Language of document : ECLI:EU:C:2019:384

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

8 mai 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2008/98/CE – Valorisation ou élimination des déchets – Mise en place d’un système intégré de gestion des déchets garantissant l’autosuffisance nationale – Création d’installations d’incinération ou augmentation de la capacité d’installations existantes – Qualification des installations d’incinération d’“infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent” – Respect du principe de la “hiérarchie des déchets” – Directive 2001/42/CE – Nécessité de procéder à une “évaluation environnementale” »

Dans l’affaire C‑305/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), par décision du 28 février 2018, parvenue à la Cour le 4 mai 2018, dans la procédure

Verdi Ambiente e Società (VAS) Aps Onlus,

Movimento Legge Rifiuti Zero per l’Economia Circolare Aps

contre

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare,

Regione Lazio,

Regione Toscana,

Regione Lombardia,

en présence de :

Associazione Mamme per la Salute e l’Ambiente Onlus,

Comitato Donne 29 Agosto,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme C. Toader (rapporteure), présidente de chambre, MM. A. Rosas et M. Safjan, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Verdi Ambiente e Società (VAS) – Aps Onlus et Movimento Legge Rifiuti Zero per l’Economia Circolare Aps, par Mes F. Pernazza et A. Ciervo, avvocati,

–        pour Mamme per la Salute e l’Ambiente Onlus et le Comitato Donne 29 Agosto, par Me C. Auriemma, avvocatessa,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Santoro, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Gattinara, M. Noll-Ehlers et F. Thiran, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30, ci-après la « directive EIPP »), ainsi que de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3, ci-après la « directive “déchets” »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les associations de défense de l’environnement Verdi Ambiente e Società (VAS) – Aps Onlus et Movimento Legge Rifiuti Zero per l’Economia Circolare Aps, à la Presidenza del Consiglio dei Ministri (présidence du Conseil des ministres, Italie) e.a. au sujet d’un recours tendant à l’annulation du decreto del Presidente del Consiglio dei Ministri – Individuazione della capacità complessiva di trattamento degli impianti di incenerimento di rifiuti urbani e assimilabili in esercizio o autorizzati a livello nazionale, nonché individuazione del fabbisogno residuo da coprire mediante la realizzazione di impianti di incenerimento con recupero di rifiuti urbani e assimilati (décret du président du Conseil des ministres relatif à la détermination de la capacité globale de traitement des installations d’incinération des déchets municipaux et des déchets assimilés, en service ou autorisées au niveau national, et la détermination d’incinération pour la récupération de déchets municipaux et de déchets assimilés), du 10 août 2016 (GURI no 233, du 5 octobre 2016, ci-après le « décret du 10 août 2016 »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive EIPP

3        Aux termes des considérants 4 ainsi que 15 à 18 de la directive EIPP :

« (4)      L’évaluation environnementale est un outil important d’intégration des considérations en matière d’environnement dans l’élaboration et l’adoption de certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement dans les États membres, parce qu’elle assure que ces incidences de la mise en œuvre des plans et des programmes sont prises en compte durant l’élaboration et avant l’adoption de ces derniers.

[...]

(15)      Pour contribuer à une plus grande transparence du processus décisionnel ainsi que pour assurer l’exhaustivité et la fiabilité de l’information fournie en vue de l’évaluation, il y a lieu de prévoir que les autorités chargées des questions d’environnement en cause seront consultées, de même que le public, lors de l’évaluation des plans et des programmes et que des délais suffisamment longs seront fixés pour permettre des consultations ainsi que la formulation d’un avis.

(16)      Lorsque la mise en œuvre d’un plan ou d’un programme préparé dans un État membre est susceptible d’avoir une incidence significative sur l’environnement d’autres États membres, des dispositions devraient être prises pour que les États membres concernés entament des consultations et pour que les autorités concernées et le public soient informés et aient la possibilité de donner leur avis.

(17)      Le rapport sur les incidences environnementales et les avis exprimés par les autorités concernées et le public, ainsi que le résultat de toute consultation transfrontière, devraient être pris en compte lors de l’élaboration et avant l’adoption du plan ou du programme ou avant qu’il ne soit soumis au processus législatif.

