Language of document : ECLI:EU:C:2017:833

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 novembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 97/81/CE – Accord-cadre UNICE, CEEP et CES sur le travail à temps partiel – Clause 4 – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Égalité de traitement en matière de sécurité sociale – Directive 79/7/CEE – Article 4 – Travailleur à temps partiel de type vertical – Prestation de chômage – Réglementation nationale excluant les périodes de cotisation des jours non travaillés aux fins d’établir la durée de la prestation »

Dans l’affaire C‑98/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone, Espagne), par décision du 6 février 2015, parvenue à la Cour le 27 février 2015, dans la procédure

María Begoña Espadas Recio

contre

Servicio Público de Empleo Estatal (SPEE),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. F. Biltgen (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, M. A. Tizzano, vice–président de la Cour, MM. E. Levits, A. Borg Barthet et Mme M. Berger, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2016,

considérant les observations présentées :

–        pour Maria Begoña Espadas Recio, par Me A. Calvo Calmache, abogado,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mmes A. Gavela Llopis et V. Ester Casas ainsi que par MM. L. Banciella Rodríguez-Miñón et A. Rubio González, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Pardo Quintillán et A. Szmytkowska ainsi que par M. M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9), et, d’autre part, de l’article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme María Begoña Espadas Recio au Servicio Público de Empleo Estatal (SPEE) (Service public pour l’emploi, Espagne), au sujet de la détermination de la base de calcul de la durée de la prestation de chômage pour les travailleurs à temps partiel de type vertical.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 4 de l’accord-cadre est ainsi rédigé :

« [C]onsidérant que les conclusions du Conseil européen d’Essen ont souligné la nécessité de prendre des mesures pour promouvoir l’emploi et l’égalité des chances des femmes et des hommes, et appelé à prendre des mesures visant une “augmentation de l’intensité en emploi de la croissance, en particulier par une organisation plus souple du travail, qui réponde tant aux souhaits des travailleurs qu’aux exigences de la concurrence” ».

4        Selon la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet « d’assurer la suppression des discriminations à l’égard des travailleurs à temps partiel et d’améliorer la qualité du travail à temps partiel ».

5        Aux termes de la clause 2, point 1, de l’accord-cadre, celui-ci « s’applique aux travailleurs à temps partiel ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque État membre ».

6        La clause 3, point 1, de l’accord-cadre définit le « travailleur à temps partiel » comme un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d’emploi pouvant aller jusqu’à un an, est inférieure à celle d’un travailleur à temps plein comparable.

7        La clause 4, paragraphes 1 et 2, de l’accord-cadre dispose :

« 1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du pro rata temporis s’applique. »

8        La clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre prévoit :

« Dans le contexte de la clause 1 du présent accord et du principe de non-discrimination entre travailleurs à temps partiel et à temps plein :

a)      les États membres, après consultation des partenaires sociaux conformément aux législations ou pratiques nationales, devraient identifier et examiner les obstacles de nature juridique ou administrative qui peuvent limiter les possibilités de travail à temps partiel et, le cas échéant, les éliminer ».

9        Aux termes de l’article 2 de la directive 79/7, celle-ci s’applique, notamment, aux travailleurs dont l’activité est interrompue par un chômage involontaire.

10      Conformément à l’article 3 de cette directive, relèvent également de son champ d’application les régimes légaux qui assurent une protection contre le chômage.

11      L’article 4, paragraphe 1, de la même directive dispose :

« Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne :

–        le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

–        l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

–        le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations. »

 Le droit espagnol

12      Les articles 203 à 234 de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale sur la sécurité sociale), dans sa version approuvée par le Real Decreto Legislativo 1/1994 (décret législatif royal 1/1994), du 20 juin 1994 (BOE no 154, du 29 juin 1994, p. 20658) (ci-après la « LGSS »), réglementent la protection des chômeurs.

13      Conformément à l’article 204, paragraphe 1, de la LGSS, la protection en cas de chômage comporte un volet contributif et un volet indemnitaire, tous deux à caractère public et obligatoire. L’affaire au principal a trait au volet contributif.

14      L’article 204, paragraphe 2, de la LGSS définit le volet contributif comme « [ayant] pour objet de fournir des prestations substitutives des revenus salariaux qui ne sont plus perçus en conséquence de la perte d’un emploi antérieur ou de la réduction du temps de travail ».

