Language of document : ECLI:EU:C:2016:848

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 novembre 2016 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Régime d’aides en faveur de l’organisme public national de radiodiffusion – Obligations de service public – Compensation – Article 106, paragraphe 2, TFUE – Décision déclarant le régime d’aides compatible avec le marché intérieur – Modification du mode de financement – Mesures fiscales – Taxe imposée aux opérateurs de télévision payante – Décision déclarant le régime d’aides modifié compatible avec le marché intérieur – Prise en compte du mode de financement – Existence d’un lien d’affectation contraignant entre la taxe et le régime d’aides – Influence directe du produit de la taxe sur l’importance de l’aide – Couverture des coûts nets de l’accomplissement de la mission de service public – Relation de concurrence entre le redevable de la taxe et le bénéficiaire de l’aide – Dénaturation du droit national »

Dans l’affaire C‑449/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 septembre 2014,

DTS Distribuidora de Televisión Digital SA, établie à Tres Cantos (Espagne), représentée par Mes H. Brokelmann et M. Ganino, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. C. Urraca Caviedes, B. Stromsky et G. Valero Jordana, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Telefónica de España SA, établie à Madrid (Espagne),

Telefónica Móviles España SA, établie à Madrid,

représentées par Mes F. González Díaz, F. Salerno et V. Romero Algarra, abogados,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. A. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

Corporación de Radio y Televisión Española SA (RTVE), établie à Madrid, représentée par Mes A. Martínez Sánchez et J. Rodríguez Ordóñez, abogados,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. E. Regan (rapporteur), A. Arabadjiev, C. G. Fernlund et S. Rodin, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mars 2016,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juillet 2016,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, DTS Distribuidora de Televisión Digital SA (ci-après « DTS ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 juillet 2014, DTS Distribuidora de Televisión Digital/Commission (T‑533/10, ci‑après l’ « arrêt attaqué », EU:T:2014:629), par lequel ce dernier a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2011/1/UE de la Commission, du 20 juillet 2010, relative au régime d’aides C 38/09 (ex NN 58/09) que l’Espagne envisage de mettre à exécution en faveur de l’organisme public espagnol de radiodiffusion (RTVE) (JO 2011, L 1, p. 9, ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige

2        DTS est une société spécialisée dans la gestion et l’exploitation, sur le marché espagnol, d’une plateforme payante de télévision numérique par satellite, dénommée Digital +, ainsi que dans la mise au point de chaînes thématiques.

3        Corporación de Radio y Televisión Española SA (ci‑après la « RTVE ») est l’organisme public de radiodiffusion et de télédiffusion espagnol, qui a été investi d’une mission de service public dans ces domaines par la Ley 17/2006 de la radio y la televisión de titularidad estatal (loi n° 17/2006, relative à la radio et à la télévision publiques), du 5 juin 2006 (BOE n° 134, du 6 juin 2006, p. 21270).

4        La loi n° 17/2006 prévoyait un régime de financement mixte, la RTVE bénéficiant, d’une part, de recettes provenant de ses activités commerciales, notamment de la vente d’espaces publicitaires, et, d’autre part, d’une compensation de l’État espagnol pour l’accomplissement de la mission de service public.

5        La Commission européenne a approuvé ce système de financement par ses décisions C (2005) 1163 final, du 20 avril 2005, relative à une aide d’État en faveur de la RTVE (E 8/05) (résumé au JO 2006, C 239, p. 17) et C (2007) 641 final, du 7 mars 2007, relative au financement de mesures de réduction des effectifs à la RTVE (NN 8/07) (résumé au JO 2007, C 109, p. 2).

6        Ledit système de financement a été modifié par la Ley 8/2009 de financiación de la Corporación de Radio y Televisión Española (loi n° 8/2009, relative au financement de la RTVE), du 28 août 2009 (BOE n° 210, du 31 août 2009, p. 74003). Cette loi est entrée en vigueur le 1er septembre 2009.

7        Tout d’abord, la loi n° 8/2009 prévoyait que, à compter de la fin de l’année 2009, la publicité, le télé-achat, le soutien financier et les services d’accès ne constituaient plus des sources de financement pour la RTVE. Les seules recettes commerciales dont la RTVE continuait à disposer après cette date étaient celles provenant de la prestation de services à des tiers ainsi que de la vente de ses propres productions. Ces recettes se limitaient à un montant de près de 25 millions d’euros.

8        Ensuite, afin de compenser la perte des autres recettes commerciales, la loi n° 8/2009 a introduit ou modifié, à son article 2, paragraphe 1, sous b) à d), et, à ses articles 4 à 6, plusieurs mesures fiscales (ci-après les « mesures fiscales en cause »), dont une nouvelle taxe de 1,5 % sur les recettes des opérateurs de télévision payante établis en Espagne (ci‑après la « taxe sur les opérateurs de télévision payante »). La contribution de cette taxe au budget de la RTVE ne pouvait dépasser 20 % de l’aide totale destinée chaque année à la RTVE, toute recette fiscale supérieure étant versée au budget général de l’État. Ladite loi prévoyait aussi, notamment, une nouvelle taxe sur les recettes des opérateurs de services de télécommunication établis en Espagne.

9        Par ailleurs, la compensation pour l’accomplissement des obligations de service public, prévue par la loi n° 17/2006, a été maintenue. Ainsi, si les sources de financement susmentionnées ne suffisaient pas pour couvrir l’ensemble des coûts de la RTVE pour l’accomplissement de ces obligations, l’État était obligé, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 et de l’article 33 de la loi n° 17/2006, de combler cet écart, transformant ainsi le système de financement mixte de la RTVE en un système de financement quasi uniquement public.

10      Enfin, l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoyait un plafond pour les recettes de la RTVE. Au cours des deux années 2010 et 2011, le total desdites recettes ne pouvait pas dépasser 1 200 millions d’euros par an, ce qui correspondait également au plafond de ses dépenses pour chaque exercice. Pendant les trois années 2012 à 2014, l’augmentation maximale de ce montant était fixée à 1 % et, pour les années suivantes, la hausse était déterminée par l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation.

11      Après avoir été saisie, le 22 juin 2009, d’une plainte relative au projet de loi ayant donné lieu à la loi n° 8/2009, la Commission a, le 2 décembre 2009, notifié au Royaume d’Espagne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant la modification du régime de financement de la RTVE (résumé au JO 2010, C 8, p. 31).

12      Le 18 mars 2010, la Commission a ouvert la procédure de manquement prévue à l’article 258 TFUE, considérant que la taxe sur les recettes des opérateurs de services de télécommunication établis en Espagne était contraire à l’article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 21). Le 30 septembre 2010, dans un avis motivé, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne de supprimer cette taxe en raison de son incompatibilité avec cette directive.