(18)      Les États membres devraient veiller à ce que, lors de l’adoption d’un plan ou d’un programme, les autorités concernées et le public soient informés et que les informations pertinentes soient mises à leur disposition. »

4        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objectifs », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

5        L’article 2 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par [l’Union] européenne, ainsi que leurs modifications :

–        élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

–        exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

b)      “évaluation environnementale” : l’élaboration d’un rapport sur les incidences environnementales, la réalisation de consultations, la prise en compte dudit rapport et des résultats des consultations lors de la prise de décision, ainsi que la communication d’informations sur la décision, conformément aux articles 4 à 9 ;

[...] »

6        Aux termes de l’article 3 de la directive EIPP, intitulé « Champ d’application » :

« 1.      Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.      Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)      qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40)] pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)       pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

[...] »

7        L’article 4, paragraphe 1, de la directive EIPP énonce :

« L’évaluation environnementale visée à l’article 3 est effectuée pendant l’élaboration du plan ou du programme et avant qu’il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative. »

8        L’article 6 de cette directive, intitulé « Consultation », dispose, à son paragraphe 2 :

« Une possibilité réelle est donnée, à un stade précoce, aux autorités [...] et au public [...] d’exprimer, dans des délais suffisants, leur avis sur le projet de plan ou de programme et le rapport sur les incidences environnementales avant que le plan ou le programme ne soit adopté ou soumis à la procédure législative. »

 La directive « déchets »

9        Aux termes des considérants 6, 8, 28 et 31 de la directive « déchets » :

« (6)      L’objectif premier de toute politique en matière de déchets devrait être de réduire à un minimum les incidences négatives de la production et de la gestion des déchets sur la santé humaine et l’environnement. La politique dans le domaine des déchets devrait également viser à réduire l’utilisation de ressources et favoriser l’application pratique d’une hiérarchie des déchets.

[...]

(8)      Il est donc nécessaire de réviser la directive 2006/12/CE pour préciser les définitions des notions de base telles que celles de déchets, de valorisation et d’élimination, pour renforcer les mesures à prendre en matière de prévention des déchets, pour introduire une approche qui tienne compte de tout le cycle de vie des produits et des matières et pas seulement de la phase où ils sont à l’état de déchet, et pour mettre l’accent sur la réduction des incidences de la production et de la gestion des déchets sur l’environnement, ce qui permettrait de renforcer la valeur économique des déchets. En outre, il y a lieu d’encourager la valorisation des déchets et l’utilisation des matériaux de valorisation afin de préserver les ressources naturelles. Par souci de clarté et de lisibilité, il convient d’abroger la directive 2006/12/CE et de la remplacer par une nouvelle directive.

[...]

(28)      La présente directive devrait aider l’Union européenne à se rapprocher d’une “société du recyclage” visant à éviter la production de déchets et à les utiliser comme ressources. En particulier, le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement préconise des mesures visant à assurer le tri à la source, la collecte et le recyclage des flux de déchets prioritaires. Conformément à cet objectif et pour faciliter ou améliorer les possibilités de valorisation, les déchets devraient être collectés séparément, pour autant que cette opération soit réalisable d’un point de vue technique, environnemental et économique avant de subir des opérations de valorisation qui produisent le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Les États membres devraient encourager la séparation des composés dangereux des flux de déchets, si elle est nécessaire pour parvenir à une gestion écologique.

[...]

(31)      La hiérarchie des déchets établit, d’une manière générale, un ordre de priorité pour ce qui constitue la meilleure solution globale sur le plan de l’environnement dans la législation et la politique en matière de déchets, mais le non-respect de cette hiérarchie peut s’avérer nécessaire pour certains flux de déchets spécifiques, lorsque cela se justifie pour des raisons, entre autres, de faisabilité technique, de viabilité économique et de protection de l’environnement. »

10      Le chapitre I de cette directive, intitulé « Objet, champ d’application et définitions », comprend les articles 1 à 7 de celle-ci. L’article 1er de ladite directive est libellé en ces termes :

« La présente directive établit des mesures visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention ou la réduction des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets, et par une réduction des incidences globales de l’utilisation des ressources et une amélioration de l’efficacité de cette utilisation. »

11      L’article 4 de la directive « déchets », intitulé « Hiérarchie des déchets », dispose :

« 1. La hiérarchie des déchets ci-après s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets :

a)      prévention ;

b)      préparation en vue du réemploi ;

c)      recyclage ;

d)      autre valorisation, notamment valorisation énergétique ; et

e)      élimination.

