DOCUMENT DE TRAVAIL
ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)
13 décembre 2018 (*)
« Aides d’État – Accords conclus par le syndicat mixte des aéroports de Charente avec Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services – Services aéroportuaires – Services marketing – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Chambre de commerce et d’industrie – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération – Article 41 de la charte des droits fondamentaux – Droit d’accès au dossier – Droit d’être entendu »
Dans l’affaire T‑111/15,
Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande),
Airport Marketing Services Ltd, établie à Dublin,
représentées par Mes G. Berrisch, E. Vahida, I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats, et M. B. Byrne, solicitor,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2015/1226 de la Commission, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33963 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la chambre de commerce et d’industrie d’Angoulême, de la SNC-Lavalin, de Ryanair et d’Airport Marketing Services (JO 2015, L 201, p. 48),
LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),
composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas, D. Spielmann (rapporteur), Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,
greffier : M. P. Cullen, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 octobre 2017,
rend le présent
Arrêt
I. Antécédents du litige
A. Mesures en cause
1 Les requérantes, à savoir Ryanair DAC, anciennementRyanair Ltd, et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS »), sont, la première, une compagnie aérienne établie en Irlande, exploitant plus de 1 600 vols quotidiens reliant 189 destinations dans 30 pays de l’Europe et d’Afrique de Nord, et, la seconde, une filiale de Ryanair qui fournit, principalement en ligne, des solutions en matière de stratégie de marketing, la majeure partie de son activité consistant à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair.
2 L’aéroport d’Angoulême Brie Champniers (ci-après l’« aéroport d’Angoulême ») est situé dans le département de la Charente en France et exploité conjointement dans la période concernée par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) d’Angoulême agissant en tant que gestionnaire (ci-après la « CCI-aéroport ») et le syndicat mixte des aéroports de Charente (ci-après le « SMAC »), ce dernier regroupant le département de la Charente, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême, la communauté des communes de Braconne et Charente, la CCI d’Angoulême, la communauté de communes de Cognac et la CCI de Cognac. Par arrêté préfectoral du 22 décembre 2006, la propriété de l’aéroport d’Angoulême a été transférée de la République française au SMAC.
3 À l’issue de la publication d’un appel à projets européen, le SMAC a conclu le 8 février 2008 un premier contrat avec Ryanair et un second contrat avec AMS (ci-après, pris ensemble, les « accords de 2008 »). Lesdits contrats avaient une durée initiale de cinq ans.
4 En application du premier contrat, intitulé « Contrat de services aéroportuaires », Ryanair s’est engagée à assurer un programme de vol initial sur la ligne entre l’aéroport d’Angoulême et celui de Londres Stansted, trois fois par semaine pendant les mois d’été. [confidentiel] (1)Quant au SMAC, il a consenti à Ryanair certaines réductions sur les redevances aéronautiques par rapport à la tarification générale en vigueur dans ce dernier aéroport (redevance passager, redevance d’atterrissage et redevance d’assistance en escale).
5 Par le second contrat, intitulé « Contrat de services marketing », AMS s’est engagée à fournir pendant les trois premières années des services qui consistaient dans des publicités sur le site Internet de Ryanair, en contrepartie d’un versement par le SMAC de 400 000 euros en 2008, de 300 000 euros en 2009 et de 225 000 euros en 2010.
6 Ryanair a assuré la ligne entre l’aéroport d’Angoulême et celui de Londres Stansted pendant les saisons estivales des années 2008 et 2009. Estimant que la ligne était devenue non viable sur le plan économique, Ryanair a résilié les accords de 2008 et arrêté l’exploitation de ladite ligne en février 2010.
B. Procédure administrative
7 Le 26 janvier 2010, la Commission européenne a enregistré une plainte déposée par Air France à l’égard d’avantages que Ryanair aurait reçus dans plusieurs aéroports en France, dont celui d’Angoulême.
8 Par lettre du 21 mars 2012, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard des mesures dont aurait bénéficié Ryanair relativement à l’aéroport d’Angoulême (ci-après la « décision d’ouverture »). Par la publication de cette décision au Journal officielde l’Union européenne le 25 mai 2012 (JO 2012, C 149, p. 29), elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur ces mesures.
9 Les autorités françaises ont présenté des observations ainsi que des réponses aux questions évoquées par la Commission dans la décision d’ouverture et ultérieurement.
10 Par lettres des 29 mai et 20 juillet 2012, le conseil de Ryanair a demandé, au titre de l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), que, avant d’adopter une décision définitive, la Commission l’informe des faits et des considérations sur lesquels elle avait l’intention de fonder sa décision, lui accorde un accès au dossier, notamment aux preuves sur lesquelles elle entendait fonder sa décision, et lui donne la possibilité de présenter son point de vue dans un délai raisonnable après la notification desdits faits et considérations. Par lettres des 19 juin et 4 octobre 2012, la Commission a rejeté ces demandes.
11 Par lettres du 25 juin 2012, les requérantes ont déposé leurs observations sur la décision d’ouverture.Par plusieurs courriers ultérieurs, Ryanair a envoyé des observations supplémentaires. La Commission a transmis leurs observations aux autorités françaises, lesquelles n’ont pas formulé de commentaire.
12 Par courriers des 24 février, 13 et 19 mars 2014, en conformité avec les lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes, publiées au Journal officiel le 4 avril 2014 (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »), la Commission a invité les autorités françaises et les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’application desdites lignes directrices notamment à l’égard des mesures concernant l’aéroport d’Angoulême et Ryanair. Le 19 mars 2014, les autorités françaises ont présenté des observations.
13 Par ailleurs, la Commission a invité, par un avis publié le 15 avril 2014 au Journal officiel (JO 2014, C 113, p. 30), les États membres et les parties intéressées à soumettre leurs commentaires, y compris à l’égard des mesures concernant l’aéroport d’Angoulême, à la lumière de l’entrée en vigueur des lignes directrices de 2014.
14 En réponse aux lettres des 24 février et 13 mars 2014 de la Commission, Ryanair a, par lettre du 2 mai 2014, présenté des observations sur l’application des lignes directrices de 2014 aux affaires d’aides d’État dans lesquelles elle était impliquée.Dans cette lettre, ellea également donné son point de vue sur ces lignes directrices.
C. Décision attaquée
15 Au terme de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision (UE) 2015/1226, du 23 juillet 2014, concernant l’aide d’État SA.33963 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la CCI d’Angoulême, de la SNC-Lavalin, de Ryanair et de Airport Marketing Services (JO 2015, L 201, p. 48, ci-après la « décision attaquée »).
16 Dans la décision attaquée, la Commission a procédé à une description détaillée des mesures en cause, consistant, d’une part, dans des soutiens financiers à l’aéroport d’Angoulême concernant les investissements dans l’infrastructure aéroportuaire, les coûts liés aux missions régaliennes et l’exploitation dudit aéroport (considérants 18 à 29) et, d’autre part, dans les accords de 2008 conclus par le SMAC avec Ryanair et AMS (considérants 32 à 42).
17 La Commission a considéré que les mesures en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême constituaient des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lesquelles étaient néanmoins compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de sa décision 2012/21/UE, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2012, L 7, p. 3) (considérants 170 à 293 de la décision attaquée).
18 S’agissant des accords de 2008 conclus par le SMAC avec Ryanair et AMS, la Commission a considéré qu’ils leur octroyaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
19 À cet égard, la Commission a estimé que la décision de conclure les accords de 2008 était imputable à la République française (considérants 297 et 298 de la décision attaquée). En outre, pour déterminer l’existence d’un avantage, elle a examiné si un opérateur en économie de marché hypothétique guidé par des perspectives de rentabilité et gérant l’aéroport d’Angoulême à la place du SMAC et de la CCI-aéroport aurait conclu lesdits accords.
20 À cet égard, dans un premier temps, la Commission a estimé qu’il y avait lieu, premièrement, d’analyser conjointement les accords de 2008 comme une transaction unique (considérants 304 à 313 de la décision attaquée), deuxièmement, de prendre uniquement en considération le possible effet positif des prestations réalisées en exécution du second contrat sur le nombre de passagers empruntant les lignes visées par lesdits accords pour la durée d’exploitation de ces lignes, à l’exclusion d’autres bénéfices jugés trop incertains (considérants 314 à 338 de ladite décision), et, troisièmement, de s’écarter, aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, de la méthode consistant à effectuer une comparaison avec le « prix du marché » (ci-après l’« analyse comparative ») et de s’en tenir à une analyse ex ante de rentabilité incrémentale (ci-après l’« analyse de rentabilité incrémentale ») (considérants 339 à 349 de cette décision).
21 Dans un deuxième temps, la Commission a procédé à l’analyse de rentabilité incrémentale en ce qui concerne les accords de 2008, et, au terme de son analyse, elle a constaté que les flux incrémentaux annuels escomptés (recettes moins coûts) sur toute la durée contractuelle prévue étaient négatifs. Elle en a conclu que lesdits accords conféraient un avantage économique en faveur de Ryanair et d’AMS (considérants 354 à 389 de la décision attaquée).
22 La Commission a considéré que les aides d’État octroyées à Ryanair et à AMS constituaient des aides au démarrage pour l’ouverture de nouvelles liaisons qui ne remplissaient pas les conditions prévues dans les lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’État au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1), qui étaient, selon elle, applicables en l’espèce, et étaient, de ce fait, incompatibles avec le marché intérieur.
23 Dans un troisième temps, la Commission a déterminé le montant d’aide récupérable à partir de la partie négative, pour chaque année durant laquelle les accords de 2008 étaient applicables, des flux incrémentaux annuels, prévisibles au moment de la conclusion de ces accords. LaCommission a évaluéle montant d’aide récupérable à un montant approximatif total de 868 695 euros.
24 Le dispositif de la décision attaquée se lit, en partie pertinente, comme suit :
« Article premier
[…]
2. Les versements en faveur de Ryanair et [AMS] effectués par le [SMAC] en application [des accords de 2008] constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE octroyées illégalement par la [République française], en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.
Article 2
[…]
4. Les aides octroyées en faveur de Ryanair et [AMS] par le [SMAC] en application [des accords de 2008] sont incompatibles avec le marché intérieur.
[…]
Article 3
1. La [République française] est tenue de se faire rembourser les aides visées à l’article 2, paragraphe 4, par les bénéficiaires. Ryanair et [AMS] sont tenues solidairement au remboursement des aides.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts qui courent à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à leur récupération effective.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission et au règlement (CE) no 271/2008 modifiant le règlement (CE) no 794/2004 de la Commission.
4. La [République française] annule tous les paiements en suspens des aides visées à l’article 2, paragraphe 4, à compter de la date d’adoption de la présente décision.
Article 4
1. La récupération des aides visées à l’article 2, paragraphe 4, est immédiate et effective.
2. La [République française] veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.
Article 5
1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la [République française] communique les informations suivantes à la Commission :
a) les montants d’aide à récupérer en application de l’article 3 ;
b) une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision ;
c) les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser les aides.
2. La [République française] tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète des aides visées à l’article 2, paragraphe 4. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants des aides et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires. »
II. Procédure et conclusions des parties
25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.
26 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2015, les requérantes ont introduit une demande de mesures d’organisation de la procédure et, si nécessaire, de mesures d’instruction, par laquelle elles ont demandé à la Commission à produire certains documents.
27 La Commission a présenté ses observations dans le délai imparti.
28 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a invité, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, la Commission et les requérantes à répondre à certaines questions et a demandé à la Commission de produire certains documents. Ces parties ont répondu dans les délais impartis.
29 Par décision du 17 mai 2017, le Tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant la sixième chambre élargie.
30 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.
31 Par décision du président de la sixième chambre élargie du Tribunal du 28 août 2017, les parties entendues, les affaires T‑111/15, T‑165/15 et T‑53/16 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure.
32 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 25 octobre 2017.
33 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1, paragraphe 2, l’article 2, paragraphe 4, et les articles 3 à 5 de la décision attaquée ;
– condamnerla Commission aux dépens.
34 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens
III. En droit
35 Les requérantes invoquent dans la requête quatre moyens à l’appui du recours.
36 En réponse à une question du Tribunal, les requérantes ont renoncé au quatrième moyen tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, du fait que la Commission avait commis une erreur manifeste lorsqu’elle avait déterminé le montant de l’aide récupérable.
37 Dès lors, il convient d’examiner seulement les trois premiers moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense, le deuxième, de l’imputation erronée des accords de 2008 à la République française et, le troisième, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du fait que la Commission n’a pas correctement appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché.
A. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense
38 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte en ne leur accordant pas l’accès au dossier de l’enquête, en ne les informant pas des faits et des considérations sur lesquels elle avait l’intention de fonder sa décision et, partant, en ne leur donnant pas la possibilité de faire connaître utilement leur point de vue. Selon elles, ces irrégularités procédurales ont également violé leurs droits de la défense et devraient conduire à l’annulation de la décision attaquée.
39 En particulier, les requérantes soulignent que, depuis l’entrée en vigueur du traité FUE, le 1er décembre 2009, l’article 41 de la Charte fait partie du droit primaire de l’Union européenne et prévaut sur toute disposition contraire du droit dérivé de l’Union, telle que le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).
40 À l’appui du présent moyen, les requérantes font valoir qu’elles ont le droit d’invoquer le droit à une bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte, puisque l’enquête d’aide d’État menée par la Commission à l’encontre de leurs accords passés avec le SMAC constitue une « affaire » des requérantes au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. Elles estiment bénéficier des droits procéduraux prévus à l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte et allantau-delà des droits conférés par le règlement no 659/1999. D’une part, l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte accorderait un droit d’accès à toute personne au dossier « qui la concerne », en l’espèce le dossier d’aide d’État de la Commission relatif aux accords de 2008. D’autre part, le droit d’être entendu, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, exigerait que les requérantes soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue, ce qui impliquerait l’accès au dossier de la Commission ainsi que la notification préalable des faits et des considérations sur lesquels la Commission entendait fonder sa décision finale.
41 La Commission conteste cette argumentation.
42 À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que l’article 41 de la Charte prévoit le droit à une bonne administration. Aux termes du paragraphe 1 de cet article, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union. En outre, aux termes du paragraphe 2 dudit article, ce droit comporte notamment, premièrement, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard et, deuxièmement le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires.
43 Les explications relatives à la Charte, publiées au Journal officiel de l’Union européenne du 14 décembre 2007 (JO 2007, C 303, p. 17), précisent que l’article 41 de cette dernière est fondé sur l’existence de l’Union en tant que communauté de droit dont les caractéristiques ont été développées par la jurisprudence qui a consacré la bonne administration comme principe général de droit. Par ailleurs, selon l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, ces explications sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.
44 En outre, selon la jurisprudence, il appartient à l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).
45 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit de l’Union. Ce principe exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union (voir arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, non publié, EU:T:2014:235, point 204 et jurisprudence citée).
46 En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE est une procédure ouverte uniquement à l’encontre de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide. Seul l’État membre concerné, en tant que destinataire de la future décision de la Commission, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense. En revanche, les entreprises bénéficiaires des aides et leurs concurrentes sont uniquement considérées comme étant des intéressés dans la procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Aucune disposition ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier aux bénéficiaires de l’aide. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels et ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 81 à 83, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, points 71 et 78).
47 Ainsi, les intéressés, contrairement à l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58).
48 Les intéressés ont essentiellement le rôle de sources d’information pour la Commission dans la procédure de contrôle des aides d’État. Il s’ensuit que, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, les intéressés disposent du seul droit d’être associés à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 74 et jurisprudence citée).
49 C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen des requérantes.
50 À cet égard, il y a lieu de souligner que les requérantes, étant des intéressés au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ont le droit de voir l’enquête de la Commission relative aux accords de 2008 menée de manière impartiale et équitable au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, et ce d’autant plus que la constatation d’aide d’État à l’égard de leurs accords commerciaux avec l’aéroport d’Angoulême est susceptible d’entraîner pour elles des conséquences financières en termes de recouvrement des montants reçus.
51 Toutefois, le raisonnement des requérantes ne peut être suivi lorsqu’elles considèrent que l’article 41, paragraphe 2, de la Charte leur accorde le droit d’accès au dossier administratif de la Commission en matière d’aides d’État et le droit d’être entendues sur les éléments sur lesquels la Commission entend fonder sa décision finale.
52 En effet, si le droit à une bonne administration prévu à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte reflète l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de l’affaire, le paragraphe 2 dudit article énumère, quant à lui, un ensemble de droits à respecter par l’administration de l’Union, y compris les droits de la défense, qui comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier.
53 Or, dans la procédure de contrôle des aides d’État, les requérantes, en tant que bénéficiaires de l’aide, ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense.
54 Il a déjà été jugé que la Charte n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité FUE ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoyait pas (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 60, et du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 86). L’argument des requérantes selon lequel la Charte serait vidée de son sens si un droit qu’elle prévoit pouvait être écarté simplement parce qu’il n’était pas expressément reproduit dans le traité FUE doit donc être écarté.
55 À cet égard, la Cour a jugé que si les intéressés dans une procédure de contrôle des aides d’État étaient en mesure d’obtenir l’accès aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature de ladite procédure (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 58 et 59).
56 De même, l’obligation pour la Commission de communiquer préalablement aux requérantes les éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision définitive reviendrait à établir un débat contradictoire tel que celui ouvert au profit de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 180 et 181).
57 Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel l’exercice des droits procéduraux supplémentaires d’accès au dossier et d’être entendu, tels que revendiqués au titre de l’article 41 de la Charte, n’est pas exclu par les articles 107 et 108 TFUE doit être rejeté.
58 Il s’ensuit que la Commission, en adoptant la décision attaquée sans avoir accordé l’accès au dossier et préalablement notifié les faits et les considérations sur lesquels elle entendait fonder ladite décision, n’a méconnu ni le principe de bonne administration prévu à l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte ni les droits de la défense des requérantes, sans préjudice, toutefois, de leurs droits procéduraux en tant que parties intéressées garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
59 Aucun des autres arguments avancés par les requérantes n’est de nature à remettre en cause ces conclusions.
60 En premier lieu, les requérantes ne sauraient s’appuyer sur l’arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne (70/72, EU:C:1973:87, point 19), concernant le but de la communication requise par l’article 108, paragraphe 2, TFUE pour soutenir que cette disposition n’exclut pas l’octroi aux intéressés des droits supplémentaires à celui de présenter leurs observations au cours de la procédure administrative. Au contraire, cet arrêt impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information. De même, selon la jurisprudence, la Commission n’est pas obligée, en vertu de l’économie des articles 107 et 108 TFUE, de faire participer des tiers à la procédure administrative d’une manière extensive (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 258). Il ne saurait être déduit de cette jurisprudence, dès lors, que la participation extensive des tiers, telle que revendiquée par les requérantes, soit compatible avec l’économie générale de la procédure de contrôle des aides d’État mise en place par l’article 108 TFUE.
61 En deuxième lieu, les requérantes allèguent que le respect des droits d’accès au dossier et d’être entendu prévus par l’article 41 de la Charte contribue au but de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lequel consiste à recueillir les informations les plus pertinentes et détaillées par la Commission. Le respect des droits procéduraux des parties privées serait particulièrement important dans les procédures d’aides où l’État membre responsable de l’aide et le bénéficiaire ont souvent des intérêts contradictoires, ce qui serait démontré en l’espèce par le fait que la République française est un actionnaire important d’Air France, ce qui engendrerait des conflit d’intérêts, par les multiples procédures nationales opposant l’aéroport d’Angoulême aux requérantes et par la participation minimale, même préjudiciable, de la République française dans l’enquête menée par la Commission.
62 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les intéressés ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense comparables à ceux de l’État membre même si cet État, qui a octroyé les aides d’État, et les intéressés en cause, en tant que bénéficiaires de celles-ci, peuvent avoir des intérêts divergents dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 104, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 54).
63 Le fait que l’État membre concerné ne défend pas l’intérêt du bénéficiaire de l’aide ne saurait être de nature à modifier le rôle de ce dernier lors de la procédure administrative ni la nature de sa participation à ladite procédure, au point de lui conférer, s’agissant des droits de la défense, des garanties comparables à celles de cet État membre (arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 77).
