Language of document : ECLI:EU:C:2021:593

ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

14 juillet 2021 (*)

« Référé – Article 279 TFUE – Demande de mesures provisoires – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Indépendance de l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Protection juridictionnelle effective – Indépendance des juges – Régime disciplinaire des juges – Examen des questions de droit concernant l’absence d’indépendance des juges – Compétence exclusive de l’Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych Sądu Nawyższego (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) »

Dans l’affaire C‑204/21 R,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires au titre de l’article 279 TFUE, introduite le 1er avril 2021,

Commission européenne, représentée par M. P. J. O. Van Nuffel et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. G. W. Hogan, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande en référé, la Commission européenne demande à la Cour, notamment, d’ordonner à la République de Pologne, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond, de suspendre l’application de plusieurs dispositions nationales introduites par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 20 décembre 2019 (Dz. U. de 2020, position 190, ci-après la « loi modificative »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit par la Commission le 1er avril 2021 (ci-après le « recours au fond »), tendant à faire constater que :

–        en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 42a, paragraphes 1 et 2, et l’article 55, paragraphe 4, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001 (Dz. U. de 2001, n° 98, position 1070), telle que modifiée par la loi modificative (ci-après la « loi modifiée relative aux juridictions de droit commun »), l’article 26, paragraphe 3, et l’article 29, paragraphes 2 et 3, de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), telle que modifiée par loi modificative (ci-après la « loi modifiée sur la Cour suprême »), l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów administracyjnych (loi relative à l’organisation des juridictions administratives), du 25 juillet 2002 (Dz. U. de 2002, position 1269), telle que modifiée par la loi modificative (ci‑après la « loi modifiée relative aux juridictions administratives »), ainsi que l’article 8 de la loi modificative, interdisant à toute juridiction nationale de vérifier le respect des exigences de l’Union européenne relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union ;

–        en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, et l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême, ainsi que l’article 10 de la loi modificative, établissant la compétence exclusive de l’Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) (ci-après la « chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ») pour examiner les griefs et les questions de droit concernant l’absence d’indépendance d’une juridiction ou d’un juge, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union ;

–        en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, permettant de qualifier d’infraction disciplinaire l’examen du respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE ;

–        en habilitant l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci-après la « chambre disciplinaire »), dont l’indépendance et l’impartialité ne sont pas garanties, à statuer sur des affaires ayant une incidence directe sur le statut et l’exercice des fonctions de juge et de juge auxiliaire, telles que, d’une part, les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges et les juges auxiliaires ou de les arrêter, ainsi que, d’autre part, les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ;

–        en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 88a de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, l’article 45, paragraphe 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême et l’article 8, paragraphe 2, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives, la République de Pologne a enfreint le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel garantis par l’article 7 et l’article 8, paragraphe 1, de la Charte ainsi que par l’article 6, paragraphe 1, sous c) et e), l’article 6, paragraphe 3, et l’article 9, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1).

3        Le 6 mai 2021, la République de Pologne a présenté ses observations écrites sur la demande de mesures provisoires.

 Le cadre juridique

 La loi modifiéesur la Cour suprême

4        La loi sur la Cour suprême a institué, au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême), deux nouvelles chambres, d’une part, la chambre disciplinaire et, d’autre part, la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

5        La loi modificative a modifié la loi sur la Cour suprême notamment en insérant à l’article 26 des paragraphes 2 à 6, et à l’article 27, paragraphe 1, un point 1a, en modifiant l’article 29 et l’article 72, paragraphe 1, et en insérant à l’article 82 des paragraphes 2 à 5.

6        Aux termes de l’article 26, paragraphes 2 à 6, de la loi modifiée sur la Cour suprême :

« 2.      La chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques est compétente pour connaître des demandes ou déclarations concernant la récusation d’un juge ou la désignation de la juridiction devant laquelle une procédure doit être menée, y compris les griefs tirés de l’absence d’indépendance de la juridiction ou du juge. La juridiction saisie de l’affaire envoie immédiatement une demande au président de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques afin que celle-ci soit traitée conformément aux règles fixées par des dispositions distinctes. La présentation d’une demande au président de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne suspend pas la procédure en cours.

3.      La demande visée au paragraphe 2 n’est pas examinée si elle concerne la constatation ou l’appréciation de la légalité de la nomination d’un juge ou de sa légitimité pour exercer des fonctions juridictionnelles.

4.      La chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques est compétente pour connaître des recours tendant à faire constater l’illégalité de jugements ou arrêts définitifs du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], des juridictions de droit commun, des juridictions militaires et des juridictions administratives, y compris le [Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne)], si l’illégalité consiste à remettre en cause le statut de la personne nommée à un poste de juge qui a statué dans l’affaire.

5.      Les dispositions relatives au constat d’illégalité d’un jugement définitif s’appliquent mutatis mutandis à la procédure dans les affaires visées au paragraphe 4, et les dispositions relatives à la réouverture d’une procédure juridictionnelle close par un jugement définitif s’appliquent aux affaires pénales. Il n’est pas nécessaire d’établir prima facie la vraisemblance ou la survenance d’un préjudice causé par le prononcé du jugement faisant l’objet du recours.

6.      Un recours tendant à faire constater l’illégalité d’un jugement définitif, visé au paragraphe 4, peut être introduit devant la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques sans passer par la juridiction qui a rendu le jugement attaqué, même lorsqu’une partie n’a pas épuisé les voies de recours à sa disposition, y compris le recours extraordinaire devant le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. »

7        L’article 27, paragraphe 1, de ladite loi prévoit :

« Relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire :

[...]

1a)      les affaires relatives à l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges, les juges auxiliaires, les procureurs et les procureurs auxiliaires, ou de les placer en détention provisoire.

2)      les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ;

3)      les affaires relatives à la mise à la retraite d’un juge du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. »

8        L’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême énonce :

« 2.      Dans le cadre des activités du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ou de ses organes, il n’est pas permis de remettre en cause la légitimité des tribunaux et des cours, des organes constitutionnels de l’État ou des organes de contrôle et de protection du droit.

3.      Le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] ou un autre organe du pouvoir ne peut pas constater ni apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou du pouvoir d’exercer les fonctions juridictionnelles qui en découle. »

9        L’article 72, paragraphe 1, de cette loi est libellé comme suit :

« Un juge du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] répond, sur le plan disciplinaire, des manquements professionnels (fautes disciplinaires), y compris en cas :

1)      de violation manifeste et flagrante des règles de droit ;

2)      d’actes ou omissions de nature à empêcher ou à compromettre sérieusement le fonctionnement d’une autorité judiciaire ;

3)      d’actes mettant en cause l’existence de la relation de travail d’un juge, l’effectivité de la nomination d’un juge ou la légitimité d’un organe constitutionnel de la République de Pologne. »

10      Conformément à l’article 73, paragraphe 1, de ladite loi, la chambre disciplinaire est la juridiction disciplinaire de deuxième (et dernière) instance pour les juges des juridictions de droit commun, et la juridiction disciplinaire de première et de deuxième instance pour les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême).

11      L’article 82 de la loi modifiée sur la Cour suprême prévoit ce qui suit :

« 1.      Si, lors de l’examen d’un pourvoi en cassation ou d’un autre recours, le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] nourrit des doutes sérieux quant à l’interprétation des dispositions juridiques sous-tendant la décision rendue, il peut surseoir à statuer et soumettre une question de droit à une formation constituée de sept de ses juges.

2.      Lorsqu’il examine une affaire dans laquelle se pose une question de droit relative à l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] sursoit à statuer et défère cette question à une formation constituée de l’ensemble des membres de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

3.      Si, lors de l’examen d’une demande visée à l’article 26, paragraphe 2, le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] nourrit des doutes sérieux quant à l’interprétation des dispositions juridiques qui doivent fonder la décision, elle peut surseoir à statuer et déférer une question de droit à une formation constituée de l’ensemble des membres de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

4.      Lorsqu’elle adopte une décision visée au paragraphe 2 ou 3, la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques n’est pas liée par la décision d’une autre formation de jugement du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], sauf si celle-ci a acquis force de principe juridique.

5.      Une décision adoptée par l’ensemble des membres de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques sur la base du paragraphe 2 ou 3 est contraignante pour l’ensemble des formations du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)]. Tout écart par rapport à une décision ayant acquis force de principe juridique requiert qu’il soit de nouveau statué par voie de décision de l’assemblée plénière du [Sąd Najwyższy (Cour suprême)], l’adoption de cette décision requérant la présence d’au moins deux tiers des juges de chacune des chambres. L’article 88 ne s’applique pas. »

 La loimodifiéerelative aux juridictions de droit commun

12      La loi modificative a modifié la loi relative aux juridictions de droit commun notamment en insérant un article 42a, et un paragraphe 4 à l’article 55, ainsi qu’en modifiant l’article 107, paragraphe 1, et l’article 110, paragraphe 2a.

13      L’article 42a de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun est libellé comme suit :

« 1.      Dans le cadre des activités des juridictions ou des organes des juridictions, il n’est pas permis de remettre en cause la légitimité des tribunaux et des cours, des organes constitutionnels de l’État ou des organes de contrôle et de protection du droit.

2.      Une juridiction de droit commun ou un autre organe du pouvoir ne peut pas constater ni apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou du pouvoir d’exercer les fonctions juridictionnelles qui en découle. »

14      L’article 55, paragraphe 4, de cette loi prévoit :

« Les juges peuvent statuer sur toutes les affaires dans leur lieu d’affectation ainsi que dans d’autres juridictions dans les cas définis par la loi (compétence du juge). Les dispositions relatives à l’attribution des affaires ainsi qu’à la désignation et à la modification des formations de jugement ne limitent pas la compétence d’un juge et ne peuvent être invoquées pour constater qu’une formation de jugement est contraire à la loi, qu’une juridiction est inadéquatement pourvue ou qu’une personne qui n’est pas habilitée ou compétente pour statuer en fait partie. »

15      L’article 80 de ladite loi dispose ce qui suit :

« 1.      Les juges ne peuvent être arrêtés ou faire l’objet de poursuites pénales qu’avec l’autorisation de la juridiction disciplinaire compétente. Cette disposition ne concerne pas l’arrestation en cas de flagrant délit, si cette arrestation est indispensable pour garantir le bon déroulement de la procédure. Jusqu’à l’adoption d’une décision autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge, seuls les actes urgents peuvent être accomplis.

[...]

2c.      La juridiction disciplinaire adopte une décision autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge si les soupçons qui pèsent sur celui-ci sont suffisamment étayés. La décision statue sur l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre le juge et en expose les motifs.

2d.      La juridiction disciplinaire examine la demande d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre un juge dans un délai de quatorze jours après l’avoir reçue. »

16      L’article 107, paragraphe 1, de la même loi est libellé comme suit :

« Un juge répond, sur le plan disciplinaire, des manquements professionnels (fautes disciplinaires), y compris en cas :

[...]

2)      d’actes ou omissions de nature à empêcher ou à compromettre sérieusement le fonctionnement d’une autorité judiciaire ;

3)      d’actes mettant en cause l’existence de la relation de travail d’un juge, l’effectivité de la nomination d’un juge ou la légitimité d’un organe constitutionnel de la République de Pologne ;

[...] »

17      Aux termes de l’article 110, paragraphe 2a, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun :

« La juridiction disciplinaire dans le ressort de laquelle le juge faisant l’objet de la procédure exerce sa charge est territorialement compétente pour connaître des affaires visées à l’article 37, paragraphe 5, et à l’article 75, paragraphe 2, point 3. Dans les affaires visées à l’article 80 et à l’article 106zd, la juridiction compétente en première instance est le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en formation à juge unique de la chambre disciplinaire et, en deuxième instance, le [Sąd Najwyższy (Cour suprême)] en formation à trois juges de la chambre disciplinaire. »

18      Conformément à l’article 129 de cette loi :

« 1.      La juridiction disciplinaire peut suspendre de ses fonctions un juge à l’égard duquel une procédure disciplinaire ou une procédure en interdiction a été engagée, et ce également lorsqu’elle adopte une décision autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre le juge concerné.

2.      Si la juridiction disciplinaire adopte une décision autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge pour une infraction intentionnelle passible de poursuites par le ministère public, elle le suspend automatiquement de ses fonctions.

3.      En suspendant un juge de ses fonctions, la juridiction disciplinaire réduit de 25 % à 50 % le montant de sa rémunération, pour la durée de cette même suspension ; cette disposition ne concerne pas les personnes visées dans le cadre d’une procédure en interdiction.

4.      Si la procédure disciplinaire a été clôturée ou a pris fin par acquittement, on procède à une rectification de toutes les composantes de la rémunération ou des émoluments jusqu’à leur montant complet. »

 La loi modifiée relative aux juridictions administratives

19      La loi modificative a modifié la loi relative aux juridictions administratives notamment en insérant des paragraphes 1a et 1b à l’article 5, ainsi qu’en modifiant l’article 29, paragraphe 1, et l’article 49, paragraphe 1.

20      L’article 5, paragraphes 1a et 1b, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives énonce :

« 1a.      Dans le cadre des activités d’une juridiction administrative ou de ses organes, il n’est pas permis de remettre en cause la légitimité des tribunaux et des cours, des organes constitutionnels de l’État ou des organes de contrôle et de protection du droit.

1b.      Une juridiction administrative ou un autre organe du pouvoir ne peut pas constater ni apprécier la légalité de la nomination d’un juge ou du pouvoir d’exercer les fonctions juridictionnelles qui en découle. »

21      En vertu de l’article 29, paragraphe 1, de cette loi, les infractions disciplinaires prévues à l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun sont applicables également en ce qui concerne les juges des juridictions administratives.

22      Conformément à l’article 49, paragraphe 1, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives, les infractions disciplinaires prévues à l’article 72, paragraphe 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême sont applicables également en ce qui concerne les juges du Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative).

 La loi modificative

23      Les articles 8 et 10 de la loi modificative contiennent des dispositions transitoires.

24      Conformément à l’article 8 de la loi modificative, l’article 55, paragraphe 4, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun s’applique également aux affaires ouvertes ou clôturées avant la date d’entrée en vigueur de la loi modificative, soit le 14 février 2020.

25      Aux termes de l’article 10 de la loi modificative :

« 1.      Les dispositions de la [loi sur la Cour suprême], dans la version résultant de la présente loi, s’appliquent également aux affaires soumises à l’examen de la chambre extraordinaire de contrôle et des affaires publiques qui ont été introduites et n’ont pas été clôturées par un jugement définitif, y compris une décision, avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

2.      La juridiction saisie d’une affaire visée au paragraphe 1 renvoie celle-ci sans délai, et au plus tard sept jours après l’entrée en vigueur de la présente loi, à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, qui peut révoquer les actes accomplis antérieurement dans la mesure où ils empêchent que l’examen de l’affaire se poursuive conformément à la loi.

