Language of document : ECLI:EU:C:2022:993

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 15 décembre 2022 (1)

Affaire C333/21

European Superleague Company SL

contre

Unión de Federaciones Europeas de Fútbol (UEFA),

Fédération internationale de football association (FIFA),

en présence de

A22 Sports Management SL,

Liga Nacional de Fútbol Profesional,

Real Federación Española de Fútbol

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil n.º 17 de Madrid (tribunal de commerce de Madrid, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Articles 101 et 102 TFUE – Abus de position dominante – Articles 45, 49, 56 et 63 TFUE – European Super League (ESL) – Première compétition européenne en dehors de l’UEFA – Refus de reconnaissance de l’ESL par l’UEFA et la FIFA – Autorisation préalable permettant qu’une troisième entité organise une nouvelle compétition – Menace de sanctions contre les clubs et joueurs participant à la nouvelle compétition – Droits dérivés des compétitions et leur commercialisation »






I.      Introduction

1.        « On apercevra immédiatement la portée de la présente affaire. La réponse à la question de la compatibilité du régime des transferts et des clauses de nationalité avec le droit communautaire aura une incidence décisive sur l’avenir du football professionnel dans la Communauté. ». Tels étaient les premiers mots de l’avocat général Lenz dans les observations préalables de ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bosman, qui a mis en effervescence le monde du football (2).

2.        Près de trois décennies plus tard, une demande de décision préjudicielle, cette fois-ci originaire d’Espagne, soulève des questions rattachées à l’existence même de la structure organisationnelle du football moderne. La présente affaire a été déclenchée par le projet de création de l’European Super League (ci-après l’« ESL »), une nouvelle compétition européenne de football, qui a fait l’objet d’une intense médiatisation suscitant des réactions et des commentaires passionnés de la part des « simples » supporters comme des plus hautes instances politiques aux niveaux national et européen (3). Dans la présente affaire, l’avenir du football européen dépendra des réponses que la Cour apportera à des problématiques qui sont principalement liées au droit de la concurrence et, accessoirement, aux libertés fondamentales.

3.        Cette demande a été présentée par le Juzgado de lo Mercantil n.º 17 de Madrid (tribunal de commerce de Madrid, Espagne) dans le cadre d’un litige opposant la Fédération internationale de football association (FIFA) et l’Union des associations européennes de football (UEFA) à l’European SuperLeague Company SL (ci-après l’« ESLC »), une société qui vise à organiser et commercialiser une nouvelle compétition européenne de football, alternative ou concurrente à celles organisées et commercialisées jusqu’à présent par ces deux fédérations, au sujet de déclarations publiques de la FIFA et de l’UEFA manifestant le refus d’autoriser cette nouvelle compétition et la mise en garde sur le fait que tout joueur ou tout club participant à celle-ci serait expulsé des compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA.

II.    Le cadre juridique

A.      La réglementation adoptée par la FIFA

4.        Aux termes de l’article 22 des statuts de la FIFA :

« 1.      Les associations membres faisant partie du même continent sont regroupées au sein des confédérations suivantes reconnues par la FIFA :

[...]

c)      Union des [a]ssociations [e]uropéennes de [f]ootball – UEFA

[...]

2.      La FIFA peut, à titre exceptionnel, autoriser une confédération à accepter comme membre une association appartenant géographiquement à un autre continent et non affiliée à la confédération de ce continent. L’avis de la confédération géographiquement concernée est requis.

3.      Chaque confédération a les droits et obligations suivants :

a)      respecter et faire respecter les [s]tatuts, règlements et décisions de la FIFA ;

b)      collaborer étroitement avec la FIFA dans tous les domaines ayant trait à la réalisation du but visé à l’art[icle] 2 et à l’organisation de compétitions internationales ;

c)      organiser ses propres compétitions interclubs, en conformité avec le calendrier international ;

d)      organiser toutes ses compétitions internationales en conformité avec le calendrier international ;

e)      s’assurer qu’aucune ligue internationale ou autre groupement analogue de clubs ou de ligues ne soit formé sans son consentement et celui de la FIFA ;

f)      octroyer, à la demande de la FIFA, aux associations non encore admises, le statut de membre provisoire leur donnant le droit de participer aux compétitions et aux conférences ;

[...]

j)      autoriser, à titre exceptionnel et avec l’accord de la FIFA, une association affiliée à une autre confédération (ou des clubs affiliés à ladite association) à participer aux compétitions qu’elle organise ;

k)      prendre, d’un commun accord avec la FIFA, toutes les mesures nécessaires pour le développement du football sur le continent concerné, telles que programmes de développement, organisation de cours, conférences, etc. ;

[...] »

5.        L’article 67, paragraphe 1, de ces statuts énonce :

« La FIFA, ses associations membres et les confédérations sont les détenteurs originels – sans restriction de contenu, de temps, de lieu ni de droit – de tous les droits pouvant naître des compétitions et autres manifestations relevant de leur juridiction respective [...] »

6.        L’article 68, paragraphe 1, desdits statuts prévoit :

« La FIFA, les associations membres et les confédérations sont seules compétentes pour autoriser la diffusion des matches et des manifestations relevant de leur juridiction sur des supports notamment audiovisuels, et ce sans restriction de lieu, de contenu, de date, de technique ou de droit. »

7.        L’article 71 des mêmes statuts dispose :

« 1.      Le Conseil est compétent pour édicter tout règlement relatif à l’organisation de compétitions et de matches internationaux impliquant des équipes représentatives, des ligues, des clubs et/ou des équipes improvisées. Aucun match ni compétition ne peut avoir lieu sans autorisation préalable de la FIFA, des confédérations et/ou de l’association membre concernée. Les modalités sont régies par le [r]èglement des matches internationaux.

2.      Le Conseil peut édicter des dispositions relatives à ces matches et compétitions.

3.      Le Conseil détermine les critères relatifs à l’autorisation de situations spéciales non prévues par le [r]èglement des matches internationaux.

4.      Exception faite de l’autorisation en matière de compétences prévues dans le [r]èglement des matches internationaux, la FIFA peut prendre une décision finale relative à l’autorisation de tout match international ou compétition internationale. »

8.        L’article 72 des statuts de la FIFA est libellé comme suit :

« 1.      Tout joueur ou équipe affiliée à une association membre ou à un membre de confédération admis de manière provisoire ne peut jouer de match ni avoir de contact sportif avec un autre joueur ou une autre équipe non affiliée à une association membre ou à un membre de confédération admis de manière provisoire, sans l’accord de la FIFA.

2.      Les associations membres et leurs clubs ne sont pas habilités à jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’autorisation de celle‑ci. »

9.        L’article 73 de ces statuts interdit aux associations, aux ligues ou aux clubs appartenant à une association membre de s’affilier à une autre association membre ou de participer à des compétitions sur le territoire de celle‑ci, sauf circonstances exceptionnelles avec l’approbation expresse de la FIFA et de la (ou des) confédération(s) concernée(s).

B.      La réglementation adoptée par l’UEFA

10.      À l’instar des statuts de la FIFA, les articles 49 à 51 des statuts de l’UEFA lui confèrent le monopole quant à l’organisation des compétitions internationales en Europe et la capacité d’interdire que de telles compétitions soient organisées sans son autorisation préalable. Plus précisément, ces articles sont libellés comme suit :

« Article 49 – Compétitions

1.      L’UEFA décide seule de l’organisation et de la suppression de compétitions internationales en Europe auxquelles participent des associations et/ou des clubs de celles-ci. Les compétitions de la FIFA ne sont pas concernées par cette disposition.

[...]

3.      Les matches, compétitions ou tournois internationaux qui ne sont pas organisés par l’UEFA mais joués sur le territoire de l’UEFA nécessitent l’autorisation préalable de la FIFA et/ou de l’UEFA et/ou des associations membres compétentes, conformément au [r]èglement des matches internationaux de la FIFA et aux dispositions d’exécution complémentaires adoptées par le Comité exécutif de l’UEFA.

Article 50 – Règlement des compétitions

1.      Le Comité exécutif édicte des règlements établissant les conditions de participation et l’organisation des compétitions de l’UEFA. Ces règlements doivent prévoir une procédure d’appel d’offres claire et transparente pour toutes les compétitions de l’UEFA, y compris les finales.

[…]

2.      Les associations et leurs clubs s’engagent par leur inscription à respecter les statuts, les règlements et les autres décisions des organes compétents.

3.      L’admission à une compétition de l’UEFA peut être refusée avec effet immédiat à toute association ou club directement ou indirectement impliqué dans une activité propre à influencer de manière illicite le résultat d’un match au niveau national ou international, sans préjudice d’éventuelles mesures disciplinaires.

Article 51 – Relations interdites

1.      Des regroupements ou alliances entre des associations membres de l’UEFA ou entre des ligues ou clubs directement ou indirectement affiliés à différentes associations membres de l’UEFA ne peuvent pas être formés sans l’autorisation de l’UEFA.

2.      Les membres de l’UEFA ou les ligues et clubs qui leur sont affiliés ne peuvent ni jouer ni organiser des matches hors de leur propre territoire sans l’autorisation des associations membres. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

11.      La FIFA, une entité de droit privé suisse, constitue l’organe exécutif mondial du football visant, pour l’essentiel, à promouvoir le football et à organiser ses compétitions internationales. Composée de fédérations nationales, elle reconnaît également l’existence de confédérations régionales de football – parmi lesquelles figure l’UEFA – qui ne sont cependant pas membres de la FIFA. Les clubs professionnels de football sont, quant à eux, membres indirects de la FIFA, dans la mesure où ils peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires prononcées par celle-ci. Les fédérations, les confédérations et les clubs sont soumis au respect de la réglementation adoptée par la FIFA.

12.      L’UEFA est également une entité de droit privé suisse qui constitue l’instance dirigeante du football au niveau européen. Ses principales missions consistent à surveiller et à contrôler le développement du football, sous toutes ses formes, à l’échelle européenne. Les ligues nationales et les clubs européens sont membres indirects de l’UEFA, qui organise des compétitions internationales de ces clubs ainsi que des équipes nationales.

13.      Conformément à leurs statuts respectifs, la FIFA et l’UEFA détiennent le monopole quant à l’autorisation et à l’organisation des compétitions internationales de football professionnel en Europe.

14.      L’ESLC est une société de droit espagnol dont le projet est d’organiser la première compétition européenne annuelle de football qui existerait indépendamment de l’UEFA, dénommée ESL. Les actionnaires de cette société sont de prestigieux clubs de football européens. Son modèle de gestion est fondé sur un système de participation « semi-ouvert » regroupant, d’une part, douze à quinze clubs de football professionnels ayant le statut de membres permanents et, d’autre part, un nombre à définir de clubs de football professionnels sélectionnés selon un processus déterminé et ayant le statut de « clubs qualifiés ».

15.      Parmi les conditions suspensives auxquelles est soumis ce projet, figure la reconnaissance de l’ESL par la FIFA et/ou l’UEFA en tant que nouvelle compétition compatible avec leurs statuts ou, alternativement, la protection légale octroyée par les juridictions et/ou les organes administratifs afin de permettre aux clubs fondateurs de participer à l’ESL tout en conservant leur participation dans leurs ligues, leurs compétitions et leurs tournois nationaux respectifs.

16.      À la suite de l’annonce de la création de l’ESL, la FIFA et l’UEFA ont publié une déclaration commune, le 21 janvier 2021, pour manifester leur refus de reconnaître cette nouvelle entité et lancer une mise en garde sur le fait que tout joueur ou tout club participant à cette nouvelle compétition serait expulsé de celles organisées par la FIFA et ses confédérations. Par un autre communiqué du 18 avril 2021, cette déclaration a été entérinée par l’UEFA et d’autres fédérations nationales, rappelant la possibilité d’adopter des mesures disciplinaires à l’encontre des participants à l’ESL. Ces mesures disciplinaires impliqueraient, notamment, l’exclusion des clubs et des joueurs participant à l’ESL de certaines grandes compétitions européennes et mondiales.

17.      Saisi par l’ESLC, laquelle estime que le comportement de la FIFA et de l’UEFA doit être qualifié d’« anticoncurrentiel » et d’incompatible avec les articles 101 et 102 TFUE, le Juzgado de lo Mercantil n.º 17 de Madrid (tribunal de commerce de Madrid), la juridiction de renvoi, a successivement jugé, les 19 et 20 avril 2021, que son action était recevable puis a ordonné, sans débat contradictoire, un ensemble de mesures conservatoires. Ces mesures avaient pour objet, en substance, de prévenir tout comportement de la part de la FIFA ou de l’UEFA visant à empêcher ou entraver la préparation et la mise en place de l’ESL ainsi que la participation de clubs et de joueurs, notamment, au moyen de mesures disciplinaires ou de sanctions d’exclusion des compétitions organisées par l’UEFA et la FIFA.

18.      À l’appui de sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi, après avoir défini les activités économiques ainsi que les marchés matériels et géographiques concernés – à savoir, d’un côté, l’organisation et la commercialisation des compétitions internationales de football en Europe et, de l’autre, l’exploitation des différents droits sportifs qui y sont associés –, a considéré que la FIFA et l’UEFA détiennent, sur chacun de ces marchés, une position de monopole ou, à tout le moins, de dominance. Dans ce contexte, cette juridiction nourrit des doutes quant à la conformité avec le droit de l’Union de certaines dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA ainsi que des menaces de sanctions ou des avertissements émis par ces fédérations au regard, premièrement, de l’interdiction des abus de position dominante édictée à l’article 102 TFUE, deuxièmement, de la prohibition des ententes anticoncurrentielles prévue à l’article 101 TFUE et, troisièmement, des différentes libertés fondamentales garanties par le traité FUE, dans la mesure où celles-ci pourraient être utilisées pour affaiblir toute initiative privée susceptible d’être concurrentielle dans le domaine des compétitions de football.

19.      Dans ces conditions, le Juzgado de lo Mercantil n.º 17 de Madrid (tribunal de commerce de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 102 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit un abus de position dominante consistant, pour la FIFA et l’UEFA, à établir dans leurs statuts (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales) que la création par une entité tierce d’une nouvelle compétition paneuropéenne de clubs, telle que [l’ESL], est subordonnée à l’autorisation préalable de ces organismes, qui se sont arrogé la compétence exclusive d’organiser ou d’autoriser les compétitions internationales de clubs en Europe, compte tenu, en particulier, de l’absence de procédure régie par des critères objectifs, transparents et non discriminatoires et du potentiel conflit d’intérêts dans le chef de la FIFA et de l’UEFA ?

2)      L’article 101 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit à la FIFA et à l’UEFA d’établir dans leurs statuts (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales) que la création par une entité tierce d’une nouvelle compétition paneuropéenne de clubs, telle que [l’ESL], exige l’autorisation préalable de ces organismes, qui se sont arrogé la compétence exclusive d’organiser ou d’autoriser les compétitions internationales de clubs en Europe, compte tenu, en particulier, de l’absence de procédure régie par des critères objectifs, transparents et non discriminatoires et du potentiel conflit d’intérêts dans le chef de la FIFA et de l’UEFA ?