13      Le 20 juillet 2010, la Commission a adopté la décision litigieuse, dans laquelle elle a déclaré que la modification du système de financement de la RTVE prévue par la loi n° 8/2009 était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Dans ce cadre, la Commission a, notamment, considéré que les mesures fiscales en cause ne faisaient pas partie intégrante des nouveaux éléments d’aide prévus par cette loi et qu’une éventuelle incompatibilité de ces mesures fiscales avec la directive 2002/20 n’affectait donc pas l’examen de sa compatibilité avec le marché intérieur. Par ailleurs, elle a estimé que le régime financier modifié de la RTVE était conforme à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, dès lors qu’il respectait le principe de proportionnalité.

 L’arrêt attaqué

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 novembre 2010, DTS a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de cette demande, DTS soulevait trois moyens, tirés d’une violation, respectivement, de la notion d’« aide », au sens de l’article 107 TFUE, en ce qui concerne la dissociabilité des mesures fiscales en cause, de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et des articles 49 et 63 TFUE.

15      Le Tribunal a, par l’arrêt attaqué, rejeté chacun des moyens sur le fond et, partant, l’intégralité du recours.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

16      Par son pourvoi, DTS, soutenue par Telefónica de España SA et Telefónica Móviles España SA (ci-après, ensemble, les sociétés « Telefónica »), demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission et les autres parties aux dépens supportés devant la Cour et le Tribunal.

17      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner DTS aux dépens. Le Royaume d’Espagne et la RTVE excipent, à titre principal, de l’irrecevabilité du pourvoi et, à titre subsidiaire, demandent à la Cour de le rejeter comme étant non fondé.

18      Les sociétés Telefónica ont déposé un pourvoi incident par lequel elles demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission, ainsi que les autres parties intervenues au soutien de celle-ci, aux dépens supportés devant la Cour et le Tribunal. La RTVE, le Royaume d’Espagne et la Commission concluent au rejet de ce pourvoi incident.

 Sur le pourvoi principal

19      À l’appui de son pourvoi, DTS, après avoir précisé que, par celui-ci, elle reproche uniquement au Tribunal d’avoir jugé, dans l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que, aux termes de la décision litigieuse, la Commission a décidé qu’elle ne devait pas examiner la compatibilité avec le traité FUE de la taxe sur les opérateurs de télévision payante, invoque trois moyens.

20      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une interprétation erronée de la notion d’aide. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de cette même disposition, en ce que le Tribunal n’a pas, dans l’arrêt attaqué, exercé un contrôle complet relatif à l’existence d’une aide et a dénaturé le droit espagnol. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 Sur la recevabilité du pourvoi

 Argumentation des parties

21      La RTVE soutient que le pourvoi, pris dans son ensemble, est irrecevable, dans la mesure où celui-ci, comptant 40 pages, excède sensiblement la longueur maximale de 25 pages autorisée par les instructions pratiques aux parties, relatives aux affaires portées devant la Cour (JO 2014, L 31, p. 1, ci-après les « instructions pratiques »), sans que DTS justifie un tel dépassement.

22      Par ailleurs, la RTVE et le Royaume d’Espagne estiment que le pourvoi n’identifie pas avec précision les points de l’arrêt attaqué qui sont contestés. Le pourvoi se limiterait ainsi à réitérer les arguments de première instance.

23      DTS estime que son pourvoi est recevable.

 Appréciation de la Cour

24      En premier lieu, il convient de relever que les instructions pratiques aux parties sont indicatives et non juridiquement contraignantes. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 1 à 3 de ces instructions, celles-ci ont été adoptées afin de compléter et de clarifier les règles applicables au déroulement de la procédure devant la Cour, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, et elles n’ont pas vocation à se substituer aux dispositions pertinentes du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure de la Cour [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée, EU:C:2010:242, point 33].

25      Ainsi, il ressort clairement du libellé du point 20 de ces instructions pratiques, selon lequel « le pourvoi [...], sauf circonstances particulières, ne devrait pas excéder 25 pages », que celui-ci ne prescrit pas une limitation absolue du nombre de pages à laquelle serait subordonnée la recevabilité d’un tel pourvoi, mais qu’il se borne à fournir à cet égard une recommandation aux parties.

26      Il s’ensuit que le pourvoi ne saurait être rejeté comme irrecevable au motif qu’il excède un certain nombre de pages.

27      En second lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, un pourvoi doit, sous peine d’irrecevabilité, indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 29 et jurisprudence citée).

28      Par ailleurs, il résulte de ces mêmes dispositions qu’un pourvoi est irrecevable dans la mesure où il se limite à répéter les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 26 et jurisprudence citée).

29      En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens (voir arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 27 et jurisprudence citée).

30      Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater qu’il ressort de l’examen du pourvoi que DTS a indiqué avec clarté et précision les points de l’arrêt attaqué visés par ses moyens, ainsi que les raisons pour lesquelles cet arrêt serait, selon elle, entaché d’erreurs de droit.

31      En outre, contrairement à ce que font valoir la RTVE et le Royaume d’Espagne, DTS ne se limite pas, par son pourvoi, à réitérer les arguments invoqués en première instance. Elle conteste, en effet, pour l’essentiel, la façon dont le Tribunal a interprété et appliqué le droit de l’Union, en particulier l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsqu’il a considéré, dans l’arrêt attaqué, que la taxe sur les opérateurs de télévision payante dont elle est redevable ne fait pas partie intégrante de l’aide accordée à la RTVE, et, pour le surplus, elle lui reproche d’avoir entaché ce même arrêt de plusieurs vices de dénaturation.

32      En conséquence, le présent pourvoi doit être considéré comme recevable.

33      Il convient, dès lors, d’en apprécier le bien-fondé, en examinant, en premier lieu, le deuxième moyen, puis les premier et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce que le Tribunal n’a pas exercé un contrôle complet relatif à l’existence d’une aide et a dénaturé le droit espagnol

 Argumentation des parties

34      DTS et les sociétés Telefónica font valoir que le Tribunal n’a pas exercé un contrôle complet des appréciations portées par la Commission concernant les conditions énoncées aux points 106 à 111 de l’arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks (C‑333/07, EU:C:2008:764). En effet, le Tribunal n’aurait pas examiné dans quelle mesure le montant prévisionnel des recettes influence le calcul de l’aide, dénaturant à cet égard, aux points 65 à 70 de l’arrêt attaqué, les dispositions du droit national sur lesquelles il s’est fondé pour parvenir à la conclusion que le montant des prélèvements effectués au titre de la taxe sur les opérateurs de télévision payante n’influence pas l’importance de l’aide destinée à la RTVE, tout en omettant de prendre en compte d’autres dispositions pertinentes de ce droit.

