Language of document : ECLI:EU:T:2018:213

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 avril 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative représentant un homme en costume régional – Dessins industriels nationaux antérieurs – Motif relatif de refus – Article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 2, sous d), du règlement (UE) 2017/1001] – Interdiction de l’usage de la marque de l’Union européenne en vertu du droit national – Application du droit national par l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑183/17,

Menta y Limón Decoración, SL, établie à Argame (Espagne), représentée par Me E. Estella Garbayo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par Mme S. Palmero Cabezas, puis par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Ayuntamiento de Santa Cruz de La Palma, établie à Santa Cruz de La Palma (Espagne), représentée par Me M. J. Sanmartín Sanmartín, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 9 janvier 2017 (affaire R 510/2015‑4), relative à une procédure de nullité entre Menta y Limón Decoración et Ayuntamiento de Santa Cruz de La Palma,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 mars 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2017,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2017,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 septembre 2012, l’intervenante, Ayuntamiento de Santa Cruz de La Palma, a obtenu auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], l’enregistrement, sous le numéro 010822013, de la marque de l’Union européenne figurative suivante (ci-après la « marque contestée ») :

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2        Les produits et services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent des classes 3, 6, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28 à 35, 41 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

3        Le 23 juillet 2014, la requérante, Menta y Limón Decoración, SL, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, pour tous les produits et les services couverts par cette marque. Cette demande était fondée sur des dessins industriels espagnols antérieurs qui l’habiliteraient, en vertu du droit espagnol, à interdire l’usage de la marque contestée au sens de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 2, sous d), du règlement 2017/1001].

4        Les dessins industriels espagnols antérieurs invoqués dans la demande en nullité étaient les suivants :

–        le dessin industriel espagnol D 0512994-11 désignant un « objet décoratif », enregistré le 22 août 2011 :

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–        le dessin industriel espagnol D 0512995-29 désignant un « objet décoratif », enregistré le 4 octobre 2011 :

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–        le dessin industriel espagnol D 0513002-23 désignant des « articles de décoration », enregistré le 22 août 2011 :

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–        le dessin industriel espagnol D 0514299-23 désignant des « articles de décoration », enregistré le 24 février 2012 :

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–        le dessin industriel espagnol D 0510978-23 désignant des « emballages, articles-cadeaux, articles de papeterie, emballages, livres, sacs à main, étuis, articles de chapellerie, statues, jeux, jouets, textiles, vêtements de prêt-à-porter, parapluies, étiquettes, porte-clés, briquets, porte-photos, caisses, cendriers, adhésifs, articles de verrerie, aimants, articles à usage ménager, articles à usage domestique », enregistré le 1er octobre 2010 :

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–        le dessin industriel espagnol D 0514300-13 désignant des « articles de décoration pour tous types de produits », enregistré le 28 février 2012 :

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5        Dans sa demande en nullité, d’une part, la requérante a fait valoir une violation de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la Ley 17/2001 de Marcas (loi no 17/2001 sur les marques), du 7 décembre 2001 (BOE no 294, du 8 décembre 2001, p. 45579) (ci‑après la « loi 17/2001 sur les marques »), en vertu duquel « [s]ans autorisation dûment octroyée, l’enregistrement en tant que marque n’est pas autorisé pour : […] c) les signes qui reproduisent, imitent ou transforment des créations protégées par un droit d’auteur ou par un droit de propriété industrielle autre que ceux visés aux articles 6 et 7 ». D’autre part, dans les motifs sous-tendant sa demande en nullité, la requérante a invoqué l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement 2017/1001].

6        Par décision du 28 janvier 2015, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité dans son intégralité et a déclaré nulle la marque contestée, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques. La division d’annulation a, en outre, estimé que, en vertu de l’article 12 de la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO 1998, L 289, p. 28), le titulaire d’un dessin ou modèle avait un droit exclusif d’utiliser ce dessin ou modèle et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son consentement de l’utiliser.

