Language of document : ECLI:EU:C:2023:580

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

13 juillet 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Prestations de services effectuées à titre onéreux – Organismes de droit public – Commune percevant une taxe de séjour pour la mise à disposition d’installations thermales accessibles à tous »

Dans l’affaire C‑344/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 15 décembre 2021, parvenue à la Cour le 27 mai 2022, dans la procédure

Gemeinde A

contre

Finanzamt,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. I. Jarukaitis et Z. Csehi (rapporteur), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Gemeinde A, par Mes G. Burret et N. Katemann, Rechtsanwältinnen,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et N. Scheffel, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. B. Martenczuk, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), et de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Gemeinde A (commune A, Allemagne) au Finanzamt (administration des finances, Allemagne), au sujet du droit de la commune A à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) payée en amont.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

4        Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5        L’article 13, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

[...] »

6        L’article 168 de la même directive est libellé comme suit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

 Le droit allemand

7        L’article 1er de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG »), prévoit, à son paragraphe 1 :

« Sont assujetties à la TVA les opérations suivantes :

1.      les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux sur le territoire national par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise. La taxation n’est pas exclue du fait que l’opération est effectuée sur le fondement d’un acte légal ou administratif ou qu’elle est considérée comme effectuée en vertu d’une disposition légale ;

[...] »

8        Aux termes de l’article 2 de l’UStG :

« (1)      Est entrepreneur celui qui exerce d’une façon indépendante une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle. L’entreprise comprend l’ensemble de l’activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle de l’entrepreneur. On entend par activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle toute activité permanente exercée en vue de réaliser des bénéfices, même si l’intention lucrative fait défaut ou qu’un groupement de personnes n’exerce ses activités qu’à l’égard de ses membres.

[...]

(3)      Les personnes morales de droit public n’exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle que dans le cadre de leurs établissements à caractère industriel ou commercial [...] et de leurs exploitations agricoles ou sylvicoles. [...] »

9        L’article 12 de l’UStG dispose, à son paragraphe 2 :

« La taxe est réduite à sept pour cent pour les opérations suivantes :

[...]

9.      les opérations directement liées à l’exploitation de piscines ainsi que l’administration de bains thermaux. Il en va de même pour la mise à disposition d’installations thermales, pour autant qu’une taxe de séjour doive être acquittée à titre de rémunération ; [...] »

10      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la Gemeindeordnung für Baden-Württemberg (code des communes du Bade-Wurtemberg), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « GemO ») :

« Les communes peuvent réglementer par statut les affaires relevant de l’autonomie communale, pour autant que les lois ne contiennent pas de dispositions à cet égard. [...] »

11      L’article 10, paragraphes 2 et 3, de la GemO est libellé comme suit :

« (2)      La commune crée, dans les limites de sa capacité de financement, les équipements publics nécessaires au bien-être économique, social et culturel de ses résidents. Les résidents ont le droit, dans le cadre des dispositions applicables, d’utiliser les installations publiques de la commune selon les mêmes principes. Ils sont tenus de supporter les charges communales.

(3)      Les personnes qui possèdent un bien immobilier ou qui exercent une activité commerciale dans la commune et qui n’y résident pas sont autorisées de la même manière à utiliser les équipements publics qui existent dans la commune pour les personnes qui y possèdent un bien immobilier ou y exercent une activité commerciale et sont tenues de contribuer aux charges communales pour leur bien immobilier ou leur activité commerciale. »

12      L’article 2 du Kommunalabgabengesetz für Baden-Württemberg (loi sur les taxes communales du Bade-Wurtemberg), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les taxes communales sont collectées sur la base d’un statut. Le statut doit déterminer notamment le cercle des débiteurs, l’objet, le barème et le taux de la taxe ainsi que les critères déterminant la naissance et l’exigibilité de la dette y afférente. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      La requérante au principal est une commune comportant une station climatique agréée par l’État. L’établissement thermal de celle-ci est géré, en vertu du droit communal, sous forme de « régie » et constitue, au regard des dispositions applicables en matière d’impôt sur les sociétés, une entreprise de nature commerciale.