3.      Les actes accomplis par les juridictions et par les parties ou les participants à la procédure dans les affaires visées au paragraphe 1 après la date d’entrée en vigueur de la présente loi en violation du paragraphe 2 ne produisent pas d’effets procéduraux. »

 Les antécédents du litige et la procédure précontentieuse

26      En réponse à trois demandes de décision préjudicielle introduites par le Sąd Najwyższy (Izba Pracy i Ubezpieczeń Społecznych) [Cour suprême (chambre du travail et des assurances sociales), Pologne] (ci‑après la « chambre du travail »), la Cour a, au point 171 de l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, ci‑après l’« arrêt A. K. », EU:C:2019:982), jugé que l’article 47 de la Charte et l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que des litiges concernant l’application du droit de l’Union puissent relever de la compétence exclusive d’une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial, au sens de la première de ces dispositions. À ce même point, la Cour a précisé que tel est le cas lorsque les conditions objectives dans lesquelles a été créée l’instance concernée et les caractéristiques de celle-ci ainsi que la manière dont ses membres ont été nommés sont de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent et, ainsi, sont susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ladite instance qui soit propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer auxdits justiciables dans une société démocratique. Toujours au même point, la Cour a ajouté qu’il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de tous les éléments pertinents dont elle disposait, si tel était le cas en ce qui concerne une instance telle que la chambre disciplinaire, et que, en pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union devait être interprété en ce sens qu’il imposait à la juridiction de renvoi de laisser inappliquée la disposition du droit national réservant la compétence pour connaître des litiges au principal à ladite instance, de manière à ce que ceux-ci puissent être examinés par une juridiction répondant aux exigences d’indépendance et d’impartialité et qui serait compétente dans le domaine concerné si ladite disposition n’y faisait pas obstacle.

27      À la suite de l’arrêt A. K., la chambre du travail, statuant dans le litige ayant donné lieu à la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑585/18, a, dans son jugement du 5 décembre 2019, jugé que la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne) (ci‑après la « KRS ») n’était pas un organe impartial et indépendant des pouvoirs législatif et exécutif. De même, cette juridiction a considéré que la chambre disciplinaire ne pouvait être regardée comme étant un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte et de l’article 6 de la CEDH.

28      Le 12 décembre 2019, un groupe de députés a soumis au Sejm Rzeczypospolitej Polskiej (Diète de la République de Pologne) le projet de loi à l’origine de la loi modificative. Cette loi a été adoptée le 20 décembre 2019 et est entrée en vigueur le 14 février 2020.

29      Estimant que, en ayant adopté la loi modificative, la République de Pologne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de l’article 7, de l’article 8, paragraphe 1, et de l’article 47 de la Charte, ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, sous c) et e), de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 9 du règlement 2016/679, la Commission a, le 29 avril 2020, adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre. Ce dernier a répondu par une lettre du 29 juin 2020 dans laquelle il contestait toute violation du droit de l’Union.

30      Le 30 octobre 2020, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle maintenait que le régime introduit par la loi modificative méconnaissait les dispositions du droit de l’Union mentionnées au point précédent.

31      Le 1er novembre 2020, compte tenu de l’augmentation du nombre d’affaires pendantes devant la chambre disciplinaire concernant des demandes d’autorisation d’engager des poursuites pénales contre des juges sur la base de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, la Commission a adressé aux autorités polonaises plusieurs questions. Ces autorités ont répondu auxdites questions le 13 novembre 2020.

32      Le 3 décembre 2020, la Commission a adressé à la République de Pologne une lettre de mise en demeure complémentaire en raison de l’activité juridictionnelle de la chambre disciplinaire sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême dans des affaires ayant une incidence directe sur le statut et l’exercice des fonctions de juge et de juge auxiliaire.

33      Par une lettre du 30 décembre 2020, la République de Pologne a répondu à l’avis motivé de la Commission du 30 octobre 2020 en contestant l’existence des manquements reprochés et en concluant à l’abandon de la procédure d’infraction.

34      Par une lettre du 4 janvier 2021, la République de Pologne a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire du 3 décembre 2020 en soutenant que les griefs soulevés par la Commission portant sur l’absence d’indépendance de la chambre disciplinaire n’étaient pas fondés.

35      Le 27 janvier 2021, la Commission a adressé à la République de Pologne un avis motivé complémentaire concernant l’activité juridictionnelle de la chambre disciplinaire dans les affaires relatives au statut des juges et des juges auxiliaires.

36      Par une lettre du 26 février 2021, la République de Pologne a répondu à l’avis motivé complémentaire, en faisant valoir que le grief formulé par la Commission dans celui-ci n’était pas fondé et en concluant à l’abandon de la procédure.

37      N’ayant pas été convaincue par les réponses de la République de Pologne, la Commission a, le 31 mars 2021, introduit un recours en manquement ainsi que la présente demande en référé.

 Les conclusions des parties

38      La Commission demande à la Cour :

–        d’ordonner à la République de Pologne, dans l’attente de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond :

a)      de suspendre, d’une part, l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême et autres, en vertu desquelles la chambre disciplinaire est compétente pour statuer, tant en première instance qu’en deuxième instance, sur les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre des juges ou des juges auxiliaires, de les placer en détention provisoire, de les arrêter ou de les faire comparaître, ainsi que, d’autre part, les effets des décisions déjà adoptées par la chambre disciplinaire sur le fondement de cet article et autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge ou son arrestation, et de s’abstenir de renvoyer les affaires visées audit article devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt A. K. ;

b)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, sur la base desquelles la chambre disciplinaire est compétente pour statuer sur les affaires relatives au statut et à l’exercice des fonctions de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême), notamment sur les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales ainsi que sur les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, et de s’abstenir de renvoyer ces affaires devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt A. K. ;

c)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, ainsi que de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, permettant d’engager la responsabilité disciplinaire des juges pour avoir examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte ;

d)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 42a, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 55, paragraphe 4, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun, de l’article 26, paragraphe 3, ainsi que de l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, de l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de la loi modifiée relative aux juridictions administratives, et de l’article 8 de la loi modificative, dans la mesure où elles interdisent aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte ;

e)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, ainsi que de l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême, et de l’article 10 de la loi modificative, établissant la compétence exclusive de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, et

f)      de communiquer à la Commission, au plus tard un mois après la notification de l’ordonnance de la Cour ordonnant les mesures provisoires sollicitées, toutes les mesures adoptées afin de se conformer pleinement à cette ordonnance ;

–        de condamner la République de Pologne aux dépens.

39      La Commission demande également à la Cour, en vertu de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de celle-ci, l’octroi des mesures provisoires mentionnées au point précédent avant même que la République de Pologne ait présenté ses observations.

40      La République de Pologne demande à la Cour :

–        de rejeter la demande en référé comme étant manifestement irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, de rejeter la demande en référé comme étant non fondée, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

 Sur la demande tendant à ce qu’il soit statué inaudita altera parte

41      Conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure, le juge des référés peut faire droit à la demande en référé avant même que l’autre partie ait présenté ses observations et cette mesure peut être ultérieurement modifiée ou rapportée, même d’office.

42      Selon la jurisprudence de la Cour, en particulier lorsqu’il est souhaitable dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’éviter que la procédure en référé ne soit vidée de toute sa substance et de tout effet, l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure autorise le juge connaissant d’une demande de mesures provisoires à arrêter de telles mesures, à titre conservatoire, soit jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à l’instance en référé, soit jusqu’à la clôture de la procédure principale, si celle-ci a lieu plus tôt. Lorsqu’il examine la nécessité de rendre une ordonnance inaudita altera parte, ledit juge doit examiner les circonstances du cas d’espèce (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 19 octobre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, non publiée, EU:C:2018:852, points 13 et 14 ainsi que jurisprudence citée).

43      En l’occurrence, la demande en référé introduite par la Commission n’a pas révélé de circonstances de nature à établir la nécessité d’arrêter provisoirement les mesures sollicitées jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé sans entendre au préalable la République de Pologne.

44      Par conséquent, la vice-présidente de la Cour a décidé de ne pas faire droit à la demande de la Commission tendant à ce qu’il soit statué sur la présente demande en référé inaudita altera parte.

 Sur la demande en référé

 Sur la recevabilité

45      La République de Pologne soutient que la demande en référé est manifestement irrecevable.

46      En premier lieu, la République de Pologne affirme que les dispositions nationales que la Commission conteste dans le cadre du recours au fond ne relèvent pas du domaine de compétences de l’Union. En effet, l’Union ne disposerait d’aucune compétence en matière d’organisation de la justice des États membres ni, a fortiori, d’aucune compétence pour définir le régime politique de ces États, déterminer les compétences de leurs différents organes, intervenir dans leur organisation interne ou suspendre leur activité. En particulier, la question de l’octroi et de la levée de l’immunité des juges et des juges auxiliaires, la détermination tant des procédures disciplinaires à l’encontre des personnes occupant ces fonctions que de l’étendue de leur responsabilité disciplinaire et la désignation des organes compétents pour mener les procédures dans ces affaires seraient régies exclusivement par le droit national. Ainsi, la Cour serait manifestement incompétente pour adopter les mesures provisoires sollicitées par la Commission.

47      Par ailleurs, s’agissant, notamment, des mesures provisoires concernant les dispositions relatives à la levée de l’immunité des juges, la demande en référé enfreindrait de manière flagrante le principe d’égalité de traitement entre les États membres. En effet, alors que certains États membres n’accorderaient, dans leur droit interne, aucune immunité aux juges, avec pour conséquence que ceux-ci seraient soumis à une pression et à un état d’incertitude permanents, la Commission n’aurait jamais soulevé de griefs à l’encontre desdits États membres.

48      En outre, ladite demande violerait le principe d’inamovibilité des juges. En effet, tant la suspension de l’activité de la chambre disciplinaire que la suspension de l’application des dispositions visées au point 38, premier tiret, sous c) et d), de la présente ordonnance constitueraient une ingérence dans l’indépendance des juges dans le cadre de leurs fonctions juridictionnelles.

49      Cette argumentation ne saurait être accueillie.

50      En effet, tout d’abord, s’il est vrai, ainsi que le souligne à juste titre la République de Pologne, que l’organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence de ces derniers, il n’en demeure pas moins que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres sont tenus de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union, en particulier de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 36 ainsi que jurisprudence citée).

51      En vertu de cette disposition, tout État membre doit notamment assurer que les instances relevant, en tant que « juridictions », au sens défini par le droit de l’Union, de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union et qui sont, partant, susceptibles de statuer, en cette qualité, sur l’application ou l’interprétation du droit de l’Union, satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective [arrêt du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours), C‑824/18, ci-après l’« arrêt A.B. », EU:C:2021:153, point 112 ainsi que jurisprudence citée].

52      Or, en l’occurrence, il est constant que tant le Sąd Najwyższy (Cour suprême), y compris la chambre disciplinaire qui en fait partie, que les juridictions de droit commun peuvent être appelés à statuer sur des questions liées à l’application ou à l’interprétation du droit de l’Union et qu’ils relèvent, en tant que « juridictions », au sens défini par ce droit, du système polonais de voies de recours dans les domaines couverts par ledit droit, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de sorte que lesdites juridictions doivent satisfaire aux exigences d’une protection juridictionnelle effective [voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême), C‑619/18, EU:C:2019:531, point 56].

53      Par ailleurs, les dispositions nationales mises en cause par la Commission dans le cadre des quatre premiers griefs du recours au fond (ci-après les « dispositions nationales litigieuses ») régissent la compétence de la chambre disciplinaire, le régime disciplinaire applicable aux juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), des juridictions de droit commun et des juridictions administratives, ainsi que les modalités procédurales du contrôle des conditions de l’indépendance de ces juges.

54      Par conséquent, ces dispositions peuvent faire l’objet d’un contrôle au regard de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, dans le contexte d’un recours en manquement, ainsi que, par voie de conséquence, de mesures provisoires tendant, notamment, à la suspension desdites dispositions, ordonnées par la Cour, au titre de l’article 279 TFUE, dans le même contexte.

55      Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, la Cour est compétente pour adopter des mesures provisoires de la nature de celles sollicitées par la Commission.

56      Ensuite, en ce qui concerne l’argument de la République de Pologne quant à l’absence de mise en cause, par la Commission, des régimes concernant l’immunité des juges existant dans d’autres États membres, dont le niveau de protection de l’indépendance des juges serait moins élevé que celui assuré par le régime polonais, il suffit de constater que tant l’existence supposée de règles analogues aux dispositions nationales litigieuses, voire de règles moins protectrices de l’indépendance des juges que ces dispositions, que l’absence de mise en cause par la Commission desdites règles sont sans incidence au regard de la recevabilité de la présente demande en référé (voir, par analogie, ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 58).

57      Enfin, l’allégation de la République de Pologne selon laquelle l’octroi des mesures provisoires sollicitées par la Commission est contraire au principe d’inamovibilité des juges ne saurait être retenue. En effet, il suffit de constater que, dans l’hypothèse où ces mesures seraient ordonnées, elles auraient pour effet non pas la révocation des juges des juridictions polonaises, notamment de ceux de la chambre disciplinaire et de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, mais la suspension provisoire de l’application des dispositions nationales litigieuses jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour statuant sur le fond (ci-après l’« arrêt définitif »).

58      En second lieu, la République de Pologne fait valoir que la demande en référé introduite par la Commission est irrecevable en ce que les mesures provisoires sollicitées ne visent pas à garantir le plein effet de l’arrêt définitif.

59      En effet, d’une part, la République de Pologne, en réitérant que l’Union n’a aucune compétence pour interférer dans les activités des organes constitutionnels des États membres, y compris des juridictions suprêmes nationales, et, a fortiori, pour suspendre leur fonctionnement, soutient que les mesures provisoires sollicitées auraient pour effet de porter atteinte à la souveraineté de cet État membre.

60      D’autre part, la République de Pologne allègue qu’une partie des mesures provisoires sollicitées vise à faire exécuter l’arrêt définitif envisagé par la Commission avant même que celui-ci soit rendu.

61      En particulier, la République de Pologne fait valoir, tout d’abord, qu’aucun risque ne sous-tend l’exécution d’un tel arrêt. À cet égard, elle relève que, dans l’hypothèse où l’arrêt définitif devrait faire droit aux griefs du recours au fond, il la contraindrait à conformer son droit national aux exigences découlant du droit de l’Union. Or, la Commission n’aurait pas démontré le lien entre les mesures provisoires sollicitées et la capacité de la République de Pologne à satisfaire à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

62      Ensuite, la République de Pologne fait observer qu’une telle mise en conformité des dispositions nationales litigieuses nécessiterait exactement la même démarche législative indépendamment du fait que ces dispositions soient ou non applicables jusqu’à la date de prononcé de l’arrêt définitif, de sorte que l’octroi des mesures provisoires sollicitées n’aurait aucun intérêt aux fins d’assurer l’effectivité de l’arrêt définitif.

63      Enfin, la République de Pologne allègue que la mesure provisoire tendant à la suspension des effets des décisions de la chambre disciplinaire, adoptées sur le fondement de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, d’autoriser l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge ou son placement en détention provisoire doit être considérée comme étant manifestement contraire à l’objectif d’une mesure provisoire, en ce qu’elle vise à produire des effets allant au-delà des obligations découlant, conformément à l’article 260, paragraphe 1, TFUE, de l’éventuel arrêt définitif.

64      Cette argumentation ne saurait non plus être accueillie.

65      En effet, d’une part, il résulte des considérations énoncées aux points 50 à 55 de la présente ordonnance que la Cour est compétente non seulement pour connaître d’un recours en manquement, tel que le recours au fond, tendant à contester la compatibilité avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE des dispositions nationales relatives à l’organisation de la justice dans les États membres, telles que celles relatives au régime disciplinaire applicable aux juges appelés à statuer sur des questions relevant du droit de l’Union ainsi que celles régissant la levée de l’immunité de ces juges, mais également pour ordonner, dans le cadre d’un tel recours, des mesures provisoires tendant à la suspension de l’application de telles dispositions nationales, au titre de l’article 279 TFUE.

