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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er juin 2022 (*) 

« Recours en annulation – Politique économique et monétaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular Español – Absence de valorisation définitive ex post de Banco Popular Español – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑512/19,

Antonio Del Valle Ruíz, demeurant à Mexico (Mexique), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me B. Fernández García, avocate,

parties requérantes,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme J. King et M. E. Muratori, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, C. Schwedler, P. Gey, V. Del Pozo Espinosa De Los Monteros, G. Barthet et J. Krämer, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. G. De Baere (rapporteur), président, K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, M. Antonio Del Valle Ruíz et les autres personnes physiques ou morales dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation de la « décision du Conseil de résolution unique (CRU) de ne pas effectuer une valorisation définitive ex post de Banco Popular Español, SA (ci-après « Banco Popular »), communiquée aux requérants par lettre du 20 mai 2019 ».

 Antécédents du litige

2        Les requérants détenaient des actions ou des instruments de fonds propres de Banco Popular avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière sur le fondement du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

3        Le 7 juin 2017, le CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08, concernant un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »).

4        Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, il a été procédé à la valorisation de Banco Popular, en application de l’article 20 du règlement no 806/2014. À cet effet, deux rapports de valorisation ont été réalisés.

5        Le 5 juin 2017, le CRU a rédigé une première valorisation, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, étaient remplies.

6        Le 6 juin 2017, Deloitte a remis au CRU une seconde valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et les créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer ce qui constitue des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

7        À l’article 5.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé ce qui suit :

« L’instrument de résolution appliqué à Banco Popular consistera en une cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur. La dépréciation et la conversion des instruments de fonds propres seront effectuées immédiatement avant l’application de l’instrument de cession des activités. »

8        L’article 6 du dispositif de résolution concerne la dépréciation des instruments de fonds propres et l’instrument de cession des activités. À l’article 6.1 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué les mesures qu’il avait adoptées en application de son pouvoir de dépréciation prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014.

9        Ainsi, à l’article 6.1 du dispositif de résolution, le CRU a décidé :

–        d’abord, de déprécier le montant nominal du capital social de Banco Popular d’un montant de 2 098 429 046 euros, ce qui conduisait à l’annulation de 100 % des actions de Banco Popular ;

–        ensuite, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision relative au dispositif de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions I » ;

–        ensuite, de déprécier à zéro la valeur nominale des « nouvelles actions I » ce qui conduisait à l’annulation de 100 % de ces « nouvelles actions I » ;

–        enfin, de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular et en circulation à la date de la décision de résolution en des actions nouvellement émises de Banco Popular, les « nouvelles actions II ».

10      À l’article 6.5 du dispositif de résolution, le CRU a indiqué qu’il exerçait les pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 24, paragraphe 1, sous a), du règlement no 806/2014, relatif à l’instrument de cession des activités et qu’il ordonnait que les « nouvelles actions II » soient transférées à Banco Santander, SA, libres et quittes de tout droit ou privilège d’un tiers, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Il était précisé que l’acquéreur avait déjà consenti au transfert.

11      Le 7 juin 2017, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p. 15).

12      Le même jour, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne) a adopté les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le dispositif de résolution, conformément à l’article 29 du règlement no 806/2014. Dans ce cadre, le FROB a donné son accord au transfert des nouvelles actions de Banco Popular issues de la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 à Banco Santander.

13      Le 4 août 2017, M. Del Valle Ruíz ainsi que la plupart des autres personnes physiques ou morales dont les noms figurent en annexe ont introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation du dispositif de résolution. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro T‑510/17.

14      Le 14 juin 2018, Deloitte a transmis au CRU le rapport sur la valorisation relative à la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »).

15      Le 6 août 2018, le CRU a publié, sur son site Internet, son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers qui ont fait l’objet des mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure du droit d’être entendu (SRB/EES/2018/132) (ci-après la « décision préliminaire »), ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).

16      Le 28 septembre 2018, à la suite d’une fusion par absorption, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular.

17      Le 16 octobre 2018, le CRU a publié sur son site Internet une lettre qu’il avait adressée à Deloitte le 2 août 2018, dans laquelle il indiquait ce qui suit :

« Après un examen attentif du cadre légal, le CRU considère, au regard des circonstances de la résolution de Banco Popular, qu’il n’est pas nécessaire de préparer une valorisation définitive ex post visée à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, notamment dans la mesure où la réalisation d’une telle valorisation ne saurait avoir d’effet sur la cession de Banco Popular à Banco Santander, laquelle a déterminé le prix du marché de Banco Popular en tant qu’entité dans le cadre d’une procédure ouverte, juste et transparente. »

18      Le 6 novembre 2018, le CRU a invité les actionnaires et créanciers affectés à lui soumettre leurs commentaires sur la décision préliminaire et sur la version non confidentielle de la valorisation 3.