64 En troisième lieu, pour autant que les requérantes mettent en cause la validité du règlement no 659/1999 comme étant contraire à la Charte, il convient en tout état de cause de rejeter cet argument, dès lors que celui-ci est également fondé sur la prémisse erronée que la Charte accorderait aux bénéficiaires d’aides d’État le droit d’accès au dossier de la Commission en matière d’aides d’État et le droit d’être préalablement informés des faits et des considérations sur lesquels la Commission entend fonder sa décision définitive.
65 Pour des raisons identiques, et contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que celles-ci n’aient pu prendre connaissance que des éléments pertinents contenus dans la décision d’ouverture, ainsi qu’il est prescrit par l’article 6 du règlement no 659/1999, ne saurait constituer une atteinte à leurs droits.
66 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission (T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029), est dénué de pertinence dans la présente affaire du fait que la partie requérante était un plaignant dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aucun rôle particulier n’est réservé aux bénéficiaires dans le cadre du contrôle des aides d’État (voir point 46 ci-dessus). De même, concernant l’argument des requérantes selon lequel l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), n’est pas davantage pertinent dans la présente affaire, dans la mesure où ledit arrêt concernait une procédure d’aides d’État qui avait été clôturée avant que la Charte ne fasse partie du droit primaire de l’Union, il ne saurait prospérer étant donné que cet arrêt met en exergue le fait que l’octroi, aux bénéficiaires d’aides, d’un droit d’accès au dossier de la Commission mette en cause le régime de contrôle des aides d’État.
67 En cinquième lieu, dans la mesure où il résulte de ce qui précède que la Commission n’a violé ni l’article 41 de la Charte ni les droits de la défense des requérantes, il n’est pas utile d’examiner la thèse de ces dernières selon laquelle le résultat de la procédure aurait pu être différent si la Commission leur avait accordé un accès au dossier et les avait informées des considérations et des preuves sur lesquelles elle avait l’intention de fonder sa décision définitive.
68 Il s’ensuit que les arguments des requérantes mentionnés aux points 60 à 67 ci-dessus doivent être écartés.
69 Cependant, dans la mesure où, dans le cadre du présent moyen, est invoquée la violation des droits de la défense, il convient d’examiner le droit dont disposent les intéressés, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir jurisprudence citée au point 48 ci-dessus).
70 À cet égard, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, lors de la phase d’examen visé à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a l’obligation de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée). En ce qui concerne cette obligation, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel constituait un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17), tout en précisant que cette communication visait exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 56 et jurisprudence citée).
71 Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, cette décision peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, EU:T:2002:258, point 104).
72 La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit ainsi mettre les intéressés en mesure de participer de manière efficace à ladite procédure lors de laquelle ils auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit qu’ils connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (arrêt du 30 avril 2002, Governement of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 138).
73 En l’espèce, il est constant que, à la suite de la publication de la lettre informant la République française de la décision d’ouverture, accompagnée d’un résumé de cette décision invitant toutes les parties intéressées à présenter leurs observations, la Commission a reçu les observations des requérantes. En effet, Ryanair et AMS ont toutes les deux déposé leurs observations par lettres du 25 juin 2012. En outre, elles ont déposé au cours de la procédure formelle d’examen plusieurs documents supplémentaires.
74 Or, dans la décision d’ouverture, la Commission a exposé suffisamment clairement les motifs sur le fondement desquels elle avait conclu provisoirement que les accords de 2008 conféraient aux requérantes une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que cette aide était incompatible avec le marché intérieur.
75 En effet, après avoir décrit notamment les caractéristiques de l’aéroport d’Angoulême et sa fréquentation, les exploitants et les propriétaires des infrastructures ainsi que les accords de 2008, la Commission a procédé à une évaluation provisoire des aides contenues dans lesdits accords au regard des critères constitutifs d’une aide d’État énoncés à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, y compris le critère de l’investisseur privé en économie de marché, pour enfin examiner leur compatibilité à l’égard du marché intérieur. En particulier, s’agissant de l’application du critère de l’investisseur privé, elle a considéré à ce stade que le contrat de services aéroportuaires et le contrat de services marketing devaient être appréciés conjointement. Elle a également constaté que les autorités françaises n’avaient fourni aucun comparateur permettant d’apprécier si le prix payé par Ryanair correspondait au prix normal et a considéré que l’étude des coûts encourus par l’exploitant dudit aéroport dans la prestation des services aéroportuaires en cause pouvait participer à l’appréciation des « conditions normales de marché ». Elle a invité les autorités françaises à détailler l’ensemble des coûts d’exploitation liés ou attribuables à l’accueil de Ryanair dans le cadre de ces accords.
76 Par ailleurs, il est constant que, à la suite des lettres de la Commission des 24 février et 13 mars 2014 ainsi que de la publication de la notice du 15 avril 2014 au Journal officiel, Ryanair a notamment présenté par lettre du 2 mai 2014 des observations sur les approches exposées dans les lignes directrices de 2014 comme méthode d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, à savoir l’analyse comparative et l’analyse de rentabilité incrémentale.
77 S’agissant de leur seul droit d’être associées à la procédure administrative d’une manière adéquate, les requérantes n’ont apporté aucun élément permettant de démontrer qu’elles n’avaient pas une connaissance suffisante du raisonnement provisoirement suivi et, partant, n’étaient pas en mesure de présenter utilement leurs observations à cet égard.
78 Il s’ensuit que, lors de la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’a pas méconnu les droits procéduraux des requérantes.
79 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.
B. Sur le deuxième moyen, portant sur l’imputabilité des mesures en cause à la République française
80 Les requérantes font valoir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation et d’erreurs d’appréciation quant à l’imputabilité à l’État des accords de 2008. Par un premier grief, elles allèguent que la motivation de la décision attaquée quant à l’imputabilité à l’État desdits accords est pratiquement inexistante. Par un deuxième grief, elles allèguent que, en imputant à l’État la décision du SMAC de conclure les accords de 2008, la Commission a appliqué des critères purement organiques, alors que l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), requiert de vérifier l’existence de plusieurs indices afin d’établir que les autorités publiques étaient impliquées d’une manière ou d’une autre dans l’adoption par le SMAC de mesures en leur faveur. Par un troisième grief, elles estiment que la Commission a commis une erreur dans son appréciation, puisque les CCI ne sont pas des entités dont les décisions sont nécessairement imputables à l’État. Par un quatrième grief, elles considèrent que les positions de la Commission sur le rôle de la CCI-aéroport dans le contexte de l’imputabilité à l’État de ces accords sont contradictoires.
81 La Commission conteste cette argumentation.
1. Sur le premier grief, tiré d’un défaut de motivation
82 Les requérantes estiment que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, étant donné que le raisonnement de la Commission relatif à l’imputabilité à l’État des accords de 2008 est pratiquement inexistant en ce qu’elle renvoie de manière générale à un passage antérieur de la décision attaquée qui traite de l’imputabilité à l’État des mesures d’aide accordées aux exploitants successifs de l’aéroport d’Angoulême.
83 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).
84 En l’espèce, il convient de constater que, lors de son analyse de l’imputabilité à l’État des accords de 2008 au considérant 297 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à son analyse de l’imputabilité à l’État des mesures d’aide en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême, faite aux considérants 206 à 210 de ladite décision.
85 Toutefois, cette circonstance ne permet pas de conclure à un défaut de motivation au sens de l’article 296 TFUE.
86 En effet, le raisonnement de la Commission quant à l’imputabilité à l’État des accords de 2008 ressort clairement de la lecture combinée des considérants 206 à 210 et 297 de la décision attaquée.
87 Ainsi, il convient de relever que, au considérant 297 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que la « délibération du SMAC autorisant la signature des accords de 2008 » avait été approuvée à l’unanimité par les entités publiques membres du SMAC, lui-même composé directement ou indirectement de collectivités territoriales ainsi que de CCI. De plus, en renvoyant au point 8.1.2.2 de ladite décision, qui traite de l’imputabilité à l’État des mesures d’aide en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême, elle a précisé que les caractéristiques de ces entités avaient pour conséquence que les décisions du SMAC concernant l’activité aéroportuaire étaient imputables à l’État.
88 En outre, sous le point 8.1.2.2 de la décision attaqué, la Commission a observé, au considérant 207 de ladite décision, que le SMAC était une entité publique qui, ne disposant d’aucun employé, était administrativement intégrée aux collectivités locales qu’elle regroupait directement ou indirectement. Elle a ajouté que les décisions budgétaires du SMAC avaient valeur d’engagement pour ses membres et étaient prises par un comité syndical composé des représentants de ses adhérents. Sur la base de ces éléments, elle a considéré que les décisions du SMAC relatives à l’activité aéroportuaire étaient imputables à l’État.
89 De plus, en ce qui concerne les mesures prises par la CCI d’Angoulême, qui compte parmi les membres du SMAC, la Commission a souligné, au considérant 208 de la décision attaquée, que les CCI étaient des établissements publics à caractère administratif et étaient ainsi soumises au droit public. Elle a ajouté que la loi française qualifiait les CCI de « corps intermédiaires de l’État » et leur assignait comme mission de contribuer au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises et de leurs associations. Elle a également expliqué que la mission d’exploitation aéroportuaire confiée aux CCI découlait ainsi de leur rôle de soutien au développement local et régional, quoique l’activité d’exploitation de l’aéroport d’Angoulême soit elle-même de nature économique. Par ailleurs, elle a constaté, au considérant 209 de ladite décision, que ladite loi soumettait les CCI à une tutelle exercée par les représentants de l’État et que l’autorité de tutelle avait accès à toutes les séances des assemblées générales des CCI et pouvait faire ajouter des sujets à l’ordre du jour de ces instances. Selon elle, les délibérations relatives aux budgets primitifs, rectificatifs et exécutés n’étaient exécutoires que dès lors qu’elles avaient été approuvées, même tacitement, par l’autorité de tutelle. Elle en a déduit, au considérant 210 de cette décision, que la CCI d’Angoulême, en qualité de CCI-aéroport, faisait partie de l’administration publique et que les mesures adoptées par elle en faveur des exploitants dudit aéroport étaient nécessairement imputables à l’État.
90 Par ailleurs, en ce qui concerne la question de savoir si les ressources de la CCI d’Angoulême constituaient des ressources étatiques, la Commission a estimé, au considérant 205 de la décision attaquée, que les ressources des collectivités territoriales étaient des ressources d’État aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
91 Il s’ensuit que la décision attaquée fait clairement apparaître le raisonnement de la Commission selon lequel les décisions du SMAC, notamment celles autorisant la signature des accords de 2008, étaient, en raison des caractéristiques de ses membres, à savoir les collectivités locales et les CCI, imputables à l’État.
92 Le fait que, dans la décision attaquée, la Commission ait développé son raisonnement relatif à la nature du SMAC, des collectivités locales et des CCI en rapport avec les mesures d’aide en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême n’a pas empêché les requérantes de comprendre le raisonnement suivi en ce qui concerne les accords de 2008. En effet, le raisonnement est valable quelle que soit la mesure d’aide adoptée par le SMAC ou ses membres.
93 Au regard de ce qui précède, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté.
2. Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur d’appréciation quant à l’imputabilité à l’État de la décision du SMAC de conclure les accords de 2008
94 Les requérantes font valoir que, le SMAC étant une entreprise exerçant une activité économique, la Commission était tenue, en application de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), de vérifier l’existence de plusieurs indices afin d’établir que les autorités publiques étaient impliquées d’une manière ou d’une autre dans l’adoption par le SMAC des mesures en faveur des requérantes. Or, la Commission aurait appliqué, en méconnaissance dudit arrêt, des critères purement organiques, tels que la composition et les pouvoirs du comité du SMAC approuvant les accords, la fourniture de services administratifs par les membres du SMAC et le fait que le SMAC soit détenu par des entités de droit public comprenant des autorités régionales, locales et municipales et deux CCI. Ainsi, la Commission n’aurait pas examiné l’implication des autorités publiques dans la décision du SMAC de conclure les accords de 2008.
95 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans le cadre du présent grief, les requérantes ne remettent pas en cause les constatations effectuées par la Commission concernant les CCI qui sont membres du SMAC. Ce n’est que dans le cadre du troisième grief, formulé à titre subsidiaire, que les requérantes soutiennent que la Commission a erronément considéré que les CCI faisaient partie de l’administration publique, dont les décisions sont nécessairement imputables à l’État.
96 Ensuite, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE déclare incompatible avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
97 À cet égard, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, EU:C:2004:448, point 35 et jurisprudence citée).
98 Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ne doit pas nécessairement être une mesure arrêtée par le pouvoir central de l’État concerné. Elle peut tout aussi bien émaner d’une autorité infra-étatique. Selon une jurisprudence constante, une mesure prise par une collectivité territoriale et non par le pouvoir central est susceptible de constituer une aide dès lors que sont remplies les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 17, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 55). En d’autres termes, les mesures prises par des entités infra-étatiques (décentralisées, fédérées, régionales ou autres) des États membres, quels que soient le statut juridique et la désignation de celles-ci, tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir fédéral ou central, dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si les conditions de cette disposition sont remplies (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 108 et jurisprudence citée).
99 En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a souligné, aux considérants 206 à 210 et 297 de la décision attaquée, que le SMAC était une entité publique regroupant des collectivités territoriales et des CCI et que, par ailleurs, la CCI d’Angoulême faisait partie de l’administration publique.
100 De plus, la Commission a constaté, au considérant 297 de la décision attaquée, que « la délibération du SMAC autorisant la signature des accords de 2008 » avait été approuvée à l’unanimité par ses entités publiques membres, le SMAC lui-même étant composé de collectivités territoriales et de CCI.
101 En particulier, il est communément admis que les quatre membres du SMAC qui constituent son comité syndical traitant de l’aéroport d’Angoulême disposent ensemble de treize voix, le département de la Charente, la communauté d’agglomération du Grand Angoulême et la CCI d’Angoulême ayant chacun quatre voix et la communauté de communes de Braconne et Charente ayant une voix, et que ces quatre membres ont unanimement voté au sein de ce comité en faveur de la décision de conclure les accords de 2008.
102 La Commission en a déduit, au considérant 298 de la décision attaquée, que les « décisions de conclure » les accords de 2008 sont imputables à l’État.
103 Dès lors que les quatre membres du SMAC sont des entités infra-étatiques au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 97 et 98 ci-dessus, il y a lieu d’approuver cette conclusion.
104 Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument des requérantes selon lequel le SMAC étant une entreprise exerçant une activité économique, la Commission était tenue, en application de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), de vérifier sur la base de plusieurs indices si les autorités publiques étaient impliquées dans l’adoption par le SMAC de mesures en faveur des requérantes, à savoir la conclusion des accords de 2008.
105 En effet, sans qu’il soit besoin de déterminer si le SMAC était une entreprise publique au sens de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), il y a lieu de souligner que la Commission a déduit l’imputabilité à l’État des accords de 2008 directement de ce que les collectivités territoriales et les CCI ont approuvé à l’unanimité la signature de ces accords.
106 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a, en tout état de cause, établi l’implication des autorités publiques dans la décision du SMAC de conclure les accords de 2008.
107 Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas fondé son examen de l’imputabilité à l’État sur les seuls critères prétendument organiques, à savoir la composition et les pouvoirs du comité des représentants du SMAC ainsi que la détention du SMAC par les collectivités territoriales et les CCI. En effet, elle n’a retenu l’imputabilité à l’État des mesures en cause qu’après avoir constaté que les collectivités territoriales ainsi que la CCI d’Angoulême avaient effectivement exercé au sein du SMAC leur pouvoir de décision à propos des accords de 2008.
108 Pour cette même raison, le raisonnement des requérantes ne peut être suivi lorsqu’elles soutiennent en substance que le vote unanime des membres au sein du comité syndical du SMAC reflète leur contrôle total de cette entité et revient donc à l’application d’un critère purement organique condamné par l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/89, EU:C:2002:294). En effet, ce raisonnement ignore que les membres du SMAC ont effectivement exercé leur pouvoir de décision au sein dudit comité.
109 En outre, aux fins de son analyse de l’imputabilité à l’État des accords de 2008, c’est sans commettre d’erreur que la Commission pouvait se référer, au considérant 207 de la décision attaquée, à l’intégration administrative du SMAC aux collectivités locales. En effet, la jurisprudence retient l’intégration dans les structures de l’administration publique comme un indice pertinent, parmi d’autres, qui peut être pris en compte pour conclure à l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 56).
110 Il y a également lieu d’écarter les autres arguments soulevés par les requérantes dans le cadre de son deuxième grief.
111 En premier lieu, les requérantes allèguent que l’initiative de la conclusion des accords de 2008 revient à la direction du SMAC, et non à l’État. Selon elles, l’approbation desdits accords par le comité syndical du SMAC n’est que la confirmation a posteriori de la décision du président du SMAC, qui a pris seul l’initiative de ces accords. Les membres dudit comité syndical n’auraient pas été impliqués dans les mêmes accords, dont le contenu ne leur aurait pas été communiqué à l’avance.
112 À cet égard, il suffit de souligner que, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, les membres du SMAC ont exercé un rôle direct et explicite dans la décision du SMAC, approuvée à l’unanimité, de conclure les accords de 2008, de sorte qu’ils doivent être considérés comme ayant été impliqués dans cette décision. Par conséquent, le fait que la direction du SMAC ait pu prendre l’initiative de conclure lesdits accords ne fait pas obstacle à leur imputabilité à l’État, dès lors que les collectivités territoriales et la CCI d’Angoulême sont intervenues pour approuver, le cas échéant, même sans discussion, la conclusion de ces accords.
113 En deuxième lieu, les requérantes affirment que, en tout état de cause, le vote unanime au sein du comité syndical du SMAC ne serait qu’un indice parmi de nombreux autres, et en aucun cas suffisant pour établir l’imputabilité à l’État au sens de l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294).
114 À cet égard, il suffit de rappeler que la Commission a constaté l’implication des autorités publiques dans l’adoption de la décision du SMAC de conclure les accords de 2008 directement sur la base du vote unanime des trois collectivités territoriales et de la CCI d’Angoulême en faveur de la signature de ces accords. Ainsi, la Commission s’est acquittée à suffisance de droit de son devoir d’apporter la preuve de l’implication de ces entités dans l’adoption de ladite décision.
115 Le fait que la décision attaquée n’a pas pris en compte le projet de résolution du comité syndical du SMAC et ne mentionne aucune démarche des membres quant à leur préférence pour ou contre la conclusion des accords de 2008 par la direction du SMAC n’infirme pas cette conclusion. Conformément à ce qui a été indiqué au point 112 ci-dessus, le fait que l’intervention des membres au sein dudit comité syndical a été axée avant tout sur l’approbation de la proposition faite par la direction du SMAC, même sans discussion, suffisait pour conclure que les membres devaient être considérés comme ayant été impliqués dans la décision du SMAC de conclure lesdits accords.
116 De plus, la Commission n’était pas tenue de suivre les approches analytiques qu’elle avait utilisées dans d’autres décisions se prononçant sur l’existence d’une aide. En effet, chaque cas doit être apprécié séparément selon les circonstances en l’espèce (arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 110).
117 En troisième lieu, les requérantes allèguent que la Commission aurait dû inclure, dans son analyse d’imputabilité à l’État des accords de 2008, tant les décisions du SMAC que celles de la CCI d’Angoulême, considérée en tant que CCI-aéroport.
118 À cet égard, en admettant que la CCI d’Angoulême, considérée en tant que CCI-aéroport, joue un rôle dominant comparé aux trois collectivités locales dans les décisions concernant les requérantes, comme celles-ci l’allèguent, il n’en demeure pas moins que le SMAC a été le seul signataire des accords de 2008 avec les requérantes. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a examiné l’imputabilité à l’État des accords de 2008 au travers du SMAC.
119 Au vu de ce qui précède, le deuxième grief du deuxième moyen doit être rejeté.
3. Sur le troisième grief, tiré d’une erreur d’appréciation quant à la nature de la CCI d’Angoulême
120 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur en considérant que les CCI françaises sont des autorités publiques dont les décisions sont nécessairement imputables à l’État, alors qu’elles sont des entités hybrides dont le rôle statutaire et réel est celui d’entreprises qui sont autonomes au regard de l’État et que la CCI d’Angoulême, en particulier, exerce une activité de gestion aéroportuaire.