2.      Lorsqu’ils appliquent la hiérarchie des déchets visée au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s’écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l’approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets.

Les États membres veillent à ce que l’élaboration de la législation et de la politique en matière de déchets soit complètement transparente et respecte les règles nationales en vigueur quant à la consultation et à la participation des parties concernées et de la population.

Les États membres tiennent compte des principes généraux de précaution et de gestion durable en matière de protection de l’environnement, de la faisabilité technique et de la viabilité économique, de la protection des ressources ainsi que des effets globaux sur l’environnement et la santé humaine, et des effets économiques et sociaux, conformément aux articles 1er et 13. »

12      Le chapitre II de cette directive, intitulé « Exigences générales », comprend notamment l’article 13 de celle-ci, intitulé « Protection de la santé humaine et de l’environnement », qui prévoit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :

a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;

b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et

c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »

 Le droit italien

13      L’article 35 du decreto-legge no 133 (décret-loi no 133), du 12 septembre 2014 (GURI no 212 du 12 septembre 2014), converti en loi, avec modifications, par la loi no 164, du 11 novembre 2014 (GURI no 262 du 11 novembre 2014) (ci-après le « décret-loi no 133/2014 »), dispose, à son paragraphe 1 :

« Dans un délai de 90 jours à partir de la date d’entrée en vigueur de la loi de conversion du présent décret, le président du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l’Environnement et de la Protection du territoire et de la Mer, après avoir entendu la conférence permanente pour les relations entre l’État, les régions et les provinces autonomes de Trente et Bolzano, détermine par décret au niveau national la capacité globale de traitement des déchets municipaux et des déchets assimilés des installations d’incinération en service, ou autorisées au niveau national, en indiquant expressément la capacité de chaque installation, ainsi que les installations d’incinération pour la valorisation énergétique des déchets municipaux et des déchets assimilés devant être créées pour couvrir les besoins résiduels, déterminés afin de procéder au rééquilibrage progressif, dans les domaines social et économique, entre les zones du territoire national et dans le respect des objectifs de collecte séparée et de recyclage, compte tenu de la planification régionale. Les installations ainsi désignées constituent des infrastructures et des implantations stratégiques d’intérêt national prééminent, elles mettent en œuvre un système intégré et moderne de gestion des déchets municipaux et des déchets assimilés, en garantissant la sécurité nationale et l’autosuffisance, elles permettent le règlement et la prévention de l’ouverture de procédures d’infraction ultérieures fondées sur la non-transposition des normes européennes du secteur et limitent le rejet des déchets dans des décharges ».

14      Sur la base de cette disposition a été adopté le décret du 10 août 2016.

15      L’article 1er du décret du 10 août 2016, intitulé « Objet », est libellé comme suit :

« 1.      En vertu de l’article 35, paragraphe 1, du [décret-loi no 133/2014], le présent décret a pour objet :

a)      la détermination de la capacité actuelle de traitement nationale des installations d’incinération des déchets municipaux et des déchets assimilés, en service au mois de novembre 2015 ;

b)      la détermination de la capacité potentielle de traitement nationale des installations d’incinération des déchets municipaux et des déchets assimilés, qui sont autorisées mais qui ne sont pas en service au mois de novembre 2015 ;

c)      la détermination, par macro-zone et par région, des installations d’incinération avec valorisation énergétique des déchets municipaux et des déchets assimilés, qui doivent être créées ou renforcées pour couvrir les besoins résiduels nationaux de traitement de ces déchets. »

