est ainsi uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction de renvoi (24).

48.      Par ailleurs, les informations contenues dans la demande de décision préjudicielle sont essentielles aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées afin qu’ils puissent présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (25). En effet, seules les décisions de renvoi sont notifiées aux parties intéressées, à l’exclusion du dossier national éventuellement transmis à la Cour par la juridiction de renvoi (26).

49.      Il faut signaler que la Cour n’exige pas que la juridiction de renvoi procède à la totalité des constatations factuelles et des appréciations de droit qui lui incombent dans le cadre de sa mission juridictionnelle avant de la saisir d’une question préjudicielle (27).

50.      Certes, la Cour estime qu’il peut être avantageux, selon les circonstances, que les faits de l’affaire soient établis et que les problèmes de pur droit national soient tranchés au moment du renvoi devant elle. Pour autant, elle reconnaît qu’il appartient à la seule juridiction de renvoi de décider à quel stade de la procédure il y a lieu de lui déférer une question préjudicielle (28), car il s’agit là de considérations d’économie et d’utilité procédurales dont l’appréciation incombe encore une fois à la seule juridiction de renvoi. En effet, cette dernière est la seule à avoir une connaissance directe des faits de l’affaire et des arguments des parties, elle est ainsi la mieux placée pour apprécier à quel stade de la procédure elle a besoin d’une interprétation du droit de l’Union par la Cour.

51.      Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle ont été codifiées à l’article 94 du règlement de procédure « dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement » (29).

52.      L’article 94 du règlement de procédure prévoit ce qui suit :

« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :

a)      un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;

b)      la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;

c)      l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »

53.      Alors que les points a) et b) de cet article concernent la description du cadre factuel et juridique dans lequel s’insère l’affaire portée devant la Cour, le point c) dudit article vise la motivation du renvoi stricto sensu (30).

54.      Ces exigences figurent également dans les recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (31). Il ressort du point 22 des recommandations, relatif à la forme et au contenu de la demande de décision préjudicielle, que celle-ci doit « être suffisamment complète et contenir toutes les informations pertinentes de manière à permettre à la Cour, ainsi qu’aux intéressés en droit de déposer des observations, de bien comprendre le cadre factuel et réglementaire de l’affaire au principal ».

55.      Ce point 22 rappelle l’article 94 du règlement de procédure, relatif au contenu de la demande de décision préjudicielle.

56.      Ces éléments démontrent, s’il en était besoin, que l’exposé du cadre factuel et juridique de l’affaire au principal est un élément constitutif, sinon essentiel de la demande de décision préjudicielle et son absence constituera un motif d’irrecevabilité manifeste de la demande de décision préjudicielle (32).

57.      En outre, il faut rappeler que ces exigences procédurales ont été reprises à l’article 1er du protocole no 16 à la CEDH (33) aux fins de l’introduction d’une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme. Cet article exige, en effet, des juridictions nationales qu’elles motivent leur demande et produisent « les éléments pertinents du contexte juridique et factuel de l’affaire pendante », sans quoi la demande d’avis pourra être rejetée.

58.      Ledit protocole n’est pas entré en vigueur à l’heure actuelle, mais cela ne nous empêche pas de constater que le mécanisme d’avis consultatif qu’il tend à instaurer est fortement inspiré du fonctionnement du renvoi préjudiciel, ce qui démontre une reconnaissance évidente du renvoi préjudiciel dont la nature et le fonctionnement ne peuvent être contestés.

59.      Au regard de ces éléments, force est de constater que, en exposant dans la demande de décision préjudicielle introduite dans l’affaire C‑554/14 le cadre factuel et juridique de cette affaire, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) n’a fait que respecter les règles fixées par le législateur de l’Union et par la Cour dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 267 TFUE.

60.      Si, en agissant ainsi, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) viole les règles du NPK, il est, en revanche, important de signaler que sa démarche est parfaitement cohérente au regard des règles nationales gouvernant l’introduction d’un renvoi préjudiciel par les juridictions civiles et administratives bulgares.

61.      En effet, ainsi que nous l’avons indiqué dans notre propos introductif, le chapitre 59 de la partie VII du GPK précise l’ensemble des règles procédurales applicables à l’introduction d’une demande de décision préjudicielle devant la Cour.