121 À cet égard, il convient de rappeler qu’il est constant que la décision unanime au sein du comité syndical du SMAC de signer les accords de 2008 était la résultante, d’une part, des neuf voix émises par les collectivités territoriales et, d’autre part, des quatre voix émises par la CCI d’Angoulême.
122 Par conséquent, même si l’approbation par la CCI d’Angoulême de la décision du SMAC de conclure les accords de 2008 n’était pas imputable à l’État, il y a lieu de constater que les voix des trois collectivités territoriales étaient nécessaires, voire même suffisantes, pour que le SMAC pût conclure lesdits accords.
123 En effet, même à supposer que l’approbation de la décision de conclure les accords de 2008 ait nécessité une majorité qualifiée des deux tiers au sein du comité syndical du SMAC, il y a lieu de constater que les votes des trois collectivités territoriales représentaient une telle majorité qualifiée et que ces entités avaient donc le pouvoir d’approuver la conclusion des accords de 2008 sans l’assentiment de la CCI d’Angoulême. Dans tous les cas, ces votes étaient nécessaires pour rendre possible la conclusion de ces accords.
124 Il en résulte que, à ce titre déjà, comme le relève la Commission, les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou une autre, dans l’adoption de la décision du SMAC de conclure les accords de 2008, indépendamment de toute implication de la CCI d’Angoulême au sein du SMAC.
125 Par conséquent, la décision du SMAC de conclure les accords de 2008 était imputable à l’État, indépendamment de toute implication de la CCI d’Angoulême.
126 Partant, il y a lieu de considérer que le troisième grief est inopérant en ce qu’il reproche à la Commission d’avoir considéré que les décisions prises par la CCI d’Angoulême concernant la conclusion des accords de 2008 étaient imputables à l’État.
127 Dès lors, il y a lieu d’écarter le troisième grief du deuxième moyen.
4. Sur le quatrième grief, tiré d’une motivation contradictoire
128 Les requérantes allèguent que la Commission a motivé de manière contradictoire la décision attaquée en considérant, dans le cadre de l’examen de l’imputabilité à l’État des accords de 2008, que la CCI d’Angoulême, en qualité de CCI-aéroport, non seulement faisait partie de l’administration publique (considérants 210 et 297 de ladite décision), mais constituait une entreprise à qui avaient été octroyées des aides d’État (considérant 178 de cette décision). Or, la même entité ne pourrait simultanément faire partie de l’administration publique et être une entreprise bénéficiaire d’une aide, ces deux qualifications s’excluant mutuellement.
129 Les requérantes ajoutent que, en omettant de qualifier la CCI d’Angoulême soit d’entreprise, soit d’entité autre, la décision attaquée ne leur permet pas de déterminer si la Commission a fondé le critère d’imputation à l’État des accords de 2008 retenu dans le cas de la CCI d’Angoulême sur les indices mentionnés dans l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), ou sur le simple fait d’appartenir à l’administration publique. La décision attaquée serait dès lors entachée d’une insuffisance de motivation quant à la qualification de la CCI d’Angoulême.
130 À cet égard, il convient de relever que, tout d’abord, dans le cadre de l’examen des mesures d’aides en faveur des exploitants de l’aéroport d’Angoulême, la Commission a constaté que le SMAC et la CCI-aéroport avaient assuré conjointement, pour la période en cause, l’activité d’exploitation économique dudit aéroport et que les soutiens financiers à la CCI-aéroport constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. (considérants 18, 19, 21, 178, 182 et 211 à 275 de la décision attaquée).
131 Il doit être relevé que, ensuite, dans le cadre de l’examen des accords de 2008, la Commission s’est fondée sur certains éléments, tels que le statut juridique de la CCI d’Angoulême, la nature des activités de celle-ci et l’intensité de la tutelle exercée par l’État, pour en déduire que cette entité, considérée en qualité de CCI-aéroport, faisait partie de l’administration publique dont les décisions étaient nécessairement imputables à l’État.
132 Force est donc de constater que la Commission a considéré que, par son activité d’entreprise dans le cadre de la CCI-aéroport, la CCI d’Angoulême bénéficiait d’aides d’État, en l’occurrence les soutiens financiers en cause, et était, par ailleurs, une entité qui faisait partie de l’administration publique et avait consenti à l’octroi d’une aide aux requérantes, en l’occurrence par la conclusion des accords de 2008 par le SMAC.
133 Néanmoins, les aides d’État en cause étant distinctes, et ayant d’ailleurs fait l’objet d’un examen séparé dans la décision attaquée, il ne saurait être considéré, comme le prétendent les requérantes, que les qualifications de bénéficiaire d’aide et d’entité faisant partie de l’administration publique soient, en l’occurrence, incompatibles. En effet, une entité publique peut être bénéficiaire d’une aide d’État, dès lors qu’il s’agit d’une entreprise active sur un marché. Toutefois, rien n’exclut que l’établissement public, ayant été investi des missions d’intérêt général et exerçant, dans ce cadre, une activité économique sous la tutelle de l’État, faisant partie de l’administration publique, puisse également, dans le contexte d’une mesure distincte, accorder une aide à des entreprises, telles que les requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, points 143 et 145).
134 À cet égard, il convient de rappeler que rien n’empêche que l’exercice d’une activité économique soit intégré dans les structures relevant de l’administration publique (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21). De même, le fait qu’une entité exerce à la fois des activités économiques et des activités qui ne le sont pas n’empêche pas de la qualifier d’entreprise au sens des règles sur les aides d’État en ce qui concerne les premières activités (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2002, Aéroports de Paris/Commission, C‑82/01 P, EU:C:2002:617, point 74).
135 Par ailleurs, l’intégration d’une entité, telle que l’exploitant d’un aéroport, à l’administration publique ne s’oppose pas à ce que cette entité puisse bénéficier d’une aide d’État. En effet, il convient de rappeler que l’existence ou non d’une personnalité juridique distincte de celle de l’État, attribuée par le droit national à un organe exerçant des activités économiques, est sans influence sur l’existence de relations financières entre l’État et cet organe et, partant, sur la possibilité pour ledit organe de bénéficier d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, T‑443/08 et T‑455/08, EU:T:2011:117, points 128 et 129 et jurisprudence citée).
136 Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la décision attaquée n’est pas entachée de contradiction en ce qu’elle qualifie la CCI-aéroport à la fois de bénéficiaire d’aide et d’entité faisant partie de l’administration publique.
137 Dès lors, le quatrième grief du deuxième moyen doit être rejeté.
138 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen dans son intégralité.
5. Sur le troisième moyen, tiré de l’application erronée du critère de l’opérateur en économie de marché
139 Par le troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas correctement appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché et a, de ce fait, violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE.
140 Le troisième moyen est divisé en deux branches. En premier lieu, la Commission aurait refusé à tort d’effectuer une analyse comparative alors que la réalisation d’une telle analyse l’aurait conduite à conclure à l’absence d’une aide. La décision attaquée serait, en outre, entachée de défauts de motivation sur ce point. En second lieu, elle aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’analyse de rentabilité incrémentale et ne l’aurait pas suffisamment motivée.
141 La Commission conteste cette argumentation.
142 Avant d’examiner les deux branches du présent moyen, il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 87 et jurisprudence citée).
143 La Cour a néanmoins jugé que le contrôle juridictionnel était limité, en ce qui concernait la question de savoir si une mesure entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentaient un caractère technique ou complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 88).
144 À cet égard, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’investisseur privé avisé dans une économie de marché, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission une appréciation économique complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 89).
145 Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, il ressort d’une jurisprudence désormais constante de la Cour que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 91 et jurisprudence citée).
a) Sur la première branche, tirée d’erreurs d’appréciation et de défauts de motivation en ce qui concerne la décision de s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
146 Les requérantes font valoir que la Commission a refusé à tort de s’appuyer sur une analyse comparative, alors que la réalisation d’une telle analyse l’aurait conduite à conclure à l’absence d’une aide, tant en ce qui concerne le contrat de services aéroportuaires que le contrat de services marketing.
147 Dans la décision attaquée, la Commission a rappelé que le paragraphe 53 des lignes directrices de 2014 prévoyait deux méthodes d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché :
– l’analyse comparative selon laquelle une aide en faveur d’une compagnie aérienne utilisant un aéroport pouvait en principe être exclue dès lors que le prix facturé pour les services aéroportuaires correspondait au prix du marché ;
– l’analyse de rentabilité incrémentale selon laquelle l’existence d’une telle aide pouvait être exclue s’il pouvait être démontré, au moyen d’une analyse ex ante, que l’accord entre l’aéroport et la compagnie aérienne entraînerait pour l’aéroport un apport marginal positif aux recettes (considérant 339 de la décision attaquée).
148 La Commission a également rappelé que, dans les lignes directrices de 2014, elle exprimait le doute qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires. Elle avait dès lors estimé que l’analyse de rentabilité incrémentale constituait le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des accords conclus par les aéroports avec les compagnies aériennes individuelles (considérant 340 de la décision attaquée).
149 Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en outre, fondée en substance sur les considérations suivantes pour s’écarter de l’analyse comparative :
– la structure des coûts et des recettes tendait à différer fortement d’un aéroport à un autre (considérant 341 de la décision attaquée) ;
– la libéralisation du marché du transport aérien compliquait toute analyse strictement comparative ; les relations commerciales entre aéroports et compagnies aériennes présentaient une grande variété et étaient donc peu comparables sur la base d’un prix par rotation ou par passager (considérant 342 de la décision attaquée) ;
– les conclusions d’une analyse comparative présentée par Ryanair au cours de la procédure administrative (ci-après l’« étude du 25 juin 2012 ») ne sauraient être retenues, puisque la méthode qui y était adoptée se limitait aux prestations et aux versements issus du contrat de services aéroportuaires sans tenir compte du contrat de services marketing (considérants 343 et 344 de la décision attaquée) ;
– ainsi, les redevances acquittées par Ryanair pour des services aéroportuaires dans d’autres aéroports ne sauraient tenir lieu de référentiel aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché (considérant 345 de la décision attaquée) ;
– le prix réellement payé par Ryanair pour l’utilisation des services aéroportuaires de l’aéroport d’Angoulême avait été négatif au cours des années 2008 et 2009 (considérant 346 de la décision attaquée) ;
– les aéroports retenus dans l’échantillon d’aéroports de comparaison figurant dans l’étude du 25 juin 2012 n’étaient pas suffisamment comparables (considérants 347 et 348 de la décision attaquée).
150 Dans ces conditions, la Commission a considéré que, dans le présent contexte et tenant compte de l’ensemble des éléments à sa disposition, il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’approche préconisée dans les lignes directrices de 2014, à savoir l’analyse de rentabilité incrémentale (considérant 349 de la décision attaquée).
151 Il convient d’examiner, au regard des griefs des requérantes, si la Commission pouvait sans commettre d’erreur s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative et si elle a suffisamment motivé la décision attaquée à cet égard.
1) Sur le rejet de l’analyse comparative comme méthode d’application du critère de l’opérateur en économie de marché
152 Les requérantes font valoir que la Commission a méconnu que l’analyse comparative était la principale méthode d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché pour déterminer si l’arrangement avait conféré un avantage à la partie privée, cette méthode étant d’ailleurs conforme au principe de sécurité juridique. En se fondant sur l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388, points 38 et 39), elles soutiennent que, à titre de principe général du droit de l’Union, la Commission ne pouvait s’appuyer sur l’analyse de rentabilité incrémentale que dans l’hypothèse où l’analyse comparative, notamment dans le cadre d’une comparaison avec un « investisseur privé », n’aurait pas été possible, ce qui ne serait pas le cas pour des services aéroportuaires ou marketing.
153 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’« aide » au sens de l’article 107 TFUE ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 78, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 70). Cette appréciation s’effectue en principe par l’application du critère de l’opérateur en économie de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 71).
154 En vue de déterminer si une mesure étatique constitue une aide, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un opérateur en économie de marché, d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à conclure les accords concernés (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, EU:C:1990:125, point 29, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 40 et 42).
155 Toutefois, déterminer si un opérateur en économie de marché aurait procédé à un arrangement tel que celui en cause ne saurait nécessairement impliquer pour la Commission l’obligation d’utiliser l’analyse comparative. En effet, cette méthode ne constitue qu’un instrument analytique parmi d’autres en vue de déterminer si l’entreprise bénéficiaire a reçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 250 et 254, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 43 et 44).
156 En effet, le choix de l’instrument approprié appartient à la Commission dans le cadre de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire a perçu un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 251 et 258, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 45).
157 En l’espèce, sans qu’il soit besoin d’apprécier à ce stade le bien-fondé des motifs invoqués par la Commission pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative, il y a lieu de considérer qu’elle pouvait donc sans commettre d’erreur examiner, aux considérants 339 à 349 de la décision attaquée, quelle était dans le cas d’espèce la méthode d’appréciation la plus appropriée aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. Ainsi, doutant qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires et tenant compte des considérations liées à la divergence des coûts et des recettes entre aéroports, à la faible comparabilité des transactions entre aéroports et compagnies aériennes, à l’existence d’un prix négatif réellement payé par Ryanair pour les services de l’aéroport en question et au caractère inadéquat de l’étude du 25 juin 2012, la Commission a retenu l’analyse de rentabilité incrémentale et s’est écartée de l’analyse comparative.
158 Cette approche de la Commission n’est pas infirmée par la jurisprudence invoquée par les requérantes, à savoir l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388, points 38 et 39), selon laquelle, en l’absence de toute possibilité de comparer la situation d’une entreprise publique avec celle d’une entreprise privée n’opérant pas dans un secteur réservé, les conditions normales de marché, qui sont nécessairement hypothétiques, doivent s’apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles, tels que les coûts supportés par l’entreprise publique. En effet, cette jurisprudence doit être lue dans le contexte des circonstances de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, à savoir l’impossibilité d’appliquer une analyse comparative et donc l’absence de choix entre une telle analyse et d’autres méthodes. Par conséquent, dans l’arrêt susmentionné, contrairement à ce que les requérantes soutiennent en substance, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’existence d’une hiérarchie entre l’analyse comparative et d’autres méthodes, mais a uniquement constaté l’impossibilité de recourir à une analyse comparative dans le cas d’espèce.
159 Il s’ensuit que l’argument des requérantes tiré de l’existence d’un principe général du droit de l’Union prétendument évoqué dans l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388), qui établirait une hiérarchie entre l’analyse comparative et d’autres méthodes, ne saurait prospérer.
160 De même, les requérantes ne sauraient valablement s’appuyer sur le fait que les arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission (T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57), et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission (T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604), concernaient l’instrument analytique du rendement moyen dans le secteur dès lors que, dans ces arrêts, le Tribunal a jugé que l’utilisation du rendement moyen du secteur ne constituait qu’un instrument analytique parmi d’autres dans le cadre d’application de l’article 107, paragraphe 2, TFUE.
161 Les requérantes ne sauraient pas non plus valablement s’appuyer sur la jurisprudence selon laquelle le fait que l’opération litigieuse soit raisonnable pour l’autorité publique ne dispense pas la Commission de vérifier si la mesure en cause a conféré à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, point 213). En effet, l’analyse de rentabilité incrémentale vise précisément à vérifier si, par la conclusion de l’accord, l’autorité publique, agissant comme un opérateur en économie de marché se trouvant, dans la mesure du possible, dans la même situation, a fait bénéficier l’autre partie à l’accord d’un avantage économique que celle-ci n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché.
162 Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission devait réaliser une analyse comparative dans le cas des services aéroportuaires ou marketing doit être rejetée.
2) Sur les griefs concernant les motifs invoqués dans la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
163 Les requérantes contestent les motifs spécifiques que la Commission a invoqués aux considérants 340 à 348 de la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative comme méthode d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.
164 En particulier, les requérantes avancent en substance quatre griefs selon lesquels les motifs en cause contiennent des erreurs d’appréciation et des défauts de motivation.
i) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que la diversité des aéroports justifiait qu’elle s’écarte, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
165 Les requérantes soutiennent que la Commission a erronément considéré que la diversité des situations des aéroports européens invalidait l’étude du 25 juin 2012.
166 En premier lieu, s’agissant du motif relatif à la différence des structures des coûts et des recettes entre les aéroports (considérant 341 de la décision attaquée), les requérantes font valoir que la Commission n’a fourni aucune donnée ni aucun exemple pour expliquer le niveau et l’importance de ces différences. Or, il lui appartenait d’apporter des arguments spécifiques à l’affaire pour justifier le rejet de l’analyse comparative, qui serait la méthode principale d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé.
167 À cet égard, il suffit de relever que la Commission a constaté, au considérant 341 de la décision attaquée, que la structure des coûts et des recettes tendait à différer fortement d’un aéroport à un autre et, à l’appui de cette constatation, a énuméré une série d’indicateurs de divergence de coûts et de recettes. De plus, les requérantes n’ont formulé aucun argument concret permettant de considérer que l’exposé desdits indicateurs serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
168 En deuxième lieu, s’agissant du motif relatif à la faible comparabilité des transactions entre aéroports et compagnies aériennes (considérant 342 de la décision attaquée), les requérantes font valoir que la Commission a erronément soutenu que les redevances aéroportuaires n’étaient généralement pas comparables entre les aéroports.
169 À cet égard, il y a lieu de constater que les requérantes effectuent une lecture erronée de la décision attaquée lorsqu’elles avancent que la Commission a considéré que les redevances aéroportuaires entre aéroports n’étaient pas comparables. En effet, la Commission a expliqué, au considérant 342 de ladite décision, que, comme le cas d’espèce en témoignait, les relations commerciales entre aéroports et compagnies aériennes ne reposaient pas sur une liste de prix publics au regard de prestations individuelles, mais présentaient une grande variété et étaient donc peu comparables sur la base d’un prix par rotation ou par passager.
170 Par ailleurs, il ressort du dossier que les accords de 2008 allaient bien au-delà d’une simple application de la tarification générale en vigueur dans l’aéroport d’Angoulême en matière de redevances aéroportuaires et comprenaient la conclusion d’un contrat de services aéroportuaires et d’un contrat de services marketing.
171 Au surplus, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne pouvait pas invoquer la libéralisation du secteur du transport aérien en Europe pour justifier qu’elle s’écartât, dans la présente affaire, de l’analyse comparative sans apporter d’éléments de nature à l’étayer, il y a lieu de souligner que la Commission a évoqué au considérant 342 de la décision attaquée la libéralisation pour expliquer l’hétérogénéité des pratiques commerciales entre les aéroports, rendant toute analyse purement comparative plus compliquée. Contrairement à ce que les requérantes allèguent, ladite décision ne vise dès lors pas à exclure l’analyse comparative pour déterminer si un opérateur en économie de marché aurait procédé à un arrangement donné dans les secteurs libéralisés, voire dans tous les secteurs.
172 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le fait pour la Commission de s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative pour déterminer si un opérateur en économie de marché aurait procédé à un arrangement donné dans le secteur du transport aérien en Europe serait en contradiction avec l’approche précédemment suivie par ladite institution concernant d’autres secteurs, il convient de rappeler que la notion d’aide d’État revêt un caractère juridique et doit être interprétée uniquement sur la base de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non sur la base de toute pratique administrative antérieure de la Commission, même à la supposer établie (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission, C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, points 52 et 53, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46).
173 Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’est pas « crédible » lorsqu’elle soutient que l’analyse comparative « ne peut jouer aucun rôle » pour des services aéroportuaires, alors même qu’elle a recueilli des données relatives à la comparaison des aéroports au cours de la procédure administrative à la suite de demandes de renseignements, il suffit de relever que la Commission a considéré, en définitive, que ces données n’étaient pas pertinentes aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. En outre, ainsi qu’elle l’a constaté au considérant 348 de la décision attaquée, Ryanair n’a pas établi que les aéroports de comparaison qu’elle proposait fussent suffisamment comparables à l’aéroport d’Angoulême au regard d’un certain nombre de paramètres.
174 Partant, au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que la diversité des aéroports justifiait qu’elle s’écarte, dans la présente affaire, de l’analyse comparative doit être rejeté.
ii) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que l’analyse comparative devrait être fondée sur une comparaison des accords de 2008 pris conjointement avec d’autres transactions similaires
175 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a écarté l’étude du 25 juin 2012 (considérants 343 à 348).
