DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
22 juin 2018 (*) (1)
« Référé – Produits phytopharmaceutiques – Substance active diflubenzuron – Conditions d’approbation de mise sur le marché – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence – Mise en balance des intérêts »
Dans l’affaire T‑476/17 R,
Arysta LifeScience Netherlands BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes C. Mereu et M. Grunchard, avocats,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. A. Lewis, I. Naglis et Mme G. Koleva, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution du règlement d’exécution (UE) 2017/855 de la Commission, du 18 mai 2017, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active diflubenzuron (JO 2017, L 128, p. 10),
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
rend la présente
Ordonnance
Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties
1 La requérante, Arysta LifeScience Netherlands BV, est une société qui développe, fabrique et vend des produits chimiques dans le domaine de l’agrochimie et de la chimie fine. Ses produits agrochimiques comprennent des herbicides, des fongicides et des insecticides, y compris des produits à base de diflubenzuron ainsi que des nutriments et des stimulants.
2 La substance en cause, le diflubenzuron, est un acaricide-insecticide (régulateur de la croissance des insectes) utilisé pour lutter contre de nombreuses larves d’insectes phytophages s’attaquant aux végétaux agricoles, forestiers et ornementaux (par exemple bombyx disparate, larves de moustiques ou phytoptes). Le diflubenzuron est principalement employé pour traiter les cultures de fruits à pépins, d’agrumes, de coton, de champignons et de plantes ornementales, ainsi qu’en sylviculture et dans les programmes de lutte contre les larves de moustique et les populations de bombyx disparate.
3 Conformément à la procédure d’inscription des substances actives des produits phytopharmaceutiques mise en place par la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1), le diflubenzuron a été ajouté à l’annexe I de la directive 91/414 par la directive 2008/69/CE de la Commission, du 1er juillet 2008, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire les substances actives clofentézine, dicamba, difénoconazole, diflubenzuron, imazaquine, lénacile, oxadiazon, piclorame et pyriproxyfène (JO 2008, L 172, p. 9).
4 Conformément à la directive 2010/39/UE de la Commission, du 22 juin 2010, modifiant l’annexe I de la directive 91/414 en ce qui concerne les dispositions spécifiques relatives aux substances actives clofentézine, diflubenzuron, lénacile, oxadiazon, piclorame et pyriproxyfène (JO 2010, L 156, p. 7), des informations complémentaires ont été demandées à la requérante concernant la génotoxicité potentielle des impuretés et du métabolite 4‑chloroaniline (ci-après la « PCA ») et fournies par cette dernière au mois de juin 2011.
5 Après avoir reçu et analysé ces informations, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu ses conclusions le 7 septembre 2012 estimant qu’il avait été répondu aux préoccupations relatives à la PCA en tant qu’impureté et métabolite du diflubenzuron, en dépit de ses propriétés génotoxiques. Cependant, l’EFSA a identifié une nouvelle difficulté, relative à l’exposition potentielle au PCA en tant que résidu.
6 Un projet de rapport d’évaluation, un addendum et les conclusions de l’EFSA ont été examinés par les États membres et la Commission européenne au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale. Le rapport d’évaluation a été finalisé le 16 juillet 2013. Le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale a ensuite produit un rapport d’examen révisé de la substance en cause.
7 Conformément à l’article 21 du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 (JO 2009, L 309, p. 1), la Commission a décidé de réexaminer l’approbation de la substance en cause et en a informé la requérante le 18 juillet 2013. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a présenté des informations complémentaires concernant la préoccupation relative à l’exposition potentielle à la PCA en tant que résidu.
8 Le 21 décembre 2015, une procédure de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du diflubenzuron a été entamée. Cette procédure est actuellement en cours et fait l’objet d’une évaluation par la République hellénique agissant en qualité d’État membre rapporteur désigné.
9 Dans le cadre de la procédure de réexamen au titre de l’article 21 du règlement no 1107/2009, l’EFSA a rendu sa conclusion le 11 décembre 2015.À la suite de discussions lors de plusieurs réunions du comité permanent, la Commission a communiqué le projet de rapport d’examen à la requérante au mois de septembre 2016.Le 8 décembre 2016, la requérante s’est vu communiquer le projet de règlement d’exécution pour être discuté lors de la réunion du comité permanent du mois de décembre 2016.
10 Le projet de rapport d’évaluation, l’addendum et la conclusion de l’EFSA ont été examinés par les États membres et la Commission au sein du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux et finalisés le 23 mars 2017 sous la forme du rapport d’examen de la Commission pour la substance en cause.
11 Le 18 mai 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/855 modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active diflubenzuron (JO 2017, L 128, p. 10, ci-après le « règlement attaqué »).
12 Le règlement attaqué impose des restrictions supplémentaires limitant l’utilisation du diflubenzuron en tant que substance active dans les produits phytopharmaceutiques. En particulier, son utilisation en tant qu’insecticide est strictement limitée aux cultures non comestibles. Cette mesure constitue une nouvelle restriction, car, conformément à la directive 2008/69, l’emploi du diflubenzuron était déjà limité, mais seulement en tant qu’insecticide, sans autre précision.
13 Conformément à son article 2, le règlement attaqué impose aux États membres de modifier ou de retirer les autorisations existantes des produits phytopharmaceutiques contenant du diflubenzuron au plus tard le 8 septembre 2017. L’article 3 prévoit un « délai de grâce » d’une année au maximum.
14 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juillet 2017, la requérante a demandé au Tribunal d’annuler le règlement attaqué.
15 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 septembre 2017, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– surseoir à l’exécution du règlement attaqué conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal en attendant que le Tribunal statue sur le recours principal ;
– à titre subsidiaire, surseoir à l’exécution du règlement attaqué conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure dans l’attente du résultat de l’évaluation effectuée dans le cadre de la procédure de renouvellement de l’approbation de la substance en cause ;
– ordonner toute mesure provisoire qu’il jugera appropriée et audience qu’il jugera nécessaire ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 18 septembre 2017, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande de mesures provisoires ;
– réserver les dépens.
En droit
Considérations générales
17 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256 , paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).
18 L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
19 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
20 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
21 Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les explications orales des parties.
22 Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
Sur l’urgence
23 Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit, de manière générale, s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).
24 En outre, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave et irréparable redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 23 mars 2017, Gollnisch/Parlement, T‑624/16, non publiée, EU:T:2017:243, point 25 et jurisprudence citée).
25 Par ailleurs, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».
26 Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).
27 Il est également de jurisprudence constante que, pour pouvoir apprécier si toutes les conditions mentionnées aux points 23, 24 et 26 ci-dessus sont remplies, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée).
28 Enfin, si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête déposée dans l’affaire principale ou dans les annexes de cette dernière qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure, qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).
29 C’est à la lumière de ces critères qu’il convient d’examiner si la requérante parvient à démontrer l’urgence.
30 La requérante invoque, en substance, un préjudice grave et irréparable du fait du risque d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices, du risque de perte de parts de marché, d’incidences sur l’un de ses sites de production et d’atteinte à sa réputation.
