Language of document : ECLI:EU:C:2022:683

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 septembre 2022 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 28 octobre 2022]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2004/38/CE – Droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) – Notion d’“autre membre de la famille faisant partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal” – Critères d’appréciation »

Dans l’affaire C‑22/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), par décision du 13 janvier 2021, parvenue à la Cour le 14 janvier 2021, dans la procédure

SRS,

AA

contre

Minister for Justice and Equality,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. N. Jääskinen, M. Safjan, N. Piçarra (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour SRS et AA, par Mme K. Berkeley, solicitor, Mme M. Flynn, JC, et M. C. O’Dwyer, SC,

–        [Tel que rectifié par ordonnance du 28 octobre 2022] pour le Minister for Justice and Equality, par Mme M. Browne, M. A. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de Mme D. Brett, M. D. Conlan Smyth, SC, et de M. T. O’Connor, BL,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par M. J. Nymann‑Lindegren et Mme M. Søndahl Wolff, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. M. Hoogveld, en qualité d’agents,

–        pour le Royaume de Norvège, par Mmes J. T. Kaasin et H. Ruus, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti et M. J. Tomkin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SRS et AA au Minister for Justice and Equality (ministre de la Justice et de l’Égalité, Irlande) au sujet de la légalité d’une décision de refus de titre de séjour.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le considérant 6 de la directive 2004/38 énonce :

« En vue de maintenir l’unité de la famille au sens large du terme et sans préjudice de l’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité, la situation des personnes qui ne sont pas englobées dans la définition des membres de la famille au titre de la présente directive et qui ne bénéficient donc pas d’un droit automatique d’entrée et de séjour dans l’État membre d’accueil devrait être examinée par ce dernier sur la base de sa législation nationale, afin de décider si le droit d’entrée ou de séjour ne pourrait pas être accordé à ces personnes, compte tenu de leur lien avec le citoyen de l’Union et d’autres circonstances telles que leur dépendance pécuniaire ou physique envers ce citoyen. »

4        L’article 2, point 2, de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2)      “membre de la famille” :

a)      le conjoint ;

b)      le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d’un État membre, si, conformément à la législation de l’État membre d’accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l’État membre d’accueil ;

c)      les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ;

d)      les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ».

5        L’article 3 de ladite directive, intitulé « Bénéficiaires », prévoit :

« 1.      La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent.

2.      Sans préjudice d’un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l’intéressé, l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour des personnes suivantes :

a)      tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant à l’article 2, point 2), si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal, ou lorsque, pour des raisons de santé graves, le citoyen de l’Union doit impérativement et personnellement s’occuper du membre de la famille concerné ;

b)      le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée.

L’État membre d’accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d’entrée ou de séjour visant ces personnes. »

 Le droit irlandais

6        La directive 2004/38 a été transposée dans l’ordre juridique irlandais par l’European Communities (Free Movement of Persons) (No. 2) Regulations 2006 [règlement relatif aux Communautés européennes (libre circulation des personnes) (no 2) de 2006] (ci-après le « règlement de 2006 »).

7        L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, qui transpose l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 dans cet ordre juridique, est libellé comme suit :

« [...]

“membre de la famille autorisé”, à l’égard d’un citoyen de l’Union, tout membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas un membre reconnu de la famille du citoyen de l’Union et qui, dans son pays d’origine, dans le pays où il réside habituellement ou dans celui où il résidait antérieurement

a)      est à la charge du citoyen de l’Union,

b)      fait partie du ménage du citoyen de l’Union,

c)      pour des raisons de santé graves, nécessite impérativement que le citoyen de l’Union s’occupe personnellement de lui, ou

d)      est le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        SRS et AA, nés au Pakistan, respectivement, en 1978 et en 1986, sont des cousins germains. SRS a déménagé au Royaume‑Uni avec sa famille au cours de l’année 1997 et a acquis la nationalité britannique en 2013. AA s’est rendu au Royaume-Uni en 2010, afin d’y poursuivre ses études universitaires, débutées au Pakistan. Il a disposé, à ce titre, d’un visa d’étudiant d’une durée de quatre ans, qui ne lui permettait pas de travailler, et a emménagé dans le logement où résidait SRS.

9        SRS et AA ont ainsi vécu ensemble, notamment, avec les parents de SRS, jusqu’au départ de ce dernier en Irlande, au mois de janvier 2015. AA, dont le visa d’étudiant a expiré le 28 décembre 2014, a rejoint SRS en Irlande, le 5 mars 2015, sans disposer d’un visa. Tous deux vivent dans le même logement depuis cette dernière date.