176 L’étude du 25 juin 2012, d’abord, identifie, sur la base d’une méthode préalablement définie, quatre aéroports de comparaison.Ensuite, elle compare les charges payées par Ryanair à l’aéroport d’Angoulême avec les charges qu’elle paye aux aéroports de comparaison. Enfin, elle conclut que les charges payées par cette compagnie aérienne audit aéroport sont plus élevées que celles payées en moyenne à ces aéroports de comparaison, aussi bien sur la base d’un prix par rotation que sur la base d’un prix par passager. Il ressort de ladite étude que ces résultats suggèrent que les charges payées par Ryanair à l’aéroport d’Angoulême correspondent à celles qui lui auraient été proposées dans des circonstances similaires par un investisseur privé en économie de marché possédant un aéroport.Par ailleurs, cette étude indique que l’analyse effectuée ne prend pas en compte les accords de marketing, c’est-à-dire le contrat de services marketing conclu entre le SMAC et AMS.
177 Les requérantes font valoir que le contrat de services marketing conclu entre le SMAC et AMS ne devrait pas être intégré dans une comparaison conjointe des accords de 2008 avec les redevances des aéroports de comparaison.
178 Selon les requérantes, la Commission a erronément rejeté, aux considérants 344 et 345 de la décision attaquée, les conclusions de l’étude du 25 juin 2012 au motif que celle-ci se limitait aux prestations et aux versements issus du contrat de services aéroportuaires sans tenir compte des paiements en faveur d’AMS au titre du contrat de services marketing. Selon elles, le prix des services fournis en exécution de ce dernier contrat reflète leur valeur, telle qu’il a été démontré par plusieurs études économiques qu’elles ont produites lors de la procédure administrative. Le contrat de services aéroportuaires et le contrat de services marketing seraient deux contrats distincts prévoyant chacun une rétribution adéquate en échange des services fournis. Les requérantes estiment que le fait que les accords de 2008 ont été signés simultanément par des sociétés appartenant au même groupe ne saurait suffire pour justifier l’approche de la Commission selon laquelle les paiements effectués au titre du contrat de services marketing devaient être considérés comme une réduction sur les redevances aéroportuaires prévues dans le contrat de services aéroportuaires. En conséquence, s’il y avait lieu de les analyser ensemble dans le cadre de l’analyse comparative, la valeur des services marketing, qui est égale au prix à payer en vertu du contrat de services marketing, devrait être ajoutée à celle des services aéroportuaires, ce qui annulerait l’effet sur les prix de l’aéroport d’Angoulême comparés à ceux des aéroports de comparaison.
179 À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission vérifie si une opération spécifique contient des éléments d’aide d’État, elle est tenue de prendre en compte le contexte dans lequel se déroule cette opération (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2011, Konsum Nord/Commission, T‑244/08, non publié, EU:T:2011:732, point 57). En effet, l’examen d’une opération en dehors de son contexte pourrait donner lieu à des résultats de pure forme qui ne correspondent pas à la réalité économique (arrêt du 8 janvier 2015, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, T‑58/13, non publié, EU:T:2015:1, point 91).
180 Dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, il est nécessaire d’envisager la transaction commerciale dans son ensemble en vue de vérifier si l’entité étatique s’est comportée comme un opérateur rationnel en économie de marché. En effet, la Commission a l’obligation de tenir compte, dans l’évaluation des mesures litigieuses, de tous les éléments pertinents et de leur contexte (arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 270).
181 En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il convenait d’analyser conjointement les accords de 2008, lesquels constituaient une transaction unique, afin de déterminer s’ils constituaient des aides d’État (considérants 304 à 313 de la décision attaquée). Pour parvenirà cette conclusion, d’abord, elle a constaté que lesdits accords avaient été conclus à la même date et par les mêmes parties, qui constituaient une seule entité économique (considérant 307 de la décision attaquée). Ensuite, elle a constaté que le contrat de services marketing était lié à l’opération de liaisons aériennes par Ryanair à l’aéroport d’Angoulême (considérant 308 de la décision attaquée). Selon elle, la relation commerciale entre le SMAC et les requérantes ne pouvait être envisagée que dans le cadre unique du lancement de la ligne de Ryanair reliant l’aéroport d’Angoulême et celui de Londres-Stansted. À cet égard, elle a renvoyé à un audit réalisé pour le compte des collectivités de Charente et aux déclarations des autorités françaises affirmant que ces accords constituaient un dispositif contractuel cohérent et global, non dissociable. Par ailleurs, elle a expliqué que l’appréciation du lien indissociable entre le contrat de services marketing et la liaison aérienne opérée par Ryanair était renforcée par les stipulations de ce contrat dont la clause relative à l’objet de la convention énonçait que celle-ci reposait sur l’engagement de Ryanair d’opérer une liaison aérienne entre ledit aéroport et Londres (Royaume-Uni) (considérant 309 de la décision attaquée). De plus, elle a constaté que l’objet de ce contrat était de fournir des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair afin de promouvoir Angoulême (France) comme destination de voyage parmi les visiteurs dudit site Internet, et donc les clients de cette compagnie aérienne (considérant 310 de la décision attaquée). Elle en a déduit que les coûts liés au contrat en question étaient, pour le SMAC, attribuables à l’ouverture de la ligne reliant Londres et Angoulême et que les bénéfices de pareil contrat ne pouvaient se traduire que par le biais de revenus supplémentaires liés au trafic de passagers sur cette ligne (considérant 311 de la décision attaquée). Enfin, elle a conclu que le contrat concerné était indissociable du contrat de services aéroportuaires et des services de transport aérien qui en faisaient l’objet (considérant 312 de la décision attaquée). Elle a relevé que les éléments factuels présentés ci-dessus faisaient apparaître que, en l’absence de cette ligne, et donc du contrat de services aéroportuaires, le contrat de services marketing n’aurait eu aucune explication économique raisonnable pour l’aéroport d’Angoulême et n’aurait donc pas été conclu. Elle a relevé que Ryanair était à l’époque la seule compagnie aérienne de grande dimension qui desservait cet aéroport et qui aurait pu augmenter le trafic. Selon elle, si l’aéroport en question voulait promouvoir le trafic sur d’autres lignes desservies par d’autres compagnies concurrentes, il est raisonnable de penser qu’il n’aurait pas fait de la publicité sur ce site Internet.
182 Or, les requérantes ne parviennent pas à remettre en cause cette analyse. En effet, la Commission ne s’est pas uniquement fondée sur le fait que les accords de 2008 avaient été signés le même jour par des parties appartenant au même groupe de sociétés, mais elle a considéré ces éléments en relation avec d’autres éléments tels que l’objet et les termes mêmes du contrat de services marketing et l’absence d’explication économique raisonnable pour l’aéroport d’Angoulême de conclure ce dernier contrat sans la fourniture d’une liaison aérienne par Ryanair. À cet égard, il convient de relever que le contrat en question prévoyait d’ailleurs explicitement qu’il reposait sur l’engagement de Ryanair d’opérer une liaison aérienne entre Angoulême et Londres.
183 En outre, les requérantes n’ont pas apporté d’éléments qui infirment l’analyse de la Commission selon laquelle le contrat de services marketing était indissociable du contrat de services aéroportuaires et des services de transport aérien qui en faisaient l’objet.
184 Il s’ensuit que la Commission pouvait considérer sans commettre d’erreur qu’il convenait d’analyser conjointement les accords de 2008, comme une transaction unique.
185 Par conséquent, la Commission a pu sans commettre d’erreur rejeter les conclusions de l’étude du 25 juin 2012 comme inopérantes et se fonder sur une analyse conjointe des accords de 2008 (considérant 344 de la décision attaquée). En effet, ladite étude se limitait à comparer les redevances aéroportuaires imposées par l’aéroport d’Angoulême avec les redevances aéroportuaires imposées par certains aéroports en Europe retenus à titre de comparaison, alors que l’application correcte du critère de l’opérateur en économie de marché impliquait que, dans le cas d’espèce, lesdits accords soient pris en compte comme une transaction unique.
186 L’argument des requérantes selon lequel le prix payé en vertu du contrat de services marketing correspondait à la valeur réelle des services à exécuter en vertu dudit contrat doit être écarté. En effet, cet argument est fondé sur l’hypothèse non fondée que les services marketing et les services aéroportuaires seraient distincts et autonomes (voir points 179 à 184 ci-dessus) et que, dès lors, le prix à payer pour des services marketing ne saurait être considéré comme un coût attribuable à l’ouverture de la liaison aérienne entre l’aéroport d’Angoulême et Londres-Stansted qui devrait être déduit des revenus supplémentaires, y compris des redevances aéroportuaires, liés au trafic de passagers sur cette ligne.
187 Il s’ensuit que l’affirmation des requérantes selon laquelle le prix payé en vertu du contrat de services marketing correspondait à la valeur réelle des services à exécuter en vertu dudit contrat doit être rejetée.
188 Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que l’analyse comparative devrait être fondée sur une comparaison des accords de 2008 pris conjointement.
iii) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que Ryanair payait un prix négatif
189 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur en écartant l’étude du 25 juin 2012 au motif que Ryanair avait payé un « prix négatif » en 2008 et en 2009 pour l’utilisation des services aéroportuaires de l’aéroport d’Angoulême. La constatation d’un prix négatif serait sans pertinence pour l’analyse comparative et n’aurait un rôle à jouer tout au plus que dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale.
190 À cet égard, certes, la Commission a souligné, au considérant 346 de la décision attaquée, parmi les éléments de son examen du caractère adéquat de l’analyse comparative, que le prix réellement payé par Ryanair pour l’utilisation de ces services aéroportuaires avait été négatif au cours des années 2008 et 2009 et que les revenus extra-aéronautiques anticipés n’étaient pas suffisants ni de nature à se développer au cours de la durée du contrat de services aéroportuaires dans des proportions susceptibles de compenser le prix négatif.
191 Or, il y a lieu de rappeler que l’analyse comparative n’est qu’un instrument analytique parmi d’autres aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que l’utilisation de l’analyse comparative ne saurait dispenser la Commission de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte. Elle pouvait donc prendre en compte le fait qu’un rendement négatif était prévisible dans le cadre d’une transaction donnée (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 44 et 45).
192 Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur en évoquant le prix négatif payé par Ryanair dans le cadre de son examen du caractère adéquat de l’étude du 25 juin 2012.
193 Partant, le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que Ryanair payait un prix négatif doit être rejeté.
iv) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 étaient suffisamment comparables à celui d’Angoulême et d’un défaut de motivation à cet égard
194 Les requérantes font valoir que la Commission a affirmé à tort que Ryanair n’avait pas démontré que les quatre aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 étaient suffisamment comparables à celui d’Angoulême. À cet égard, d’une part, elles soutiennent que la Commission n’a pas examiné, et encore moins réfuté, la méthode utilisée dans ladite étude pour identifier lesdits aéroports sélectionnés. La Commission n’aurait pas établi que ces aéroports ne constituaient pas des points de comparaison adéquats. Elle aurait critiqué à tort cette étude du fait que l’un des critères de comparaison choisi reposait sur l’appartenance à la catégorie des aéroports ayant un trafic inférieur à un million de passagers par an. Dans la réplique, les requérantes ajoutent que, pour rejeter l’étude en question, la Commission a invoqué erronément la redevance négative versée par Ryanair en raison des frais de marketing payés par l’aéroport d’Angoulême.Par conséquent, la Commission aurait commis un défaut de motivation et une erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas contacté d’aéroports privés ou exploités par un opérateur privé pour se renseigner sur les prix qu’ils pratiquaient et n’a dès lors fait aucun effort pour trouver des critères de comparaison.
195 À cet égard, s’agissant de l’argumentation prise de ce que la Commission aurait erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 fussent suffisamment comparables à celui d’Angoulême, il y a lieu de relever que, comme l’indique la Commission, le fait de ne pas avoir pris en compte le contrat de services marketing suffisait déjà pour exclure la méthode utilisée dans ladite étude (considérant 344 de la décision attaquée). En effet, l’application du critère de l’investisseur privé dans le cas d’espèce exige que les accords de 2008, lesquels constituent une transaction unique, soient analysés conjointement (voir points 179 à 184 ci-dessus). Partant, cette argumentation doit être rejetée comme inopérante.
196 Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la circonstance que la décision attaquée ne précise pas, pour chacun des aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012, les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient être retenus comme éléments de comparaison ne permet pas de conclure, en tant que telle, à un défaut de motivation au sens de l’article 296 TFUE.
197 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de ladite disposition doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).
198 En l’espèce, la Commission a rappelé, au considérant 340 de la décision attaquée, ses doutes, tels qu’exprimés dans le paragraphe 59 des lignes directrices de 2014, qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports. De plus, elle a constaté, au considérant 347 de ladite décision, que les aéroports pour lesquels un prix négatif pourrait être justifié étaient peu nombreux et absents de l’échantillon d’aéroports de comparaison figurant dans l’étude du 25 juin 2012 et que les caractéristiques des aéroports composant cet échantillon étaient trop hétérogènes pour offrir une base d’analyse satisfaisante. Elle a précisé que l’un des critères de comparaison choisi reposait sur l’appartenance à la catégorie des aéroports dont le trafic était inférieur à un million de passagers par an et que, dès lors que les charges pratiquées par l’aéroport d’Angoulême étaient comparées à celles pratiquées par des aéroports dont le trafic annuel était de plusieurs centaines de milliers de passagers par an, l’analyse comparative qui en résultait était établie sur une base insuffisamment précise pour être acceptable. Enfin, en se référant aux paramètres énumérés au paragraphe 60 desdites lignes directrices, la Commission a constaté, au considérant 348 de la décision attaquée, que Ryanair n’avait pas montré que les aéroports qu’elle citait étaient suffisamment comparables en ce qui concernait le volume de trafic, le type de trafic, le type et le niveau de services aéroportuaires, la présence d’une grande ville à proximité de l’aéroport, le nombre d’habitants dans la zone d’attraction, la prospérité dans la zone avoisinante et l’existence d’autres zones géographiques susceptibles d’attirer les passagers.
199 Certes, dans la décision attaquée, la Commission ne précise pas de manière plus détaillée les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu l’échantillon d’aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 comme élément valable de comparaison.
200 Toutefois, s’agissant de la détermination des aéroports de référence, il ne saurait être contesté qu’elle relève d’appréciations techniques complexes. Dès lors que la décision attaquée faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuyait ce raisonnement (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 45 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 134).
201 Ainsi, une explication, pour chacun des aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012, des raisons pour lesquelles ceux-ci ne pouvaient être retenus n’apparaissait pas nécessaire dans la décision attaquée pour que les requérantes puissent comprendre le raisonnement suivi par la Commission.
202 Ainsi, les requérantes étaient en mesure de contester devant le Tribunal le rejet par la Commission de l’échantillon d’aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012.
203 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation prise d’un défaut de motivation.
204 En outre, les requérantes ne parviennent pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la méthode de sélection des aéroports de comparaison.
205 Premièrement, s’agissant de l’argumentation des requérantes concernant l’appartenance à la catégorie des aéroports dont le trafic est inférieur à un million de passagers par an, elle ne saurait prospérer. En effet, la Commission explique au considérant 347 de la décision attaquée que l’étude du 25 juin 2012 compare les charges aéroportuaires pratiquées par l’aéroport d’Angoulême à celles pratiquées par des aéroports dont le trafic annuel est de plusieurs centaines de milliers de passagers par an et elle en a déduit que l’analyse qui en résulte est établie sur une base insuffisamment précise pour être acceptable.
206 À cet égard, il y a lieu de constater que, dès lors que, au considérant 348 de la décision attaquée, la Commission a également fondé son rejet de l’étude du 25 juin 2012 sur une série d’autres paramètres, il n’est pas établi que le constat relatif au paramètre de la taille générale de l’aéroport était décisif pour conclure que les aéroports de référence n’étaient pas suffisamment comparables.
207 Deuxièmement, les requérantes ne remettent pas en cause la considération de la Commission, figurant au considérant 347 de la décision attaquée, selon laquelle les aéroports pour lesquels un prix négatif pourrait être justifié étaient peu nombreux et absents de l’échantillon d’aéroports de comparaison figurant dans l’étude du 25 juin 2012.En effet, la Commission a expliqué, sans être contredite par les requérantes, que ladite étude n’incluait pas d’aéroports pour lesquels un prix négatif serait justifié.
208 Troisièmement, les requérantes font valoir qu’elles ont expliqué de manière très détaillée les critères de sélection utilisés pour les aéroports de comparaison, tant sur le plan général qu’en se référant spécifiquement à l’aéroport. Elles renvoient notamment à l’étude du 25 juin 2012.
209 La Commission rétorque que l’étude du 25 juin 2012 n’était pas un élément valable pour établir le prix de marché en ce qui concerne les accords de 2008.
210 À cet égard, la Commission explique que l’aéroport de Bournemouth appartient à une entité qui est majoritairement détenue par un État et que l’étude du 25 juin 2012 ne fait pas mention d’une gestion selon les principes de l’économie de marché, que l’aéroport de Grenoble ne fonctionne qu’en hiver pendant la saison de ski, que l’aéroport de Maastricht avait d’importantes activités de fret, avait bénéficié d’aides d’État élevées depuis 2004 et était passé en actionnariat public en 2013 après avoir apparemment dû être sauvé par l’État néerlandais et que l’aéroport de Knock, bien qu’en propriété privée, a reçu des fonds publics considérables, à savoir des subventions en capital de l’ordre de 13 millions d’euros entre 1997 et 2012.
211 Les requérantes ont avancé, lors de l’audience, un certain nombre d’arguments à l’encontre de cette analyse de la Commission.
212 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’aéroport de Bournemouth a été rentable durant les douze années précédant l’année 2012, il y a lieu de souligner que si, certes, cet élément est pertinent pour considérer le comportement de l’aéroport comme celui d’un opérateur en économie de marché, il n’en demeure pas moins que cet aéroport est en propriété publique.
213 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel Ryanair a exploité de multiples liaisons estivales vers et au départ de l’aéroport de Grenoble entre 2006 et 2009, il y a lieu de souligner que la Commission a précisé dans ces écritures et à l’audience que cet aéroport avait un modèle commercial qui était concentré sur la saison d’hiver, ce qui le distinguait de l’aéroport d’Angoulême et, partant, n’en faisait pas un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services aéroportuaires (voir considérant 340 de la décision attaquée).
214 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les subventions étatiques en faveur de l’aéroport de Knock ne s’élevaient qu’à 6 % des actifs de l’aéroport pour la période considérée, il y a lieu de remarquer que la Commission a pu considérer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, qu’un apport de fonds publics d’une telle ampleur constituait un élément pertinent dans son appréciation du caractère approprié de cet aéroport comme élément de référence.
215 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’aéroport de Maastricht était en propriété privée pendant la période concernée, il y a lieu de relever que cet élément ne remet pas en cause la constatation de la Commission, effectuée à partir de l’étude du 25 juin 2012, selon laquelle cet aéroport avait reçu des subventions de l’ordre de 42,9 millions euros depuis 2004.
216 En tout état de cause, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont ni dans le corps de la requête ni dans celui de la réplique avancé d’éléments remettant en cause la constatation de la Commission selon laquelle les aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 n’étaient pas suffisamment comparables au regard des paramètres évoqués au considérant 348 de la décision attaquée.
217 Dès lors, en dépit de la constatation faite au point 212 ci-dessus, il y a lieu de conclure, au regard de tous les éléments pris ensemble, que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’échantillon d’aéroports de comparaison figurant dans l’étude du 25 juin 2012.
218 S’agissant du l’argument des requérantes tiré du manque d’efforts fournis par la Commission afin de se renseigner auprès des aéroports privés ou exploités de manière privée pour trouver des critères de comparaison, il convient de relever que ce grief vise l’étendue des obligations d’enquête incombant à la Commission lorsqu’elle est appelée à appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché aux accords de 2008.
219 Conformément à la jurisprudence, la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59).
220 À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur en économie de marché privé normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 60).
221 Il convient également de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70).
222 Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’évaluation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 220 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).