Sur le caractère grave du préjudice
31 En premier lieu, en ce qui concerne le préjudice allégué du fait du risque d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices, la requérante estime que, en raison du règlement attaqué, elle subira une perte importante de chiffre d’affaires et de bénéfices. À cet égard, il convient donc de relever que la nature du préjudice allégué est d’ordre purement financier.
32 Or, s’agissant de la gravité du préjudice financier invoqué, il est de jurisprudence bien établie que la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International et Pace International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 42 et jurisprudence citée).
33 Premièrement, il est de jurisprudence constante que l’analyse de la gravité d’un tel préjudice doit s’effectuer au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [voir ordonnance du 15 novembre 2011, Xeda International/Commission, T‑269/11 R, non publiée, EU:T:2011:665, point 20 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), EU:C:1998:166, point 36 et jurisprudence citée].
34 En outre, il y a lieu de rappeler que, toujours selon une jurisprudence constante, il a été jugé que, d’une part, s’agissant d’une perte correspondant à une part inférieure à 10 % du chiffre d’affaires d’entreprises actives sur des marchés hautement réglementés, les difficultés financières que ces dernières risquaient de subir n’apparaissaient pas de nature à mettre en péril leur existence même [ordonnance du 15 novembre 2011, Xeda International/Commission, T‑269/11 R, non publiée, EU:T:2011:665, point 21 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 106] et, d’autre part, s’agissant d’une perte représentant près des deux tiers du chiffre d’affaires de ces entreprises, tout en admettant que les difficultés financières causées à celles-ci aient pu être de nature à mettre en péril leur existence, il a néanmoins été souligné que, dans un secteur hautement réglementé qui requiert souvent des investissements importants et où les autorités compétentes peuvent être conduites à intervenir lorsque des risques pour la santé publique apparaissent, pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles par les entreprises concernées, il incombait à ces dernières, sauf à devoir supporter elles-mêmes le préjudice résultant d’une telle intervention, de se prémunir contre les conséquences de celle-ci par une politique appropriée [voir ordonnance du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:462, point 29 et jurisprudence citée].
35 En l’espèce, la requérante fournit, d’une part, les chiffres reproduits dans le tableau 1 reproduit ci-après en ce qui concerne les ventes de la substance en cause à des fins comestibles et, d’autre part, les chiffres reproduits dans le tableau 2 reproduit ci-après en ce qui concerne le bénéfice tiré des ventes de la substance en cause pour une utilisation comestible.
Tableau 1
| % chiffre d’affaires du groupe | % chiffre d’affaires de la requérante |
2016 | UE : 0,04 % hors UE : 0,50 % | UE : 0,11 % hors UE : 1,2 % |
2015 | UE : 0,08 % hors UE : 0,83 % | UE : 0,17 % hors UE : 1,8 % |
Tableau 2
| % bénéfice brut du groupe | bénéfice brut de la requérante |
2016 | UE : 0,06 % Hors UE : 0,70 % | UE : 0,15 % hors UE : 1,8 % |
2015 | UE : 0,13 % hors UE : 1,2 % | UE : 0,31 % hors UE : 3,0 % |
36 Au regard de ces données, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 34 ci-dessus, une perte correspondant à une part inférieure à 10 % du chiffre d’affaires n’apparaît pas être de nature à mettre en péril l’existence même de l’entreprise ou du groupe concerné.
37 Le chiffre d’affaires comme le bénéfice généré par la vente de la substance en cause pour l’utilisation prohibée par le règlement attaqué représentent donc une faible partie du chiffre d’affaires ou du bénéfice brut de la requérante ou de celui du groupe auquel elle appartient [voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 105].
38 Dès lors, la seule perte de son chiffre d’affaires ou des bénéfices générés de ces ventes ne saurait être suffisante pour considérer le préjudice allégué comme étant grave au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus.
39 Deuxièmement, comme cela a été souligné par la requérante, il a cependant été admis, dans l’ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission (T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 69), que, dans l’évaluation de la gravité du préjudice, le juge des référés ne saurait se borner à recourir, de manière mécanique et rigide, aux seuls chiffres d’affaires pertinents, mais il lui appartient également de tenir compte des circonstances propres à chaque espèce et de les mettre en rapport, au moment de l’adoption de sa décision, avec le préjudice causé en termes de chiffres d’affaires.
40 Dans le cadre de l’analyse de la gravité du préjudice dans cette affaire, il a ainsi été tenu compte de l’importante crise économique et financière que l’économie mondiale subissait depuis des mois et qui affectait la valeur du groupe auquel appartenait la requérante. Le juge des référés en a conclu que, compte tenu de ces circonstances particulières, la requérante avait établi la gravité du préjudice qu’elle subirait si les mesures provisoires demandées n’étaient pas accordées.
41 Force est de constater que la requérante ne se prévaut pas d’une telle situation exceptionnelle.
42 Néanmoins, bien que la requérante ne procède pas à une identification claire des circonstances qui, dans le cas d’espèce, seraient pertinentes dans le cadre de l’examen de la gravité de son préjudice, il semble que, au sein de ses développements relatifs à cet aspect du préjudice, elle avance un certain nombre d’éléments qui pourraient être considérés comme relevant desdites circonstances propres au cas d’espèce.
43 Il convient, dès lors, d’examiner ses allégations concernant les conséquences envisagées sur son activité liée au diflubenzuron du fait, d’une part, de l’application de la législation brésilienne 7.802/89 et, d’autre part, de la fixation d’une nouvelle limite maximale de résidus (ci‑après la « LMR »).
44 Ainsi, la requérante souligne, dans un premier temps, que la constatation que la substance en cause produit de la PCA en tant que composant des produits destinés à une utilisation finale déclenche l’application de la législation brésilienne 7.802/89 qui prévoit, en substance, l’interdiction d’enregistrer des pesticides ou leurs composants qui, selon les résultats actualisés de la communauté scientifique, présentent des caractéristiques tératogènes, cancérogènes ou mutagènes. Par conséquent, elle estime que son chiffre d’affaires et son bénéfice brut générés par ses ventes de la substance en cause pour les utilisations comestibles au Brésil, dont les rapports, d’une part, aux chiffres des ventes mondiales de la requérante et du groupe de celle-ci et, d’autre part, aux bénéfices bruts de la requérante et du groupe de celle-ci sont reproduits respectivement dans les tableaux 3 et 4 reproduits ci-après pour les années 2016 et 2015, seront perdus.
Tableau 3
| % chiffre d’affaires du groupe | % chiffre d’affaires de la requérante |
2016 | 0,25 % | 0,61 % |
2015 | 0,36 % | 0,76 % |
Tableau 4
| % bénéfice brut du groupe | bénéfice brut de la requérante |
2016 | 0,29 % | 0,75 % |
2015 | 0,50 % | 1,2 % |
45 À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, de manière générale, la diminution des ventes dans des pays non membres de l’Union comme conséquence de l’adoption d’un règlement interdisant ou limitant l’utilisation d’une substance du fait que certains pays tiers suivraient la réglementation de l’Union ne peut être prise en compte dans l’appréciation de la gravité du préjudice allégué, car de telles mesures seraient la conséquence directe non pas du règlement attaqué, mais d’une décision prise par les autorités de chaque pays tiers dans l’exercice de leur pouvoir souverain (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 56 et jurisprudence citée).