66      Par conséquent, contrairement à ce que la République de Pologne fait valoir, l’octroi des mesures provisoires sollicitées par la Commission ne saurait porter atteinte à la souveraineté de cet État membre ni, par voie de conséquence, poursuivre une telle finalité.

67      D’autre part, les arguments de la République de Pologne avancés aux points 60 à 63 de la présente ordonnance procèdent d’une compréhension erronée de la finalité de la procédure en référé et, en particulier, de la nature et des effets des mesures provisoires sollicitées par la Commission, ainsi que d’une confusion entre cette finalité et la portée des mesures que comporte l’exécution d’un arrêt constatant un manquement au titre de l’article 258 TFUE.

68      En effet, il importe de souligner que la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir dans la procédure principale sur laquelle le référé se greffe, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. Ainsi, s’agissant notamment d’une mesure provisoire tendant à la suspension d’une disposition nationale, une telle mesure vise, en particulier, à éviter que l’application immédiate de cette disposition nationale entraîne un préjudice grave et irréparable au regard des intérêts invoqués par le requérant. Dès lors, ce n’est que par rapport à la survenance probable d’un préjudice grave et irréparable qui résulterait, le cas échéant, du refus d’ordonner une telle mesure provisoire, dans l’hypothèse où le recours au fond aboutirait par la suite, qu’il y a lieu d’apprécier la nécessité de ladite mesure (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, points 60, 61 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

69      Partant, contrairement à ce que la République de Pologne soutient, le fait, à le supposer établi, qu’il n’existe pas de risque que, dans l’hypothèse où le recours au fond serait finalement accueilli, cet État membre n’assure pas l’exécution de l’arrêt définitif est sans rapport avec la finalité de la procédure en référé, s’agissant, notamment, d’une mesure provisoire tendant à la suspension d’une disposition nationale, telle que celles sollicitées par la Commission, et est, dès lors, sans incidence sur la recevabilité de la présente demande en référé.

70      Il en va de même de la circonstance invoquée par la République de Pologne selon laquelle l’exécution de l’arrêt définitif, dans l’hypothèse où le recours au fond serait accueilli, comporterait pour cet État membre les mêmes obligations indépendamment du fait que les mesures provisoires sollicitées par la Commission soient ou non octroyées.

71      En effet, une telle circonstance non seulement est étrangère à la finalité de la procédure en référé, telle que décrite au point 68 de la présente ordonnance, mais résulte de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, aux termes duquel, si la Cour reconnaît qu’un État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, cet État membre est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

72      Ainsi, que les mesures provisoires sollicitées par la Commission soient ordonnées par la Cour ou qu’elles ne le soient pas, dans l’hypothèse où le recours au fond devrait aboutir, la République de Pologne serait tenue, conformément à l’article 260, paragraphe 1, TFUE, afin de donner suite à l’arrêt définitif, d’aménager son droit national et de prendre les mesures nécessaires en vue d’assurer que les juridictions nationales relevant de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

73      Enfin, s’il est vrai que, ainsi que la République de Pologne le relève en substance, la question de savoir quelles sont les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt constatant un manquement ne fait pas l’objet d’un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE (arrêt du 8 avril 2014, Commission/Hongrie, C‑288/12, EU:C:2014:237, point 33 et jurisprudence citée), cette circonstance ne signifie pas pour autant, contrairement à ce que cet État membre prétend, que l’octroi d’une mesure provisoire déterminée, telle celle ordonnant la suspension de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême ainsi que des effets des décisions rendues par la chambre disciplinaire sur le fondement de cette disposition, produirait des effets allant au-delà des obligations découlant de cet arrêt, telles qu’elles résultent de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, et serait, dès lors, contraire à l’objectif d’une mesure provisoire.

74      En effet, il suffit de constater que l’argumentation de la République de Pologne, si elle était accueillie, reviendrait à vider de toute substance la procédure en référé dans le cadre d’un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, dans la mesure où la Cour ne peut pas, dans l’arrêt constatant le manquement, ordonner à l’État membre concerné l’adoption de mesures déterminées afin d’exécuter cet arrêt (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 21 mai 2021, République tchèque/Pologne, C‑121/21 R, EU:C:2021:420, point 30).

75      Il résulte des considérations qui précèdent que la demande de mesures provisoires est recevable.

 Sur le fond

76      L’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

77      Ainsi, une mesure provisoire ne peut être accordée par le juge des référés que s’il est établi que son octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’elle est urgente en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elle soit édictée et produise ses effets dès avant la décision au fond. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 51 et jurisprudence citée).

78      Il convient, dès lors, de vérifier si les conditions mentionnées au point précédent sont remplies en ce qui concerne les mesures provisoires sollicitées. À cet égard, il y a lieu d’apprécier successivement le bien‑fondé des demandes de mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), d), e) et c), de la présente ordonnance.

 Sur les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance

–       Sur le fumus boni juris

79      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties dévoile l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas à l’évidence (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 52 et jurisprudence citée).

80      En l’occurrence, la Commission allègue que le quatrième grief du recours au fond, qui vise les dispositions nationales faisant l’objet des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance, apparaît, à première vue, comme étant non dépourvu de fondement sérieux, ce grief étant concrètement tiré de ce que, en conférant à la chambre disciplinaire, dont l’indépendance et l’impartialité ne seraient pas garanties, la compétence pour statuer sur les affaires relatives à l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire, les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) ainsi que les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

81      À cet égard, la Commission se fonde, d’une part, sur le fait que les affaires relevant de la compétence de la chambre disciplinaire en vertu de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême ont une incidence directe sur le statut et les conditions d’exercice des fonctions des juges, ainsi que, d’autre part, sur les appréciations figurant aux points 52 à 81 de l’ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne (C‑791/19 R, EU:C:2020:277), et sur les éléments d’interprétation fournis par la Cour dans l’arrêt A. K., dont il ressortirait que le grief tiré de l’absence d’indépendance et d’impartialité de la chambre disciplinaire apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux.

82      Afin de vérifier si la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance, il convient de souligner que, ainsi qu’il a été rappelé au point 51 de la présente ordonnance, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, tout État membre doit notamment assurer que les instances relevant, en tant que « juridictions », au sens défini par le droit de l’Union, de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union et qui sont, partant, susceptibles de statuer, en cette qualité, sur l’application ou l’interprétation de ce droit satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective (arrêt A.B., point 112 et jurisprudence citée).

83      Or, afin que cette protection soit garantie, la préservation de l’indépendance desdites instances est primordiale, ainsi que le confirme l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui mentionne l’accès à un tribunal « indépendant » parmi les exigences liées au droit fondamental à un recours effectif (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 194 ainsi que jurisprudence citée).

84      Cette exigence d’indépendance des juridictions, qui est inhérente à la mission de juger, relève du contenu essentiel du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable, lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment la valeur de l’État de droit. Conformément au principe de séparation des pouvoirs qui caractérise le fonctionnement d’un État de droit, l’indépendance des juridictions doit notamment être garantie à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif (arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 195 ainsi que jurisprudence citée).

85      Aux termes d’une jurisprudence constante, les garanties d’indépendance et d’impartialité requises en vertu du droit de l’Union postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance concernée, la nomination, la durée des fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de l’instance en cause à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent (arrêt du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 53 et jurisprudence citée).

86      À cet égard, il importe que les juges se trouvent à l’abri d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de mettre en péril leur indépendance. Les règles applicables au statut des juges et à l’exercice de leur fonction de juge doivent, en particulier, permettre d’exclure non seulement toute influence directe, sous forme d’instructions, mais également les formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les décisions des juges concernés, et d’écarter ainsi une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ceux-ci qui soit propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique et dans un État de droit (arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 197 ainsi que jurisprudence citée).

87      Dans ce contexte, la Cour a jugé que l’exigence d’indépendance des juges impose que les règles gouvernant le régime disciplinaire de ceux qui ont pour tâche de juger présentent les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires. À cet égard, l’édiction de règles qui définissent, notamment, tant les comportements constitutifs d’infractions disciplinaires que les sanctions concrètement applicables, qui prévoient l’intervention d’une instance indépendante conformément à une procédure garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, notamment les droits de la défense, et qui consacrent la possibilité de contester en justice les décisions des organes disciplinaires, constitue un ensemble de garanties essentielles aux fins de la préservation de l’indépendance du pouvoir judiciaire (arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 198 ainsi que jurisprudence citée).

88      De même, lorsqu’un État membre prévoit des règles spécifiques régissant les procédures pénales contre des juges, notamment en ce qui concerne la levée de l’immunité de ces derniers aux fins de l’engagement d’une procédure pénale, l’exigence d’indépendance des juges impose, afin d’écarter, dans l’esprit des justiciables, tout doute légitime tel que visé aux points 85 et 86 de la présente ordonnance, que ces règles spécifiques soient justifiées par des impératifs objectifs et vérifiables tenant à la bonne administration de la justice et que, à l’instar des règles relatives à la responsabilité disciplinaire de ces juges, elles prévoient les garanties nécessaires assurant que tant la procédure de levée de l’immunité des juges elle‑même que la procédure pénale ne puissent pas être utilisées comme système de contrôle politique de l’activité desdits juges et qu’elles garantissent pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 213 ainsi que jurisprudence citée). Il doit en être ainsi d’autant plus lorsque les décisions autorisant la levée de l’immunité des juges aux fins de l’engagement d’une procédure pénale à leur égard entraînent elles‑mêmes des conséquences au regard du statut ou des conditions d’exercice des fonctions judiciaires des juges concernés.

89      Il résulte de ce qui précède que, afin de garantir que les juridictions nationales relevant de leur système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, dont celle de l’indépendance, et de respecter ainsi les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, les États membres doivent assurer que le régime relatif au statut et aux conditions d’exercice des fonctions des juges de ces juridictions, en particulier celui portant sur la levée de l’immunité applicable à ces juges, respecte le principe d’indépendance des juges, en garantissant, en particulier, que les décisions rendues dans le cadre de ce régime soient prises ou contrôlées par une instance judiciaire satisfaisant elle-même aux garanties inhérentes à une protection juridictionnelle effective (voir, par analogie, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 35).

90      Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que, d’une part, les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) ainsi que les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, qui relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire en vertu de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, non seulement peuvent impliquer l’application du droit de l’Union mais également concernent, comme la Commission l’a relevé, le statut et les conditions d’exercice des fonctions de ces juges.

91      D’autre part, ainsi que la Commission l’a mis en avant sans être contredite par la République de Pologne, les décisions concernant la levée de l’immunité des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun aux fins de l’engagement d’une procédure pénale à leur égard ont pour effet la suspension de leurs fonctions pour une durée pouvant être indéterminée ainsi que la réduction de 25 % à 50 % de leur rémunération pour la même durée. Dès lors, les affaires relatives à l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges et les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire, qui relèvent de la compétence de la chambre disciplinaire en vertu de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, concernent le statut et les conditions d’exercice des fonctions des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun.

92      Partant, conformément à la jurisprudence évoquée au point 89 de la présente ordonnance, afin de satisfaire aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, la République de Pologne doit assurer que la compétence pour statuer dans les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême est confiée à une instance répondant aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, dont celle de l’indépendance.

93      Ainsi, le quatrième grief du recours au fond soulève la question de savoir si la chambre disciplinaire satisfait à ces exigences.

94      À cet égard, il importe de rappeler que, dans l’arrêt A. K., la Cour a déterminé la portée des exigences d’indépendance et d’impartialité dans le contexte, précisément, d’une instance telle que la chambre disciplinaire.

95      S’agissant, d’une part, des conditions dans lesquelles interviennent les nominations des juges siégeant au sein de la chambre disciplinaire, la Cour, après avoir relevé que ceux-ci sont nommés par le président de la République de Pologne sur proposition de la KRS, a considéré, aux points 137 et 138 de l’arrêt A. K., en se fondant notamment sur les points 115 et 116 de l’arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531), que, si l’intervention de la KRS dans ce processus de nomination peut être de nature à contribuer à une objectivation dudit processus, en encadrant la marge de manœuvre dont dispose le président de la République de Pologne dans l’exercice de la compétence qui lui est conférée, il n’en va toutefois de la sorte qu’à la condition, notamment, que la KRS soit elle‑même suffisamment indépendante des pouvoirs législatif et exécutif ainsi que du président de la République de Pologne. Or, sur ce point, la Cour a, aux points 142 à 145 de l’arrêt A. K., identifié, à partir des indications fournies par la juridiction de renvoi, des éléments qui, considérés ensemble, peuvent conduire à douter de l’indépendance d’un organe tel que la KRS (voir, également, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, points 68 et 69).

96      D’autre part, et indépendamment des conditions de nomination des juges de la chambre disciplinaire et du rôle joué par la KRS à cet égard, la Cour a identifié, aux points 147 à 151 de l’arrêt A. K., d’autres éléments caractérisant plus directement la chambre disciplinaire et constaté, au point 152 de cet arrêt, que, si chacun d’entre eux n’était pas de nature, à lui seul et considéré isolément, à conduire à une mise en doute de l’indépendance de cette instance, il pourrait, en revanche, en aller différemment du fait de leur combinaison, et ce d’autant plus encore si l’examen en ce qui concerne la KRS devait révéler un manque d’indépendance de cette dernière à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif (voir, également, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 71).

97      Or, à la lumière des éléments d’interprétation fournis par la Cour dans l’arrêt A. K. ainsi que du jugement du 5 décembre 2019 rendu par la chambre du travail à la suite de cet arrêt, il ne saurait, à première vue, être exclu que la chambre disciplinaire ne réponde pas à l’exigence d’indépendance des juges découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (voir, en ce sens, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 77).

98      Par conséquent, sans se prononcer à ce stade sur le bien-fondé des arguments invoqués par les parties dans le cadre du quatrième grief du recours au fond, ce qui relève de la compétence du seul juge du fond, il y a lieu de conclure que, eu égard aux éléments mis en avant par la Commission, à la jurisprudence évoquée aux points 82 à 89 de la présente ordonnance ainsi qu’aux éléments d’interprétation fournis, notamment, par l’arrêt A. K., les arguments avancés par cette institution dans le cadre de ce grief apparaissent, à première vue, comme étant non dépourvus de fondement sérieux, au sens de la jurisprudence citée au point 79 de la même ordonnance.

99      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments avancés par la République de Pologne.

100    En effet, en premier lieu, la République de Pologne soutient que, au regard de la jurisprudence la plus récente de la Cour concernant les exigences relatives au droit à un recours juridictionnel effectif au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, jurisprudence issue, en particulier, des arrêts du 9 juillet 2020, Land Hessen (C‑272/19, EU:C:2020:535), et du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311), de l’ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 10 septembre 2020, Conseil/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], et de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2020, Sharpston/Conseil et Conférence des représentants des gouvernements des États membres (T‑180/20, non publiée, EU:T:2020:473), le quatrième grief du recours au fond devrait être écarté. En effet, il ressortirait de cette jurisprudence que l’obligation faite aux États membres de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, qui découle de cette disposition du traité FUE, ne s’oppose pas à des procédures de nomination des juges par des hommes politiques, procédures dans lesquelles les représentants des juges ne seraient pas impliqués et qui ne seraient pas soumises à un contrôle juridictionnel.