223 En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a rappelé ses doutes, tels qu’exprimés dans les lignes directrices de 2014, qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports. Or, la Commission évoque notamment, aux paragraphes 56 à 58 desdites lignes directrices, le fait que la grande majorité des aéroports de l’Union bénéficient de fonds publics, que les tarifs des aéroports publics sont généralement établis non sur la base de considérations liées au marché, mais en tenant compte de considérations de caractère social ou de politique régionale, et que même les tarifs des aéroports privés peuvent être fortement influencés par ceux pratiqués par la majorité des aéroports bénéficiant de subventions publiques. Dès lors, même s’il n’est pas exclu qu’un nombre suffisant d’aéroports de comparaison appropriée puissent être trouvés, ainsi que la Commission l’a expliqué à l’audience, elle a considéré que, conformément au paragraphe 61 des mêmes lignes directrices, l’analyse de rentabilité incrémentale constituait le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des accords conclus entre les aéroports et les compagnies aériennes.
224 En deuxième lieu, il convient de rappeler que la Commission a mentionné, dans la décision attaquée, la différence des structures des coûts et des recettes d’aéroports, la faible comparabilité des transactions entre aéroports et l’existence d’un prix négatif réellement payé à l’aéroport d’Angoulême par Ryanair pour l’utilisation de ses services aéroportuaires comme considérations justifiant de s’écarter de l’analyse comparative (considérants 341, 342 et 346 de la décision attaquée).
225 En troisième lieu, il y a lieu de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a invité les parties intéressées à présenter des observations tout en indiquant, plus avant dans la décision, que les autorités françaises n’avaient fourni aucun comparateur permettant d’apprécier si le prix payé par Ryanair correspondait au prix normal du marché.
226 Ainsi, lors de la procédure administrative, Ryanair a produit l’étude du 25 juin 2012 présentant un échantillon d’aéroports de comparaison.
227 En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a expliqué que, même si les lignes directrices de 2014 prévoyaient la possibilité de conduire l’analyse comparative, les éléments présents dans le dossier ne permettaient pas d’effectuer une telle analyse de manière utile dans le cas d’espèce.
228 Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu choisir, dans le cas d’espèce, de procéder à l’analyse de rentabilité incrémentale plutôt qu’à l’analyse comparative, sans s’être rapprochée d’aéroports privés ou exploités par des sociétés privées dans le but d’identifier d’éventuels aéroports suffisamment comparables avec l’aéroport d’Angoulême.
229 Au vu de ce qui précède, le grief des requérantes tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 étaient suffisamment comparables à celui d’Angoulême et d’un défaut de motivation à cet égard doit donc être écarté.
3) Sur le grief tiré de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des accords de 2008
230 Les requérantes font valoir, en se référant aux rapports économiques et aux autres éléments de preuve figurant dans le dossier administratif, que l’analyse comparative montre que les accords de 2008 n’ont conféré aucun avantage économique. D’une part, il ressortirait de plusieurs rapports économiques que le prix indiqué dans le contrat de services marketing était conforme au prix du marché obtenu par AMS de la part des clients privés ou au prix du marché payé par des clients privés pour des services comparables fournis par d’autres fournisseurs de services. D’autre part, l’étude du 25 juin 2012 montrerait que les redevances aéroportuaires payées par Ryanair à l’aéroport d’Angoulême étaient d’un niveau conforme à celui des redevances qui lui auraient été proposées dans des circonstances similaires par un opérateur en économie de marché possédant un aéroport.
231 À cet égard, il y a lieu de souligner que, comme la Commission l’indique, l’argumentation des requérantes, qui se fonde sur lesdits rapports économiques et l’étude du 25 juin 2012, est inopérante, puisqu’elle part du postulat erroné selon lequel les services marketing et les services aéroportuaires sont distincts et autonomes alors qu’il convient d’analyser conjointement les accords de 2008 pour déterminer s’ils constituent un avantage (voir points 179 à 184 ci-dessus).
232 En ce qui concerne le contrat de services marketing, il y a lieu de constater que les rapports économiques en cause ne prennent notamment pas en compte le fait que les services marketing d’AMS ont été achetés par l’aéroport d’Angoulême pour promouvoir l’exploitation de la ligne aérienne assurée par Ryanair. Ainsi, deux rapports économiques comparent les prix des espaces publicitaires et du marketing sur le site Internet de Ryanair avec les prix facturés par les sites Internet d’autres compagnies aériennes ou d’autres sites Internet de voyage pour des publicités sur Internet. De même, un autre rapport économique compare les prix indiqués dans les grilles tarifaires d’AMS avec les prix des grilles tarifaires de services publicitaires sur une large gamme d’autres sites Internet de voyage européens. Ces rapports ne soutiennent notamment pas que les annonceurs sur les autres sites Internet de voyage sont comparables aux aéroports qui achètent des prestations marketing liées aux services de transport aérien d’une compagnie aérienne.
233 Par ailleurs, les rapports économiques en cause qui se fondent sur l’hypothèse de services marketing et de services aéroportuaires distincts et autonomes ne tentent aucunement de remettre en cause l’analyse de la Commission selon laquelle le contrat de services marketing est indissociable du contrat de services aéroportuaires et des services de transport aérien qui en font l’objet. Les requérantes ne sauraient dès lors invoquer ces rapports économiques pour réfuter cette analyse.
234 S’agissant des exemples de contrats de services marketing par lesquels certains aéroports privés ont acheté des services d’AMS, il suffit de constater que les requérantes restent en défaut de démontrer que les aéroports privés se trouvaient dans une situation comparable à celui de l’aéroport d’Angoulême lorsqu’ils ont conclu les contrats.
235 En ce qui concerne le contrat de services aéroportuaires, l’étude du 25 juin 2012 se borne à comparer les redevances aéroportuaires imposées dans l’aéroport d’Angoulême avec les redevances aéroportuaires imposées dans les aéroports de comparaison sans tenir compte du contrat de services marketing, alors que les deux contrats doivent être considérés comme constituant une transaction unique.
236 Partant, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des accords de 2008.
237 Dans la réplique, les requérantes font valoir que, pour justifier qu’elle s’écarte de l’analyse comparative, la Commission répète dans le mémoire en défense ses réserves sur la théorie non étayée, exprimée dans les lignes directrices de 2014, selon laquelle même les aéroports privés ne sauraient être utilisés à titre de comparateurs valides au motif que leurs prix sont « pollués » par les prix pratiqués par la majorité des aéroports bénéficiant de subventions publiques avec lesquels ils sont en concurrence pour les accords avec les compagnies aériennes. En effet, les aéroports privés ne seraient pas disposés à conclure des contrats indéfiniment déficitaires pour concurrencer les aéroports publics subventionnés. En outre, les aéroports ne connaîtraient qu’une tension concurrentielle limitée entre eux pour obtenir un contrat avec Ryanair du fait que cette dernière ne dessert pas un grand nombre d’aéroports pour des raisons opérationnelles.
238 À cet égard, il y a lieu de constater que, comme la Commission l’indique à juste titre, elle n’a pas affirmé dans les lignes directrices de 2014 que les aéroports privés étaient disposés à conclure des contrats indéfiniment déficitaires pour concurrencer les aéroports publics subventionnés.
239 En outre, la Commission a certes constaté au paragraphe 58 des lignes directrices de 2014 que les tarifs des aéroports appartenant au secteur privé ou géré par des sociétés privées pouvaient être fortement influencés par ceux pratiqués par la majorité des aéroports bénéficiant de subventions publiques, les compagnies aériennes tenant compte des tarifs de ces derniers dans leurs négociations avec les aéroports privés ou gérés par des opérateurs privés. Elle a retenu ce risque, que les requérantes mentionnent en faisant référence aux « prix pollués », comme l’une des raisons pour lesquelles elle doute sérieusement qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports.
240 Or, l’existence d’une concurrence limitée entre les aéroports pour obtenir un contrat avec Ryanair, à supposer qu’elle soit établie, ne suffit pas pour remettre en cause les conclusions de la Commission, aux points 56 à 59 des lignes directrices de 2014, en ce qui concerne le secteur aéroportuaire de l’Union.
241 De plus, lors de l’audience, la Commission a également précisé qu’elle était ouverte à l’analyse comparative pour autant qu’il soit possible de trouver des aéroports de comparaison.
242 En l’espèce, il ressort des points 204 à 217 ci-dessus qu’aucun échantillon d’aéroports de comparaison valable n’était disponible à la date de la décision attaquée.
243 Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes, étant donné que, même en l’absence du risque de « prix pollués », il s’est avéré que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un échantillon d’aéroports de comparaison valable n’était pas disponible.
244 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du présent moyen.
b) Sur la seconde branche, tirée d’erreurs d’appréciation et d’une motivation insuffisante en ce qui concerne l’analyse de rentabilité incrémentale
245 Les requérantes font valoir que l’analyse de rentabilité incrémentale sur laquelle la Commission s’est appuyée pour appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché et constater l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et d’un défaut de motivation.
246 À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, dans la décision attaquée, la Commission a souligné que, dans le but d’appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché aux accords de 2008, elle devait analyser ensemble lesdits accords et déterminer si un tel opérateur, guidé par des perspectives de rentabilité et gérant l’aéroport d’Angoulême à la place de la CCI-aéroport et du SMAC, aurait conclu ces accords (considérant 350 de la décision attaquée). Selon elle, pour ce faire, il convenait de déterminer la rentabilité incrémentale des mêmes accords pendant toute leur durée, telle que l’aurait évaluée cet opérateur au moment de leur conclusion.
247 En l’espèce, il est constant que le SMAC a fait procéder à la réalisation d’une étude prévisionnelle datée du 14 juin 2006. Toutefois, la Commission a considéré au considérant 356 de la décision attaquée que cette étude ne correspondait pas à un plan d’affaires pertinent pour l’analyse du respect du critère de l’opérateur en économie de marché. En outre, elle a relevé au considérant 357 de ladite décision qu’il ressortait de ladite étude que le SMAC ne pouvait pas ignorer à cette date que l’ouverture d’une ligne reliant Angoulême à Londres opérée par une compagnie aérienne à bas coûts était susceptible de se traduire par des pertes opérationnelles importantes et, par conséquent, par un besoin de financement élevé. Elle a ajouté au considérant 358 de cette décision que, en dépit de ces informations, le SMAC n’avait pas estimé nécessaire de faire établir un plan d’affaires, ou toute autre analyse économique préalable équivalente, relatif aux contrats à conclure par les requérantes de nature à étayer, d’un point de vue économique, sa décision de prendre ces engagements.
248 En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a produit une copie de l’étude prévisionnelle datée du 14 juin 2006. Les requérantes n’ont pas apporté, lors de l’audience, des éléments indiquant que la Commission avait commis une erreur manifeste en considérant que cette étude, d’une part, ne correspondait pas à un plan d’affaires susceptible de procéder à l’analyse du respect du critère de l’opérateur en économie de marché et, d’autre part, mettait en doute la rentabilité économique de l’ouverture d’une ligne reliant Angoulême à Londres.
249 La Commission a réalisé l’analyse de rentabilité incrémentale en se fondant sur les coûts et les recettes incrémentaux des accords de 2008 tel qu’un opérateur en économie de marché les aurait évalués au moment de leur conclusion (considérant 363 de la décision attaquée).
250 Ainsi, la Commission a évalué, dans la décision attaquée, la rentabilité incrémentale des accords de 2008, pour toute leur durée, qui était de cinq ans (2008-2012), en prenant en compte :
– le trafic incrémental futur (nombre de passagers supplémentaires) attendu de la mise en œuvre desdits accords, en tenant compte du possible effet positif des prestations marketing sur le taux de remplissage de la ligne reliant Angoulême à Londres ; à cet égard, elle a émis l’hypothèse d’un taux de remplissage de 85 % par vol (considérants 369 à 372 de la décision attaquée) ;
– les recettes incrémentales futures attendues de la mise en œuvre de ces accords, incluant les recettes provenant des redevances aéronautiques et des services d’assistance en escale engendrées par ladite ligne, ainsi que les recettes extra-aéronautiques provenant du trafic supplémentaire engendré par les mêmes accords (considérants 373 à 380 de la décision attaquée) ;
– les coûts incrémentaux futurs attendus de la mise en œuvre de tels accords, incluant les coûts des prestations marketing et les coûts d’exploitation incrémentaux (frais de personnel et autres) (considérants 381 à 386 de la décision attaquée).
251 Aux considérants 387 à 389 de la décision attaquée, la Commission a présenté les résultats de son évaluation, en affichant pour chaque année (de l’année 2008 à l’année 2012) le trafic incrémental, les recettes incrémentales et les coûts incrémentaux associés aux accords de 2008, dans le tableau 12 de ladite décision. Elle a constaté que tous les flux incrémentaux annuels escomptés (recettes moins coûts) étaient négatifs. Par conséquent, elle a considéré que lesdits accords conféraient un avantage économique en faveur des requérantes.
252 À cet égard, les requérantes avancent, en substance, six griefs dont le bien-fondé est contesté par la Commission.
1) Sur le grief pris de l’utilisation de données insuffisantes, non vérifiées, peu claires et non fiables
253 Les requérantes font valoir que l’analyse de rentabilité incrémentale effectuée par la Commission et dont les chiffres sont repris dans le tableau 12 de la décision attaquée est fondée sur des données manifestement insuffisantes, non vérifiées et non fiables.
254 Premièrement, les requérantes soulignent que la Commission semble avoir utilisé l’étude prévisionnelle datée du 14 juin 2006 commandée par l’aéroport d’Angoulême comme seule source de données pour les calculs du tableau 12 de la décision attaquée, notamment en ce qui concerne les coûts opérationnels incrémentaux, alors qu’elle a admis elle-même que cette étude ne saurait constituer un plan d’affaires crédible, puisque ladite étude contenait des informations insuffisantes et non fiables et se référait à des contrats non définitifs.Dans la réplique, elles ajoutent que les chiffres relatifs aux recettes non aéronautiques et aux coûts d’exploitation incrémentaux soulèvent des questions sur l’exactitude de l’évaluation du montant de l’aide à récupérer, puisque ladite décision ne permettait pas à l’État membre de réaliser des ajustements pour la différence entre les estimations prévisionnelles de ces recettes et de ces coûts et les montants réellement payés (considérant 415 de cette décision). Elles produisent enfin une note, préparée par leur conseil économique, indiquant que le montant de l’aide payable pourrait être inférieur au montant estimé dans la décision attaquée du fait que les coûts réels seraient inférieurs aux coûts estimés.
255 À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater qu’il ne résulte nullement de la décision attaquée que la Commission se serait uniquement fondée sur l’étude prévisionnelle datée du 14 juin 2006. En effet, il ressort des considérants 355 à 363 de ladite décision que, en l’absence d’un plan d’affaires, la Commission a réalisé l’analyse de rentabilité incrémentale qui s’appuyait sur les informations de coûts d’exploitation incrémentaux fournies par les autorités françaises et reproduites aux considérants 88 et 89 de cette décision. L’argument des requérantes tiré de l’utilisation de cette étude comme seule source de données pour les calculs du tableau 12 de la décision attaquée doit donc être rejeté.
256 D’autre part, il y a lieu de souligner que l’argument des requérantes concernant la portée prétendument trop restreinte des ajustements a posteriori que l’État membre pourrait effectuer pour prendre en compte les paiements réels une fois ceux-ci constatés n’est pas pertinent pour apprécier l’avantage économique procuré par les accords de 2008. En effet, selon une jurisprudence constante, sont seuls pertinents, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise. Il en va ainsi, en particulier, lorsque la Commission examine l’existence d’une aide d’État par rapport à un investissement qui ne lui a pas été notifié et qui a déjà été réalisé par l’État membre concerné au moment où elle effectue son examen (arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 103). Pour apprécier la valeur de l’avantage économique dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale, il y a donc lieu d’approuver l’approche de la Commission qui consistait à prendre en compte les recettes et les coûts prévisibles au moment où la décision de l’aéroport d’Angoulême de conclure les accords de 2008 avait été prise, et non les paiements réellement effectués a posteriori.
257 De même, dans la mesure où la note préparée par le conseil économique des requérantes effectue des calculs sur la base des données de trafic et de coûts d’exploitation incrémentaux constatéesex post pour déterminer le montant de l’aide, elle n’est pas pertinente pour apprécier l’avantage économique procuré par les accords de 2008.
258 L’argument des requérantes selon lequel le montant de l’aide payable pourrait être inférieur au montant estimé dans la décision attaqué du fait que les coûts réels seraient inférieurs aux coûts estimés doit donc être rejeté.
259 Deuxièmement, les requérantes mettent en cause la fiabilité des chiffres des coûts d’exploitation incrémentaux prévisibles dans la décision attaquée, étant donné que lesdits coûts augmenteraient, sans aucune explication, de [confidentiel] euros en 2008 à [confidentiel] euros au cours de chacune des années suivantes. Le fait que Ryanair n’était une compagnie aérienne opérationnelle que quelques mois après le début de 2008 ne justifierait pas le chiffre inférieur de 2008, puisque la liaison aérienne saisonnière n’était supposée commencer que pendant l’été de chaque année. Les requérantes craignent que les coûts de personnel incrémentaux leur aient été imputés, pour la période concernée, pour la moitié de chaque année au cours de laquelle Ryanair n’avait aucune activité à l’aéroport. De plus, étant donné que le plan d’expansion du SMAC aurait inclus l’exploitation de plusieurs lignes régulières, les coûts opérationnels spécifiques à Ryanair auraient été très faibles, puisque les coûts opérationnels incrémentaux auraient été identiques si Ryanair n’avait eu aucune activité à l’aéroport.
260 À cet égard, il y a lieu de souligner que, tout d’abord, afin d’estimer les coûts d’exploitation incrémentaux futurs attendus de la mise en œuvre des accords de 2008, la Commission a dû se fonder sur les estimations réalisées par la CCI-aéroport et le SMAC en amont de la signature desdits accords, puisqu’elle n’était pas en mesure d’estimer elle-même la façon dont un contrat donné pouvait influer sur les différents postes de coûts de l’aéroport d’Angoulême (considérants 385 et 386 de la décision attaquée).
261 Ces estimations de coûts de l’aéroport d’Angoulême afférents à l’activité de Ryanair, lesquels figurent aux considérants 88, 89 et 387 de la décision attaquée, faisaient apparaître un niveau de coûts prévisionnels d’exploitation incrémentaux (traitement et accueil des passagers) en 2008 de [confidentiel] euros à [confidentiel] euros au cours de chacune des années suivantes. Par ailleurs, il ressort de ladite décision que ces coûts incrémentaux totaux se divisaient en « coûts de personnel » et « autres coûts ». S’agissant des coûts de personnel, il était notamment indiqué au considérant 88 de la décision attaquée que les effectifs de personnel supplémentaires prévus, nécessaires au traitement et à l’accueil des passagers des vols Ryanair, s’élevaient à 0,3 équivalent temps plein en 2008 et à 0,5 équivalent temps plein en 2009 et en 2010 et que les coûts supplémentaires associés atteignaient 20 000 euros en 2008 et 30 000 euros en 2009 et en 2010.
262 La Commission a expliqué que Ryanair était la seule compagnie aérienne exploitant une ligne régulière à l’aéroport d’Angoulême et qu’aucun autre contrat n’était prévu à l’époque de la signature des accords de 2008, de sorte que tous les coûts d’exploitation incrémentaux estimés par les autorités françaises ont été attribués à Ryanair, ces coûts lui étant spécifiques. De plus, elle a indiqué que les coûts d’exploitation incrémentaux avaient été estimés par le gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême lors de la signature desdits accords, à savoir quand il avait supposé que Ryanair conclurait ces accords et assurerait des vols pendant cinq ans. Enfin, la Commission a expliqué que, en 2007, l’aéroport d’Angoulême accueillait seulement 2 362 passagers et aucun vol régulier, alors que, en 2008, le nombre de passagers de Ryanair empruntant la liaison aérienne entre Angoulême et Londres était estimé à 29 946 passagers (considérants 16 et 387 de la décision attaquée), soit un chiffre 13 fois plus élevé que celui enregistré précédemment.
263 Dans ces conditions, la Commission s’est fondée sur des éléments objectifs pour accepter que l’accroissement prévu du nombre de passagers s’accompagne dans la période considérée d’une augmentation significative des coûts prévisionnels d’exploitation de l’aéroport d’Angoulême pour le traitement et l’accueil des passagers supplémentaires de Ryanair. Partant, c’est sans commettre une erreur d’appréciation manifeste que la Commission a pu se fonder sur les données de coûts fournies par les autorités françaises pour effectuer l’analyse de rentabilité incrémentale en ce qui concerne les accords de 2008.