7        Le 6 mars 2015, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation auprès de l’EUIPO au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).

8        Par décision du 9 janvier 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’annulation.

9        En particulier, premièrement, la chambre de recours a considéré que la requérante avait omis d’indiquer sur la base de quelle loi nationale reposait son moyen tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009. Conformément à la règle 37, sous b), iii) et iv), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1), la requérante aurait dû, dans sa demande en nullité, indiquer de manière précise les informations nécessaires prouvant qu’elle remplissait les conditions prévues par le droit espagnol pour être titulaire des dessins industriels invoqués ainsi que le contenu des dispositions nationales régissant ces droits antérieurs et lui permettant d’interdire l’usage de la marque contestée. Or, les indications et allégations formulées par la requérante dans sa demande en nullité seraient lacunaires en ce que la seule disposition de droit national invoquée, à savoir l’article 9, paragraphe 1, sous d), de la loi 17/2001 sur les marques, concernerait uniquement la question de savoir s’il est possible de former une opposition ou d’annuler une marque nationale sur la base d’un droit qui n’est pas enregistré en tant que marque. Cette disposition ne contiendrait aucune définition des droits de propriété industrielle qui y sont visés et ne mentionnerait pas le type de protection dont bénéficient de tels droits. Le conflit entre la marque contestée et les dessins industriels antérieurs aurait dû être examiné en tenant compte de la réglementation régissant les dessins et leur protection. Or, en alléguant qu’il existait un risque de confusion entre les dessins industriels antérieurs et la marque contestée, la requérante aurait considéré le conflit en cause comme étant un conflit entre deux marques et non entre une marque et un dessin industriel.

10      Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que la décision de la division d’annulation était entachée d’un vice de procédure dans la mesure où elle faisait référence à l’article 12 de la directive 98/71. Or, la requérante n’aurait pas invoqué cette disposition, de sorte que la division d’annulation n’aurait pas dû, dans le cadre d’une procédure contradictoire, citer ou compléter d’office la loi nationale pertinente applicable sur la base des connaissances dont elle disposait. Par ailleurs, l’article 12 de la directive 98/71 ne contiendrait aucune information quant à la protection dont jouissent les dessins industriels espagnols antérieurs, de sorte que la référence à cette disposition n’aurait pas pu pallier l’absence d’indication de la loi nationale sur les dessins industriels bénéficiant d’une protection en Espagne. En tout état de cause, cet article ayant uniquement été invoqué devant la chambre de recours, il n’aurait pas été invoqué en temps opportun dans la mesure où la preuve de l’existence, de la validité et de la protection des droits de propriété industrielle sur lesquels était fondée la demande en nullité aurait dû être apportée avant que la division d’annulation n’adopte sa décision.

11      Troisièmement, la décision de la division d’annulation serait entachée d’un second vice de procédure en ce qu’elle n’identifie pas clairement les dessins industriels antérieurs dont la marque contestée aurait constitué une imitation. Le fait que ladite décision se limite à indiquer que la marque contestée imite « les dessins antérieurs » laisserait entendre que la division d’annulation a mélangé ou combiné tous les dessins en cause, ce qui ne permettrait pas à l’intervenante de comprendre sur la base de quel droit antérieur la nullité était fondée.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’annulation de l’EUIPO du 28 janvier 2015, par laquelle celle-ci a accueilli dans son intégralité la demande en nullité de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la présente instance ainsi qu’aux dépens des procédures de recours et de nullité.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, déclarer irrecevable ou rejeter la demande tendant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

15      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, par son deuxième chef de conclusions, la requérante vise à obtenir du Tribunal un jugement déclaratoire. Or, il résulte de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001) que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci [arrêt du 16 juin 2015, Silicium España Laboratorios/OHMI – LLR-G 5 (LLRG 5), T‑306/13, non publié, EU:T:2015:382, point 25], de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs ou déclaratoires.