10      Le 24 juin 2015, AA a introduit une demande de titre de séjour auprès du ministre de la Justice et de l’Égalité, en faisant valoir, d’une part, sa dépendance financière envers SRS et, d’autre part, son statut de membre de la famille faisant partie du ménage de SRS. Cette demande a été rejetée par une décision du 21 décembre 2015, au motif, notamment, que seule la période postérieure à la naturalisation de SRS, au mois de février 2013, pouvait être prise en considération, si bien qu’il devait être considéré que SRS et AA avaient résidé ensemble durant une période inférieure à deux ans.

11      Au mois de janvier 2016, après avoir versé au dossier d’autres documents visant à prouver qu’il était à la charge de SRS entre le mois de juillet 2010 et celui de janvier 2015, AA a sollicité le réexamen de cette décision. Le 15 août 2016, le ministre de la Justice et de l’Égalité a confirmé ladite décision au motif que, si SRS et AA avaient résidé à la même adresse, il n’avait toutefois pas été établi que SRS « était effectivement le chef de ce ménage au Royaume-Uni ».

12      SRS et AA ont alors introduit devant la High Court (Haute Cour, Irlande) un recours en annulation contre la décision du 15 août 2016. Ils ont fait valoir que le critère de « chef du ménage » n’était pas clair et qu’ils ne disposaient d’aucune indication quant à la manière de s’y conformer. Par un jugement du 25 juillet 2018, cette juridiction a rejeté ce recours en considérant que, pour pouvoir être qualifié d’« autre membre de la famille faisant partie du ménage d’un citoyen de l’Union », au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, il devait être démontré que ce citoyen était le « chef de ménage » dans son État d’origine.

13      SRS et AA ont interjeté appel de ce jugement devant la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande) en soutenant, notamment, que la High Court (Haute Cour) a interprété de façon restrictive la notion d’« autre membre de la famille faisant partie du ménage du citoyen de l’Union » et qu’elle n’a pas tenu compte des autres versions linguistiques de la directive 2004/38. Par une décision du 19 décembre 2019, la Court of Appeal (Cour d’appel) a rejeté cet appel. Elle a jugé que des personnes vivant sous le même toit ne font pas nécessairement partie du même ménage et que, pour pouvoir être considérées comme étant des membres de la famille faisant partie du ménage d’un citoyen de l’Union, ces personnes doivent faire partie intégrante de la cellule familiale de ce citoyen et le rester dans un avenir prévisible, en résidant sous le même toit dans l’État membre d’accueil non seulement pour des raisons de convenance, mais également en raison d’un attachement affectif.

14      SRS et AA ont été autorisés à former un pourvoi devant la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), la juridiction de renvoi. Le 20 juillet 2020, cette juridiction a circonscrit ce pourvoi à l’interprétation de la notion d’« autre membre de la famille faisant partie du ménage du citoyen de l’Union », au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38.

15      Tout en relevant certaines différences selon les versions linguistiques de la directive 2004/38, ladite juridiction observe que, afin d’appréhender cette notion, l’expression « chef du ménage », bien que désuète, peut être utile. Elle propose également une série de critères afin d’aboutir à une interprétation uniforme de ladite notion, parmi lesquels figurent la durée et la finalité du ménage. Elle ajoute que, compte tenu de l’objectif poursuivi par cette directive, à savoir faciliter la circulation des citoyens de l’Union, il conviendrait encore de déterminer si le citoyen de l’Union serait dissuadé de se déplacer dans un autre État membre si l’autre membre de sa famille concerné, au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de ladite directive, n’était pas en mesure de l’accompagner.

16      C’est dans ces conditions que la Supreme Court (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La notion de “personne faisant partie du ménage d’un citoyen de l’Union”, au sens de l’article 3[, paragraphe 2, premier alinéa, sous a),] de la directive [2004/38], peut‑elle être définie de sorte à être universellement applicable dans toute l’Union [européenne] et, dans l’affirmative, quelle est cette définition ?

2)      Si cette notion ne peut être définie, selon quels critères les juges doivent-ils apprécier les éléments de preuve, de sorte que les juridictions nationales puissent décider, selon une liste déterminée de facteurs, qui fait partie ou non du ménage d’un citoyen de l’Union aux fins de la libre circulation ? »

 Sur les questions préjudicielles

17      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour d’interpréter la notion de « tout autre membre de la famille qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal », visée à l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, de façon à préciser les critères qui doivent être pris en considération à cette fin.