16      Les articles 3 à 5 du décret du 10 août 2016 comportent des tableaux désignant trois catégories d’installations, à savoir les installations d’incinération en service, avec l’indication de la capacité de traitement autorisée et de la capacité de traitement des déchets municipaux et assimilés (tableau A), les installations d’incinération autorisées qui ne sont pas en service, avec l’indication de la capacité potentielle de traitement et de la localisation sur base régionale (tableau B) et les installations devant être créées ou renforcées, compte tenu de la programmation régionale (tableau C). Pour chacune de ces trois catégories, les tableaux respectifs indiquent également la capacité nationale globale de traitement des installations d’incinération des déchets en service au mois de novembre 2015 (tableau A), la capacité potentielle nationale de traitement dérivant des installations autorisées, mais n’étant pas en service à cette même date (tableau B) ainsi que les régions dans lesquelles les installations nécessaires pour satisfaire les besoins nationaux doivent être créées ou renforcées et les capacités relatives (tableau C).

17      Aux termes de l’article 6 du décret du 10 août 2016, intitulé « Dispositions finales » :

« 1.      [...] les installations qui figurent dans les tableaux A, B et C sont des infrastructures et des implantations stratégiques d’intérêt national prééminent et constituent un système intégré et moderne de gestion des déchets municipaux et des déchets assimilés, en garantissant la sécurité nationale et l’autosuffisance du cycle de gestion intégrée des déchets, ainsi que cela est exigé par l’article 16 de la [directive “déchets”].

2.      Afin de garantir la sécurité nationale et l’autosuffisance et dans le respect des objectifs de rééquilibrage progressif dans les domaines social et économique entre les zones du territoire national, [...] les capacités de traitement moindres des déchets municipaux et des déchets assimilés des installations d’incinération en raison des politiques prévues au paragraphe 6 sont redistribuées au sein de la même macro-zone selon les critères généraux et les procédures de désignation explicités dans l’annexe III. »

18      Les trois annexes du décret du 10 août 2016 indiquent les modalités ayant permis de déterminer les trois catégories figurant dans les trois tableaux A, B et C. Plus précisément, l’annexe I contient les éléments déterminant la capacité nationale actuelle de traitement des installations d’incinération des déchets municipaux et assimilés, des installations en fonction, ou autorisées, mais qui ne sont pas en fonction au mois de novembre 2015. L’annexe II expose les conditions dans lesquelles les besoins résiduels d’incinération des déchets municipaux et assimilés ont été déterminés, avec division du calcul pour chaque région prise individuellement. L’annexe III précise en outre les « critères généraux », prévus au paragraphe 1 de l’article 35 du décret-loi no 133/2014, utilisés afin de déterminer les installations devant être créées ou renforcées afin de satisfaire les besoins résiduels nationaux d’incinération des déchets municipaux ou assimilés.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Il ressort de la décision de renvoi que les associations VAS et Movimento Legge Rifiuti Zero per l’Economia Circolare ont formé devant la juridiction de renvoi, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), un recours tendant à l’annulation du décret du 10 août 2016, dans le cadre duquel elles ont soulevé cinq moyens.

20      Ces moyens peuvent, en substance, être répartis en deux ensembles. Le premier d’entre eux regroupe ceux tirés de la violation du principe de la « hiérarchie des déchets », prévu aux articles 4 et 13 de la directive « déchets », en ce que le décret du 10 août 2016 a qualifié des installations d’incinération d’« infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent ». Or, selon les requérantes au principal, l’incinération des déchets ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, lorsqu’il n’est plus possible de recourir aux techniques de valorisation ou de recyclage. Le second groupe de moyens est pris de la violation de la directive EIPP, en ce que l’adoption de ce décret n’aurait pas été précédée d’une évaluation environnementale de ses incidences.

21      La juridiction de renvoi fait observer que les défendeurs au principal se sont contentées de fournir, au stade de l’instruction, des documents et un rapport, sans y adjoindre d’écrits ou de mémoires. Il en ressortirait que, aux fins de leur défense, celles-ci se sont limitées à arguer de la conformité de la réglementation nationale au droit de l’Union.