101    Or, contrairement aux allégations de la République de Pologne, d’une part, les arrêts du 9 juillet 2020, Land Hessen (C‑272/19, EU:C:2020:535), et du 20 avril 2021, Repubblika (C‑896/19, EU:C:2021:311), n’ont fait qu’appliquer la jurisprudence antérieure de la Cour, en particulier les principes juridiques dégagés dans l’arrêt A. K. D’autre part, l’ordonnance du 10 septembre 2020, Conseil/Sharpston [C‑424/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:705], s’est bornée à constater que le recours dirigé contre une décision adoptée par les représentants des gouvernements des États membres était, à première vue, manifestement irrecevable dès lors qu’une telle décision, en ce qu’elle n’émanait pas d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union, échappait au contrôle de légalité exercé par la Cour au titre de l’article 263 TFUE, constat qui a été confirmé par l’ordonnance du 16 juin 2021, Sharpston/Conseil et Conférence des représentants des gouvernements des États membres (C‑684/20 P, non publiée, EU:C:2021:486), rendue sur pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal du 6 octobre 2020, Sharpston/Conseil et Conférence des représentants des gouvernements des États membres (T‑180/20, non publiée, EU:T:2020:473).

102    Partant, la jurisprudence mentionnée au point 100 de la présente ordonnance ne saurait remettre en cause l’existence d’un fumus boni juris en ce qui concerne le quatrième grief du recours au fond.

103    En deuxième lieu, la République de Pologne invoque l’absence de pertinence de l’arrêt A. K. quant à la question de savoir si le quatrième grief du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux, au motif que cet arrêt a été rendu dans un contexte factuel spécifique.

104    À cet égard, s’il est vrai que la Cour n’a pas, dans l’arrêt A. K., constaté l’absence de conformité de la législation polonaise en cause avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et a laissé le soin à la juridiction de renvoi de procéder aux appréciations à cet égard, il importe de rappeler que la procédure de renvoi préjudiciel instituée par l’article 267 TFUE constitue une procédure de coopération directe entre la Cour et les juridictions des États membres. Dans le cadre de cette procédure, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national, auquel il appartient d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, alors que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par le juge national (arrêts du 25 octobre 2017, Polbud – Wykonawstwo, C‑106/16, EU:C:2017:804, point 27 ; du 30 mai 2018, Dell’Acqua, C‑370/16, EU:C:2018:344, point 31, et du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 28).

105    Dans ce contexte, la mission de la Cour doit être distinguée selon qu’elle se trouve saisie d’un renvoi préjudiciel ou d’un recours en constatation de manquement. En effet, alors que, dans le cadre d’un recours en manquement, la Cour doit vérifier si la mesure ou la pratique nationale contestée par la Commission ou un État membre autre que celui concerné est, d’une manière générale et sans qu’il soit nécessaire qu’il existe un contentieux y relatif porté devant les juridictions nationales, contraire au droit de l’Union, la mission de la Cour, dans le cadre d’une procédure préjudicielle, est, en revanche, d’assister la juridiction de renvoi dans la solution du litige concret pendant devant elle (arrêts du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 47, ainsi que du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 29 et jurisprudence citée).

106    Il convient également de rappeler que, s’il ne lui appartient pas de se prononcer, dans le cadre de la procédure préjudicielle, sur la compatibilité de dispositions du droit national avec les règles du droit de l’Union, la Cour est, en revanche, compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant de ce dernier droit qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (arrêts du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 23, et du 20 avril 2021, Repubblika, C‑896/19, EU:C:2021:311, point 30).

107    En application de cette jurisprudence, la Cour a, au point 132 de l’arrêt A. K., précisé avoir limité son examen aux dispositions du droit de l’Union en donnant une interprétation de celui‑ci qui fût utile pour la juridiction de renvoi, à laquelle il revenait d’apprécier, à la lumière des éléments d’interprétation fournis par la Cour, la conformité de la législation polonaise en cause avec le droit de l’Union, aux fins de trancher les litiges pendants devant elle (voir, également, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 75).

108    S’agissant précisément de ces éléments, dans la mesure où ceux-ci se rapportent essentiellement aux compétences de la chambre disciplinaire, à sa composition, aux conditions et au processus de nomination de ses membres ainsi qu’à son degré d’autonomie au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême), leur pertinence ne saurait être circonscrite aux circonstances factuelles propres au jugement du Sąd Najwyższy (Cour suprême) du 5 décembre 2019 (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 76).

109    Ainsi, l’argument de la République de Pologne contestant toute pertinence à l’arrêt A. K. aux fins de l’appréciation, à première vue, du caractère non dépourvu de fondement sérieux du quatrième grief du recours au fond ne saurait prospérer.

110    En troisième lieu, la République de Pologne fait valoir l’existence, dans d’autres États membres, de règles semblables à celles de la République de Pologne en ce qui concerne la procédure de nomination des juges au sein des juridictions suprêmes nationales. Dans ce contexte, la République de Pologne mentionne, d’une part, les régimes existant en République tchèque, en Allemagne, en Irlande, en Lituanie, à Malte et en Autriche, en vertu desquels la sélection de ces juges serait confiée exclusivement ou de façon prépondérante à des personnes exerçant le pouvoir exécutif ou législatif, ainsi que, d’autre part, les régimes existant en Belgique, au Danemark et en France, en vertu desquels des représentants du pouvoir judiciaire participeraient à la procédure de nomination des juges des plus hautes juridictions, sans exercer toutefois une influence décisive sur la sélection de ces juges. Par ailleurs, s’agissant, en particulier, de la procédure de nomination de la KRS, la République de Pologne mentionne également le régime espagnol en faisant référence aux conditions de nomination des membres du Consejo General del Poder Judicial (Conseil national de la magistrature, Espagne). Selon la République de Pologne, l’absence de mise en cause, par la Commission, de ces régimes nationaux démontrerait que le grief de cette institution relatif à l’absence d’indépendance de la chambre disciplinaire est dénué de fondement.

111    À cet égard, il suffit toutefois de relever, aux fins de la présente procédure, que la République de Pologne ne saurait se prévaloir utilement de l’existence supposée de règles semblables aux dispositions nationales visées par le quatrième grief du recours au fond en vue d’établir que la condition relative au fumus boni juris n’est pas remplie s’agissant de ce grief (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 58).

112    En quatrième et dernier lieu, la République de Pologne renvoie aux caractéristiques du régime de nomination des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) ainsi qu’à celles de la procédure de nomination des membres de la KRS, organe qui participe à la désignation de ces juges, afin de démontrer que ce régime satisfait à l’exigence d’indépendance de ces derniers.

113    Or, compte tenu, notamment, des éléments d’interprétation fournis par la Cour dans l’arrêt A. K., cette argumentation ne saurait permettre de constater que le quatrième grief du recours au fond est, à première vue, dépourvu de tout fondement sérieux.

114    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance.

–       Sur l’urgence

115    Ainsi qu’il a été rappelé au point 68 de la présente ordonnance, selon une jurisprudence constante de la Cour, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour établir l’existence d’un tel préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue. Il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 82 et jurisprudence citée).

116    En outre, le juge des référés doit postuler, aux seules fins de l’appréciation de l’urgence et sans que cela implique une quelconque prise de position de sa part quant au bien-fondé des griefs avancés au fond par le demandeur en référé, que ces griefs sont susceptibles d’être accueillis. En effet, le préjudice grave et irréparable dont la survenance probable doit être établie est celui qui résulterait, le cas échéant, du refus d’accorder les mesures provisoires sollicitées dans l’hypothèse où le recours au fond aboutirait par la suite (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 83 et jurisprudence citée).

117    Par conséquent, en l’occurrence, la Cour doit, aux fins de l’appréciation de l’urgence, postuler que les dispositions nationales visées au quatrième grief du recours au fond sont susceptibles de conférer la compétence pour statuer dans les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), dans celles relatives à la mise à la retraite de ces juges ainsi que dans celles relatives à l’autorisation d’engager une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire à une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie, et d’être, ainsi, contraires à l’obligation incombant à la République de Pologne, au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, d’assurer que les juridictions nationales relevant de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences d’une protection juridictionnelle effective.

118    Aux fins de cette appréciation, il y a lieu, par ailleurs, de tenir compte du fait que la chambre disciplinaire a déjà débuté ses activités dans le cadre des affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

119    En outre, s’agissant en particulier des affaires concernant les demandes relatives à l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire, il importe également de tenir compte du fait que, ainsi que l’a relevé la Commission sans être contredite par la République de Pologne, premièrement, au cours de la période allant du 14 février 2020, date d’entrée en vigueur de la loi modificative, au 15 mars 2021, la chambre disciplinaire a été saisie de plus de 40 demandes, dont une concernant le président de la chambre du travail, et que, depuis le 5 novembre 2020, plus de 20 demandes ont déjà été examinées. Deuxièmement, le nombre de demandes concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) a augmenté durant les semaines précédant l’introduction du recours au fond, avec en particulier la présentation, le 16 mars 2021, par la Prokuratura Krajowa (parquet national, Pologne), de demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre trois juges de la chambre pénale de cette juridiction. Troisièmement, plus de douze décisions autorisant l’ouverture de procédures pénales contre des juges ainsi que la suspension de leurs fonctions et une réduction de leur rémunération de 25 % à 50 % pendant la durée de la suspension ont été rendues par la chambre disciplinaire.

120    Dans ce contexte, il convient d’examiner si, ainsi que la Commission le fait valoir, l’application des dispositions nationales visées au quatrième grief du recours au fond et le maintien des effets des décisions rendues par la chambre disciplinaire au titre de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême sont susceptibles de causer un préjudice grave et irréparable au regard de l’ordre juridique de l’Union.

121    À cet égard, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence évoquée aux points 88 et 89 de la présente ordonnance, le fait que, en raison de l’application des dispositions nationales visées au quatrième grief du recours au fond, l’examen des affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), de celles relatives à la mise à la retraite de ces juges ainsi que de celles relatives à l’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire relève, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, d’une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie, à savoir la chambre disciplinaire, est susceptible de compromettre, pendant cette même période, l’indépendance du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun.

122    En effet, comme la Commission l’a relevé et ainsi qu’il ressort, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour, la seule perspective pour les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun d’être exposés au risque que les demandes concernant la levée de leur immunité aux fins de l’engagement d’une procédure pénale à leur égard soient examinées par une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie est susceptible d’affecter leur propre indépendance, compte tenu des conséquences que la levée de l’immunité peut entraîner pour les juge concernés, à savoir la suspension de leurs fonctions pour une durée indéterminée et la réduction de leur rémunération de 25 % à 50 % également pour une durée indéterminée (voir, par analogie, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 90).

123    De même, le seul fait que l’examen des affaires ayant une incidence sur le statut et les conditions de travail des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), telles que celles en matière de droit de travail et des assurances sociales ainsi que celles relatives à la mise à la retraite, soit confié à une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie est susceptible de générer dans l’esprit des justiciables des doutes quant à l’indépendance desdits juges.

124    Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le fait que, en raison de l’application d’une disposition nationale faisant l’objet d’un recours en manquement, l’indépendance du Sąd Najwyższy (Cour suprême) puisse ne pas être garantie jusqu’au prononcé de l’arrêt statuant sur ce recours est susceptible d’entraîner un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union et, partant, aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ainsi qu’aux valeurs, énoncées à l’article 2 TUE, sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’État de droit (voir, en ce sens, ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 92 et jurisprudence citée).

125    Il résulte de ce qui précède que, ainsi que la Commission l’a fait valoir, l’application des dispositions nationales visées au quatrième grief du recours au fond, en ce qu’elles attribuent à la chambre disciplinaire, dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie, la compétence pour statuer dans les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales concernant les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), dans celles relatives à la mise à la retraite de ces juges ainsi que dans celles relatives à l’autorisation d’engager une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires du système judiciaire polonais ou de les placer en détention provisoire est susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union.

126    Enfin, si la seule perspective pour les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun d’être exposés au risque que les demandes concernant la levée de leur immunité aux fins de l’engagement d’une procédure pénale à leur égard soient examinées par une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie, telle que la chambre disciplinaire, est susceptible de compromettre l’indépendance de ces juges, a fortiori l’adoption, par cette instance, de décisions concernant la levée de l’immunité des juges, avec pour conséquence la suspension des fonctions et la réduction du montant des rémunérations des juges concernés, est susceptible d’accroître les doutes quant à l’imperméabilité des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun n’ayant pas fait l’objet de telles décisions à l’égard de toute influence ou de tout élément extérieur susceptibles d’orienter leurs décisions, et à conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité de ces juges propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique et dans un État de droit.

127    Partant, le fait que, en raison du maintien des effets des décisions de la chambre disciplinaire autorisant l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre d’un juge, l’indépendance des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) et des juridictions de droit commun ne faisant pas l’objet de ces décisions puisse ne pas être garantie jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif est susceptible d’entraîner un préjudice grave et irréparable au regard du droit de l’Union, d’autant plus que l’exercice de la fonction judiciaire au cours de cette période reviendra à la seule charge de ces juges.

128    Ainsi que la Commission l’a relevé, un tel risque ne saurait être évité qu’en garantissant, s’agissant des juges concernés par ces décisions, la restauration de leur situation statutaire ainsi que de celle relative à leurs droits et aux conditions d’exercice de leurs fonctions, qui prévalaient avant l’adoption desdites décisions.

129    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a établi que, en cas de refus d’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance, l’application des dispositions nationales faisant l’objet du quatrième grief du recours au fond, d’une part, ainsi que le maintien des effets des décisions autorisant l’engagement d’une procédure pénale contre des juges du système judiciaire polonais, d’autre part, seraient susceptibles de causer un préjudice grave et irréparable au regard de l’ordre juridique de l’Union.

130    Les arguments soulevés par la République de Pologne aux fins d’établir l’absence d’urgence ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

131    En premier lieu, la République de Pologne fait valoir que la Commission a tardé à entreprendre les démarches successives visant à mettre un terme au manquement allégué dans le cadre du quatrième grief du recours, dès lors que c’est depuis l’adoption de la loi sur la Cour suprême, et non depuis l’adoption de la loi modificative, que la chambre disciplinaire est compétente pour statuer dans les affaires de la nature de celles visées à l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

132    En effet, s’agissant des points 2 et 3 de l’article 27, paragraphe 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême, ceux-ci figuraient déjà dans la loi sur la Cour suprême. Quant au point 1a, celui-ci n’aurait fait qu’étendre les compétences de la chambre disciplinaire pour statuer dans les affaires relatives à l’autorisation d’engager une procédure pénale contre les juges ou les juges auxiliaires ou de les placer en détention provisoire, résultant d’autres dispositions de la loi sur la Cour suprême, à la procédure de première instance s’agissant des affaires concernant les juges des juridictions de droit commun et les juges auxiliaires.