35      En premier lieu, DTS soutient que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 69 de cet arrêt, l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 n’oblige pas l’État, lorsque les recettes dont dispose la RTVE ne suffisent pas pour couvrir les coûts nets liés à la mission de service public, à fournir des ressources de son budget général afin de couvrir ces coûts déterminés objectivement. En effet, d’une part, cette disposition imposerait à l’État l’obligation de compléter le « budget prévu » pour la RTVE lorsque, en exécution de celui-ci, le montant des recettes fiscales est inférieur aux prévisions budgétaires. D’autre part, les contributions du budget général de l’État ne seraient pas autorisées lorsque les dépenses excèdent les prévisions budgétaires.

36      En outre, l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 devrait être lu en combinaison avec l’article 34 de la loi nº 17/2006 et l’article 44 du Mandato-marco a la Corporación RTVE previsto en el artículo 4 de la Ley 17/2006 de la radio y la televisión de titularidad estatal, aprobado por los Plenos del Congreso de los Diputados y del Senado (mandat-cadre assigné à la RTVE, prévu à l’article 4 de la loi n° 17/2006, approuvé en séance plénière par la chambre des députés et le sénat) (BOE n° 157, du 30 juin 2008, p. 28833).

37      En effet, il ressortirait de ces dernières dispositions, qui n’auraient pas été prises en considération par le Tribunal, que la RTVE établit elle‑même son budget en tenant compte non seulement des coûts prévisionnels de la mission de service public, mais aussi des recettes prévisionnelles, y compris le produit des mesures fiscales en cause. En conséquence, dans l’hypothèse où le produit réel de ces mesures est inférieur au montant prévisionnel des prélèvements et ne permet pas de couvrir le coût du service public budgétisé par la RTVE, l’État serait tenu de compléter le « budget prévu » au moyen de son budget général. Or, le « budget prévu » devrait être établi sur la base du montant prévisionnel des recettes issues, notamment, de la taxe sur les opérateurs de télévision payante et, par conséquent, ce montant influencerait directement l’importance du montant de l’aide. L’incidence du produit de cette taxe sur l’exécution du budget ne devrait donc pas être confondue avec celle exercée par le montant prévisionnel des recettes de ladite taxe sur l’établissement initial dudit budget et, partant, sur l’importance du montant de l’aide.

38      Les sociétés Telefónica ajoutent qu’il existe des indications manifestes qui démentent l’éventualité d’une prétendue contribution complémentaire à charge du budget général de l’État, l’exposé des motifs de la loi n° 8/2009 indiquant, par exemple, qu’« il ne paraît pas raisonnable que la garantie du financement entraîne une augmentation de la contribution de l’État ». Par ailleurs, cette éventualité relèverait d’une hypothèse subsidiaire. En effet, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009, deux conditions devraient être remplies pour que l’État finance une partie des coûts de l’obligation de service public. Premièrement, pour un exercice donné, le produit de la taxe sur les opérateurs de télévision payante devrait être inférieur aux coûts de l’accomplissement de la mission de service public et, deuxièmement, le montant du fonds de réserve devrait être insuffisant pour couvrir les coûts de la RTVE pour cet exercice. Le fait que cette disposition instaure une garantie de l’État ainsi limitée, laquelle constitue une nouvelle aide, n’empêcherait pas que l’aide accordée à la RTVE soit fixée sur la base du produit de cette taxe et que, si celui-ci n’est pas suffisant, l’État s’engage à combler l’écart.

39      En second lieu, DTS reproche au Tribunal d’avoir dénaturé, aux points 66 à 68 de l’arrêt attaqué, l’article 33 de la loi n° 17/2006 et l’article 8 de la loi n° 8/2009, s’agissant du rôle de l’État lorsque les recettes de la taxe sur les opérateurs de télévision payante excèdent les coûts nets du service public. En effet, d’une part, le fait que les recettes de la RTVE font l’objet d’un plafond absolu serait dénué de pertinence, dès lors qu’il importerait de vérifier si, dans les limites de ce plafond, le montant de l’aide est fonction des prévisions des recettes de cette taxe. D’autre part, le Tribunal se serait limité à affirmer qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 3, de la loi n° 8/2009 que l’excédent versé au fonds de réserve ne pourra être utilisé par la RTVE qu’avec l’autorisation expresse du ministère de l’Économie et des Finances, en omettant les premiers termes de cette disposition, selon lesquels « [l]e fonds ne peut être utilisé que pour compenser des pertes d’exercices antérieurs et pour faire face à des situations imprévues en rapport avec la fourniture du service public ». Or, l’importance de ces ressources supplémentaires dépendrait nécessairement du produit des taxes puisque ce fonds est alimenté par celles-ci.

40      Les sociétés Telefónica soutiennent, par ailleurs, que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 33, paragraphe 1, de la loi n° 17/2006 et l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009, en constatant que ces dispositions suppriment tout rapport entre le montant de l’aide et le montant des prélèvements effectués sur la base des mesures fiscales en cause. D’une part, le fait que les recettes sont susceptibles d’être versées au budget général de l’État ne serait qu’une hypothèse subsidiaire. En effet, seules les recettes qui excèdent la limite de 10 % des frais annuels de la RTVE seraient versées au trésor public. D’autre part, il n’en résulterait pas que l’importance de l’aide est indépendante de l’importance des recettes fiscales. L’article 33, paragraphe 1, de la loi n° 17/2006 établirait tout au plus une limite de l’importance de l’aide, ce qui n’empêcherait pas que le produit total du prélèvement fiscal soit converti en aide dans la limite fixée par le législateur.

41      Les sociétés Telefónica ajoutent qu’il ressort, en outre, de plusieurs éléments probants que l’État n’est pas disposé à compléter le budget de la RTVE. Bien que ces éléments soient postérieurs à la décision litigieuse, ils confirmeraient les termes des travaux préparatoires de la loi n° 8/2009, selon lesquels « il ne paraît pas raisonnable que la garantie du financement entraîne une augmentation de la contribution de l’État ».

42      La RTVE, le Royaume d’Espagne et la Commission estiment que le deuxième moyen est irrecevable et, en tout état cause, dépourvu de tout fondement.

 Appréciation de la Cour

43      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seule compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux‑ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 78).

44      Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (voir arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79 et jurisprudence citée).

45      À cet égard, il importe de rappeler qu’une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 80).

46      En l’occurrence, il convient de rappeler que, aux points 65 à 86 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu, au regard des termes de la loi n° 8/2009, que, comme la Commission l’avait considéré, selon lui, à juste titre, le montant de l’aide destinée à la RTVE ne dépend pas du montant des prélèvements fiscaux imposés à DTS, dès lors que le montant de l’aide est fixé au regard des coûts nets de l’accomplissement de sa mission de service public.