18      À titre liminaire, il importe de relever que, si l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2004/38 fait référence à la législation nationale, cette référence, comme le relève la Commission européenne dans ses observations écrites, concerne non pas la définition des personnes visées à cette disposition, mais les conditions dans lesquelles l’État membre d’accueil doit favoriser l’entrée et le séjour de ces personnes.

19      Dès lors que ladite disposition ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres afin de définir la notion de « tout autre membre de la famille qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union », il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que la même disposition doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme, en tenant compte non seulement du sens habituel de ses termes, mais également du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, Ziolkowski et Szeja, C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 32, du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne), C‑129/18, EU:C:2019:248, point 50, ainsi que du 24 février 2022, A e.a. (Contrats d’assurance « unit-linked »), C‑143/20 et C‑213/20, EU:C:2022:118, point 68].

20      S’agissant de l’interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, il convient, d’emblée, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. La nécessité d’une interprétation et d’une application uniformes de chaque disposition du droit de l’Union exclut que celle-ci soit considérée isolément dans l’une de ses versions linguistiques, mais exige qu’elle soit interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, EU:C:1977:172, point 14, et du 25 février 2021, Bartosch Airport Supply Services, C‑772/19, EU:C:2021:141, point 26).

21      En l’occurrence, si les termes employés dans certaines versions linguistiques de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, à l’instar des versions en langues espagnole (« viva con »), italienne (« convive ») ou néerlandaise (« inwonen »), peuvent être interprétés comme faisant référence à une simple cohabitation sous un même toit, les termes employés dans d’autres versions linguistiques de cette disposition désignent la vie domestique et l’ensemble des activités et des affaires liées à une communauté de vie familiale au sein d’un même foyer, ce qui induit davantage que le simple partage d’un logement ou qu’une simple cohabitation temporaire pour des raisons de pure convenance. Tel est notamment le cas des versions en langues tchèque (« domácnost »), allemande (« häusliche Gemeinschaft »), estonienne (« leibkond »), anglaise (« household »), ou française (« ménage »), hongroise (« háztartás »), portugaise (« comunhão de habitação »), slovaque (« domácnosť ») et finnoise (« samassa taloudessa ») de ladite disposition.

22      En outre, il convient de relever que rien dans le libellé de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38 ne permet de considérer que, afin d’interpréter cette disposition, il y ait lieu de recourir à la notion de « chef du ménage ». En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a précisé au point 34 de ses conclusions, cela reviendrait à imposer, en pratique, un critère supplémentaire non prévu par le libellé de ladite disposition.

23      L’interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, selon laquelle, pour que l’« autre membre de la famille » puisse relever de cette disposition, il doit avoir un lien avec le citoyen de l’Union concerné impliquant davantage qu’une simple cohabitation pour des raisons de pure convenance, est corroborée par le contexte dans lequel s’inscrit ladite disposition. En effet, les deux autres hypothèses visées à la même disposition, lues à la lumière du considérant 6 de cette directive, font référence à une situation de dépendance de l’« autre membre de la famille » envers le citoyen de l’Union. La première, à savoir celle dans laquelle cet autre membre de la famille est à la charge du citoyen de l’Union, concerne une situation de dépendance pécuniaire. La seconde, celle dans laquelle le citoyen de l’Union doit, pour des raisons de santé graves, impérativement et personnellement s’occuper de l’« autre membre de la famille » concerné, fait explicitement référence à une situation de dépendance physique. Dans ce contexte, l’hypothèse en cause au principal, à savoir celle où l’autre membre de la famille fait partie du ménage du citoyen de l’Union, doit être appréhendée comme visant également une situation de dépendance fondée, cette fois-ci, sur l’existence d’un lien personnel étroit et stable entre ces deux personnes.

24      Une telle interprétation est, en outre, corroborée par l’objectif poursuivi par l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, lu à la lumière de son considérant 6, lequel précise que cette directive a pour but de « maintenir l’unité de la famille au sens large du terme », en favorisant l’entrée et le séjour des personnes qui, bien qu’elles ne relèvent pas de l’une des catégories de « membre de la famille » d’un citoyen de l’Union, définies à l’article 2, point 2, de ladite directive, entretiennent néanmoins avec ce citoyen des liens familiaux étroits et stables en raison de circonstances factuelles spécifiques [voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C‑83/11, EU:C:2012:519, point 32, ainsi que du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne), C‑129/18, EU:C:2019:248, point 60].