3)      [Les articles 101 et 102 TFUE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à la FIFA, à l’UEFA, à leurs fédérations membres ou à leurs ligues nationales de proférer des menaces de sanctions à l’encontre des clubs participant à [l’ESL] ou de leurs joueurs, en raison de l’effet potentiellement dissuasif de telles menaces ? Les sanctions d’exclusion de compétitions ou d’interdiction de participer à des rencontres d’équipes représentatives qui seraient le cas échéant adoptées sans se baser sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, sont-elles contraires [aux articles 101 et 102 TFUE] ?

4)      [Les articles 101 et 102 TFUE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent aux dispositions des articles 67 et 68 des statuts de la FIFA, dans la mesure où ils désignent l’UEFA et les associations nationales membres de la FIFA comme “détenteurs originels [...] de tous les droits pouvant naître des compétitions relevant de leur juridiction”, en privant les clubs participant à une compétition alternative, ainsi que tout organisateur d’une telle compétition, de la propriété originelle de ces droits et en s’arrogeant la compétence exclusive de les commercialiser ?

5)      Dans l’hypothèse où la FIFA et l’UEFA, en tant qu’organismes auto-investis de la compétence exclusive d’organisation et d’autorisation des compétitions internationales de clubs de football en Europe, interdisent ou s’opposent au développement de [l’ESL] en vertu des dispositions précitées de leurs statuts, l’article 101 TFUE doit-il être interprété en ce sens que ces restrictions de la concurrence peuvent bénéficier de l’exception prévue par cet article, alors qu’elles limitent de manière substantielle la production, qu’elles empêchent l’apparition sur le marché de produits alternatifs à ceux offerts par la FIFA et l’UEFA, et qu’elles restreignent l’innovation en empêchant d’autres formats et modalités de compétition, en éliminant la concurrence potentielle sur le marché et en limitant le choix du consommateur ? De telles restrictions reposent-elles sur une justification objective permettant de considérer qu’il n’y a pas d’abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE ?

6)      Les articles 45, 49, 56 ou 63 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une disposition telle que celle contenue dans les statuts de la FIFA et de l’UEFA (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales), qui exige qu’un opérateur économique d’un État membre obtienne l’autorisation préalable de ces entités pour établir une compétition paneuropéenne de clubs telle que [l’ESL], constitue une restriction contraire à l’une des libertés fondamentales qu’ils consacrent ? »

20.      Des observations écrites ont été présentées à la Cour, en leur qualité de parties au litige au principal, par l’ESLC, A22 Sports Management SL (ci-après « A22 ») (4), la FIFA, l’UEFA et la Liga Nacional de Fútbol Profesional (LNFP) (5). Des observations écrites ont également été produites, sur l’ensemble ou sur des parties des questions préjudicielles posées, par les gouvernements espagnol, tchèque, danois, irlandais, français, croate, italien, letton, luxembourgeois, hongrois, polonais, portugais, roumain, slovaque, suédois et islandais ainsi que par la Commission européenne. Des observations orales ont été formulées, lors de l’audience de plaidoirie qui s’est tenue les 11 et 12 juillet 2022, par l’ESLC, A22, la FIFA, l’UEFA, la LNFP, la Real Federación Española de Fútbol (RFEF) (6), par les gouvernements espagnol, tchèque, danois, allemand, estonien, irlandais, hellénique, français, croate, italien, chypriote, letton, hongrois, maltais, autrichien, polonais, portugais, roumain, slovène, suédois et norvégien ainsi que par la Commission.

IV.    Analyse

A.      Sur la recevabilité des questions préjudicielles

21.      Il convient de relever que la recevabilité de la demande de décision préjudicielle a été, à trois égards, mise en cause par l’UEFA et la LNFP, ainsi que, en tout ou partie, par certaines parties intéressées, à savoir les gouvernements irlandais, français, hongrois, roumain et slovaque.

22.      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré du caractère prétendument hypothétique du litige au principal (7), il me semble utile de rappeler que ce dernier puise sa source dans l’opposition, publiquement manifestée par la FIFA et l’UEFA, au projet annoncé par l’ESLC. La circonstance que ce projet ait été en gestation au moment de son annonce et qu’il ait subi, depuis lors, un coup d’arrêt ne change rien à cette opposition, qui s’est appuyée sur une partie des règles de ces deux fédérations et dont la juridiction de renvoi met en cause la compatibilité avec les règles de concurrence. De surcroît, aucun élément ne démontre que l’ESLC a cessé d’exister ou qu’elle a retiré l’action à l’origine du litige au principal. Dès lors, l’existence et la persistance du litige apparaissent demeurer ainsi que la pertinence des questions de droit économique qui s’y rattachent.

23.      En deuxième lieu, concernant le contenu de la demande de décision préjudicielle, qui ne respecterait pas les exigences relatives au cadre réglementaire et factuel dans lequel la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation du droit de l’Union (8), si cette demande ne traite pas l’ensemble des questions de droit que posent les rapports entre l’exercice de l’activité sportive, sa régulation et le droit économique de l’Union, il y a lieu de constater que les questions posées par la juridiction de renvoi sont présentées de façon détaillée, argumentée et corroborée par des références précises aux éléments factuels et réglementaires qui lui ont semblé pertinents. Le fait que ladite demande comporte des indications et des appréciations dont l’exactitude est débattue n’est, en lui-même, pas de nature à entraîner l’irrecevabilité totale ou partielle de celle-ci.

24.      En troisième et dernier lieu, la demande de décision préjudicielle serait viciée par des irrégularités procédurales liées notamment au caractère conservatoire de la procédure et l’absence de débat contradictoire (9). Néanmoins, la circonstance que la Cour soit saisie dans le cadre préliminaire d’une procédure à caractère conservatoire ou préventive n’implique pas l’irrecevabilité de cette demande dès lors que la juridiction de renvoi a exposé les raisons pour lesquelles celle-ci était nécessaire pour lui permettre de rendre son jugement et a respecté les autres prescriptions tant formelles que matérielles dans sa décision de renvoi.

B.      Observations liminaires

25.      Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer, en substance, sur la compatibilité avec les règles de concurrence ainsi que, accessoirement, avec les libertés économiques fondamentales garanties par le traité FUE, d’un ensemble de règles adoptées par la FIFA et l’UEFA, en leur qualité de fédérations administrant, dans tous ses aspects, le football aux niveaux mondial et européen, et qui portent sur l’organisation et la commercialisation des compétitions de football en Europe.

26.      Avant de procéder à l’analyse des questions préjudicielles posées, il me paraît utile de présenter des observations sur la relation entre le sport et le droit de l’Union.

1.      Sur l’article 165 TFUE et le « modèle sportif européen »

27.      Si le sport n’était initialement pas couvert par les traités fondateurs de l’Union européenne, la consécration de sa particularité et son insertion à l’article 165 TFUE par le traité de Lisbonne ont marqué l’aboutissement d’une évolution encouragée et promue par les institutions de l’Union.

28.      L’article 165 TFUE a pris acte de l’importance sociale considérable que revêt l’activité sportive dans l’Union (10) en prévoyant non seulement que « [l]’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative » (paragraphe 1), mais aussi que les objectifs de l’action de l’Union visent à « développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs » (paragraphe 2).

29.      Par ailleurs, le libellé de l’article 165 TFUE a cristallisé les conclusions d’une série d’initiatives qui avaient été prises par les institutions de l’Union, à partir des années 1990, à la suite des arrêts rendus par la Cour – et notamment de l’arrêt Bosman (11) – dans le cadre de l’établissement d’une politique sportive européenne. Ainsi, les premiers fondements de la reconnaissance de la spécificité sportive ont été posés par une déclaration commune sur le sport annexée au traité d’Amsterdam (12), suivie par le rapport de la Commission (13) qui a reconnu la spécificité du sport notamment dans le cadre de l’application du droit de la concurrence (14). Sur la base de ce rapport, le Conseil européen de Nice a émis une déclaration marquant un pas supplémentaire dans la reconnaissance de la spécificité sportive en exigeant de la Communauté qu’elle tienne compte des fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport dans son action au titre des différentes dispositions du traité afin de préserver le rôle social du sport (15). Cette initiative a été suivie, au cours de l’année 2007, du Livre blanc sur le sport par la Commission (16), la dernière étape avant l’insertion de l’article 165 TFUE dans le traité de Lisbonne pendant l’année 2009.

30.      Cet article 165 manifeste, par ailleurs, la reconnaissance « constitutionnelle » du « modèle sportif européen », caractérisé par une série d’éléments qui s’appliquent à plusieurs disciplines sportives sur le continent européen, parmi lesquelles le football. Ce modèle est fondé, premièrement, sur une structure pyramidale, avec, à sa base, le sport amateur et, à son sommet, le sport professionnel. Deuxièmement, parmi ses objectifs principaux figure celui de promouvoir des compétitions ouvertes, accessibles à tous grâce à un système transparent où la promotion et la relégation maintiennent un équilibre compétitif et privilégient le mérite sportif, qui constitue lui aussi un élément essentiel dudit modèle. Celui-ci repose, enfin, sur un régime de solidarité financière, qui permet de redistribuer et de réinvestir les revenus générés par les événements et les activités de l’élite aux niveaux inférieurs du sport.

31.      Les fédérations sportives jouent un rôle crucial dans le cadre du « modèle sportif européen », notamment d’un point de vue organisationnel, afin d’assurer le respect et l’application uniforme des règles qui régissent les disciplines sportives concernées. Ce rôle a, par ailleurs, été reconnu par la Cour, qui a jugé qu’il revient aux fédérations sportives d’édicter les règles appropriées à l’organisation d’une discipline sportive et que l’attribution d’une telle mission aux fédérations sportives se trouve, en principe, justifiée par le fait que ces dernières disposent des connaissances et de l’expérience nécessaires pour accomplir une telle mission (17). Historiquement organisé selon le principe de la « place unique » (Ein-Platz-Prinzip), en vertu duquel les fédérations exercent, dans leur ressort géographique, un monopole sur la gouvernance et l’organisation du sport, ce modèle est désormais remis en cause.

32.      Il convient également de relever que le « modèle sportif européen » n’est pas statique. En effet, les structures sportives européennes et leur mode de gouvernance évoluent souvent sous l’influence d’autres modèles établis en dehors du continent européen. Il serait ainsi, compte tenu de la diversité des structures sportives européennes, difficile de définir en détail un modèle unique et unifié d’organisation du sport en Europe. Il existe d’autres modèles de gouvernance des sports individuels et collectifs qui se différencient dans certains aspects, au vu de leurs caractéristiques techniques et de leur organisation, du modèle sur lequel se fonde actuellement le football européen (18). Toutefois, l’émergence de différents modèles sportifs en Europe ne saurait remettre en cause les principes mentionnés à l’article 165 TFUE, ni imposer des aménagements réciproques visant à « uniformiser » les différents modèles qui coexistent et, encore moins, à supprimer les « structures fondées sur le volontariat ».

2.      Sur la contestation du « modèle sportif européen »

33.      Comme il a été constaté au point 30 des présentes conclusions, le « modèle sportif européen » se caractérise notamment par l’ouverture de ses compétitions, dont la participation repose sur le « mérite sportif » à travers un système de promotion et de relégation. Il diffère ainsi du modèle nord-américain, fondé principalement sur des compétitions ou des ligues « fermées », dans lesquelles la participation des clubs qui sont des entreprises franchisées est garantie, prédéterminée, et repose sur un droit d’entrée payant (19). On pourrait observer que c’est justement en réaction aux autres modèles existants que le législateur de l’Union a décidé d’insérer la notion de « modèle sportif européen » dans le traité afin de le distinguer clairement de ces autres modèles et de garantir sa protection par l’adoption de l’article 165 TFUE.

34.      S’il en était autrement, cet article n’aurait pas de raison d’être. Il est évident que celui-ci n’a pas été introduit uniquement pour protéger le sport amateur. En effet, aucune garantie institutionnelle n’est requise, et notamment au niveau du traité FUE, afin de permettre à toute personne de pratiquer un sport à titre individuel ou de créer des associations sportives amateurs. Ledit article a été inséré précisément en raison du fait que le sport constitue, en même temps, un domaine dans lequel une activité économique significative est exercée. L’introduction de l’article 165 TFUE vise donc à mettre en exergue le caractère social particulier de cette activité économique qui est susceptible de justifier une différence de traitement à certains égards. Il convient de noter, plus particulièrement, que les termes qui ont été employés de manière ciblée dans le libellé de cet article (dont notamment ceux de « structures fondées sur le volontariat », « fonction sociale », « dimension européenne du sport », « équité et [...] ouverture dans les compétitions sportives », « coopération entre les organismes responsables du sport ») illustrent la particularité de ce modèle que le législateur de l’Union souhaite protéger.

35.      L’article 165 TFUE ne peut, bien évidemment, pas être interprété de manière isolée, en méconnaissance des exigences prévues aux articles 101 et 102 TFUE, qui trouvent également à s’appliquer dans le domaine du sport (notamment lorsque les activités en cause ont une dimension économique). Il en va de même en ce qui concerne l’application des dispositions du droit de la concurrence dans ce domaine. Toutefois, l’application des dispositions du traité FUE au domaine sportif ne saurait se limiter uniquement aux articles 101 et 102 TFUE, l’article 165 TFUE pouvant également servir en tant que norme dans l’interprétation et l’application des dispositions précitées du droit de la concurrence. L’article 165 TFUE constitue ainsi dans son domaine une disposition spécifique par rapport aux dispositions générales des articles 101 et 102 TFUE, qui trouvent à s’appliquer à toute activité économique. Aucune disposition du traité FUE n’exige, ab initio, une application exclusive ou prépondérante par rapport aux autres dispositions, leurs rapports étant, par ailleurs, régis par le principe de spécialité. De surcroît, l’article 165 TFUE constitue, par sa nature même, une disposition « horizontale », dans la mesure où celle-ci doit être prise en considération dans la mise en œuvre des autres politiques de l’Union. En outre, conformément à l’article 7 TFUE, les différentes politiques de l’Union doivent être mises en œuvre de manière cohérente, en tenant compte de l’ensemble des objectifs que vise à protéger l’Union.

36.      À cet égard, je remarque que l’influence des « modèles alternatifs » évoqués au point 33 des présentes conclusions ainsi que la libéralisation de l’économie du sport ont entraîné des mouvements de contestation du monopole exercé par certaines fédérations sportives européennes, notamment en ce qui concerne l’organisation et l’exploitation commerciale des compétitions les plus lucratives. D’un point de vue économique, ces mouvements « séparatistes » – souvent initiés par les clubs affiliés à ces fédérations sportives – ont eu comme objectif principal de maximiser les revenus financiers découlant de l’exploitation commerciale de ces compétitions à travers la modification de la structure et du modèle d’organisation de ces dernières, qui étaient placées jusqu’alors sous l’égide de ces fédérations. En ce qui concerne le football européen, la volonté de créer une ligue ou une compétition fermée (ou « semi-ouverte ») n’est pas nouvelle, comme en témoignent les tentatives de création de compétitions concurrentes à celles de l’UEFA qui se sont manifestées au cours des années 1990 et 2000, sans pour autant se concrétiser (20).