47      À cet égard, le Tribunal a, d’une part, relevé, au point 66 de cet arrêt, que, en vertu de l’article 33 de la loi n° 17/2006, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE excèdent les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’excédent sera réattribué, selon qu’il est inférieur ou non à 10 % des frais annuels budgétés de la RTVE, à un fonds de réserve ou au trésor public. S’agissant du premier de ces cas, le Tribunal a précisé, au point 67 dudit arrêt, qu’il ressort de l’article 8 de la loi n° 8/2009 que le capital ne pourra être utilisé qu’avec l’autorisation expresse du ministère de l’Économie et des Finances et que, s’il n’est pas utilisé pendant quatre ans, il devra servir à réduire les compensations à la charge du budget général de l’État espagnol. Par ailleurs, le Tribunal a observé, au point 68 du même arrêt, que l’article 3, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009 prévoit une limite absolue pour les recettes de la RTVE qui est fixée à 1 200 millions d’euros pour les années 2010 et 2011 et que tout excédent à cette limite sera directement réattribué au budget général de l’État espagnol.

48      D’autre part, aux points 69, 76 et 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 8/2009, dans l’hypothèse où les recettes dont dispose la RTVE ne suffisent pas pour couvrir les coûts de l’accomplissement de la mission de service public de radiodiffusion, l’État espagnol est tenu de combler l’écart par des contributions issues du budget général.

49      Or, en l’espèce, force est de constater que, sous couvert de reprocher au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’exercice de son contrôle juridictionnel de la décision litigieuse et d’avoir dénaturé ces dispositions de droit national, tout en ayant omis d’en prendre d’autres en considération, DTS et les sociétés Telefónica se bornent, en réalité, à critiquer l’interprétation du droit national retenue par le Tribunal aux points 65 à 86 de l’arrêt attaqué. Elles visent ainsi à lui substituer une interprétation alternative et, partant, à obtenir, en invoquant, notamment, des dispositions nationales non débattues en première instance, une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Elles ne cherchent nullement à établir que le Tribunal se serait livré à des constatations allant de façon manifeste à l’encontre du contenu dudit droit national ou que, par rapport aux éléments du dossier, il aurait attribué à ce droit une portée qu’il ne revêt manifestement pas.

50      Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième moyen comme étant irrecevable.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison d’une interprétation erronée de la notion d’aide

 Sur la première branche, tirée de ce que la relation existant entre la taxe sur les opérateurs de télévision payante et l’aide octroyée à la RTVE n’est pas comparable à celle existant entre une taxe ayant une portée générale et une exonération de celle-ci

–       Argumentation des parties

51      DTS considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, qu’elle visait, par son recours, à remettre en cause la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 20 septembre 2001, Banks (C‑390/98, EU:C:2001:456). En effet, cette jurisprudence se rapporterait uniquement à la situation où certaines catégories d’entreprises sont exonérées d’une taxe ayant une portée générale. Or, en l’occurrence, DTS ne s’opposerait pas au prélèvement de la taxe sur les opérateurs de télévision payante au motif que la RTVE bénéficie d’une exonération qui constitue une aide d’État. Elle fait, en revanche, valoir que ladite taxe, dès lors qu’elle lui a été imposée de manière asymétrique en vue de financer directement le régime d’aides en faveur de la RTVE, constitue elle-même une aide, à l’instar de la taxe en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 septembre 2006, Laboratoires Boiron (C‑526/04, ci-après l’« arrêt Laboratoires Boiron », EU:C:2006:528).

52      La RTVE et la Commission soutiennent que le moyen, en cette branche, est inopérant et, en tout état de cause, qu’il est dépourvu de fondement, comme le soutient également le Royaume d’Espagne.

–       Appréciation de la Cour

53      Il y a lieu de rappeler que, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, par ses arguments tirés de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en raison de la relation existant entre les mesures fiscales en cause et l’avantage concurrentiel dont jouit la RTVE, DTS visait à remettre en cause le principe issu de la jurisprudence constante de la Cour, consacré au point 80 de l’arrêt du 20 septembre 2001, Banks (C‑390/98, EU:C:2001:456), selon lequel les redevables d’une contribution obligatoire ne sauraient exciper du fait que l’exonération dont bénéficient d’autres personnes constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite contribution.

54      Or, le grief formulé par DTS à l’égard de ces constatations dans le cadre de la première branche du premier moyen n’est en rien susceptible d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué, dès lors que, comme le font valoir à bon droit la RTVE et la Commission, le Tribunal a rejeté les arguments de DTS en question pour les motifs énoncés non pas aux points 92 et 93 de cet arrêt, mais aux points 94 à 105 de celui-ci, qui concernent la pertinence de l’arrêt Laboratoires Boiron pour l’examen de l’aide en cause, lesquels motifs font l’objet de la seconde branche du présent moyen.

55      En conséquence, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant inopérante.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la taxe sur les opérateurs de télévision payante est une taxe asymétrique constituant une aide au sens de l’arrêt Laboratoires Boiron

–       Argumentation des parties

56      En premier lieu, DTS soutient que la taxe sur les opérateurs de télévision payante fait partie intégrante de l’aide accordée à la RTVE en tant qu’elle constitue une taxe asymétrique assimilable à celle en cause dans l’arrêt Laboratoires Boiron. En effet, cette taxe serait imposée à une seule catégorie d’opérateurs, à savoir les opérateurs de télévision payante, lesquels se trouvent dans une situation de concurrence par rapport à la RTVE. L’aide résulterait ainsi à la fois du fait que, d’une part, un concurrent du bénéficiaire de l’aide est assujetti à une taxe et, d’autre part, le produit de ladite taxe est destiné à financer l’aide en question.

57      En second lieu, DTS fait valoir que les différences identifiées par le Tribunal entre la taxe sur les opérateurs de télévision payante et celle analysée dans l’arrêt Laboratoires Boiron ne sont pas pertinentes.

58      Premièrement, le fait, relevé par le Tribunal au point 100 de l’arrêt attaqué, que l’objectif principal de la taxe sur les opérateurs de télévision payante ne serait pas de rééquilibrer les conditions de concurrence entre la RTVE et les autres opérateurs, ne serait pas un élément déterminant. En effet, la notion d’aide serait une notion objective. En tout état de cause, la finalité de cette taxe serait très analogue à celle de la taxe en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, dès lors qu’elle viserait à contribuer au financement des coûts encourus par la RTVE pour l’accomplissement de sa mission de service public.