62.      Les articles 628 à 633 du GPK transposent, en droit bulgare, les conditions et les effets d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale, et en particulier les termes de l’article 267 TFUE ainsi que la jurisprudence de la Cour.

63.      Les articles 628 et 629 du GPK précisent les circonstances dans lesquelles la juridiction nationale a la faculté ou l’obligation de s’adresser à la Cour par l’intermédiaire du renvoi préjudiciel.

64.      L’article 630 du GPK fixe, quant à lui, les règles applicables au contenu d’une demande de décision préjudicielle.

65.      Le paragraphe 1 de cet article reproduit très largement les règles fixées à l’article 94 du règlement de procédure ainsi qu’au point 22 des recommandations, puisqu’il précise, nous le rappelons, que « [l]a demande de décision préjudicielle comporte une description des faits du litige, le droit national applicable, une référence exacte à la disposition ou à l’acte dont l’interprétation ou l’appréciation en validité est demandée, les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi estime qu’une demande de décision préjudicielle est nécessaire aux fins d’un traitement correct de l’affaire ainsi que la formulation de la question préjudicielle ».

66.      Nous rappelons également que, si les règles consacrées dans le chapitre 59 de la partie VII du GPK sont, en principe, limitées aux seules instances civiles, elles sont également applicables aux procédures engagées devant les juridictions administratives, et ce conformément à l’article 144 du code de procédure administrative (34). Il semble d’ailleurs, selon la doctrine, qu’elles ont une portée plus générale applicable à toute procédure juridictionnelle, ce chapitre 59 constituant le fondement juridique national du recours au renvoi préjudiciel par les juridictions bulgares, excepté le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle) (35).

67.      Les exigences tenant au contenu d’une demande de décision préjudicielle fixées aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure ainsi que dans la jurisprudence de la Cour font donc partie de l’arsenal juridique, et ce depuis l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union en 2007.

68.      Le fait que la procédure en cause au principal dans l’affaire C‑554/14 relève de la matière pénale ne saurait justifier que la juridiction de renvoi se passe d’exposer avec clarté et suffisance le cadre factuel et juridique de cette affaire. Bien au contraire, cette règle s’impose avec une force supplémentaire dans la mesure où ce contentieux risque d’aboutir à des mesures privatives de liberté qui sont adoptées sur le fondement de législations nationales figurant parmi les moins harmonisées dans l’Union, et qui sont relatives à des faits qu’il convient d’expliquer clairement.

69.      Au vu de ces éléments, la différence existant entre les règles gouvernant l’introduction d’un renvoi préjudiciel dans le cadre des procédures civiles et administratives, lesquelles transposent les modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure, et la règle en cause applicable aux procédures pénales n’est donc ni justifiée ni cohérente.

70.      Si, dans la présente affaire, le ministère public de la ville de Sofia estime que, en exposant le cadre factuel et juridique de l’affaire C‑554/14, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a violé le droit à accéder à un tribunal impartial consacré à l’article 47 de la Charte et le droit à la présomption d’innocence visé à l’article 48 de celle-ci, ces craintes n’ont, par ailleurs, aucune raison d’être.

71.      L’obligation incombant à la juridiction de renvoi de motiver sa demande de décision préjudicielle et de fournir l’ensemble des éléments de fait et de droit nécessaires à la compréhension du litige est susceptible non pas d’entacher l’équité de la procédure, mais de la garantir dans la mesure, évidemment, où les modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure sont correctement mises en œuvre.

72.      Dans l’affaire C‑554/14, le simple fait pour le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) d’avoir exposé, dans sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et juridique ne constitue ni une preuve de partialité contraignant celui-ci à se dessaisir de l’affaire ni une violation du principe de la présomption d’innocence.

2.      Sur le devoir d’impartialité de la juridiction de renvoi

73.      Tant la Cour que la Cour européenne des droits de l’homme ont été amenées, au fil de leur jurisprudence, à définir la notion de « tribunal impartial », telle que consacrée respectivement à l’article 47 de la Charte et à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (36).

