Language of document : ECLI:EU:C:2022:102

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 février 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Directive 2001/42/CE – Évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement – Article 2, sous a) – Notion de “plans et programmes” – Article 3, paragraphe 2, sous a) – Actes élaborés pour certains secteurs et définissant un cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92/UE pourra être autorisée à l’avenir – Article 3, paragraphe 4 – Actes définissant un cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir – Règlement de protection du paysage adopté par une autorité locale »

Dans l’affaire C‑300/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne), par décision du 4 mai 2020, parvenue à la Cour le 7 juillet 2020, dans la procédure

Bund Naturschutz in Bayern eV

contre

Landkreis Rosenheim,

en présence de :

Landesanwaltschaft Bayern,

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice–président, M. A. Arabadjiev, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, E. Regan, S. Rodin, I. Jarukaitis et J. Passer (rapporteur), présidents de chambre, MM. M. Ilešič, F. Biltgen, P. G. Xuereb, N. Piçarra et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juin 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour le Bund Naturschutz in Bayern eV, par Me F. Heß, Rechtsanwältin,

–        pour le Landkreis Rosenheim, par M. Q. Zallinger, en qualité d’agent,

–        pour la Landesanwaltschaft Bayern, par Mme M. Egner ainsi que par MM. J. Vogel et M. Höfler, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, initialement par MM. J. Möller et D. Klebs ainsi que par Mme S. Heimerl, puis par MM. J. Möller et D. Klebs, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme L. Dvořáková, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mmes M. Browne, J. Quaney et M. Lane ainsi que par M. A. Joyce, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Kingston, SC, et de Mme A. Carroll, BL,

–        pour la Commission européenne, par MM. C. Hermes et M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 4, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO 2001, L 197, p. 30).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Bund Naturschutz in Bayern eV (ci-après le « Bund Naturschutz ») au Landkreis Rosenheim (arrondissement de Rosenheim, Allemagne) au sujet de la légalité d’un règlement relatif à une zone de protection du paysage.

 Le cadre juridique

 Le droit de lUnion

3        L’article 1er de la directive 2001/42, intitulé « Objectifs », prévoit :

« La présente directive a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement, et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à la présente directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale. »

4        L’article 2 de cette directive est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)      “plans et programmes” : les plans et programmes, y compris ceux qui sont cofinancés par [l’Union européenne], ainsi que leurs modifications :

–        élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, par le biais d’une procédure législative, et

–        exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

[...] »

5        Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 à 4, de ladite directive, intitulé « Champ d’application » :

« 1.      Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.      Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

a)      qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE [du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 1985, L 175, p. 40)] pourra être autorisée à l’avenir ; ou

b)      pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE [du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7)].

3.      Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local et des modifications mineures des plans et programmes visés au paragraphe 2 ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

4.      Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. »

6        L’annexe II de la directive 2001/42, qui fixe les « [c]ritères permettant de déterminer l’ampleur probable des incidences visées à l’article 3, paragraphe 5 », désigne, parmi ces critères, à son point 1, « [l]es caractéristiques des plans et programmes », et notamment, au premier tiret de ce point, « la mesure dans laquelle le plan ou programme concerné définit un cadre pour d’autres projets ou activités, en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement ou par une allocation de ressources ».

7        La directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), entrée en vigueur le 17 février 2012, a abrogé et remplacé la directive 85/337.

8        Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/92, aux fins de celle-ci, on entend par « projet » « la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages » ainsi que « d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol ».

9        Conformément à l’article 14, second alinéa, de la directive 2011/92, « [l]es références faites à la directive [85/337] s’entendent comme faites à la [directive 2011/92] ».

 Le droit allemand

 Le BNatSchG

10      L’article 20, paragraphe 2, du Gesetz über Naturschutz und Landschaftspflege (Bundesnaturschutzgesetz) (loi sur la protection de la nature et la préservation du paysage), du 29 juillet 2009 (BGBl. 2009 I, p. 2542), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « BNatSchG »), prévoit :

« Des parties de la nature et du paysage peuvent être protégées,

[...]

4.      conformément à l’article 26, en tant que zone de protection du paysage,

[...] »

11      L’article 26 du BNatSchG, intitulé « Zones de protection du paysage », dispose :

« (1)       Les zones de protection du paysage sont des zones définies de manière juridiquement contraignante, dans lesquelles une protection spécifique de la nature et du paysage est nécessaire

1.      pour la préservation, le développement ou le rétablissement de la capacité de fonctionnement et de la viabilité de l’équilibre naturel ou de l’aptitude à la régénération et de la faculté d’utilisation durable des biens naturels, y compris la protection des habitats et espaces de vie de certaines espèces d’animaux et de plantes sauvages,

2.      en raison de la diversité, de la spécificité et de la beauté ou de l’importance culturelle et historique particulière du paysage ou

3.      en raison de son importance particulière pour les activités de loisirs.