59      Deuxièmement, il ne serait pas exact de considérer, comme l’a fait le Tribunal au point 101 de l’arrêt attaqué, que le lien entre la taxe sur les opérateurs de télévision payante et l’aide est moins étroit que celui identifié dans l’arrêt Laboratoires Boiron. À cet égard, le Tribunal aurait constaté à tort que l’incompatibilité éventuelle de cette taxe avec le droit de l’Union n’aurait pas comme conséquence directe la remise en question de l’aide accordée à la RTVE. L’arrêt attaqué omettrait, en effet, de prendre en compte que l’obligation imposée à DTS de contribuer au financement d’un concurrent renforce la distorsion de concurrence découlant du transfert de fonds à ce dernier. La RTVE bénéficierait ainsi d’un avantage concurrentiel sur les marchés de l’acquisition de contenus audiovisuels, non seulement en raison des fonds que celle-ci reçoit pour l’accomplissement de sa mission de service public, mais également du fait que ces fonds ne bénéficient pas à ses concurrents. Or, ce dernier avantage disparaîtrait complètement si la taxe sur les opérateurs de télévision payante était supprimée.

60      Troisièmement, le Tribunal aurait jugé à tort, aux points 102 à 104 de l’arrêt attaqué, que, à la différence de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, l’importance de l’aide accordée à la RTVE n’est pas déterminée par le montant de la taxe sur les opérateurs de télévision payante. En effet, en l’occurrence, l’avantage concurrentiel dont bénéficie la RTVE s’accroîtrait avec le montant de cette taxe imposée à DTS, puisque, plus celui-ci est élevé, moins les ressources dont elle dispose pour livrer concurrence à la RTVE seront importantes. Le lien entre ladite taxe et l’aide serait ainsi plus étroit que celui identifié dans l’arrêt Laboratoires Boiron. En effet, dans la décision litigieuse, la Commission serait parvenue à la conclusion que le transfert de fonds publics à la RTVE constitue une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

61      Les sociétés Telefónica considèrent, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant de façon restrictive les conditions à remplir pour que le mode de financement d’une aide fasse partie intégrante de celle-ci, alors que les règles en matière d’aides d’État devraient faire l’objet d’une interprétation téléologique.

62      En deuxième lieu, les sociétés Telefónica font valoir que les conditions dégagées par la jurisprudence de la Cour afin d’établir qu’une mesure fiscale fait partie intégrante d’une aide, à savoir l’affectation de la taxe au financement de l’aide en question et l’influence directe du produit de cette taxe sur l’importance de ladite aide, ne sont pas des conditions distinctes et cumulatives. En effet, l’affectation elle‑même impliquerait l’existence d’un lien nécessaire entre l’importance des recettes et l’aide. Le Tribunal aurait ainsi retenu une interprétation erronée de l’arrêt du 13 janvier 2005, Streekgewest (C‑174/02, EU:C:2005:10), dès lors que, dans cet arrêt, la Cour aurait uniquement examiné s’il existait nécessairement un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente et elle aurait considéré que, dans l’affirmative, l’influence directe de la mesure fiscale sur l’importance de l’aide est une conséquence logique.

63      En troisième lieu, les sociétés Telefónica estiment que l’interprétation retenue par le Tribunal des arrêts du 21 octobre 2003, van Calster e.a. (C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571) et du 27 novembre 2003, Enirisorse (C‑34/01 à C‑38/01, EU:C:2003:640) est erronée. Le fait que la Cour ne se prononce pas sur l’exigence d’une influence directe de la mesure fiscale sur le montant de l’aide ne signifierait pas que la Cour a considéré qu’il s’agit d’une condition supplémentaire pour déterminer si le mode de financement d’une aide fait partie de celle-ci, mais pourrait s’expliquer par le fait que lesdits arrêts concernaient les premières affaires dans lesquelles la Cour a statué sur la question de la dissociabilité.

64      La RTVE, le Royaume d’Espagne et la Commission estiment que la deuxième branche du premier moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

65      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité en matière d’aides d’État, à moins qu’elles constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure (arrêts du 13 janvier 2005, Streekgewest, C‑174/02, EU:C:2005:10, point 25 ; du 13 janvier 2005, Pape, C‑175/02, EU:C:2005:11, point 14, et du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑270/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C‑325/04, EU:C:2005:657, point 34).

66      En effet, d’une part, une aide proprement dite peut ne pas altérer substantiellement les échanges entre États membres et être ainsi reconnue admissible, mais voir son effet perturbateur aggravé par un mode de financement qui rendrait l’ensemble incompatible avec le marché intérieur. D’autre part, lorsqu’une taxe spécifiquement destinée à financer une aide se révèle contraire à d’autres dispositions du traité, la Commission ne peut pas déclarer le régime d’aides, dont la taxe fait partie, compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2003, van Calster e.a., C‑261/01 et C‑262/01, EU:C:2003:571, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

67      Le mode de financement d’une aide peut ainsi rendre l’ensemble du régime d’aides qu’il entend financer incompatible avec le marché intérieur. Dès lors, l’examen d’une aide ne saurait être séparé de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, AEM et AEM Torino, C‑128/03 et C‑129/03, EU:C:2005:224, point 45).

68      Selon la jurisprudence de la Cour, pour qu’une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et influence directement l’importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (voir, notamment, arrêts du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C‑393/04 et C‑41/05, EU:C:2006:403, point 46 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 99).

69      En l’occurrence, le Tribunal a constaté, aux points 65 à 86 de l’arrêt attaqué, vainement critiqués dans le cadre du deuxième moyen, qu’il ressort des dispositions de droit national applicables que le montant de l’aide attribuée à la RTVE ne dépend pas directement des recettes issues des mesures fiscales en cause, dès lors que ce montant est fixé en fonction des coûts nets relatifs à l’accomplissement de la mission de service public confiée à la RTVE.

70      En particulier, ainsi qu’il ressort des points 47 et 48 du présent arrêt, le Tribunal a relevé, à cet égard, que, lorsque les recettes fiscales dont dispose la RTVE excèdent les coûts de l’accomplissement de la mission de service public exercée par cette dernière, l’excédent doit être réattribué, selon le cas, à un fonds de réserve ou au trésor public, ces mêmes recettes faisant, en outre, l’objet d’une limite absolue, de telle sorte que tout excédent est également réattribué au budget général de l’État. D’autre part, le Tribunal a constaté que, lorsque lesdites recettes sont insuffisantes pour couvrir ces coûts, l’État espagnol est tenu de combler la différence.

71      Dans ces conditions, bien qu’il soit constant que le financement de l’aide attribuée à la RTVE est assuré par les mesures fiscales en cause, le Tribunal, contrairement à ce que font valoir DTS et les sociétés Telefónica, a néanmoins pu conclure, sans commettre d’erreur de droit, au point 104 de l’arrêt attaqué, que ces mesures fiscales ne font pas partie intégrante de ladite aide.