74.      La Cour a d’ailleurs fait de l’indépendance du juge, dont l’impartialité est un des aspects (37), un critère de définition de la « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE (38). Ainsi, l’impartialité du juge doit être considérée comme une condition à l’exercice du renvoi préjudiciel.

75.      Le juge est présumé impartial (39), c’est-à-dire exempt de préjugé ou de parti pris (40).

76.      La Cour européenne des droits de l’homme va ainsi apprécier l’impartialité d’une juridiction à travers une démarche subjective, qui consiste à déterminer la conviction personnelle du juge et à tenir compte de son comportement, notamment s’il a fait preuve d’un préjugé personnel ou de parti pris dans l’affaire ou s’il a témoigné de l’hostilité (41).

77.      Par ailleurs, dans le cadre d’une démarche plus objective, un tribunal impartial est un tribunal qui ne trouve dans la solution du litige qu’un seul intérêt, à savoir la stricte application de la règle de droit (42). Ainsi, indépendamment de la conduite personnelle du juge, l’impartialité implique que le tribunal soit imperméable à l’égard de tout élément extérieur et neutre par rapport aux intérêts qui s’affrontent (43).

78.      Pour écarter tout doute légitime dans l’esprit des justiciables et pour protéger le sentiment de confiance que l’impartialité est censée susciter (conformément à l’adage « justice must not only be done, it must also be seen to be done » (44)), l’exigence d’impartialité commande donc l’adoption de règles relatives, notamment, à la composition de l’instance, à la nomination, à la durée des fonctions ainsi qu’aux causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres (45).

79.      Dans le cadre de la présente affaire, la violation éventuelle du droit visé à l’article 47 de la Charte découle non pas des modalités prescrites par les textes, mais du comportement de la juridiction de renvoi.

80.      Le ministère public de la ville de Sofia estime, en effet, que les éléments invoqués dans le cadre du renvoi préjudiciel suffisent à jeter un doute sur l’impartialité du Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia), amené ultérieurement à trancher le différend.

81.      En exposant, dans sa décision de renvoi dans l’affaire C‑554/14, le cadre factuel et juridique de cette affaire, celui-ci aurait exprimé un « avis provisoire » avant que ladite affaire ne soit mise en délibéré. Aux termes de l’article 29 du NPK, cela constituerait un cas particulier de « partialité » contraignant la juridiction de renvoi à se dessaisir de l’affaire. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi dans la présente affaire, même l’indication la plus insignifiante de la juridiction concernant les faits de l’affaire ou leur qualification juridique relève de cet article et entraîne le dessaisissement de celle-ci.

82.      Dans la présente affaire, ces craintes n’ont aucun fondement.

83.      Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme que le simple fait pour un juge d’adopter des décisions avant le procès ne peut justifier en soi des appréhensions relatives à son impartialité. Ce qui compte est l’étendue des mesures qui ont été adoptées (46). Or, si l’introduction d’un renvoi préjudiciel devant la Cour constitue une décision judiciaire, il n’en reste pas moins que l’exposé, dans ce cadre, des éléments de fait et de droit inhérents à l’affaire ne relève que d’une simple constatation de la juridiction de renvoi, celle-ci ne procédant, par ailleurs, à aucune qualification juridique contrairement à la jurisprudence visée au point 8 de la décision de renvoi dans la présente affaire.

84.      En effet, force est de constater que, dans l’affaire C‑554/14, le point 2 de la décision de renvoi porte sur les « faits de l’espèce », son point 3 est relatif au « droit matériel applicable aux questions autres que celles qui font l’objet de la demande de décision préjudicielle, mais qui justifie la nécessité de saisir la Cour de cette demande » et son point 4 concerne le « droit matériel applicable à la résolution du problème de droit en cause au principal ».

85.      Or, après un examen attentif de ces points, aucun d’eux ne trahit un quelconque préjugé ou parti pris de la part de la juridiction de renvoi.

86.      Le détail de cet exposé démontre, au contraire, une connaissance approfondie du dossier qui, à notre sens, ne saurait justifier que l’on soupçonne cette juridiction de partialité. Quand bien même celle-ci procéderait à une appréciation liminaire des données disponibles, la Cour européenne des droits de l’homme a itérativement jugé qu’une telle appréciation ne peut être considérée comme préjugeant l’appréciation finale (47).