(2)      Dans une zone de protection du paysage sont interdits, dans le respect particulier de l’article 5, paragraphe 1, et conformément aux critères prévus par des dispositions plus détaillées, tous les actes qui modifient le caractère de la zone ou qui sont contraires à l’objectif spécifique de protection. »

 Le BayNatSchG

12      L’article 12, paragraphe 1, du Bayerisches Gesetz über den Schutz der Natur, die Pflege der Landschaft und die Erholung in der freien Natur (Bayerisches Naturschutzgesetz) (loi bavaroise sur la protection de la nature, la préservation du paysage et les loisirs de plein air), du 23 février 2011 (GVBl., p. 82), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « BayNatSchG »), prévoit :

« La mise sous protection de parties de la nature et du paysage en vertu de l’article 20, paragraphe 2, points 1, 2, 4, 6 et 7 du BNatSchG est effectuée par voie de règlement, sauf disposition contraire de la présente loi. [...] »

13      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, du BayNatSchG :

« Sont compétents

[...]

3.      les Landkreise [arrondissements] et les communes indépendantes d’un Landkreis pour l’adoption de règlements concernant les zones de protection du paysage visées à l’article 26 du BNatSchG,

[...] »

 Le règlement Inntal Süd

14      L’article 1er de la Verordnung des Landkreises Rosenheim über das Landschaftsschutzgebiet « Inntal Süd » (règlement du Landkreis Rosenheim relatif à la protection du paysage « Inntal Süd »), du 10 avril 2013 (ci-après le « règlement Inntal Süd »), intitulé « Objet de la protection », prévoit :

« Le paysage à l’est et à l’ouest du fleuve Inn entre la frontière de l’État avec l’Autriche dans la municipalité de Kiefersfelden et la frontière de la ville de Rosenheim est protégé en tant que zone de protection du paysage sous le nom “Inntal Süd”.

La protection couvre le cours du fleuve Inn, y compris son bassin et ses zones humides. »

15      L’article 3 du règlement Inntal Süd, intitulé « Objectif de la protection », dispose :

« L’objectif de la zone de protection du paysage “Inntal Süd” consiste

1.      à garantir la capacité de fonctionnement de l’équilibre naturel, notamment à préserver, promouvoir et rétablir les forêts alluviales et bras-morts, ainsi que les conditions de vie des espèces animales et végétales typiques qui y sont adaptées, y compris leurs biocénoses,

2.      à maintenir la diversité, la spécificité et la beauté du paysage, en particulier à renforcer le caractère de paysage fluvial et à préserver le paysage culturel rural,

3.      à maintenir et optimiser la capacité de fonctionnement du régime des eaux, afin de favoriser également la continuité de l’Inn et de ses affluents ainsi que la rétention en eau dans les surfaces et

4.      à garantir et préserver pour le public les parties du paysage importantes pour les activités de loisirs, en tenant compte dans la plus large mesure possible de la nature et du paysage, ainsi qu’à canaliser les déplacements dans le cadre des activités de loisirs. »

16      Aux termes de l’article 4 de ce règlement, intitulé « Interdictions » :

« Sont interdits dans la zone de protection du paysage tous les actes qui modifient le caractère de la zone ou qui sont contraires à l’objectif de protection (article 3). »

17      L’article 5 dudit règlement, intitulé « Obligation d’autorisation », dispose :

« (1)      Doit obtenir l’autorisation du Landratsamt Rosenheim [services administratifs du Landkreis Rosenheim] en tant qu’autorité subordonnée chargée de la protection de la nature (article 43, paragraphe 2, point 3, du BayNatSchG) quiconque envisage dans la zone de protection du paysage

1.      de construire, de modifier ou de changer l’usage d’ouvrages de toute nature [article 2, paragraphe 1, du Bayerische Bauordnung (code bavarois de la construction)], même si ces ouvrages ne requièrent pas de permis de construire ; sont inclus dans cette catégorie, entre autres :

a)      les constructions telles que les logements, les bâtiments agricoles ou forestiers, les résidences secondaires, les abris pour bateaux, les cabines de bain, les remises à outils, les stands [...] ;

b)      les clôtures et autres barrières ;

c)      les embarcadères et les constructions sur les rives ;

d)      les modifications de la surface des sols résultant d’excavations ou de remblayages, en particulier l’aménagement et l’exploitation de nouvelles carrières, gravières, sablières, carrières de limon ou d’argile et autres forages, ainsi que de déblais. Ce qui précède ne s’applique pas aux remblayages ou excavations d’une superficie inférieure ou égale à 500 m2 et d’une hauteur ou profondeur inférieure ou égale à 0,3 m réalisés dans le but d’améliorer les sols sur des surfaces déjà affectées à un usage agricole ;