16      Par conséquent, le deuxième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009

17      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009. Par ce moyen unique, qui se divise en trois branches, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours, premièrement, d’avoir constaté que la division d’annulation avait commis un vice de procédure en tenant compte de dispositions légales que la requérante n’avait pas invoquées, deuxièmement, d’avoir considéré que la division d’annulation avait commis un second vice de procédure en omettant d’identifier clairement les dessins industriels espagnols antérieurs sur la base desquels elle avait déclaré nulle la marque contestée et, troisièmement, d’avoir estimé que le conflit entre la marque contestée et les dessins industriels antérieurs devait être examiné sur la base de la réglementation applicable aux dessins et non sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques.

–       Sur la première branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait commis une erreur en constatant que la division d’annulation avait commis un vice de procédure en tenant compte de dispositions légales non invoquées par la requérante

18      S’agissant du vice de procédure qui consiste, selon la chambre de recours dans la décision attaquée, en la prise en compte, par la division d’annulation, de dispositions légales que la requérante n’avait pas invoquées, cette dernière fait valoir que les dispositions juridiques en vertu desquelles sa demande en nullité avait été accueillie, à savoir l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques, ont bien été invoquées dans les motifs sous-tendant sa demande en nullité.

19      La requérante ajoute que, dans les mémoires qu’elle a déposés devant la chambre de recours, elle a répété les arguments qu’elle avait déjà exposés dans sa demande en nullité en invoquant expressément une violation de l’article 53, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

20      En premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, celle-ci n’a pas invoqué toutes les dispositions juridiques qui ont été prises en considération par la division d’annulation pour accueillir sa demande en nullité. En effet, il ressort des points 18 à 20 de la décision attaquée que le premier vice de procédure visé au point 24 de la décision attaquée a trait au fait que la division d’annulation a fondé sa décision sur l’article 12 de la directive 98/71. Or, la requérante a invoqué cette disposition pour la première fois devant la chambre de recours. Cette argumentation manque donc en fait.

21      En second lieu, comme le relève à juste titre l’EUIPO, il ne revenait, en l’espèce, pas à la division d’annulation de compléter l’argumentaire de la requérante en mentionnant l’article 12 de la directive 98/71 qui concerne les droits conférés par l’enregistrement d’un dessin.

22      D’une part, s’il est vrai que le droit de l’Union, dont fait partie l’article 12 de la directive 98/71, relève du domaine juridique dans lequel le principe iura novit curia s’applique aux instances de l’EUIPO, il convient de rappeler qu’il ressort du libellé de l’article 53, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que celui-ci, lorsqu’il fait référence à la situation dans laquelle un droit antérieur permet d’interdire l’usage d’une marque de l’Union, distingue clairement deux hypothèses selon que le droit antérieur est protégé par la réglementation de l’Union « ou » par le droit national [arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 48, et du 7 mai 2013, macros consult/OHMI – MIP Metro (makro), T‑579/10, EU:T:2013:232, point 57].

23      En l’espèce, il est constant entre les parties que les droits antérieurs invoqués sont des dessins industriels espagnols. Dès lors que la protection de ces droits antérieurs est régie par le droit espagnol, le conflit qui les oppose à la marque contestée doit être apprécié sur le fondement du droit national applicable et non du droit de l’Union.

24      D’autre part, il y a lieu de rappeler que l’article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) limite l’examen de l’EUIPO, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Selon une jurisprudence constante relative à cette disposition, cette limitation du pouvoir d’examen découle de la règle selon laquelle, dans le cadre d’une procédure opposant les intérêts divergents de deux ou plusieurs parties, il relève, en principe, du seul pouvoir des parties de déterminer l’objet d’une procédure administrative ou juridictionnelle qui les oppose ainsi que la portée des moyens qu’elles entendent invoquer dans ce contexte [arrêts du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié, EU:T:2006:400, point 43, et du 18 mars 2016, El Corte Inglés/OHMI – STD Tekstil (MOTORTOWN), T‑785/14, non publié, EU:T:2016:160, points 30 et 31].