264 En réponse à une question du Tribunal, la Commission a admis que les autorités françaises n’expliquaient pas directement, dans leur prévision, la raison pour laquelle les coûts de traitement supplémentaires escomptés pour l’année 2008 étaient inférieurs à ceux des années suivantes. Toutefois, comme la Commission l’indique à juste titre, les chiffres concernant les coûts d’exploitation incrémentaux fournis par les autorités françaises étaient fondés sur des estimations réalisées par la CCI-aéroport et le SMAC en amont de la signature des accords de 2008. Il s’ensuit qu’ils reposaient sur des éléments objectifs, et non simplement sur des déclarations non étayées des autorités françaises. Dans ces conditions, la Commission pouvait sans commettre d’erreur se fonder sur les chiffres concernant les coûts d’exploitation incrémentaux fournis par les autorités françaises et n’avait pas à vérifier les raisons pour lesquelles les coûts de traitement supplémentaires escomptés pour l’année 2008 étaient inférieurs à ceux des années suivantes.
265 Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les coûts opérationnels spécifiques à Ryanair étaient très faibles en raison du plan d’expansion du SMAC comprenant l’exploitation de plusieurs lignes, il y a lieu de souligner que ce plan, évoqué par les requérantes, se rapportait à l’appel d’offre lancé par le SMAC, publié le 9 mars 2011, et ne saurait donc, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 256 ci-dessus, être pris en considération pour évaluer la rationalité économique des accords de 2008 sous l’angle du critère de l’opérateur en économie de marché. Par ailleurs, les requérantes ne remettent pas en cause, par cet argument, l’estimation par les autorités françaises, telle qu’acceptée par la Commission, des coûts d’exploitation incrémentaux pour l’aéroport d’Angoulême du fait du lancement par Ryanair de la liaison aérienne reliant Angoulême à Londres.
266 Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes mettant en cause la fiabilité des chiffres pour les coûts prévisionnels d’exploitation.
267 Troisièmement, les requérantes font valoir qu’aucun élément n’indique que la Commission a vérifié si la catégorie des « autres coûts » incrémentaux liés aux services au sol et à l’accueil inclus dans le tableau 12 de la décision attaquée relevait de l’exercice de prérogatives de puissance publique, dont une partie au moins semble avoir été financée par le SMAC.
268 À cet égard, il y a lieu de relever, comme la Commission l’indique, que, dans le système prévu par la législation française en vigueur, les missions régaliennes sont financées par l’État au moyen du prélèvement de la taxe d’aéroport (considérants 184 à 198 de la décision attaquée), de sorte que l’augmentation des services de transport aérien à un aéroport donné ne devrait pas, en toute logique, se traduire par des coûts supplémentaires à la charge de l’exploitant de l’aéroport.
269 Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que la Commission a utilisé, dans son analyse, des données de coûts qui excluent les coûts d’exécution des missions régaliennes. En effet, aux considérants 88 et 89 de ladite décision figurent des tableaux de coûts distincts concernant aussi bien la sécurité et la sûreté que l’assistance et l’accueil, alors que, dans l’analyse de rentabilité incrémentale, la Commission s’est fondée sur les seuls coûts afférents à l’assistance et à l’accueil (considérant 387 de cette décision).
270 Quatrièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir vérifié si une partie des coûts incrémentaux utilisés dans l’analyse de rentabilité incrémentale pour calculer l’aide éventuellement reçue par elles ne comprenait pas, par erreur, un élément d’aide à l’aéroport d’Angoulême qui avait été approuvé comme compatible avec le marché intérieur au titre des règles en matière de service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG »). Aucun élément n’indiquerait que la distinction entre les activités de SIEG et celles qui ne le sont pas ait été prévue et prise en compte dans l’affectation du budget et des procédures d’approbation qui avaient été suivies par l’aéroport d’Angoulême au cours de la période en cause (2007-2011). Il serait impossible de vérifier si une partie des coûts incrémentaux utilisés par la Commission dans l’analyse de rentabilité incrémentale était couverte par les paiements liés aux SIEG.
271 À cet égard, il ressort tout d’abord de la décision attaquée que la Commission a considéré que, au cours de la période en cause, les missions des gestionnaires de l’aéroport d’Angoulême uniquement liées au maintien en condition opérationnelle et à l’accessibilité de l’infrastructure pouvaient être qualifiées de SIEG (considérants 225 et 231 à 233 de la décision attaquée) et que les compensations publiques pour l’exécution de ces missions étaient compatibles avec le marché intérieur au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de sa communication du 11 janvier 2012 intitulée « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public » (JO 2012, C 8, p. 15) et de sa décision 2005/842/CE, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106, paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de SIEG (JO 2005, L 312, p. 67) (considérant 291 de la décision attaquée). En revanche, elle a considéré que, au cours de cette période, le développement des vols commerciaux ne saurait répondre au critère d’intérêt général justifiant la qualification de SIEG et que la compensation par le SMAC des coûts additionnels engendrés par les accords de 2008 devait dès lors être analysée dans le cadre de l’examen d’éventuels éléments d’aide d’État contenus dans ces accords (considérants 225 et 234 de ladite décision).
272 Par ailleurs, laCommission a expliqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, que, dans son appréciation de la compatibilité avec le marché intérieur des compensations publiques du SIEG, elle a constaté, au considérant 282 de la décision attaquée, que la procédure de définition du budget affecté à l’aéroport d’Angoulême garantissait que les aides octroyées étaient limitées à la compensation du déficit associé à la gestion de l’aéroport, considérée comme un SIEG. De plus, elle a renvoyé au considérant 283 de ladite décision, selon lequel les coûts afférents à l’activité de gestion dudit aéroport avaient été isolés d’un point de vue comptable et soumis au contrôle du service de l’aviation civile. Elle a ajouté que les coûts engendrés par l’activité de Ryanair faisaient partie du développement commercial de cet aéroport et, partant, n’étaient pas couverts par les compensations publiques du SIEG.
273 Sans qu’il soit besoin de déterminer si les mécanismes prévus aux considérants 282 et 283 de la décision attaquée suffisaient à garantir que les compensations publiques octroyées au gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême ne couvraient pas les coûts liés aux accords de 2008, il y a lieu de constater que, comme l’indique la Commission à juste titre, les modalités précises de financement de ces coûts ne sont pas pertinentes pour apprécier si lesdits accords constituaient une aide d’État. En effet, seul importe de savoir si un opérateur en économie de marché dans des circonstances similaires et guidé par des perspectives de rentabilité aurait conclu ces accords. Dès lors, les requérantes pouvaient bénéficier d’une aide d'État même si une partie de cette aide avait été financée par les compensations publiques reçues par ledit aéroport pour l’exercice d’un SIEG.
274 Partant, il y a lieu d’écarter l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas vérifié si une partie des coûts incrémentaux utilisés dans l’analyse de rentabilité incrémentale pour calculer l’aide éventuellement reçue par elles ne comprenait pas, par erreur, un élément d’aide à l’aéroport d’Angoulême qui avait été approuvé comme compatible avec le marché intérieur au titre des règles en matière de SIEG.
275 Cinquièmement, les requérantes estiment que la Commission n’a pas expliqué pourquoi les coûts opérationnels incrémentaux, repris dans le tableau 12 de la décision attaquée, étaient exclusivement liés aux activités de Ryanair et ne faisaient pas partie, du moins dans une certaine mesure, des frais généraux de l’aéroport d’Angoulême.
276 À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des considérants 88, 89, 385 et 387 de la décision attaquée que les autorités françaises ont fourni à la Commission les données relatives aux coûts d’exploitation incrémentaux. Elles ont notamment indiqué que l’exploitant de l’aéroport d’Angoulême avait dû engager des coûts de personnel ainsi que d’autres coûts supplémentaires du fait de sa relation commerciale avec Ryanair (voir tableaux figurant aux considérants 88 et 89 de ladite décision).
277 Il y a donc lieu de constater que la décision attaquée est suffisamment motivée en ce qui concerne l’imputabilité des coûts supplémentaires aux accords de 2008.
278 Partant, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas expliqué pourquoi les coûts opérationnels incrémentaux, repris dans le tableau 12 de la décision attaquée, étaient exclusivement liés aux activités de Ryanair et ne faisaient pas partie, du moins dans une certaine mesure, des frais généraux de l’aéroport d’Angoulême.
279 Sixièmement, s’agissant de l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission a erronément additionné dans le tableau 10 de la décision attaquée les redevances aéroportuaires payées par Ryanair aux paiements versés par l’aéroport d’Angoulême à AMS en contrepartie des prestations marketing pour le calcul du transfert net, il suffit deconstater que les chiffres nets figurant dans ledit tableau, qui est reproduit au considérant 40 de ladite décision, n’ont servi à évaluer ni l’existence ni le montant de l’aide dans cette décision. Dès lors, cette erreur, bien que regrettable, ne saurait avoir une incidence sur la légalité de la décision en question.
280 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes selon lequel la Commission a utilisé des données insuffisantes, non vérifiées, peu claires et non fiables dans l’analyse de rentabilité incrémentale.
2) Sur le grief pris de la non-vérification des données communiquées par l’aéroport d’Angoulême et de la non-comparaison avec un aéroport moyen ou bien géré et efficace
281 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas vérifié si les coûts et les recettes extra-aéronautiques prévisionnels de l’aéroport d’Angoulême correspondaient à ceux qu’un aéroport moyen, voire bien géré et efficace, aurait pu raisonnablement attendre. Selon elles, un aéroport fonctionnant en dessous d’un niveau d’efficacité moyen n’agit pas comme un opérateur en économie de marché. Or, en l’espèce, les coûts opérationnels incrémentaux élevés de l’aéroport d’Angoulême, tels que présumés par la Commission, seraient considérablement supérieurs à ceux constatés dans d’autres affaires et ne sauraient constituer des coûts supportés par un aéroport géré efficacement, ni être retenus dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.
282 À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il revient à la Commission d’apprécier si un opérateur en économie de marché rationnel se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’entité publique concernée aurait pu être amené à prendre la mesure en question (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 84). À cet égard, il y a lieu de prendre en compte la structure des coûts et des recettes réels de l’entité publique dont le comportement est comparé à celui d’un opérateur en économie de marché.
283 Il s’ensuit que, contrairement à ce que les requérantes prétendent, il n’incombait pas, en l’espèce, à la Commission de vérifier, dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, si les coûts opérationnels incrémentaux et les recettes extra-aéronautiques de l’aéroport d’Angoulême correspondaient à ceux qui peuvent être attendus d’un aéroport moyen ou d’un aéroport bien géré et efficace. Partant, la Commission pouvait sans commettre d’erreur retenir les coûts et les recettes prévisionnels réels de l’aéroport d’Angoulême pour apprécier si les requérantes avaient obtenu un avantage économique.
284 Pour des raisons identiques, la Commission n’était pas non plus obligée de tenir compte des coûts constatés dans d’autres aéroports que celui d’Angoulême ni de l’analyse comparative des coûts opérationnels incrémentaux de certains aéroports, telle que produite par les requérantes.
285 Par ailleurs, la révision à la baisse des chiffres réels de coûts et de recettes d’une entreprise publique serait contraire au précepte de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lequel n’établit pas de distinction selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques d’une entité publique, mais définit celles-ci en fonction de leurs effets (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 77).
286 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en ne vérifiant pas si les coûts et les recettes prévisionnels réels de l’aéroport d’Angoulême correspondaient à ceux généralement associés à un aéroport bien géré ou efficace.
287 Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par les requérantes.
288 S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel sa relation litigieuse avec le gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême aurait dû conduire la Commission à être particulièrement circonspecte quant aux informations originaires de cette source, il y a lieu de constater que cette circonstance n’est pas un élément pertinent pour établir l’existence d’une aide. De plus, il y a lieu de relever que, au regard du devoir de coopération loyale, prévu à l’article 4, paragraphe 3, TFUE, incombant à l’État membre (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, point 152, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 112), la Commission pouvait légitimement s’attendre à ce que les autorités françaises, y compris le gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, fournissent des informations fiables, sous réserve de les examiner de manière diligente et impartiale.
289 De même, les requérantes ne démontrent pas que la Commission n’a pas été prudente lors de la vérification des données fournies par les autorités françaises au regard du fait que le SMAC aurait maintenu l’aéroport d’Angoulême ouvert toute l’année en dépit de l’exploitation saisonnière de la ligne aérienne de Ryanair.En effet, il résulte notamment des points 261 à 264 ci-dessus que la Commission s’est fondée sur des éléments objectifs lors de la vérification des données de coûts produites par ces autorités.
3) Sur le grief pris de la portée trop limitée de l’analyse effectuée aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché
290 Les requérantes font valoir que la Commission a erronément circonscrit son analyse dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, tout d’abord, en se limitant à un horizon temporel de cinq ans, soit la durée initiale des accords de 2008, ensuite, en se fondant uniquement sur la ligne reliant Angoulême à Londres et, enfin, en ne tenant pas compte des bénéfices plus larges tels que les effets de réseau que l’aéroport d’Angoulême pouvait espérer recueillir de sa relation avec Ryanair.
i) Sur l’horizon temporel
291 Les requérantes font valoir que, en se limitant à la durée des accords de 2008, la Commission a retenu un horizon temporel trop court pour son analyse dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.
292 À cet égard, en premier lieu, les requérantes soutiennent que l’approche retenue par la Commission dans la décision attaquée selon laquelle un opérateur en économie de marché aurait évalué les coûts et les recettes incrémentaux au cours de la durée des accords de 2008 est contredite par la réalité commerciale des grands aéroports, qui ne bénéficient souvent d’aucun engagement de la part des compagnies aériennes et fonctionnent sur la base de conditions commerciales générales qui permettent auxdites compagnies d’arrêter immédiatement leurs services à l’aéroport. Les plans d’affaires des aéroports seraient établis sur plusieurs décennies et leurs projections de revenus et de coûts seraient fondées sur une analyse raisonnable de la capacité de l’aéroport sans aucun engagement contractuel de la part des compagnies aériennes. L’approche de la Commission conduirait à ce que les plans d’affaires de ces aéroports dussent uniquement couvrir les saisons du calendrier fixé par l’association internationale du transport aérien (IATA) pour lesquelles les compagnies aériennes vendent des vols et les aéroports disposent d’une certitude à propos des niveaux du trafic.
293 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a erronément considéré qu’un opérateur en économie de marché n’aurait pas compté sur la reconduction des accords de 2008, ni ignoré que les compagnies aériennes à bas coûts, telles que Ryanair, étaient connues pour faire évoluer leurs activités de manière très dynamique. D’une part, les aéroports gérés de manière rationnelle aspireraient à entrer dans une relation commerciale à long terme avec les compagnies aériennes, allant bien au-delà de l’accord initial. Un opérateur en économie de marché serait prêt à prendre des risques et à conclure des accords se révélant déficitaires pendant une période initiale, dans l’attente du succès de la liaison aérienne, du renouvellement desdits accords à leur terme et de la continuation de la liaison aérienne au-delà de ladite période. Pour Ryanair, l’engagement d’ouvrir une nouvelle liaison aérienne ne constituerait qu’un risque justifié dans l’attente d’une future croissance et d’une relation commerciale à long terme, ce qui serait confirmé par les clauses particulières dans le contrat de services aéroportuaires. D’autre part, la plupart des aéroports qui négocient avec Ryanair s’attendraient à ce que leur relation commerciale se prolonge au-delà de la durée de l’accord initial. Ainsi, le profil habituel des relations commerciales de Ryanair avec les aéroports montrerait qu’elles sont développées sur le long terme et dépassent dans leur ensemble l’horizon de cinq ans.
294 En troisième lieu, les requérantes font valoir que l’hypothèse erronée de la Commission quant à l’horizon temporel l’a conduite également à une motivation contradictoire, puisque, dans la décision attaquée, elle a, sans la moindre explication, appliqué le taux de remplissage de 85 % par vol tout au long de la durée du contrat de services aéroportuaires, soit cinq ans, alors que ce taux était assuré en raison du contrat de services marketing qui ne s’étendait que sur trois ans.
295 La Commission conclut au rejet de l’argumentation des requérantes.
296 Il ressort de la jurisprudence citée au point 154 ci-dessus qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur, dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale, qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place de la CCI-aéroport et du SMAC, aurait évalué l’intérêt de conclure les accords de 2008 en retenant un horizon temporel de cinq ans, conformément à la durée desdits accords.
297 Le comportement d’un opérateur en économie de marché avisé est guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, EU:C:1991:142, point 20). Un tel opérateur souhaitant maximiser ses bénéfices est prêt à courir des risques calculés dans la détermination de la rémunération appropriée à escompter pour son investissement.
298 En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, en évaluant l’intérêt de conclure un contrat de services aéroportuaires ou un contrat de services marketing, un opérateur en économie de marché aurait choisi comme horizon temporel pour son évaluation la durée des accords de 2008 (considérant 365 de la décision attaquée). Elle a également considéré qu’un tel opérateur n’aurait pas compté sur la reconduction desdits accords, dans les mêmes termes ou en des termes distincts, et ce d’autant plus qu’un gestionnaire normalement avisé n’aurait pu ignorer que les compagnies aériennes à bas coûts telles que Ryanair étaient connues pour faire évoluer leurs activités de manière très dynamique, qu’il s’agisse d’ouvertures et de fermetures de liaisons aériennes ou d’augmentations et de réductions de fréquences, afin de s’adapter aux évolutions du marché (considérant 366 de la décision attaquée).
299 Par ailleurs, il est constant que les accords de 2008 ont été conclus pour une durée de cinq ans en ce qui concerne la liaison aérienne entre Angoulême et Londres.
300 Il est également constant, comme l’indique la Commission sans être contredite par les requérantes, que, en amont de la conclusion des accords de 2008, les gestionnaires de l’aéroport d’Angoulême n’avaient pas préparé un plan d’affaires, à tout le moins solide, pour le lancement de la liaison aérienne entre Angoulême et Londres.
301 Dans ce contexte, la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, considérer qu’un opérateur en économie de marché aurait évalué la rentabilité des accords de 2008 eu égard aux coûts et aux recettes escomptés pour leur durée d’exécution prévue, à savoir cinq ans.
302 De même, il y a lieu de constater que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’il était très difficile pour un gestionnaire d’aéroport d’évaluer la probabilité qu’une compagnie aérienne souhaite poursuivre l’exploitation d’une liaison aérienne au-delà de la durée pour laquelle elle s’était engagée dans le contrat de services aéroportuaires, sachant que les compagnies aériennes, et en particulier celles à bas coûts, ont montré qu’elles géraient les ouvertures et les fermetures des liaisons de façon très dynamique (considérants 335 et 365 de la décision attaquée). Dans ces conditions, elle a pu considérer sans commettre d’erreur qu’un opérateur en économie de marché normalement prudent et diligent, agissant à la place des gestionnaires de l’aéroport d’Angoulême, n’aurait pas tablé sur la volonté de Ryanair de prolonger l’exploitation de la liaison aérienne concernée au terme des accords de 2008.
303 Le fait que le contrat de services aéroportuaires considérait la liaison aérienne entre Angoulême et Londres comme le programme de vol initial et prévoyait, par ailleurs, que Ryanair devait faire l’effort [confidentiel], ne permet pas en soi de supposer qu’un opérateur en économie de marché aurait compté sur la reconduction des accords de 2008 au-delà de la durée prévue au moment de leur conclusion. Par ailleurs, il y a lieu de relever, comme la Commission le relève sans être contredite par les requérantes, que Ryanair pouvait abandonner ladite liaison aérienne avec une facilité relative déjà avant la fin dudit contrat moyennant le paiement d’une pénalité limitée (considérants 37 et 38 de la décision attaquée).
