Language of document : ECLI:EU:C:2023:178

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 mars 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Règlement (CEE) no 2913/92 – Code des douanes communautaire – Article 195 – Article 217, paragraphe 1 – Article 221, paragraphe 1 – Tarif douanier commun – Obligations de la caution du débiteur d’une dette douanière – Modalités de communication de la dette douanière – Droits correspondant à cette dette n’ayant pas été communiqués régulièrement au débiteur de la dette – Exigibilité de la dette douanière auprès de la caution solidaire »

Dans l’affaire C‑358/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 25 mai 2022, parvenue à la Cour le 1er juin 2022, dans la procédure

Bolloré logistics SA

contre

Direction interrégionale des douanes et droits indirects de Caen,

Recette régionale des douanes et droits indirects de Caen,

Bolloré Ports de Cherbourg SAS,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún, présidente de chambre, MM. F. Biltgen et J. Passer (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Bolloré logistics SA, par Mes H. Farge, H. Hazan et C. Waquet, avocats,

–        pour le gouvernement français, par MM. G. Bain et J.-L. Carré, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et M. Salyková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 195, 217 et 221 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005 (JO 2005, L 117, p. 13) (ci–après le « code des douanes »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Bolloré Logistics SA à la direction interrégionale des douanes et droits indirects de Caen (France) et à la recette régionale des douanes et droits indirects de Caen (France) (ci-après, ensemble, l’« administration des douanes ») ainsi qu’à Bolloré Ports de Cherbourg SAS (ci-après « BPC ») au sujet du paiement d’une dette douanière pour laquelle la requérante au principal a été appelée en garantie en qualité de caution de BPC.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Le code des douanes a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90). Toutefois, en vertu de l’article 286, paragraphe 2, de ce dernier règlement, lu en combinaison avec l’article 288, paragraphe 2, de celui-ci, le code des douanes est resté applicable jusqu’au 30 avril 2016.

4        L’article 4 du code des douanes énonce :

« Aux fins du présent code, on entend par :

[...]

9)      dette douanière : l’obligation pour une personne de payer les droits à l’importation (dette douanière à l’importation) ou les droits à l’exportation (dette douanière à l’exportation) qui s’appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur ;

[...]

12)      débiteur : toute personne tenue au paiement du montant de la dette douanière ;

[...] »

5        L’article 88 du code des douanes énonce :

« Les autorités douanières peuvent subordonner le placement des marchandises sous un régime suspensif à la constitution d’une garantie en vue d’assurer le paiement de la dette douanière susceptible de naître à l’égard de ces marchandises.

Des dispositions particulières relatives à la constitution d’une garantie peuvent être prévues dans le cadre d’un régime suspensif spécifique. »

6        L’article 104 du code des douanes énonce :

« Sans préjudice de l’article 88, les autorités douanières peuvent demander à l’entreposeur de leur fournir une garantie en relation avec les responsabilités définies à l’article 101. »

7        L’article 189 du code des douanes énonce :

« 1.      Lorsque, en application de la réglementation douanière, les autorités douanières exigent la constitution d’une garantie en vue d’assurer le paiement d’une dette douanière, cette garantie doit être fournie par le débiteur ou la personne susceptible de le devenir.

[...]

3.      Les autorités douanières peuvent permettre que la garantie soit constituée par un tiers en lieu et place de la personne de laquelle la garantie a été exigée.

[...] »

8        L’article 190 du code des douanes énonce :

« 1.      Lorsque la réglementation douanière prévoit la constitution d’une garantie à titre facultatif, cette garantie est exigée à l’appréciation des autorités douanières, dans la mesure où le paiement, dans les délais prévus, d’une dette douanière née ou susceptible de naître n’est pas assuré de façon certaine.

[...] »

9        L’article 193 du code des douanes énonce :

« La garantie peut être constituée :

–        soit par un dépôt en espèces,

–        soit par une caution. »

10      L’article 195 du code des douanes dispose :

« La caution doit s’engager, par écrit, à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière dont le paiement devient exigible.

[...] »

11      L’article 217, paragraphe 1, premier alinéa, du code des douanes, figurant dans la section 1, intitulée « Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits », du chapitre 3, intitulé « Recouvrement du montant de la dette douanière », du titre VII dudit code, dispose :

« Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé “montant de droits”, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte). »

12      L’article 221, paragraphe 1, du code des douanes dispose :

« Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte. »

 Le droit français

13      Le chapitre V, intitulé « Procédure préalable à la prise de décision : le droit d’être entendu », du titre II du code des douanes français, intitulé « Organisation et fonctionnement du service des douanes », est constitué des articles 67 A à 67 D. 