25      Dans la mesure où, dans sa demande en nullité, la requérante a présenté le conflit entre les signes en cause comme un conflit entre marques, en se prévalant de la similitude des signes en cause et du risque de confusion, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il ne revenait pas à la division d’annulation de prendre en compte l’article 12 de la directive 98/71, qui vise la protection des dessins et modèles. Ce faisant, la division d’annulation s’est substituée à la requérante en modifiant la portée du moyen que cette dernière avait invoqué.

26      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.

–       Sur la troisième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait erronément estimé que le conflit entre la marque contestée et les dessins industriels antérieurs ne pouvait être apprécié sur la base de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques

27      Dans le cadre de la troisième branche du moyen unique, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la division d’annulation a décidé à bon droit que l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques, s’applique au conflit entre la marque contestée et les dessins industriels espagnols antérieurs. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir estimé que ce conflit devait être examiné exclusivement sur le fondement de la réglementation applicable aux dessins.

28      La requérante avance qu’il ressort, en outre, de l’article 12 de la directive 98/71, ainsi que de l’article 45, paragraphe 1, et de l’article 47, paragraphe 1, de la Ley 20/2003 de Protección jurídica del Diseño Industrial (loi 20/2003 relative à la protection des dessins industriels), du 7 juillet 2003 (BOE no 162, du 8 juillet 2003, p. 26348) (ci-après la « loi 20/2003 sur les dessins industriels »), que l’enregistrement des dessins industriels antérieurs lui confère le droit exclusif de les utiliser.

29      À cet égard, il convient de relever, comme indiqué au point 5 ci-dessus, que l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques interdit l’enregistrement, en tant que marque, de signes qui reproduisent, imitent ou transforment des créations protégées par un droit d’auteur ou par un droit de propriété industrielle.

30      Or, force est de constater, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, que cette disposition ne suffit pas pour établir que le droit espagnol confère au propriétaire d’un dessin industriel espagnol le droit d’interdire l’usage d’une marque de l’Union plus récente.

31      En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009 prévoit que, selon la législation nationale applicable, le droit antérieur en cause doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’« usage » d’une marque de l’Union plus récente, mais n’exige pas que, selon le droit national applicable, le droit antérieur en cause donne à son titulaire le droit d’interdire l’« enregistrement » de la marque contestée [voir, par analogie, arrêts du 12 juin 2007, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUDWEISER), T‑53/04 à T‑56/04, T‑58/04 et T‑59/04, non publié, EU:T:2007:167, point 80, et du 18 septembre 2015, Federación Nacional de Cafeteros de Colombia/OHMI – Hautrive (COLOMBIANO HOUSE), T‑387/13, non publié, EU:T:2015:647, point 42 et jurisprudence citée].

32      Or, l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques est repris sous le titre II intitulé « Concept de marque et interdictions d’enregistrement ». Ces dispositions de la loi 17/2001 visent uniquement les conditions d’enregistrement des marques en droit espagnol et non celles de leur utilisation, au sens de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009.

33      D’autre part, l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques prévoit uniquement une hypothèse dans laquelle une marque espagnole ne peut être enregistrée, sans pour autant régir la protection conférée aux droits de propriété industrielle qu’il mentionne.

34      À cet égard, comme le relèvent à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, le conflit opposant la marque contestée et les dessins industriels antérieurs doit être tranché sur le fondement de la réglementation qui régit les dessins et non comme si les droits invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient des marques. L’approche inverse contreviendrait à l’interprétation littérale de l’article 53, paragraphe 2, sous d), du règlement no 207/2009, qui prévoit qu’une marque de l’Union peut être déclarée nulle si son usage peut être interdit en vertu d’un autre droit antérieur selon le droit national qui « en » régit la protection. L’utilisation du terme « en » renvoie au droit antérieur et non à la marque de l’Union, de sorte que c’est la réglementation gouvernant le droit antérieur qui s’applique au conflit avec la marque de l’Union et non la réglementation relative à l’enregistrement d’une marque nationale.