304 Certes, un opérateur en économie de marché normalement prudent et diligent qui exploite un aéroport peut être disposé à prendre un risque commercial en concluant un accord qui est déficitaire pendant toute la durée prévue, dans la perspective réelle de reconduire l’accord et de continuer l’exploitation de la liaison aérienne, et donc de faire des bénéfices futurs compensant ces pertes. Ce comportement visant la rentabilité à plus long terme peut répondre à une rationalité économique. Toutefois, il ressort de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission pouvait considérer qu’un tel opérateur n’aurait, dans le cas d’espèce, pas tablé sur un renouvellement des accords de 2008 à leur terme. En outre, la Commission a constaté aux considérants 314 à 338 de la décision attaquée que pareil opérateur, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, aurait jugé que, hormis le possible effet positif des prestations marketing sur le nombre de passagers empruntant les liaisons aériennes visées par lesdits accords pour la durée de l’exploitation de la liaison aérienne entre Angoulême et Londres, les autres bénéfices à plus long terme étaient trop incertains pour être pris en compte de manière quantifiée. Or, les requérantes ne parviennent pas à démontrer que cette constatation de la Commission est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation (voir points 327 à 332, 349 à 351 et 360 ci-après).
305 Enfin, les éléments apportés par Ryanair pour démontrer que la durée moyenne des liens commerciaux entre elle et les aéroports où elle est active dépasse cinq ans ne permettent pas d’établir la durée des liaisons aériennes depuis ou vers l’aéroport d’Angoulême. En effet, comme la Commission l’explique à juste titre, la durée totale des liens commerciaux entre Ryanair et lesdits aéroports ne garantit pas la pérennité des autres liaisons aériennes individuelles. De plus, le comportement d’un opérateur en économie de marché doit être apprécié en replaçant ce dernier dans une situation la plus proche possible de celle du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême. Comme la Commission le fait observer à juste titre, le maintien de l’activité de Ryanair dans un aéroport dépend de la situation spécifique de l’aéroport en question et des conditions particulières qui y sont offertes.
306 De même, les éléments apportés par Ryanair concernant la durée moyenne de ses relations commerciales avec les aéroports où elle est présente n’infirment pas la constatation faite par la Commission que les compagnies aériennes à bas coûts sont connues pour faire évoluer leurs activités de manière dynamique en termes tant d’ouvertures et de fermetures de liaisons aériennes que d’augmentations et de réductions de fréquences. Ces éléments permettent tout au plus d’établir la pérennité de certaines liaisons aériennes individuelles.
307 S’agissant du grief tiré d’une motivation contradictoire, il suffit de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission a appliqué un taux de remplissage de 85 % par vol pendant toute la durée du contrat de services aéroportuaires. Tout en admettant que le contrat de services marketing ait une durée plus courte que celui du contrat de services aéroportuaires, elle a toutefois précisé à juste titre que les prestations marketing étaient susceptibles de stimuler la fréquentation de la liaison aérienne visée notamment par le contrat de services aéroportuaires et qu’un opérateur en économie de marché aurait évalué l’effet positif des services marketing pour ses recettes dans le cadre du contrat de services aéroportuaires (considérants 316 et 317 de la décision attaquée). En outre, elle a précisé que ce taux de remplissage constituait une hypothèse favorable à Ryanair, mais justifiée afin de refléter un possible effet bénéfique de ces prestations sur la fréquentation des liaisons aériennes et en l’absence d’autres éléments quantifiant l’impact prévisible de ces prestations (considérant 372 de la décision attaquée).
308 Il s’ensuit que la décision attaquée ne comporte pas de contradiction sur ce point.
309 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis ni d’erreur manifeste d’appréciation ni violé son obligation de motivation, aux fins de l’analyse de rentabilité incrémentale, lorsqu’elle a considéré qu’un opérateur en économie de marché n’aurait pas retenu, au moment de la conclusion des accords de 2008, un horizon temporel excédant la durée de cinq ans prévue par lesdits accords.
ii) Sur le nombre des lignes
310 Les requérantes font valoir que, en se fondant uniquement sur la ligne reliant Angoulême à Londres, la Commission a erronément appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché. Il serait largement connu que Ryanair assure plusieurs lignes dans la grande majorité des aéroports qu’elle dessert en France et qu’elle vise à augmenter le nombre de liaisons au-delà de la liaison aérienne initialement lancée. Un tel opérateur aurait supposé au moment de la conclusion des accords de 2008 que la liaison aérienne vers Londres assurant trois vols par semaine au cours de la saison estivale constituerait le début de la relation avec Ryanair et serait suivie par une augmentation des fréquences ou l’ouverture de lignes supplémentaires si ladite liaison aérienne avait du succès. Cette hypothèse raisonnable de croissance serait reflétée par les clauses du contrat de services aéroportuaires qui démontraient que les intentions de l’aéroport d’Angoulême ne se limitaient pas à une ligne unique.
311 La Commission conclut au rejet de l’argumentation des requérantes.
312 Il ressort de la jurisprudence (voir point 154 ci-dessus) qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur, dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale, qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, aurait évalué l’intérêt de conclure les accords de 2008 en se limitant à prendre en compte la liaison aérienne entre Angoulême et Londres.
313 En l’espèce, il est constant que, par la décision attaquée, la Commission a fondé l’analyse de rentabilité incrémentale uniquement sur la liaison aérienne entre Angoulême et Londres, limitant ainsi les prévisions de recettes aéronautiques et non aéronautiques (considérants 369, 370, 378, 380, 385 et 387).
314 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le comportement d’un opérateur en économie de marché doit être apprécié en replaçant ce dernier dans une situation la plus proche possible de celle du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême.
315 Or, la Commission a expliqué, sans être contredite par les requérantes, que les accords de 2008 ont été conclus après la publication de l’appel d’offres à projet européen par l’aéroport d’Angoulême et qu’aucun accord comparable n’a été conclu après la publication avec une autre compagnie aérienne. Dans ces circonstances, il est plausible qu’un opérateur en économie de marché normalement prudent et diligent ne fonderait pas l’évaluation de la rentabilité des accords à conclure avec les requérantes sur la perspective d’une ou de plusieurs lignes supplémentaires.
316 Par ailleurs, le fait que le contrat de services aéroportuaires évoquait le programme de vol initial et prévoyait [confidentiel] et une clause d’effort maximal ne suffit pas en soi pour infirmer la supposition de la Commission selon laquelle un opérateur en économie de marché, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, n’aurait pas compté sur plusieurs lignes déjà avant l’expiration de la durée prévue dans les accords de 2008.
317 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a supposé que, en évaluant l’intérêt de conclure les accords de 2008, un opérateur en économie de marché n’aurait pris en compte que la ligne reliant Angoulême à Londres.
iii) Sur les bénéfices plus larges
318 Les requérantes considèrent que la Commission n’a à tort pas tenu compte, dans l’analyse de rentabilité incrémentale, d’externalités de réseau positives qu’un opérateur en économie de marché pouvait attendre des activités de Ryanair et des effets à plus long terme résultant des services marketing d’AMS. Le nombre plus élevé d’usagers de l’aéroport d’Angoulême, du fait de la présence de Ryanair, augmenterait l’attrait dudit aéroport et ouvrirait les possibilités d’ouverture de nouvelles lignes et d’arrivée d’autres compagnies aériennes et de commerces.
319 À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’indique la Commission, la notion d’externalités de réseau, telle qu’invoquée par les requérantes, est liée à la perspective d’un plus grand nombre de passagers.
320 Or, il ressort de ce qui précède (voir points 312 à 317 ci-dessus) que la Commission a pu sans commettre d’erreur estimer qu’un opérateur en économie de marché agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême s’attendrait à ce que la relation commerciale avec Ryanair se limitât à l’exploitation d’une seule liaison aérienne pendant la saison estivale au cours de la durée prévue dans les accords de 2008. Par conséquent, il est raisonnable de supposer qu’un tel opérateur n’aurait pas établi ses calculs de recettes et de coûts sur la base d’un plus grand nombre de passagers provenant d’une fréquence accrue des liaisons aériennes existantes ou de la mise en place de liaisons supplémentaires. De même, il est raisonnable de supposer que, en l’absence d’indications spécifiques, pareil opérateur n’escompterait pas l’arrivée d’autres compagnies aériennes ou de commerces au sein dudit aéroport.
321 En effet, comme le souligne la Commission sans être contredite par les requérantes, les accords de 2008 étaient le résultat d’une seule proposition d’une compagnie aérienne, à la suite de la publication d’un appel à projets européen demandant des candidatures pour relancer les activités aériennes de l’aéroport d’Angoulême. À cela s’ajoute le fait que ces accords ne concernaient qu’une seule liaison aérienne sur une base saisonnière et seulement trois jours par semaine.
322 L’hypothèse que la présence de Ryanair en tant que « compagnie aérienne d’ancrage dans un petit aéroport local sous-utilisé »aurait servi à attirer d’autres compagnies aériennes dans l’aéroport d’Angoulême comme les requérantes l’exposent n’implique pas en soi qu’un opérateur en économie de marché normalement prudent et diligent, agissant à la place du gestionnaire de cet aéroport d’Angoulême, aurait, au regard des circonstances particulières de l’aéroport, escompté l’arrivée d’autres compagnies aériennes.
323 Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte d’effets de réseau trop incertains.
324 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes concernant la portée trop limitée de l’analyse effectuée aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.
4) Sur le grief pris de l’évaluation erronée de la popularité et de l’impact du site Internet de Ryanair
325 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur dans son évaluation de la popularité et de l’impact du site Internet de Ryanair lorsqu’elle a rejeté les motifs sous-tendant la décision de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing.
326 En particulier, elles font valoir que la Commission n’a pas examiné les preuves fournies par Ryanair, lesquelles établissaient la grande popularité de son site Internet. Elle aurait simplement affirmé que ce site Internet n’était pas très fréquenté comparé à d’autres et que les publicités à la télévision et sur les affiches toucheraient plus de consommateurs. Partant, en se fondant sur une évaluation incorrecte de la popularité et de l’efficacité, prétendument modestes, du site Internet de Ryanair, elle aurait erronément conclu que ce dernier ne pouvait être utile que pour promouvoir ses propres lignes et ne pouvait proposer qu’un marketing viable à court terme. De même, de ce fait, elle aurait à tort affirmé qu’il était difficile de quantifier avec certitude les bénéfices plus larges à long terme du marketing d’AMS.
327 À cet égard, d’une part, en ce qui concerne la popularité du site Internet de Ryanair, il y a lieu de souligner que, en appréciant le caractère durable des effets positifs du contrat de services marketing qu’un opérateur en économie de marché aurait envisagé, la Commission ne l’a pas mise en cause, telle qu’elle ressort des preuves fournies, en termes de nombre de visites, directes ou par moteur de recherche, mais a uniquement examiné l’impact dudit site Internet sur le comportement d’achat des personnes qui venaient le visiter. La Commission a notamment considéré qu’il était peu vraisemblable que le souvenir que les personnes visitant le site Internet de Ryanair garderaient de la promotion d’Angoulême et de sa région comme destination de voyage puisse perdurer et influencer leurs achats de billets d’avion au-delà de quelques semaines (considérant 322 de la décision attaquée).
328 Par conséquent, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a erronément apprécié la popularité du site Internet de Ryanair doit être rejeté.
329 D’autre part, en ce qui concerne l’impact du site Internet de Ryanair, il y a lieu de relever que, pour apprécier les effets sur le comportement des consommateurs, la Commission a considéré, au considérant 322 de la décision attaquée, qu’une campagne publicitaire était susceptible d’avoir des effets durables lorsque les opérations de promotion étaient réalisées à l’aide d’un ou de plusieurs supports publicitaires auxquels les consommateurs étaient fréquemment exposés au cours d’une période donnée. Elle a mentionné, à titre d’exemple, une campagne publicitaire sur les chaînes de télévision et les stations de radio généralistes, sur des sites Internet très fréquentés ou sur un ensemble de panneaux publicitaires disposés en extérieur ou dans les lieux publics. Une telle campagne pourrait produire un tel effet durable si les consommateurs avaient accès à ces supports de manière passive et répétée. En revanche, elle a estimé qu’une opération de promotion limitée au seul site Internet de Ryanair était peu susceptible d’avoir un effet allant significativement au-delà de la durée de l’opération de promotion. Selon elle, il était peu vraisemblable que les visiteurs de ce site Internet gardent un souvenir de la publicité visualisée d’Angoulême et de sa région durable et susceptible d’influencer leurs achats de billets d’avion au-delà de quelques semaines. À cet égard, elle a considéré, au considérant 323 de la décision attaquée, qu’il était probable que la visite du site Internet en question ne soit pas suffisamment fréquente pour produire à elle seule sur le consommateur un souvenir durable que ce site proposait une promotion sur une certaine destination.
330 Il s’ensuit que, pour apprécier les effets des prestations marketing, la Commission s’est fondée principalement sur la distinction entre, d’une part, les effets de campagnes auxquels les consommateurs sont exposés fréquemment, voire de manière passive et répétée, lesquelles sont susceptibles d’avoir des effets durables, et, d’autre part, ceux de l’action promotionnelle limitée au seul site Internet de Ryanair et, dès lors, dénuée d’effets durables au-delà de la durée de cette promotion.
331 Or, il y a lieu de constater que les requérantes n’avancent aucun élément permettant de remettre en cause cette analyse. Si le passage du rapport économique invoqué par les requérantes explique que la publicité sur le site Internet de Ryanair par l’intermédiaire d’AMS peut éviter à l’aéroport d’encourir les dépenses liées aux formes traditionnelles de communication de marketing, il ne permet pas de tirer de façon suffisante des conclusions quant aux effets durables des services marketing d’AMS sur la fréquentation de la liaison aérienne entre Angoulême et Londres couverte par le contrat de services aéroportuaires.
332 Partant, il s’ensuit que les requérantes ne parviennent pas démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste en considérant au considérant 324 de la décision attaquée que, si les prestations marketing ont pu stimuler la fréquentation des lignes visées par le contrat de services marketing au cours de la période de mise en œuvre de ces prestations, il est très probable qu’un tel effet a été nul ou négligeable au-delà de cette période ou sur d’autres liaisons.
333 Pour des raisons identiques, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a à tort pas examiné si la publicité sur le site Internet de Ryanair augmentait la visibilité générale de l’aéroport d’Angoulême à l’égard de tous les passagers potentiels de Ryanair ainsi que des sociétés spécialisées dans le commerce de détail dans les aéroports.
334 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes concernant l’évaluation de la popularité et de l’impact du site Internet de Ryanair.
5) Sur le grief pris de la non-attribution d’une valeur adéquate aux services marketing d’AMS dans l’analyse de rentabilité incrémentale
335 Les requérantes font valoir que la Commission a affecté la totalité des coûts engendrés par le contrat de services marketing au contrat de services aéroportuaires, tout en affirmant que le seul bénéfice que le SMAC pouvait attendre du premier contrat était l’augmentation du trafic sur la liaison aérienne entre Angoulême et Londres à un taux de remplissage de 85 % par vol pendant la durée des accords de 2008, les autres bénéfices étant trop incertains pour être pris en compte et inclus dans le calcul de la rentabilité desdits accords. La Commission aurait ainsi réparti la totalité du coût des prestations marketing au contrat de services aéroportuaires sans inclure les autres bénéfices du contrat de services marketing.
336 En particulier, en premier lieu, les requérantes soutiennent que, en l’absence de preuve de prix excessif, la valeur adéquate d’un service, y compris d’un service marketing ou de publicité, serait le prix du marché. Étant donné que la Commission avait repris les montants versés par l’aéroport d’Angoulême à AMS parmi les coûts dans l’analyse de rentabilité incrémentale, la valeur des services fournis par AMS, qui correspondrait à leur prix sur le marché, aurait dû être reprise parmi les bénéfices et donc aboutir à un résultat net nul.
337 De ce fait, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et un défaut de motivation en n’attribuant pas aux services marketing d’AMS une valeur adéquate, fondée sur le prix du marché.
338 En deuxième lieu, dans le cadre de leur grief, tiré du rejet à tort des motifs sous-tendant la décision de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing (voir point 371 ci-après), les requérantes avancent l’argument, qu’il y a lieu d’examiner d’ores et déjà, selon lequel le contrat de services marketing ne constituait pas un moyen pour l’aéroport d’Angoulême de payer les dépenses de marketing de Ryanair et d’assurer des taux de remplissage élevés sur la ligne entre Angoulême et Londres. L’aéroport d’Angoulême aurait obtienu le niveau initial de trafic souhaité au moyen du contrat de services aéroportuaires, tandis que les taux de remplissage élevés des lignes de Ryanair auraient reposé presque exclusivement sur la propre promotion de Ryanair, et non sur les efforts de marketing des aéroports.
339 En troisième lieu, les requérantes font valoir, dans la réplique, que la Commission s’est à tort abstenue d’inclure les avantages des services marketing dans l’analyse de rentabilité incrémentale au motif, évoqué au considérant 352 de la décision attaquée, qu’un opérateur en économie de marché refuserait de conclure les accords de 2008 lorsque les coûts incrémentaux encourus au titre de cette transaction dépasseraient les recettes incrémentales en valeur actualisée, même si le prix à payer pour ces services sur le marché se situait au niveau ou au-dessus du niveau des prix dans le cadre de la transaction proposée.
340 Selon les requérantes, « si les sociétés privées souscrivaient à la logique de la Commission, certaines des sociétés les plus performantes du monde n’existeraient pas ». En effet, d’une part, les sociétés privées investiraient souvent des montants importants pour des programmes concernant le développement de leur marque, tout en subissant des pertes incrémentales au départ ou dans une situation de démarrage. L’objectif ne consisterait pas à obtenir immédiatement un retour sur investissement, mais à obtenir des bénéfices à long terme. D’autre part, les pertes marginales seraient, conformément à la jurisprudence, compatibles avec le test de l’opérateur en économie de marché en l’absence d’une meilleure alternative. Un prix de vente négatif pourrait être compatible avec ce test, à moins qu’il existe d’autres options telles qu’une faillite et que la perte soit alors inférieure pour l’État qui était le vendeur. Or, la Commission n’aurait à tort pas évalué les pertes qu’aurait entraînées la clôture de l’aéroport d’Angoulême.
341 La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.
342 À titre liminaire, il convient de relever que, par leurs arguments avancés à l’appui du présent grief, les requérantes remettent en question la façon dont la valeur des services marketing a été incorporée dans l’analyse de rentabilité incrémentale concernant les accords de 2008.
343 À cet égard, il convient de relever que la Commission a analysé dans la décision attaquée les bénéfices qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place de la CCI-aéroport et du SMAC, aurait pu attendre du contrat de services marketing. En particulier, elle a constaté que les prestations marketing étaient susceptibles de stimuler la fréquentation des liaisons aériennes visées par les accords de 2008. Elle a ajouté que cet effet bénéficiait non seulement à la compagnie aérienne, mais également à l’aéroport d’Angoulême, étant donné que l’accroissement du nombre de passagers était susceptible de se traduire pour le gestionnaire dudit aéroport par une augmentation des recettes aéroportuaires et non aéroportuaires. Elle en a déduit que, en évaluant l’intérêt de conclure lesdits accords, un opérateur en économie de marché aurait pu prendre cet effet positif en considération (considérants 314 à 318 de ladite décision). En revanche, elle a rejeté comme trop incertains tous les bénéfices du contrat de services marketing allant au-delà des liaisons aériennes visées par ces accords et de leur durée (considérants 319 à 338 de cette décision).Par ailleurs, elle a intégré, dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale, ce possible effet positif dans le taux de remplissage de la ligne reliant Angoulême à Londres retenu pour la durée de l’application des mêmes accords. Par contre, elle a inclus les montants payés par le SMAC à AMS pour l’achat des services marketing parmi les coûts incrémentaux à déduire des recettes incrémentales liées à cette ligne aérienne (considérants 372 et 387 de la même décision).
344 Il y a lieu de considérer que l’argumentation tirée d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée doit, au vu de ce qui précède, être écartée. En effet, la façon dont la Commission a pris en compte la valeur des services marketing par AMS dans l’analyse de rentabilité incrémentale ressort clairement de ladite décision.
345 En outre, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation manifeste.
346 En effet, en premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la valeur des services marketing, étant égale au prix du marché, compensait le prix d’achat de ces services en tant que coût dans l’analyse de rentabilité incrémentale, il y a lieu de souligner que cet argument revient à considérer que les services marketing et les services aéroportuaires sont des services distincts et autonomes et que la valeur des services marketing doit donc être appréciée indépendamment de l’exploitation par Ryanair des liaisons aériennes faisant l’objet des contrats de services aéroportuaires qui les concernent.