22      Cette juridiction de renvoi, d’une part, estime nécessaire que la Cour procède à une interprétation du principe de la « hiérarchie des déchets », tel qu’il est prévu par la directive « déchets ». D’autre part, elle se demande si l’autorité nationale pouvait, sans réaliser une évaluation environnementale préalable, augmenter les capacités des installations d’incinération des déchets.

23      C’est dans ce contexte que le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« (1)      Les articles 4 et 13 de la directive [“déchets”], lus conjointement avec les considérants 6, 8, 28 et 31 [de celle-ci], s’opposent-ils à une réglementation nationale primaire et à sa réglementation nationale secondaire d’exécution – telles que l’article 35, paragraphe 1, du [décret-loi no 133/2014], et le [décret du 10 août 2016] – en ce qu’elles qualifient uniquement les installations d’incinération qui y sont visées, conformément aux annexes et aux tableaux contenus dans le [décret du 10 août 2016], d’infrastructures et d’implantations stratégiques d’intérêt national prééminent, qui réalisent un système intégré et moderne de gestion des déchets municipaux et des déchets assimilés, et qui garantissent la sécurité nationale et l’autosuffisance, étant donné qu’une qualification similaire n’a pas été également reconnue par le législateur national aux installations destinées au traitement des déchets à des fins de recyclage et de réutilisation, et ce malgré la position prééminente occupée par ces deux dernières modalités dans la hiérarchie des déchets prévue par la directive [“déchets”] ?

(2)      À titre subsidiaire, en cas de réponse négative à la première question, les articles 4 et 13 de la directive [“déchets”] s’opposent-ils à une réglementation nationale primaire et à sa réglementation nationale secondaire d’exécution – telles que l’article 35, paragraphe 1, du [décret-loi no 133/2014], et le [décret du 10 août 2016] – en ce qu’elles qualifient les installations d’incinération des déchets municipaux d’infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent, afin de procéder au règlement et à la prévention de l’ouverture de procédures d’infraction ultérieures fondées sur la non-transposition des normes européennes du secteur et afin de limiter le rejet des déchets dans des décharges ?

(3)      Les articles 2 à 4 ainsi que 6 à 12 de la directive [EIPP], lus tant individuellement que conjointement, s’opposent-ils à l’application d’une réglementation nationale primaire et de sa réglementation nationale secondaire d’exécution – telles que l’article 35, paragraphe 1, du [décret-loi no 133/2014], et le [décret du 10 août 2016] – en ce qu’elles prévoient que le président du Conseil des ministres peut, par décret, procéder à la détermination à la hausse de la capacité des installations d’incinération existantes et à la détermination du nombre, de la capacité et de la localisation régionale des installations d’incinération avec valorisation énergétique des déchets municipaux et des déchets assimilés devant être créées pour couvrir les besoins résiduels déterminés, afin de procéder au rééquilibrage progressif, dans les domaines social et économique, entre les zones du territoire national et dans le respect des objectifs de collecte séparée et de recyclage, sans que ces normes nationales prévoient, au stade de la conception de ce plan découlant du décret du président du Conseil des ministres, l’application de la réglementation d’évaluation environnementale stratégique telle que prévue par ladite directive [EIPP] ? »

24      Par son ordonnance du 3 juillet 2018, Associazione Verdi Ambiente e Società - Aps Onlus e.a. (C‑305/18, non publiée, EU:C:2018:549), le président de la Cour a décidé de ne pas faire droit à la demande de la juridiction de renvoi tendant à ce que la présente affaire soit soumise à la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

25      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de la « hiérarchie des déchets », tel qu’exprimé à l’article 4 de la directive « déchets » et lu à la lumière de l’article 13 de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui qualifie les installations d’incinération des déchets d’« infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent ».

26      Les interrogations de cette juridiction semblent résulter de la circonstance qu’une qualification similaire n’a pas été retenue dans le décret du 10 août 2016 à l’égard des installations destinées au traitement des déchets à des fins de recyclage et de réutilisation, alors que l’article 4 de ladite directive imposerait aux États membres d’appliquer, dans leur législation et leur politique en matière de prévention et de gestion des déchets, une hiérarchisation des opérations de traitement.