72      En effet, dès lors que le produit des mesures fiscales en cause n’exerce aucune influence directe sur l’importance de l’aide accordée à la RTVE, ni l’octroi ni le montant de celle-ci n’étant fonction de ce produit et ce dernier n’étant pas nécessairement affecté au financement de cette aide, en ce qu’une partie dudit produit peut être réattribuée à d’autres fins, il ne peut pas être considéré qu’il existe un lien d’affectation contraignant entre ces mesures fiscales et l’aide en cause.

73      Il est, à cet égard, sans incidence que les mesures fiscales en cause ont été introduites afin de compenser la suppression des recettes commerciales dont bénéficiait auparavant la RTVE, notamment celles issues de la publicité (voir, par analogie, arrêt du 13 janvier 2005, Streekgewest, C‑174/02, EU:C:2005:10, point 27).

74      L’argumentation de DTS tirée de l’arrêt Laboratoires Boiron n’est pas susceptible de remettre en cause ces considérations.

75      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans cet arrêt, la Cour a jugé, en substance, que, dans le cas d’assujettissement asymétrique à une taxe, à savoir lorsqu’une taxe est due par une seule des deux catégories d’opérateurs en situation concurrentielle, les opérateurs redevables de la taxe peuvent exciper de l’illégalité de celle-ci. En effet, dans un tel cas, l’aide résulte du fait qu’une autre catégorie d’opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence n’est pas assujettie à ladite taxe. La mesure d’aide est, dès lors, la taxe elle-même, cette dernière et l’aide constituant les deux éléments indissociables d’une seule et même mesure fiscale. Cette situation n’est ainsi pas assimilable à celle d’une quelconque exonération à une taxe ayant une portée générale dont cette taxe serait dissociable (voir, en ce sens, arrêt Laboratoires Boiron, points 30 à 48).

76      Le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a considéré, aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, que la taxe sur les opérateurs de télévision payante dont DTS est redevable n’est pas comparable à la taxe asymétrique en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron.

77      En effet, en l’espèce, les mesures fiscales en cause et l’aide en faveur de la RTVE ne constituent pas, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 101 de l’arrêt attaqué, les deux éléments indissociables d’une seule et même mesure, dès lors que, à la différence de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, l’éventuelle inapplicabilité des mesures fiscales en cause en raison de leur éventuelle incompatibilité avec le droit de l’Union n’aurait pas comme conséquence directe la remise en cause de l’aide, puisque, ainsi qu’il résulte des points 48 et 70 du présent arrêt, l’État espagnol est tenu de combler l’écart entre les sources financières dont dispose la RTVE et l’ensemble des coûts de celle-ci pour l’accomplissement de ses obligations de service public.

78      En outre, et ainsi que le Tribunal l’a également observé à bon droit au point 102 de l’arrêt attaqué, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Laboratoires Boiron, l’importance de l’aide était déterminée uniquement par le montant de la taxe, puisque l’avantage que les bénéficiaires tiraient de l’assujettissement de leurs concurrents à cette taxe était nécessairement fonction du taux de celle-ci. En revanche, en l’espèce, le montant de l’aide est déterminé, ainsi qu’il ressort des points 69 à 71 du présent arrêt, par les coûts nets de l’accomplissement de l’obligation de la mission de service public.

79      Certes, ainsi que DTS le fait valoir à juste titre, dans la présente affaire, la taxe sur les opérateurs de télévision payante est également destinée à financer un régime d’aides en faveur de la RTVE dont la Commission a considéré qu’il était constitutif d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’obligation d’acquitter cette taxe inflige ainsi à DTS un désavantage concurrentiel supplémentaire sur les marchés sur lesquels elle exerce ses activités en concurrence avec la RTVE, cette dernière n’étant, pour sa part, pas redevable de ladite taxe.

80      Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit, aux points 84 et 102 de l’arrêt attaqué, cette seule circonstance ne saurait suffire à démontrer qu’une telle taxe fait partie intégrante de l’aide.

81      En effet, d’une part, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la question de savoir si une taxe fait partie intégrante d’une aide financée par une taxe dépend non pas de l’existence d’un rapport de concurrence entre le débiteur de cette taxe et le bénéficiaire de l’aide, mais uniquement de l’existence d’un lien d’affectation contraignant entre ladite taxe et l’aide concernée en vertu de la réglementation nationale pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, points 93 à 99).

82      Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’aucun lien contraignant n’existe entre une taxe et l’exonération de celle-ci en faveur d’une catégorie d’entreprises, et cela quand bien même ces dernières exerceraient leurs activités en concurrence avec les entreprises redevables de la taxe en question. En effet, l’application d’une exonération fiscale et son étendue ne dépendent pas du produit de la taxe. Ainsi, les redevables d’une taxe ne sauraient exciper de ce que l’exonération dont bénéficient d’autres entreprises constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite taxe ou pour en obtenir le remboursement (voir en ce sens, notamment, arrêt du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C‑70/04, C‑276/04 et C‑321/04 à C-325/04, EU:C:2005:657, points 41 et 42).

83      D’autre part, et comme il a déjà été indiqué au point 65 du présent arrêt, les taxes ne relèvent pas, en principe, des règles relatives aux aides d’État. Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 96 de ses conclusions, l’argumentation de DTS, si elle était suivie, aboutirait à considérer que toute taxe perçue au niveau sectoriel et frappant des opérateurs se trouvant dans une situation de concurrence avec le bénéficiaire d’une aide financée par celle-ci doit être examinée au regard des articles 107 et 108 TFUE.

84      Il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’il a considéré que la taxe sur les opérateurs de télévision payante ne fait pas partie du régime d’aides en faveur de la RTVE.

85      En conséquence, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen comme étant non fondée.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

 Argumentation des parties

86      DTS fait valoir que le Tribunal a dénaturé, dans l’arrêt attaqué, le fondement du deuxième moyen d’annulation soulevé en première instance, tiré d’une violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En effet, contrairement à ce que le Tribunal a jugé aux points 151 et 152 de cet arrêt, elle n’aurait, devant cette juridiction, invoqué aucun argument concernant les effets de l’aide proprement dite accordée à la RTVE, mais aurait uniquement fait valoir que le mode de financement de cette aide aggravait la distorsion de concurrence résultant de celle‑ci et rendait l’ensemble composé de l’aide et dudit mode de financement incompatible avec l’intérêt commun. Le Tribunal aurait, à cet égard, interprété de manière erronée plusieurs de ses arguments.