133    En outre, s’agissant de la compétence de la chambre disciplinaire en ce qui concerne les affaires visées à l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, les éléments d’interprétation fournis par la Cour dans l’arrêt A. K. permettraient d’éliminer tout risque de préjudice grave et irréparable résultant de l’application de cette disposition. En effet, s’il devait être conclu, à la lumière de ces éléments d’interprétation, que l’examen par la chambre disciplinaire d’une de ces affaires ne permet pas de garantir le droit à un tribunal indépendant, les dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte permettraient d’écarter les dispositions conférant à la chambre disciplinaire la compétence pour statuer dans cette affaire et de la renvoyer à un autre tribunal qui serait compétent en l’absence de ces dernières dispositions.

134    À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que, ainsi qu’il ressort des points 29 à 37 de la présente ordonnance, la Commission a adressé à la République de Pologne une première lettre de mise en demeure concernant la loi modificative le 29 avril 2020, à savoir quatre mois après l’adoption de celle-ci à la suite d’un processus législatif d’une durée de seulement huit jours. Or, compte tenu du fait que la loi modificative a amendé non seulement la loi sur la Cour suprême, mais également d’autres lois, telles que la loi relative aux juridictions de droit commun et la loi relative aux juridictions administratives, un tel délai de quatre mois pour examiner l’ensemble des modifications introduites par la loi modificative et leur compatibilité avec le droit de l’Union ainsi que pour évaluer leurs effets ne saurait être considéré comme étant déraisonnable. Par ailleurs, la séquence chronologique des échanges écrits entre la Commission et la République de Pologne, intervenus entre cette lettre de mise en demeure et l’introduction du recours au fond, ne met en évidence aucune inaction particulière de la part de cette institution en ce qui concerne les démarches tendant à faire constater le manquement allégué.

135    Ensuite, s’agissant de la compétence dévolue à la chambre disciplinaire par l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, outre le fait qu’il n’est pas contesté que cette disposition a été nouvellement introduite par la loi modificative, la République de Pologne a confirmé, dans ses observations écrites, les données fournies par la Commission en ce qui concerne tant le nombre de demandes de levée de l’immunité judiciaire dont la chambre disciplinaire a été saisie au cours de la période allant du 14 février 2020 au 15 mars 2021, que le nombre de demandes ayant été examinées par cette chambre depuis le 5 novembre 2020, tels que rappelés au point 119 de la présente ordonnance.

136    Il est vrai que la République de Pologne conteste la conclusion que la Commission a tirée de ces données, à savoir l’existence d’une intensification des activités de la chambre disciplinaire au titre de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême, au cours des derniers mois précédant l’introduction du recours au fond et de la présente demande en référé, intensification qui démontrerait, selon cette institution, l’existence de l’urgence. En effet, cet État membre fait observer que, lorsqu’une loi attribue à une juridiction déterminée la compétence pour connaître d’une nouvelle catégorie d’affaires, cette juridiction doit d’abord procéder aux enquêtes portant sur ces affaires, de sorte que le nombre de décisions rendues en la matière est, dans un premier temps, nécessairement faible. Ledit État membre en conclut qu’il ne saurait raisonnablement être soutenu que la chambre disciplinaire a intensifié ses activités en se fondant sur le seul fait que, après l’adoption de la loi modificative, elle a rendu plus de décisions pendant la période du 5 novembre 2020 au 15 mars 2021 que pendant la période du 14 février 2020 au 5 novembre 2020.

137    Toutefois, par cette allégation, la République de Pologne non seulement contredit son affirmation selon laquelle la chambre disciplinaire statue dans les affaires de la nature de celles visées à l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême depuis plus de trois ans, mais démontre également que l’activité de la chambre disciplinaire, en ce qui concerne l’adoption de décisions au titre de cette disposition, était, dans la période précédant l’introduction du recours en manquement, plus importante que dans celle immédiatement postérieure à l’entrée en vigueur de la loi modificative.

138    Enfin, la République de Pologne ne saurait se prévaloir valablement, afin d’établir l’absence d’urgence, du fait que l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême figurait déjà dans la loi sur la Cour suprême, ni du fait que l’arrêt A. K. permettrait d’atténuer le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable résultant de l’application de cette disposition. En effet, la loi modificative a introduit certaines dispositions que la Commission conteste dans le cadre du recours au fond au motif, notamment, qu’elles empêcheraient les juridictions nationales d’appliquer les principes résultant de cet arrêt et compromettraient, dès lors, depuis l’entrée en vigueur de la loi modificative, l’effectivité dudit arrêt aux fins indiquées.

139    En second lieu, la République de Pologne soutient que l’administration de la justice ne saurait subir aucun préjudice en raison du fait que l’immunité d’un juge à l’égard duquel il existe des preuves de la commission d’une infraction a été levée et que des poursuites pénales à son égard sont rendues possibles. Le risque de survenance d’un tel préjudice serait d’autant plus inexistant que la procédure pénale postérieure à une décision de levée de l’immunité se déroule non pas devant la chambre disciplinaire, mais devant la chambre pénale.

140    À cet égard, il suffit toutefois de relever que, ainsi qu’il ressort des appréciations figurant aux points 121 à 125 de la présente ordonnance, le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable résulte non pas du fait que les juges du système judiciaire polonais peuvent faire l’objet d’une décision de levée de leur immunité aux fins de l’engagement d’une procédure pénale à leur égard, mais du fait que de telles décisions sont rendues par une instance dont l’indépendance pourrait ne pas être garantie. La circonstance que la procédure pénale postérieure à une décision de levée de l’immunité ne se déroule pas devant la chambre disciplinaire ne permet, dès lors, pas d’éliminer un tel risque.

141    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la condition relative à l’urgence est établie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance.

–       Sur la mise en balance des intérêts

142    Il apparaît que, dans la plupart des procédures en référé, aussi bien l’octroi que le refus d’accorder le sursis à exécution demandé sont susceptibles de produire, dans une certaine mesure, certains effets définitifs, et il appartient au juge des référés, saisi d’une demande de sursis, de mettre en balance les risques liés à chacune des solutions possibles. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de dispositions nationales prévaut sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celles-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’abrogation éventuelle de ces dispositions, après que la Cour a accueilli le recours au fond, permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par leur exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par lesdites dispositions au cas où le recours au fond serait rejeté (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 104 et jurisprudence citée).

143    En l’occurrence, la Commission soutient que, si la Cour devait accueillir le quatrième grief du recours au fond après avoir refusé d’accorder les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance, le bon fonctionnement de l’ordre juridique de l’Union serait affecté de manière systémique et une atteinte irréparable serait causée aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et aux valeurs de l’État de droit énoncées à l’article 2 TUE, alors que, si la Cour devait ordonner les mesures provisoires sollicitées et rejeter ce grief par la suite, la seule conséquence en serait, d’une part, la suspension temporaire des activités relevant de la compétence de la chambre disciplinaire en vertu de l’article 27, paragraphe 1, points 1a, 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême et, d’autre part, la non-exécution des décisions de la chambre disciplinaire concernant l’immunité des juges.

144    Pour sa part, la République de Pologne, s’agissant, en premier lieu, de l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a), de la présente ordonnance, fait valoir, premièrement, que la suspension de l’application de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de la loi modifiée sur la Cour suprême violerait non seulement le principe de subsidiarité et les principes fondamentaux de l’ordre juridique de l’Union, mais également les principes fondamentaux du système démocratique d’un État de droit, protégés par la Constitution de la République de Pologne, ce qui causerait à cet État membre et à sa population un préjudice grave et irréparable.

145    À cet égard, il suffit toutefois de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 de la présente ordonnance, si l’organisation de la justice des États membres relève de la compétence de ces derniers, ceux-ci sont tenus, dans l’exercice de cette compétence, de respecter les obligations qui découlent, pour eux, du droit de l’Union et, en particulier, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

146    Deuxièmement, la République de Pologne allègue que la suspension des effets de toutes les décisions autorisant l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre des juges entraînerait la prescription d’une partie des infractions commises. Par ailleurs, dans le cas des procédures non encore clôturées, celles-ci devraient être reprises depuis le début par le dépôt d’un nouvel acte d’accusation, avec également pour conséquence qu’une partie des auteurs d’infractions pourraient échapper, en raison de l’écoulement du temps, à leur responsabilité. Enfin, la suspension des effets de toutes les décisions rendues par la chambre disciplinaire entraînerait la déchéance des mesures que les tribunaux ont pu ordonner pour protéger les victimes d’infractions telles que le viol ou la violence domestique. Ainsi, l’octroi de la mesure provisoire sollicitée par la Commission porterait préjudice aux intérêts des victimes des infractions commises par les juges concernés par ces décisions.

147    Toutefois, sans préjuger du bien-fondé de l’allégation de la République de Pologne selon laquelle la suspension des effets des décisions de la chambre disciplinaire concernant la levée de l’immunité des juges serait susceptible d’entraîner la prescription des infractions commises par ceux-ci, il y a lieu de constater que cet État membre ne fournit aucune indication sur le nombre de décisions dont la suspension des effets pourrait, eu égard aux circonstances particulières entourant ces décisions, entraîner une telle conséquence. De même, cet État membre ne produit aucun élément concret de nature à établir l’existence de décisions de levée de l’immunité d’un juge aux fins d’engager une procédure pénale à son égard pour viol ou pour violence domestique, ayant donné lieu à l’adoption de mesures tendant à la protection des victimes de ces délits. Ainsi, la République de Pologne n’a pas démontré l’existence d’un risque de survenance du préjudice qu’elle invoque.

148    Troisièmement, la République de Pologne fait valoir que le retour à une activité juridictionnelle des juges visés par des accusations pénales ferait, d’une part, naître un risque réel pour la sécurité de l’administration de la justice, en ce que ces juges pourraient profiter de leur retour pour, notamment, favoriser leurs intérêts particuliers, et entraînerait, d’autre part, une absence d’apparence d’indépendance desdits juges, ce qui causerait un préjudice irréparable pour la justice polonaise et pour la perception qu’en ont les particuliers. En effet, il serait difficile d’invoquer l’apparence d’indépendance d’un juge lorsque celui-ci est visé par des accusations de corruption.

149    À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’un juge qui profiterait de son retour à l’activité juridictionnelle pour favoriser ses intérêts particuliers lors de l’exercice de ses fonctions judiciaires pourrait faire l’objet des mesures prévues par le droit national pour mettre un terme à une telle conduite, y compris, le cas échéant, de mesures pénales, pour autant, dans ce dernier cas, que la décision concernant la levée de l’immunité de ce juge soit rendue par une instance juridictionnelle indépendante répondant aux exigences énoncées dans l’arrêt A. K.

150    D’autre part, s’il est vrai que, compte tenu des fonctions que les juges sont appelées à accomplir, le retour à l’activité judiciaire d’un juge accusé d’avoir commis des délits impliquant, par leur nature, une perméabilité aux influences extérieures, tels que le délit de corruption, pourrait faire naître des doutes quant à l’indépendance de ce juge, il n’en demeure pas moins que la République de Pologne n’a fourni aucune indication sur la proportion, parmi l’ensemble des décisions de levée de l’immunité adoptées par la chambre disciplinaire entre l’entrée en vigueur, le 14 février 2020, de la loi modificative et l’introduction, le 31 mars 2021, du recours en manquement, de celles prises à l’encontre de juges accusés d’avoir commis ce type de délits, alors qu’une telle indication aurait permis d’apprécier l’existence et la gravité du préjudice invoqué.

151    En ce qui concerne, en second lieu, l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous b), de la présente ordonnance, la République de Pologne insiste sur le fait que l’application de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême n’entraînerait aucun préjudice, dès lors que, conformément à l’arrêt A. K., il serait possible, en cas de risque réel de violation du droit d’une partie, de renvoyer les affaires relevant de cette disposition à un tribunal garantissant le droit à un tribunal indépendant. En revanche, si l’application de ladite disposition était suspendue, la chambre disciplinaire serait privée de la possibilité de connaître des affaires dans le cadre desquelles n’est soulevé aucun grief concernant la garantie par cette chambre du droit à un tribunal indépendant.

152    Toutefois, pour les raisons énoncées au point 138 de la présente ordonnance, l’effectivité de l’arrêt A. K. en tant qu’élément permettant d’éliminer le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union du fait de l’application de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême ne saurait être établie.

153    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la mise en balance des intérêts en présence penche en faveur de l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous a) et b), de la présente ordonnance.

 Sur les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance

–       Sur le fumus boni juris

154    La Commission soutient que le premier grief du recours au fond, qui vise les dispositions nationales faisant l’objet des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance, apparaît, à première vue, comme étant non dépourvu de fondement sérieux, ce grief étant concrètement tiré de ce que, en interdisant à toute juridiction nationale de vérifier le respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union.

155    À cet égard, la Commission, en s’appuyant, notamment, sur les principes juridiques issus de l’arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232), en particulier des points 55 à 57 et 73 à 75 de cet arrêt, dont il ressortirait que le contrôle juridictionnel de la légalité de la nomination des juges et de la légitimité des organes judiciaires, notamment en ce qui concerne les irrégularités dans la procédure de nomination au poste de juge, est nécessaire pour garantir le droit fondamental des justiciables à un recours effectif dans les domaines couverts par le droit de l’Union, fait valoir que les dispositions visées dans le cadre du premier grief du recours au fond, en ce qu’elles interdisent aux juridictions polonaises d’opérer un tel contrôle, violent l’article 19, paragraphe 1, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

156    Par ailleurs, l’interdiction d’opérer un tel contrôle empêcherait les juridictions nationales de poser à la Cour, au titre de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles portant sur l’interprétation des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

157    Enfin, la Commission soutient que le fait que la nature prétendument systémique de l’acte de nomination au poste de juge en Pologne ne peut être mise en cause conformément à la Constitution de la République de Pologne ne saurait justifier l’exclusion du contrôle juridictionnel visant à vérifier le respect de l’exigence du droit de l’Union relative à un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi afin de garantir le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. La Commission ajoute que, en cas de violation établie de ce droit fondamental, le principe d’effectivité et le principe de primauté résultant des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte exigeraient, lorsque cela est imposé par la mise en balance du principe de la sécurité juridique avec le respect du droit applicable et le rôle particulier que doit jouer le pouvoir judiciaire dans une société démocratique, que les règles nationales, y compris les règles constitutionnelles, soient laissées inappliquées, ainsi qu’il ressortirait du point 151 de l’arrêt A.B.

158    La République de Pologne allègue que les dispositions nationales contestées par la Commission dans le cadre du premier grief du recours au fond, qui prévoient l’interdiction de remettre en cause l’existence d’un rapport de travail ou le mandat des juges en violation des dispositions constitutionnelles, ne s’opposent aucunement à ce que les juridictions nationales vérifient le respect des exigences posées par le droit de l’Union en ce qui concerne un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la Charte, dès lors qu’une interdiction juridique relative à des actes qui sont impossibles serait dépourvue de toute valeur juridique.

159    En effet, selon la République de Pologne, le droit à un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, garanti à l’article 47 de la Charte, ne comprend pas le droit pour un particulier de solliciter la remise en cause du mandat d’un juge qui a examiné ou aurait examiné l’affaire qui le concerne.

160    À cet égard, afin de vérifier si la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance, il y a lieu, en premier lieu, de constater, eu égard aux observations de la République de Pologne, que les dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond interdiraient au Sąd Najwyższy (Cour suprême), aux juridictions de droit commun ainsi qu’aux juridictions administratives de vérifier la régularité du processus de nomination des juges siégeant dans les formations de jugement et de constater, le cas échéant, l’irrégularité d’un tel processus.