87.      Au vu de ces éléments, aucun élément ne permet donc de soutenir que, en exposant le cadre factuel et juridique de l’affaire C‑554/14 dans sa décision de renvoi, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) a manqué à son devoir d’impartialité, tel qu’exigé par l’article 47 de la Charte.

3.      Sur le respect du droit à la présomption d’innocence

88.      Là encore, la violation éventuelle du droit garanti à l’article 48 de la Charte découle non pas des modalités prescrites par les textes, mais du comportement de la juridiction de renvoi.

89.      La question est donc de savoir si, dans l’exposé du cadre factuel et juridique de l’affaire C‑554/14, la motivation de la juridiction de renvoi laisse penser qu’elle considère l’intéressé coupable de l’infraction alors que la culpabilité de celui-ci n’a pas été prouvée (48). Il est incontestable que l’expression prématurée d’une telle opinion par la juridiction de renvoi méconnaîtrait la présomption d’innocence (49).

90.      Or, dans cette affaire, la question ne se pose pas.

91.      En effet, le droit de tout accusé à être présumé innocent ne peut pas valoir pour celui qui a été reconnu coupable de l’infraction en cause (50), tel que l’a été M. Ognyanov (51).

92.      En tout état de cause, il ne faut pas perdre de vue que la demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction de renvoi a pour seul objectif d’obtenir une interprétation correcte du droit de l’Union, le point de savoir si, sur la base de cette interprétation, la personne concernée doit être reconnue innocente ou coupable des faits en cause ne pouvant découler que de l’appréciation unique et personnelle de cette juridiction.

93.      Au vu de ces considérations, nous considérons que le simple fait pour le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) d’avoir exposé, dans sa demande de décision préjudicielle introduite dans l’affaire C‑554/14, le cadre factuel et juridique de celle-ci ne constitue ni une preuve de partialité le contraignant à se dessaisir de cette affaire ni une violation du principe de la présomption d’innocence.

94.      Ainsi, si les modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure aux fins de l’introduction d’une demande de décision préjudicielle sont correctement appliquées, elles ne sont susceptibles ni d’entacher l’impartialité de la juridiction de renvoi ni de violer le droit à la présomption d’innocence respectivement consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte.

95.      À ce stade de notre analyse, force est de constater que la règle nationale en cause, telle qu’interprétée par le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation), est susceptible d’empêcher, sinon de dissuader le juge pénal bulgare de poser une question préjudicielle, empiétant ainsi sur les prérogatives propres qui lui sont reconnues par l’article 267 TFUE et par la jurisprudence de la Cour.

96.      En effet, en application de cette règle, celui-ci encourt non seulement un dessaisissement, mais également une sanction disciplinaire parce qu’il expose, dans sa décision de renvoi et conformément aux modalités prescrites aux articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure, le cadre factuel et juridique de l’affaire.

97.      Nous aboutissons au résultat absurde et paradoxal qu’un juge introduisant une demande de décision préjudicielle conformément au droit de l’Union serait alors considéré, en application de la législation nationale, comme violant les garanties fondamentales des parties.

98.      Il est évident qu’une telle règle est incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union, puisqu’elle a pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de dissuader le juge pénal bulgare d’introduire un renvoi préjudiciel devant la Cour.

99.      Or, premièrement, dans l’arrêt Elchinov (52), relatif à une demande de décision préjudicielle introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de la ville de Sofia), la Cour a rappelé que les juridictions nationales doivent disposer du pouvoir le plus étendu pour appliquer le droit de l’Union, l’article 267 TFUE leur conférant la faculté la plus large possible pour saisir la Cour si elles considèrent qu’une affaire pendante devant elles soulève des questions exigeant une interprétation ou une appréciation en validité des dispositions du droit de l’Union nécessaires au règlement du litige qui leur est soumis (53).