37.      D’un point de vue juridique, la contestation du modèle de gouvernance des fédérations sportives a souvent pris appui sur le terrain du droit de la concurrence. Ont ainsi principalement fait l’objet de contestations devant les autorités nationales de la concurrence, la Commission et les juridictions nationales, le cumul par les fédérations sportives du double rôle de régulateur et d’acteur économique, la structure monopolistique de certains marchés d’organisation de compétitions sportives et de commercialisation des droits qui y sont associés ainsi que le refus de ces fédérations de permettre l’organisation de compétitions indépendantes et, partant, d’autoriser l’entrée de nouveaux concurrents sur les marchés concernés.

38.      C’est dans cette ligne que, dans le cadre de la présente affaire, la contestation par l’ESLC du modèle d’organisation des compétitions de football et de leur commercialisation par l’UEFA et la FIFA s’est appuyée, à titre principal, sur le droit de la concurrence.

3.      Sur la prise en compte de la spécificité du sport et du « modèle sportif européen » dans le cadre de l’analyse concurrentielle

39.      Il résulte d’une jurisprudence historique et constante de la Cour que le sport, nonobstant le fait que sa spécificité a été mise en exergue, relève du droit de l’Union et notamment des dispositions du traité relatives au droit économique de l’Union, dans la mesure où il constitue une activité économique (21).

40.      En ce qui concerne, tout particulièrement, le droit de la concurrence de l’Union, la compatibilité des règles émises par des fédérations sportives ainsi que leur comportement sur le marché ne sauraient être appréciés de manière abstraite, sans prendre en considération tous les éléments qui font partie du contexte juridique et factuel dans lesquels elles s’insèrent.

41.      En effet, les caractéristiques particulières des activités sportives les distinguent d’autres secteurs économiques. Le sport est caractérisé par un haut degré d’interdépendance, dans la mesure où les clubs dépendent les uns des autres pour pouvoir s’organiser et évoluer dans le cadre de compétitions sportives. Il s’ensuit qu’un degré d’égalité ainsi qu’un certain équilibre compétitif sont nécessaires, caractéristiques qui différencient le sport d’autres secteurs, où la concurrence entre opérateurs économiques conduit finalement à évincer du marché les sociétés inefficaces.

42.      Partant, si les caractéristiques particulières du sport ne sauraient être invoquées pour exclure du champ d’application des traités UE et FUE les activités sportives, les références à ces spécificités et à la fonction sociale et éducative du sport, qui figurent à l’article 165 TFUE, peuvent être pertinentes aux fins, notamment, de l’analyse, dans le domaine sportif, de l’éventuelle justification objective des restrictions à la concurrence ou aux libertés fondamentales (22).

4.      Sur les obligations qui s’imposent à une fédération sportive qui dispose d’un pouvoir d’autorisation et de prévention des conflits d’intérêts

43.      Au vu du rôle traditionnellement conféré aux fédérations sportives, celles-ci s’exposent à un risque de conflit d’intérêts découlant du fait que, d’une part, elles disposent d’un pouvoir réglementaire et, d’autre part et parallèlement, elles assurent une activité économique.

44.      La problématique d’un potentiel conflit d’intérêts résultant du cumul, par l’UEFA et la FIFA, de l’exercice d’une activité économique consistant à organiser et à commercialiser des compétitions et de la détention d’un pouvoir de régulation est expressément visée par les première et deuxième questions préjudicielles. Il convient dès lors, avant de procéder à l’analyse des dispositions litigieuses au regard des articles 101 et 102 TFUE, d’apporter certaines précisions sur les obligations qui incombent aux fédérations sportives, telles que l’UEFA et la FIFA dans l’exercice de leurs pouvoirs et sur les mesures qui doivent être prises pour la prévention des conflits d’intérêts.

45.      À cet égard, la Cour, dans deux arrêts, dont l’un concerne la régulation d’une discipline sportive et l’autre la régulation d’une profession libérale, a jeté les bases d’un cadre analytique « dédié » à la question du cumul, sous un même toit, d’un pouvoir réglementaire d’un côté et d’une activité économique de l’autre.

46.      Plus précisément, d’une part, dans l’arrêt MOTOE (23), la Cour a jugé que, lorsqu’une réglementation confère à une personne morale qui, elle‑même, organise et exploite commercialement des compétitions le pouvoir de désigner les personnes autorisées à organiser lesdites compétitions ainsi que de fixer les conditions dans lesquelles ces dernières sont organisées, elle octroie à cette entité un avantage évident sur ses concurrents. Un tel droit peut donc amener l’entreprise qui en dispose à empêcher l’accès d’autres opérateurs au marché concerné. Il convient dès lors que l’exercice de cette fonction réglementaire soit soumis à des limites, des obligations ou à un contrôle, afin d’éviter que la personne morale en question puisse fausser la concurrence en favorisant les compétitions qu’elle organise ou celles à l’organisation desquelles elle participe. D’autre part, cette jurisprudence a été appliquée par analogie dans un autre arrêt de la Cour, issu d’une affaire concernant l’interprétation de l’article 101 TFUE s’agissant des règles adoptées par une association d’entreprises qui était à la fois un opérateur et le régulateur du marché pertinent, en l’occurrence celui de la formation obligatoire des experts-comptables (24).

47.      Dans la présente affaire, il n’est pas contesté que l’UEFA exerce une double fonction, d’une part réglementaire en adoptant des règles relatives au football professionnel et, d’autre part, économique en organisant des compétitions sportives. Dans la mesure où cette fédération est également habilitée à autoriser les compétitions organisées par des tiers, cette situation peut donner lieu à un conflit d’intérêts, ce qui implique qu’elle soit soumise à certaines obligations dans le cadre de l’exercice de ses fonctions réglementaires afin de ne pas fausser la concurrence.

48.      Il convient, néanmoins, de souligner, d’emblée, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour citée au point 46 des présentes conclusions que la seule circonstance qu’une même entité exerce à la fois les fonctions de régulateur et d’organisateur de compétitions sportives n’implique pas, en soi, une violation du droit de la concurrence de l’Union (25). Par ailleurs, il découle de cette jurisprudence que l’obligation principale qui pèse sur une fédération sportive se trouvant dans la situation de l’UEFA est de veiller à ce que des tiers ne soient pas indûment privés d’un accès au marché au point que la concurrence sur ce marché s’en trouve faussée.

49.      Il s’ensuit que les fédérations sportives peuvent, sous certaines conditions, refuser l’accès sur le marché à des tiers, sans que cela constitue une violation des articles 101 et 102 TFUE, sous réserve que ce refus soit justifié par des objectifs légitimes et que les mesures prises par ces fédérations soient proportionnées par rapport auxdits objectifs.

C.      Sur les questions préjudicielles

50.      Dans la présente affaire, sont en cause un ensemble de règles qui ont été adoptées par la FIFA et l’UEFA, en leur qualité de fédérations ayant pour objet de « réguler » les différents aspects du football mondial et européen. Ces règles sont de trois ordres et comportent :

–        un système d’autorisation préalable, par la FIFA et l’UEFA, de toute compétition internationale de football, donc notamment de celles que se proposeraient d’organiser et de commercialiser des entités tierces (non affiliées à ces fédérations) ;

–        des clauses par lesquelles ces fédérations imposent à leurs membres directs ou indirects (à savoir, respectivement, les associations nationales de football, les ligues de football et les clubs de football professionnels), ainsi que, en définitive, aux joueurs, de ne participer qu’aux compétitions internationales qu’elles organisent ou qu’elles ont autorisé une entité tierce à organiser, sous peine d’exclusion ;

–        des dispositions selon lesquelles la FIFA (ou sur certains points la FIFA et les confédérations régionales, parmi lesquelles l’UEFA) est (ou sont) détentrice(s) « originelle(s) » de l’ensemble des droits sportifs liés aux compétitions internationales de football relevant de sa (leur) juridiction et seule(s) compétente(s) pour exploiter ces droits ainsi que pour autoriser la diffusion sous toutes ses formes de ces compétitions.

51.      Par ses deux premières questions préjudicielles, la juridiction de renvoi pose essentiellement la question de la compatibilité de l’exigence d’autorisation préalable de la FIFA et de l’UEFA avec, respectivement, les articles 101 et 102 TFUE.

52.      La troisième question préjudicielle porte sur le pouvoir discrétionnaire dont disposent ces fédérations pour infliger des sanctions à leurs membres et sur la façon dont ce risque a été invoqué publiquement par la FIFA et l’UEFA, à la suite de l’annonce de la création de l’ESL.

53.      En raison d’une jurisprudence plus développée relative aux décisions des associations sportives en vertu de l’article 101 TFUE, j’examinerai, en premier lieu, les deuxième et troisième questions préjudicielles (en ce qui concerne l’analyse des sanctions sous l’angle de l’article 101 TFUE) avant de me pencher, en deuxième lieu, sur la première question préjudicielle et, en troisième lieu, sur la cinquième question préjudicielle, qui porte sur l’existence d’éventuelles justifications dans l’hypothèse où une restriction de la concurrence sous l’angle des articles 101 et 102 TFUE serait établie.

54.      J’estime, par ailleurs, que la question de la légalité concurrentielle du comportement visé par la troisième question préjudicielle est intrinsèquement liée à celle des règles faisant l’objet des deux premières questions préjudicielles. Ainsi, dans la mesure où les sanctions visent à assurer l’efficacité du système d’autorisation préalable et des règles de participation, il convient de les analyser conjointement.

55.      Les présentes conclusions aborderont, par la suite, la question de la compatibilité avec les articles 101 et 102 TFUE des règles mises en place par l’UEFA et la FIFA en ce qui concerne l’exploitation des droits commerciaux issus des compétitions de football (quatrième question préjudicielle) ainsi que la compatibilité des règles de pré-autorisation avec les dispositions relatives aux libertés fondamentales du traité FUE (sixième question préjudicielle).

1.      Sur la deuxième question préjudicielle

56.      Par sa deuxième question et la première partie de sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA portant sur le système d’autorisation préalable ainsi qu’aux sanctions envisagées par ces fédérations.

57.      À titre liminaire, il importe de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’une association d’entreprises ou une pratique concertée doivent être susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres et avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (26).

58.      En ce qui concerne, en premier lieu, l’existence d’une décision d’association d’entreprises, il résulte d’une jurisprudence bien établie que la notion d’entreprise comprend, dans le contexte du droit de la concurrence, toute entité exerçant une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement (27). À cet égard, l’article 101, paragraphe 1, TFUE appréhende non seulement les modalités directes de coordination de comportements entre entreprises, mais également les formes institutionnalisées de coopération, c’est-à-dire les situations où les opérateurs économiques agissent par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun (28).

59.      En l’occurrence, il est constant que la FIFA et l’UEFA ont pour membres des associations nationales qui regroupent des clubs pour lesquels la pratique du football constitue une activité économique et qui constituent donc des entreprises au sens de l’article 101 TFUE (29). Dès lors que les associations nationales constituent des associations d’entreprises et également, en raison des activités économiques qu’elles exercent, des entreprises, la FIFA et l’UEFA, associations regroupant les associations nationales, constituent également des associations d’entreprises (voire des « associations d’associations d’entreprises ») au sens de l’article 101 TFUE. Par ailleurs, les statuts adoptés par de telles entités traduisent l’expression de la volonté de la FIFA et de l’UEFA de coordonner le comportement de leurs membres s’agissant, notamment, de leur participation aux compétitions internationales de football (30). Partant, les dispositions statutaires d’une fédération sportive internationale, telles que celles en cause au principal, sont susceptibles d’être qualifiées de « décisions d’association d’entreprises » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

60.      En deuxième lieu, l’application à une décision d’association d’entreprises des règles du droit de la concurrence de l’Union suppose que celle-ci soit susceptible d’affecter le commerce entre les États membres (31). Il me semble qu’une telle incidence pourrait être caractérisée sans grande difficulté dans la présente affaire.

61.      Il importe de rappeler, en troisième lieu, que, pour relever de l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » de restreindre la concurrence. À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante que le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord (32).

62.      La notion de « restriction par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu’à certaines pratiques collusoires entre entreprises révélant, en elles‑mêmes et compte tenu de la teneur de leurs dispositions, des objectifs qu’elles visent ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire, dès lors que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (33). Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (34).

a)      Sur la question de savoir si l’exigence d’autorisation préalable constitue une restriction de la concurrence par objet

63.      Je rappelle, en premier lieu, qu’il ressort du contenu des règles en cause au principal que l’organisation de toute compétition de football en Europe doit être soumise à l’autorisation préalable de l’UEFA qui détient, par ailleurs, la compétence exclusive pour organiser de telles compétitions. Ce système d’autorisation préalable est assorti d’une obligation de participation – pour les clubs et les joueurs affiliés à l’UEFA et la FIFA – aux compétitions organisées par ces fédérations ainsi que d’une interdiction de participation aux compétitions non autorisées par celles-ci, sous peine de sanctions d’exclusion.

64.      Il convient de constater, compte tenu de la description qui précède, que le système mis en place par l’UEFA repose sur une série de dispositions qui peuvent être assimilées à des clauses de non-concurrence et d’exclusivité accompagnées par des sanctions visant à assurer leur efficacité.

65.      Or, force est de constater que, premièrement, de telles dispositions ne font pas partie des types d’accords ou des comportements qui peuvent être considérés, par leur nature même et au vu de l’expérience acquise, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence sans en examiner les effets (35).

66.      Deuxièmement, l’existence même d’un mécanisme de pré-autorisation permettant à des organisateurs tiers de demander l’accès au marché concerné – indépendamment du pouvoir discrétionnaire que détient l’UEFA pour refuser une telle autorisation – devrait suffire pour soulever des interrogations quant au caractère suffisamment nocif de ces règles qui est exigé par la jurisprudence comme critère pour constater une restriction par objet. La question de savoir si le mécanisme en place est, en effet, suffisant pour assurer une concurrence effective sur le marché concerné ou s’il restreint la concurrence ne peut être établie que sur la base d’une analyse des effets anticoncurrentiels.

67.      S’agissant, en deuxième lieu, des objectifs poursuivis par les règles de l’UEFA, il résulte d’une jurisprudence constante que le fait que l’UEFA et la FIFA soient susceptibles de poursuivre des objectifs légitimes liés à la spécificité du sport ne saurait, à lui seul, constituer un élément permettant aux règles mises en place d’échapper à la qualification de « restriction par objet » s’il était établi qu’un autre objectif poursuivi par celles-ci peut être considéré comme ayant un objet restrictif de la concurrence (36).