161    En effet, il ressort des allégations de la République de Pologne, telles qu’exposées aux points 158 et 159 de la présente ordonnance, que cet État membre conteste non pas le fait que lesdites dispositions nationales interdisent aux juridictions nationales d’opérer une telle vérification, mais le fait qu’une telle interdiction, qui serait cohérente avec les dispositions constitutionnelles polonaises, puisse être considérée comme une violation des obligations qui lui incombent, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de garantir le droit à un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.

162    Ainsi, le premier grief du recours au fond soulève la question de savoir si, afin de respecter l’obligation qui leur incombe, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, de garantir que les juridictions nationales relevant de leur système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union répondent aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, dont celles de l’indépendance, les États membres doivent assurer que ces juridictions peuvent vérifier la régularité du processus de nomination des juges siégeant dans une formation de jugement.

163    À cet égard, il convient de relever que, ainsi que la Cour l’a déjà constaté, il découle du droit fondamental à un recours effectif devant un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, garanti par l’article 47 de la Charte, que tout justiciable doit, en principe, avoir la possibilité de se prévaloir d’une violation de ce droit. Il en résulte que le juge de l’Union doit pouvoir vérifier si une irrégularité entachant la procédure de nomination en cause a pu entraîner une violation de ce droit fondamental (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 55).

164    Les garanties d’accès à un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, notamment celles qui déterminent la notion tout comme la composition de celui-ci, représentent la pierre angulaire du droit au procès équitable. Celui-ci implique que toute juridiction a l’obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tel tribunal lorsque surgit sur ce point un doute sérieux. Cette vérification est nécessaire à la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable. En ce sens, un tel contrôle constitue une formalité substantielle dont le respect relève de l’ordre public et doit être vérifié d’office (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

165    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, l’introduction de l’expression « établi par la loi » dans l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la CEDH, auquel correspond l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la Charte, a pour objet d’éviter que l’organisation du système judiciaire ne soit laissée à la discrétion de l’exécutif et de faire en sorte que cette matière soit régie par une loi adoptée par le pouvoir législatif d’une manière conforme aux règles encadrant l’exercice de sa compétence. La Cour a précisé que cette expression reflète notamment le principe de l’État de droit et concerne non seulement la base légale de l’existence même du tribunal, mais encore la composition du siège dans chaque affaire ainsi que toute autre disposition du droit interne dont le non-respect rend irrégulière la participation d’un ou de plusieurs juges à l’examen de l’affaire, ce qui inclut, en particulier, des dispositions concernant l’indépendance et l’impartialité des membres de la juridiction visée (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 73 ainsi que jurisprudence citée).

166    De même, la Cour européenne des droits de l’homme a relevé que le droit d’être jugé par un tribunal « établi par la loi », au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, englobe, par sa nature même, le processus de nomination des juges (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 74 ainsi que jurisprudence citée).

167    Ainsi, une irrégularité commise lors de la nomination des juges au sein du système judiciaire concerné emporte une violation de l’article 47, deuxième alinéa, première phrase, de la Charte, notamment lorsque cette irrégularité est d’une nature et d’une gravité telles qu’elle crée un risque réel que d’autres branches du pouvoir, en particulier l’exécutif, puissent exercer un pouvoir discrétionnaire indu mettant en péril l’intégrité du résultat auquel conduit le processus de nomination et semant ainsi un doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité du ou des juges concernés, ce qui est le cas lorsque sont en cause des règles fondamentales faisant partie intégrante de l’établissement et du fonctionnement de ce système judiciaire (arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson / Conseil et HG / Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, point 75).

168    Enfin, au point 171 de l’arrêt A. K., la Cour a jugé que le droit de l’Union s’oppose à ce que des litiges concernant l’application de ce droit puissent relever de la compétence exclusive d’une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial, au sens de l’article 47 de la Charte. La Cour en a déduit qu’il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière des éléments d’interprétation fournis, si tel était le cas en ce qui concerne l’instance compétente pour connaître des litiges au principal, à savoir la chambre disciplinaire, et que, en pareille hypothèse, le principe de primauté du droit de l’Union imposait à la juridiction de renvoi de laisser inappliquées les dispositions nationales conférant compétence à une telle instance.

169    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 108 de la présente ordonnance, les éléments d’interprétation fournis par la Cour à la juridiction de renvoi pour apprécier si la chambre disciplinaire constitue un tribunal indépendant et impartial, au sens du droit de l’Union, concernent, notamment, les conditions et le processus de nomination des membres de cette juridiction.

170    Ainsi, il apparaît que, afin de respecter les obligations qui leur incombent au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, les États membres doivent garantir la possibilité d’un contrôle juridictionnel du respect par les juridictions nationales relevant de leur système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union et par les juges de ces juridictions des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, ce contrôle comprenant, notamment, celui de la régularité du processus de nomination des juges desdites juridictions.

171    Dès lors, il ne saurait, à première vue, être exclu que les dispositions nationales visées au premier grief du recours en manquement, en ce qu’elles interdiraient aux juridictions nationales de vérifier la régularité du processus de nomination d’un juge ou la légitimité d’une juridiction, violent l’obligation incombant à la République de Pologne, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, de garantir que les juridictions nationales relevant de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union satisfont aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective.

172    En second lieu, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que tout juge national saisi dans le cadre de sa compétence a, en tant qu’organe d’un État membre, l’obligation, par application du principe de coopération énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, d’appliquer intégralement le droit de l’Union directement applicable et de protéger les droits que celui‑ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle‑ci soit antérieure ou postérieure à la règle du droit de l’Union (arrêts du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que du 21 janvier 2021, Whiteland Import Export, C‑308/19, EU:C:2021:47, point 31).

173    Il en découle qu’est incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique, législative, administrative ou judiciaire, qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes directement applicables du droit de l’Union (arrêts du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 56 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 décembre 2018, Minister for Justice and Equality et Commissioner of An Garda Síochána, C‑378/17, EU:C:2018:979, point 36).

174    Dès lors, une disposition nationale empêchant une juridiction nationale saisie dans le cadre de sa compétence d’appliquer les dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, et de l’article 47 de la Charte, ainsi que de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à ces dispositions méconnaît le principe de primauté du droit de l’Union.

175    Dans ces conditions, il ne saurait, à première vue, être exclu que les dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond violent également les obligations incombant à cet État membre en vertu du principe de primauté résultant des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte.

176    Partant, sans se prononcer à ce stade sur le bien-fondé des arguments invoqués par les parties dans le cadre du premier grief du recours au fond, ce qui relève de la compétence du seul juge du fond, il y a lieu de conclure que, eu égard aux éléments mis en avant par la Commission et à la jurisprudence évoquée aux points 163 à 168 ainsi que 172 et 173 de la présente ordonnance, les arguments avancés par cette institution dans le cadre de ce grief apparaissent, à première vue, comme étant non dépourvus de fondement sérieux, au sens de la jurisprudence citée au point 79 de la même ordonnance.

177    Par conséquent, il convient de constater que la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier, à première vue, le bien-fondé de l’argument concernant la prétendue violation par les dispositions nationales visées par le premier grief du recours au fond de l’article 267 TFUE, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 79 de la présente ordonnance.

–       Sur l’urgence

178    Conformément à la jurisprudence visée au point 116 de la présente ordonnance, la Cour doit, aux fins de l’appréciation de l’urgence, postuler que les dispositions nationales visées par le premier grief du recours au fond, en ce qu’elles interdiraient aux juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), des juridictions de droit commun et des juridictions administratives de vérifier la régularité du processus de nomination des juges et, le cas échéant, de constater l’irrégularité d’un tel processus, sont susceptibles de violer l’obligation incombant à la République de Pologne, au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, de garantir que les juridictions nationales relevant de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l’Union répondent aux garanties inhérentes à une protection juridictionnelle effective. Il y a également lieu de postuler que ces dispositions nationales sont susceptibles d’empêcher les juridictions nationales saisies dans le cadre de leur compétence d’appliquer les dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, et de laisser inappliquées les dispositions nationales qui seraient contraires à ces dispositions du droit de l’Union, et sont donc susceptibles de violer le principe de primauté du droit de l’Union.

179    Il convient de relever que le fait que, en raison de l’application des dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond, les juridictions polonaises puissent être empêchées, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, de vérifier le respect par un juge ou une juridiction des garanties inhérentes à une protection juridictionnelle effective est susceptible de compromettre, pendant cette période, l’indépendance desdites juridictions polonaises et, par voie de conséquence, conformément à la jurisprudence évoquée au point 124 de la présente ordonnance, de produire un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union et, partant, aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ainsi qu’aux valeurs énoncées à l’article 2 TUE, sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’État de droit.

180    En outre, les spécificités du contexte juridique dans lequel s’inscrivent ces dispositions rendent d’autant plus probable le risque de survenance d’un tel préjudice grave et irréversible.

181    En effet, il y a lieu de rappeler que la loi modificative est le dernier élément d’une série de réformes législatives relatives à l’organisation du pouvoir judiciaire polonais, introduites par la République de Pologne depuis la fin de l’année 2015. Or, la réforme intervenue au cours de l’année 2017 a été fortement contestée en raison, précisément, des défaillances systémiques qu’elle comporterait en ce qui concerne l’indépendance des juridictions polonaises, en particulier pour ce qui est des conditions de nomination des juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), et cette réforme a d’ailleurs donné lieu à plusieurs recours en manquement, à de nombreuses demandes de décision préjudicielle adressées à la Cour ainsi qu’à l’adoption, par la Commission, le 20 décembre 2017, conformément à l’article 7, paragraphe 1, TUE, de la proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit [COM(2017) 835 final].

182    Or, dans un contexte dans lequel l’indépendance des juridictions polonaises est sérieusement mise en doute du fait des réformes législatives mentionnées au point précédent, l’application de dispositions nationales qui empêcheraient les juridictions nationales de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences concernant l’indépendance des juges ne ferait, à l’évidence, qu’accroître les doutes existants quant à l’indépendance de ces juridictions, renforcer l’absence d’apparence d’indépendance du pouvoir judiciaire polonais et aggraver la perte de confiance des justiciables et des autres États membres dans le système judiciaire de la République de Pologne.

183    La République de Pologne allègue que l’obligation incombant aux juridictions nationales de respecter le principe de primauté du droit de l’Union a pour effet d’éliminer tout risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable qui résulterait de l’application des dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond.

184    Cet argument ne saurait toutefois être retenu dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au point 178 de la présente ordonnance, afin d’apprécier l’urgence, il y a lieu de postuler que ces dispositions sont susceptibles d’empêcher les juridictions nationales d’appliquer les dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, et de laisser inappliquées les dispositions nationales qui seraient contraires à ces dispositions du droit de l’Union, avec pour effet la méconnaissance par ces juridictions du principe de primauté du droit de l’Union.

185    En outre, il importe de tenir compte du fait que le respect par une juridiction nationale des obligations qui lui incombent en vertu du principe de primauté du droit de l’Union impliquerait la méconnaissance par cette juridiction des dispositions nationales en cause, ce qui pourrait constituer une infraction disciplinaire. À cet égard, il convient de relever que, dans ses observations concernant les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance, la République de Pologne a admis que le fait pour un juge de procéder à l’examen de la régularité de la nomination d’un juge pourrait être constitutif de l’infraction prévue à l’article 107, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi qu’à l’article 72, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

186    Or, ainsi que la Commission l’a souligné, la seule perspective pour des juges nationaux de pouvoir faire l’objet de poursuites disciplinaires dans le cas où ils se conformeraient aux obligations qui leur incombent en vertu du principe de primauté du droit de l’Union est de nature à les dissuader de respecter ce principe.

187    Enfin, la République de Pologne ne saurait se prévaloir valablement, afin d’établir l’absence d’urgence, de l’existence d’un système de recours contre les décisions rendues par les juridictions nationales alors que cet État membre n’avance aucun élément permettant d’établir que ce système est configuré d’une manière telle qu’il permettrait, dans un contexte tel que celui décrit aux points 181 et 182 de la présente ordonnance, d’éliminer le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable au regard de l’ordre juridique de l’Union résultant de l’application des dispositions nationales en cause.

188    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la condition relative à l’urgence est établie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance.

–       Sur la mise en balance des intérêts

189    La Commission fait observer que, si la Cour devait accueillir le premier grief du recours au fond après avoir refusé d’accorder la mesure provisoire visée au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance, un préjudice grave et irréparable serait causé à l’ordre juridique de l’Union et aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, alors que, si la Cour devait ordonner ladite mesure et rejeter, par la suite, ce grief, la conséquence en serait seulement la suspension temporaire de l’application des dispositions visées à ce grief.

190    La République de Pologne allègue que la suspension des dispositions nationales en cause serait contraire aux principes fondamentaux résultant, notamment, de la Constitution de la République de Pologne, de sorte qu’une telle suspension n’impliquerait pas que les juridictions pourront révoquer des juges dans des conditions autres que celles prévues à l’article 180 de ladite Constitution. Enfin, les effets d’une telle suspension seraient clairement préjudiciables aux intérêts de la justice.

191    À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu des effets attachés au principe de primauté du droit de l’Union, la République de Pologne ne saurait valablement invoquer la contrariété entre les dispositions de droit interne, y compris d’ordre constitutionnel, et les effets que comporterait l’application d’une mesure provisoire ordonnée par la Cour, telle que la suspension des dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond, ni le préjudice aux intérêts de cet État membre qui, en raison de cette contrariété, résulterait de l’exécution d’une telle mesure. En tout état de cause, un tel préjudice, à le supposer établi, ne saurait prévaloir sur l’intérêt général de l’Union au regard du bon fonctionnement de son ordre juridique.

192    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la mise en balance des intérêts en présence penche en faveur de l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance.

 Sur les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance

–       Sur le fumus boni juris

193    La Commission soutient que le deuxième grief du recours au fond, qui vise les dispositions nationales faisant l’objet des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance, apparaît, à première vue, comme étant non dépourvu de fondement sérieux, ce grief étant, en particulier, tiré de ce que, en conférant à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, conformément à ces dispositions, la compétence exclusive pour examiner les griefs et les questions de droit concernant l’absence d’indépendance d’une juridiction ou d’un juge, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, ainsi qu’en vertu de l’article 267 TFUE et du principe de primauté du droit de l’Union.

194    La Commission soutient que, conformément auxdites dispositions nationales, aucune juridiction nationale autre que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne peut procéder à une appréciation de l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte, ni soumettre à la Cour une question préjudicielle sur ces points en vertu de l’article 267 TFUE.

195    La Commission rappelle, notamment, qu’il ressort de l’arrêt A. K. que toute juridiction nationale se trouvant dans une situation comparable à celle de la juridiction de renvoi dans les affaires jointes ayant donné lieu à cet arrêt est tenue de vérifier si la juridiction concernée est indépendante sur la base des éléments énumérés au point 171 du même arrêt et, s’il résulte de cette vérification que tel n’est pas le cas, de laisser inappliquée, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, les dispositions nationales contraires à l’article 19, paragraphe 1, TUE et à l’article 47 de la Charte.

196    La République de Pologne conteste le fait que l’attribution à une formation particulière, à savoir la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, des questions relatives à l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction puisse constituer une violation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte. À cet égard, cet État membre précise qu’une telle attribution est motivée par la nécessité de garantir une spécialisation dans ces questions essentielles de nature constitutionnelle et d’éliminer les risques de divergences jurisprudentielles dans des matières concernant l’indépendance de la justice.