46 Ensuite, il convient de constater que la requérante n’a pas établi que les mesures provisoires sollicitées, à supposer qu’elles soient accordées, empêcheraient les autorités brésiliennes d’interdire la vente du diflubenzuron à des fins comestibles sur leur territoire. Dès lors, elle n’a pas démontré que le sursis à l’exécution du règlement attaqué serait de nature à empêcher la réalisation du préjudice allégué (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 56 et jurisprudence citée).
47 Enfin, il apparaît que la concrétisation de cette crainte est hypothétique dans la mesure où la requérante dispose d’une étude du 28 février 2017, effectuée conformément aux dernières recommandations, confirmant l’absence de potentiel génotoxique de la PCA (« Essai de mutation in vivo au locus cII sur des rats transgéniques F344 Big Blue® et analyse micronucléique du sang périphérique »). Par conséquent, des doutes raisonnables peuvent être nourris quant à l’appréciation finale des autorités brésiliennes concernant la génotoxicité du diflubenzuron dans la mesure où il est permis de penser que, au regard de cette étude, ces dernières estimeront que les résultats actualisés de la communauté scientifique ne penchent pas en faveur d’une interdiction. L’aspect du préjudice allégué à cet égard ne peut qu’être de nature incertaine, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 24 ci-dessus.
48 Par conséquent, les conséquences envisagées par la requérante sur son activité liée au diflubenzuron du fait de l’application de la législation brésilienne 7.802/89 ne constitue pas une circonstance particulière permettant de conclure à la gravité du préjudice.
49 La requérante soutient, dans un second temps, que, conformément au règlement no 1107/2009 et au règlement (CE) n° 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414 (JO 2005, L. 70, p. 1), à la suite d’une décision défavorable concernant une substance active (tel que le règlement attaqué), l’EFSA fixera une nouvelle LMR de 0,01 % (dite « limite de détection »), ce qui reviendrait à empêcher l’importation dans l’Union des produits traités avec du diflubenzuron en dehors de l’Union, car ils ne respecteront plus la nouvelle limite de détection. Elle estime, par conséquent, que les ventes de la substance en cause s’effondreront en dehors de l’Union, ce qui aura une incidence directe sur ses propres ventes dans ces régions.
50 À cet égard, il suffit de relever que le préjudice prétendument subi à cause de cette nouvelle LMR ne serait pas une conséquence directe de du règlement attaqué. En effet, la procédure au sein de l’Union de la fixation de LMR est indépendante de la limitation de l’utilisation du diflubenzuron. Il s’ensuit que les allégations de la requérante concernant la problématique des LMR sont dénuées de pertinence dans le présent contexte (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 58 et jurisprudence citée).
51 Par conséquent, les conséquences envisagées par la requérante sur son activité liée au diflubenzuron du fait de la fixation d’une nouvelle LMR ne constitue pas une circonstance particulière permettant de conclure à la gravité du préjudice.
52 Force est donc de constater que le cas d’espèce ne présente aucune circonstance particulière qui, appréciée au regard des chiffres d’affaires pertinents, conduise le juge des référés à conclure à la gravité du préjudice allégué du fait du risque d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices.
53 En deuxième lieu, en ce qui concerne la gravité du préjudice allégué du fait du risque de perte de ses parts de marché, la requérante affirme que sa part de marché, qu’elle estime à 1,8 % sur le marché des cultures comestibles dans l’Union et à 23,8 % si seule la famille des régulateurs de croissance des insectes est prise en compte, sera perdue au profit de ses concurrents.
54 À cet égard, il convient de relever que le préjudice allégué est également d’ordre purement financier. En effet, il est de jurisprudence constante que la part de marché détenue par une entreprise ne désigne que le pourcentage de tous les produits présents sur le marché en cause qui ont été vendus par cette entreprise à la clientèle au cours d’une période de référence déterminée. Par conséquent, la perte de cette part de marché consiste en la perte des revenus susceptibles d’être tirés à l’avenir des ventes du produit en cause. Une part de marché se traduit donc, à l’évidence, en des termes financiers, son détenteur ne pouvant en bénéficier que dans la mesure où elle lui procure des revenus (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International et Pace International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 41 et jurisprudence citée).
55 S’agissant de la gravité du préjudice financier invoqué, comme il a été rappelé au point 32 ci-dessus, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale.
56 En l’espèce, il ne ressort ni des écritures ni de l’analyse des chiffres fournis par la requérante (voir points 35 à 38 ci-dessus) que l’existence de cette dernière serait menacée.
57 En revanche, il semble que la requérante estime que, à défaut de sursis à exécution, il serait porté irrémédiablement atteinte à sa part de marché dans la mesure où elle ferait face à d’importants obstacles juridiques et réglementaires au regard des règles applicables.
58 Or, si, dans la jurisprudence, il a également été tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire sollicitée, les parts de marché de la partie qui sollicite ladite mesure seraient modifiées de manière irrémédiable, il doit être précisé que ce cas de figure ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec celui du risque de la disparition du marché et justifier l’adoption de la mesure provisoire demandée que si la modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave. Il ne suffit donc pas qu’une part de marché risque d’être irrémédiablement perdue par une entreprise, mais il importe que cette part de marché soit suffisamment importante au regard, notamment, de la taille de cette entreprise, compte tenu des caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat (voir ordonnance du 30 avril 2010, Xeda International et Pace International/Commission, T‑71/10 R, non publiée, EU:T:2010:173, point 43 et jurisprudence citée).
59 À cet égard, il a été indiqué que, d’une part, cette activité n’apparaît pas être d’une ampleur suffisante pour considérer le préjudice allégué comme étant grave (voir point 38 ci-dessus) et, d’autre part, la requérante n’avait présenté aucune circonstance particulière conduisant le juge des référés à apprécier différemment la gravité de ce préjudice.
60 Dès lors, la seule perte de ses parts de marché relatives à ses activités liées au diflubenzuron pour une utilisation comestible ne saurait être suffisante pour considérer le préjudice allégué comme étant grave au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus.
61 En troisième lieu, en ce qui concerne la gravité du préjudice allégué du fait du risque d’incidence sur l’un de ses sites de production, la requérante précise qu’elle fabrique exclusivement la substance en cause sur un site de production situé à Ankerweg (Pays-Bas), en grande partie dévolu à la production de la substance en cause pour une utilisation à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union. La perte de l’étiquette « pour cultures comestibles » du diflubenzuron dans l’Union signifierait une perte de 618 859 euros d’absorption des coûts de production, ce qui représenterait 89,7 % de la totalité de l’absorption des coûts et une perte de volume de 36 735 kg, soit 95 % du volume dans l’Union. Par conséquent, l’incidence de la perte des volumes de diflubenzuron pour cultures comestibles signifierait que l’ensemble des produits restants devrait absorber ce coût de 618 859 euros, ce qui augmenterait les coûts et réduirait la compétitivité sur le marché de l’Union et les autres marchés mondiaux pour l’ensemble des autres produits.
