Language of document : ECLI:EU:C:2023:407

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

11 mai 2023 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑15/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 17 janvier 2023,

Arne-Patrik Heinze, demeurant à Hambourg (Allemagne), représenté par Me N. Dauskardt, Rechtsanwalt,

partie requérante,

Les autres parties à la procédure étant :

L’Oréal, établie à Paris (France),

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. D. Gratsias et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. N. Emiliou, entendu, rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Arne-Patrik Heinze demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 novembre 2022, L'Oréal/EUIPO – Heinze (K K WATER) (T‑610/21, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:700), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 21 juin 2021 (affaire R 2327/2020-2), relative à une procédure d’opposition entre M. Heinze et L’Oréal.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonnée à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant fait valoir que le moyen unique de son pourvoi, divisé en quatre branches, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), soulève des questions importantes pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, justifiant, selon lui, son admission.

7        Par la première branche de son moyen unique, le requérant, en s’appuyant sur l’arrêt du 22 octobre 2015, BGW (C‑20/14, EU:C:2015:714, point 35), reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, en ne tenant pas compte, dans le cadre de la comparaison des signes, du caractère dominant de la lettre majuscule « K » au sein des marques en conflit et en omettant d’aborder la question de l’incidence de ce caractère dominant sur, d’une part, l’effet produit par les signes sur les consommateurs et, d’autre part, leur similitude.

8        Le requérant ajoute que l’erreur de droit commise par le Tribunal soulève la question fondamentale de savoir comment les éléments dominants des marques doivent être traités lorsque ces éléments sont constitués d’une seule lettre. Le fait que le Tribunal constate qu’un élément est dominant, mais ne tient aucunement compte de cette dominance, risquerait de remettre en cause la jurisprudence de la Cour et, donc, de créer une incohérence au sein du droit des marques de l’Union.

9        Par la deuxième branche de son moyen unique, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation du rôle joué par l’élément « k water » figurant dans la marque demandée. En effet, le Tribunal aurait examiné cet élément séparément de la marque prise dans son ensemble et aurait constaté que, considéré isolément, ledit élément n’avait pas de caractère descriptif. À cet égard, le requérant souligne la nécessité d’une appréciation globale en invoquant l’arrêt du 30 mai 2018, Tsujimoto/EUIPO (C‑85/16 P et C‑86/16 P, EU:C:2018:349, points 58 et 59), en vertu de laquelle le Tribunal serait tenu de statuer sur la manière dont les consommateurs comprendraient l’élément « k water » au regard de la marque prise dans son ensemble.

10      La violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ainsi commise par le Tribunal compromettrait l’unité du droit des marques de l’Union. À cet égard, il fait valoir que, si les décisions en matière de marques devaient se fonder sur l’appréciation isolée des éléments composant une marque, sans replacer ces derniers dans le contexte de la marque dans son ensemble, cela risquerait de rendre la pratique judiciaire totalement arbitraire.

11      Par la troisième branche de son moyen unique, le requérant allègue que le Tribunal a, au point 66 de l’arrêt attaqué, fait une application erronée des critères déterminants pour l’appréciation du risque de confusion. En effet, alors que le Tribunal aurait constaté que les produits en cause sont identiques, que les marques en conflit présentent, au minimum, un faible degré de similitude visuelle et phonétique et que la marque antérieure présente un caractère distinctif moyen, il aurait tout de même rejeté la possibilité qu’il puisse exister un quelconque risque de confusion, sans fournir de motivation détaillée.

12      Par la quatrième branche de son moyen unique, le requérant soutient que, au point 68 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a nié le caractère distinctif moyen de la marque antérieure, en s’appuyant sur le fait que des lettres individuelles ne sauraient bénéficier d’un monopole. Or, toutes les formes de marques devraient être traitées de la même manière.

13      Selon le requérant, l’approche du Tribunal risque de porter atteinte à l’unité de la jurisprudence, dans la mesure où celui-ci a reconnu, dans un certain nombre de cas, l’existence d’un risque de confusion entre des marques composées d’une seule lettre en dépit de différences dans leur représentation, lorsque, à tout le moins, les produits sont identiques, qu’il existe une faible similitude entre les marques en conflit et que la marque antérieure présente un caractère distinctif moyen. Il incomberait ainsi à la Cour d’établir des principes directeurs et des modalités d’appréciation du risque de confusion s’agissant des marques composées d’une seule lettre.

14      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20 et jurisprudence citée).

15      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 30 janvier 2023, bonnanwalt/EUIPO, C‑580/22 P, EU:C:2023:126, point 11).

16      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, ordonnance du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22 et jurisprudence citée).

17      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

18      En l’occurrence, s’agissant des quatre branches du moyen unique résumées aux points 7 à 13 de la présente ordonnance, qui peuvent être examinées conjointement, il convient de constater que, si le requérant identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’il n’explique pas à suffisance ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs de droit, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifieraient l’admission du pourvoi (voir, en ce sens, ordonnance du 8 novembre 2022, Mandelay/EUIPO, C‑405/22 P, non publiée, EU:C:2022:860, point 16).

19      S’agissant de l’argumentation du requérant fondée sur la méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence et de celle de la Cour, il y a lieu de rappeler qu’une allégation générale selon laquelle le Tribunal aurait appliqué sa propre jurisprudence ou celle de la Cour de manière erronée n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 6 avril 2022, Sanford/EUIPO, C‑19/22 P, non publiée, EU:C:2022:262, point 18 et jurisprudence citée).

20      Or, il suffit de constater que si le requérant précise les points de l’arrêt attaqué contestés et ceux des décisions de la Cour et du Tribunal qui auraient été méconnus, elle ne fournit pas suffisamment d’indications sur la similitude des situations visées dans ces décisions, permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (ordonnance du 6 avril 2022, Sanford/EUIPO, C‑19/22 P, non publiée, EU:C:2022:262, point 19 et jurisprudence citée).

21      En effet, le requérant se borne à indiquer que le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence ou celle de la Cour dans des affaires similaires, sans plus de précisions.

22      En ce qui concerne l’argumentation du requérant visant à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal, il importe de rappeler qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 17 octobre 2022, SFD/EUIPO, C‑383/22 P, non publiée, EU:C:2022:799, point 15).

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par le requérant n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que le requérant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      M. Arne-Patrik Heinze supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.