14      L’article 67 A du code des douanes français, dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi no 2009-1674, du 30 décembre 2009 (JORF no 303 du 31 décembre 2009, texte no 2), dispose :

« Sous réserve des dispositions de l’article 67 B, toute décision prise en application du [code des douanes] et de ses dispositions d’application, lorsqu’elle est défavorable ou lorsqu’elle notifie une dette douanière telle que définie à l’article 4, paragraphe 9, du [code des douanes], est précédée de l’envoi ou de la remise à la personne concernée d’un document par lequel l’administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l’intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document. »

15      L’article 67 D, sous e), du code des douanes français, dans sa rédaction issue de la loi no 2009-1674, dispose :

« Le présent chapitre ne s’applique pas :

[...]

e)      Aux avis de mise en recouvrement notifiés conformément à l’article 345 du présent code aux fins de recouvrement des créances impayées à l’échéance, à l’exception de celles qui ont été constatées à la suite d’une infraction au même code ».

16      L’article 345 du code des douanes français, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi no 2002-1576, du 30 décembre 2002, de finances rectificative pour 2002 (JORF no 304 du 31 décembre 2002, texte no 2), dispose :

« Les créances de toute nature constatées et recouvrées par l’administration des douanes font l’objet d’un avis de mise en recouvrement sous réserve, le cas échéant, de la saisine du juge judiciaire.

[...] »

17      L’article 405 du code des douanes français, dans sa rédaction issue de l’article 44 de la loi no 2002-1576, dispose :

« Les cautions sont tenues, au même titre que les principaux obligés, de payer les droits et taxes, pénalités pécuniaires et autres sommes dues par les redevables qu’elles ont cautionnés. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Le 25 août 2011, la société Alpha Commodities a importé et déchargé 46 000 tonnes de sel d’Australie dans le port de Cherbourg (France). Dans l’attente de la réexportation de ces marchandises, elle a conclu avec BPC, opérateur de transport et de logistique, un contrat d’entreposage.

19      Le 21 octobre 2011, BPC a conclu avec le port de Cherbourg une convention d’occupation temporaire pour cet entreposage. Cette convention d’occupation temporaire, plusieurs fois prorogée, est demeurée en vigueur jusqu’au 30 juin 2015.

20      Le 8 décembre 2011, BPC a obtenu de l’administration des douanes une autorisation du régime de l’entrepôt douanier, permettant la suspension des droits de douane et de taxe, de la même durée de validité que la convention d’occupation temporaire. Le 9 décembre 2011, BPC a placé les marchandises sous le régime de l’entrepôt douanier.

21      Le 8 février 2016, l’administration des douanes, considérant que BPC ne disposait plus de convention d’occupation temporaire valide, a informé cette société que l’autorisation du régime de l’entrepôt douanier était annulée avec effet immédiat, et qu’elle envisageait de lui notifier la dette douanière résultant de l’ineffectivité dudit régime.

22      Le 9 mars 2016, l’administration des douanes a notifié à BPC une décision définitive de constat d’une dette douanière ainsi qu’un avis de paiement.

23      Le 21 mars 2016, l’administration des douanes a pris en compte le montant de cette dette et a adressé à BPC un avis de mise en recouvrement (ci-après « AMR ») d’un montant de 454 807 euros, dont 104 265 euros au titre des droits de douane et 350 542 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

24      Les 21 mars et 21 juin 2016, cette administration a notifié à la requérante au principal, en sa qualité de caution de BPC, deux AMR portant sur un montant global de 104 265 euros correspondant aux droits de douane garantis.

25      Par jugement du 1er octobre 2018, le tribunal de grande instance de Caen (France) a rejeté les demandes de BPC et de la requérante au principal tendant à l’annulation tant des AMR émis contre elles que des décisions de rejet, notifiées par l’administration des douanes, de leurs contestations desdits AMR.

26      Par arrêt du 10 septembre 2019, la cour d’appel de Caen (France), infirmant partiellement ce jugement à l’égard de BPC, a annulé l’AMR qui lui avait été notifié le 21 mars 2016 et a débouté l’administration des douanes de toutes ses demandes dirigées contre cette société. Cette juridiction a notamment rappelé que, en application des articles 217 et 221 du code des douanes et de l’article 345 du code des douanes français, la communication du montant des droits doit, pour être régulière, avoir été précédée de sa prise en compte et que, pour être recouvrés par le biais d’un AMR, les droits doivent avoir été régulièrement communiqués au débiteur de la dette douanière, ce qui suppose qu’ils aient été constatés. Tel n’ayant pas été le cas en l’espèce, la communication des droits faite à BPC était irrégulière.