2.      pour autant qu’il ne s’agisse pas déjà d’ouvrages au sens du point 1,

a)      d’apposer des panneaux d’affichage d’images et de messages écrits, y compris notamment des installations publicitaires d’une surface supérieure à 0,5 m², pour autant qu’ils ne constituent pas des dénominations d’habitation et de commerce apposées sur les lieux d’habitation ou d’établissement ;

b)      de déplacer des fils, câbles ou canalisations installés de manière aérienne ou souterraine ainsi que d’implanter des pylônes ;

c)      de construire ou de modifier de manière substantielle des routes, voies, places, notamment des terrains de camping, de sport, de jeux et des lieux de baignade ou des installations similaires ;

d)      de stationner des véhicules destinés à la vente ou de mettre en place, d’apposer et d’exploiter des points de vente et des distributeurs automatiques ;

3.      de circuler en dehors des routes, voies et emplacements destinés à la circulation publique avec des véhicules de tous types et d’y stationner ces derniers ; [...]

4.      de prélever des eaux de surface au-delà de l’usage commun autorisé ou de capter des eaux souterraines, de modifier des cours d’eau, leurs rives et lits mineurs, le flux et l’écoulement de l’eau ou le niveau de la nappe phréatique, d’instaurer de nouveaux cours d’eau ou d’installer des systèmes de drainage ;

5.      de drainer, d’assécher, ou encore de détruire ou de porter gravement atteinte de toute autre manière à des biotopes revêtant une valeur particulièrement importante au sens de l’article 30 du BNatSchG et de l’article 23 du BayNatSchG, tels que les tourbières, les marais, les roselières, les magnocariçaies, les prairies humides riches en cypéracées et en joncs, les “prairies bleues”, les sources, les tourbières boisées, les zones et bois marécageux et les forêts alluviales, ainsi que les espaces naturels ou semi-naturels comportant des eaux intérieures courantes ou dormantes, y compris leurs abords et la végétation ripicole naturelle ou semi-naturelle correspondante, et les zones de colmatage naturelles ou semi-naturelles, les bras morts et les zones périodiquement inondées ; [...]

6.      de labourer des prairies à litière, de les transformer en pâturages à fauchage pluriannuel, de les fertiliser, d’y faire paître des animaux, de les boiser ;

7.      de poursuivre des espèces sauvages, de les capturer ou de les tuer, ou encore d’enlever les lieux de reproduction ou habitats ainsi que les couvées de ces animaux ;

8.      de défricher, couper ou retirer de toute autre manière en pleine nature et en dehors de la forêt des arbres individuels, des haies, des clôtures végétales, des bosquets ou arbustes contribuant à façonner le paysage ; [...]

9.      de défricher, en tout ou partie, des peuplements forestiers, de procéder à des premiers boisements ou à des déboisements de, respectivement, plus de 0,5 ha, de transformer des forêts de feuillus, des forêts mixtes ou des forêts alluviales en forêts constituées pour une part prépondérante de conifères, ou encore d’y implanter des cultures particulières (notamment des pépinières) ;

10.      de détruire, de modifier de manière substantielle le long des cours d’eau la végétation des berges, les roseaux ou les plantes aquatiques, de pénétrer dans les roseaux ou les plantes aquatiques, ainsi que d’utiliser des produits chimiques pour éliminer ou combattre les roseaux ou pour le curage des fossés ; [...]

11.      de déposer des détritus, déchets et autres objets, pour autant qu’ils ne relèvent pas déjà des dispositions de la législation sur les déchets, dans des emplacements autres que ceux autorisés à cet effet, même s’il ne s’agit pas de remblai au sens de la législation sur la construction ;

12.      de camper, de stationner des caravanes (y compris des attelages pliants) ou des véhicules habitables motorisés en dehors des emplacements autorisés ou d’autoriser ces pratiques ;

13.      de faire décoller ou atterrir des aéronefs au sens du Luftverkehrsgesetz [(loi sur la navigation aérienne)] en dehors des aéroports autorisés.