100. La Cour a considéré que les juridictions nationales ne doivent pas être empêchées de saisir la Cour par une règle procédurale nationale de quelque nature que ce soit, rappelant, en outre, que la faculté de poser une question préjudicielle est une prérogative propre que ces juridictions, statuant en premier ressort, doivent pouvoir exercer à tous les stades de la procédure (54).

101. Deuxièmement, nous rappelons que, dans son arrêt Dhahbi c. Italie, précité, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que, lorsqu’un mécanisme de renvoi préjudiciel existe, le refus de la juridiction nationale de poser une question préjudicielle peut, dans certaines circonstances, affecter l’équité de la procédure et emporter violation du droit à un procès équitable tel que consacré à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. En l’occurrence, telle a été la conclusion de cette Cour, celle-ci constatant que la juridiction nationale avait refusé, de manière tout à fait arbitraire et sans aucune motivation, de formuler une demande de décision préjudicielle à la Cour.

102. Si un juge national devait refuser de procéder à un renvoi préjudiciel au motif qu’il encourt non seulement son dessaisissement, mais également une sanction disciplinaire parce qu’il expose le cadre factuel et juridique de l’affaire, cela constituerait, de manière certaine, une violation de l’article 6 de la CEDH.

103. Au vu de ces éléments, il ne fait donc aucun doute que le droit de l’Union, et en particulier les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure, s’oppose à une règle nationale telle que celle en cause au principal, qui, si elle devait être maintenue, risquerait d’affecter très sérieusement le mécanisme du renvoi préjudiciel et, avec lui, la coopération instituée entre la Cour et les juridictions nationales et compromettrait la primauté du droit de l’Union.

104. Nous proposerons donc à la Cour de dire pour droit que les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale telle que celle en cause, qui contraint la juridiction de renvoi à se dessaisir de l’affaire au motif que celle-ci a exposé, dans le cadre de sa demande de décision préjudicielle, le cadre factuel et juridique de cette affaire.

B –    Sur la deuxième question

105. Par sa deuxième question, le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) demande, en substance, à la Cour si les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure s’opposent à ce qu’une juridiction de renvoi procède, une fois l’arrêt de la Cour rendu, à une nouvelle audition des parties ainsi qu’à de nouvelles mesures d’instruction, modifiant, en conséquence, les constatations qu’elle a faites dans le cadre de sa décision de renvoi.

106. Tout d’abord, conformément à une jurisprudence constante, il appartient à la seule juridiction nationale de décider à quel stade de la procédure il y a lieu de déférer une question préjudicielle à la Cour (55).

107. Si la Cour estime qu’il peut être avantageux, selon les circonstances, que les problèmes de pur droit national soient tranchés au moment du renvoi à la Cour (56), elle reconnaît, néanmoins, que la juridiction nationale est libre d’exercer cette faculté à tout moment de la procédure qu’elle juge approprié (57). En effet, le choix du moment où elle introduit un renvoi préjudiciel obéit à des considérations d’économie et d’utilité procédurales qu’il appartient à elle seule d’apprécier, puisqu’elle est la seule à avoir une connaissance directe des faits de l’affaire et des arguments des parties.

108. Au-delà de cette jurisprudence, aucune disposition du droit de l’Union n’interdit à la juridiction de renvoi, après avoir posé une question préjudicielle, de modifier, au cours de l’examen de l’affaire pendante devant elle, son appréciation relative au cadre factuel et juridique pertinent.

109. Une telle prérogative relève, en réalité, de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres et la Cour n’est donc pas compétente pour statuer sur l’application concrète des règles nationales de procédure.

110. Selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient à la seule juridiction de renvoi d’apprécier la portée des dispositions nationales et la manière dont elles doivent être appliquées. Ainsi, une fois l’arrêt rendu par la Cour, celle-ci doit poursuivre l’examen de l’affaire au principal conformément aux règles nationales d’organisation et de procédures judiciaires et dans le respect des droits fondamentaux des parties.

111. La seule obligation lui incombant à ce stade de la procédure est de donner plein effet à l’interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour. En effet, les réponses données par la Cour à la juridiction de renvoi doivent être considérées comme imposant une interprétation déterminante et contraignante du droit de l’Union, celle-ci n’étant pas appelée, dans le cadre de l’article 267 TFUE, à fournir un avis consultatif (58).