27      Il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 1, de la directive « déchets » dispose que « [l]a hiérarchie des déchets [...] s’applique par ordre de priorité dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion des déchets : a) prévention ; b) préparation en vue du réemploi ; c) recyclage ; d) autre valorisation, notamment valorisation énergétique, et e) élimination ».

28      Cette disposition, qui établit la hiérarchie des déchets telle qu’elle doit être appliquée dans la législation et la politique en matière de prévention et de gestion de déchets, ne permet pas d’inférer qu’il faudrait accorder la priorité à un système qui permette aux producteurs de déchets de procéder eux-mêmes à l’élimination de ceux-ci. En effet, l’élimination des déchets ne figure qu’à la dernière place de cette hiérarchie (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, SETAR, C‑551/13, EU:C:2014:2467, point 44).

29      Il convient d’ajouter que la hiérarchie des déchets constitue un objectif, qui laisse une marge d’appréciation aux États membres, en n’obligeant pas ceux-ci à opter pour une solution de prévention et de gestion spécifique.

30      Ainsi, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive « déchets », lorsqu’ils mettent en œuvre le principe de la « hiérarchie des déchets », les États membres prennent des mesures pour encourager les solutions produisant le meilleur résultat global sur le plan de l’environnement. Cela peut exiger que certains flux de déchets spécifiques s’écartent de la hiérarchie, lorsque cela se justifie par une réflexion fondée sur l’approche de cycle de vie concernant les effets globaux de la production et de la gestion de ces déchets.

31      Par ailleurs, selon l’article 13 de la directive « déchets », les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore.

32      À cet égard, la Cour a déjà jugé que, si cet article 13 ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour s’assurer que les déchets soient ainsi gérés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que ledit article lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (arrêt du 6 avril 2017, Commission/Slovénie, C‑153/16, non publié, EU:C:2017:275, point 61 et jurisprudence citée).

33      En l’occurrence, le fait qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qualifie les installations d’incinération des déchets d’« infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent » ne signifie pas que le législateur national a entendu ne pas suivre les indications découlant du principe de la « hiérarchie des déchets », tel que prévu par la directive « déchets ».

34      En effet, d’une part, comme en conviennent les requérantes au principal, ladite qualification nationale n’est applicable que pour ces installations.

35      Or, le fait qu’une réglementation nationale qualifie les installations d’incinération des déchets comme « prioritaires » ne saurait signifier que les opérations de traitement y afférentes soient dotées des mêmes qualités et, subséquemment, que lesdites opérations se verraient conférer un quelconque degré de priorité sur les autres opérations de prévention et de gestion des déchets.

36      D’autre part, ainsi que le fait valoir le gouvernement italien, une telle qualification vise à rationaliser et à faciliter le déroulement de la procédure d’agrément, afin de pallier l’absence de réseau national adéquat de gestion des déchets, constaté dans des arrêts antérieurs de la Cour du 26 avril 2007, Commission/Italie (C‑135/05, EU:C:2007:250), du 14 juin 2007, Commission/Italie (C‑82/06, non publié, EU:C:2007:349), du 4 mars 2010, Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115), du 15 octobre 2014, Commission/Italie (C‑323/13, non publié, EU:C:2014:2290), du 2 décembre 2014, Commission/Italie (C‑196/13, EU:C:2014:2407) ainsi que du 16 juillet 2015, Commission/Italie (C‑653/13, non publié, EU:C:2015:478).

37      À cet égard, ainsi qu’il résulte de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, si la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet État est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

38      Enfin, s’il appartient aux États membres de choisir le moyen le plus adéquat de respecter le principe de la « hiérarchie des déchets », ceux-ci doivent toutefois se conformer aux autres dispositions de cette directive qui prévoient des obligations plus spécifiques.