(2)      L’autorisation est délivrée sans préjudice d’autres dispositions légales lorsque la mesure envisagée ne produit aucun des effets visés à l’article 4 ou que ces effets peuvent être compensés par des dispositions accessoires.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Le 10 avril 2013, l’arrondissement de Rosenheim a adopté le règlement Inntal Süd sans avoir procédé au préalable à une évaluation environnementale, conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, ou, à tout le moins, à une étude aux fins de déterminer si ce règlement était susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, en application de l’article 3, paragraphe 4, de cette directive.

19      Ce règlement a placé sous protection une zone d’environ 4 021 ha, soit environ 650 ha de moins que la zone concernée par les règlements antérieurs adoptés au cours des années 1952 et 1977 et que ledit règlement a abrogés, entièrement ou partiellement.

20      Bund Naturschutz, association de protection de l’environnement qui avait participé à la procédure d’élaboration du règlement Inntal Süd, a contesté ce règlement devant le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (tribunal administratif supérieur de Bavière, Allemagne), qui a rejeté sa demande comme étant irrecevable.

21      Le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) est appelé à statuer sur le pourvoi en Revision formé par Bund Naturschutz contre la décision rendue en première instance.

22      Selon la juridiction de renvoi, le pourvoi n’est recevable que si, en vertu de la directive 2001/42, il existait pour l’arrondissement de Rosenheim une obligation de procéder, préalablement à l’adoption du règlement Inntal Süd, à une évaluation environnementale, conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive ou, à tout le moins, à une étude aux fins de déterminer si ce règlement était susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, en application de l’article 3, paragraphe 4, de ladite directive. Dans une telle hypothèse, il y aurait également lieu d’accueillir le pourvoi sur le fond.

23      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi estime que le règlement Inntal Süd constitue un plan ou un programme, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42.

24      Cependant, elle nourrit des doutes, premièrement, sur le point de savoir si ce règlement doit être regardé comme définissant un cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir, au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive. Elle relève que, si ledit règlement prévoit des interdictions générales et des obligations d’autorisation pour un grand nombre de projets et d’usages, il ne contient pas de règles spécifiques concernant l’autorisation des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92, mais vise prioritairement à les empêcher ou, à tout le moins, à les aménager en considération de l’objectif de protection de la nature. Se poserait ainsi la question de savoir si, pour qu’un plan ou un programme relève du champ d’application de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, il est nécessaire qu’il présente une orientation vers ou un lien spécifique avec ces projets, ou s’il suffit qu’un plan ou un programme, notamment en raison de l’étendue de son champ d’application, couvre également, même fortuitement, lesdits projets, sans qu’il soit tenu compte de ces derniers en tant que tels ni que soit explicitement réglementée leur autorisation.

25      Deuxièmement, la juridiction de renvoi se pose la question de savoir si l’« élaboration » d’un plan ou d’un programme, au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, suppose une orientation ciblée vers l’un des secteurs mentionnés dans cette disposition ou s’il suffit que le plan ou le programme concerné ait concrètement des incidences sur certains de ces secteurs, tels que l’agriculture, la sylviculture ou l’affectation des sols, quand bien même il serait élaboré pour un secteur non couvert par ladite disposition, comme la protection de la nature et la préservation du paysage, ce qui serait le cas en l’occurrence.

26      Enfin, troisièmement, dans l’hypothèse où il conviendrait de considérer que l’arrondissement de Rosenheim n’était pas tenu, en application de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, de soumettre le règlement Inntal Süd à une évaluation environnementale, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’article 3, paragraphe 4, de cette directive suppose également, pour être applicable, l’existence d’un lien concret entre, d’une part, le plan ou le programme et, d’autre part, des projets. Dans l’affirmative, il serait nécessaire de clarifier le degré de caractère concret que doit revêtir ce lien.

27      C’est dans ces conditions que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive [2001/42] doit-il être interprété en ce sens qu’un cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive [2011/92] pourra être autorisée à l’avenir est défini lorsqu’un règlement aux fins de la protection de la nature et du paysage prévoit des interdictions générales avec possibilité d’exemption et des obligations d’autorisation qui n’ont pas de lien spécifique avec les projets mentionnés dans les annexes de la directive [2011/92] ?

2)      L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive [2001/42] doit-il être interprété en ce sens que les plans et programmes ont été élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de l’affectation des sols, etc., lorsqu’ils visent à définir un cadre de référence précisément pour un ou plusieurs de ces secteurs ? Ou suffit-il qu’ils prévoient, aux fins de la protection de la nature et du paysage, des interdictions générales et des obligations d’autorisation qui doivent être examinées dans le cadre de procédures d’autorisation portant sur un grand nombre de projets et d’usages et sont susceptibles d’avoir une incidence indirecte (“par répercussion”) sur un ou plusieurs de ces secteurs ?