68.      À supposer toutefois que les objectifs poursuivis par l’UEFA ne soient pas expressément identifiables ou qu’ils ne ressortent pas clairement du contenu des règles de l’UEFA, comme le font valoir l’ESLC et la Commission, cet élément ne permet pas, à lui seul, de constater un objet anticoncurrentiel.

69.      En troisième lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que l’analyse de l’objet anticoncurrentiel d’une mesure ne doit pas se limiter à l’examen isolé du contenu et de l’objectif des règles examinées, mais qu’il convient également de prendre en considération le contexte juridique et économique dans lequel ces règles s’insèrent (37).

70.      Les éléments suivants me paraissent être particulièrement pertinents dans le cadre de cette analyse.

71.      Tout d’abord, le contexte juridique et économique dans lequel ces règles s’inscrivent est caractérisé par le cumul d’un pouvoir réglementaire avec l’exercice d’une activité économique, qui place l’UEFA dans une situation particulière lui imposant certaines obligations afin d’éviter un conflit d’intérêts (38).

72.      Il n’y a, à cet égard, pas de doute quant au fait que l’UEFA dispose d’un pouvoir discrétionnaire qui découle notamment de sa position particulière sur le marché concerné en tant qu’instance dirigeante du football en Europe. S’il incombe, par conséquent, à l’UEFA d’encadrer la procédure d’autorisation préalable de telle sorte à éviter de favoriser ses propres compétitions en refusant de manière injustifiée des événements soumis à autorisation et proposés par des tiers, il n’en reste pas moins que seule une analyse concrète de la mise en œuvre du pouvoir discrétionnaire qu’elle détient permettrait d’établir si celle-ci en a fait un usage discriminatoire et inapproprié afin de démontrer des effets anticoncurrentiels.

73.      À supposer que le régime d’autorisation préalable mis en place par l’UEFA ne soit pas encadré par une procédure soumise à des critères d’autorisation clairement définis, transparents, non discriminatoires et contrôlables au sens de la jurisprudence de la Cour tirée des arrêts MOTOE et OTOC, comme semble le sous-entendre la juridiction de renvoi, il ressort clairement de cette jurisprudence que l’absence de tels critères ne saurait entraîner automatiquement la qualification de « restriction de la concurrence par objet » mais apparaîtrait plutôt comme une indication d’effets restrictifs qui doivent toutefois être confirmés sur la base d’une analyse approfondie (39).

74.      Par ailleurs, une restriction de la concurrence ne pourrait, en principe, être établie (avec le degré de certitude requis) que dans la mesure où l’autorisation préalable s’avérerait, en effet, objectivement nécessaire pour la création d’une compétition alternative, à l’image de l’ESL. Or, il semblerait, en l’espèce, que, d’un point de vue (purement) juridique, une telle autorisation ne soit pas indispensable, de sorte que toute compétition indépendante, en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA, puisse être créée librement et sans intervention de l’UEFA.

75.      En effet, à la différence de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt MOTOE, ni la FIFA ni l’UEFA ne sont des entités publiques ou ne disposent d’un quelconque droit spécial ou exclusif dont il résulterait qu’une entreprise qui envisage d’organiser une compétition internationale ou européenne de football devrait obtenir impérativement l’autorisation de l’une ou l’autre de ces entités. En outre, aucune disposition de droit public n’imposerait à cette entreprise de respecter les règles édictées par lesdites entités, à la différence de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt OTOC.

76.      Ainsi, rien n’empêcherait, en principe, les clubs formant l’ESL de suivre l’exemple d’autres disciplines sportives et de créer leur propre compétition en dehors du cadre défini par l’UEFA. Or, en l’occurrence, le système d’autorisation préalable de cette dernière semble constituer un obstacle pour la création de l’ESL, principalement au vu du fait que les clubs à l’initiative de ce projet souhaitent également rester affiliés à l’UEFA en bénéficiant des avantages qui découlent d’une telle affiliation. Il convient de noter, à cet égard, que des mesures qui visent à faire face à ce phénomène de « double appartenance » telles que des clauses de non-concurrence ou d’exclusivité n’ont pas pour objet de restreindre la concurrence selon la jurisprudence de la Cour (40).

77.      Enfin, la réponse à la question de savoir si, d’un point de vue pratique, une telle initiative pourrait, en effet, se concrétiser au vu d’autres obstacles qui peuvent exister, tels que, par exemple, le régime de sanctions auquel s’exposeraient les clubs et les joueurs affiliés à l’UEFA (et les conséquences qu’une telle décision pourrait avoir sur les plans financier et sportif pour les parties impliquées), ne peut pas être apportée sur la base d’un examen abstrait des règles en question mais uniquement dans le cadre d’un examen circonstancié des effets concrets de l’application de ces règles. Ces sanctions n’auraient, par ailleurs, un effet restrictif que dans la mesure où les clubs concernés souhaitent rester affiliés à l’UEFA (41).

78.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je suis d’avis que, quand bien même les règles en cause au principal sont susceptibles d’avoir pour effet de restreindre l’accès des concurrents de l’UEFA au marché de l’organisation des compétitions de football en Europe, une telle circonstance, à la supposer établie, n’implique pas de manière manifeste que ces règles ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

b)      Sur la question de savoir si l’exigence d’une autorisation préalable constitue une restriction de la concurrence par effet

79.      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où une restriction par objet n’est pas clairement établie – comme cela me semble être le cas en l’occurrence –, une analyse complète de ses effets doit être menée pour les besoins de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (42). Une telle analyse a pour objectif de déterminer l’incidence sur la concurrence que les règles de l’UEFA sont susceptibles de produire sur le marché de l’organisation des compétitions de football en Europe.

80.      En l’espèce, l’appréciation de l’incidence des règles de l’UEFA sur la concurrence implique, d’emblée, de prendre en compte l’ensemble des éléments qui déterminent l’accès au marché de référence, aux fins d’apprécier si, sur la base de la procédure établie par cette fédération, il existe des « possibilités réelles et concrètes » pour un concurrent de créer une compétition indépendante (43).

81.      À cette fin, il y a particulièrement lieu de prendre en considération le rôle central que joue l’UEFA en tant qu’instance dirigeante du football sur le continent européen et le pouvoir discrétionnaire que celle-ci détient en cette qualité. De la même façon, la puissance économique de l’ESL et des clubs la composant doit également être analysée, notamment pour apprécier si cette compétition pourrait être créée de manière indépendante de l’UEFA.

82.      Dans ce cadre, il y a lieu, selon moi, de prendre en considération non seulement l’incidence concrète des barrières à l’entrée qui pourraient découler du système d’autorisation préalable mis en place par l’UEFA mais également (et particulièrement) l’incidence que pourraient avoir les sanctions prévues par cette fédération sur la disponibilité des clubs et des joueurs nécessaires pour former cette nouvelle compétition.

c)      Sur l’examen du régime disciplinaire prévu par l’UEFA dans le cadre de l’appréciation de l’objet ou de l’effet anticoncurrentiel

83.      La sévérité des sanctions applicables, en cas de violation des règles émises par une fédération sportive, ainsi que le risque de leur imposition sont des éléments particulièrement pertinents dans l’analyse du contenu et de l’objectif d’une mesure prise par une fédération sportive, dès lors que ces sanctions sont susceptibles de dissuader des clubs ou des joueurs de participer à des compétitions non autorisées par cette fédération. En l’espèce, les mesures disciplinaires qui semblent avoir été prévues par l’UEFA, y compris les menaces de sanctions proférées à l’encontre des participants à l’ESL, sont susceptibles de fermer le marché de l’organisation des compétitions de football en Europe à un concurrent potentiel, dans la mesure où celui-ci risquerait de se voir privé tant de la participation des clubs nécessaires pour l’organisation d’une compétition sportive que de l’accès à la « ressource » que constituent les joueurs.

84.      Néanmoins, l’incidence des sanctions imposées par une fédération sportive ne peut pas être analysée de manière abstraite sans tenir compte du contexte global dans lequel s’insèrent les mesures disciplinaires prévues par cette fédération. À cet égard, il convient d’apprécier concrètement l’effet dissuasif que peuvent avoir les sanctions sur les clubs (et les joueurs) concernés, et notamment l’éventualité que, au vu de leurs positions respectives sur le marché, ces derniers décident d’ignorer le risque d’imposition de sanctions auquel ils s’exposent en procédant à la création d’une ligue indépendante (et en y participant). En effet, l’étendue du pouvoir disciplinaire dont dispose une fédération sportive ne peut s’exercer que dans « les limites de sa juridiction » qui – à son tour – dépend de sa reconnaissance par les clubs et les joueurs qui y sont affiliés et ont à l’origine volontairement accepté de se soumettre à ses règles et, partant, à son contrôle. Or, si ces derniers décident de « rompre » avec cette fédération en créant une nouvelle compétition indépendante et en y participant, le risque d’imposition de sanctions peut ne plus avoir aucun effet dissuasif à leur encontre.

d)      Sur l’application de la théorie des restrictions accessoires aux règles en cause

85.      Pour échapper au champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, les restrictions causées par les règles de l’UEFA en cause doivent être inhérentes à la poursuite d’objectifs légitimes et proportionnées à ceux-ci. Il convient donc d’examiner si, ainsi que le font valoir en substance la FIFA et l’UEFA, ainsi que de nombreux gouvernements, nonobstant les potentiels effets restrictifs de la concurrence, les caractéristiques du système d’autorisation préalable et du régime des sanctions permettent de réaliser les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA sans aller au-delà de ce qui est nécessaire à leur réalisation (44).

86.      La mise en œuvre de la théorie des restrictions accessoires dans le cadre du sport étant au cœur de la présente affaire, j’estime qu’il est utile d’apporter quelques clarifications sur le cadre analytique à suivre.

1)      Observations liminaires sur le cadre analytique des restrictions accessoires

87.      La théorie des restrictions accessoires s’est initialement développée dans le cadre d’accords « purement » commerciaux (45). Est ainsi qualifiée de « restriction accessoire » toute restriction qui est directement liée et nécessaire à la réalisation d’une opération principale qui elle-même ne présente pas de caractère anticoncurrentiel (46).

88.      La jurisprudence relative aux « restrictions accessoires commerciales » (commercial ancillary restraints) s’est par la suite étendue à des restrictions qui ont été jugées nécessaires pour des motifs d’intérêt public, donnant ainsi naissance aux « restrictions accessoires réglementaires » (regulatory ancillary restraints) (47). Ainsi, la Cour a admis que, dans certains cas, il est possible de mettre en balance des objectifs « non commerciaux » à l’égard d’une restriction de la concurrence et de conclure que les premiers l’emportent sur cette dernière, avec pour conséquence qu’il n’y a pas de violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

89.      Consacrée pour la première fois dans l’arrêt Wouters e.a. qui portait sur des règles déontologiques des avocats (48), cette jurisprudence a essentiellement été par la suite appliquée – en dehors de l’arrêt MecaMedina et Majcen/Commission (49) relatif à l’activité d’une fédération sportive – dans le cadre d’affaires concernant des pratiques ou des actes émanant d’ordres professionnels (50). Si la jurisprudence des restrictions accessoires réglementaires est encore limitée – et encore plus restreinte dans le domaine sportif, l’affaire ayant donné lieu audit arrêt Meca-Medina et Majcen/Commission constituant le seul précédent d’une application de cette théorie au domaine du sport – la Cour semble avoir retenu une approche restrictive lors de son application dans les affaires précitées. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer des objectifs « vagues » ou généraux de façon abstraite ; encore faut-il, dans l’hypothèse où l’existence de ceux-ci serait établie, que la restriction soit objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération principale et proportionnée par rapport à celle-ci (51), cette analyse devant être menée de façon concrète et circonstanciée (52).

90.      Cette approche me paraît justifiée dans la mesure où la notion même et l’idée sous-jacente de la théorie des restrictions accessoires imposent une interprétation restrictive. Je rappelle qu’il s’agit d’exclure du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE certains aspects d’un accord qui portent atteinte (réellement ou potentiellement) à la concurrence seulement lorsque ceux-ci sont directement liés et nécessaires à la réalisation de l’opération principale qui elle-même n’est pas anticoncurrentielle. Retenir une interprétation plus large présenterait un risque de contournement des règles du droit de la concurrence, une solution qui ne serait pas acceptable, notamment à partir du moment où il n’est pas contesté que les activités en question – nonobstant le fait qu’elles émanent de fédérations sportives – sont des activités économiques soumises au droit de la concurrence.

91.      Cela étant dit, le cadre analytique des restrictions accessoires réglementaires (y compris celles liées au sport) diffère de celui des restrictions purement commerciales dans la mesure où le caractère nécessaire desdites restrictions doit être apprécié par rapport à des objectifs qui sont par nature plus « abstraits » que ceux qui sont en cause dans le cadre d’accords commerciaux. Je note, par ailleurs, que la particularité des restrictions accessoires réglementaires, et notamment « sportives », repose sur le fait qu’est pris en compte un large éventail d’objectifs (non commerciaux) qui peuvent varier entre des objectifs plutôt techniques (tels que les règles anti-dopage ou certains aspects spécifiques liés aux disciplines sportives en question) et d’autres plus généraux tels que ceux reconnus au titre de l’article 165 TFUE (par exemple, les principes de l’intégrité ou de mérite sportif). Il ne faut pas omettre que, in fine,  cette analyse permet d’« intégrer » les spécificités du sport dans l’analyse concurrentielle dans le cadre d’un exercice épineux consistant à trouver un équilibre entre les aspects « commerciaux » et « sportifs » du football professionnel.

92.      Ces précisions ayant été apportées, il convient à présent d’examiner, dans un premier temps, si les objectifs poursuivis par les règles litigieuses de l’UEFA (et de la FIFA) sont légitimes, avant d’examiner, dans un second temps, si les mesures prises par cette fédération sont inhérentes et proportionnées par rapport à ces objectifs.

2)      Sur le caractère légitime des objectifs poursuivis par les règles de l’UEFA

93.      S’agissant des règles spécifiques d’autorisation préalable et de participation qui sont en cause en l’occurrence, il ne peut être contesté que la plupart des objectifs invoqués par l’UEFA et la FIFA découlent du « modèle sportif européen » et se retrouvent donc expressément visés par le droit primaire de l’Union et, notamment, l’article 165 TFUE, de sorte que leur légitimité ne peut pas être contestée. Il en va ainsi, plus précisément, des règles qui visent à garantir l’ouverture des compétitions et à protéger la santé et la sécurité des joueurs ainsi qu’à assurer la solidarité et la redistribution des revenus. Parmi ces objectifs, liés à la spécificité du sport, certains ont, par ailleurs, également été reconnus par la jurisprudence de la Cour, comme l’objectif lié au maintien de l’intégrité des compétitions et de l’équilibre entre les clubs afin de préserver un certain degré d’égalité et d’incertitude (53).