39      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le principe de la « hiérarchie des déchets », tel qu’exprimé à l’article 4 de la directive « déchets » et lu à la lumière de l’article 13 de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui qualifie les installations d’incinération des déchets d’« infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent », pour autant que cette réglementation soit compatible avec les autres dispositions de cette directive qui prévoient des obligations plus spécifiques.

 Sur la troisième question

40      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive EIPP doit être interprétée en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, composée d’une réglementation de base et d’une réglementation d’exécution, qui détermine à la hausse la capacité des installations d’incinération des déchets existantes et qui prévoit la création de nouvelles installations de cette nature, relève de la notion de « plans et programmes », au sens de cette directive, susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et devant, par conséquent, être soumise à une évaluation environnementale préalable.

41      En l’occurrence, il résulte de la décision de renvoi que la réglementation nationale en cause au principal a pour objet d’augmenter les capacités de fonctionnement de 40 installations d’incinération des déchets sur les 42 installations existantes et opérationnelles sur le territoire de cet État membre ainsi que de créer de nouvelles installations de ce type. Une telle réglementation nationale met en œuvre les choix stratégiques d’un État membre en matière de valorisation ou d’élimination des déchets, comme le calcul des besoins résiduels nationaux quantifiés à 1 818 000 tonnes/an et la répartition de ces derniers entre les macro-zones, l’augmentation de l’activité des installations existantes jusqu’à l’épuisement de leur capacité respective autorisée, ainsi que la localisation régionale des nouvelles installations.

42      Il convient de déterminer si une telle réglementation entre dans le champ d’application de la directive EIPP.

43      À cet égard, l’article 3 de la directive prévoit que certains plans ou certains programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumis à une évaluation environnementale.

44      L’article 2, sous a), de la directive EIPP définit les « plans et programmes » qu’il vise comme étant ceux qui satisfont à deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative et, d’autre part, être exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives.

45      La Cour a interprété cette disposition en ce sens que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de la directive EIPP, et, dès lors, soumis à l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement dans les conditions qu’elle fixe, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration (arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 37 ainsi que jurisprudence citée).

46      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que le décret du 10 août 2016 remplit ces deux conditions, dès lors qu’il a été adopté par le président du Conseil, sur le fondement de l’article 35 du décret-loi no 133/2014.

47      Il convient d’ajouter que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive EIPP, sont soumis à une évaluation environnementale systématique les plans et les programmes élaborés pour certains secteurs et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1, ci-après la directive “EIE”), qui a abrogé la directive 85/337, pourra être autorisée à l’avenir.

48      À cet égard, en premier lieu, figure au nombre des secteurs visés à cette disposition la gestion des déchets, de telle sorte que le premier de ces critères est rempli.

49      En second lieu, les installations d’élimination des déchets par incinération et leurs modifications ou extensions sont prévues aux points 9, 10 et 24 de l’annexe I de la directive EIE ainsi que, lorsqu’elles ne relèvent pas des catégories susmentionnées, au point 11, sous b), de l’annexe II de la directive EIE.

50      S’agissant du point de savoir si une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, définit le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de « plans et programmes » se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a., C‑290/15, EU:C:2016:816, point 49 ; du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e. a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 53 ; et du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C–160/17, EU:C:2018:401, point 54).

51      À cet égard, les termes « ensemble significatif de critères et de modalités » doivent être entendus de manière qualitative. En effet, il y a lieu d’éviter de possibles stratégies de contournement des obligations énoncées par la directive EIPP pouvant se matérialiser par une fragmentation des mesures, réduisant ainsi l’effet utile de cette directive (arrêts du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 55 ; ainsi que du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C–160/17, EU:C:2018:401, point 55).

52      Une telle interprétation de la notion de « plans et programmes », qui inclut non seulement leur élaboration, mais également leur modification, vise à assurer que des prescriptions susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement fassent l’objet d’une évaluation environnementale (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, points 54 ainsi que 58).

53      Il appartient à la juridiction de renvoi, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 50 à 52 du présent arrêt, de vérifier si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal définit le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée.