3)      L’article 3, paragraphe 4, de la directive [2001/42] doit-il être interprété en ce sens qu’un cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir est défini, lorsqu’un règlement adopté aux fins de la protection de la nature et du paysage définit pour un grand nombre de projets et mesures dans la zone de protection, décrits de manière abstraite, des interdictions générales et des obligations d’autorisation, mais que des projets concrets ne sont ni prévisibles ni envisagés lors de l’adoption de ce règlement et qu’un lien spécifique avec des projets concrets fait donc défaut ? »

28      Le gouvernement allemand a, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé que la Cour siège en grande chambre.

 Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

29      À la suite de la lecture des conclusions de M. l’avocat général, Bund Naturschutz a, par acte déposé au greffe de la Cour le 13 octobre 2021, demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 83 du règlement de procédure de la Cour.

30      À l’appui de sa demande, Bund Naturschutz a indiqué, en substance, que les conclusions de M. l’avocat général font état d’un élément nouveau, à savoir la modification de la législation allemande postérieurement à l’audience de plaidoiries, élément qui serait pertinent pour la réponse que la Cour doit apporter à la demande de décision préjudicielle, notamment en ce qui concerne la question de savoir s’il convient de limiter ou non les effets dans le temps de l’arrêt à venir. À cet égard, Bund Naturschutz se réfère, notamment, aux points 120, 122, 129, 130 et 132 desdites conclusions.

31      En vertu de l’article 83 de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, l’avocat général entendu, ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée, ou lorsqu’une partie a soumis, après la clôture de cette phase, un fait nouveau de nature à exercer une influence décisive sur la décision de la Cour, ou encore lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties ou les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

32      En l’occurrence, la Cour considère, toutefois, l’avocat général entendu, qu’elle dispose, au terme de la procédure écrite et de l’audience qui s’est tenue devant elle, de tous les éléments nécessaires pour statuer et que les faits nouveaux invoqués par Bund Naturschutz ne sont pas de nature à pouvoir exercer une influence décisive sur la décision que la Cour est appelée à rendre. Elle relève, par ailleurs, que la présente affaire ne doit pas être tranchée sur la base d’arguments qui n’auraient pas été débattus entre les intéressés. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

33      Par ses questions, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur le point de savoir si une mesure nationale telle que le règlement Inntal Süd, qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation, figure au nombre des plans et des programmes, visés à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, pour lesquels une évaluation environnementale doit être effectuée, ou, à tout le moins, de ceux, visés à l’article 3, paragraphe 4, de cette directive, pour lesquels les États membres doivent déterminer s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

34      Toutefois, la prémisse sur laquelle ces questions préjudicielles sont fondées, à savoir qu’un tel règlement constitue un plan ou un programme, au sens de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, est contestée tant par l’arrondissement de Rosenheim que par la Landesanwaltschaft Bayern (ministère public du Land de Bavière, Allemagne), partie intervenante dans le litige au principal.

35      À cet égard, l’article 2, sous a), de la directive 2001/42 définit les « plans et programmes », au sens de cette directive, comme étant ceux qui satisfont aux deux conditions cumulatives qu’il énonce, à savoir, d’une part, avoir été élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local ou élaborés par une autorité en vue de leur adoption par le parlement ou par le gouvernement, au moyen d’une procédure législative (première condition), et, d’autre part, être exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives (seconde condition) [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 33].

36      En l’occurrence, la première condition est remplie dès lors que, selon les indications de la juridiction de renvoi, le règlement Inntal Süd a été adopté par l’arrondissement de Rosenheim qui constitue une autorité locale.

37      Quant à la seconde condition, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que doivent être regardés comme étant « exigés », au sens et pour l’application de la directive 2001/42, les plans et les programmes dont l’adoption est encadrée par des dispositions législatives ou réglementaires nationales, lesquelles déterminent les autorités compétentes pour les adopter ainsi que leur procédure d’élaboration (arrêts du 22 mars 2012, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑567/10, EU:C:2012:159, point 31 ; du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 43, ainsi que du 12 juin 2019, Terre wallonne, C‑321/18, EU:C:2019:484, point 34). Ainsi, eu égard à la finalité de cette disposition, qui consiste à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement, et afin d’en préserver l’effet utile, un plan ou un programme doit être considéré comme « exigé » dès lors qu’il existe dans le droit national une base juridique particulière autorisant les autorités compétentes à procéder à son adoption, même si cette adoption ne revêt pas un caractère obligatoire (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, points 38 à 40).