15      En ce qui concerne la durée de la prestation de chômage dans sa forme contributive, l’article 210, paragraphe 1, de la LGSS est ainsi libellé :

« La durée de la prestation de chômage est fonction des périodes d’emploi pour lesquelles des cotisations ont été versées au cours des six années précédant la situation légale de chômage ou au moment auquel l’obligation de cotisation a pris fin, conformément à l’échelle suivante :

Période de cotisation (en jours)/Période de prestation (en jours)

De 360 à 539 : 120

De 540 à 719 : 180

De 720 à 899 : 240

De 900 à 1 079 : 300

De 1 080 à 1 259 : 360

De 1 260 à 1 439 : 420

De 1 440 à 1 619 : 480

De 1 620 à 1 799 : 540

De 1 800 à 1 979 : 600

De 1 980 à 2 159 : 660

À partir de 2 160 : 720 »

16      Concernant les travailleurs à temps partiel, des dispositions réglementaires ont été adoptées par le Real Decreto 625/1985 por el que se desarrolla la Ley 31/1984, de 2 de agosto, de Protección por Desempleo (décret royal 625/1985 portant application de la loi 31/1984, du 2 août, sur la protection des chômeurs), du 2 avril 1985 (BOE no 109, du 7 mai 1985, p. 12699, ci-après le « RD 625/1985 »).

17      L’article 3, paragraphe 4, du RD 625/1985 énonce que, lorsque les cotisations correspondent à un travail à temps partiel ou au travail effectif dans les cas de réduction du temps de travail, chaque jour travaillé est pris en compte comme un jour de cotisation, quelle que soit la durée du temps de travail.

 Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

18      Mme Espadas Recio a travaillé à temps partiel en tant que femme de ménage de manière ininterrompue du 23 décembre 1999 au 29 juillet 2013. Ses heures de travail étaient reparties de la manière suivante : deux heures et demie le lundi, le mercredi et le jeudi de chaque semaine, et quatre heures le premier vendredi de chaque mois.

19      Après la cessation de sa relation de travail, Mme Espadas Recio a demandé à bénéficier des prestations de chômage. Par décision du SPEE du 30 septembre 2013, le bénéfice de ces prestations lui a été accordé pour une période de 120 jours.

20      Estimant qu’elle avait droit à des prestations de chômage pour une durée de 720 jours, et non de 120 jours seulement, Mme Espadas Recio a introduit une réclamation contre cette décision.

21      Par décision du 9 décembre 2013, le SPEE a accordé à Mme Espadas Recio le bénéfice de 420 jours de prestations de chômage. Pour retenir cette durée de 420 jours, le SPEE s’est fondé sur le fait que, en application des dispositions combinées de l’article 210 de la LGSS et de l’article 3, paragraphe 4, du RD 625/1985, dans le cas d’un travail à temps partiel, si la durée de la prestation de chômage est déterminée en fonction des jours de cotisation au cours des six années qui précèdent, il n’y avait lieu de prendre en compte que les seuls jours effectivement travaillés, en l’occurrence 1 387, et non les six années de cotisation dans leur ensemble.

22      Considérant qu’elle avait versé des cotisations pour l’intégralité des six dernières années, Mme Espadas Recio a formé un recours devant le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone, Espagne) afin de contester ses décomptes individuels tels qu’établis par le SPEE.

23      La demande de Mme Espadas Recio porte sur la durée de la prestation de chômage qui lui a été reconnue par le SPEE. Elle estime que, dès lors qu’elle a travaillé pendant six années consécutives, en cotisant 30 ou 31 jours par mois (pour un total de 2 160 jours), elle a droit à une prestation de chômage d’une durée de 720 jours au lieu des 420 jours qui lui ont été reconnus, soit les trois cinquième de la durée maximale. Selon elle, l’exclusion des jours non travaillés, aux fins du calcul de sa prestation de chômage, revient à instaurer une différence de traitement au détriment des travailleurs à temps partiel de type vertical. Le travail à temps partiel est dit « vertical » lorsque la personne qui l’exerce concentre ses heures de travail sur quelques jours ouvrables de la semaine, et « horizontal » lorsque la personne qui l’exerce travaille tous les jours ouvrables de la semaine. En l’espèce, Mme Espadas Recio concentrait ses heures de travail essentiellement sur trois jours par semaine.