54      À supposer que tel soit le cas, il y a lieu de constater que cette réglementation, dont l’objet est rappelé au point 41 du présent arrêt, est susceptible de produire des incidences notables sur l’environnement, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

55      De surcroît, comme le suggère cette juridiction, l’augmentation des capacités de fonctionnement des installations d’incinération des déchets permet de douter du caractère suffisant des évaluations qui avaient été antérieurement effectuées aux fins d’autoriser la mise en service des installations d’incinération existantes.

56      Par ailleurs, la circonstance qu’une évaluation environnementale au sens de la directive EIPP sera réalisée ultérieurement, lors de la planification au niveau régional, est sans incidence sur l’applicabilité des dispositions relatives à une telle évaluation. En effet, une évaluation des incidences sur l’environnement effectuée au titre de la directive EIE ne saurait dispenser de l’obligation d’effectuer l’évaluation environnementale qu’exige la directive EIPP, afin de répondre aux aspects environnementaux spécifiques à celle-ci (arrêt du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 64).

57      En outre, et en tout état de cause, ne saurait être retenue l’objection formulée par le gouvernement italien selon laquelle la réglementation nationale en cause au principal ne constituant qu’un cadre de référence, la seconde condition mentionnée à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive EIPP ne serait pas remplie. En effet, la circonstance qu’une réglementation nationale présente un certain niveau d’abstraction et poursuit un objectif de transformation du cadre existant constitue une illustration de sa dimension programmatique ou planificatrice et ne fait pas obstacle à son inclusion dans la notion de « plans et programmes » (arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 60 ainsi que jurisprudence citée).

58      Une telle interprétation est corroborée, d’une part, par les exigences résultant de l’article 6 de la directive EIPP, lu à la lumière des considérants 15 à 18 de celle-ci, dans la mesure où cette directive vise non seulement à contribuer à la protection de l’environnement, mais également à permettre la participation du public au processus décisionnel. D’autre part, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, « [l]’évaluation environnementale [...] est effectuée pendant l’élaboration du plan ou du programme et avant qu’il ne soit adopté ou soumis à la procédure législative ». De même, il résulte de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive que l’évaluation environnementale est censée être réalisée aussi tôt que possible afin que ses conclusions puissent encore influer sur d’éventuelles décisions. C’est en effet à ce stade que les différentes options peuvent être analysées et que les choix stratégiques peuvent être effectués [voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2011, Seaport (NI) e.a., C‑474/10, EU:C:2011:681, point 45, ainsi que du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 63].

59      Au regard de ces éléments, dont il revient à la juridiction de renvoi d’apprécier la réalité et la portée eu égard à la réglementation concernée, il convient de considérer qu’une réglementation nationale augmentant la capacité des installations d’incinération des déchets existantes et créant de nouvelles installations de cette nature, telle que celle en cause au principal, est susceptible de relever de la notion de « plans et programmes », au sens de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive EIPP, devant être soumise à une évaluation environnementale.

60      Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la troisième question que l’article 2, sous a), l’article 3, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive EIPP doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, composée d’une réglementation de base et d’une réglementation d’exécution, qui détermine à la hausse la capacité des installations d’incinération des déchets existantes et qui prévoit la création de nouvelles installations de cette nature, relève de la notion de « plans et programmes », au sens de cette directive, lorsqu’elle est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et doit, par conséquent, être soumise à une évaluation environnementale préalable.

 Sur les dépens

61      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1)      Le principe de la « hiérarchie des déchets », tel qu’exprimé à l’article 4 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, et lu à la lumière de l’article 13 de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui qualifie les installations d’incinération des déchets d’« infrastructures et implantations stratégiques d’intérêt national prééminent », pour autant que cette réglementation soit compatible avec les autres dispositions de cette directive prévoyant des obligations plus spécifiques.

2)      L’article 2, sous a), l’article 3, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, composée d’une réglementation de base et d’une réglementation d’exécution, qui détermine à la hausse la capacité des installations d’incinération des déchets existantes et qui prévoit la création de nouvelles installations de cette nature, relève de la notion de « plans et programmes », au sens de cette directive, lorsqu’elle est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et doit, par conséquent, être soumise à une évaluation environnementale préalable.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.