14      À ce titre, la requérante au principal collecte une taxe de séjour, conformément à l’article 4 de la GemO, lu conjointement avec le statut visé à l’article 2 de la loi sur les taxes communales de Bade-Wurtemberg (ci-après le « statut communal »), pour couvrir ses dépenses, engagées pour la réalisation et l’entretien des installations mises à disposition à des fins de cure et de détente ainsi que pour les manifestations organisées à cet effet.

15      Sont assujettis à la taxe de séjour, premièrement, les personnes non-résidentes qui séjournent dans la commune et à qui est offerte la possibilité d’utiliser ces installations et de participer auxdites manifestations, deuxièmement, les résidents de la commune qui ont le centre de leurs relations personnelles dans une autre commune et, troisièmement, les personnes non-résidentes de la commune qui séjournent dans la commune pour des raisons professionnelles afin de participer à des congrès ou à d’autres manifestations (ci-après, ensemble, les « débiteurs de la taxe de séjour »). En revanche, la taxe de séjour n’est pas collectée auprès des visiteurs d’un jour, des non-résidents ou des résidents qui travaillent ou suivent une formation dans la commune.

16      La taxe de séjour est fixée, pour les personnes non-résidentes, à un certain montant par jour de séjour et, pour les personnes résidentes qui y sont assujetties, à un montant forfaitaire annuel dû indépendamment de la durée, de la fréquence ainsi que de la saison de leur séjour.

17      Il est indiqué, dans la demande de décision préjudicielle, que quiconque héberge des personnes à titre onéreux, exploite un camping ou met son logement à la disposition de personnes non-résidentes de la commune à titre onéreux, en tant que logement de vacances, est tenu de déclarer l’arrivée et le départ de ces personnes dans les trois jours suivant leur arrivée et leur départ. En outre, les voyagistes sont tenus de procéder à une déclaration aux fins de la taxe de séjour lorsque cette taxe est incluse dans la contrepartie à acquitter par le participant au voyage.

18      La requérante au principal a financé, grâce aux recettes provenant de la collecte de cette taxe, au cours des années allant de 2009 à 2012 (ci‑après les « années litigieuses »), la construction, l’entretien et la rénovation notamment du parc thermal, de la salle de cure et de sentiers (ci-après, ensemble, les « installations thermales »). Ces installations sont librement accessibles à tous, une carte de séjour n’étant pas nécessaire pour y entrer.

19      Considérant, dans ses déclarations de TVA pour les années litigieuses, que la taxe de séjour constituait la rémunération d’une activité assujettie à la TVA, à savoir l’exploitation d’un établissement thermal, la requérante au principal a demandé la déduction de la TVA payée pour toutes les prestations qui lui avaient été fournies en amont et qui étaient liées au tourisme.

20      Dans le cadre d’un contrôle fiscal effectué sur place par la défenderesse au principal, le contrôleur a, notamment, écarté les montants de la TVA payée en amont qui n’étaient pas liés à l’exploitation de l’établissement thermal et a pris en compte les montants de la TVA payée en amont qui concernaient la salle de cure uniquement pour autant que celle-ci était donnée à bail. Le 20 mars 2015, la défenderesse au principal a émis des avis modificatifs de TVA conformes à ces constatations.

21      À la suite d’une décision administrative de rejet adoptée dans le cadre d’une procédure de réclamation préalable, la requérante au principal a introduit un recours devant le Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances de Bade-Wurtemberg, Allemagne).

22      Par un arrêt du 18 octobre 2018, cette juridiction a rejeté ce recours, en jugeant, pour l’essentiel, que la requérante au principal n’avait pas agi en tant qu’entrepreneur lors de son activité ayant donné lieu à la collecte de la taxe de séjour. Elle a relevé que, étant donné que l’exploitation des installations thermales en contrepartie d’une taxe de séjour ne constituait pas une activité exercée en tant qu’entrepreneur, les opérations déclarées résultant de la collecte de cette taxe n’étaient pas susceptibles d’être assujetties à la TVA et que, par conséquent, la déduction de la TVA payée en amont initialement accordée par la défenderesse au principal devait être refusée. Elle a toutefois rappelé l’interdiction de fixer la taxe d’une manière défavorable (reformatio in pejus) à l’égard de la requérante.

23      La requérante au principal a formé un recours en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), qui est la juridiction de renvoi.