112. Au vu de ces éléments, il convient de répondre à la juridiction de renvoi que les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure ne s’opposent pas, compte tenu de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, à ce qu’une juridiction de renvoi procède, une fois l’arrêt de la Cour rendu, à une nouvelle audition des parties ainsi qu’à de nouvelles mesures d’instruction et modifie, en conséquence, les constatations qu’elle a faites dans le cadre de sa décision de renvoi pour autant qu’elle donne plein effet à l’interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour.

C –    Sur la troisième question

113. Dans l’hypothèse où la Cour jugerait que les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure s’opposent à une règle nationale telle que celle en cause, la juridiction de renvoi demande, en substance, par sa troisième question, si le droit de l’Union s’opposerait à ce qu’elle choisisse, en application de la règle nationale en cause, de se dessaisir au motif que cette règle garantirait un niveau plus élevé de protection des droits fondamentaux des parties.

114. En d’autres termes, le droit de l’Union s’oppose-t-il à ce que la juridiction de renvoi applique une règle nationale jugée néanmoins contraire au droit de l’Union ?

115. La réponse à cette question ne laisse place à aucun doute. La juridiction de renvoi a l’obligation d’écarter une telle règle.

116. Conformément à l’article 280 TFUE, « [l]es arrêts de la Cour […] ont force exécutoire ». L’article 633 du GPK proclame d’ailleurs explicitement ce principe.

117. Il résulte ainsi d’une jurisprudence constante qu’un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal (59). Ainsi que nous l’avons indiqué au point 111 des présentes conclusions, la Cour ne rend pas un avis consultatif dans le cadre de l’article 267 TFUE.

118. Si la Cour devait considérer que l’article 267 TFUE, qui est une règle directement applicable, s’oppose à une règle nationale telle que celle en cause, le juge national serait donc tenu d’écarter l’application de cette règle nationale de façon à assurer la primauté, l’efficacité et l’unité du droit de l’Union (60).

V –    Conclusion

119. Eu égard aux développements qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions posées par le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) de la manière suivante :

1)      Les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure de la Cour doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale telle que celle en cause, qui contraint la juridiction de renvoi à se dessaisir de l’affaire au motif que celle-ci a exposé, dans le cadre de la demande de décision préjudicielle introduite devant la Cour, le cadre factuel et juridique de celle-ci, et ce conformément aux modalités prescrites par ces dispositions.

La juridiction de renvoi est tenue, compte tenu du principe énoncé à l’article 280 TFUE, d’écarter l’application de la règle nationale en cause.

2)      Les articles 267 TFUE et 94 du règlement de procédure de la Cour doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, compte tenu de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, à ce qu’une juridiction de renvoi procède, une fois l’arrêt de la Cour rendu, à une nouvelle audition des parties ainsi qu’à de nouvelles mesures d’instruction et modifie, en conséquence, les constatations qu’elle a faites dans le cadre de sa décision de renvoi pour autant qu’elle donne plein effet à l’interprétation du droit de l’Union retenue par la Cour.


1 – Langue originale : le français.


2 – Les demandes de décision préjudicielle introduites dans cette affaire et dans la présente affaire interviennent à l’occasion du même litige porté devant le Sofiyski gradski sad (tribunal de la ville de Sofia) et dans lesquelles nous présentons des conclusions séparées.


3 – Voir, à cet égard, Vatsov, M., « European integration through preliminary rulings ? The case of the Bulgarian Constitutionnal Court », The preliminary reference to the Court of justice of the European Union by Constitutional Courts, German Law Journal, vol. 16, no 6, 2015.


4 – Pour un exposé de la législation et de la pratique relatives aux renvois préjudiciels en Bulgarie, voir rapport bulgare de Fartunova, M., dans Coutron, L., « L’obligation de renvoi préjudiciel à la Cour de justice : une obligation sanctionnée ? », Bruylant, Bruxelles, 2014, p. 145.


5 –      Ci-après le « GPK ». Une version en langue anglaise du GPK est disponible sur le site Internet du Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation) à l’adresse suivante : http://www.vks.bg/english/vksen_p04_02.htm#PART_SEVEN__Content of Request.