38      Si le ministère public du Land de Bavière conteste le bien-fondé de cette jurisprudence, il y a lieu de relever que celle-ci a été confirmée par la Cour dans l’arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C‑24/19, EU:C:2020:503, points 36 à 52), à l’issue d’un examen complet portant sur les termes, dans différentes versions linguistiques, de l’article 2, sous a), de la directive 2001/42, le contexte et la genèse de cette disposition, les objectifs de cette directive et les engagements internationaux de l’Union.

39      En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le règlement Inntal Süd a été adopté sur le fondement de l’article 20, paragraphe 2, point 4, et de l’article 26 du BNatSchG, en combinaison avec l’article 12, paragraphe 1, première phrase, et l’article 51, paragraphe 1, point 3, du BayNatSchG. La seconde condition, figurant à l’article 2, sous a), second tiret, de la directive 2001/42 apparaît donc également remplie.

40      L’arrondissement de Rosenheim et le ministère public du Land de Bavière font toutefois valoir que, en tout état de cause, un règlement tel que le règlement Inntal Süd ne constitue pas un « plan » ou un « programme », car des dispositions générales et abstraites énonçant des prescriptions générales pour un nombre indéterminé de situations ne sauraient relever du champ d’application de la directive 2001/42.

41      À cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler que le caractère général des actes en cause ne fait pas obstacle à ce que ces actes soient qualifiés de « plans et programmes », au sens de l’article 2, sous a), de cette directive. En effet, s’il ressort du libellé de cette disposition que la notion de « plans et programmes » peut recouvrir des actes normatifs adoptés par voie législative, réglementaire ou administrative, cette directive ne contient précisément pas de dispositions spécifiques relatives à des politiques ou à des réglementations générales qui nécessiteraient une délimitation par rapport aux plans et aux programmes, au sens de ladite directive. La circonstance qu’un acte national ait un certain niveau d’abstraction et poursuive un objectif de transformation d’une zone géographique constitue une illustration de sa dimension planificatrice ou programmatique et ne fait pas obstacle à son inclusion dans la notion de « plans et programmes » [arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 61 et jurisprudence citée].

 Sur les première et deuxième questions

42      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation relève du champ d’application de cette disposition.

43      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, aux termes de son article 1er, la directive 2001/42 a pour objet d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement et de contribuer à l’intégration de considérations environnementales dans l’élaboration et l’adoption de plans et de programmes en vue de promouvoir un développement durable en prévoyant que, conformément à cette directive, certains plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale.

44      D’autre part, compte tenu de la finalité de la directive 2001/42 consistant à garantir un tel niveau élevé de protection de l’environnement, les dispositions qui délimitent son champ d’application, et notamment celles énonçant les définitions des actes envisagés par celle-ci, doivent être interprétées d’une manière large (arrêt du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 36 et jurisprudence citée).

45      Par ailleurs, la Cour a itérativement jugé que la notion de « plans et programmes » inclut non seulement leur élaboration, mais également leur modification, visant ainsi à assurer que des prescriptions susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement fassent l’objet d’une évaluation environnementale (arrêt du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 71 et jurisprudence citée).

46      Dans ce contexte, il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/42 qu’une évaluation environnementale doit être effectuée pour les plans et les programmes visés à l’article 3, paragraphes 2 à 4, de cette directive, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

47      En vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ladite directive, une telle évaluation environnementale doit être effectuée de manière systématique pour tous les plans et les programmes qui satisfont à deux conditions cumulatives, à savoir être élaboré pour les secteurs visés par cette disposition (première condition) et définir le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir (seconde condition).

 Sur la première condition prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42

48      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, pour relever de cette disposition, les plans et les programmes doivent être élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme, de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols.

49      S’agissant de l’exigence selon laquelle les plans et les programmes doivent être « élaborés pour » les secteurs énumérés à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, la Cour a déjà jugé que cette exigence est remplie lorsque le plan ou le programme en cause « concerne » ou « traite de » l’un de ces secteurs [voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a., C‑290/15, EU:C:2016:816, point 44, ainsi que du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 66].

50      À cet égard, il convient de relever, plus particulièrement, que la circonstance que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 se réfère tant à l’« aménagement du territoire » qu’à l’« affectation des sols » indique clairement que le secteur « de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols » ne se limite pas à l’affectation du sol, entendue au sens strict, à savoir le découpage du territoire en zones et la définition des activités permises à l’intérieur de ces zones, mais que ce secteur couvre nécessairement un domaine plus large (arrêts du 7 juin 2018, Thybaut e.a., C‑160/17, EU:C:2018:401, point 48, ainsi que du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a., C‑671/16, EU:C:2018:403, point 43).