94.      Il résulte néanmoins de la jurisprudence de la Cour, comme il a été constaté au point 85 des présentes conclusions, que la poursuite d’objectifs légitimes ne saurait, à elle seule, suffire pour exclure les règles de l’UEFA et de la FIFA du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais qu’il est nécessaire d’établir, dans le cadre d’une analyse concrète, que les mesures prises afin d’atteindre les objectifs poursuivis sont nécessaires et proportionnées.

3)      Sur le caractère inhérent et proportionné de la restriction de la concurrence par rapport aux objectifs poursuivis

i)      Sur le caractère inhérent du système d’autorisation préalable

95.      Il convient de rappeler, tout d’abord, que la Cour a reconnu qu’il revient aux fédérations sportives d’édicter les règles appropriées à l’organisation d’une discipline sportive (54). Il s’ensuit que, d’un point de vue organisationnel, il paraît légitime qu’une entité soit désignée comme étant responsable pour assurer le respect de ces règles et que celle-ci dispose des « outils » nécessaires pour remplir cette mission.

96.      Cela est notamment le cas dans le cadre d’une discipline sportive telle que le football, qui est caractérisée par l’implication d’un nombre important d’acteurs à différents niveaux de la pyramide dans l’organisation et le déroulement des matches et des compétitions. Le système d’autorisation préalable semble donc constituer un mécanisme essentiel de gouvernance du football européen afin de garantir, d’une part, l’application uniforme des règles de ce sport et, d’autre part et plus particulièrement, le respect des standards communs entre les différentes compétitions. Un tel système permet également d’assurer la coordination et la compatibilité des calendriers des matches et des compétitions de football en Europe.

97.      En effet, sans un mécanisme de contrôle ex ante, il serait pratiquement impossible pour l’UEFA ou la FIFA d’assurer la réalisation des objectifs poursuivis. Il convient de noter, à cet égard, que le fait qu’il existe d’autres disciplines sportives qui fonctionnent sur la base de différents « modèles sportifs » sans, par exemple, que l’organisation de compétitions indépendantes soit soumise à l’autorisation préalable de l’organisme de régulation du sport concerné ne remet pas en cause le caractère inhérent du système d’autorisation préalable mis en place par l’UEFA (que l’on retrouve d’ailleurs également dans d’autres disciplines sportives). En effet, comme cela a été constaté au point 32 des présentes conclusions, le « modèle sportif européen » n’exclut pas la possibilité que d’autres disciplines sportives soient organisées différemment.

98.      Outre les aspects purement « sportifs », un tel système pourrait s’avérer, d’autre part, nécessaire pour préserver la structure actuelle du football européen et l’objectif de solidarité. Or, cet objectif est étroitement lié à la redistribution ainsi qu’au réinvestissement des recettes issues des compétitions de football organisées sous l’égide de la FIFA et de l’UEFA.

99.      Il convient, toutefois, de préciser à cet égard que, au vu des positions divergentes exprimées lors de l’audience quant à la destination et l’ampleur des financements en cause, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si le mécanisme de redistribution des bénéfices prévu par l’UEFA permet effectivement d’atteindre les objectifs visés. Il en va de même pour la proposition (ou l’engagement) de l’ESLC de « compenser » les sommes actuellement versées par l’UEFA au moyen de « versements de solidarité » afin d’établir si un tel mécanisme permettrait, en effet, de remplacer celui actuellement mis en place par l’UEFA (sans compromettre la structure actuelle du football européen).

ii)    Sur le caractère inhérent des sanctions

100. Les observations qui précèdent s’appliquent également au régime disciplinaire prévu par l’UEFA et la FIFA. En effet, toute règle adoptée par une fédération sportive serait dénuée de sens en l’absence de mesures disciplinaires visant à assurer son efficacité et à obtenir le respect, par leurs membres directs et par les organisateurs indépendants, des règles mises en place pour réguler le football.

iii) Sur l’application des règles de pré-autorisation et de sanctions de l’UEFA en l’espèce

101. En l’occurrence, il n’est pas contesté que la majorité des clubs participant à l’ESL (soit quinze sur les vingt participants) verraient leur participation assurée. Par ailleurs, les clubs fondateurs de l’ESL avaient l’intention de continuer de participer aux compétitions nationales ouvertes organisées par les fédérations et les ligues nationales sous l’égide de la FIFA et de l’UEFA.

102. Or, une telle compétition aurait inévitablement une incidence négative sur les championnats nationaux en réduisant l’attrait de ces compétitions (et notamment de celles des États membres dont les clubs font partie de l’ESL). Dans le contexte actuel, le classement final obtenu à l’issue de chaque saison dans les championnats nationaux joue un rôle décisif pour déterminer les participants à la compétition au plus haut niveau européen, ce qui rend l’accession (en fonction du niveau de la ligue nationale) aux premières places de ces championnats particulièrement attrayante. Cet élément pourrait disparaître, ou du moins être très affaibli, si les résultats des ligues nationales étaient en grande partie dénués de pertinence pour la participation au niveau supérieur de la pyramide, ainsi que cela semble ressortir des ambitions de l’ESLC. Les clubs fondateurs seraient ainsi protégés, dans leurs championnats nationaux, de la concurrence des clubs rivaux pour une place dans une compétition européenne de haut niveau. Or, une telle compétition ne semble pas être conforme au principe qui régit le football européen, selon lequel la participation aux compétitions repose sur le « mérite sportif » et les résultats obtenus sur le terrain de jeu.

103. Par ailleurs, une compétition avec les caractéristiques de l’ESL pourrait avoir une incidence négative sur le principe de l’égalité des chances, qui est un élément constitutif de l’équité des compétitions. En effet, par leur participation garantie à l’ESL, certains clubs pourraient se réserver d’importants revenus supplémentaires, tout en continuant parallèlement de participer à des compétitions nationales dans lesquelles ils affronteraient d’autres clubs qui n’auraient pas la possibilité de générer des revenus d’une ampleur comparable, et encore moins sur une base permanente et constante. Les revenus garantis provenant d’une participation permanente au plus haut niveau peuvent être considérés comme un avantage compétitif considérable pour financer l’acquisition et la rémunération de nouveaux joueurs, ce qui constitue un paramètre déterminant de la concurrence. Le fait qu’il existe actuellement des disparités importantes entre les clubs participant aux compétitions de l’UEFA ne pourrait justifier l’accroissement de ces disparités.

104. En outre, conformément à la position quasi unanime des gouvernements ayant participé à la procédure dans la présente affaire, une telle compétition empêcherait essentiellement la participation des équipes issues de la plupart des pays européens, puisqu’elle se limiterait à des participants provenant d’un nombre restreint de pays, ce qui risquerait également de heurter la dimension « européenne » du modèle sportif défendu par l’article 165 TFUE.

105. Sous réserve des vérifications qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer à cet égard, le modèle de l’ESL risquerait également de remettre en cause le principe de solidarité, dès lors que la création de ce format de compétition pourrait avoir comme conséquence de porter atteinte à l’attractivité ainsi qu’à la profitabilité des compétitions de l’UEFA (et notamment de la Ligue des champions) et de réduire ainsi les revenus qui en découlent, dont une partie est reversée au football de base.

106. Outre les objectifs purement sportifs, et même en admettant que tant les règles mises en place par l’UEFA et la FIFA que les menaces de sanctions proférées par celles-ci n’étaient motivées que par des considérations purement économiques, de telles dispositions statutaires pourraient à tout le moins s’avérer nécessaires. J’estime ainsi que, dans le contexte de la présente affaire, l’application des règles mises en place par l’UEFA et son comportement à l’égard de l’ESLC devraient être interprétés comme visant à empêcher un phénomène de « double appartenance » (dual membership) (voire de parasitisme free riding) qui risquerait d’affaiblir la position de l’UEFA (et, partant, de la FIFA) sur le marché.

107. Il est important de rappeler, à cet égard, que la volonté de l’ESLC n’est pas de créer une « véritable » ligue indépendante fermée (breakaway league) mais d’ériger une compétition concurrente à celle de l’UEFA, dans le segment le plus lucratif du marché de l’organisation des compétitions footballistiques européennes, tout en continuant à faire partie de l’écosystème de l’UEFA en participant à certaines de ces compétitions (et notamment aux championnats nationaux). En d’autres termes, il semblerait que les clubs fondateurs de l’ESLC souhaitent, d’une part, bénéficier des droits et avantages liés à l’appartenance à l’UEFA, sans pour autant être liés aux règles et obligations de celle-ci.

108. Or, du point de vue du droit de la concurrence, il ne peut pas être reproché à une entreprise (ou à une association d’entreprises telle que l’UEFA) d’essayer de protéger ses propres intérêts économiques, notamment à l’égard d’un tel projet « opportuniste » qui risquerait de l’affaiblir considérablement (55). Il convient de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà jugé comme appropriées des dispositions statutaires d’une association coopérative limitant la possibilité pour ses membres (y compris par le moyen de sanctions d’exclusion) de faire partie d’autres formes de coopération concurrente (56).

109. Il convient enfin de relever que, contrairement à l’affaire actuellement pendante C‑124/21 P (International Skating Union/Commission), il ne s’agit pas ici pour l’UEFA de refuser l’organisation d’une compétition ou d’imposer des mesures disciplinaires à l’égard des clubs souhaitant participer à un événement ou à une compétition tierce qui ne risquerait pas d’influencer le calendrier sportif ou de déstabiliser la structure existante du modèle de gouvernance et d’organisation de la discipline sportive concernée (57).

110. À la lumière des observations qui précèdent, je suis d’avis que la non-reconnaissance par la FIFA et l’UEFA d’une compétition essentiellement fermée telle que l’ESL pourrait être considérée comme étant inhérente à la poursuite de certains objectifs légitimes [au sens de la jurisprudence issue des arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98), et du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, EU:C:2006:492)], en ce qu’elle vise à maintenir les principes de la participation fondée sur les résultats sportifs, l’égalité des chances et la solidarité sur lesquels repose la structure pyramidale du football européen.

4)      Sur la proportionnalité du système d’autorisation préalable et des sanctions prévus par les règles de l’UEFA

111. Dans la formulation même de ses trois premières questions préjudicielles, la juridiction de renvoi considère que tant la procédure d’autorisation préalable que celle visant à l’imposition des sanctions ne sont pas régies par des critères « objectifs, transparents et non discriminatoires ». Il convient de noter, à cet égard, que si la Cour, dans les arrêts MOTOE et OTOC, a souligné l’importance d’encadrer la possibilité pour une fédération sportive d’utiliser ses pouvoirs d’autorisation et de sanction au moyen des critères identifiés par la juridiction de renvoi afin de prévenir tout risque d’utilisation dévoyée, elle s’est contentée d’énoncer des critères généraux sans en définir le contenu précis.

112. Je considère, dès lors, que la mise en place des critères établis par la jurisprudence de la Cour devrait répondre aux objectifs suivants.

113. De tels critères doivent viser, en premier lieu, comme l’indique clairement la jurisprudence de la Cour issue des arrêts MOTOE et OTOC, à encadrer le pouvoir discrétionnaire dont dispose une fédération sportive en limitant sa marge d’appréciation et, notamment, la possibilité pour cette dernière d’avoir recours à des décisions arbitraires en refusant l’organisation de compétitions sportives tierces de manière injustifiée ou pour des motifs illégitimes (58).

114. En deuxième lieu, ces critères doivent permettre d’établir de manière claire, objective et la plus détaillée possible les conditions d’accès au marché afin de donner la possibilité à tout organisateur de compétitions tierces non seulement d’avoir une visibilité suffisante quant à la procédure à suivre ainsi qu’aux conditions à remplir pour entrer sur le marché concerné, mais également d’anticiper que, dans la mesure où lesdites conditions sont remplies, la fédération en question ne devrait pas pouvoir, en principe, lui refuser l’accès sur le marché.

115. S’agissant, en troisième lieu, des clubs et des joueurs concernés, ceux-ci doivent également être en mesure de connaître à l’avance les conditions dans lesquelles ils pourront participer à des événements tiers ainsi que les sanctions encourues en cas de participation à de tels événements. Au-delà de leur effet dissuasif, ces sanctions doivent, par ailleurs, être suffisamment claires, prévisibles et proportionnées afin de limiter tout risque d’application arbitraire par la fédération en question.

116. En quatrième et dernier lieu, tant les organisateurs de compétitions concurrentes que les clubs et les joueurs concernés doivent disposer de moyens de recours leur permettant de contester d’éventuelles décisions de refus ou des sanctions imposées par les fédérations sportives en question. Par ailleurs, ces moyens de recours ne doivent pas être limités à des organes internes à la fédération, mais doivent également prévoir la possibilité de contester de telles décisions devant une instance indépendante.

117. Il revient donc à la juridiction de renvoi d’examiner, à la lumière des principes dégagés aux points précédents des présentes conclusions, le caractère proportionné des règles de l’UEFA (et de la FIFA) en matière d’autorisation préalable et de sanctions. Toutefois, cet examen ne peut être effectué de manière abstraite et doit prendre en compte le contexte factuel, juridique et économique dans lequel ces règles vont être appliquées, y compris, donc, les caractéristiques spécifiques de l’ESL.

i)      Sur la proportionnalité du régime de l’autorisation préalable

118. Il convient de préciser d’emblée que les principes décrits aux points 114 à 116 des présentes conclusions ne peuvent trouver à s’appliquer qu’à l’égard de compétitions indépendantes qui elles-mêmes respectent les objectifs reconnus comme légitimes que poursuit une fédération sportive. Il s’ensuit que, à supposer que les critères mis en place par l’UEFA ne répondraient pas aux critères de transparence et de non-discrimination, cela ne signifierait pas qu’une compétition tierce qui irait à l’encontre des objectifs sportifs légitimes devrait être autorisée et que le refus de l’UEFA d’autoriser une telle compétition ne pourrait pas être justifié.

ii)    Sur la proportionnalité du régime des sanctions

119. Dans les arrêts dans lesquels la Cour a reconnu le caractère inhérent, au vu des objectifs poursuivis, des sanctions visant, d’une part, des sportifs ayant méconnu les règles de cette fédération et, d’autre part, les membres d’une association professionnelle, la Cour n’a pas manqué de souligner l’importance d’assurer le caractère proportionné des mesures disciplinaires en cause (59).

120. En ce qui concerne les menaces de sanctions proférées par l’UEFA, j’estime qu’il est important d’établir une distinction entre les sanctions susceptibles d’être appliquées aux clubs et celles auxquelles sembleraient être exposés les joueurs des clubs impliqués dans la création de l’ESL.

121. Ainsi, l’imposition de sanctions à l’égard des joueurs qui n’ont pas été parties à la décision de la création de l’ESL me paraît disproportionnée, notamment en ce qui concerne leur participation aux sélections nationales. Ainsi, une décision consistant à punir des joueurs qui ne semblent avoir eu aucun comportement fautif par rapport aux règles de l’UEFA et dont l’implication dans la création de l’ESL ne semble pas avoir été établie démontrerait une application abusive et excessive de ces règles. Par ailleurs, le fait de priver les sélections nationales concernées de certains de leurs joueurs reviendrait à les sanctionner indirectement également, une situation qui paraît elle aussi disproportionnée.