197    Afin de vérifier si la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance, il convient, en premier lieu, de relever, ainsi qu’il ressort de l’argumentation des parties, que le deuxième grief soulève, notamment, la question de savoir si l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, permet de réserver l’examen des questions concernant l’indépendance des juges à une juridiction spécialisée et, dans l’affirmative, quelles conditions doivent être remplies pour garantir le droit des justiciables à une protection juridictionnelle effective. Il s’agit d’une question juridique complexe dont la solution ne s’impose pas d’emblée et qui mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juges des référés.

198    En deuxième lieu, il y a lieu de constater que, ainsi que la Commission l’a mis en avant sans être contredite par la République de Pologne, en vertu des dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond, premièrement, seule la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques est compétente pour connaître des questions de droit concernant l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, de sorte que les juridictions nationales sont tenues de déférer à cette chambre toute question de cette nature soulevée dans le cadre des affaires dont elles sont saisies. Deuxièmement, les appréciations de cette chambre concernant l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction sont contraignantes pour les juridictions nationales. Troisièmement, ladite chambre est la seule compétente pour connaître des recours tendant à faire constater l’illégalité des jugements ou des arrêts définitifs du Sąd Najwyższy (Cour suprême), des juridictions de droit commun et des juridictions administratives dans le cas où l’illégalité alléguée est en rapport avec le statut de juge de la personne ayant statué.

199    Or, eu égard à la jurisprudence évoquée aux points 163 à 168 de la présente ordonnance, il ne saurait, à première vue, être exclu que les dispositions nationales visées au premier grief du recours au fond, en ce qu’elles empêchent les chambres du Sąd Najwyższy (Cour suprême) autres que la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, les juridictions de droit commun et les juridictions administratives de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences concernant l’indépendance des juges, violent l’obligation incombant à la République de Pologne, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, de garantir que les juridictions nationales relevant de son système de voies de recours dans les domaines du droit de l’Union répondent aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective.

200    En troisième lieu, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 173 de la présente ordonnance, est incompatible avec les exigences inhérentes à la nature même du droit de l’Union toute disposition d’un ordre juridique national ou toute pratique législative, administrative ou judiciaire qui aurait pour effet de diminuer l’efficacité du droit de l’Union par le fait de refuser au juge compétent pour appliquer ce droit le pouvoir de faire, au moment même de cette application, tout ce qui est nécessaire pour écarter les dispositions législatives nationales formant éventuellement obstacle à la pleine efficacité des normes directement applicables du droit de l’Union (arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 56 et jurisprudence citée).

201    La Cour a précisé que tel serait notamment le cas si, dans l’hypothèse d’une contrariété entre une disposition du droit de l’Union et une loi nationale postérieure, la solution de ce conflit était réservée à une autorité autre que le juge appelé à assurer l’application du droit de l’Union, investie d’un pouvoir d’appréciation propre, même si l’obstacle résultant ainsi pour la pleine efficacité du droit de l’Union n’était que temporaire (arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten, C‑409/06, EU:C:2010:503, point 57 et jurisprudence citée).

202    Enfin, la Cour a également précisé que, s’il apparaît que les appréciations portées par une juridiction nationale ne sont pas conformes au droit de l’Union, celui-ci impose qu’une juridiction nationale différente, qui est, en droit interne, inconditionnellement liée par l’interprétation du droit de l’Union faite par cette première juridiction, laisse inappliquée, de sa propre autorité, la règle de droit interne qui lui impose de se conformer à l’interprétation du droit de l’Union retenue par ladite première juridiction, et que tel serait notamment le cas lorsque, en raison d’une telle règle de droit interne s’imposant à elle, une juridiction nationale serait empêchée de tenir dûment compte, dans le traitement des affaires pendantes devant elle, du fait qu’il découle d’un arrêt de la Cour qu’une disposition de droit national doit être tenue pour contraire au droit de l’Union et d’assurer que la primauté de ce dernier soit dûment garantie, en prenant toutes les mesures requises à cet effet (ordonnance du 7 juin 2018, Filippi e.a., C‑589/16, EU:C:2018:417, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

203    Ainsi, au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 200 à 202 de la présente ordonnance, il ne saurait non plus, à première vue, être exclu que les dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond violent les obligations incombant à cet État membre en vertu du principe de primauté résultant des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte.

204    Partant, sans se prononcer à ce stade sur le bien-fondé des arguments invoqués par les parties dans le cadre du deuxième grief du recours au fond, ce qui relève de la compétence du seul juge du fond, il y a lieu de conclure que, eu égard aux éléments mis en avant par la Commission ainsi qu’à la jurisprudence évoquée aux points 163 à 168 et 200 à 202 de la présente ordonnance, les arguments avancés par cette institution dans le cadre de ce grief apparaissent, à première vue, comme étant non dépourvus de fondement sérieux, au sens de la jurisprudence citée au point 79 de la même ordonnance.

205    Par conséquent, il convient de constater que la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance, sans qu’il soit nécessaire d’apprécier, à première vue, le bien-fondé de l’argument concernant la prétendue violation par les dispositions nationales visées par le deuxième grief du recours au fond de l’article 267 TFUE, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 79 de la présente ordonnance.

–       Sur l’urgence

206    Conformément à la jurisprudence énoncée au point 116 de la présente ordonnance, la Cour doit, aux fins de l’appréciation de l’urgence, postuler que les dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond, en ce qu’elles confèrent à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques la compétence exclusive pour connaître des questions relatives à l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, et que, par voie de conséquence, elles empêchent les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), des juridictions de droit commun et des juridictions administratives de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction de l’exigence d’indépendance des juges, sont susceptibles de violer les obligations qui incombent à la République de Pologne, au titre de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, de garantir que les juridictions répondent aux exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective. Il y a également lieu de postuler que lesdites dispositions sont susceptibles d’empêcher les juridictions nationales saisies dans le cadre de leur compétence d’appliquer l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, et de laisser inappliquées les dispositions nationales qui seraient contraires à ces dispositions du droit de l’Union, et de violer, ainsi, le principe de primauté du droit de l’Union.

207    Il convient de relever que le fait que, en raison de l’application des dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond, les juridictions nationales, à l’exception de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, soient empêchées, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, de connaître des questions relatives à l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction et de vérifier, ainsi, le respect par ce juge ou cette juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective est susceptible de compromettre, pendant cette période, l’indépendance des juridictions polonaises et, dès lors, conformément à la jurisprudence évoquée au point 124 de la présente ordonnance, de causer un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union et, partant, aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ainsi qu’aux valeurs, énoncées à l’article 2 TUE, sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’État de droit.

208    En outre, les spécificités du contexte juridique dans lequel s’inscrivent ces dispositions, tel que décrit aux points 181 et 182 de la présente ordonnance, rendent d’autant plus probable le risque de survenance d’un tel préjudice grave et irréversible.

209    La République de Pologne conteste le fait qu’il existe un risque de survenance d’un tel préjudice dès lors que, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, les griefs concernant l’indépendance d’un juge ou d’une juridiction seront examinés par la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques dont l’indépendance ne soulèverait aucun doute.

210    Toutefois, il convient de tenir compte du fait que, d’une part, à l’instar de la chambre disciplinaire, la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques a été créée par la loi sur la Cour suprême et que, ainsi qu’il ressort des observations de la République de Pologne, les membres de cette chambre sont nommés à l’issue d’une procédure où, comme c’est également le cas pour les membres de la chambre disciplinaire, intervient la KRS. Or, compte tenu des éléments d’interprétation figurant dans l’arrêt A. K., il ne saurait être affirmé, comme le prétend cet État membre, que l’indépendance de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ne soulève aucun doute.

211    D’autre part, il importe de relever que, conformément à l’article 26, paragraphe 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, les demandes concernant la constatation ou l’appréciation de la légalité de la nomination d’un juge ou de sa légitimité pour exercer des fonctions juridictionnelles ne sont pas examinées par la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

212    Il en résulte que l’application des dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond impliquerait que, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, aucune juridiction nationale ne puisse examiner ces questions, ce qui, ainsi qu’il a été constaté lors de l’examen des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous d), de la présente ordonnance, serait susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union ainsi qu’aux droits des justiciables à un recours effectif.

213    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la condition relative à l’urgence est établie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance.

–       Sur la mise en balance des intérêts

214    La Commission fait observer que, si la Cour devait accueillir le deuxième grief du recours au fond après avoir refusé d’accorder la mesure provisoire visée au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance, un préjudice grave et irréparable serait causé à l’ordre juridique de l’Union et aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, alors que, si la Cour devait ordonner ladite mesure et rejeter, par la suite, ce grief, la conséquence en serait seulement la suspension temporaire de l’application des dispositions de l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, ainsi que de l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

215    Pour sa part, la République de Pologne fait valoir que, d’une part, la suspension des dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond n’impliquerait pas que les juridictions nationales pourront examiner les questions réservées par ces dispositions à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, de sorte qu’une telle suspension ne pourrait pas contribuer à l’objectif qu’elle poursuit. D’autre part, ladite suspension porterait atteinte au droit à un tribunal établi préalablement par la loi et au principe de sécurité juridique, dès lors qu’aucune disposition nationale ne régirait la compétence matérielle pour connaître des questions de droit réservées par lesdites dispositions à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques.

216    À cet égard, il convient de rappeler que l’exécution d’une mesure provisoire visant la suspension de l’application d’une disposition nationale comporte l’obligation pour l’État membre concerné de garantir la restauration de l’état de droit antérieur à l’entrée en vigueur de cette disposition, cet État membre étant ainsi tenu, dans l’attente de l’arrêt définitif, d’appliquer les dispositions abrogées, remplacées ou amendées par celle dont l’application doit être suspendue (voir, en ce sens, ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, points 95 et 107).

217    Ainsi, l’atteinte au droit à un tribunal établi préalablement par la loi et au principe de sécurité juridique qui, selon la République de Pologne, résulterait de la suspension, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, des dispositions nationales visées au deuxième grief du recours au fond ne saurait être établie.

218    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la mise en balance des intérêts en présence penche en faveur de l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous e), de la présente ordonnance.

 Sur les mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance

–       Sur le fumus boni juris

219    La Commission soutient que le troisième grief du recours au fond, qui vise les dispositions nationales faisant l’objet des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance, apparaît, à première vue, comme étant non dépourvu de fondement sérieux, ce grief étant concrètement tiré de ce que, en adoptant et en maintenant en vigueur l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, permettant de qualifier d’infraction disciplinaire l’examen du respect des exigences de l’Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, la République de Pologne a manqué à l’obligation de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire et le droit à une protection juridictionnelle qui lui incombe en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte, ainsi que de l’article 267 TFUE.

220    En premier lieu, la Commission allègue que les éléments constitutifs des infractions disciplinaires visées à l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi qu’à l’article 72, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, à savoir des « actes ou omissions de nature à empêcher ou à compromettre sérieusement le fonctionnement d’une autorité judiciaire » ou des « actes mettant en cause l’existence de la relation de travail d’un juge [ou] l’effectivité de la nomination d’un juge », sont à ce point imprécis que ces infractions peuvent couvrir le cas de figure dans lequel un juge national contrôlerait le respect, par une juridiction, des exigences de l’indépendance des juges, au sens de l’article 19, paragraphe 1, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte. En particulier, le constat, opéré par un juge, du non-respect, par sa formation de jugement ou par une autre formation, de l’exigence relative à un tribunal indépendant, impartial et établi préalablement par la loi, au sens de ces dispositions du droit de l’Union, en raison d’une irrégularité commise lors de la nomination d’un juge siégeant dans ladite formation, pourrait être qualifié d’« acte mettant en cause l’existence de la relation de travail d’un juge ou l’effectivité de la nomination d’un juge ». En témoignerait le fait qu’une procédure disciplinaire a été engagée le 5 août 2020, pour ce motif, contre un juge du Sąd Apelacyjny Szczecin (cour d’appel de Szczecin, Pologne), en application de l’article 107, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun.

221    Ainsi, en s’appuyant, notamment, sur les principes juridiques énoncés au point 32 de l’arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117), ainsi qu’aux points 55, 57, 70 et 71 de l’arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson / Conseil et HG / Commission (C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232), la Commission fait valoir que les dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond sont contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

222    Par ailleurs, les infractions disciplinaires visées à ces dispositions s’attacheraient au contenu des décisions judiciaires, ce qui serait contraire au point 67 de l’arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586).

223    En second lieu, la Commission soutient que l’infraction disciplinaire visée à l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême est fondée sur une notion imprécise, à savoir la « violation manifeste et flagrante des règles de droit », cette notion pouvant renvoyer aussi bien au contenu des décisions judiciaires qu’à la méconnaissance de dispositions nationales interdisant de procéder au contrôle juridictionnel du respect, par une juridiction, des exigences concernant l’indépendance des juges, au sens du droit de l’Union.

224    La République de Pologne affirme que la responsabilité disciplinaire qui pèse sur les juges en application de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême n’inclut pas la responsabilité au titre du contenu des décisions de justice, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme constituant un élément de pression sur les juges ou d’ingérence dans leurs activités juridictionnelles.

225    En particulier, s’agissant, en premier lieu, de l’infraction consistant à rendre sensiblement plus difficile, voire impossible, l’administration de la justice, visée à l’article 107, paragraphe 1, point 2, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi qu’à l’article 72, paragraphe 1, point 2, de la loi modifiée sur la Cour suprême, la République de Pologne conteste que l’exercice par un tribunal des obligations décrites dans l’arrêt A. K. puisse relever d’une telle infraction, dès lors que, d’une part, il est évident qu’un arrêt de la Cour ne saurait inclure des dispositions dont la réalisation rendrait sensiblement plus difficile l’administration de la justice et, d’autre part, cet arrêt ne constituerait pas une décision qui, eu égard à son contenu, menacerait le fonctionnement de la justice. Par ailleurs, la République de Pologne note qu’une telle infraction joue un rôle très important dans les ordres juridiques nationaux et est prévue par les règles constitutionnelles d’autres États membres relatives au pouvoir judiciaire. En particulier, les dispositions contestées par la Commission seraient inspirées du droit français, droit que la Commission n’aurait pas mis en cause.

226    S’agissant, en second lieu, de l’infraction consistant à mettre en cause l’existence de la relation de travail d’un juge et l’effectivité de la nomination d’un juge, visée à l’article 107, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi qu’à l’article 72, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, la République de Pologne réitère l’argumentation exposée aux points 158 et 159 de la présente ordonnance dans le cadre de l’examen des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous d), de cette ordonnance. En particulier, la République de Pologne, qui ne conteste pas les allégations de la Commission portant sur l’existence d’une procédure disciplinaire engagée contre un juge du Sąd Apelacyjny Szczecin (cour d’appel de Szczecin), souligne néanmoins que l’interdiction de procéder à l’appréciation de la légalité de la nomination d’un juge constituerait, à la lumière du modèle constitutionnel de nomination des juges en Pologne, une précision apportée au contenu de la règle juridique définissant l’infraction disciplinaire, et serait pleinement justifiée et opportune.