62 En outre, dans le cadre de ses développements relatifs au caractère irréparable du préjudice allégué du fait du risque d’incidence sur l’un de ses sites de production, la requérante invoque un certain nombre d’éléments qui, en fait, relève de l’appréciation de la gravité du préjudice. En effet, elle souligne qu’environ 25 employés du site de production actuel sont affectés à la substance en cause et aux produits formulés à base de diflubenzuron, que la viabilité de ce site est menacée étant donné que les produits destinés aux cultures comestibles dans l’Union absorbent 618 859 euros (ou 16,7 %) du total de 3 699 373 euros des coûts de production de diflubenzuron du site d’Ankerweg, même si leur volumereprésente 8,4 % du volume total. Par ailleurs, elle rappelle notamment que la révision de la LMR pour les produits comestibles aurait une incidence significative sur les produits vendus sur les marchés clés dans le monde et que, étant donné que la production totale de diflubenzuron représenterait environ 30 % du volume et absorberait environ 30 % des coûts du site d’Ankerweg, une réduction ou une perte des produits vendus sur le marché mondial aurait une incidence significative sur la viabilité dudit site.
63 Il ressort donc de ce qui précède que le préjudice allégué du fait de l’incidence envisagée du règlement attaqué sur le site de production situé à Ankerweg est de nature pécuniaire.
64 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 32 ci-dessus, s’agissant de la gravité d’un tel préjudice, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui la sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale.
65 Or, premièrement, la crainte de la requérante ne porte pas sur la mise en péril de son existence, mais sur la viabilité d’un site de production. À cet égard, contrairement à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus, la requérante ne fournit aucun élément permettant de conclure à une menace quelconque de sa survie du fait des risques allégués quant à la viabilité du site.
66 Deuxièmement, le site concerné produit la substance en cause non pas exclusivement pour une utilisation à l’intérieur de l’Union, mais également à l’extérieur de l’Union. Dans la mesure où la requérante souligne les effets éventuels de la fixation d’une nouvelle LMR pour les produits comestibles sur ses ventes dans le monde, il suffit de renvoyer au motif exposé au point 50 ci-dessus pour écarter la pertinence de cet argument.
67 Troisièmement, contrairement à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus, la requérante ne fournit pas au juge des référés des éléments essentiels lui permettant d’examiner la gravité des incidences alléguées, tels que des informations quant aux possibilités de réaffectation du personnel concerné ou de reconversion des processus de fabrication de sa chaîne de production au sein de ce site. De la même manière, la Commission relève, à juste titre, que la requérante n’a pas démontré que ce site de production ne pouvait pas servir à la fabrication d’un des nombreux autres produits phytopharmaceutiques qu’élabore le groupe de la requérante.
68 Dès lors, les seules incidences sur l’un de ses sites de production ne sauraient être suffisantes pour considérer le préjudice allégué comme étant grave au sens de la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus.
69 Par conséquent, la requérante n’a pas démontré la gravité du préjudice financier allégué du fait du risque, tout d’abord, d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices, ensuite, de perte de parts de marché et, enfin, d’incidences sur l’un de ses sites de production.
70 Par ailleurs, il convient de souligner que, s’il ressort de la jurisprudence qu’il ne saurait être exclu qu’un préjudice financier objectivement considérable et résultant prétendument de l’obligation d’exercer définitivement un choix commercial important dans un délai inopportun puisse être considéré comme « grave », voire que la gravité d’un tel préjudice puisse être considérée comme évidente, même en l’absence d’informations concernant la taille de l’entreprise concernée [voir, en ce sens, ordonnance du 7 mars 2013, EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, point 33], la requérante n’avance aucun élément spécifique à cet égard. Or, il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, ces éléments. Par conséquent, le préjudice allégué du fait du risque d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices, de perte de parts de marché et d’incidences sur l’un de ses sites de production ne peut être qualifiée de préjudice financier objectivement considérable au sens de cette jurisprudence.
71 En quatrième lieu, en ce qui concerne la gravité du préjudice allégué du fait du risque d’atteinte à sa réputation, la requérante avance que le règlement attaqué portera une atteinte généralisée à sa réputation, à la réputation de ses produits à base de diflubenzuron et à la réputation de sa marque principale Dimilin ainsi qu’au type de formulation liées à ces produits.
72 Premièrement, dans la mesure où la requérante craint que le règlement attaqué, d’une part, ne compromette sa réputation en général, la réputation de ses produits à base de diflubenzuron et de sa marque principale Dimilin, ainsi qu’au type de formulation liées à ces produits en stigmatisant le diflubenzuron, et d’autre part, ne remette plus généralement en cause son expérience dans le domaine des produits phytopharmaceutiques, son aptitude à fournir des produits sûrs de qualité élevée et conduise à un effet d’entraînement négatif sur la réputation d’autres produits fabriqués par elle, en particulier dans le domaine phytopharmaceutique, il convient de relever que le retrait d’un produit phytopharmaceutique du marché – et, a fortiori, l’imposition d’une limitation dans son champ d’utilisation – n’est pas nécessairement préjudiciable à la réputation de l’entreprise concernée toute entière. À cet égard, il est notoire que de nombreuses entreprises actives sur le marché en cause ont déjà vu leurs produits retirés du marché, sans que ces entreprises ou leurs produits puissent pour autant être considérés comme stigmatisés. Les autorités réglementaires et les opérateurs du secteur concerné, qui sont familiarisés avec le cadre réglementaire, ont plutôt tendance à percevoir une décision de non-autorisation d’un produit phytopharmaceutique comme faisant normalement partie d’une procédure réglementaire. En effet, une telle décision peut être regardée comme étant le simple résultat de l’évolution scientifique et de l’amélioration des méthodes de recherche (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2011, Xeda International/Commission, T‑269/11 R, non publiée, EU:T:2011:665, point 43 et jurisprudence citée).
73 Deuxièmement, il convient de relever que, si une atteinte à la réputation de la requérante résultait effectivement de l’adoption du règlement attaqué, celle-ci aurait déjà été provoquée au jour de l’adoption de ce règlement et durerait aussi longtemps que ce dernier ne serait pas annulé par la décision se prononçant sur le recours principal (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2011, Xeda International/Commission, T‑269/11 R, non publiée, EU:T:2011:665, point 42 et jurisprudence citée).
74 Troisièmement, la requérante invoque la sensibilité particulière du secteur de la santé. Cependant, étant donné que le règlement attaqué a été adopté à l’issue d’une procédure administrative complexe d’une durée de plusieurs années, à laquelle ont participé des experts scientifiques et des professionnels du secteur concerné, un sursis à l’exécution de ce règlement ordonné par le juge des référés à titre purement provisoire et dans le cadre d’une procédure sommaire ne serait guère de nature à dissiper les éventuels doutes quant au bien-fondé de l’absence de dangerosité du diflubenzuron sur le marché des cultures comestibles (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2011, Xeda International/Commission, T‑269/11 R, non publiée, EU:T:2011:665, point 42 et jurisprudence citée). À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus, la requérante n’explique pas dans quelle mesure le cas d’espèce priverait ces constatations de leur pertinence et, en particulier, elle ne précise pas dans quelle mesure un sursis à l’exécution du règlement attaqué viendrait mettre fin aux craintes qui ont déjà pu être générées par la publication de l’évaluation du diflubenzuron par l’État membre rapporteur et par l’EFSA et les conclusions notamment en ce qui concerne la génotoxicité de la PCA, documents consultables depuis de nombreuses années.