19      Par lettre du 22 mars 2019, les requérants ont demandé au CRU de procéder à une valorisation définitive ex post prévue à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014. Dans cette lettre, les requérants ont mentionné un article de la presse espagnole faisant état d’une lettre du CRU adressée à Deloitte affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’élaborer une valorisation définitive ex post prévue à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014. Ils ont fait valoir que, en application de cette disposition, la réalisation d’une valorisation définitive ex post était obligatoire et qu’elle était indispensable à la défense de leurs intérêts, dans la mesure où la résolution de Banco Popular avait été décidée sur la base d’une valorisation provisoire incomplète, en violation de leurs droits de la défense. Les requérants ont demandé au CRU de préparer et de publier la valorisation définitive ex post conformément à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014.

20      Par lettre du 20 mai 2019 (ci-après la « lettre attaquée »), le CRU a répondu à la lettre des requérants. Le CRU a indiqué qu’il avait publié sur son site Internet, le 16 octobre 2018, la lettre du 2 août 2018 adressée à Deloitte et a reproduit le contenu de cette lettre, cité au point 17 ci-dessus. Le CRU a également indiqué que la vente des actions selon un processus de vente légal et concurrentiel fournissait un aperçu réel de la valeur de marché de Banco Popular au moment de l’adoption du dispositif de résolution et que le prix atteint à l’issue du processus de commercialisation constituait une illustration pertinente des conditions de marché à ce moment et un véritable indicateur de la valeur économique réelle de Banco Popular, compte tenu de son état de danger et de l’extrême urgence de la situation à l’époque. Il a estimé qu’une valorisation définitive ex post n’apporterait aucune valeur ajoutée dans ce contexte.

21      Le CRU a également expliqué qu’une valorisation définitive ex post ne pouvait conduire à une décision d’indemnisation au titre de l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014. Cette disposition lui permettrait de demander à une autorité de résolution nationale de relever la valeur des créances lorsque l’instrument de renflouement interne a été utilisé [article 20, paragraphe 12, sous a), dudit règlement] ou de donner instruction à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs de verser une contrepartie supplémentaire [article 20, paragraphe 12, sous b), dudit règlement]. Il a considéré que cette disposition ne permettait pas une modification du prix dans le cas où l’instrument de cession des activités a été appliqué à un transfert d’actions à une autre banque. Il a également mentionné que les requérants avaient déjà reçu des informations détaillées à cet égard dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal dans l’affaire T‑510/17.

 Conclusions des parties

22      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre attaquée ;

–        ordonner au CRU de procéder à une valorisation définitive ex post ;

–        condamner le CRU aux dépens.

23      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

24      Aux termes de l’article 126 de son règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

25      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

26      Les requérants font valoir qu’ils ont qualité pour agir en tant que personnes physiques ou morales détentrices de titres de propriété de Banco Popular qui ont été annulés par le dispositif de résolution. Ils soutiennent qu’ils sont concernés par le refus du CRU de procéder à une valorisation définitive ex post, au titre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, qui aurait pu déterminer une compensation en leur faveur.

27      Le CRU fait valoir que le recours est irrecevable aux motifs, premièrement, que la lettre attaquée ne produit pas d’effets juridiques contraignants et ne constitue donc pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, deuxièmement, que, en toute hypothèse, les requérants ne sont pas directement et individuellement concernés par le contenu de la lettre attaquée et, troisièmement, que les requérants n’ont pas démontré avoir un intérêt à agir.

28      Selon la jurisprudence, lorsque, comme dans la présente affaire, un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de manière caractérisée la situation juridique de celle-ci, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE [arrêt du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 87].

29      Il convient donc d’examiner si la situation juridique des requérants est affectée par la « décision du CRU de ne pas effectuer une valorisation définitive ex post de Banco Popular » qui leur a été communiquée par la lettre attaquée.

30      Il y a lieu de relever que des personnes morales, actionnaires et titulaires d’instruments de fonds propres de Banco Popular avant la résolution de cette dernière, ont introduit, respectivement le 5 octobre 2018 et le 4 janvier 2019, deux recours devant le Tribunal, enregistrés sous les numéros T‑599/18 et T‑2/19, visant également à l’annulation de la « décision du CRU de ne pas effectuer une valorisation définitive ex post de Banco Popular » qui leur avait été communiquée par lettre du CRU.

31      Ces recours ont été rejetés comme irrecevables par les ordonnances du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, EU:T:2019:740), et du 10 octobre 2019, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (T‑2/19, non publiée, EU:T:2019:741).