24      La juridiction de renvoi relève que l’intéressée établit avoir cotisé pendant l’intégralité des six dernières années précédant la cessation de sa relation de travail et que les cotisations, de caractère mensuel, ont été calculées sur le fondement du salaire perçu au cours d’un mois pris dans sa totalité (soit 30 ou 31 jours), et non pas des heures ou des jours travaillés. Cette même juridiction constate néanmoins que, dans le cas d’un travailleur à temps partiel vertical tel que la requérante, la réglementation nationale en cause au principal permet la prise en compte des seuls jours travaillés, et non de l’ensemble de la période des six années de cotisation. Ainsi, les jours de cotisation obligatoire ne seraient pas pris en considération dans leur totalité aux fins de déterminer la durée de la prestation de chômage.

25      En réalité, selon ladite juridiction, cette catégorie de travailleurs est doublement pénalisée, étant donné que le principe du pro rata temporis s’applique deux fois dans le cas du travail à temps partiel vertical : d’abord, le salaire mensuel moins élevé en raison du travail à temps partiel entraîne une prestation de chômage d’un montant proportionnellement inférieur et, ensuite, la durée de cette prestation est réduite puisque seuls les jours travaillés sont pris en compte, alors même que la période de cotisation est plus étendue.

26      À l’inverse, les autres travailleurs, qu’ils exercent leur emploi à temps partiel sous forme horizontale (travail durant tous les jours ouvrables) ou à temps plein (indépendamment de la répartition des heures de travail au cours d’une semaine), se verraient reconnaître le bénéfice d’une prestation de chômage pour une durée calculée sur l’intégralité des jours de cotisation.

27      La juridiction de renvoi ajoute qu’il est établi que la réglementation en cause au principal affecte une proportion bien plus importante de femmes que d’hommes.

28      C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Social no 33 de Barcelona (tribunal du travail no 33 de Barcelone) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      En application de la jurisprudence résultant de l’arrêt [du 10 juin 2010,] Bruno e.a. (C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329), la clause 4 de l’[accord-cadre] doit-elle être considérée comme applicable à une prestation contributive de chômage telle que celle établie par l’article 210 de la [LGSS], qui est financée exclusivement par les cotisations versées par le travailleur et par les entreprises qui l’ont employé, et qui est calculée en fonction des périodes d’emploi pour lesquelles des cotisations ont été versées au cours des six années qui précèdent la situation légale de chômage ?

2)      En cas de réponse affirmative, en application de la jurisprudence résultant de l’arrêt [du 10 juin 2010,] Bruno e.a. (C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329), la clause 4 de l’accord-cadre doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle de l’article 3, paragraphe 4, du [RD 625/1985], à laquelle renvoie la quatrième règle du paragraphe 1 de la septième disposition additionnelle de la [LGSS], qui – dans les situations de travail à temps partiel “vertical” (seulement trois jours par semaine) – ne prend pas en compte les jours non travaillés aux fins du calcul de la durée de la prestation de chômage, bien que les cotisations qui correspondent à ces jours aient été versées, ce qui a pour effet un amoindrissement de la durée de prestation de chômage ?

3)      L’interdiction de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, prévue à l’article 4 de la [directive 79/7], doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’opposerait ou ferait obstacle à une réglementation nationale telle que celle de l’article 3, paragraphe 4, du [RD 625/1985] qui, dans les situations de travail à temps partiel “vertical” (seulement trois jours par semaine), ne prend pas en compte comme jours de cotisation les jours non travaillés, ce qui a pour effet un amoindrissement de la durée de la prestation de chômage ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

29      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la clause 4, point 1, de l’accord-cadre est applicable à une prestation contributive de chômage telle que celle en cause au principal.

30      À cet égard, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la clause 4, point 1, de l’accord-cadre énonce une interdiction de traiter, en ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à temps partiel d’une manière moins favorable que les travailleurs à temps plein comparables au seul motif qu’ils travaillent à temps partiel, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives (arrêt du 13 juillet 2017, Kleinsteuber, C‑354/16, EU:C:2017:539, point 25).