75 De la même manière, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle il est très probable que le règlement attaqué pèsera gravement sur la confiance des consommateurs dans les produits à base de diflubenzuron et qu’il sera source d’importantes préoccupations dans l’esprit des consommateurs au sujet de son innocuité, il ne ressort pas des éléments du dossier qu’une suspension à titre provisoire ordonnée par le juge des référés serait une mesure qui permettrait d’empêcher une telle perte de confiance. À cet égard, la requérante se contente d’affirmer que, si le maintien dudit règlement est autorisé, la stigmatisation attachée à la substance en cause en raison de la limitation imposée par ce règlement risque de s’accroître avec le temps. Or, comme il a été souligné au point 73 ci-dessus, l’identification de la dangerosité du diflubenzuron sur le marché des cultures comestibles et la communication de cette information au public est antérieure à l’adoption du règlement attaqué.
76 En cinquième et dernier lieu, il convient de souligner que, comme il a été indiqué au point 34 ci-dessus, dans le cadre d’un marché hautement réglementé, tel que celui en l’espèce, et susceptible de faire l’objet d’une intervention rapide des autorités compétentes lorsque des risques pour la santé publique apparaissent, pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles, il incombe aux entreprises concernées, sauf à devoir supporter elles-mêmes le préjudice résultant d’une telle intervention, de se prémunir contre les conséquences de celle-ci par une politique appropriée [voir ordonnance du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:462, point 29 et jurisprudence citée].
77 En l’espèce, au plus tôt le 7 septembre 2012, lors de la remise des conclusions de l’EFSA identifiant une nouvelle difficulté, relative à l’exposition potentielle à la PCA en tant que résidu (voir point 5 ci‑dessus), ou, à tout le moins, le 18 juillet 2013, lorsque la Commission a informé la requérante de la décision de réexaminer l’approbation de la substance en cause conformément à l’article 21 du règlement no 1107/2009 (voir point 7 ci-dessus), la requérante disposait d’informations sur la base desquelles il relevait de sa diligence de prendre les mesures appropriées pour se prémunir des risques éventuels de limitations de l’utilisation du diflubenzuron, conformément à la jurisprudence rappelée au point 76 ci-dessus. En outre, il doit être relevé que la présente demande en référé ne contient aucune indication à cet égard. D’ailleurs, l’ensemble de ces considérations sont pertinentes même s’il était reconnu, comme la requérante l’affirme dans sa demande, que ce n’est qu’à partir du mois de juillet 2015 qu’elle aurait pu avoir des raisons de répondre aux préoccupations concernant la génotoxicité du métabolite.
78 Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n’a pas établi la gravité du préjudice allégué.
Sur le caractère irréparable du préjudice
79 Par ailleurs, il n’apparaît pas non plus que le préjudice allégué en l’espèce puisse être qualifié d’irréparable.
80 Premièrement, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable ou même difficilement réparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [voir ordonnances du 28 novembre 2013, EMA/InterMune UK e.a., C‑390/13 P(R), EU:C:2013:795, point 48 et jurisprudence citée, et du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 33 et jurisprudence citée].
81 Dans l’hypothèse d’un tel préjudice, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (ordonnance du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, EU:T:2002:294, point 84). L’imminence de la disparition du marché constituant effectivement un préjudice tant irrémédiable que grave, l’adoption de la mesure provisoire demandée apparaît justifiée dans une telle hypothèse (voir ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 34 et jurisprudence citée).
82 En l’espèce, il ressort de l’analyse effectuée par le juge des référés aux points 31 à 52 ci-dessus, en ce qui concerne le préjudice allégué du fait du risque d’atteinte négative à son chiffre d’affaires et à ses bénéfices, que la requérante ne se trouve pas dans une telle situation.
83 De la même manière, en ce qui concerne les arguments soulevés au regard de la viabilité du site de production situé à Ankerweg, il a déjà été conclu que la présente demande en référé ne contenait pas des éléments essentiels tels que des informations quant aux possibilités de réaffectation du personnel concerné ou de reconversion des processus de fabrication de sa chaîne de production au sein de ce site. Or, de telles informations sont nécessaires à l’examen par le juge des référés du caractère irréparable du préjudice allégué. En tout état de cause, seule la survie de la requérante est pertinente dans le cadre de l’appréciation du caractère irréparable du préjudice, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 81 ci-dessus. Or, comme il a été indiqué au point 65 ci‑dessus, la crainte de la requérante ne porte pas sur la mise en péril de son existence, mais sur la viabilité d’un site de production.
84 Deuxièmement, comme il a été rappelé au point 58 ci-dessus, s’il a également été tenu compte du fait que, en l’absence de la mesure provisoire sollicitée, les parts de marché de la requérante seraient modifiées de manière irrémédiable, il doit être précisé que ce cas de figure ne saurait être mis sur un pied d’égalité avec celui du risque de la disparition du marché et justifier l’adoption de la mesure provisoire demandée que si la modification irrémédiable des parts de marché présente aussi un caractère grave. Il ne suffit donc pas qu’une part de marché risque d’être irrémédiablement perdue par une entreprise, mais il importe que cette part de marché soit suffisamment importante au regard, notamment, de la taille de cette entreprise, compte tenu des caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat. Une partie requérante qui se prévaut de la perte d’une telle part de marché doit démontrer, en outre, que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de cette part de marché (voir ordonnance du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée, EU:T:2009:124, point 35 et jurisprudence citée).
85 En l’espèce, il a été conclu à l’absence d’importance des parts de marché dont la requérante craint la perte (voir point 60 ci-dessus). En tout état de cause, la requérante n’a pas démontré, à suffisance de droit, l’existence d’obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchant de reconquérir une fraction appréciable de cette part de marché.
86 À cet égard, la requérante affirme, tout d’abord, que, si le recours principal est accueilli, une campagne de publicité ne saurait raisonnablement permettre de rétablir la part de marché qu’elle détient actuellement et elle devrait « surmonter la publicité négative » créée par le règlement attaqué. Elle estime ne pas être en mesure de mettre en place une campagne de publicité à gros budget (ou une action équivalente) pour lutter contre toute perception négative dès lors que ni elle ni le groupe auquel elle appartient dans son ensemble ne dispose de moyens suffisants pour financer une telle activité.