87      Selon DTS, cette dénaturation a amené le Tribunal à statuer ultra petita, modifiant ainsi l’objet du litige. Ayant elle-même clarifié au cours de l’audience devant le Tribunal que le deuxième moyen d’annulation n’était opérant que dans l’hypothèse où le premier moyen serait accueilli, le Tribunal, dès lors qu’il a rejeté ce dernier, ne pouvait pas examiner ce deuxième moyen. En tout état de cause, à supposer même que le Tribunal était en mesure de se prononcer sur ce moyen, il ne pouvait le rejeter que pour le motif exposé au point 151 de l’arrêt attaqué, selon lequel la Commission n’était pas obligée de prendre en compte les effets de la taxe sur les opérateurs de télévision payante, dès lors que cette mesure fiscale ne fait pas partie intégrante de l’aide. Le Tribunal modifierait, toutefois, l’objet du litige en réinterprétant le deuxième moyen soulevé devant lui, au point 152 de cet arrêt, comme étant relatif aux effets de l’aide proprement dite.

88      Ce faisant, le Tribunal a, selon DTS, excédé les limites de sa compétence en matière de contrôle juridictionnel des appréciations portées par la Commission quant au respect du principe de proportionnalité énoncé à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En effet, le Tribunal, dans le cadre de ce contrôle, pourrait uniquement vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, sans pouvoir substituer son appréciation à celle de cette dernière, ni a fortiori examiner des points que celle-ci n’a pas analysés. Ainsi, le Tribunal ayant confirmé la décision de la Commission selon laquelle la taxe sur les opérateurs de télévision payante ne fait pas partie intégrante de l’aide ne pouvait que confirmer que cette institution était fondée à autoriser l’aide en question. Il ne pouvait pas, en revanche, statuer sur des questions telles que le risque d’adoption, par la RTVE, de comportements anticoncurrentiels, notamment, de surenchère, la Commission n’ayant pas examiné de telles questions.

89      La RTVE soutient que le troisième moyen est irrecevable. En tout état de cause, elle considère, à l’instar du Royaume d’Espagne et de la Commission, que ce moyen est inopérant ou, à tout le moins, non fondé.

 Appréciation de la Cour

90      Il convient de relever que le troisième moyen repose tout entier sur la prémisse selon laquelle le Tribunal a interprété de manière erronée la portée du deuxième moyen d’annulation soulevé en première instance, tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

91      Il y a lieu, toutefois, de constater que, par son pourvoi, DTS ne conteste aucune des appréciations auxquelles le Tribunal s’est livré, aux points 113 à 167 de l’arrêt attaqué, aux fins de justifier le rejet de ce deuxième moyen.

92      En particulier, DTS ne fait nullement valoir que cette partie de l’arrêt attaqué serait entachée d’erreurs de droit, celle-ci soulignant d’emblée que son pourvoi ne porte pas sur l’examen de la compatibilité de l’aide accordée à la RTVE avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

93      Il s’ensuit que le troisième moyen, fût-il fondé, n’est en rien susceptible de conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué.

94      Dans ces conditions, il convient de rejeter ce moyen comme étant inopérant.

 Sur les moyens soulevés par les sociétés Telefónica, tirés de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE

95      Dans leur mémoire en réponse, les sociétés Telefónica ont soulevé un moyen tiré de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par lequel elles soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme étant irrecevable leur argumentation relative à la violation de l’article 108 TFUE.

96      Les sociétés Telefónica ont également soulevé, dans ce même mémoire, un moyen tiré de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, par lequel elles font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en exerçant un contrôle excessivement limité sur le point de savoir si le régime d’aides en cause respecte le principe de proportionnalité, s’appuyant à cet égard sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission.

97      Il est constant que ces moyens visent à obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué pour des motifs qui n’ont pas été invoqués par DTS dans le cadre de son pourvoi.

98      En effet, d’une part, DTS n’a nullement invoqué la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne à l’appui dudit pourvoi. D’autre part, bien que le troisième moyen soit formellement pris de la violation de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, DTS a elle-même précisé dans son pourvoi, ainsi qu’il ressort du point 92 du présent arrêt, qu’elle ne vise pas à contester l’examen de la compatibilité de l’aide accordée à la RTVE au regard de cette disposition, se bornant, dans le cadre de ce moyen, à reprocher au Tribunal d’avoir dénaturé certains de ses arguments.

99      Or, en vertu de l’article 174 du règlement de procédure, les conclusions du mémoire en réponse tendent à l’accueil ou au rejet, total ou partiel, du pourvoi.

100    Par ailleurs, conformément à l’article 172 de ce règlement, les parties à l’affaire en cause devant le Tribunal peuvent présenter, par acte séparé, distinct du mémoire en réponse, un mémoire incident qui, selon l’article 178, paragraphes 1 et 3, seconde phrase, dudit règlement doit tendre à l’annulation, totale ou partielle, de l’arrêt attaqué sur des moyens et arguments de droit distincts de ceux invoqués dans le mémoire en réponse.

101    Il ressort de ces dispositions, lues conjointement, que le mémoire en réponse ne peut tendre à l’annulation de l’arrêt attaqué pour des motifs distincts et autonomes de ceux invoqués dans le pourvoi, de tels motifs ne pouvant être soulevés que dans le cadre d’un pourvoi incident.

102    En conséquence, il convient de rejeter les moyens invoqués par les sociétés Telefónica, tirés de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, comme étant irrecevables.

 Sur le pourvoi incident

103    À l’appui de son pourvoi incident, les sociétés Telefónica invoquent un moyen unique tiré de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ce que le Tribunal a rejeté comme irrecevable leur argumentation relative à la violation de l’article 108 TFUE.

 Argumentation des parties

104    Les sociétés Telefónica soutiennent que le Tribunal ne pouvait pas rejeter comme irrecevable les moyens d’annulation qu’elles avaient soulevés en première instance, tirés de la violation de l’article 108 TFUE, au motif que, invoqués pour la première fois dans le mémoire en intervention, ils ne se rattachaient pas à l’objet du litige.

105    Tout d’abord, au point 216 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas été fondé à s’appuyer sur l’arrêt du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil (C‑150/94, EU:C:1998:547), dès lors que les sociétés Telefónica n’avaient pas fait référence à cet arrêt.

106    Par ailleurs, au point 217 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’expliquerait pas en quoi l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414) justifierait que, lorsqu’il entend soulever des moyens non invoqués par la partie principale, l’intervenant dans le cadre d’un recours en manquement dispose de plus de liberté que l’intervenant dans le cadre d’un recours en annulation. Si l’intervenant devait se borner aux moyens formulés par la partie principale, l’article 132, paragraphe 2, du règlement de procédure, qui lui impose d’énoncer ses moyens, serait privé de son sens.

107    La RTVE soutient que le pourvoi incident est irrecevable. D’une part, ce pourvoi invoquerait, en violation de l’article 178, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de procédure, un moyen unique qui est identique à l’un des moyens invoqués par les sociétés Telefónica dans leur mémoire en réponse au pourvoi principal. D’autre part, ce pourvoi incident n’identifierait pas avec précision, en violation de la première phrase de la même disposition, les motifs contestés de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, ledit pourvoi incident serait non fondé. Le Royaume d’Espagne et la Commission estiment également que les arguments des sociétés Telefónica doivent être rejetés.