122. En revanche, les sanctions visant des clubs de football affiliés à l’UEFA, en cas de participation à une compétition internationale telle que l’ESL, peuvent paraître proportionnées compte tenu, notamment, du rôle joué par ces clubs dans l’organisation et la création d’une compétition qui, pour les raisons exposées aux points 102 à 105 des présentes conclusions, ne semble pas respecter les principes essentiels qui structurent l’organisation et le fonctionnement du football européen.

123. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA ainsi qu’aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable dans la mesure où compte tenu des caractéristiques de la compétition envisagée, les effets restrictifs découlant dudit système apparaissent être inhérents et proportionnés pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA et la FIFA qui sont liés à la spécificité du sport.

2.      Sur la première question préjudicielle 

124. Par sa première question préjudicielle et la seconde partie de sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA portant sur le système d’autorisation préalable ainsi que sur le régime des sanctions.

125. À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 102 TFUE interdit l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

126. L’exploitation abusive d’une position dominante est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui, sur un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli, ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (60).

127. Conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’une position dominante impose une responsabilité particulière à l’entité qui la détient de ne pas empêcher par son comportement le développement d’une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur (61). La question de savoir si son comportement revêt un caractère abusif, dans un cas donné, doit être examinée de façon objective et concrète, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles, des caractéristiques du marché concerné et du comportement en cause, ainsi qu’en mettant en balance ses effets d’éviction actuels ou potentiels avec les gains d’efficacité susceptibles de neutraliser ces effets, au bénéfice des consommateurs (62).

128. Pour autant, l’existence d’une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position ni du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués (63), ni de la faculté, dans une mesure raisonnable, d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de les protéger, pourvu que ce comportement ne soit pas constitutif d’un abus de position dominante (64).

a)      Sur l’existence d’une position dominante de l’UEFA et de la FIFA

129. À la lumière des explications de la juridiction de renvoi, il convient de partir de l’hypothèse que le marché pertinent est celui de l’organisation et de l’exploitation commerciale des compétitions internationales de clubs de football à l’échelle européenne et que l’UEFA jouit d’une position dominante (voire monopolistique) sur ce marché, étant donné qu’elle est l’unique organisatrice de toutes les grandes compétitions de football interclubs au niveau européen.

b)      Sur l’exploitation abusive d’une position dominante de la part de l’UEFA et de la FIFA

130. Il convient de rappeler que l’exercice, par une fédération sportive, de la fonction réglementaire consistant à désigner les personnes autorisées à organiser des compétitions ainsi qu’à fixer les conditions dans lesquelles ces dernières sont organisées doit être assorti de limites, d’obligations ou d’un contrôle pour éviter que la personne morale concernée puisse fausser la concurrence en favorisant les compétitions qu’elle organise ou celles auxquelles elle participe (65). Dans ce contexte, la « responsabilité particulière » qui incombe à la FIFA et à l’UEFA, au sens de l’article 102 TFUE, réside précisément dans le fait qu’elles sont tenues de veiller, lors de l’examen des demandes d’autorisation d’une nouvelle compétition, à ce que les tiers ne soient pas indûment privés d’un accès au marché.

131. Par conséquent, l’analyse développée au sujet de l’application de la jurisprudence relative aux « restrictions accessoires » dans le cadre de la réponse apportée à la deuxième question préjudicielle peut être transposée lors de l’examen des mesures en cause dans la présente affaire au regard de l’article 102 TFUE (66).

132. Par souci d’exhaustivité, j’estime néanmoins utile d’examiner brièvement deux problématiques spécifiques à l’application de l’article 102 TFUE aux règles mises en place par l’UEFA et la FIFA qui ont été soulevées par certaines parties dans leurs observations écrites et débattues lors de l’audience.

1)      Sur la problématique de la « prévention des conflits d’intérêts » au regard de l’article 102 TFUE

133. L’ESLC soutient que le fait pour l’UEFA de s’attribuer le pouvoir d’autorisation des compétitions alternatives alors qu’il existe un conflit d’intérêts constitue, en soi, un abus de position dominante. Ainsi, le seul moyen, selon l’ESLC, de résoudre cette situation serait de dissocier la réglementation du sport, l’organisation des compétitions et son exploitation commerciale.

134. Je rappelle, en premier lieu, que le seul fait qu’une fédération sportive exerce à la fois les fonctions de régulateur et d’organisateur de compétitions sportives n’implique pas en soi une violation du droit de la concurrence de l’Union (67). En effet, si une séparation structurelle telle que préconisée par l’ESLC consistant à confier l’exercice des pouvoirs réglementaires à une entité indépendante et n’ayant aucun lien avec une quelconque entreprise active sur le marché concerné serait de nature à éliminer tout conflit d’intérêts, il ne s’agit pas d’une solution unique et impérative. Il ressort ainsi clairement de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 45 et 46 des présentes conclusions que, afin de prévenir de potentiels conflits d’intérêts, une fédération peut également établir une procédure d’autorisation des compétitions tierces en identifiant des critères d’autorisation prédéfinis de manière objective et non discriminatoire.

135. En deuxième lieu, imposer une séparation structurelle reviendrait à interdire toute activité économique à des fédérations sportives qui sont dans la même situation que l’UEFA et la FIFA, une situation difficilement conciliable avec le fait que, nonobstant leurs caractéristiques particulières, celles-ci sont également des entreprises pour lesquelles, comme pour toute autre entreprise, la poursuite d’objectifs économiques est inhérente à leur activité et n’est pas en soi anticoncurrentielle.

136. En troisième lieu, une dissociation (« forcée ») entre les activités « réglementaires » et « commerciales » exercées par une fédération sportive risquerait de se heurter au « modèle sportif européen », notamment en ce qui concerne des disciplines sportives pour lesquelles la structure pyramidale joue un rôle important, à l’instar du football. Or, dans le cadre de ces activités sportives, les fonctions réglementaires et économiques sont liées et interdépendantes, dans la mesure où les revenus issus de l’exploitation commerciale des compétitions organisées sous l’égide de ces fédérations sont redistribués à des fins de développement du sport concerné.

2)      Sur l’application de la théorie des « facilités essentielles »

137. Une problématique spécifique soulevée dans le cadre de l’analyse de la première question préjudicielle est celle de la pertinence que pourrait revêtir, aux fins de l’analyse des règles d’autorisation préalable et de participation mises en place par la FIFA et l’UEFA au regard de l’article 102 TFUE, la jurisprudence de la Cour sur les « facilités essentielles » tirée de l’arrêt Bronner (68).

138. Conformément à la théorie des facilités essentielles, une entreprise dominante qui possède ou contrôle une infrastructure essentielle peut être contrainte à coopérer avec ses concurrents en leur donnant accès à celle-ci sans aucune discrimination. Ainsi, dans l’arrêt Bronner, la Cour a considéré que, afin que le refus par une entreprise en position dominante d’accorder l’accès à une infrastructure ou à des services puisse constituer un abus au sens de l’article 102 TFUE, il fallait que ce refus soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur du service, qu’il ne puisse être objectivement justifié et que le service en lui-même soit indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur en ce sens qu’il n’existait à l’égard de celui-ci aucun substitut réel ou potentiel (69).

139. Pour les raisons qui suivent, je suis d’avis que l’« écosystème » de l’UEFA et de la FIFA ne peut pas être considéré comme une « facilité essentielle » et qu’il convient dès lors de rejeter l’application de cette théorie dans la présente affaire.

140. En ce qui concerne, premièrement, l’exigence d’une autorisation préalable, force est de constater que celle-ci n’est pas indispensable pour qu’un tiers, par exemple l’ESLC, organise une nouvelle compétition de football. Comme cela a été constaté au point 75 des présentes conclusions, il n’existe aucun obstacle juridique qui puisse empêcher les clubs participant à l’initiative de l’ESLC de créer et d’organiser librement leur propre compétition, en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA. L’autorisation de ces fédérations n’est ainsi requise que dans la mesure où les clubs participant à l’ESL souhaitent rester affiliés à l’UEFA et continuer de participer aux compétitions de football organisées par celle-ci.

141. Deuxièmement, la création d’une ligue telle que l’ESL ne nécessite pas de reproduire l’infrastructure existante de l’UEFA avec les obligations qui y sont rattachées. Nul n’oblige les organisateurs d’une nouvelle compétition indépendante de créer leur projet sur la base d’un modèle organisationnel similaire à celui de l’UEFA et de la FIFA. Ainsi, comme cela a été mentionné aux points 106 et 107 des présentes conclusions, la véritable problématique dans la présente affaire porte sur la possibilité qu’auront ces clubs de créer leur propre ligue et de prétendre, dans le même temps, continuer à participer à l’écosystème footballistique de la FIFA et de l’UEFA, ainsi qu’aux compétitions organisées par celles-ci. Or, dans un tel cas de figure, la jurisprudence relative aux facilités essentielles ne peut être pertinente.

142. Troisièmement, l’application de la jurisprudence sur les facilités essentielles ne se justifie que si un refus d’accès est de nature à éliminer ou à rendre excessivement difficile toute concurrence sur le marché connexe ou encore à empêcher le lancement d’un nouveau produit pour lequel il existe une demande, ce qui, pour les raisons précitées, n’est pas le cas en l’espèce.

143. Quatrièmement, sous réserve des observations formulées aux points 133 à 142 des présentes conclusions, il me semble que le refus de l’UEFA peut être objectivement justifié tant sur le plan sportif au regard des objectifs légitimes poursuivis par cette fédération que sur le plan économique afin de lutter contre le parasitisme ou un phénomène de « double appartenance » susceptible d’affaiblir la position de l’UEFA et de la FIFA sur le marché (70).

144. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la première question préjudicielle que l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA ainsi qu’aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable dans la mesure où, compte tenu des caractéristiques de la compétition envisagée, les effets restrictifs découlant dudit système apparaissent être inhérents et proportionnés pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA et la FIFA qui sont liés à la spécificité du sport.

3.      Sur la troisième question préjudicielle

145. La question de la légalité concurrentielle du comportement visé par la troisième question préjudicielle étant intrinsèquement liée à celle des règles faisant l’objet des deux premières questions préjudicielles, celles-ci ont été soumises à une analyse conjointe, comme il a été précisé au point 54 des présentes conclusions. Plus précisément, l’analyse des questions relatives aux sanctions de l’UEFA et de la FIFA a été effectuée aux points 83 et 84, 101 à 108, 111 à 117 et 119 à 122 des présentes conclusions.

146. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle que les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’interdisent pas à la FIFA, à l’UEFA, à leurs fédérations membres ou à leurs ligues nationales de proférer des menaces de sanctions à l’encontre des clubs affiliés à ces fédérations lorsque ces derniers participent à un projet de création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs qui risquerait de porter atteinte aux objectifs légitimement poursuivis par lesdites fédérations dont ils sont membres. Néanmoins, les sanctions d’exclusion visant les joueurs qui n’ont aucune implication dans le projet en question sont disproportionnées notamment en ce qui concerne leur exclusion des sélections nationales.

4.      Sur la cinquième question préjudicielle

147. Par sa cinquième question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité des exemptions et des justifications concurrentielles « classiques », telles que celles respectivement prévues par le traité FUE s’agissant de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et dégagées par la jurisprudence concernant l’article 102 TFUE (71).

148. Il convient de noter, tout d’abord, qu’il y aura lieu de répondre à cette question uniquement si la Cour constate, à la lumière des réponses apportées aux première et deuxième questions préjudicielles, que les articles 101 et 102 TFUE ont été enfreints. Or, au vu des réponses que je propose d’apporter à ces questions, tel n’est pas le cas.

149. Il ressort, par ailleurs, d’une jurisprudence constante qu’il incombe à la partie à laquelle il est reproché d’avoir violé les règles de concurrence de rapporter la preuve que son comportement remplit les conditions permettant de considérer qu’il relève de l’article 101, paragraphe 3, TFUE (72) ou qu’il est objectivement justifié au regard de l’article 102 TFUE (73). Cependant, force est de constater que, en l’occurrence, la décision de renvoi a été adoptée sans que la FIFA et l’UEFA aient été préalablement entendues et aient donc pu présenter des arguments et des éléments de preuve relatifs au respect de ces conditions dans les circonstances spécifiques de l’espèce (74).

150. Eu égard aux réponses proposées aux trois premières questions préjudicielles et au vu des précisions qui précèdent, j’estime qu’il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question préjudicielle.

5.      Sur la quatrième question préjudicielle

151. La quatrième question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité des règles mises en place par la FIFA relatives à l’exploitation des droits sportifs au regard des articles 101 et 102 TFUE. Ces règles prévoient, plus particulièrement, que l’ensemble des droits liés à l’exploitation des compétitions internationales de football appartient à titre « originel » à la FIFA et aux confédérations régionales telles que l’UEFA, qui sont les « seules compétentes pour autoriser la diffusion des matches et des manifestations relevant de leur juridiction sur des supports notamment audiovisuels, et ce sans restriction de lieu, de contenu, de date, de technique ou de droit ».

a)      Observations liminaires

152. Avant de procéder à l’analyse de la quatrième question préjudicielle, il me paraît important d’apporter certaines clarifications concernant le contexte dans lequel s’insèrent ces règles, notamment au vu de certaines constatations effectuées par la juridiction de renvoi s’agissant de l’interprétation de ces dispositions, tout en rappelant que la Cour n’est pas compétente pour interpréter des dispositions du statut de la FIFA et de l’UEFA qui, manifestement, n’appartiennent pas au corpus du droit de l’Union.

153. Les articles 67 et 68 des statuts de la FIFA énoncent que cette dernière revendique la propriété originelle exclusive des droits naissant des compétitions relevant de la « juridiction » de l’UEFA. Il convient de constater que le fait que ce terme ne soit pas défini dans les statuts de la FIFA prête à une certaine confusion, comme en témoignent les positions divergentes de l’ESLC, d’une part, et de la FIFA et de l’UEFA, d’autre part. Ainsi, l’ESLC soutient une interprétation littérale (relativement large) du terme « juridiction » en affirmant qu’il vise une appropriation complète (et exclusive) des droits du football pour toutes les compétitions qui, géographiquement, se situent sur le continent européen. À l’opposé, la FIFA et l’UEFA soutiennent, en substance, que la référence au terme « juridiction » revêt une acception juridique et non pas géographique, en ce sens qu’elle ne vise que les compétitions autorisées par celles-ci en Europe.

154. La Commission, quant à elle, considère que ces dispositions doivent être lues conjointement avec l’article 49, paragraphe 1, des statuts de l’UEFA, qui dispose que cette dernière est seule compétente pour organiser des compétitions internationales en Europe auxquelles participent des associations et/ou des clubs qui lui sont affiliés. Prises ensemble, ces expressions pourraient être comprises, comme semble d’ailleurs le soutenir la juridiction de renvoi, en ce sens que la FIFA revendiquerait, sans aucune limitation, la propriété exclusive de l’UEFA en ce qui concerne les compétitions auxquelles participent des clubs de ses associations membres, ce qui semble indiquer qu’elle couvre aussi les droits liés à des compétitions telles que l’ESL.