87 Cependant, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus, il appartient à la partie qui sollicite les mesures provisoires de fournir au juge des référés les éléments d’informations nécessaires à l’appréciation qu’il lui revient d’effectuer s’agissant notamment du caractère irréparable du préjudice allégué. Ainsi, de simples affirmations ne sauraient suffire à satisfaire ces critères prétoriens. Or, en l’espèce, aucun des documents mis à la disposition du juge des référés ne permet, à première vue, d’entériner les affirmations de la requérante quant à son impossibilité de recouvrir lesdites parts de marché. La requérante se borne, en effet, à alléguer des difficultés pour récupérer des parts de marché à cause d’une éventuelle perte de confiance dans ses produits sans cependant établir l’existence d’obstacles de nature structurelle ou juridique qui l’empêcherait de recouvrer cette confiance tant auprès de ses clients qu’auprès des consommateurs et, ainsi, de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché à la suite de la mise en place, notamment, de mesures appropriées de publicité auprès de ceux-ci [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2001, Commission/Gerot Pharmazeutika, C‑479/00 P(R), EU:C:2001:224, point 92]. C’est ainsi que la requérante se limite à affirmer purement et simplement l’absence de moyen suffisants tant pour elle que pour le groupe auquel elle appartient en vue de financer une telle activité.
88 En outre, pour démontrer la nécessaire réaction négative des clients, la requérante tire argument des conséquences présumées de l’envoi d’un courriel de la société Audax, à la suite de la publication du règlement attaqué, qui consisteraient en l’inscription de la substance en cause sur une liste négative pour les supermarchés auxquels Audax apporte son soutien. Elle n’envisage pas, néanmoins, les conséquences qu’aura, au cas où il serait fait droit à son recours dans la procédure principale, l’envoi d’un courriel similaire pour prévenir les mêmes clients de l’annulation du règlement attaqué. Or, si le simple envoi d’un tel courriel peut avoir les conséquences négatives avancées par la requérante, il semble qu’un même envoi afin d’informer du bien-fondé du recours de la requérante pourrait avoir des conséquences de nature à effacer lesdites conséquences.
89 Ensuite, la requérante estime que, même si elle pouvait inventer une nouvelle substance de substitution, elle ferait face à d’importants obstacles juridiques et réglementaires au regard des règles applicables, tels que l’exigence de produire un dossier scientifique de données complet démontrant l’innocuité de la substance de substitution, l’examen de ce dossier et la procédure réglementaire d’approbation, la durée totale de la procédure étant d’environ dix ans. En outre, l’enregistrement d’un produit coûterait environ entre 1,5 et 2 millions d’euros en moyenne, en fonction de la diversité des cultures souhaitée pour l’étiquette du produit et de l’étape du cycle de renouvellement de l’approbation de la (des) substance(s) active(s) du produit.
90 À cet égard, il convient de noter que, au regard de la durée moyenne des procédures devant le Tribunal, la décision au fond dans la présente affaire sera vraisemblablement rendu dans un délai de deux ans (voir, en ce sens, ordonnance du 21 juillet 2017, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission, T‑130/17 R, EU:T:2017:541, point 47). Dès lors, la requérante sera fixée sur la légalité du règlement attaqué bien avant la durée nécessaire à l’approbation d’une éventuelle substance de substitution. Dans ce contexte, il doit être relevé que la requérante n’a pas demandé l’application de la procédure accélérée prévue aux articles 151 et suivants du règlement de procédure. En outre, conformément à l’article 3 du règlement attaqué, elle bénéficie potentiellement d’un « délai de grâce » jusqu’au 8 septembre 2018 pendant lequel les États membres peuvent maintenir les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant du diflubenzuron. De plus, comme elle le souligne dans sa demande, une procédure de renouvellement, soumise à des délais stricts, est en cours et pourrait aboutir, dès l’année 2018, à la conclusion de l’absence de potentiel génotoxique du métabolite. De l’avis de la Commission, la date de clôture de cette procédure devrait intervenir peu avant le 30 juin 2019. Par conséquent, l’absence de produit de substitution dans le portefeuille de substance de la requérante ne semble pas être un élément pertinent quant au caractère irréparable du préjudice allégué.
91 Enfin, la requérante se contente d’alléguer que l’atteinte à sa réputation est impossible à surmonter du fait que, d’une part, sa société mère, Platform Specialty Products, ne peut rien faire pour restaurer sa réputation en attendant une décision définitive dans la présente affaire et, d’autre part, cette perte de réputation ne peut pas être réparée sur une base purement financière et ne peut pas non plus l’être temporairement par sa société mère. Non seulement, comme il a été indiqué au point 74 ci-dessus, la requérante ne précise pas dans quelle mesure le sursis à exécution sollicité permettrait de répondre adéquatement à cette supposée atteinte, mais encore de telles affirmations ne peuvent emporter la conviction du juge des référés sans autres éléments les soutenant, conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus.
92 Troisièmement, il convient de relever, toutefois, qu’un préjudice d’ordre financier peut notamment être considéré comme irréparable si ce préjudice, même lorsqu’il se produit, ne peut pas être chiffré [voir ordonnance du 28 novembre 2013, EMA/InterMune UK e.a., C‑390/13 P(R), EU:C:2013:795, point 49 et jurisprudence citée].
93 Certes, l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité ne saurait être considérée, en elle-même, comme une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence de la Cour. En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement la réparation d’un préjudice d’ordre pécuniaire dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité, qui pourrait être intenté à la suite de l’annulation de l’acte attaqué, est nécessairement incertaine. Or, la procédure de référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en indemnité pour éliminer cette incertitude, sa finalité étant seulement de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive à intervenir dans la procédure au fond sur laquelle le référé se greffe, à savoir, en l’espèce, un recours en annulation [voir ordonnance du 28 novembre 2013, EMA/InterMune UK e.a., C‑390/13 P(R), EU:C:2013:795, point 50 et jurisprudence citée].
94 En revanche, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer [voir ordonnance du 28 novembre 2013, EMA/InterMune UK e.a., C‑390/13 P(R), EU:C:2013:795, point 51 et jurisprudence citée].
95 Cependant, en l’espèce, bien que la requérante estime que le préjudice allégué risque de ne pas être indemnisable, il ne ressort pas de ses écritures que, compte tenu de la nature et du mode prévisible de survenance de son préjudice, ce dernier ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer. Bien au contraire, la requérante présente un certain nombre d’éléments comptables permettant, à première vue, non seulement l’identification, mais également la quantification dudit préjudice de manière adéquate.
96 Quatrièmement, la requérante mentionne le fait que le groupe auquel elle appartient, Platform Specilaty Products, société cotée à la bourse de New York (États-Unis), envisage de revendre son activité relative aux produits agrochimiques et que la perte liée aux produits à base de diflubenzuron aura nécessairement une incidence négative sur sa valeur, dont l’activité agrochimique est actuellement à vendre, en termes de capitalisation boursière. Par conséquent, le préjudice dépasserait la pure perte de parts de marché et de bénéfices qui auraient eu lieu en d’autrescirconstances.
97 À cet égard, il y a lieu de souligner que, d’une part, contrairement à la jurisprudence mentionnée aux points 24 à 27 ci-dessus, la requérante s’abstient d’expliquer dans quelle mesure un sursis à l’exécution du règlement attaqué aurait pour effet d’éviter l’incidence négative envisagée sur la valeur boursière de l’activité relative aux produits agrochimiques de sa société mère (voir point 74 ci-dessus). En effet, une suspension à titre temporaire des effets dudit règlement ne semble pas, a priori et sans autres éléments, être une mesure de nature à rassurer les marchés financiers sur le risque potentiel d’interdiction de l’utilisation du diflubenzuron sur la marché des cultures comestibles (voir point 73 ci-dessus).