51      En outre, le fait que l’objectif principal d’un plan ou d’un programme est la protection de l’environnement, y compris la protection du paysage, n’exclut pas que celui-ci puisse également « concerner » ou « traiter de » l’un des secteurs énumérés à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ladite directive et, notamment, le secteur de l’aménagement du territoire ou de l’affectation des sols (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Dimos Kropias Attikis, C‑473/14, EU:C:2015:582, points 20 et 46).

52      Du reste, l’essence même des plans et des programmes élaborés en vue de la protection de l’environnement, en particulier des mesures de portée générale qui, comme le règlement Inntal Süd, poursuivent un tel objectif, est, en règle générale, précisément de réglementer les activités humaines ayant des incidences notables sur l’environnement, à savoir notamment celles relevant des secteurs énumérés à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 (voir, à titre d’exemple, arrêts du 17 juin 2010, Terre wallonne et Inter-Environnement Wallonie, C‑105/09 et C‑110/09, EU:C:2010:355, ainsi que du 28 février 2012, Inter-Environnement Wallonie et Terre wallonne, C‑41/11, EU:C:2012:103).

53      En l’occurrence, ainsi que l’a souligné, en substance, M. l’avocat général aux points 65 à 67 de ses conclusions, le règlement Inntal Süd comporte des règles qui concernent des activités relevant, notamment, des secteurs de l’agriculture (article 5, paragraphe 1, point 6), de la sylviculture (article 5, paragraphe 1, points 8 et 9), des transports (article 5, paragraphe 1, points 3 et 13), de la gestion de l’eau (article 5, paragraphe 1, point 4), ainsi que de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols (article 5, paragraphe 1, points 1 et 2).

54      Ainsi, la première condition posée à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 apparaît remplie, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur la seconde condition prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42

55      Il découle de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 que la seconde condition posée par cette disposition est remplie lorsque, d’une part, les plans ou les programmes en cause définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir et, d’autre part, ces projets sont au nombre de ceux énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92.

56      S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si un règlement tel que le règlement Inntal Süd vise des projets énumérés aux annexes I ou II de la directive 2011/92, il convient de relever que la notion de « projet », telle que définie à l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/92, ne saurait être considérée comme recouvrant certaines activités que ce règlement soumet à autorisation, telles que celles consistant à « stationner des véhicules destinés à la vente » [article 5, paragraphe 1, point 2, sous d)], à « poursuivre des espèces sauvages, [à] les capturer ou [à] les tuer » (article 5, paragraphe 1, point 7) ou à « faire décoller ou atterrir des aéronefs » (article 5, paragraphe 1, point 13). En effet, il ressort de la jurisprudence que cette notion correspond à des travaux ou à des interventions modifiant la réalité physique du site (arrêt du 9 septembre 2020, Friends of the Irish Environment, C‑254/19, EU:C:2020:680, point 32 et jurisprudence citée).

57      Toutefois, outre que l’article 4 du règlement Inntal Süd interdit, dans la zone de protection du paysage, « tous les actes qui modifient le caractère de la zone ou qui sont contraires à l’objectif de protection », l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement prévoit qu’une autorisation doit être obtenue, entre autres, pour construire ou modifier de manière substantielle des routes, voies, places, notamment des terrains de camping, de sport, de jeux et des lieux de baignade ou des installations similaires [point 2, sous c)], pour modifier des cours d’eau, leurs rives et lits mineurs, le flux et l’écoulement de l’eau ou le niveau de la nappe phréatique, instaurer de nouveaux cours d’eau ou installer des systèmes de drainage (point 4), ainsi que pour défricher, en tout ou partie, des peuplements forestiers, procéder à des premiers boisements ou à des déboisements de, respectivement, plus de 0,5 ha (point 9).

58      Or, de telles activités sont susceptibles de relever des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92, en particulier au point 7, sous b) et c), de l’annexe I, ainsi qu’au point 1, sous c) et d), au point 10, sous e) et f), et au point 12, sous d), de l’annexe II.

59      En outre, les activités consistant à construire, à modifier ou à changer l’usage d’ouvrages de toute nature, visées à l’article 5, paragraphe 1, du règlement Inntal Süd, sont susceptibles de relever de plusieurs des projets énumérés tant à l’annexe I qu’à l’annexe II de la directive 2011/92.

60      S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si un règlement tel que le règlement Inntal Süd définit le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée à l’avenir, il convient de rappeler que la notion de « plans et programmes » se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement [arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 67 ainsi que jurisprudence citée].

61      Une telle interprétation vise à assurer que des prescriptions susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement fassent l’objet d’une évaluation environnementale [arrêt du 25 juin 2020, A e.a. (Éoliennes à Aalter et à Nevele), C‑24/19, EU:C:2020:503, point 68 ainsi que jurisprudence citée].