27      Concernant la requérante au principal, la cour d’appel de Caen a, par le même arrêt, confirmé le jugement la condamnant à payer à l’administration des douanes, au titre de son engagement de caution, les droits de douane réclamés à BPC. Selon cette juridiction, ni l’article 221 du code des douanes ni l’article 67 A du code des douanes français ne s’applique à la caution, mais ils s’appliquent seulement au débiteur de la dette douanière.

28      La juridiction de renvoi, la Cour de cassation (France), relève que, à la date de notification des AMR à la requérante au principal, les droits en cause avaient été pris en compte au sens de l’article 217 du code des douanes, mais qu’ils n’avaient pas été régulièrement communiqués à BPC, débitrice de la dette douanière, au sens de l’article 221 de ce code. Elle souligne que c’est, ainsi, la notion d’« exigibilité d’une dette douanière » qui est en cause et elle se demande si l’irrégularité de la communication des droits au débiteur, faute de prise en compte préalable, laquelle irrégularité interdit leur recouvrement auprès de ce dernier, ne constitue pas une exception personnelle à celui-ci, dont la caution ne saurait se prévaloir, ou bien si la dette douanière n’est exigible à l’égard de la caution que si elle l’est à l’égard du débiteur.

29      En outre, la Cour de cassation se demande si le fait que, conformément à l’article 67 D du code des douanes français, la notification d’un AMR en application de l’article 345 de ce code ne soit pas précédée d’une phase d’échanges contradictoires ne porte pas atteinte aux droits de la défense de la caution.

30      C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les articles 195, 217 et 221 du code des douanes doivent-ils être interprétés en ce sens que l’administration des douanes ne peut pas exiger de la caution solidaire le paiement d’une dette douanière tant que les droits n’ont pas été régulièrement communiqués au débiteur ?

2)      a)      Le respect des droits de la défense, notamment le droit de présenter des observations avant tout acte faisant grief, qui constitue un principe fondamental du droit de l’Union, implique-t-il que, lorsque, faute de paiement par le débiteur de la dette douanière dans le délai imparti, son recouvrement en est poursuivi auprès de la caution, l’administration des douanes doit mettre préalablement la caution en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision de la poursuivre en paiement ?

b)      Le fait que le débiteur de la dette douanière ait lui-même été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant la communication des droits est-il de nature à influer sur la réponse à la [seconde question, sous a)] ?

c)      En cas de réponse positive à la [seconde question, sous a)], quelle est la décision faisant grief à la caution qui doit être précédée d’une phase d’échanges contradictoires : la décision de l’administration des douanes de prendre en compte les droits et de les notifier au débiteur de la dette douanière, ou la décision de poursuivre la caution en paiement ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

31      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 195, l’article 217, paragraphe 1, et l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières ne peuvent pas exiger de la caution visée audit article 195 le paiement d’une dette douanière tant que le montant des droits n’a pas été régulièrement communiqué au débiteur.

32      Tout d’abord, il convient de rappeler qu’il résulte de la formulation de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes que la « prise en compte », qui, selon l’article 217, paragraphe 1, dudit code, consiste dans l’inscription du montant des droits, par les autorités douanières, dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu, doit nécessairement précéder la communication au débiteur du montant des droits à l’importation ou des droits à l’exportation (arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C‑264/08, EU:C:2010:43, point 26 et jurisprudence citée).

33      La Cour a, en effet, jugé qu’un tel déroulement chronologique des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits, consacré par l’intitulé même de la section 1 du chapitre 3 du titre VII du code des douanes, à savoir « Prise en compte et communication au débiteur du montant des droits », doit être respecté sous peine de générer des différences de traitement entre les redevables et de nuire, par ailleurs, au fonctionnement harmonieux de l’union douanière (arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C‑264/08, EU:C:2010:43, point 27 et jurisprudence citée).

34      La Cour en a conclu que l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes doit être interprété en ce sens que la communication par les autorités douanières au débiteur, selon les modalités appropriées, du montant des droits à l’importation ou à l’exportation à payer ne peut être valablement effectuée que si le montant de ces droits a été préalablement pris en compte par lesdites autorités (arrêt du 28 janvier 2010, Direct Parcel Distribution Belgium, C‑264/08, EU:C:2010:43, point 28 et jurisprudence citée).

35      Il s’ensuit que, lorsque le montant des droits n’a pas été régulièrement communiqué au débiteur faute d’avoir été pris en compte au préalable – hypothèse qui correspond aux faits de l’affaire au principal dès lors qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle que la prise en compte fut postérieure à la communication à BPC du montant des droits –, la dette douanière ne devient pas exigible à l’égard du débiteur.