98 D’autre part, l’intention de sa société mère de revendre son activité relative aux produits agrochimiques ressort d’un communiqué de presse du 24 août 2017, annexé à la demande de référé de la requérante. À cette date, la requérante, et par conséquent sa société mère, avait connaissance de l’interdiction d’utilisation du diflubenzuron sur le marché des cultures comestibles, le règlement attaqué ayant été adopté le 18 mai 2017. Or, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un marché hautement réglementé, tel que celui en l’espèce, et susceptible d’une intervention rapide des autorités compétentes lorsque des risques pour la santé publique apparaissent, pour des raisons qui ne sont pas toujours prévisibles, il incombe aux entreprises concernées, sauf à devoir supporter elles-mêmes le préjudice résultant d’une telle intervention, de se prémunir contre les conséquences de celle-ci par une politique appropriée [voir ordonnance du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:462, point 29 et jurisprudence citée]. La décision de vente de cette activité relève ainsi de la stratégie commerciale de ce groupe. Il lui appartient donc entièrement de supporter les éventuelles conséquences financières négatives qui font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur ce type de marché doit faire face.
99 Il s’ensuit que la requérante n’a établi ni le caractère grave ni le caractère irréparable du préjudice allégué.
100 Au regard de ce qui précède, il ressort que la requérante n’a pas démontré que la condition relative à l’urgence, telle qu’elle est définie au point 23 ci-dessus, était remplie.
Sur la mise en balance des intérêts
101 Par ailleurs, il doit être souligné que la balance des intérêts ne penche pas en faveur d’une suspension du règlement attaqué.
102 Selon la jurisprudence, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours principal serait rejeté [ordonnance du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 127].
103 En l’espèce, la requérante estime que la balance des intérêts penche en sa faveur dans la mesure où, d’une part, la substance en cause ne présente pas de danger connu pour la santé publique et, d’autre part, toute approche autre que celle consistant à suspendre le règlement attaqué jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise concernant la procédure de renouvellement de la substance en cause serait disproportionnée et la pénaliserait sans nécessité dans la mesure où le maintien dudit règlement entraînerait l’impossibilité de remédier, en cas d’annulation par le juge du fond du règlement attaqué, aux effets de la mise en œuvre immédiate de ce dernier.
104 En premier lieu, en ce qui concerne l’argument tiré du fait de l’absence de danger pour la santé publique, la requérante souligne que la substance en cause et les produits à base de celle-ci ont été sur le marché pendant 40 ans et qu’aucun incident touchant à la santé publique n’a été déploré à ce jour à la suite de leur commercialisation. En outre, elle précise que le diflubenzuron est autorisé en dehors de l’Union. Enfin, elle estime que les questions soulevées par la Commission sont plus spéculatives que réelles et que, en conséquence, il ne saurait être accordé aux considérations de santé publique davantage de poids qu’au préjudice causé à la requérante par le règlement attaqué.
105 Il ressort des éléments du dossier que des risques pour la santé humaine ont été identifiés. À cet égard, la requérante ne peut tirer d’argument convaincant en l’espèce du fait que la substance a été utilisée en toute sécurité dans l’Union depuis plus de 40 ans sans qu’aucun effet nocif pour la santé humaine n’ait jamais été rapporté. En effet, dans le secteur concerné par la présente affaire, les évolutions scientifiques ne sont pas rares et donnent ainsi l’occasion d’évaluer à nouveau les substances à l’aune de nouvelles connaissances et découvertes scientifiques. Tel est le fondement des procédures de renouvellement et la raison d’être des limites temporelles appliquées aux autorisations de commercialisation. Par conséquent, l’examen du juge des référés dans le cadre de la mise en balance des intérêts doit porter sur les risques désormais identifiés.
106 À cet égard, la Commission rappelle que le diflubenzuron est une substance cancérogène de catégorie 1B et que ses propriétés génotoxiques ont été démontrées à l’issue d’une évaluation exhaustive faite par l’État membre rapporteur, l’EFSA et les experts des États membres.
107 La position de la requérante selon laquelle il n’existe pas de risque pour la santé publique se fonde principalement sur les arguments qu’elle soulève dans le cadre de sa démonstration quant à l’existence d’un fumus boni juris, à savoir, d’une part, que la décision d’adopter le règlement attaqué procède d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la Commission n’aurait pas pris en considération avec soin et impartialité certains éléments d’information démontrant l’inexistence d’un motif de préoccupation quant à la génotoxicité de la substance en cause et, d’autre part, qu’elle a été privée du droit de se défendre en ne se voyant pas offrir d’occasions de présenter des observations sur certains documents concluant à l’existence de risques pour la santé causés par le diflubenzuron.
108 Or, ces aspects relèvent du contrôle de la légalité de la procédure et ne peuvent conduire, sans autres éléments et exception faite d’une éventuelle reconnaissance d’une erreur manifeste d’appréciation, le juge des référés, dans le cadre de la mise en balance des intérêts, à estimer que les conclusions présentées dans lesdits documents doivent primer les appréciations précédentes qui, elles, sont le résultat en principe d’un examen minutieux et exhaustif. Il ne lui appartient pas en effet de procéder à une appréciation technique de données scientifiques qui dépasserait son office. Dans les circonstances de l’espèce, les risques pour la santé publique, tels qu’ils ont été identifiés dans le règlement attaqué, doivent dès lors être pris en considération au regard des autres intérêts en jeu.
109 À cet égard, la requérante ne mentionne pas d’autres intérêts que celui d’éviter la survenance du préjudice que le règlement attaqué lui causerait. Or, il est de jurisprudence constante que, en principe, les exigences liées à la protection de la santé publique doivent incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques [voir ordonnance du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 112 et jurisprudence citée, et arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée].
110 En l’espèce, il y a lieu de relever que, en l’absence de tout autre intérêt à prendre en compte, le préjudice allégué, dont il a été en outre établi qu’il ne présentait ni le caractère de gravité requis ni de caractère irréparable, ne suffit pas à faire pencher la balance des intérêts en faveur de la requérante dans la mesure où les risques pour la santé publique identifiés en ce qui concerne le diflubenzuron doivent être considérés comme reconnus (voir point 105 ci-dessus).
111 En tout état de cause, même si la requérante avait réussi à démontrer l’urgence liée aux caractéristiques de son préjudice, encore aurait-il fallu l’apprécier au regard du principe posé par une jurisprudence bien établie selon lequel la préséance des impératifs de la protection de la santé publique peut justifier des restrictions entraînant des conséquences négatives – mêmes considérables – pour certains opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C‑570/07 et C‑571/07, EU:C:2010:300, point 90 et jurisprudence citée). Dans ce contexte, il a même été souligné qu’il importait de reconnaître le principe de précaution, selon lequel lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence de risques pour la santé humaine ou quant à l’ampleur de ces risques, les institutions de l’Union peuvent adopter des mesures de sauvegarde sans avoir à attendre que les risques ou leur gravité aient été démontrés [voir, en ce sens, ordonnance du 19 décembre 2013, Commission/Allemagne, C‑426/13 P(R), EU:C:2013:848, point 54 et jurisprudence citée].