32      Par arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042), la Cour a rejeté les pourvois introduits à l’encontre, respectivement, de l’ordonnance du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, EU:T:2019:740), et de l’ordonnance du 10 octobre 2019, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (T‑2/19, non publiée, EU:T:2019:741).

33      Dans leurs observations à la suite des arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042), les requérants ont considéré que ces arrêts de la Cour confirmaient l’existence d’« une activité attaquable » du CRU en ce qu’il avait refusé d’adopter une valorisation définitive ex post et que le Tribunal devait statuer au fond.

34      Dans ses observations à la suite des arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042), le CRU a relevé que le présent recours avait le même objet que dans ces deux affaires et que les arrêts de la Cour devaient être pris en considération pour conclure à l’irrecevabilité de la demande des requérants.

35      D’une part, il convient de relever que la situation des requérants est identique à celle des parties requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, EU:T:2019:740), et du 10 octobre 2019, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (T‑2/19, non publiée, EU:T:2019:741), ainsi qu’aux arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042). En effet, les requérants sont d’anciens actionnaires ou titulaires d’instruments de fonds propres de Banco Popular dont les titres ont été dépréciés dans le cadre de la résolution de cette dernière.

36      D’autre part, le présent recours a également le même objet que celui de ces affaires. En effet, le recours vise à l’annulation de la « décision du CRU de ne pas procéder à une valorisation définitive ex post de Banco Popular » au titre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014, qui a été communiquée aux requérants par une lettre du CRU, à savoir la lettre attaquée.

37      Dès lors, la solution retenue par le Tribunal dans les ordonnances du 10 octobre 2019, Aeris Invest/CRU (T‑599/18, non publiée, EU:T:2019:740), et du 10 octobre 2019, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (T‑2/19, non publiée, EU:T:2019:741), et confirmée par la Cour dans les arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042), est applicable au présent recours.

38      Il convient de relever que, selon l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 :

« Une valorisation qui ne respecte pas toutes les exigences fixées au[x] paragraphe[s] 1 et 4 à 9 est considérée comme provisoire jusqu’à ce qu’une personne indépendante visée au paragraphe 1 ait effectué une valorisation respectant pleinement lesdites exigences. Cette valorisation définitive ex post est effectuée dans les meilleurs délais. Elle peut être réalisée soit indépendamment de la valorisation visée aux paragraphes 16, 17 et 18, soit en même temps que ladite valorisation et par la même personne indépendante, mais tout en restant distincte.

La valorisation définitive ex post vise les objectifs suivants :

a)       faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte dans la comptabilité de l’entité concernée ;

b)      fournir les éléments permettant de décider sur la reprise des créances ou l’augmentation de la valeur de la contrepartie versée, conformément au paragraphe 12 du présent article. »

39      L’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 :

« Au cas où l’estimation de la valeur de l’actif net d’une entité visée à l’article 2 telle qu’elle résulte de la valorisation définitive ex post est supérieure à l’estimation résultant de la valorisation provisoire de l’actif net de ladite entité, le CRU peut exiger que l’autorité de résolution nationale :

a)      exerce son pouvoir de relever la valeur des créances des créanciers ou des propriétaires d’instruments de fonds propres pertinents qui ont été dépréciées en application de l’instrument de renflouement interne ;

b)      donne instruction à un établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs de verser une contrepartie supplémentaire à un établissement soumis à une procédure de résolution en ce qui concerne les actifs, droits ou engagements, ou, s’il y a lieu, aux propriétaires des titres de propriété pour ce qui concerne lesdits titres de propriété. »

40      En l’espèce, dans la lettre attaquée, le CRU a indiqué aux requérants que, par lettre du 2 août 2018, il avait informé Deloitte qu’une valorisation définitive ex post au titre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 n’était pas nécessaire dans la mesure où, notamment, cette valorisation n’aurait pas d’impact sur la vente de Banco Popular à Banco Santander, laquelle avait déterminé le prix du marché de Banco Popular.

41      Le CRU a expliqué que le processus de vente concurrentielle de Banco Popular avait déterminé le prix de marché de cette dernière à la date de la résolution et qu’une valorisation définitive ex post n’aurait aucune valeur ajoutée à cet égard. Il a également indiqué qu’une valorisation définitive ex post ne pouvait pas conduire à une décision de compensation au titre de l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014, dans la mesure où cette disposition ne permettait pas une modification du prix dans le cas où l’instrument de cession des activités était utilisé.

42      Il convient de rappeler que, face à la détérioration rapide de la situation financière de Banco Popular et, notamment, à l’insuffisance de ses liquidités, le CRU a décidé que l’instrument de résolution approprié serait non pas le renflouement interne, qui s’avérait selon lui insuffisant, mais l’instrument de cession des activités, tel que prévu à l’article 24 du règlement no 806/2014. Tout en recourant à cet instrument de résolution, le CRU a fait usage de son pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres pertinents prévu à l’article 21 du règlement no 806/2014 [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 66, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 76].