24      En premier lieu, cette juridiction se demande s’il convient ou non de conclure à l’existence de prestations de services effectuées à titre onéreux en l’occurrence, tout en précisant qu’elle penche pour une réponse négative. En effet, les installations thermales peuvent être utilisées gratuitement également par des personnes qui ne sont pas assujetties à la taxe de séjour. De ce point de vue, le bénéficiaire de la prestation reçue en contrepartie de la taxe de séjour n’est pas identifiable, puisque la personne assujettie à cette taxe n’a reçu, par rapport au public pouvant également utiliser ces installations gratuitement, aucun avantage concret susceptible de faire l’objet d’une consommation et allant au-delà de l’avantage reçu par ce public. Cependant, ladite juridiction nourrit des doutes quant à la question de savoir s’il convient de considérer, de manière isolée, le rapport juridique entre la requérante au principal et les curistes. En effet, en vertu du statut communal, ces derniers paient un certain montant de taxe de séjour par jour de séjour pour la mise à disposition des installations thermales. Ainsi, les paiements se présentent en tant que contrepartie de la possibilité d’utiliser ces installations thermales. Enfin, la même juridiction fait remarquer qu’il n’est pas exclu que l’on soit en présence d’une activité durablement déficitaire, compte tenu du fait que la taxe de séjour ne couvre pas les frais d’exploitation des installations thermales.

25      En second lieu, dans la mesure où il conviendrait de répondre par l’affirmative à la question énoncée au point précédent du présent arrêt, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la question de savoir si, afin de déterminer l’existence de « distorsions de concurrence d’une certaine importance », au sens de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive TVA, l’examen devrait concerner non seulement le territoire de la requérante au principal, mais aussi les communes voisines, le Land de Bade-Wurtemberg (Allemagne) ou le territoire fédéral.

26      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, une commune qui, en vertu d’un statut communal, collecte auprès des visiteurs séjournant dans la commune (curistes), pour la mise à disposition d’installations thermales (notamment, un parc thermal, une salle de cure, des sentiers), une “taxe de séjour” (d’un certain montant par jour de séjour) exerce-t-elle, par la mise à disposition des installations thermales aux curistes en contrepartie du paiement de la taxe de séjour, une activité économique au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [directive TVA], alors même que les installations thermales sont, quoi qu’il en soit, librement accessibles à tous (et donc, notamment, également aux résidents non assujettis à la taxe de séjour ou à d’autres personnes non assujetties à cette taxe) ?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative : dans les circonstances susmentionnées de l’affaire au principal, lors de l’examen du point de savoir si le non‑assujettissement de la commune conduirait à des “distorsions de concurrence d’une certaine importance” au sens de l’article 13, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la [directive TVA], le marché géographique pertinent se limite-t-il au territoire de la commune ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      Dans la mesure où la juridiction de renvoi vise, dans le libellé de la première question, la notion d’« activité économique », il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive TVA, est considéré comme « assujetti » quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité. Conformément à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, est considérée comme « activité économique » toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées.

28      Or, selon une jurisprudence constante, une activité peut être qualifiée d’activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA, uniquement si elle correspond à l’une des opérations visées à l’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA (arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

29      Dès lors, afin de déterminer si la mise à disposition des installations thermales dans des conditions telles que celles de l’affaire en cause au principal constitue une activité économique au sens de l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive TVA et, par conséquent, si la requérante au principal a la qualité d’assujettie au sens de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, il convient d’abord d’établir si, dans le cadre de cette mise à disposition, elle a accompli une opération de prestation de services effectuée à titre onéreux visée à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Geemente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C‑520/14, EU:C:2016:334, point 22).

30      Dans la mesure où les éléments fournis par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle permettent de considérer qu’est bien en cause, dans l’affaire au principal, une prestation de services, il y a lieu de vérifier si celle-ci peut être considérée comme étant fournie par la requérante au principal à titre onéreux ainsi que l’exige l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la même directive (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Geemente Borsele et Staatssecretaris van Financiën, C‑520/14, EU:C:2016:334, point 23).