155. À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que les articles 67 et 68 des statuts de la FIFA s’insèrent dans un contexte particulier propre à certains sports de grande popularité, parmi lesquels le football, où l’on retrouve un mécanisme d’exploitation centralisée des droits liés aux compétitions les plus importantes.

156. Contrairement à ce que soutient l’ESLC, l’architecture de ce modèle ne semble pas reposer sur une obligation de cession des droits dont disposent les clubs de football ou les organisateurs de compétitions de football contre leur gré à l’UEFA. Il semblerait plutôt, au contraire, d’un point de vue juridique, que les clubs participant aux compétitions de l’UEFA ont volontairement confié l’exploitation de leurs droits sportifs à cette dernière, tout en continuant d’en être les titulaires effectifs finaux et, à ce titre, de percevoir une partie des revenus qui découlent de leur vente. Ainsi, la « détention originelle », complète et exclusive prévue par les articles en cause, ne pourrait se comprendre, conceptuellement, que comme étant l’expression d’une propriété conjointe de l’UEFA (en tant qu’organisatrice des compétitions européennes de football) et des clubs de football professionnels (en tant que participants à celles-ci) (75).

157. En second lieu, si, en effet, les articles 67 et 68 des statuts de la FIFA contiennent des formulations ambiguës susceptibles d’être interprétées en ce sens que sont également visées des compétitions de football organisées par des tiers en Europe, je suis d’avis que ces dispositions ne peuvent pas être comprises comme imposant, par voie de cession obligatoire, une expropriation de ces droits au profit de l’UEFA lorsque ces derniers découlent d’une compétition tierce sans lien avec cette fédération. À mes yeux, ces dispositions ne peuvent concerner que les droits commerciaux découlant des compétitions organisées sous l’égide de l’UEFA, de sorte que toute compétition indépendante créée en dehors de l’écosystème de l’UEFA ne pourrait être soumise à ces règles. Un organisme privé ne pourrait, par ailleurs, en aucun cas réglementer à travers ses propres règles la conduite d’autres organismes privés indépendants de celui-ci. Les organisateurs d’une telle compétition seraient, en principe, libres d’exploiter les droits découlant de cette compétition comme ils le souhaitent sans aucune intervention de l’UEFA.

b)      Analyse

158. Il est indéniable que la FIFA, en sa qualité d’association d’entreprises ou d’entreprise organisant et commercialisant des compétitions internationales de football, se livre à une activité économique impliquant des investissements tant intellectuels que commerciaux, techniques et financiers. Une telle activité doit pouvoir, dans son principe même, bénéficier d’une protection juridique, d’une part, et mériter une rémunération dont une source essentielle – mais non exclusive – peut provenir de l’exploitation des droits sportifs (de diffusion, de retransmission ou autres) liés aux compétitions, d’autre part.

159. Par ailleurs, il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission concernant ce type d’accords de commercialisation de droits liés à des compétitions sportives, et notamment de sa décision sur la vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA, que des accords prévoyant l’attribution exclusive de ces droits à une seule entité peuvent restreindre la concurrence (76) (nonobstant le fait qu’ils puissent être exemptés au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE) (77).

160. Bien que la question posée par la juridiction de renvoi diffère sensiblement de celle examinée par la Commission dans la décision précitée – en ce sens que la prétendue restriction de la concurrence, en l’espèce, n’est pas uniquement limitée à la problématique de la vente centralisée et de l’exploitation exclusive des droits commerciaux sur une compétition précise de l’UEFA, mais porte également sur la question d’une prétendue « appropriation » des droits liés à d’autres compétitions qui pourraient avoir lieu en Europe ainsi qu’au fait que ces règles ont pour objet ou pour effet de compléter le monopole détenu par l’UEFA sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football –, ces deux problématiques sont connexes en ce qu’elles portent sur les pouvoirs et les droits que confèrent les statuts de la FIFA à l’UEFA d’être le détenteur et l’organe de vente exclusif des droits commerciaux des compétitions de football en Europe.

161. Il convient de noter, à cet égard, que, en l’occurrence, l’exploitation des droits du football à laquelle se livrent la FIFA et l’UEFA est une activité économique « dérivée » ou « accessoire » par rapport à l’activité économique « de base » que constituent l’organisation et la commercialisation des compétitions internationales de football, qui a fait l’objet d’une analyse dans le cadre des deux premières questions préjudicielles. En effet, l’analyse combinée des règles de l’UEFA semble indiquer que toutes les compétitions auxquelles participent des clubs qui sont affiliés à cette fédération doivent être soumises aux règles prescrites par celle-ci, y compris celles portant sur l’exploitation de ces droits. Il s’ensuit qu’un tel scénario est susceptible de donner lieu à une restriction de la concurrence, dans la mesure où ces règles peuvent être perçues comme des barrières (supplémentaires) d’entrée sur le marché faisant obstacle à la création et au développement de nouvelles compétitions sportives et avoir, ce faisant, des effets (au moins potentiels) d’éviction sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions (en contribuant à le fermer au détriment des concurrents) aussi bien que sur celui de l’exploitation des droits sportifs (en imposant aux clubs de procéder à cette exploitation de façon centralisée et exclusive pour l’ensemble de ces droits).

162. Si une restriction de la concurrence peut être démontrée, il conviendrait d’examiner si cette restriction est inhérente à la poursuite d’un objectif légitime et proportionné à celle-ci, ou si les comportements restrictifs remplissent les conditions pour bénéficier d’une exemption individuelle conformément à l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou si elle est objectivement justifiée au sens de l’article 102 TFUE.

163. S’agissant de la possible justification de ces restrictions au titre de la théorie des restrictions accessoires, cette question devrait être appréhendée, en substance, au regard de la grille d’analyse figurant aux points 93 à 118 des présentes conclusions.

164. S’agissant, plus précisément, des objectifs légitimes poursuivis par ces règles, outre ceux qui sont liés au « modèle sportif européen » et qui ont été décrits aux points 30 et 95 à 98 des présentes conclusions, celui de la solidarité financière paraît particulièrement pertinent, en l’espèce, dès lors qu’une grande partie des bénéfices redistribués semble provenir directement de l’exploitation des droits commerciaux de ces compétitions. Je note, à cet égard, que les articles 67 et 68 des statuts de la FIFA poursuivraient un objectif légitime reconnu, notamment, par la Commission dans la décision « Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA », consistant à maximiser les recettes issues de l’exploitation des droits sportifs liés aux compétitions organisées par l’UEFA, qui seraient intégralement affectées au développement du football en général ainsi qu’à la solidarité envers les clubs se trouvant à des degrés inférieurs de la « pyramide » (78).

165. En outre, sous réserve des vérifications qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, ces articles paraissent être proportionnés à la poursuite d’un tel objectif en ce qu’ils accordent la titularité des droits en question à la FIFA et à l’UEFA, car ce dispositif permettrait d’éviter les difficultés qu’engendrerait la renégociation régulière de la répartition des revenus correspondants entre les clubs.

166. Il convient de rappeler, à cet égard, que le football se caractérise par une interdépendance économique entre les clubs, de sorte que le succès financier d’une compétition dépend avant tout d’une certaine égalité entre les clubs. Or, la redistribution des revenus issus de l’exploitation commerciale des droits découlant des compétitions sportives répond à cet objectif d’« équilibre ». Ainsi, si chaque club était libre de négocier unilatéralement la totalité de ses droits commerciaux, y compris ceux découlant de sa participation à des compétitions interclubs (par exemple, les droits télévisés), l’équilibre entre les clubs serait mis en péril.

167. Il convient, par ailleurs, de noter que, comme l’a relevé la Cour, l’exploitation des droits en cause au principal se rattache à un sport qui revêt une « importance sociale considérable » (79). Dans cette logique, le législateur de l’Union a adopté une réglementation prévoyant notamment la possibilité, pour chaque État membre, d’imposer une diffusion ouverte des événements sportifs dits « [d’]importance majeure pour la société » (80).

168. Pour les mêmes raisons que celles mentionnées en réponse à la cinquième question préjudicielle, j’estime qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’existence d’éventuelles justifications en ce qui concerne les articles 101 et 102 TFUE. Par souci d’exhaustivité, il convient néanmoins de préciser que, dans sa décision « Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA », la Commission a considéré qu’un accord d’exploitation centralisée de l’UEFA en matière de droits commerciaux bénéficie d’une exemption individuelle en vertu de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. À cet égard, la Commission a considéré que ces règles profitaient en effet aux utilisateurs en ce sens que les produits médiatiques relatifs à cette compétition paneuropéenne de clubs de football sont commercialisés par un point de vente unique et qu’ils ne pourraient pas autrement être produits et distribués d’une manière aussi efficace (81).

169. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la quatrième question préjudicielle que les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 67 et 68 des statuts de la FIFA dans la mesure où les restrictions portant sur la commercialisation exclusive des droits relatifs aux compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA apparaissent comme étant inhérentes à la poursuite des objectifs légitimes liés à la spécificité du sport et proportionnées à ceux-ci. Il revient, par ailleurs, à la juridiction de renvoi d’examiner dans quelle mesure les articles en question peuvent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou s’il existe une justification objective de ce comportement au sens de l’article 102 TFUE.

6.      Sur la sixième question préjudicielle

170. Par sa sixième question préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la compatibilité des règles de la FIFA et de l’UEFA relatives à l’autorisation préalable des compétitions internationales de football et à la participation des clubs de football professionnels ainsi que des joueurs à celles-ci avec les articles du traité FUE relatifs aux quatre libertés économiques fondamentales.

171. À cet égard, il est de jurisprudence constante que les interdictions de porter atteinte aux libertés économiques fondamentales consacrées par le traité FUE s’appliquent non seulement aux réglementations d’origine publique et, plus généralement, aux mesures imputables aux États membres, mais également à des réglementations ou à des mesures d’origine privée, y compris à des réglementations ou à des pratiques qui émanent de fédérations sportives (82). Il ressort ainsi de cette jurisprudence de la Cour que, si les fédérations sportives sont libres d’établir leurs règles, l’autonomie dont elles disposent ne saurait les autoriser à limiter l’exercice des droits conférés par le traité FUE.

172. Il résulte, néanmoins, d’une jurisprudence tout aussi constante de la Cour que certaines réglementations ou pratiques émanant d’entités (comme le Comité international olympique) ou de fédérations (nationales ou internationales) sportives sont à considérer comme étant d’emblée soustraites du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives aux libertés économiques fondamentales, dans la mesure où elles portent sur des questions intéressant « uniquement le sport » et, en tant que telles, étrangères à l’activité économique (83). La Cour a cependant souligné que cette « exception sportive » doit rester limitée à son objet propre (84) et ne l’a, pour ce motif, jugée applicable, jusqu’ici, qu’en présence d’un nombre fort restreint de règles qui touchent au « cœur » des activités sportives (85). Cette exception ne peut donc être invoquée pour exclure toute une activité sportive du champ d’application du traité FUE. Dès lors que la qualification d’une mesure en tant qu’« exception sportive » la soustrait du champ d’application des dispositions de ce traité et, partant, de tout contrôle, une interprétation restrictive de cette notion s’impose.

173. Il découle de cette jurisprudence que, en raison de ses caractéristiques, le système d’autorisation préalable prévu par l’UEFA ne peut pas bénéficier de l’« exception sportive ». Ainsi, quand bien même les aspects « sportifs » de ce système sont indéniables, il n’en reste pas moins qu’il revêt également (et sans aucun doute) une dimension économique, dans la mesure où, en conférant la possibilité à l’UEFA de contrôler et donc de refuser l’accès au marché de l’organisation des compétitions sportives, il peut avoir une incidence sur les libertés fondamentales.

174. Dès lors que les règles en cause de l’UEFA entrent dans le champ d’application des dispositions du traité FUE relatives aux libertés économiques fondamentales, il y a lieu d’identifier, d’une part, quelles sont les libertés concernées et, d’autre part, si celles-ci sont restreintes.

175. Il convient de constater, à cet égard, que, au vu du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’UEFA, lui permettant de contrôler l’accès au marché sur la base de critères qu’elle a elle-même établis, les règles d’autorisation préalable et de participation instituées par cette fédération peuvent être considérées comme étant susceptibles de restreindre, premièrement, les articles 49 et 56 TFUE relatifs à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services d’entreprises souhaitant entrer sur le marché de l’organisation des compétitions sportives. Ces règles sont donc susceptibles d’influencer négativement la possibilité, pour des organisateurs de compétitions internationales de football alternatives tels que l’ESLC, de recourir aux services de clubs de football professionnels qui emploient ces joueurs, qui se sont attachés leurs services ou qui l’envisagent, sachant qu’ils ne pourront pas le faire en l’absence d’autorisation, par la FIFA ou l’UEFA, des compétitions internationales qu’ils envisagent d’organiser et de commercialiser.

176. Deuxièmement, les règles en cause ont, en raison des sanctions d’exclusion prévues par les règles de l’UEFA, un impact sur la possibilité qu’ont les clubs eux-mêmes d’établir leur propre compétition (à supposer que celle-ci ne soit pas organisée par une entité tierce) ainsi qu’à fournir leurs services à une compétition tierce.

177. Troisièmement, les règles d’autorisation préalable et de participation instituées par la FIFA et l’UEFA peuvent également être susceptibles de rendre moins attrayante la possibilité de circuler librement (au sens de l’article 45 TFUE), pour des joueurs, de fournir leurs services à (ou de se faire employer par) des clubs de football professionnels établis dans d’autres États membres que celui dont ils sont ressortissants, tels que ceux qui sont membres de l’ESLC, en vue de permettre la participation de ces clubs à une compétition internationale concurrente de celles qui sont organisées et commercialisées par la FIFA et l’UEFA, comme l’ESL. Par ailleurs, si ces joueurs le font, ils peuvent s’exposer à une sanction d’exclusion et, plus largement, au risque de subir un préjudice dans le cadre de leur carrière professionnelle ainsi que de leur activité économique.

178. Quatrièmement, même si elle ne joue qu’un rôle accessoire à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services, la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63 TFUE semble également être concernée, dans la mesure où il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations de l’ESLC que la création et le développement de cette dernière supposaient d’importants financements susceptibles d’être accordés par des institutions financières établies dans différents États membres.

179. Il revient à la juridiction de renvoi d’examiner la question de la possible justification des règles d’autorisation préalable et de participation en cause en l’occurrence et, le cas échéant, leur caractère adéquat, cohérent et proportionné. J’estime à cet égard que cette analyse recoupe en grande partie celle effectuée dans le cadre de l’analyse des restrictions accessoires (86).