35      Cette approche est également corroborée par les directives de l’EUIPO, qui, bien qu’elles n’aient pas de valeur contraignante, constituent une source de référence sur la pratique de l’EUIPO en matière de marques (arrêt du 18 septembre 2015, COLOMBIANO HOUSE, T‑387/13, non publié, EU:T:2015:647, point 45). En effet, s’agissant de la réglementation applicable à un conflit opposant une marque de l’Union à un droit de propriété industrielle, les directives de l’EUIPO (Partie D « Annulation », Section 2 « Dispositions matérielles », p. 28) indiquent que, si le droit de propriété industrielle antérieur constitue un dessin ou modèle communautaire, la division d’annulation appliquera les normes applicables en matière de dessin ou modèle. Il convient d’appliquer ce raisonnement, par analogie, à une situation où le droit de propriété industrielle antérieur est protégé par le droit national, tel que dans le cas d’un dessin national, si bien que la réglementation en matière de dessins s’appliquera donc au conflit opposant un dessin national antérieur à une marque de l’Union.

36      Il ressort de ce qui précède, d’une part, que la chambre de recours a considéré à juste titre que les indications et allégations formulées par la requérante dans sa demande en nullité étaient lacunaires en ce que la seule disposition de droit national invoquée ne suffisait pas pour interdire l’usage de la marque contestée.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la règle 37 du règlement no 2868/95 prévoit qu’il incombe au demandeur en nullité de fournir des précisions sur le droit sur lequel est fondée sa demande en nullité ainsi que des éléments démontrant qu’il est titulaire du droit antérieur invoqué ou qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir ce droit.

38      Cette règle fait peser sur le demandeur en nullité la charge de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, points 49 et 50 ; du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 43, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 35).

39      D’autre part, la division d’annulation aurait dû procéder à des recherches plus approfondies sur la portée de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001, afin d’arriver à la conclusion que cette disposition ne s’appliquait pas en l’espèce, à l’instar de ce que la chambre de recours a fait aux points 14 à 18 de la décision attaquée.

40      En effet, s’agissant des obligations auxquelles est soumis l’EUIPO, la Cour a jugé que, dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle de droit national, il incombait, en premier lieu, aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle (arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 51 ; du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 35, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 36).

41      Étant donné que la décision des instances compétentes de l’EUIPO peut avoir pour effet de priver le titulaire de la marque d’un droit qui lui a été conféré, la portée d’une telle décision implique nécessairement que l’instance qui prend celle‑ci ne soit pas limitée à un rôle de simple validation du droit national tel que présenté par le demandeur en nullité (arrêts du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 43, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 36).

42      Il importe en outre de souligner que le contrôle exercé par l’EUIPO doit être effectué à la lumière de l’exigence de garantir l’effet utile du règlement no 207/2009, qui est d’assurer la protection de la marque de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 40).

43      En l’occurrence, comme le relèvent à juste titre l’EUIPO et l’intervenante ainsi que d’ailleurs la requérante elle-même au point 21 de la requête, c’est la loi 20/2003 sur les dessins industriels qui détermine dans quelle mesure un dessin industriel espagnol est protégé et dans quelle situation un signe peut lui porter atteinte.

44      En particulier, l’article 45, paragraphe 1, de la loi 20/2003 sur les dessins industriels prévoit que « [l]’enregistrement d’un dessin confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers n’ayant pas son consentement de l’utiliser [ ; p]ar utilisation au sens de la présente disposition, on entend la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin est incorporé, ou le stockage du produit aux fins précitées », alors que l’article 47 de cette même loi dispose, en son paragraphe 1, que « [l]a protection conférée par le dessin enregistré s’étend à tout dessin qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente » et, en son paragraphe 2, que « [ ; p]our apprécier l’étendue de cette protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ».