62      L’exigence posée à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42, selon laquelle le plan ou le programme concerné doit définir le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92 pourra être autorisée à l’avenir, doit donc être considérée comme remplie lorsque ce plan ou ce programme établit un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs de ces projets, notamment en ce qui concerne la localisation, la nature, la taille et les conditions de fonctionnement de tels projets, ou l’allocation de ressources liée à ces projets.

63      En revanche, ladite exigence n’est pas remplie dans le cas d’un plan ou d’un programme qui, tout en visant des projets énumérés dans les annexes I et II de la directive 2011/92, ne prévoit pas de tels critères ou modalités.

64      En l’occurrence, il apparaît que l’article 5, paragraphe 1, du règlement Inntal Süd se borne à soumettre, dans la zone de protection définie à son article 1er, un certain nombre d’activités et de projets, en ce compris des projets de la nature de ceux énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92, à une obligation d’autorisation.

65      Certes, cette disposition définit, pour certains de ces projets, la taille au-delà de laquelle la mise en œuvre de ceux-ci nécessite une autorisation préalable. Cependant, même dans de tels cas, ladite disposition ne prévoit pas des critères ou des modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre desdits projets.

66      Quant à l’article 5, paragraphe 2, du règlement Inntal Süd, il ressort de son propre libellé qu’il subordonne la délivrance d’une autorisation, « sans préjudice d’autres dispositions légales », à une seule condition d’ordre général, à savoir que « la mesure envisagée ne produi[se] aucun des effets visés à l’article 4 ou que ces effets p[uissent] être compensés par des dispositions accessoires ».

67      Il convient d’ajouter à cet égard qu’il est constant que, d’une part, l’interdiction, prévue à l’article 4 du règlement Inntal Süd, de « tous les actes qui modifient le caractère de la zone [de protection du paysage] ou qui sont contraires à l’objectif de protection [visé à l’article 3 de ce règlement] » correspond en substance à ce qui est déjà prévu à l’article 26, paragraphe 2, du BNatSchG.

68      D’autre part, il n’est pas contesté que l’article 3 du règlement Inntal Süd énonce cet objectif de protection en des termes généraux sans prévoir de critères ou de modalités précis au respect desquels serait subordonnée l’autorisation de mettre en œuvre les différents projets visés à l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement.

69      Par conséquent, s’il est vrai que l’adoption du règlement Inntal Süd est susceptible d’exercer une certaine influence sur la localisation des projets, en la rendant plus difficile à l’intérieur de la zone de protection définie à son article 1er et, en revanche, plus aisée à l’extérieur de cette zone, y compris sur les terrains qui étaient inclus dans la zone de protection définie avant l’adoption dudit règlement, il apparaît que ce règlement n’établit pas un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets énumérés aux annexes I et II de la directive 2011/92, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

70      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation sans prévoir des règles suffisamment détaillées en ce qui concerne le contenu, l’élaboration et la mise en œuvre de projets mentionnés aux annexes I et II de la directive 2011/92 ne relève pas du champ d’application de cette disposition.

 Sur la troisième question

71      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation relève du champ d’application de cette disposition.

72      Aux termes de ladite disposition, pour les plans et les programmes, autres que ceux visés à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2001/42, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir, les États membres déterminent s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

73      L’obligation prévue à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2001/42 dépend donc d’une condition qui correspond à la seconde condition posée à l’article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, à savoir que le plan ou le programme en cause doit définir le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2019, CFE, C‑43/18, EU:C:2019:483, point 60).

74      Ainsi, eu égard aux considérations relatives à cette condition figurant aux points 60 à 69 du présent arrêt, il convient de répondre à la troisième question que l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales ainsi que des obligations d’autorisation sans prévoir des règles suffisamment détaillées en ce qui concerne le contenu, l’élaboration et la mise en œuvre de projets ne relève pas du champ d’application de cette disposition.

 Sur les dépens

75      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation sans prévoir des règles suffisamment détaillées en ce qui concerne le contenu, l’élaboration et la mise en œuvre de projets mentionnés aux annexes I et II de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, ne relève pas du champ d’application de cette disposition.

2)      L’article 3, paragraphe 4, de la directive 2001/42 doit être interprété en ce sens qu’une mesure nationale qui vise à protéger la nature et le paysage et énonce à cette fin des interdictions générales et des obligations d’autorisation sans prévoir des règles suffisamment détaillées en ce qui concerne le contenu, l’élaboration et la mise en œuvre de projets ne relève pas du champ d’application de cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.