180. À cet égard, je rappelle, premièrement, que de telles justifications sont, naturellement, invocables par les fédérations sportives auxquelles les libertés économiques fondamentales garanties par le traité FUE sont opposées (87).

181. S’agissant, deuxièmement, des objectifs d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions apportées aux libertés économiques fondamentales par des règles adoptées par des fédérations sportives, je renvoie à l’analyse effectuée aux points 93 et 94 des présentes conclusions. Il convient, par ailleurs, de relever qu’un certain nombre de ces objectifs ont déjà été reconnus par la Cour. Paraissent particulièrement pertinents, en l’espèce, des objectifs qui sont communs à toutes les fédérations sportives, tels que ceux consistant à assurer la régularité des compétitions (88) ainsi que leur bon déroulement au moyen de règles ou de critères appropriés (89). Me semblent également pertinents les objectifs, davantage propres à un sport collectif opposant des équipes tel que le football, consistant à maintenir l’équilibre entre les clubs, à assurer l’égalité des chances et à préserver l’incertitude des résultats (90).

182. Pour ce qui est, troisièmement, du « test » de la proportionnalité, il convient de noter d’emblée que la Cour n’admet pas la légalité per se de systèmes d’autorisation préalable et s’attache à évaluer au cas par cas la raison d’être ainsi que la proportionnalité, comme l’a d’ailleurs souligné la juridiction de renvoi (91). Il ressort de cette jurisprudence que, s’il revient aux fédérations sportives d’édicter les règles appropriées pour assurer le bon déroulement des compétitions, ces règles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi (92). Cela a également été confirmé dans l’arrêt récemment rendu par la Cour dans l’affaire TopFit, où il a été jugé que, pour qu’un régime d’autorisation préalable soit justifié au regard des dispositions relatives aux libertés de circulation, il doit, en tout état de cause, être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation d’une fédération sportive afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire (93).

183. Il convient de relever que, dans ces affaires, étaient en cause des règles prévoyant la non-admission ou l’exclusion complète d’athlètes pour des raisons liées à leur nationalité. La Cour a donc estimé que de telles règles émises par des fédérations sportives entraînant une discrimination sur la base de la nationalité étaient, par leur nature même, disproportionnées (94).

184. Pour les mêmes raisons que celles citées aux points 111 à 117 des présentes conclusions, il me semble que le système d’autorisation préalable se limite à ce qui est nécessaire pour assurer les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA.

185. J’estime, par ailleurs, que le contrôle de la proportionnalité ne peut ignorer les différences évidentes qui existent dans les « rapports de force » entre une fédération sportive et un joueur isolé (amateur ou professionnel) et des clubs de football parmi lesquels figurent certains des plus puissants au niveau mondial, eu égard au soutien public, à la notoriété médiatique et aux financements dont ils bénéficient.

186. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la sixième question préjudicielle que les articles 45, 49, 56 et 63 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA ainsi qu’aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable, dans la mesure où cette exigence est appropriée et nécessaire à cet effet, compte tenu des particularités de la compétition prévue.

V.      Conclusion

187. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de lo Mercantil n.º 17 de Madrid (tribunal de commerce de Madrid, Espagne) de la manière suivante :

1)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la Fédération internationale de football association (FIFA) et aux articles 49 et 51 des statuts de l’Union des associations européennes de football (UEFA) qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable dans la mesure où, compte tenu des caractéristiques de la compétition envisagée, les effets restrictifs découlant dudit système apparaissent être inhérents et proportionnés pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA et la FIFA qui sont liés à la spécificité du sport.

2)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’interdisent pas à la FIFA, à l’UEFA, à leurs fédérations membres ou à leurs ligues nationales de proférer des menaces de sanctions à l’encontre des clubs affiliés à ces fédérations lorsque ces derniers participent à un projet de création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs qui risquerait de porter atteinte aux objectifs légitimement poursuivis par lesdites fédérations dont ils sont membres. Néanmoins, les sanctions d’exclusion visant les joueurs qui n’ont aucune implication dans le projet en question sont disproportionnées, notamment en ce qui concerne leur exclusion des sélections nationales.

3)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 67 et 68 des statuts de la FIFA dans la mesure où les restrictions portant sur la commercialisation exclusive des droits relatifs aux compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA apparaissent comme étant inhérentes à la poursuite des objectifs légitimes liés à la spécificité du sport et proportionnées à ceux-ci. Il revient, par ailleurs, à la juridiction de renvoi d’examiner dans quelle mesure les articles en question peuvent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou s’il existe une justification objective de ce comportement au sens de l’article 102 TFUE.

4)      Les articles 45, 49, 56 et 63 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable, dans la mesure où cette exigence est appropriée et nécessaire à cet effet, compte tenu des particularités de la compétition prévue.


1      Langue originale : le français.


2      C‑415/93, EU:C:1995:293, point 56.


3      Voir résolution du Parlement européen du 23 novembre 2021 sur la politique des sports de l’Union européenne : bilan et pistes pour l’avenir [2021/2058(INI)].


4      A22 se présente comme une société fournissant des services liés à la création et à la gestion des compétitions internationales de football, qui souhaite accéder au marché de l’organisation ainsi que de la commercialisation de celles-ci en lien avec la conception et la mise en place de l’ESL.


5      La LNFP se présente comme une association reconnue par la loi et à laquelle tous les clubs de football professionnels jouant en première et en deuxième division du championnat de la Ligue nationale en Espagne sont légalement tenus d’appartenir.


6      La RFEF est la fédération nationale de football en Espagne.


7      Les gouvernements irlandais, français, hongrois et roumain ont soulevé le caractère hypothétique du litige.


8      Les gouvernements français, hongrois, roumain et slovaque ont exprimé des doutes sur le contenu même de la demande de décision préjudicielle.


9      Le gouvernement slovaque a considéré que la demande de décision préjudicielle serait viciée par certaines irrégularités procédurales.


10      Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106).


11      Arrêt du 15 décembre 1995 (C‑415/93, EU:C:1995:463).


12      Déclaration nº 29 relative au sport, 2 octobre 1997 (JO 1997, C 340, p. 136).


13      Rapport de la Commission au Conseil européen dans l’optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le cadre communautaire du 10 décembre 1999 (rapport d’Helsinki sur le sport) [COM(1999) 644 final].


14      Ce rapport précisait, entre autres à son point 4.2.1, que l’application des règles de concurrence du traité au secteur du sport doit tenir compte des spécificités du sport, notamment l’interdépendance entre l’activité sportive et les activités économiques qu’elle génère, le principe d’égalité des chances, ainsi que celui de l’incertitude des résultats.


15      Conseil européen de Nice, 7-9 décembre 2000, conclusions de la présidence, annexe IV : Déclaration relative aux caractéristiques spécifiques du sport et à ses fonctions sociales en Europe devant être prises en compte dans la mise en œuvre des politiques communes, paragraphe 1.


16      Livre blanc sur le sport, 11 juillet 2007 [COM(2007) 391 final].


17      Arrêt du 11 avril 2000, Deliège (C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 67 et 68).


18      Il convient de constater, à cet égard, que la création de ligues fermées (ou « semi-ouvertes ») dans le cadre de certaines disciplines sportives en Europe semble se justifier par le fait que leur popularité varie considérablement entre les différents États membres, de sorte que tant d’un point de vue sportif (notamment afin d’établir un équilibre compétitif entre les différents clubs) que d’un point de vue commercial (l’intérêt commercial pour de tels événements étant plus limité), un format de compétition limitant la participation des clubs apparaît comme étant le plus adapté.


19      Tel est le cas des ligues nationales des principaux sports américains, la National Basketball Association (NBA) pour le basketball, la National Football League (NFL) pour le football américain, la Major League Baseball (MLB) pour le baseball et la National Hockey League (NHL) pour le hockey sur glace.


20      Voir, par exemple, les projets Media Partners et Golden League.


21      Voir, notamment, arrêts du 12 décembre 1974, Walrave et Koch (36/74, EU:C:1974:140, point 8) et du 25 avril 2013, Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 45 et jurisprudence citée).


22      Voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C‑325/08, EU:C:2010:143, point 40).


23      Arrêt du 1er juillet 2008 (C‑49/07, ci-après l’« arrêt MOTOE », EU:C:2008:376, points 51 et 52).


24      Voir arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas (C‑1/12, ci‑après l’« arrêt OTOC », EU:C:2013:127, points 88 et 89).


25      Arrêt MOTOE (points 51 et 52).


26      Voir arrêt du 14 janvier 2021, Kilpailu- ja kuluttajavirasto (C‑450/19, EU:C:2021:10, point 20).


27      Arrêt MOTOE (point 21).


28      Voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2001:390, point 62).


29      Voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2005, Piau/Commission (T‑193/02, EU:T:2005:22, point 69).


30      Voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, EU:C:2002:98, point 64).


31      Arrêt du 13 juillet 2006, Manfredi e.a. (C‑295/04 à C‑298/04, EU:C:2006:461, point 40).


32      Voir arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2020:265, point 33 ainsi que jurisprudence citée).


33      Voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52, point 67 ainsi que jurisprudence citée).


34      Voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52, point 68 ainsi que jurisprudence citée).


35      Voir jurisprudence citée au point 76 des présentes conclusions.


36      Voir arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2020:265, point 52 ainsi que jurisprudence citée).


37      Voir arrêt du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 72 et jurisprudence citée).


38      Voir points 46 et 47 des présentes conclusions.


39      Arrêt OTOC (points 70 à 100).


40      Voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, EU:C:1985:327, point 19) ; du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris (161/84, EU:C:1986:41, points 16 et 17) ; du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413, points 40 et 41), ainsi que du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 21 et 24).


41      Voir point 84 des présentes conclusions.


42      Voir arrêt du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 71 et jurisprudence citée).


43      Voir arrêt du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, point 27).


44      Voir arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a. (C‑309/99, EU:C:2002:98, point 97), et du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 42).


45      Voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 1977, Metro SB-Großmärkte/Commission (26/76, EU:C:1977:167) et du 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris (161/84, EU:C:1986:41).


46      Initialement issue de l’application de l’article 101 TFUE à des accords entre entreprises, cette notion se retrouve dans le droit des concentrations. Voir, en ce sens, article 6 du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1).


47      Whish, R., et Bailey, D., Competition Law, Oxford University Press, Oxford, 2021 (10e éd.), p. 139 à 142, ainsi que Faull, N. et Nikpay A., The EU Law of Competition, Third Edition, Oxford University Press, 2014, p. 253 à 255.


48      Arrêt du 19 février 2002 (C‑309/99, EU:C:2002:98, points 86 à 94 et 97 à 110).


49      Arrêt du 18 juillet 2006 (C‑519/04 P, EU:C:2006:492).


50      Voir arrêts du 18 juillet 2013, Consiglio Nazionale dei Geologi (C‑136/12, EU:C:2013:489) ; du 4 septembre 2014, API e.a. (C‑184/13 à C‑187/13, C‑194/13, C‑195/13 et C‑208/13, EU:C:2014:2147), ainsi que du 23 novembre 2017, CHEZ Elektro Bulgaria et FrontEx International (C‑427/16 et C‑428/16, EU:C:2017:890).


51      Ce critère a été repris au point 29 de la communication de la Commission relative aux lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE [devenu article 101 TFUE] (2004/C 101/08), qui énonce qu’« [u]ne restriction est directement liée à l’opération principale si elle est subordonnée à la réalisation de cette opération et est liée à celle-ci de manière indissociable ».


52      Voir, en particulier, arrêt du 4 septembre 2014, API e.a. (C‑184/13 à C‑187/13, C‑194/13, C‑195/13 et C‑208/13, EU:C:2014:2147, points 37, 41 et 49 à 57).


53      Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106).


54      Voir arrêt du 11 avril 2000, Deliège (C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 67 et 68).


55      Ibáñez Colomo, P., « Competition Law and Sports Governance: Disentangling a Complex Relationship », World Competition (2022), n°3, vol. 45, p. 337-338.


56      Voir arrêt du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413, points 40 et 41).


57      Voir point 131 de mes conclusions dans l’affaire C‑124/21 P (International Skating Union/Commission) qui sont présentées le même jour.


58      Voir arrêts MOTOE (point 51) et OTOC (point 88).


59      Voir arrêts du 15 décembre 1994, DLG (C‑250/92, EU:C:1994:413, point 41), et du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, (C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 47).


60      Arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission (C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 41 et jurisprudence citée).


61      Voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 135).


62      Voir arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 138 et 140).


63      Voir arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, point 189).


64      Voir conclusions de l’avocat général Rantos dans l’affaire Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C‑377/20, EU:C:2021:998, points 58 et 59).


65      Voir point 46 des présentes conclusions.


66      Voir points 85 à 121 des présentes conclusions.


67      Voir points 46 et 48 des présentes conclusions.


68      Arrêt du 26 novembre 1998 (C‑7/97, EU:C:1998:569).


69      Arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569, point 41).


70      Voir points 106 à 108 des présentes conclusions.


71      Voir, notamment, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark (C‑209/10, EU:C:2012:172, points 40 à 42).


72      L’article 101, paragraphe 3, TFUE permet en effet de déclarer inapplicables les dispositions du paragraphe 1 de cet article lorsque l’accord entre entreprises contribue « à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte », à condition que ne soient pas imposées aux entreprises intéressées « des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ».


73      Voir considérant 5 et article 2 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, EU:C:1985:327, point 45), et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, points 82 et 83).


74      Voir point 17 des présentes conclusions.


75      Voir, en ce sens, également les considérants 110, 122 et 123 de la décision de la Commission du 23 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/C.2-37.398 – Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA) (JO 2003, L 291, p. 25),


76      Voir considérants 113 à 132 de la décision “Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA”.


77      Voir considérants 136 à 197 de la décision “Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA”.


78      Voir considérant 131 de la décision “Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA”.


79      Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106).


80      Voir considérants 18 et 19 de la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO 1997, L 202, p. 60).


81      Voir considérants 136 à 196 de la décision « Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA ».


82      Voir arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 39 et jurisprudence citée).


83      Voir arrêt du 11 avril 2000, Deliège (C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 43, 44, 64 et 69 ainsi que jurisprudence citée).


84      Voir arrêt du 8 mai 2003, Deutscher Handballbund (C‑438/00, EU:C:2003:255, points 54 à 56 et jurisprudence citée).


85      Il ressort de la jurisprudence citée que cette exception s’applique, principalement, à des réglementations ou des pratiques justifiées par des motifs « non économiques », tenant au caractère et au cadre spécifiques de certaines rencontres ou à la composition des équipes sportives.


86      Voir points 95 à 99 et 101 à 110 des présentes conclusions.


87      Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 86).


88      Voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C‑176/96, EU:C:2000:201, point 53).


89      Voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 60 ainsi que jurisprudence citée).


90      Voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106).


91      Voir arrêt du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C‑390/99, EU:C:2002:34).


92      Voir arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 60 et jurisprudence citée).


93      Arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 65).


94      Arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, point 66).