6 –      Cette partie VII est intitulée « Règles spéciales de procédure civile pour les affaires relevant du droit de l’Union européenne (en vigueur à partir du 27 juillet 2007) ». Ce chapitre 59 est, quant lui, consacré aux « demandes de décision préjudicielle ».


7 –      Traduction libre.


8 –      Cet article prévoit l’applicabilité subsidiaire du GPK pour toutes les questions auxquelles il ne consacre pas de dispositions expresses.


9 – Cette convention est disponible sur le site Internet du Conseil de l’Europe. Elle a été ratifiée par 64 États et est entrée en vigueur le 1er juillet 1985. Parmi les États membres, seules la République de Croatie et la République de Finlande ne l’ont pas signée.


10 – Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO L 327, p. 27).


11 –      Il s’agit des affaires pénales nos 352/2008, 438/2009, 466/2009, 527/2009 et 463/2013.


12 – EU:C:2014:2454.


13 – Point 176 et jurisprudence citée.


14 –      No 17120/09. En l’espèce, le requérant, de nationalité tunisienne, s’était vu refuser l’octroi d’une allocation familiale par les autorités italiennes au motif que celle-ci était réservée aux seuls nationaux et ressortissants de l’Union. Devant les juridictions italiennes, le requérant contestait la différence de traitement dont il faisait l’objet et a demandé à ce que soit posée une question préjudicielle à la Cour, portant sur l’interprétation de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République tunisienne, d’autre part (JO 1998, L 97, p. 2), qui proscrit les discriminations à l’égard des travailleurs tunisiens en matière sociale. Cette demande est restée vaine, la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie) le déboutant sans procéder au renvoi. Le requérant a, dès lors, saisi la Cour européenne des droits de l’homme. Dans cette affaire, cette dernière devait déterminer si le refus de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation) d’opérer un renvoi préjudiciel à la Cour était contraire au droit à un procès équitable. Reprenant le même raisonnement que celui tenu dans des affaires précédentes similaires, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), met à la charge des juridictions internes une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle (§ 31).


15 – Ordonnance Abdallah (C‑144/11, EU:C:2011:565, point 9 et jurisprudence citée) ainsi que arrêt FIRIN (C‑107/13, EU:C:2014:151, point 29 et jurisprudence citée).


16 – Nous reprenons l’expression employée par l’avocat général Wahl dans ses conclusions dans les affaires Venturini e.a. (C‑159/12 à C‑161/12, EU:C:2013:529, points 56 et suiv.).


17 – Arrêt Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, point 26 et jurisprudence citée).


18 – Ordonnance Debiasi (C‑560/11, EU:C:2012:802, point 24 et jurisprudence citée) ainsi que arrêt Petru (C‑268/13, EU:C:2014:2271, point 22). Voir, également, ordonnance Abdallah (C‑144/11, EU:C:2011:565, point 10 et jurisprudence citée).


19 – Ordonnance 3D I (C‑107/14, EU:C:2014:2117, point 12).


20 –      Voir, en matière de droit de la concurrence, ordonnance Fontaine (C‑603/11, EU:C:2012:731, point 15) ainsi que, en matière de marchés publics, arrêt Azienda sanitaria locale n. 5 « Spezzino » e.a. (C‑113/13, EU:C:2014:2440, points 47 et 48).


21 –      Ordonnance Debiasi (C‑613/10, EU:C:2011:266, point 20) ainsi que arrêt Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 24).


22 –      Arrêt Foglia (244/80, EU:C:1981:302, point 17) et ordonnance Talasca (C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 28).


23 – Voir, à titre d’illustration, arrêt Konstantinides (C‑475/11, EU:C:2013:542, point 61) et ordonnances Mlamali (C‑257/13, EU:C:2013:763, point 32 et jurisprudence citée) ainsi que Szabó (C‑204/14, EU:C:2014:2220, points 22 et suiv.).


24 – Ordonnance Talasca (C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 18 et jurisprudence citée) ainsi que arrêt Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 15).


25 – Ordonnance Abdallah (C‑144/11, EU:C:2011:565, point 11 et jurisprudence citée).