 Appréciation de la Cour

 Sur la recevabilité du pourvoi incident

108    En ce qui concerne la recevabilité du pourvoi incident, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 178, paragraphe 3, seconde phrase, du règlement de procédure, les moyens et arguments de droit invoqués à l’appui d’un pourvoi incident doivent, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 100 du présent arrêt, être distincts de ceux invoqués dans le mémoire en réponse au pourvoi principal.

109    En l’occurrence, il apparaît que, certes, le moyen unique invoqué par les sociétés Telefónica à l’appui de leur pourvoi incident, tiré de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, correspond en tous points à l’un des moyens soulevés dans leur mémoire en réponse au pourvoi principal introduit par DTS.

110    Toutefois, sous peine de remettre en cause la distinction, opérée par le règlement de procédure, entre le pourvoi principal et le pourvoi incident, l’exigence posée par l’article 178, paragraphe 3, seconde phrase, de ce règlement ne peut se comprendre que comme reposant sur la prémisse selon laquelle les moyens et arguments figurant dans le mémoire en réponse sont, eux-mêmes, analogues à ceux soulevés dans le pourvoi principal.

111    Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 95 à 102 du présent arrêt, le moyen développé par les sociétés Telefónica dans leur mémoire en réponse au pourvoi principal introduit par DTS, tiré de la violation de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est irrecevable car il est distinct de ceux du pourvoi.

112    Quant au respect de l’exigence prévue à l’article 178, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure, il suffit de constater que le pourvoi incident vise explicitement les points 207 à 218 de l’arrêt attaqué et que, partant, il identifie avec la précision requise les motifs contestés de cet arrêt.

113    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le pourvoi incident est recevable en ce qu’il vise les points 207 à 218 de l’arrêt attaqué.

 Sur le fond

114    En ce qui concerne le bien-fondé du pourvoi incident, il convient de rappeler qu’une partie qui, au titre de l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, est admise à intervenir à un litige soumis à cette dernière ne peut pas modifier l’objet du litige tel que circonscrit par les conclusions et les moyens des parties principales. Il s’ensuit que seuls les arguments d’un intervenant qui s’inscrivent dans le cadre défini par ces conclusions et moyens sont recevables (arrêt du 7 octobre 2014, Allemagne/Conseil, C‑399/12, EU:C:2014:2258, point 27).

115    En l’occurrence, par le moyen unique de leur pourvoi incident, les sociétés Telefónica font grief au Tribunal d’avoir rejeté comme irrecevable, aux points 207 à 218 de l’arrêt attaqué, les moyens d’annulation, soulevés dans leur mémoire en intervention devant cette juridiction, par lesquels elles reprochaient à la Commission une violation de l’article 108 TFUE.

116    Or, il est constant que DTS n’avait pas invoqué la violation de cette disposition à l’appui de son recours en première instance, les trois moyens soulevés par celle-ci aux fins d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse étant tirés de la violation, respectivement, de l’article 107 TFUE, des articles 49 et 64 TFUE ainsi que de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

117    Il s’ensuit que, comme le Tribunal l’a jugé au point 212 de l’arrêt attaqué, les moyens avancés par les sociétés Telefónica dans le cadre de leur mémoire en intervention devant le Tribunal ne se rattachaient pas à l’objet du litige tel qu’il avait été défini par DTS, modifiant le cadre de ce dernier dans une mesure contraire à l’article 40 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

118    À cet égard, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré, au point 217 de l’arrêt attaqué, que la solution retenue dans l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414), dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 260 TFUE, n’était pas transposable à un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE.

119    En effet, la procédure en manquement repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui impose le droit de l’Union (voir, notamment, arrêt du 6 octobre 2009, Commission/Espagne, C‑562/07, EU:C:2009:614, point 18).

120    Il en résulte que, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit au point 217 de l’arrêt attaqué, dans le cadre d’un tel recours, la Cour doit procéder à toutes les constatations nécessaires pour conclure au manquement, de sorte qu’un moyen de défense, soulevé par une partie intervenante, qui vise un élément de fait ou de droit que la Commission doit nécessairement examiner dans le cadre de son analyse n’est pas susceptible de modifier le cadre du litige, même s’il n’a pas été invoqué par l’État membre concerné. En revanche, un recours en annulation est délimité, notamment, par les moyens invoqués par la partie requérante.

121    Par ailleurs, si, aux termes de l’article 132, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure, le mémoire en intervention doit contenir les moyens et les arguments invoqués par la partie intervenante, cela ne signifie pas pour autant que cette dernière est libre d’invoquer des moyens nouveaux, distincts de ceux invoqués par la partie requérante. En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 219 de ses conclusions, cette disposition s’inscrit dans le cadre des limites fixées par la procédure d’intervention et doit être lue à la lumière de l’article 129 de ce règlement, selon lequel l’intervention ne peut avoir d’autre objet que le soutien, en tout ou en partie, des conclusions de l’une des parties, qu’elle est accessoire au litige principal et que la partie intervenante accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention.

122    Quant au grief selon lequel les sociétés Telefónica reprochent au Tribunal de s’être référé, au point 216 de l’arrêt attaqué, à l’arrêt du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil (C‑150/94, EU:C:1998:547), il suffit de constater qu’il est totalement inopérant, dès lors qu’il n’est pas de nature à entacher l’arrêt attaqué d’une erreur de droit, lesdites sociétés ne faisant d’ailleurs nullement valoir que l’appréciation effectuée par le Tribunal audit point est erronée en droit.

123    En conséquence, il convient de rejeter le moyen unique du pourvoi incident comme étant non fondé.

 Sur les dépens

124    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    DTS ayant succombé en ses moyens de pourvoi et la Commission ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de décider que DTS supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission dans le cadre du pourvoi principal.

126    En ce qui concerne le pourvoi incident, les sociétés Telefónica ayant succombé en leurs moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de celles-ci aux dépens, il y a lieu également de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission dans le cadre du pourvoi incident.

127    Conformément à l’article 184, paragraphe 4, de ce règlement, les sociétés Telefónica supporteront leurs propres dépens afférents au pourvoi principal, tandis que la RTVE supportera ses propres dépens afférents au pourvoi principal et au pourvoi incident.

128    En vertu de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, rendu applicable, mutatis mutandis, à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Conformément à ces dispositions, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      DTS Distribuidora de Televisión Digital SA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission européenne afférents au pourvoi principal.

3)      Telefónica de España SA et Telefónica Móviles España SA sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission européenne afférents au pourvoi incident.

4)      Corporación de Radio y Televisión Española SA (RTVE) et le Royaume d’Espagne supportent leurs propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.