31      Il convient donc de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constitue une « prestation de services effectuée à titre onéreux », au sens de cette disposition, la mise à disposition d’installations thermales par une commune, lorsque cette dernière, en vertu d’un statut communal, collecte une taxe de séjour d’un certain montant par jour de séjour auprès des visiteurs séjournant dans la commune, alors que ces installations sont librement et gratuitement accessibles à tous.

32      L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA prévoit que sont soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

33      Une prestation de services n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue (arrêt du 20 janvier 2022, Apcoa Parking Danmark, C‑90/20, EU:C:2022:37, point 27 et jurisprudence citée).

34      Or, il n’apparaît pas qu’il existe un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées entre, d’une part, une commune qui, en vertu d’un statut communal, collecte une taxe de séjour d’un certain montant par jour de séjour auprès des visiteurs séjournant sur son territoire et, d’autre part, ces visiteurs, qui ont le droit d’utiliser les installations thermales mises à disposition par cette commune, lesquelles sont librement accessibles à tous, y compris aux personnes non assujetties à cette taxe.

35      En effet, la rétribution perçue par la commune, à savoir la taxe de séjour, ne saurait être considérée comme résultant de la fourniture d’un service, à savoir la mise à disposition des installations thermales, dont elle constituerait la contre-valeur directe.

36      À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un lien direct existe lorsque deux prestations se conditionnent mutuellement, à savoir que l’une n’est effectuée qu’à la condition que l’autre le soit également, et réciproquement (arrêt du 11 mars 2020, San Domenico Vetraria, C‑94/19, EU:C:2020:193, point 26 et jurisprudence citée).

37      Or, l’obligation de verser la taxe de séjour s’impose à l’égard des débiteurs de cette taxe en vertu du statut communal qui détermine également le montant de ladite taxe (voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2017, SAWP, C‑37/16, EU:C:2017:22, point 28).

38      Surtout, l’obligation d’acquitter la taxe de séjour est liée non pas à l’utilisation, par les personnes soumises à cette obligation, des installations thermales mises à disposition par la commune, mais au séjour sur le territoire de la commune, quels que soient les motifs qui le justifient. Ainsi, les visiteurs séjournant dans la commune sont obligés d’acquitter ladite redevance, y compris lorsqu’ils y séjournent pour d’autres motifs, tels que la visite à des membres de leur famille ou à des connaissances qui y résident, et n’ont pas l’intention d’utiliser les installations thermales (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 2016, Český rozhlas, C‑11/15, EU:C:2016:470, points 25 et 26).

39      Par ailleurs, si les débiteurs de la taxe de séjour ont la possibilité d’utiliser les installations thermales, ces installations sont toutefois librement et gratuitement accessibles à toute personne, y compris au résident ou au visiteur d’un jour, qu’elle soit ou non tenue de payer la taxe de séjour. Ainsi, les débiteurs de la taxe de séjour ne bénéficient pas d’autres avantages que ceux dont les personnes utilisant ces installations thermales et n’étant pas assujetties à la même taxe bénéficient.

40      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que ne constitue pas une « prestation de services à titre onéreux », au sens de cette disposition, la mise à disposition d’installations thermales par une commune, lorsque cette dernière, en vertu d’un statut communal, collecte une taxe de séjour d’un certain montant par jour de séjour auprès des visiteurs séjournant dans la commune, alors que l’obligation d’acquitter cette taxe est liée non pas à l’utilisation de ces installations, mais au séjour sur le territoire communal et que lesdites installations sont librement et gratuitement accessibles à tous.

 Sur la seconde question

41      Dans la mesure où la juridiction de renvoi précise que, d’une part, si la réponse à la première question préjudicielle est négative, le recours devra être rejeté et, d’autre part, la seconde question préjudicielle n’est posée que si la réponse à la première question est affirmative, il n’est pas nécessaire de répondre à la seconde question préjudicielle.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doit être interprété en ce sens que :

ne constitue pas une « prestation de services à titre onéreux », au sens de cette disposition, la mise à disposition d’installations thermales par une commune, lorsque cette dernière, en vertu d’un statut communal, collecte une taxe de séjour d’un certain montant par jour de séjour auprès des visiteurs séjournant dans la commune, alors que l’obligation d’acquitter cette taxe est liée non pas à l’utilisation de ces installations, mais au séjour sur le territoire communal et que lesdites installations sont librement et gratuitement accessibles à tous.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.