26 – Ordonnance 3D I (C‑107/14, EU:C:2014:2117, point 9). Voir, également, arrêt Pringle (C‑370/12, EU:C:2012:756, point 85 et jurisprudence citée) ainsi que ordonnance D’Aniello e.a. (C‑89/13, EU:C:2014:299, point 17).


27 – Arrêts Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 39) et VEBIC (C‑439/08, EU:C:2010:739, point 47).


28 –      Voir, notamment, arrêt Irish Creamery Milk Suppliers Association e.a. (36/80 et 71/80, EU:C:1981:62, points 6 et 7 ainsi que jurisprudence citée).


29 – Voir ordonnance Talasca (C‑19/14, EU:C:2014:2049, point 21). Italique ajouté par nos soins.


30 –      Arrêt Gullotta et Farmacia di Gullotta Davide & C. (C‑497/12, EU:C:2015:436, point 17).


31 – JO 2012, C 338, p. 1, ci-après les « recommandations ».


32 – Voir, notamment, ordonnance Debiasi (C‑613/10, EU:C:2011:266) et arrêt Gauweiler e.a. (C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25).


33 –      Protocole adopté par le comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 10 juillet 2013. Le mécanisme prévu par ce protocole permettra aux plus hautes juridictions des États parties à la CEDH de saisir la Cour européenne des droits de l’homme d’une demande d’avis consultatif sur des questions relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et des libertés définis par la CEDH.


34 –      Voir note en bas de page 8 des présentes conclusions.


35 – Voir rapport bulgare de Fartunova, M., op. cit., p. 147.


36 –      Voir, à cet égard, guide sur l’article 6, disponible à l’adresse Internet http://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_6_FRA.pdf.


37 – Arrêt TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 31 et jurisprudence citée).


38 – Arrêt TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 27).


39 – Cour EDH, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, 23 juin 1981, série A, no 43, § 58.


40 –      Cour EDH, Wettstein c. Suisse, no 33958/96, § 43, CEDH 2000-XII, et Micallef c. Malte, no 17056/06, § 93, CEDH 2009.


41 –      Cour EDH, Buscemi c. Italie, no 29569/95, § 67 et 68, CEDH 1999-VI.


42 – Arrêt TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 31 et jurisprudence citée).


43 – Arrêt TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 32 et jurisprudence citée).


44 – Il faut non seulement que justice soit faite, mais aussi qu’elle le soit au vu et au su de tous.


45 –      Arrêt TDC (C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 32 et jurisprudence citée). Voir, également, Cour EDH, Micallef c. Malte, précité, § 98 et 99.


46 – Cour EDH, Morel c. France, no 34130/96, § 45, CEDH 2000-VI.


47 – Idem.


48 – Voir, notamment, Cour EDH, Nerattini c. Grèce, no 43529/07, § 23.


49 – Voir, notamment, Cour EDH, Garycki c. Pologne, no 14348/02, § 66, et Nestak c. Slovaquie, no 65559/01, § 88.


50 –      Cour EDH, Phillips c. Royaume-Uni, no 41087/98, § 35, CEDH 2001-VII.


51 –      Nous rappelons, en effet, que M. Ognyanov a déjà été condamné à une peine privative de liberté après avoir été reconnu coupable des infractions constatées dans le jugement rendu par les autorités judiciaires danoises.


52 – C‑173/09, EU:C:2010:581.


53 – Point 26 et jurisprudence citée.


54 – Arrêt Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée).


55 –      Voir, notamment, arrêts Irish Creamery Milk Suppliers Association e.a. (36/80 et 71/80, EU:C:1981:62, point 7) ainsi que Sibilio (C‑157/11, EU:C:2012:148, point 31 et jurisprudence citée).


56 – Arrêt Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 41 et jurisprudence citée).


57 – Arrêt Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, point 26 et jurisprudence citée).


58 –      Voir, notamment, arrêt Kleinwort Benson (C‑346/93, EU:C:1995:85, point 24).


59 –      Arrêt Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée).


60 –      Voir arrêts Melki et Abdeli (C‑188/10 et C‑189/10, EU:C:2010:363, point 43 et jurisprudence citée) ainsi que Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, point 31 et jurisprudence citée).