36      C’est d’ailleurs, ainsi que cela ressort de la demande de décision préjudicielle, pour ce motif que l’administration des douanes fut, dans l’affaire au principal, déboutée de ses demandes dirigées contre BPC.

37      Ensuite, s’agissant de la question de savoir si le paiement d’une dette douanière non exigible auprès de son débiteur peut néanmoins être réclamé à la caution, il convient, en premier lieu, d’observer que, si le droit de l’Union ne régit pas le contrat de cautionnement, la Cour a constaté que ce n’est qu’en présence d’une dette due par le débiteur que la caution dudit débiteur peut être appelée en garantie par le créancier.

38      En effet, la Cour a relevé, en substance, que, selon les principes généraux qui se dégagent des systèmes juridiques des États membres, un contrat de cautionnement se présente comme une opération triangulaire, par laquelle la caution s’engage à l’égard du créancier à satisfaire aux obligations souscrites par le débiteur, au cas où celui-ci n’y satisfait pas lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice foncière TIARD, C‑266/01, EU:C:2003:282, point 27).

39      La Cour a observé qu’un tel contrat crée une obligation nouvelle, à la charge de la caution, de garantir l’exécution de l’obligation principale dont est tenu le débiteur, et que la caution ne se substitue pas au débiteur, mais garantit seulement le paiement de la dette de ce dernier, selon les conditions précisées au contrat de cautionnement ou prévues par la loi (arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice foncière TIARD, C‑266/01, EU:C:2003:282, point 28).

40      L’obligation ainsi créée présente un caractère accessoire, en ce sens que, d’une part, la caution ne peut être poursuivie par le créancier que si la dette cautionnée est exigible et, d’autre part, l’obligation assumée par la caution ne peut être plus étendue que celle du débiteur (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2003, Préservatrice foncière TIARD, C‑266/01, EU:C:2003:282, point 29 et jurisprudence citée).

41      Plus récemment, la Cour a réitéré que le contrat de cautionnement est un contrat distinct de celui qui lie le créancier au débiteur, par lequel la caution, qui est une personne tierce à cette dernière relation contractuelle, a pour rôle de garantir au créancier le paiement de ce que le débiteur pourra devoir à ce dernier au titre de l’obligation cautionnée, laquelle est constituée de la dette due par le débiteur au créancier (arrêt du 2 septembre 2021, CRCAM, C‑337/20, EU:C:2021:671, point 58).

42      Il convient, en second lieu, de rappeler que, de manière cohérente avec les constatations opérées par la Cour s’agissant du contrat de cautionnement, l’article 195 du code des douanes expose que la caution doit s’engager, par écrit, à payer solidairement avec le débiteur le montant garanti de la dette douanière « dont le paiement devient exigible ».

43      Il résulte donc des considérations qui précèdent, d’une part, que la dette douanière n’est pas exigible à l’égard du débiteur en l’absence d’une prise en compte préalable du montant des droits de douane sans laquelle la communication dudit montant audit débiteur n’est pas régulière et, d’autre part, que la caution ne saurait être tenue de garantir le paiement de ladite dette tant que celle-ci n’est pas devenue exigible à l’égard du débiteur.

44      Dans ces conditions, il convient de répondre à la première question que l’article 195, l’article 217, paragraphe 1, et l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières ne peuvent pas exiger de la caution visée audit article 195 le paiement d’une dette douanière tant que le montant des droits n’a pas été régulièrement communiqué au débiteur.

 Sur la seconde question

45      Compte tenu de la réponse à la première question et du fait que, selon la décision de renvoi, l’administration des douanes est définitivement déboutée de toutes ses demandes à l’égard de BPC et que cette société n’est, dès lors, en défaut de paiement d’aucune dette douanière que cette administration pourrait chercher à recouvrer auprès de la requérante au principal en sa qualité de caution, la seconde question apparaît, en ses différents éléments, manifestement hypothétique. Or, la Cour ne saurait statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale lorsqu’il apparaît manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou que le problème soulevé est de nature hypothétique (arrêt du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations, C‑680/20, EU:C:2023:33, point 19 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que la seconde question est irrecevable.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 195, l’article 217, paragraphe 1, et l’article 221, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 648/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 2005,


doivent être interprétés en ce sens que :

les autorités douanières ne peuvent pas exiger de la caution visée audit article 195 le paiement d’une dette douanière tant que le montant des droits n’a pas été régulièrement communiqué au débiteur.

Arastey Sahún

Biltgen

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2023.

Le greffier

 

La présidente de chambre

A. Calot Escobar

 

M. L. Arastey Sahún


*      Langue de procédure : le français.