31      La Cour a par ailleurs jugé, d’une part, qu’il ressort du préambule de l’accord‑cadre que celui-ci porte sur les « conditions d’emploi des travailleurs à temps partiel, reconnaissant que les questions concernant les régimes légaux de sécurité sociale relèvent de la décision des États membres » (arrêt du 14 avril 2015, Cachaldora Fernández, C‑527/13, EU:C:2015:215, point 36).

32      Elle a constaté, d’autre part, que relèvent de la notion de « conditions d’emploi », au sens dudit accord-cadre, les pensions qui sont fonction d’une relation d’emploi entre le travailleur et l’employeur, à l’exclusion des pensions légales de sécurité sociale, qui sont moins fonction d’une telle relation que de considérations d’ordre social (arrêts du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C‑385/11, EU:C:2012:746, point 21, et du 14 avril 2015, Cachaldora Fernández, C‑527/13, EU:C:2015:215, point 37).

33      En l’occurrence, il résulte du dossier à la disposition de la Cour que, si la prestation en cause au principal est financée exclusivement par les cotisations versées par le travailleur et par l’employeur, ces cotisations sont acquittées en application de la législation nationale et ne sont, de ce fait, pas régies par le contrat de travail conclu entre le travailleur et l’employeur. Ainsi, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 38 de ses conclusions, un tel arrangement est plus proche d’un système de sécurité sociale administré par l’État, au sens de la jurisprudence citée au point précédent. Lesdites cotisations ne peuvent, par conséquent, relever de la notion de « condition d’emploi ».

34      Dès lors, il convient de répondre à la première question que la clause 4, point 1, de l’accord-cadre n’est pas applicable à une prestation contributive de chômage telle que celle en cause au principal.

 Sur la deuxième question

35      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur la troisième question

36      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui, dans le cas du travail à temps partiel vertical, exclut les jours non travaillés du calcul des jours pour lesquels les cotisations ont été payées et qui réduit ainsi la période de paiement de la prestation de chômage, lorsqu’il est constaté que la majorité des travailleurs à temps partiel vertical sont des femmes qui sont affectées négativement par de telles mesures nationales.

37      En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler que, s’il est constant que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et que, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer les conditions d’octroi des prestations en matière de sécurité sociale, il demeure toutefois que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit de l’Union (arrêts du 16 mai 2006, Watts, C‑372/04, EU:C:2006:325, point 92 et jurisprudence citée, ainsi que du 5 novembre 2014, Somova, C‑103/13, EU:C:2014:2334, points 33 à 35 et jurisprudence citée).

38      S’agissant du point de savoir si une législation telle que celle en cause au principal comporte, ainsi que le suggère la juridiction de renvoi, une discrimination indirecte à l’égard des femmes, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il y a discrimination indirecte lorsque l’application d’une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes (arrêts du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C‑385/11, EU:C:2012:746, point 29).

39      En l’occurrence, il y a lieu de relever que la disposition nationale en cause au principal vise le groupe des travailleurs à temps partiel, lequel est, d’après les constatations faites par la juridiction de renvoi, constitué dans une très large majorité de travailleurs féminins. Il convient donc de répondre à la question posée en s’appuyant sur ces constatations.

40      À cet égard, il importe de préciser que l’affaire en cause au principal se distingue de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 14 avril 2015, Cachaldora Fernández (C‑527/13, EU:C:2015:215), dans lequel la Cour a conclu que la législation en cause, relative à la détermination de la base de calcul d’une pension pour invalidité permanente totale, ne comportait pas une discrimination au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7. Dans cet arrêt, la Cour a en effet considéré, d’une part, qu’elle ne disposait pas d’informations statistiques irréfutables concernant le nombre de travailleurs à temps partiel dont les cotisations avaient été interrompues ou mettant en évidence que ce groupe de travailleurs était principalement composé de femmes (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2015, Cachaldora Fernández, C‑527/13, EU:C:2015:215, point 30) et, d’autre part, que la mesure en cause avait des effets aléatoires, puisque certains travailleurs à temps partiel, groupe prétendument défavorisé par ladite mesure, pouvaient même être avantagés par l’application de cette même mesure.