45      Or, ce n’est que devant le Tribunal que la requérante invoque, pour la première fois, et à titre surabondant, les dispositions de l’article 45, paragraphe 1, et de l’article 47, paragraphe 1, de la loi 20/2003 sur les dessins industriels, sans pour autant avancer un quelconque argument fondé sur ces dispositions visant à infirmer le raisonnement sur lequel repose la décision attaquée.

46      À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant tant à la partie défenderesse qu’au juge d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 13 mars 2013, Biodes/OHMI – Manasul Internacional (FARMASUL), T‑553/10, non publié, EU:T:2013:126, point 22 et jurisprudence citée].

47      D’autre part, aux termes de l’article 188 du règlement de procédure, les mémoires des parties devant le Tribunal ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, EU:T:2004:190, point 45].

48      Partant, l’invocation des articles 45 et 47 paragraphe 1, de la loi 20/2003 sur les dessins industriels doit être rejetée pour cause d’irrecevabilité.

49      Il y a lieu de conclure, d’une part, que la requérante aurait dû, à l’appui de sa demande en nullité, invoquer la loi 20/2003 sur les dessins industriels et non la loi 17/2001 sur les marques, afin de permettre à la division d’annulation d’apprécier le conflit entre les dessins industriels espagnols antérieurs et la marque contestée. D’autre part, la division d’annulation, en déclarant nulle la marque contestée sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous c), de la loi 17/2001 sur les marques, s’est limitée à une simple validation du droit national, tel que présenté par la requérante, contrairement à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus.

50      Au vu de tout ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du moyen unique.

–       Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait erronément considéré que la division d’annulation a commis un vice de procédure en n’identifiant pas clairement les dessins industriels antérieurs sur lesquels était fondée sa décision

51      S’agissant du second vice de procédure constaté par la chambre de recours, la requérante fait valoir, en substance, que la division d’annulation a bien identifié chacun des six dessins industriels qu’elle avait invoqués.

52      Selon la requérante, le fait que la législation espagnole applicable se limite à interdire l’enregistrement d’une marque si cette dernière constitue une reproduction, une imitation ou une transformation d’un droit antérieur, implique qu’il n’est pas nécessaire de comparer les produits et services en cause. Or, la marque contestée copierait les éléments essentiels des dessins industriels antérieurs et constituerait ainsi une imitation servile ou une transformation de ceux-ci, de sorte que son usage et son enregistrement seraient interdits conformément à la loi espagnole.

53      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

54      Il suffit à cet égard de constater que, comme il a été relevé au point 43 ci-dessus, le conflit opposant les dessins industriels antérieurs à la marque contestée aurait dû être apprécié sur le fondement de la loi 20/2003 sur les dessins industriels.

55      Partant, comme le relève à juste titre l’intervenante, la division d’annulation aurait dû examiner si la marque contestée produit sur l’utilisateur averti la même impression globale que les dessins industriels espagnols antérieurs. Conformément à une jurisprudence bien établie, qui peut être transposée au cas d’espèce au vu du fait que la loi 20/2003 sur les dessins industriels constitue une transposition de la directive 98/71 en droit espagnol (voir, par analogie, ordonnance du 10 mars 2015, Rosa dels Vents Assessoria, C‑491/14, EU:C:2015:161, point 24), la comparaison globale d’un dessin à un autre signe doit se faire par rapport à des dessins antérieurs individualisés et déterminés (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 26).

56      C’est donc sans commettre une erreur de droit que la chambre de recours a estimé, au point 25 de la décision attaquée, que, en se référant de manière globale aux « dessins antérieurs », l’intervenante ne pouvait pas comprendre sur la base de quel droit antérieur la décision attaquée a pu être rendue.

57      Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du moyen unique et, partant, le recours dans son ensemble, doivent être rejetés, sans qu’il soit besoin de statuer sur le chef de conclusions de l’intervenante tendant à ce que le Tribunal rejette le recours comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      Menta y Limón Decoración, SL, est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.