25      À la différence des membres de la famille du citoyen de l’Union définis à l’article 2, point 2, de la directive 2004/38, les « autres membres de la famille » de ce citoyen, au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de cette directive, bénéficient non pas d’un droit d’entrée et de séjour dans l’État membre d’accueil dudit citoyen, mais de la possibilité de se voir octroyer un tel droit, ainsi que l’énonce le considérant 6 de ladite directive, « compte tenu de leur lien avec le citoyen de l’Union et d’autres circonstances telles que leur dépendance pécuniaire ou physique envers ce citoyen ». À cette fin, ces « autres membres de la famille » bénéficient, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de la même directive, de garanties d’ordre procédural, à savoir de l’obtention d’une décision statuant sur leur demande d’entrée et de séjour, qui doit être fondée sur un examen approfondi de leur situation personnelle et tenir compte de toutes les circonstances particulières propres à celle-ci, et qui, en cas de refus, doit être motivée [voir, en ce sens, arrêts du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C‑83/11, EU:C:2012:519, points 19 à 22, ainsi que du 26 mars 2019, SM (Enfant placé sous kafala algérienne), C‑129/18, EU:C:2019:248, point 62].

26      Dans ces conditions, pour qu’un « autre membre de la famille » puisse être considéré comme faisant partie du ménage, au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, d’un citoyen de l’Union qui bénéficie d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil, il doit apporter la preuve d’un lien personnel étroit et stable avec ce citoyen, attestant d’une situation de dépendance réelle entre ces deux personnes ainsi que du partage d’une communauté de vie domestique qui n’a pas été provoquée dans le but d’obtenir l’entrée et le séjour dans cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2012, Rahman e.a., C‑83/11, EU:C:2012:519, point 38).

27      Afin d’apprécier l’existence d’un tel lien, le degré de parenté entre le citoyen de l’Union et l’autre membre de sa famille concerné constitue certes un élément à prendre en considération. Néanmoins, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 40 et 41 de ses conclusions, il convient également de tenir compte, en fonction des circonstances propres à chaque cas, de l’étroitesse de la relation familiale en cause, de la réciprocité et de l’intensité du lien existant entre ces deux personnes. Ce lien doit être tel que, si l’autre membre de la famille concerné était empêché de faire partie du ménage du citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil, au moins l’une de ces deux personnes s’en trouverait affectée.

28      Cependant, il ne saurait être exigé que ledit lien soit tel que le citoyen de l’Union renoncerait à exercer sa liberté de circulation, si cet autre membre de sa famille ne pouvait l’accompagner ou le rejoindre dans l’État membre d’accueil. En effet, une telle exigence reviendrait à assimiler l’« autre membre de la famille » concerné, au sens de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, aux membres de la famille expressément visés à l’article 2, point 2, de cette directive.

29      La durée de la communauté de vie domestique entre le citoyen de l’Union et l’autre membre de sa famille concerné constitue également un élément important à prendre en considération afin d’apprécier l’existence d’un lien personnel stable. Cette durée doit pouvoir être déterminée indépendamment de la date à laquelle le statut de citoyen de l’Union a été acquis. Il résulte, en effet, de l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38, interprété à la lumière du considérant 6 de celle-ci, que, pour apprécier la stabilité du lien personnel unissant ces deux individus, il y a lieu de tenir compte non seulement de la période postérieure à l’acquisition de ce statut, mais aussi de la période antérieure à celle-ci.

30      En conséquence, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38 doit être interprété en ce sens que la notion de « tout autre membre de la famille qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal », visée à cette disposition, désigne les personnes qui entretiennent avec ce citoyen une relation de dépendance, fondée sur des liens personnels étroits et stables, tissés au sein d’un même foyer, dans le cadre d’une communauté de vie domestique allant au-delà d’une simple cohabitation temporaire, déterminée par des raisons de pure convenance.

 Sur les dépens

31      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE,

doit être interprété en ce sens que :

la notion de « tout autre membre de la famille qui fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal », visée à cette disposition, désigne les personnes qui entretiennent avec ce citoyen une relation de dépendance, fondée sur des liens personnels étroits et stables, tissés au sein d’un même foyer, dans le cadre d’une communauté de vie domestique allant au-delà d’une simple cohabitation temporaire, déterminée par des raisons de pure convenance.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.