41      Or, en l’occurrence, outre que les données statistiques fournies par la juridiction de renvoi ne sont pas contestées, il ressort clairement du dossier à la disposition de la Cour que les travailleurs à temps partiel vertical relevant du champ d’application de la mesure nationale en cause au principal sont tous affectés négativement par cette mesure nationale, dès lors que, du fait de celle-ci, la période pendant laquelle ils peuvent bénéficier d’une prestation de chômage est réduite par rapport à celle reconnue aux travailleurs à temps partiel horizontal. Par ailleurs, il est établi qu’aucun travailleur faisant partie de ce groupe ne saurait tirer un avantage de l’application d’une telle mesure.

42      De surcroît, dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi a pris soin de préciser que les données statistiques relatives au travail à temps partiel couvrent de la même manière tous les travailleurs à temps partiel, que leur temps de travail soit structuré de manière horizontale ou verticale. Ainsi, selon la juridiction de renvoi, alors que 70 % à 80 % des travailleurs à temps partiel vertical sont des femmes, la même proportion se retrouve en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel horizontal. Ces informations permettent de déduire qu’un nombre beaucoup plus important de femmes que d’hommes est affecté négativement par la mesure nationale en cause au principal.

43      Force est, dans ces conditions, de conclure qu’une mesure telle que celle en cause au principal constitue une différence de traitement au détriment des femmes au sens de la jurisprudence rappelée au point 38 du présent arrêt.

44      Or, une mesure de cette nature est contraire à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, à moins qu’elle ne soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Tel est le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de politique sociale, sont aptes à atteindre cet objectif et sont nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, Elbal Moreno, C‑385/11, EU:C:2012:746, point 32).

45      En l’occurrence, il y a lieu de constater que, si la demande de décision préjudicielle ne contient aucune référence à l’objectif poursuivi par la mesure en cause au principal, le Royaume d’Espagne a fait valoir, lors de l’audience, que le principe de « cotisation au système de sécurité sociale » justifie l’existence de la différence de traitement constatée. Ainsi, dès lors que le droit à la prestation de chômage et la durée de cette prestation seraient uniquement fonction de la période pendant laquelle un travailleur a travaillé ou a été inscrit au système de sécurité sociale, il conviendrait, afin de respecter le principe de proportionnalité, de ne tenir compte que des jours réellement travaillés.

46      À cet égard, et alors même qu’il appartient en dernier lieu à la juridiction nationale d’apprécier si cet objectif est effectivement celui poursuivi par le législateur national, il suffit de relever que la mesure nationale en cause au principal n’apparaît pas apte à assurer la corrélation devant, selon le gouvernement espagnol, exister entre les cotisations versées par le travailleur et les droits auxquels il peut prétendre en matière de prestation de chômage.

47      En effet, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 59 de ses conclusions, un travailleur à temps partiel vertical ayant versé des cotisations pour chaque jour de tous les mois de l’année reçoit une prestation de chômage pendant une période plus courte qu’un travailleur à temps plein ayant procédé au paiement des mêmes cotisations. À l’égard du premier de ces deux travailleurs, la corrélation invoquée par le gouvernement espagnol n’est donc manifestement pas garantie.

48      Or, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 58 de ses conclusions, cette corrélation pourrait être assurée si, en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel vertical, les autorités nationales tenaient compte d’autres éléments, tels que, par exemple, la période pendant laquelle ces travailleurs et leurs employeurs ont versé des cotisations, le montant total des cotisations versées ou le cumul des heures de travail, ces éléments étant, selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, pris en compte pour tous les travailleurs dont le temps de travail est structuré de manière horizontale, qu’ils travaillent à temps plein ou à temps partiel.

49      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la troisième question que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui, dans le cas du travail à temps partiel vertical, exclut les jours non travaillés du calcul des jours pour lesquels les cotisations ont été payées et qui réduit ainsi la période de paiement de la prestation de chômage, lorsqu’il est constaté que la majorité des travailleurs à temps partiel vertical sont des femmes qui sont affectées négativement par une telle législation.

 Sur les dépens

50      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      La clause 4, point 1,de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel, conclu le 6 juin 1997, qui figure à l’annexe de la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, n’est pas applicable à une prestation contributive de chômage telle que celle en cause au principal.

2)      L’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui, dans le cas du travail à temps partiel vertical, exclut les jours non travaillés du calcul des jours pour lesquels les cotisations ont été payées et qui réduit ainsi la période de paiement de la prestation de chômage, lorsqu’il est constaté que la majorité des travailleurs à temps partiel vertical sont des femmes qui sont affectées négativement par une telle législation.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.