347 Or, les requérantes ne réfutent pas valablement l’approche opposée, retenue dans la décision attaquée, selon laquelle le contrat de services marketing et le contrat de services aéroportuaires sont étroitement liés en ce que les prestations marketing visent essentiellement à promouvoir les liaisons aériennes (voir points 179 à 184 ci-dessus et points 353 et 354 ci-après).
348 De plus, les requérantes ne réfutent pas valablement non plus l’analyse de la Commission selon laquelle un opérateur en économie de marché aurait considéré tout autre bénéfice que celui résultant de l’effet positif sur la fréquentation des liaisons aériennes exploitées par Ryanair comme trop incertain pour être pris en compte de manière quantifiée (considérants 321 à 338 de la décision attaquée). Dans cette approche, la Commission a pu sans commettre d’erreur considérer le prix d’achat des services marketing comme un coût incrémental à déduire des recettes incrémentales provenant de la liaison aérienne entre Angoulême et Londres.
349 En effet, d’une part, la Commission a constaté que, même si les prestations marketing avaient pu stimuler la fréquentation des liaisons aériennes visées par les accords de 2008 pendant la durée de ceux-ci, il était très probable qu’un tel effet avait été nul ou négligeable au-delà de cette période ou sur d’autres liaisons (considérants 322 à 324 de la décision attaquée). Or, les requérantes ne sont pas parvenues à remettre en cause cette constatation (voir points 327 à 332 ci-dessus).
350 D’autre part, les requérantes n’ont apporté aucun élément réfutant l’analyse de la Commission selon laquelle les deux méthodes proposées par Ryanair dans les études des 17 et 31 janvier 2014 au cours de la procédure administrative pour évaluer les bénéfices du contrat de services marketing allant au-delà des liaisons aériennes en cause et de la durée d’exploitation de ces liaisons aériennes donnaient des résultats très incertains et peu fiables (considérants 325 à 337 de la décision attaquée).
351 Dans ces circonstances, les requérantes n’établissent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant l’analyse de rentabilité incrémentale sur l’hypothèse qu’un opérateur en économie de marché ne prendrait en considération le contrat de services marketing que pour l’effet positif sur le nombre de passagers utilisant la liaison aérienne assurée par Ryanair et, partant, sur les recettes incrémentales supplémentaires liées au trafic de passagers sur cette liaison, tout en considérant le prix d’achat des services marketing à payer à AMS comme un coût incrémental pour l’aéroport à déduire des recettes incrémentales, et non comme étant compensé par la valeur des services marketing.
352 En deuxième lieu, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a erronément considéré que le contrat de services marketing visait à assurer des taux de remplissage élevés sur la ligne reliant Angoulême à Londres doit également être rejeté.
353 À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a considéré, aux considérants 310 et 312 de la décision attaquée, que l’objet du contrat de services marketing était de fournir des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair afin de promouvoir Angoulême comme destination de voyage auprès des visiteurs dudit site Internet, et donc des clients de cette compagnie aérienne, et que les prestations marketing visaient essentiellement à assurer la promotion de la liaison aérienne exploitée par Ryanair.
354 Il y a lieu d’approuver cette analyse qui est fondée sur le constat que les services marketing fournis au gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême s’adressaient aux passagers potentiels de Ryanair qui utiliseraient la liaison aérienne opérée par cette compagnie aérienne vers ou au départ dudit aéroport, même si ces services faisaient la promotion des attractions touristiques et des affaires dans la région d’Angoulême. Ainsi, lesdits services s’avéraient intimement liés à l’exploitation de ladite liaison aérienne.
355 Par ailleurs, la promotion des services de transport aérien de Ryanair par le biais des prestations marketing achetées auprès d’AMS n’empêchait pas Ryanair d’assurer elle-même des taux de remplissage élevés par sa propre promotion.
356 En troisième lieu, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a erronément affirmé qu’un opérateur en économie de marché n’aurait pas conclu les accords de 2008 en raison du fait que les coûts incrémentaux encourus dépassaient les recettes incrémentales en valeur actualisée doit être rejeté.
357 En effet, en l’espèce, la Commission a constaté au considérant 352 de la décision attaquée qu’un opérateur en économie de marché guidé par des perspectives de rentabilité ne serait pas prêt à acheter des prestations marketing s’il prévoyait que, malgré l’effet positif de ces prestations sur la fréquentation des liaisons aériennes concernées, les coûts incrémentaux engendrés par les contrats dépasseraient les recettes incrémentales en valeur actualisée.
358 Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, un opérateur en économie de marché exploitant un aéroport serait susceptible d’acheter des services marketing en subissant une perte incrémentale en valeur actuelle nette, il y a lieu de constater que, en tout état de cause, les requérantes ne démontrent pas qu’un tel opérateur, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, aurait été disposé, dans le cas d’espèce, à agir de telle manière.
359 En l’occurrence, les requérantes se bornent, dans leur argumentation, à affirmer, de manière générale, que les sociétés privées investissent souvent des montants importants dans le développement de leurs marques tout en subissant des pertes incrémentales initiales, sans obtenir un retour sur investissement immédiat, dans le but toutefois de réaliser des bénéfices à long terme. Elles ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur manifeste en considérant, aux considérants 325 à 337 de la décision attaquée, que les bénéfices des contrats de services marketing allant au-delà des liaisons aériennes visées par les contrats et de la durée d’exploitation de ces liaisons étaient extrêmement incertains et ne pouvaient être quantifiés avec un degré de fiabilité qui serait jugé suffisant par un opérateur en économie de marché.
360 En particulier, les requérantes n’ont notamment apporté aucun élément réfutant l’analyse de la Commission selon laquelle les deux méthodes proposées par Ryanair dans les études des 17 et 31 janvier 2014 au cours de la procédure administrative pour évaluer les bénéfices des contrats de services marketing allant au-delà des liaisons aériennes en cause et de la durée d’exploitation de ces dernières, c’est-à-dire les recettes futures provenant notamment de la notoriété et de l’image de marque forte dues aux prestations marketing, donnaient des résultats très incertains et très peu fiables (considérants 327 à 330 et 333 de la décision attaquée).
361 Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas établi qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, aurait considéré que les services marketing achetés auprès d’AMS constituaient un investissement susceptible de générer des bénéfices à plus long terme.
362 En ce qui concerne l’argument des requérantes tiré de la solution la moins onéreuse, il convient de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté sans commettre d’erreur qu’un opérateur en économie de marché, placé dans la situation du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême, se serait attendu à ce que les accords de 2008 ne soient pas rentables. Partant, comme l’indique à juste titre la Commission, la renonciation à la signature desdits accords se serait avérée une meilleure alternative pour un tel opérateur, étant donné que ces contrats avaient une rentabilité incrémentale négative et que la conclusion de ces accords aurait donc induit une détérioration de la situation financière dudit aéroport.
363 Dès lors, même à supposer que la fermeture de l’aéroport d’Angoulême eût entraîné une perte plus importante pour son propriétaire que la perte incrémentale attendue de la mise en œuvre des accords de 2008, un opérateur en économie de marché guidé par des perspectives de rentabilité, agissant à la place du gestionnaire dudit aéroport, aurait plutôt préféré, dans le cas d’espèce, renoncer à conclure ces accords.
364 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu prendre en compte, dans l’analyse de rentabilité incrémentale, les seules recettes engendrées par la liaison aérienne entre Angoulême et Londres pendant la durée prévue des accords de 2008, même si elle a repris les coûts liés au contrat de services marketing, lesquels sont censés être engendrés dans leur totalité au cours de ladite période.
365 Il s’ensuit que tous les arguments des requérantes selon lesquels la Commission n’a pas attribué une valeur adéquate aux services marketing d’AMS doivent être rejetés.
366 Enfin, les requérantes font valoir dans la réplique que l’affirmation de la Commission dans le mémoire en défense selon laquelle un opérateur en économie de marché ne serait pas disposé à payer son client pour une période allant jusqu’à trois ans en attendant de récupérer l’argent dépensé au cours des années suivantes est dénué de fondement.
367 En particulier, les requérantes soutiennent, d’une part, que les aéroports sont de grands projets d’infrastructure à long terme dont l’horizon d’investissement dépasse largement trois ans et,d’autre part, que, selon la littérature économique et financière, la rentabilité d’un investissement ne devrait pas nécessairement se limiter à la valeur actualisée nette escomptée des futurs flux financiers générés par cet investissement, mais pourrait également inclure la valeur des options stratégiques. Un opérateur en économie de marché pourrait réaliser un investissement déficitaire à court terme, même avec une valeur actualisée nette nulle ou négative, s’il avait une valeur stratégique et fournissait à l’entreprise la possibilité de réaliser des investissements plus rentables à plus long terme qui compenseraient les pertes initiales. Ainsi, un programme publicitaire déficitaire pourrait constituer un investissement stratégique en ce qu’il développe la valeur de la marque et augmente ainsi la rentabilité de la société à long terme.
368 À cet égard, d’une part, il suffit de rappeler que c’est sans commettre d’erreur manifeste que la Commission pouvait considérer qu’un opérateur en économie de marché se trouvant dans la situation du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême n’aurait pas tablé sur un renouvellement des accords de 2008 à leur terme et n’aurait donc pas accepté de subir des pertes pendant la durée prévue desdits accords au motif qu’il en obtiendrait la compensation par des bénéfices futurs (voir point 304 ci-dessus).
369 D’autre part, il y a lieu de relever que, comme la Commission l’indique, les requérantes ne démontrent pas que la littérature économique et financière qui porte sur le secteur de l’électricité et sur des projets d’investissements en capital serait pertinente pour apprécier le comportement du gestionnaire d’aéroport d’Angoulême lorsque celui-ci lance l’exploitation d’une liaison aérienne. Dans tous les cas, s’agissant du développement de la valeur de la marque grâce à la mise en place d’un programme marketing, il suffit de renvoyer aux points 359 et 360 ci-dessus.
370 Dès lors, il y a lieu d’écarter cet argument et de conclure au rejet du grief dans son ensemble.
6) Sur le grief concernant les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing
371 Les requérantes font valoir que la Commission n’a erronément pas pris en compte les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing. Ledit gestionnaire aurait donc pris la décision commerciale rationnelle d’effectuer un tel achat en raison des nombreux bénéfices prévisibles,à savoir l’amélioration de l’image dudit aéroport et la réalisation de plusieurs objectifs stratégiques, tels que la diversification des compagnies aériennes, l’accroissement de la valeur marchande de cet aéroport et l’augmentation de la proportion de passagers entrants. À plusieurs reprises, les requérantes se réfèrent dans leur argumentation à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission relative aux mesures d’aide d’aéroports.
372 À cet égard, il convient de souligner d’emblée que, selon la jurisprudence, la qualification d’une mesure d’aide d’État ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de cette institution, à la supposer établie (voir arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46 et jurisprudence citée).
373 Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la pratique décisionnelle antérieure de la Commission invoquée par les requérantes est avérée.
374 En outre, il y a lieu de rappeler que la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59).
375 En l’espèce, il y a lieu de constater, pour les raisons mentionnées aux points 376 à 389 ci-après, que les requérantes ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte les avantages qu’elles invoquaient.
i) Sur la nécessité pour les aéroports régionaux d’améliorer leur image à l’aide de services marketing
376 Les requérantes font valoir que, en s’appuyant sur un rapport économique du 10 avril 2013, la Commission aurait dû conclure que l’achat des services marketing était justifié, étant donné que le marketing était un outil nécessaire et légitime pour les aéroports régionaux afin d’améliorer leur image et d’attirer de nouveaux clients et, dans le cas particulier du SMAC, le contrat de services marketing avait selon ses propres termes pour but de faire connaître l’aéroport d’Angoulême auprès du public du Royaume-Uni.
377 À cet égard, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas contesté l’utilité, voire la nécessité, pour les aéroports régionaux de s’engager dans des efforts de marketing, ni la valeur de l’image des aéroports régionaux. Elle n’a pas non plus considéré que l’achat des services marketing par le SMAC était injustifié.
378 En revanche, la Commission a considéré dans la décision attaquée que les prestations marketing d’AMS n’étaient pas susceptibles d’améliorer l’image de marque de l’aéroport d’Angoulême sur le long terme. Or, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que l’analyse de la Commission était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard (voir points 327 à 332, 359 et 360 ci-dessus).
379 Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la Commission a commis une erreur d’appréciation manifeste concernant la prise en compte de l’amélioration de l’image de l’aéroport d’Angoulême grâce au contrat de services marketing doit être rejeté.
ii) Sur l’absence de prise en compte des objectifs stratégiques de l’aéroport d’Angoulême
380 Les requérantes allèguent que la Commission n’a pas tenu compte des bénéfices stratégiques que le SMAC pouvait, en complément de toute analyse de rentabilité incrémentale, escompter du contrat de services marketing, à savoir la diversification des compagnies aériennes, l’accroissement de la valeur marchande de l’aéroport d’Angoulême et l’augmentation de la proportion de passagers entrants.
381 En premier lieu, les requérantes font valoir que le SMAC poursuivait au moyen du contrat de services marketing l’objectif stratégique de diversification des compagnies aériennes opérant depuis l’aéroport d’Angoulême. En se fondant sur un rapport économique, elles expliquent que la preuve du succès d’un aéroport qui a effectué de la publicité pour assurer sa propre promotion pourrait encourager d’autres compagnies aériennes à l’inclure dans leur programme. Pour un aéroport, la preuve de la capacité d’améliorer son image au moyen de la publicité inciterait les compagnies aériennes à commencer à le desservir. Selon les requérantes, l’ambition du SMAC d’attirer d’autres compagnies aériennes opérant depuis l’aéroport d’Angoulême en sus de la ligne saisonnière estivale de Ryanair ressortirait, premièrement, de ses initiatives, en 2007, deuxièmement, de la mise en avant de sa nouvelle image d’aéroport international pour courtiser d’autres compagnies aériennes, notamment par la participation aux salons professionnels, et, troisièmement, du niveau de fonctionnement normal de cet aéroport à cette époque en matière de personnel et d’équipement en dehors des mois d’été, ce qui reflétait le souhait d’attirer une autre compagnie aérienne desservant une liaison aérienne en hiver.
382 Toutefois, il y a lieu de constater que ces éléments ne parviennent pas à démontrer que les services marketing fournis par AMS auraient permis à un opérateur en économie de marché agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême d’attirer d’autres compagnies aériennes à l’aéroport d’Angoulême. En effet, il ressort notamment des considérants 321 à 338 de la décision attaquée que la Commission a constaté que le seul bénéfice certain et quantifiable qu’un opérateur en économie de marché normalement prudent et diligent pouvait attendre du contrat de services marketing consistait dans l’augmentation du nombre de passagers sur la ligne reliant Angoulême à Londres et que tout bénéfice allant au-delà de ladite ligne était trop incertain pour être pris en compte de manière quantifiée. Les requérantes n’ont apporté aucun élément remettant en cause cette appréciation de la Commission.
383 Partant, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes selon lequel la Commission n’a pas tenu compte de l’objectif de diversification des compagnies aériennes à l’aéroport d’Angoulême.
384 En deuxième lieu, les requérantes allèguent que l’amélioration de l’image de l’aéroport d’Angoulême était de nature à augmenter la valeur marchande et la valeur des capitaux propres dudit aéroport. Les aéroports seraient des biens qui sont de plus en plus vendus par l’État à des investisseurs privés.
385 À cet égard, il suffit de rappeler que la Commission pouvait sans commettre d’erreur observer que les prestations marketing n’étaient pas de nature à renforcer l’image de marque de l’aéroport d’Angoulême de manière durable (voir points 327 à 332 et 360 ci-dessus).
386 Partant, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes concernant l’absence de prise en compte de l’objectif d’accroissement de la valeur de l’aéroport d’Angoulême.
387 En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission ne s’est pas prononcée sur l’argument selon lequel la publicité sur le site Internet de Ryanair prévoyait l’augmentation de la proportion des passagers entrants provenant du Royaume-Uni,alors que l’augmentation du trafic entrant figurait parmi les buts principaux du contrat de services marketing. En conséquence, ce trafic étant susceptible de générer des recettes extra-aéronautiques plus élevées que les passagers sortants, l’analyse de rentabilité incrémentale risquait de sous-estimer le niveau des recettes extra-aéronautiques que l’aéroport d’Angoulême pouvait raisonnablement attendre dudit contrat.
388 À cet égard, il y a lieu d’observer que, comme l’indique la Commission, la décision attaquée a implicitement intégré, par le biais d’un taux de remplissage de 85 % par vol, l’effet du contrat de services marketing sur le nombre de passagers entrants et sur les recettes extra-aéronautiques qui y sont afférents. En effet, il ressort de ladite décision que la Commission a appliqué ledit taux de remplissage au trafic total incrémental, comprenant tant les passagers sortants que les passagers entrants, pour ensuite calculer les recettes extra-aéronautiques incrémentales prévisionnelles résultant des accords de 2008.
389 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation dans la prise en compte de l’effet du contrat de services marketing sur le nombre de passagers entrants et les recettes extra-aéronautiques qui y sont afférents.
390 Au vu de ce qui précède, il y lieu de rejeter le grief des requérantes concernant les motifs sous-tendant la décision de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing.
391 Le troisième moyen doit être écarté comme non fondé.
392 Il convient donc de rejeter le recours dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure des requérantes en ce qu’elle vise d’autres mesures que celles qui ont déjà été ordonnées.
IV. Sur les dépens
393 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
Berardis | Papasavvas | Spielmann |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.
Table des matières
I. Antécédents du litige
A. Mesures en cause
B. Procédure administrative
C. Décision attaquée
II. Procédure et conclusions des parties
III. En droit
A. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense
B. Sur le deuxième moyen, portant sur l’imputabilité des mesures en cause à la République française
1. Sur le premier grief, tiré d’un défaut de motivation
2. Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur d’appréciation quant à l’imputabilité à l’État de la décision du SMAC de conclure les accords de 2008
3. Sur le troisième grief, tiré d’une erreur d’appréciation quant à la nature de la CCI d’Angoulême
4. Sur le quatrième grief, tiré d’une motivation contradictoire
5. Sur le troisième moyen, tiré de l’application erronée du critère de l’opérateur en économie de marché
a) Sur la première branche, tirée d’erreurs d’appréciation et de défauts de motivation en ce qui concerne la décision de s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
1) Sur le rejet de l’analyse comparative comme méthode d’application du critère de l’opérateur en économie de marché
2) Sur les griefs concernant les motifs invoqués dans la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
i) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que la diversité des aéroports justifiait qu’elle s’écarte, dans la présente affaire, de l’analyse comparative
ii) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que l’analyse comparative devrait être fondée sur une comparaison des accords de 2008 pris conjointement avec d’autres transactions similaires
iii) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que Ryanair payait un prix négatif
iv) Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que les preuves fournies par Ryanair ne démontraient pas que les aéroports sélectionnés dans l’étude du 25 juin 2012 étaient suffisamment comparables à celui d’Angoulême et d’un défaut de motivation à cet égard
3) Sur le grief tiré de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des accords de 2008
b) Sur la seconde branche, tirée d’erreurs d’appréciation et d’une motivation insuffisante en ce qui concerne l’analyse de rentabilité incrémentale
1) Sur le grief pris de l’utilisation de données insuffisantes, non vérifiées, peu claires et non fiables
2) Sur le grief pris de la non-vérification des données communiquées par l’aéroport d’Angoulême et de la non-comparaison avec un aéroport moyen ou bien géré et efficace
3) Sur le grief pris de la portée trop limitée de l’analyse effectuée aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché
i) Sur l’horizon temporel
ii) Sur le nombre des lignes
iii) Sur les bénéfices plus larges
4) Sur le grief pris de l’évaluation erronée de la popularité et de l’impact du site Internet de Ryanair
5) Sur le grief pris de la non-attribution d’une valeur adéquate aux services marketing d’AMS dans l’analyse de rentabilité incrémentale
6) Sur le grief concernant les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Angoulême de conclure le contrat de services marketing
i) Sur la nécessité pour les aéroports régionaux d’améliorer leur image à l’aide de services marketing
ii) Sur l’absence de prise en compte des objectifs stratégiques de l’aéroport d’Angoulême
IV. Sur les dépens