112 Par conséquent, les arguments avancés par la requérante quant à l’innocuité de la substance en cause afin de démontrer que les considérations de santé publique ne sauraient avoir davantage de poids que celles relatives à son préjudice doivent être écartés.
113 En second lieu, en ce qui concerne l’argument tiré du fait du caractère disproportionné de l’adoption de toute approche autre que celle consistant à suspendre le règlement attaqué jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise concernant la procédure de renouvellement de la substance en cause, la requérante rappelle que la substance en cause fait actuellement l’objet d’une évaluation dans l’Union aux fins d’un renouvellement de l’approbation conformément au règlement no 1107/2009 (voir point 8 ci-dessus), laquelle est soumise à un délai réglementaire expirant au mois de décembre 2018. Elle souligne que, dans ce cadre, les données relatives à la génotoxicité de la PCA et, partant, le risque pour les consommateurs, seraient en cours d’évaluation par la République hellénique, en qualité d’État membre rapporteur, et indique que le résultat de cette évaluation sera connu au mois d’octobre 2017. Elle ajoute que l’étude du 28 février 2017 a répondu à la préoccupation liée à la PCA (voir point 47 ci-dessus).
114 Dès lors, estimant qu’aucune difficulté relative à la PCA ne sera identifiée et que le renouvellement de l’approbation de la substance en cause sera accordé, annulant ainsi les limitations apportées à la première approbation, la requérante affirme que toute approche autre que celle consistant à suspendre le règlement attaqué jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise concernant la procédure de renouvellement de la substance en cause serait disproportionnée et la pénaliserait sans nécessité dans la mesure où le maintien dudit règlement entraînerait l’impossibilité de remédier, en cas d’annulation par le juge du fond du règlement attaqué, aux effets de la mise en œuvre immédiate de ce dernier.
115 À titre liminaire, en ce qui concerne les résultats de l’évaluation par la République hellénique des données relatives à la génotoxicité de la PCA, qui auraient dû être connus au mois d’octobre 2017, force est de constater que, au moment de la signature de la présente ordonnance, le juge des référés n’en dispose toujours pas. En ce qui concerne l’étude du 28 février 2017, mentionnée au point 47 ci-dessus, il suffit de constater que, comme il a été relevé au point 112 ci-dessus, les arguments avancés par la requérante quant à l’innocuité de la substance en cause, afin de démontrer que les considérations de santé publique ne sauraient avoir davantage de poids que celles relatives à son préjudice, doivent être écartés.
116 Tout d’abord, il convient de souligner que le cas présent ne concerne pas une situation nécessitant un retrait immédiat des produits à base de diflubenzuron. D’une part, le règlement attaqué ne fait que restreindre l’utilisation du diflubenzuron en l’excluant seulement du marché des cultures comestibles et n’interdit donc pas totalement l’emploi du diflubenzuron dans les insecticides, permettant ainsi à la requérante de continuer à produire et à commercialiser des produits phytopharmaceutiques contenant cette substance en vue de leur utilisation sur des cultures non comestibles. D’autre part, le règlement attaqué prévoit un délai de grâce allant jusqu’au 8 septembre 2018.
117 À cet égard, il est nécessaire de préciser que le fait d’accorder un délai de grâce n’exclut pas l’existence de risques pour la santé publique. En effet, si les États membres n’ont pas d’obligation d’agir avant l’expiration dudit délai, ils peuvent néanmoins d’ores et déjà prendre les mesures nécessaires. Dès lors, l’imposition d’un tel délai permet une certaine protection contre les risques identifiés, ce qu’empêcherait en revanche le prononcé d’un sursis à exécution. La pertinence de l’existence d’un délai de grâce au regard de la mise en balance des intérêts opérée par le juge des référés intervient dans la prise en compte par ce dernier de l’intensité des risques identifiés par rapport à l’importance des autres intérêts dont la préservation est demandée. Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse des intérêts opposés par la requérante, à savoir le préjudice qu’elle redoute de subir du fait de l’application du règlement attaqué, que ces derniers apparaissent d’une intensité moindre que ceux touchant à la santé publique (voir points 109 à 112 ci-dessus), et ce d’autant que ce délai de grâce vient minimiser les répercussions redoutées des effets du règlement attaqué sur la situation de la requérante.
118 Ensuite, comme le souligne la Commission dans ses observations, la procédure de renouvellement en cours permet à la requérante de voir ses intérêts protégés dans la mesure où elle peut ainsi faire valoir l’absence alléguée de danger de la substance en cause pour la santé publique. Or, selon la requérante, les effets de cette procédure en cours pourraient déjà être observés dans le courant de l’année 2018.
119 Enfin, bien que la requérante invoque l’existence d’un délai réglementaire faisant expirer au mois de décembre 2018 l’autorisation dont bénéficiait le diflubenzuron avant l’adoption du règlement attaqué, il semble inapproprié d’ordonner la suspension des effets du règlement attaqué même en la limitant à cette date, dans la mesure où des risques pour la santé publique, que le juge des référés doit prendre en considération (voir points 105 à 108 ci-dessus), ont été identifiés et estimés comme prévalant sur les autres intérêts avancés par la requérante (voir points 109 à 112 ci-dessus). A fortiori, le conditionnement d’une telle mesure provisoire à une limite temporelle fixée à la fin de la procédure de renouvellement, comme il a été demandé par la requérante, appelle les mêmes objections dans la mesure où cette procédure, selon la Commission, pourrait s’étendre jusqu’au 30 juin 2019.
120 Dès lors, d’un côté, la situation dans laquelle se trouve la requérante lui permet de continuer de commercialiser en partie ses produits à base de diflubenzuron (voir point 116 ci-dessus) et la perspective d’une décision relative au renouvellement de l’autorisation préalablement obtenue semble proche (voir point 118 ci-dessus) et, de l’autre côté, le maintien des effets du règlement attaqué assure dès à présent une certaine protection de la santé publique contre des risques nouvellement identifiés (voir point 119 ci-dessus).
121 Par conséquent, les arguments avancés par la requérante quant au caractère disproportionné de l’adoption de toute approche autre que celle consistant à suspendre le règlement attaqué jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise concernant la procédure de renouvellement de la substance en cause doivent être écartés.
122 Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 102 ci-dessus, la balance des intérêts ne penche pas en faveur de l’octroi des mesures provisoires sollicitées.
123 Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris est remplie en l’espèce, il y a lieu de conclure que la demande en référé doit être rejetée dans la mesure où la requérante n’a pas réussi à démontrer que, d’une part, la condition de l’urgence était remplie, le caractère grave et irréparable du préjudice allégué faisant défaut, et, d’autre part, la balance des intérêts penchait en sa faveur.
124 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 22 juin 2018 .