227    S’agissant, en troisième et dernier lieu, de l’infraction consistant dans la violation manifeste et flagrante des règles de droit, visée à l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême, la République de Pologne fait valoir que cette infraction ne saurait aucunement être assimilée à une responsabilité disciplinaire en raison du contenu d’un jugement ou au titre des erreurs ordinaires que le juge peut commettre lorsqu’il statue. Ainsi que le mettrait en évidence la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême), ladite infraction viserait des cas exceptionnels de violation des règles de droit, à savoir des cas dans lesquels la violation serait manifeste et flagrante, et justifierait la condamnation de leur auteur.

228    Afin de vérifier si la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance, il convient, en premier lieu, de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 171 et 199 de la présente ordonnance, des dispositions nationales ayant pour effet d’empêcher les juridictions nationales appelées à interpréter et à appliquer le droit de l’Union de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective et, notamment, la régularité du processus de nomination d’un juge ou d’une juridiction sont, à première vue, contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

229    Force est donc de constater que des dispositions nationales dont il découlerait que les juges nationaux peuvent faire l’objet de procédures disciplinaires en raison du fait qu’ils ont opéré une telle vérification sont également, à première vue, contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la Charte.

230    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence évoquée au point 87 de la présente ordonnance, l’exigence d’indépendance et d’impartialité découlant, notamment, de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose d’éviter tout risque d’utilisation du régime disciplinaire contre ceux qui ont pour tâche de juger, en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires.

231    À cet effet, il est essentiel notamment que soient prévues des règles qui définissent de manière suffisamment claire et précise les comportements susceptibles d’engager la responsabilité disciplinaire des juges, afin de garantir l’indépendance inhérente à leur mission et d’éviter qu’ils soient exposés au risque que leur responsabilité disciplinaire soit engagée du seul fait de leur décision (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor Din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 234).

232    En l’occurrence, il apparaît d’emblée que, ainsi que la Commission l’a fait valoir, les termes de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun ainsi que ceux de l’article 72, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême présentent un caractère à ce point abstrait et imprécis qu’il ne saurait, à première vue, être exclu que la responsabilité disciplinaire d’un juge puisse être engagée en raison du seul fait que celui-ci a vérifié le respect par un juge ou par une formation de jugement des exigences de l’indépendance des juges et, notamment, a constaté l’irrégularité du processus de nomination d’un juge.

233    Il en va de même en ce qui concerne l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême. En effet, en raison du caractère abstrait et imprécis de l’expression « violation manifeste et flagrante des règles de droit », l’hypothèse ne saurait, à première vue, être écartée que la responsabilité d’un juge puisse être engagée en raison du contenu prétendument « erroné » de ses décisions ou de la méconnaissance par celui-ci des dispositions nationales empêchant les juridictions nationales de vérifier le respect par un juge ou par une formation de jugement des exigences d’indépendance des juges.

234    Ainsi, eu égard au libellé des dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond, il ne saurait, à première vue, être exclu que ces dispositions non seulement empêchent les juridictions nationales de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective, mais permettent également que le régime disciplinaire soit utilisé en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires, et que, dès lors, elles soient contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

235    Cette appréciation s’impose d’autant plus en ce qui concerne l’article 107, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et l’article 72, paragraphe 1, point 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême que, ainsi qu’il ressort de l’argumentation des parties énoncée aux points 220 et 226 de la présente ordonnance, le constat de l’irrégularité de la nomination d’un juge pourrait constituer l’infraction visée à ces dispositions.

236    Par ailleurs, le fait que les décisions rendues dans le cadre des procédures disciplinaires engagées contre les juges sont contrôlées par une instance, à savoir la chambre disciplinaire, dont l’absence d’indépendance ne saurait, à première vue, être exclue, ainsi qu’il a été constaté au point 97 de la présente ordonnance, contribue à renforcer l’appréciation figurant au point 234 de la présente ordonnance. Il en va de même du fait, mis en exergue par la Commission, que la loi modificative qui a introduit les infractions disciplinaires prévues par les dispositions nationales en cause a été adoptée un mois après que la Cour a rendu son arrêt A. K. et fourni à la juridiction de renvoi les éléments d’appréciation quant à l’indépendance de cette chambre, éléments sur le fondements desquels les juridictions nationales ont pu apprécier l’indépendance du juge ou de la juridiction compétente pour rendre les décisions dans les affaires dont elles étaient saisies.

237    En outre, s’agissant de la jurisprudence du Sąd Najwyższy (Cour suprême) évoquée par la République de Pologne, concernant les éléments constitutifs de l’infraction de « violation manifeste et flagrante des règles de droit », prévue à l’article 72, paragraphe 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême, il suffit de constater que cette jurisprudence a été dégagée antérieurement à l’institution, au cours de l’année 2017, de la chambre disciplinaire et, a fortiori, à l’adoption, au cours de l’année 2019, par la loi modificative, des dispositions nationales visées notamment aux deux premiers griefs du recours au fond. Par conséquent, ladite jurisprudence ne saurait remettre en cause l’appréciation figurant au point 234 de la présente ordonnance.

238    Enfin, ainsi qu’il a été relevé au point 111 de la présente ordonnance, la République de Pologne ne saurait se prévaloir utilement de l’existence supposée dans d’autres États membres de règles semblables à ces dispositions en vue d’établir que la condition relative au fumus boni juris n’est pas remplie en l’espèce.

239    Partant, sans se prononcer à ce stade sur le bien-fondé des arguments invoqués par les parties dans le cadre du troisième grief du recours au fond, ce qui relève de la compétence du seul juge du fond, il y a lieu de conclure que, eu égard aux éléments mis en avant par la Commission et à la jurisprudence évoquée aux points 163 à 168 ainsi que 230 et 231 de la présente ordonnance, les arguments avancés par cette institution dans le cadre de ce grief apparaissent, à première vue, comme étant non dépourvus de fondement sérieux, au sens de la jurisprudence citée au point 79 de la même ordonnance.

240    Par conséquent, il convient de constater que la condition relative au fumus boni juris est remplie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires énoncées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance.

–       Sur l’urgence

241    Conformément à la jurisprudence énoncée au point 116 de la présente ordonnance, la Cour doit, aux fins de l’appréciation de l’urgence, postuler que les dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond sont susceptibles, d’une part, d’empêcher les juridictions nationales de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective et, d’autre part, de permettre que le régime disciplinaire soit utilisé en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires, et d’être, ainsi, contraires à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 47 de la Charte.

242    Ainsi que la Commission l’a fait valoir, le fait que, en raison de l’application des dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond, d’une part, les juridictions nationales puissent être empêchées, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, de vérifier le respect par un juge ou par une juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective et, d’autre part, le régime disciplinaire puisse, jusqu’au prononcé de cet arrêt, être utilisé en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires est susceptible de compromettre, pendant la même période, l’indépendance des juridictions polonaises et, par voie de conséquence, conformément à la jurisprudence évoquée au point 124 de la présente ordonnance, de causer un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union et, partant, aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ainsi qu’aux valeurs, énoncées à l’article 2 TUE, sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’État de droit.

243    La République de Pologne conteste l’existence de l’urgence en invoquant la suspension, à la suite de l’ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne (C‑791/19 R, EU:C:2020:277), des activités de la chambre disciplinaire en ce qui concerne les affaires disciplinaires relatives aux juges. Selon cet État membre, en raison d’une telle suspension, qui sera maintenue jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond dans l’affaire C‑791/19, la chambre disciplinaire ne ferait pas application, d’une manière générale, des dispositions contestées par la Commission, de sorte que la suspension de celles-ci ne présenterait pas un caractère urgent en ce qu’elle n’aurait pas pour effet de prévenir quelque préjudice que ce soit.

244    À cet égard, s’il est vrai que la suspension des activités de la chambre disciplinaire est de nature à atténuer le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable résultant de l’application des dispositions nationales en cause, une telle suspension ne permet toutefois pas d’éliminer un tel risque.

245    En effet, ainsi que la Commission l’a relevé, la seule perspective pour les juges polonais de pouvoir, le cas échéant, faire l’objet de poursuites disciplinaires pour avoir vérifié le respect par un juge ou par une juridiction des exigences inhérentes à une protection juridictionnelle effective est susceptible d’affecter leur indépendance, ce indépendamment de l’instance judiciaire devant laquelle la procédure disciplinaire est conduite.

246    Par ailleurs, la seule existence de dispositions nationales qui permettraient d’utiliser le régime disciplinaire comme un système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires est de nature à générer dans l’esprit des justiciables et des autres États membres des doutes quant à l’indépendance des juridictions nationales, ce qui risque de causer un préjudice grave et irréparable.

247    Enfin, s’agissant, notamment, de l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême, la République de Pologne fait valoir que la demande de suspension de cette disposition est tardive et totalement incompréhensible. Dans ce contexte, cet État membre allègue, d’une part, que la Commission n’a avancé aucune justification de la suspension de l’application d’une disposition qui se rattache à une très longue tradition constitutionnelle en Pologne et que, d’autre part, le fait que la Commission a, dans le cadre du recours en manquement dans l’affaire C‑791/19, contesté une disposition analogue figurant à l’article 107 de la loi relative aux juridictions de droit commun sans, pour autant, en avoir demandé la suspension de l’application démontre que cette institution ne perçoit, en réalité, aucun risque de préjudice résultant de l’application de l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême.

248    Toutefois, d’une part, contrairement aux allégations de la République de Pologne, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considère que l’application de toutes les dispositions visées au troisième grief du recours au fond doit être suspendue. D’autre part, ainsi qu’il a été relevé aux points 138 et 237 de la présente ordonnance, la loi modificative a introduit plusieurs dispositions, telles que celles visées au deux premiers griefs du recours au fond, qui sont susceptibles d’avoir une incidence en ce qui concerne la portée de l’infraction visée à l’article 72, paragraphe 1, point 1, de la loi modifiée sur la Cour suprême et qui, dès lors, constituent des éléments nouveaux par rapport à ceux existant avant l’adoption de ladite loi modificative, aux fins de l’appréciation de l’existence de l’urgence.

249    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la condition relative à l’urgence est établie en ce qui concerne l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance.

–       Sur la mise en balance des intérêts

250    La Commission fait observer que, si la Cour devait accueillir le troisième grief du recours au fond après avoir refusé d’accorder la mesure provisoire visée au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance, un préjudice grave et irréparable serait causé à l’ordre juridique de l’Union et aux droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, notamment à leur droit fondamental à un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi.

251    En revanche, si la Cour devait ordonner ladite mesure et rejeter, par la suite, ce grief, la conséquence en serait seulement la suspension temporaire de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi modifiée relative aux juridictions de droit commun et de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi modifiée sur la Cour suprême, ainsi que, par suite, l’impossibilité temporaire de qualifier comme infraction, en application de ces dispositions, le fait pour un juge d’avoir contrôlé, dans le cadre de son activité juridictionnelle, le respect des exigences du droit de l’Union relatives à l’indépendance et à l’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la Charte.

252    La République de Pologne fait valoir, notamment, que la non‑application, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, des dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond aurait pour conséquence que, tout au long de cette période, des conduites répréhensibles, qui devraient indubitablement engager la responsabilité disciplinaire de leurs auteurs, seraient au contraire admises. Ainsi, les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême) pourraient, notamment, antidater des actes judiciaires, dissimuler des documents ayant une importance pour le règlement des affaires, prononcer des peines non prévues par les lois ou modifier des décisions selon des modalités non prévues par les procédures, voire rendre des décisions non prévues par ces procédures. La suspension de l’application des dispositions nationales en cause entraînerait, dès lors, un préjudice au regard des intérêts de la République de Pologne.

253    À cet égard, il suffit, toutefois de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 216 de la présente ordonnance, la suspension de l’application des dispositions nationales visées au troisième grief du recours au fond comportera l’obligation pour la République de Pologne d’appliquer, jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif, les dispositions abrogées, remplacées ou amendées par les dispositions nationales visées à ce grief. Ainsi, l’octroi de la mesure provisoire énoncée au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance ne saurait causer le préjudice invoqué par cet État membre.

254    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la mise en balance des intérêts en présence penche en faveur de l’octroi des mesures provisoires visées au point 38, premier tiret, sous c), de la présente ordonnance.

255    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de mesures provisoires de la Commission visée au point 1 de la présente ordonnance.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      La République de Pologne est tenue, immédiatement et jusqu’au prononcé de l’arrêt qui mettra fin à l’instance dans l’affaire C-204/21,

a)      de suspendre, d’une part, l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, point 1a, de l’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017, telle que modifiée par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych, ustawy o Sądzie Najwyższym oraz niektórych innych ustaw (loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois), du 20 décembre 2019 et autres, en vertu desquelles l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) est compétente pour statuer, tant en première instance qu’en deuxième instance, sur les demandes d’autorisation d’ouvrir une procédure pénale contre des juges ou des juges auxiliaires, de les placer en détention provisoire, de les arrêter ou de les faire comparaître, ainsi que, d’autre part, les effets des décisions déjà adoptées par la chambre disciplinaire sur le fondement de cet article et autorisant l’ouverture d’une procédure pénale contre un juge ou son arrestation, et de s’abstenir de renvoyer les affaires visées audit article devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C585/18, C624/18 et C625/18, EU:C:2019:982) ;

b)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 27, paragraphe 1, points 2 et 3, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée, sur la base desquelles l’Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) est compétente pour statuer sur les affaires relatives au statut et à l’exercice des fonctions de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême), notamment sur les affaires en matière de droit du travail et des assurances sociales ainsi que sur les affaires relatives à la mise à la retraite de ces juges, et de s’abstenir de renvoyer ces affaires devant une juridiction qui ne satisfait pas aux exigences d’indépendance définies, notamment, dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C585/18, C624/18 et C625/18, EU:C:2019:982) ;

c)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 107, paragraphe 1, points 2 et 3, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001, telle que modifiée par la loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois, ainsi que de l’article 72, paragraphe 1, points 1 à 3, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée, permettant d’engager la responsabilité disciplinaire des juges pour avoir examiné le respect des exigences d’indépendance et d’impartialité d’un tribunal établi préalablement par la loi au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

d)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 42a, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 55, paragraphe 4, de la loi relative aux juridictions de droit commun, telle que modifiée, de l’article 26, paragraphe 3, ainsi que de l’article 29, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée, de l’article 5, paragraphes 1a et 1b, de l’ustawa – Prawo o ustroju sądów administracyjnych (loi relative à l’organisation des juridictions administratives), du 25 juillet 2002, telle que modifiée par la loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois, et de l’article 8 de la loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois, dans la mesure où elles interdisent aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l’Union européenne relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, au sens des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux ;

e)      de suspendre l’application des dispositions de l’article 26, paragraphes 2 et 4 à 6, ainsi que de l’article 82, paragraphes 2 à 5, de la loi sur la Cour suprême, telle que modifiée, et de l’article 10 de la loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois, établissant la compétence exclusive de l’Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych Sądu Nawyższego (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême) pour examiner les griefs tirés de l’absence d’indépendance d’un juge ou d’une juridiction, et

f)      de communiquer à la Commission européenne, au plus tard un mois après la notification de l’ordonnance de la Cour ordonnant les mesures provisoires sollicitées, toutes les mesures adoptées afin de se conformer pleinement à cette ordonnance.

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.