43      Comme dans les arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU (C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 77), et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU (C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 88), il y a lieu de relever que la réponse apportée par le CRU aux requérants concernant les raisons pour lesquelles il n’entendait pas faire établir une valorisation définitive ex post en l’espèce est fondée sur les finalités d’une telle valorisation.

44      Selon la Cour, s’il est exact, comme les requérants le soutiennent, que la rédaction de l’article 20, paragraphe 11, in limine, du règlement no 806/2014 apparaît rendre indispensable la réalisation d’une valorisation définitive ex post lorsque le CRU ne dispose que d’une valorisation provisoire, notamment en raison de l’emploi du présent de l’indicatif dans l’expression « est effectuée », lequel revêt d’ordinaire valeur impérative, et de la mention des termes « dans les meilleurs délais », il n’en demeure pas moins que le Tribunal était fondé à souligner l’absence d’impact de l’omission de la réalisation d’un tel rapport sur la situation juridique des parties requérantes, notamment au regard des deux objectifs de la valorisation définitive ex post, tels qu’énoncés à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 78, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 89].

45      À cet égard, la Cour a estimé que la raison d’être de l’article 20, paragraphe 11, du règlement n806/2014, exprimée au second alinéa de cette disposition, ressortait de ses deux objectifs spécifiques, à savoir « faire en sorte que toute perte subie sur les actifs d’une entité visée à l’article 2 soit pleinement prise en compte dans la comptabilité de l’entité concernée » et « fournir les éléments permettant de décider sur la reprise des créances ou l’augmentation de la valeur de la contrepartie versée, conformément au paragraphe 12 [de l’article 20 de ce règlement] ». Même si le libellé de ce second objectif comporte une description assez large des conditions devant conduire à établir une valorisation définitive ex post, il importe de constater que celui-ci renvoie expressément à l’article 20, paragraphe 12, dudit règlement, dont il découle qu’il ne s’applique qu’à des situations spécifiques, à savoir celles dans lesquelles le CRU a eu recours à l’instrument de renflouement interne, à celui de l’établissement-relais ou à une structure de gestion des actifs [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 79, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 90].

46      Compte tenu des particularités de la présente affaire, l’établissement d’un deuxième rapport de valorisation définitif ex post, même à le supposer obligatoire, n’aurait, de toute manière, répondu à aucune de ces deux finalités. Ainsi, les requérants n’ont pas soutenu que l’objectif mentionné à l’article 20, paragraphe 11, second alinéa, sous a), du règlement n806/2014 s’appliquerait en l’espèce. L’objectif mentionné à l’article 20, paragraphe 11, second alinéa, sous b), de ce règlement ne s’applique pas non plus, dans la mesure où l’instrument de résolution qui a été adopté à l’égard de Banco Popular est l’instrument de cession des activités prévu à l’article 24 du règlement no 806/2014 [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 80, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 91].

47      Or, comme l’a relevé la Cour, l’application de cet instrument de cession des activités ne fait pas partie des cas visés à l’article 20, paragraphe 12, du règlement no 806/2014 dans lesquels une compensation peut être versée à la suite d’une valorisation définitive ex post [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 81, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 92].

48      Enfin, dans un cas comme celui de l’espèce, où la valorisation 2 est suivie de l’utilisation de l’instrument de cession des activités, le résultat mentionné dans ce rapport est, de toute manière, soit corroboré, soit infirmé par le prix de vente obtenu au terme d’une procédure d’appel d’offres légalement menée. Le juste prix correspond donc, tout simplement, au prix effectif du marché, tel qu’il a été constaté. L’instrument de cession des activités cristallise ainsi, de facto, tout débat sur la valeur économique potentielle des actifs de l’établissement transféré. Par suite, à tout le moins dans les circonstances de l’espèce, une valorisation définitive ex post n’aurait pu que constater cette valeur de marché, de sorte que son effet à l’égard des requérants se serait avéré nul [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 82, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 93].

49      Dès lors, il y a lieu de considérer qu’une valorisation définitive ex post serait demeurée, dans les circonstances de l’espèce, sans conséquence sur la situation juridique des requérants, de sorte que la lettre attaquée, leur indiquant les raisons pour lesquelles le CRU n’entendait pas procéder à une telle valorisation, ne produisait pas non plus d’effets juridiques de nature à affecter leur situation [voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 86].

50      Partant, le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CRU.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Antonio Del Valle Ruíz et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 1er juin 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. De Baere


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.